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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 11 février
1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi autorisant le gouvernement à
créer une dette flottante au moyen de bons du trésor (Dumont)
3) Motion d’ordre relative à l’état des
négociations diplomatiques et à la libre circulation sur l’Escaut (Osy, de Robaulx)
4) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, à une demande d’indemnité d’une victime des événements
révolutionnaires (Rogier, Gendebien,
de Brouckere), à l’impôt des distilleries (de Robaulx), à un demande de secours d’un volontaire de
septembre (Allognier) (Gendebien, Levae,
Rogier, Gendebien), à des
créances dues par l’armée française en 1831 (Gendebien,
F. de Mérode, Brabant, A. Rodenbach, Evain), à une
demande en réparation pour des dégâts commis en 1829 par le génie militaire (Rogier, d’Huart, Gendebien, de Brouckere), à
l’indemnisation des agents du cadastre (de Robaulx, d’Huart, Duvivier, de Robaulx, Dumortier, Gendebien, A. Rodenbach, d’Huart)
5) Motion d’ordre relative à l’état des
négociations diplomatiques, la libre circulation sur l’Escaut et/ou jugement
Tornaco (Osy, Goblet, Gendebien, Dumortier, Lebeau, Osy, de
Brouckere, de Foere, Gendebien,
Lebeau, Evain, Gendebien, Nothomb, d’Hoffschmidt,
Lebeau, de Brouckere,
Nothomb, Gendebien)
(Moniteur belge n°44, du 13 février 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques fait l’appel nominal à deux heures et demie.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est
adoptée.
MM. les ministres de la
guerre, de la justice, des finances, de l’intérieur, sont à leur banc.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
Les pièces adressé1es à la
chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A CREER UNE
DETTE FLOTTANTE AU MOYEN DE BONS DU TRESOR
M. Dumont, rapporteur de la commission spéciale chargée de l’examen de la
loi relative à la création des bons du trésor, est appelé à la tribune. - La
commission, dit l’honorable rapporteur, a considéré le projet de loi relatif
aux bons du trésor, sous deux rapports. Elle a d’abord considérer l’émission
des bons comme le moyen le plus convenable d’assurer les paiements du trésor,
chose si essentielle au crédit, et qui doit procurer à l’administration de
grands avantages dans ses transactions avec les fournisseurs. Le trésor éprouve
maintenant plus ou moins de gêne, par suite du retard dans les rentrées de
l’impôt ; il est donc urgent de remédier à cet inconvénient, et c’est ce que
nous proposons par le projet que je vais avoir l’honneur de vous soumettre.
L’autre rapport sous lequel la
commission a considéré le projet de loi, c’est d’élever les recettes au niveau
des dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires, pour l’exercice 1833. Sur ce
point cependant il s’est élevé quelque divergence d’opinions dans le sein de la
commission. On ne désespère pas néanmoins de ramener les opinions à une pensée
commune ; mais il faut de nouveaux éclaircissements ; on doit approfondir la
matière, faire des recherches nouvelles, et la commission vous présentera son
travail aussitôt qu’il sera terminé.
En attendant, voici le projet
d’urgence qu’elle vous propose d’adopter. C’est celui de l’honorable M. Meeus.
« Léopold, Roi des
Belges,
« A tous présents et à
venir, salut.
« Nous avons, de commun
accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1. Le gouvernement
est autorisé à émettre chaque année des bons du trésor à échéances fixes.
« Art. 2. L’émission des
bons du trésor pourra se renouveler plusieurs fois dans le courant de l’année, de
manière cependant qu’il n’en soit jamais maintenu en circulation pour une somme
dépassant celle de 15 millions de francs.
« Art. 3. Les bons du
trésor seront soumis, préalablement à leur émission au visa de la cour des
comptes.
« Art. 4. Le gouvernement
pourra racheter les bons du trésor.
« Art. 5. Il sera rendu
un compte spécial aux chambres de toutes les opérations relatives à la
négociation des bons du trésor.
« Mandons et ordonnons,
etc. »
Vous remarquerez, messieurs,
qu’il y a deux changements importants : l’un dans l’article 2, l’autre dans
l’addition de l’article 4. Dans ce dernier article on a mis : « Le
gouvernement pourra racheter les bons du trésor. » On avait considéré
cette disposition comme superflue, parce qu’il suffisait, disait-on, que le
rachat ne fût pas interdit pour qu’il fût permis, mais des doutes élevés à cet
égard ont déterminé à mettre une disposition expresse dans la loi.
M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’ETAT DES NEGOCIATIONS
DIPLOMATIQUES
M. Osy. - Messieurs, ayant reçu une nouvelle très importante
et très fâcheuse pour le commerce d’Anvers, par conséquent pour le pays, je
demanderai que M. le ministre des affaires étrangères soit engagé à se rendre
dans le sein de l’assemblée. J’ai des interpellations à lui adresser. (Appuyé ! appuyé !)
M. le président. - M. le ministre des affaires étrangères va être
invité à se rendre dans la chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - M. le ministre
des affaires étrangères est en ce moment chez le Roi, où il vient d’être
appelé.
M. de Robaulx. - Il faut toujours écrire au ministre ; il fera
connaître s’il est empêché.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
L’ordre du jour appelle à la
tribune les rapporteurs de la commission des pétitions.
M. Helias
d’Huddeghem, l’un des rapporteurs de
la commission, a la parole. II entretient la chambre des pétitions suivantes :
« Le sieur E. Keller,
capitaine au 8ème régiment d’infanterie, natif de Zurich (Suisse) renouvelle sa
demande de naturalisation adressée au gouvernement provisoire. »
La commission propose le
renvoi de la pétition à la commission de naturalisation.
M. de Robaulx. - Si la commission de naturalisation avait terminé
son travail, elle devrait faire son rapport.
M. Fleussu. - La section centrale s’est réunie ce matin ; son
travail est terminé, et il sera présenté incessamment.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le
sieur J.-J. Van den Hove, à Bruxelles, réclame le paiement de l’indemnité qui
lui revient pour les dommages occasionnés à ses propriétés au boulevard de
Waterloo, pendant les journées de septembre. »
Le sieur Van den Hove réclame
une indemnité pour les dommages occasionnés à ses propriétés, au boulevard de
Waterloo, pendant les journées de septembre 1830 d’après l’évaluation qui en a
été faite. Il expose qu’il se trouve dans un état misérable ; il est père d’une
famille nombreuse ; il s’adresse à la chambre afin qu’elle lui fasse obtenir ce
qui lui est dû pour indemnité.
Messieurs, quoique l’exposant
se trouve quand il avance qu’il existe des dispositions légales, relatives au
remboursement des pertes résultant des désastres de la révolution, et qu’il n’y
a à cet égard que l’arrêté du gouvernement provisoire, en date du 5 octobre
1830, portant création d’une commission d’enquête pour recueillir les preuves
des ravages commis à Bruxelles par les troupes hollandaises, et que cet arrêté
ne statue d’aucune manière relativement à l’indemnité qui pourrait être due, il
a néanmoins paru à votre commission, eu égard à l’état de détresse du
pétitionnaire, qu’il conviendrait que le gouvernement le comprît dans la
distribution de la somme qui a été allouée à titre de secours. Elle vous
propose donc le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le renvoi demandé aurait pour but de
faire comprendre le réclamant au nombre de ceux qui doivent recevoir un secours
sur les fonds d’indemnité consacrés à cet objet. La commission chargée de la
recherche des pertes que les particuliers ont éprouvées, a trouvé que le
pétitionnaire avait perdu 115 florins. Le pétitionnaire dit qu’il est dans la détresse
; la commission, ayant fait enquête, s’est assurée qu’il possédait trois
maisons neuves à Bruxelles. Dans cet état de choses, croyez-vous que le
gouvernement doive venir au secours du pétitionnaire ?
M. Gendebien. - Je crois que les raisons données par le ministre
de l’intérieur ne sont pas suffisantes ; pour refuser une indemnité, on peut
posséder trois maisons à Bruxelles et n’avoir pas de plus de pain ; il faudrait
non seulement prouver la possession, mais encore qu’elles sont louées.
M. de Brouckere. - Le renvoi au ministre peut être adopté ; si le
pétitionnaire est dans la détresse, on viendra à son secours.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. -
« Neuf distillateurs de Namur demandent que la chambre adopte le projet de
loi sur les distilleries, présenté le 13 juillet. »
« Le sieur Pleunis, à
Liége, signale divers abus existant dans la loi actuelle sur les
distilleries. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances.
M. de Robaulx. - Il y a un rapport de fait sur la loi concernant
les distilleries ; il faut renvoyer la pétition au bureau des renseignements.
M. Fleussu. - Je dois faire remarquer que les conclusions de la
commission ont été prises avant la présentation de la loi.
- Le dépôt au bureau de
renseignements est ordonné.
_________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le
sieur Leroux, pharmacien à Bouillon, qui a servi la cause nationale, demande sa
naturalisation. »
- Renvoyé à la commission de
naturalisation.
_________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le
sieur J. Goetghebuer à Blankenberg, réclame contre la perception d’un droit
d’octroi imposé par la régence. »
Jean Goetghebuer, se
qualifiant de poissonnier à Blankerberg, se plaint, dans une pièce tout à fait
incohérente, que la régence de Bruges a établi une taxe sur le poisson frais ;
il soutient que l’octroi est un impôt qui ne peut avoir force sans le concours
des chambres.
Votre commission, attendu que
d’après la constitution, article 110, les impositions communales peuvent être
établies du consentement du conseil communal ;
Et que, d’après les règlements
et lois existantes, les villes et communes ont le droit de régler leur octroi
sous l’approbation du gouvernement ;
Que par suite la ville de
Bruges a pu établir la taxe en question ;
Organe de la commission, je
vous propose l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
_________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. -
« Les sieurs A.-J. Massart et Pélerin, à Nimy, près Mons, se plaignent
qu’à différentes reprises les chevaux du 1er régiment des cuirassiers, se
trouvant dans les prairies de J.-R. de Lannoy, à Jemmapes, ont forcé la clôture
et commis des dommages à leurs propriétés voisines ; ils demandent que la
chambre intervienne pour leur faire recevoir l’indemnité à laquelle ils
prétendent avoir droit. »
Voici le fait :
Le sieur de Lannoy, marchand à
Jemmapes, canton de Mons, ayant fait l’entreprise, l’été dernier, de nourrir
une grande quantité de chevaux du 1er régiment des cuirassiers, pendant que ces
chevaux étaient en pâturages sur les prés dudit de Lannoy, quelques-uns
rompirent la clôture, et mangèrent une partie du regain des prés appartenant
aux pétitionnaires ; ils firent constater le dommage qui fut évalué à environ
125 fr. Les sieurs Massart et Pelerin se plaignent que, nonobstant leur
dénonciation, le ministère public n’ait pas agi d’office.
Il a paru à votre commission
que les pétitionnaires n’ont qu’une action en indemnité contre l’entrepreneur,
qui seul doit être responsable du dommage causé. En conséquence, elle a
l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.
M. de Robaulx. - S’il y a eu fracture de clôture, il y a délit.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - Il y
aurait certainement dommages-intérêts.
M. Gendebien. - C’est un délit rural.
M. Jullien. - La clôture a-t-elle été brisée par des hommes ou
par des chevaux ?
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - Par des
chevaux.
M. Jullien. - Est-ce qu’on peut poursuivre des chevaux ?
- La chambre passe à l’ordre
du jour.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le
sieur Allognier, ex-sergent-major aux volontaires, à Visé, réclame
l’intervention de la chambre pour faire obtenir le paiement de la pension à
laquelle il a droit comme blessé de la révolution.
Le sieur Victor-Etienne
Allognier, ex-sergent-major de la 3ème brigade, bataillon de tirailleurs, armée
de la Meuse, porteur des certifications les plus honorables d’où il conste
qu’il a assisté aux combats de Ste-Walburge, et qu’il y fut blessé ; qu’il
s’est trouvé encore aux journées d’Echtel, Houtalem, et qu’à Euringen. Il a
reçu une blessure mortelle qui l’a mis dans l’impossibilité d’exercer son état
d’imprimeur-pressier, vous expose que le 14 septembre 1831 il a reçu son congé
à Ruremonde et une lettre du ministre de la guerre, qui le renvoyait à la
commission des récompenses ; il s’est adressé à la commission provinciale de
Liége comme blessé de Ste-Walburge. Ses démarches ayant été infructueuses, il
fit d’inutiles efforts pour obtenir une place.
Il
expose enfin que, le 11 novembre dernier, un rapport favorable ayant été fait à
la commission des récompenses de Bruxelles, il a été, d’après les dispositions
de l’arrêté du 6 novembre 1830, proposé à la commission pour être compris parmi
les blessés pensionnés ; mais n’ayant reçu aucune nouvelle d’une mesure
définitive à son égard, il expose enfin que c’est la dure nécessité qui lui
fait prendre son recours vers vous, messieurs, afin que vous daigniez appuyer
sa juste réclamation. Votre commission a cru devoir vous proposer le renvoi de
cette pétition au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. - Je demande la parote pour recommander spécialement
au ministre, n’importe lequel, le pétitionnaire que je connais. Un autre
individu qui se trouve dans la même position l’accompagné chez moi. Ils ont
tous deux droit à la pension, ils sont tous deux dans l’impossibilité de se
livrer à un travail quelconque ; ils ont été déclarés incapables de servir. Ils
ont droit à la pension de 363 fl. arrêtée par le gouvernement provisoire.
M. Levae. - Le sieur Allognier est en effet un des blessés de
septembre : il a négligé pendant deux ans de faire valoir ses droits, parce
qu’il est resté jusqu’à ces derniers temps en activité de service quoiqu’il fût
invalide.
Au mois de juillet 1831, il
réclama pour la première fois la pension : le ministre de la guerre l’informa,
par dépêche du 11 septembre, qu’il devait s’adresser à la commission des
récompenses : cependant, ce n’est qu’au mois de novembre dernier, lorsqu’il fut
définitivement réformé, qu’il s’adressa à cette commission pour obtenir la
pension accordée par arrêté du gouvernement provisoire en date du 6 novembre
1830.
On
lui fit sur-le-champ subir une visite des chirurgiens qui décidèrent que ses
blessures lui donnaient droit à la pension.
J’ai
transmis cet avis à M. le ministre de l'intérieur, aussitôt que les
commissions, après avoir examiné les titres du pétitionnaire, les eurent
trouvés en règle.
J’ai pris des informations
pour savoir quels motifs avaient empêché le ministre de prendre une décision,
et j’ai su que la proposition des commissions avait été approuvée et qu’on
n’attend que la production du congé définitif du pétitionnaire pour savoir à
quelle époque la pension doit prendre cours.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Ce que vient
de dire l’honorable M. Levae est très exact ; il reste une formalité à remplir,
et le pétitionnaire touchera la pension : étant sous-officier, il ne peut avoir
à la fois la pension et le traitement ; il faut qu’il prouve qu’il n’est plus
au service.
M. Gendebien. - Est-il averti que sa pension dépend de son congé ?
Je demande que cet homme soit prévenu ; que le bureau lui écrive. C’est une
affaire de pure obligeance.
M. Liedts. - Nous allons lui écrire ; mais le bureau n’a rien à
lui dire.
M. Gendebien. - Je me charge de lui écrire si personne ne le veut
faire.
M. le comte de Mérode. (M. le comte de Mérode.) - Le ministre de
l’intérieur écrira aussi ; le pétitionnaire sera averti trois fois.
- Le renvoi au ministre de
l’intérieur est ordonné.
_________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. -
« Les sieurs Regnier Poncelet et Ch. De Soer, fabricants d’acier à Liége,
demandent l’intervention de la chambre pour obtenir : 1° la restitution des
droits d’entrée sur une quantité de 62.565 kilogrammes de fer étranger, reçus
en sus de leur demande, et 2° de proroger le terme du décret du congrès du 1er
mars jusqu’à la révision du nouveau tarif des douanes. »
La partie de la pétition des
sieurs Regnier Poncelet et De Soer fabricants d’acier, qui a rapport à la
prorogation du terme du décret du congrès du 1er mars 1831, est devenue sans
objet par la disposition de l’article unique de la loi du 30 décembre dernier,
qui déclare que la loi du 16 décembre 1831 continuera à être exécutée jusqu’à
la révision générale du tarif des douanes.
Reste, messieurs, la
réclamation des pétitionnaires qui se plaignent que l’administration des
finances leur refuse la restitution des droits d’entrée sur une quantité de
62,565 kilog. de fer étranger, qu’ils soutiennent avoir reçus depuis le 9
janvier 1829, inclus le 24 août 1830, en sus de celle de 60,009 kilog. pour
laquelle ils avaient obtenu l’exemption des droits d’entrée, par arrêté du 29
juin 1828.
Ils fondent leur demande sur
ce qu’ils avaient obtenu un droit acquis à la restitution par une disposition
du gouvernement précédent, laquelle était fondée sur l’équité, puisque sans
cette prime il leur était impossible de soutenir la concurrence.
Votre commission vous propose,
messieurs, le renvoi de cette pétition au ministre des finances.
Le renvoi au ministre des
finances est ordonné.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. -
« Quatre négociants de Mons demandent que la chambre ordonne la
liquidation de leur créance du chef de fournitures faites à l’armée française
au mois d’août 1831. »
Les sieurs Philippe Demarez,
Charles Bauchon, François Verteneuil et Auguste Waaselet, marchands domicliés à
Mons, demandent ce qui leur est dû pour fournitures faites lors du passage des
armées françaises en 1831.
Ils exposent que les états de
leurs fournitures ont été approuvés ; ils vous prient, messieurs, de vouloir
faire effectuer le paiement de leur créance, puisqu’à Namur les fournisseurs
ont été payés.
Votre commission vous propose
le renvoi au ministre de la guerre.
M. Gendebien. - Je proposerai qu’on ajoute au renvoi : « avec
demande d’explications. » Il y a vingt mois que les fournitures sont
faites ; un ministre d’Etat a engagé sa parole qu’elles seraient payées.
M. le comte de Mérode. - Le ministre de la guerre a fait une proposition à
la chambre dans le but de payer les fournisseurs.
M. Gendebien. - Depuis vingt mois les fournisseurs ont attendis,
et, par suite de ce retard, il en est qui seront ruinés. Toute
l’administration, depuis le bourgmestre de Mons, le gouverneur, jusqu’au
ministre, a pris l’engagement de faire payer les fournitures, et cependant
elles ne sont pas payées. On a demandé, dit-on, des allocations au budget ;
c’est un crédit supplémentaire qu’il fallait demander.
M. Brabant. - C’est aussi un supplément de crédit qui a été
demandé.
M. Gendebien. - Je demande que le rapport sur cette loi,
concernant le crédit supplémentaire, soit rapporté prochainement.
M. A. Rodenbach. - Voilà deux ans que ces munitionnaires attendent.
Ils ont vendu pour 80 mille fl. et au comptant ; c’était pour l’armée française
; si un particulier promettait de payer comptant, et faisait attendre deux ans,
que dirait-on ?
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - Au mois de mai dernier, j’ai fait faire le
relevé de ce qui était dû aux fournisseurs. La somme totale de cette dette
s’élève à 217,000 fl. Je me suis adressé au ministre des affaires étrangères,
pour savoir si le ministre français avait reconnu cette dette et avait des
fonds pour la solder ; on m’a répondu que la dette était l’objet d’une
négociation qui n’était pas terminée. J’ai invité M. le ministre des affaires
étrangères à continuer sa négociation ; mais en attendant, et d’après l’avis du
conseil, j’ai cru devoir proposer au Roi la demande d’un crédit supplémentaire
de 217 mille florins, pour payer à titre d’avance, et sans recours vis-à-vis de
la France, les fournitures faites à l’armée française, et dont les créances
sont reconnues légitimes. J’ai soumis le projet de loi à la chambre le 21
janvier dernier.
- Le renvoi de la pétition au
ministre de la guerre est ordonné.
_________________
M. Fleussu, autre rapporteur, présente le rapport des pétitions suivantes :
« Les membres du bureau
de bienfaisance de Borloo réclament l’intervention de la chambre pour obtenir
la restitution des papiers, archives et dossiers de leur établissement, dont le
sieur Bonfils est illégalement en possession. »
La commission conclut à
l’ordre du jour.
- Adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur P.-J. Gheuse, avocat et juge
suppléant au tribunal civil de première instance de Verviers, adresse des observations
relatives à la proposition de M. C. Rodenbach. »
Conclusion : Dépôt au bureau
des renseignements.
- Adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Quatre distillateurs de Virginal-Samme
exposent la nécessité d’introduire, dans la nouvelle loi sur les distilleries,
une disposition qui accorde une déduction de 20 p. c. aux petites
distilleries. »
Conclusions : dépôt au bureau
des renseignements.
- Adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur Bremont, distillateur à
Molembeeck, demande le maintien de la législation actuelle sur les
distilleries, sauf à remettre en vigueur l’article 41 de la loi du 26 août
1822, en faveur des distilleries agricoles. »
Conclusions : renvoi au bureau
des renseignements.
- Adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Neuf médecins et chirurgiens de Bruxelles
demandent d’être assimilés aux avocats pour la patente. »
Conclusions : dépôt au bureau
des renseignements.
- Adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Dix habitants de Tournay demandent une
modification à la loi de 1817 sur la milice nationale, en abrogeant la
disposition qui exige que les remplaçants doivent avoir séjourné 15 mois dans
la province du remplacé. »
Conclusions : dépôt au bureau
des renseignements.
- Adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur J.-F. Daubin, à Liége, demande que
la chambre lui donne une place d’huissier ou tout autre. » (On rit.)
Attendu que la chambre n’est
pas un bureau de placement, la commission conclut à l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
_________________
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur F. Dubois, docteur-médecin à
Bruxelles, demande la suppression du droit de patente pour les médecins, ou que
les avocats y soient assujettis. »
Conclusions : dépôt au bureau
des renseignements.
- Adopté.
M. d’Huart, troisième rapporteur, a la parole et fait le rapport des pétitions qui
suivent :
« Le sieur
Augistin-Joseph Honnorez, propriétaire à Mons, demande l’intervention de la
chambre pour obtenir le paiement d’une somme de fl. 796-35 cents, due à lui et
autres co-intéressés du chef de dégâts faits à leurs propriétés par des travaux
du génie en 1829. »
La commission propose le
renvoi aux ministres de l’intérieur et de la guerre.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier). - Dans quel but
veut-on ordonner ce renvoi.
M. d’Huart, rapporteur. - Pour faire payer le pétitionnaire. Un arrêté de Guillaume avait
ordonné le paiement, qui n’a pas eu lieu par suite des événements politiques ;
mais la dette est légitime.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - - L’objet de la réclamation porte sur le chef
de dégâts faits en 1829 ; c’est à l’exercice de 1829 à les payer. Or, il ne
nous a été accordé de fonds qu’à partir de l’exercice de 1830 ; et toutes les
réclamations qui remontent plus haut que cette époque, nous les renvoyons à la
liquidation àgen faire entre les deux pays.
M. Gendebien et M. de Brouckere appuient le renvoi pour que les
ministres examinent la pétition et fassent connaître ses droits au
pétitionnaire.
- Le double renvoi est
ordonné.
________________
M. d’Huart, rapporteur. - « Le sieur C.-X. Dessoy, à Libramont, demande
que la chambre lui fasse obtenir son exemption du service auquel il est
injustement obligé selon lui, et par une deuxième pétition du 3 décembre
dernier, il demande qu’au moins la chambre lui restitue les pièces qu’il a
jointes à sa première requête, si elle est d’avis qu’il a employé une fausse
marche en s’adressant à elle. »
Conclusion : ordre du jour et
restitution des pièces.
- Adopté.
M. d’Huart, rapporteur. - « Quatre géomètres de première classe du cadastre
de la province de Liége demandent de la chambre une loi sur l’organisation du
cadastre, et à être indemnisés de l’inaction dans laquelle ils se trouvent
depuis deux ans. »
- La commission conclut à
l’ordre du jour.
M. de Robaulx. - Je voudrais savoir si ces géomètres ont été nommés
par le gouvernement, et s’ils sont attachés spécialement au cadastre ; car si
cela est, ils ont un emploi public, et dans ce cas je ne vois pas pourquoi l’on
rejetterait leur pétition par un dédaigneux ordre du jour. Si par suite de la
révolution ils ont été privés de leur travail, s’ils ont des indemnités à
réclamer, pourquoi ne pas renvoyer leur demande au ministre des finances pour
examiner jusqu’à quel point on leur doit des indemnités ? Remarquez qu’il y
avait des géomètres qui s’occupaient exclusivement du cadastre. Eh bien, les
travaux du cadastre étant restés suspendus après la révolution, ils sont
demeurés sans appointements. Je demande donc le renvoi au ministre des
finances, pour examiner jusqu’à quel point ils ont droit à une indemnité.
M. d’Huart, rapporteur. - La nomination des agents du cadastre ne leur
confère aucun traitement fixe. Ils ne sont payés qu’en raison de l’ouvrage
qu’ils ont fait. C’est ainsi qu’après l’achèvement du cadastre, ils se
trouveront sans traitement. On ne peut donc indemniser ces fonctionnaires qui,
en stricte justice, n’y ont aucun droit.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Les pétitionnaires
demandent-ils la liquidation de sommes auxquelles ils ont droit pour prix
d’ouvrages faits par eux ? (Non ! non !)
Eh bien alors ils n’ont pas de droit ; car, quand ils ne travaillent pas, ils
n’ont pas de salaire.
M. de Robaulx. - Si, par suite de leur nomination, les géomètres
sont spécialement affectés à un travail public, ils sont à la disposition du
gouvernement qui peut leur transmettre des ordres de jour en jour. Or, je vous
demande si l’on peut refuser de renvoyer leur demande au ministre des finances,
sans rien préjuger sur leur droit à une indemnité.
M. Dumortier. - Messieurs, en vertu de la loi du cadastre, les
employés de cette administration n’ont droit qu’à une indemnité proportionnée à
leur travail. Si vous renvoyez la pétition au ministre des finances, il ne
pourra rien accorder ; car l’article 114 de la constitution dit formellement
qu’aucune pension, aucune gratification à la charge du trésor public ne peut
être accordée qu’en vertu d’une loi. Or, les pétitionnaires ne peuvent pas ici
s’appuyer d’une loi. Après leurs travaux terminés, les employés du cadastre
retombent dans la vie civile.
M. Gendebien. - Le directeur du cadastre nous a annoncé que le
cadastre allait prendre une marche tellement accélérée qu’il serait fini au
mois de décembre 1832. Lors du budget des voies et moyens, nous avons vu qu’il
ne serait pas même achevé au mois de juillet 1833, et M. le directeur s’est
appuyé, pour justifier ce retard, sur le manque d’hommes spéciaux. Eh bien !
voici quatre géomètres sans travail depuis deux ans. Je demande donc que leur
demande soit renvoyée au ministre des finances, afin qu’il veuille les rappeler
au souvenir de M. le directeur, qui se plaint de manquer d’hommes spéciaux.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai si ces employés se sont adressés
d’abord au ministre des finances. Ces employés sont payés par parcelles, et si le
Hainaut est déjà cadastré, ils sont naturellement sans emploi. Mais s’ils
demandent un nouvel emploi, je voudrais savoir s’ils se sont adressés
préalablement au ministre des finances.
M. d’Huart. - D’après les antécédents de la chambre, la
commission a cru devoir passer à l’ordre du jour ; car l’on a adopté pour
règle, une fois pour toutes, que lorsqu’un pétitionnaire vient se plaindre d’un
grief et sans s’être adressé au ministre que cela concerne, on passe à l’ordre
du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
________________
M. d’Huart, rapporteur. - « Quatre habitants de Gand réclament des
modifications à l’impôt personnel. »
Conclusion : Ordre du jour.
- Adopté.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’ETAT DES NEGOCIATIONS
DIPLOMATIQUES
M. Osy. - Comme le rapport de la pétition qui va suivre doit
être assez long, je demande la parole pour faire une interpellation à MM. les
ministres (Oui ! oui ! Parlez !)
- Le rapport des pétitions est
suspendu, et la parole est accordée à M. Osy.
M. Osy. - Vous vous rappellerez, messieurs, qu’il y a 8
jours, je demandais quelques explications à M. le ministre des affaires
étrangères sur la situation de nos affaires extérieures. Il n’a pas pu ou n’a
pas voulu me répondre alors. Mais aujourd’hui je reçois une nouvelle qui mérite
toute notre attention et qui doit nous alarmer tous. Il est de mon devoir de
vous en faire part ainsi qu’au gouvernement, afin qu’il puisse prendre les
mesures nécessaires. Hier, nous avons appris, par quelques journaux, que des
entraves étaient mises à la navigation de l’Escaut. Eh bien, aujourd’hui je
reçois de Flessingue une lettre qui m’annonce qu’en vertu d’un arrêté royal,
les navires devront être non seulement visités par la douane, mais par la
marine, et ne pourront descendre ni remonter l’Escaut sans être convoyés
jusqu’à Lillo, et ceux qui vont en mer seront également convoyés jusqu’à la
mer. Il y a plus, c’est qu’il faut attendre qu’il y ait un certain nombre.
Enfin, chaque espèce de marchandise, telle que le
café, le tabac. etc., sera soumise à une taxe, à un droit de tonnage, comme
nous l’appelons, de manière que pour faire la vérification de toutes les
marchandises, on sera peut-être obligé de les décharger.
Justement alarmé de cette
nouvelle, j’ai cru que j’étais dans l’obligation de la communiquer à la chambre
et au gouvernement, pour qu’il avise aux moyens de s’opposer à une pareille
mesure.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. Goblet).
- Le gouvernement ne peut que remercier l’honorable M. Osy de la nouvelle qu’il
a bien voulu lui annoncer, Cette nouvelle, messieurs, ne nous avait encore été
communiquée ni officiellement, ni officieusement ; mais la chambre peut être
sûre que si le fait qu’on signale est vrai, plus les vexations sont grandes,
plus le gouvernement aura de soin à les faire cesser.
M. Gendebien. - J’avais pris d’abord pour une ironie le compliment
que M. le ministre des affaires étrangères a adressé à l’honorable M. Osy
Il est vraiment inconcevable,
messieurs, que le gouvernement en soit réduit à apprendre, par des membres de
la chambre, un fait consommé, alors que notre diplomatie nous coûte si cher ! A
quoi nous sert donc d avoir une diplomatie, si c’est par des journaux que nous
devons apprendre les mesures désastreuses qui sont prises contre notre commerce
et notre liberté ? Eh ! messieurs, fermez votre boutique, car ce n’est qu’une
boutique... (Rires et murmures).
Finissons-en de ce mauvais tripot et agissons comme un peuple libre, comme un
peuple régénéré doit agir. Quoi ! depuis le 31 janvier, le roi Guillaume a pris
un arrêté désastreux pour nous, et notre gouvernement n’en sait rien ! Nous
avons de nombreux amis, nous avons la France et l’Angleterre, et cependant nous
ne savons rien ! Mais à quoi bon cette amitié si elle ne sert pas même à nous
faire connaître des faits qui nous intéressent, je ne dirai pas avant l’événement,
mais après l’événement ? Peut-on concevoir après cela l’utilité de la
diplomatie ?
Le ministre nous a dit que le
gouvernement, précisément parce que les vexations sont grandes, mettrait plus
de soin à y porter remède ; c’est-à-dire que si ces vexations étaient petites,
on n’y ferait rien. Mais, parce qu’elles sont grandes, on y pourvoira ; et
comment y pourvoira-t-on ?
Rappelez-vous, messieurs,
l’affaire de M. Thorn. Quand on apprit son arrestation, on est venu nous dire
que c’était une violation du droit des gens, un scandale européen, qu’on n’en
parlait qu’avec une profonde douleur et qu’on allait user de représailles. Eh
bien ! nous avons appris que les officiers hollandais, pris sur notre
territoire, avaient été restitués immédiatement. Et comment cette affaire
a-t-elle été finie ? Parce qu’un de nos honorables collègues a eu plus de
courage à lui seul que le gouvernement tout entier. Il a arrêté M. Pescatore,
et M. Thorn a été échange contre lui. Vous savez à quelles conditions. L’agent
belge, charge de cette négociation, n’a pas même obtenu l’autorisation de
prendre une qualification quelconque. Peu s’en est fallu même qu’on n’ait
destitué l’honorable membre qui avait fait procéder à l’arrestation de M.
Pescatore.
Il y a plus, messieurs ; si
nous sommes bien informés, on a pris l’engagement d’étouffer toutes poursuites
à l’égard des bandes de Tornaco. Le colonel chargé de cette brillante affaire
n’a pas pu même prendre le titre d’aide-de-camps du Roi des Belges ni d’envoyé
du Roi des Belges ; il n’a été considéré que comme agissant au nom d’un
gouvernement de fait. Et tandis que le gouvernement belge, assez bénévole,
assez bon pour suspendre la constitution, en arrêtait les poursuites, le roi
Guillaume, pour vous donner un soufflet sur l’autre jour, car vous en avez déjà
eu un, le roi Guillaume veut faire condamner par contumace des Belges pour
délits politiques dans le Luxembourg.
Messieurs,
croyez-vous que cet état de choses puisse durer longtemps ! Si l’on n’a pas le
courage de se servir de notre armée, qu’on la licencie. Car faites-y bien
attention ! Si nous étions dans un état de faiblesse tel que nous ne pussions
pas faire acte de représailles pour obtenir justice par nous-mêmes, nous
serions à plaindre et nous exciterions la pitié. Mais alors qu’une nation de 4
millions de citoyens compte une armée de 130,000 hommes, ce n’est plus la pitié
qu’elle excite, c’est un autre sentiment. Elle est déshonorée, et vous savez ce
qui suit le déshonneur. Eh bien ! maintenant que vous avez laissé déshonorer la
nation, osez la réhabiliter par un coup d’Etat ; car vous êtes tellement liés
par la France et l’Angleterre, que ce n’est que par un coup d’Etat que vous
pouvez agir par vous-mêmes. S’il est vrai que vous ayez du sang belge dans les
veines, comme vous l’avez dit si pompeusement au congrès, faites usage de vos
ressources. La nation est fatiguée ; l’armée de son côté se démoralise tous les
jours. Elle a demandé en vain depuis dix-huit mois le signal pour laver la
honte du mois d’août, honte qui retombera sur ceux qui l’ont amenée. Eh bien !
demain elle participera peut-être à l’affaiblissement de la nation.
M. Dumortier. - Messieurs, il serait difficile de contenir son
indignation lorsqu’on entend un ministre du Roi répondre à une interpellation
aussi importante que celle qui lui a été faite par notre collègue, et qui
touche si vivement à nos plus chers intérêts ; répondre, dis-je, à cette
interpellation avec un ton d’ironie que plus les vexations sont graves, plus le
gouvernement mettra de soin à les faire cesser. Eh ! bien, messieurs, ne
savons-nous pas depuis longtemps ce que nous devons attendre de pareilles
déclarations de la part d’un gouvernement qui compte pour rien l’honneur et la
dignité nationale !
Le congrès, messieurs, a eu de
beaux jours, le gouvernement provisoire a eu des jours sublimes ! Mais, je dois
le dire avec douleur, depuis le mois d’août, je n’ai vu aucun acte, je n’ai vu
aucun fait qui prouve que la Belgique a encore du sang dans les veines, qui
prouve que nous sommes des hommes libres et que nous avons encore ce courage et
cette énergie qui ont enfanté la révolution.
Sous le gouvernement
provisoire, alors que l’Escaut était fermé, qu’ont fait les puissances pour obtenir
la libération de Maestricht ? Elles ont considéré le déblocus de l’Escaut comme
une condition indispensable pour faire cesser le blocus de Maestricht. J’en
trouve la preuve dans le protocole de la conférence, qui porte le n°10. Je lis
dans ce protocole que le gouvernement hollandais sera obligé de débloquer
l’Escaut, et que la Belgique de son côté devra cesser l’investissement de
Maestricht. J’ai en mains ce protocole, et j’y vois que le roi Guillaume a
formellement déclaré que les bâtiments appartenant aux ports belges n’auraient
pas été et ne seraient pas molestés tant que les Belges ne molesteraient ni les
habitants ni les propriétés des provinces septentrionales. Maintenant que,
malgré une garantie si formelle contractée à la face de l’Europe, le roi
Guillaume vient sans motif aucun insulter à notre pavillon, le droit du
ministère, et ce droit constitue un devoir, c’est de mettre de nouveau le
blocus devant Maestricht. Voilà comme on agissait aux grands jours de la
révolution.
Eh bien ! depuis l’intervention
l’Escaut a été fermé au pavillon belge. Nous avons vu l’Angleterre et la France
prendre des mesures vigoureuses pour faire respecter leurs pavillons ; mais le
gouvernement belge n’a rien fait pour que le nôtre fût respecté. Et, tandis
qu’on retenait nos troupes dans l’immobilité, nous avons vu arriver une année
étrangère de la frontière de France, et notre jeune et belle armée a dû se
borner au rôle honteux que lui a fabriqué la diplomatie. Mais ce n’est pas tout
; depuis lors quels événements se sont passés ? Vous avez vu des citoyens
belges lâchement assassinés par les sbires du roi Guillaume, des officiers
frappés, outragés et arrêtés sous les murs de Maestricht, des magistrats belges
condamnés à la mort et à l’infamie dans les murs de Luxembourg. Et voilà
maintenant que des mesures désastreuses sont prises par l’ennemi, et le
gouvernement dit qu’il n’en a pas même connaissance. Voilà ce que l’on fait
pour venger l’honneur, la dignité nationale dans un moment où nous sommes si
cruellement outragés !
En
vérité, quand je me trouve en présence de pareils faits, quand je sens mon
front rougir d’une pareille honte, je m’écrie avec douleur : Mieux vaut mille
fois mourir les armes à la main que de souffrir la honte et le déshonneur de la
patrie ! Quant à nous, membres de la représentation nationale, nous avons fait
tout ce qui était est notre pouvoir pour maintenir notre dignité. Le
gouvernement nous a demandé des hommes, nous lui avons accordé des hommes. Il
nous a demandé de l’argent, nous lui en avons donné. Il nous a demandé une
armée de réserve, et nous la lui avons encore accordée. Eh bien ! pense-t-il
donc que la nation a mis toutes ses ressources à sa disposition pour que nos
troupes présentassent les armes à des armées étrangères ? Ministres du Roi,
réfléchissez-y bien ; si vous souffrez encore de pareilles interventions, je
vous le prophétise, vous marchez vers une autre révolution.
Je termine en demandant
quelles sont les mesures que le gouvernement entend prendre pour empêcher à
l’avenir la violation de notre territoire et pour faire respecter notre
pavillon.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - Il me semble,
messieurs, qu’on a singulièrement perdu de vue l’objet principal de
l’interpellation de l’honorable M. Osy, et il me semble aussi qu’on ne s’est
pas moins trompé sur les intentions de l’un de mes collègues, lorsqu’il a fait
une réponse très laconique, mais cependant très significative.
On nous signale un fait dont
nous n’avons connaissance que par un article de journal, et qui peut-être est
puisé à la même source que celle qui a fourni à un honorable député le sujet de
son interpellation. L’arrêté auquel on a fait allusion a-t-il été publié dans
aucun journal hollandais ? Non, messieurs, nous n’en avons eu aucune espèce de
connaissance par cette voie ; et certes, je ne pense pas, quelle que soit la
volonté du gouvernement de se faire informer par sa diplomatie de tout ce qui
intéresse le pays, je ne pense pas qu’il nous faille accréditer un agent
diplomatique à Flessingue, chargé de nous rendre compte de tout ce qui se passe
dans cette partie de l’Escaut.
Maintenant cet arrêté qui n’a
reçu aucun publicité, qui n’a été notifié au gouvernement, ni par la France ni
par l’Angleterre, et dont l’annonce ne nous est faite que par une
correspondance particulière, cet arrêté qui ne concernait pas seulement la
Belgique, mais tout l’Europe, a-t-il été exécuté ? Y a-t-il un seul fait
qui le prouve ? Jusque-là je suis encore en droit d’en révoquer l’existence en
doute. Du reste, s’il n’a encore reçu aucun commencement d’exécution, que peut
faire le gouvernement ? Attendre, avant d’agir, que le fait soit mis hors de
tout doute.
Vous avez,
messieurs, qu’il a déjà circulé sur les entraves mises à la liberté de l’Escaut
de versions que les circonstances sont venues démentir plus d’une fois. Avant
d’entrer dans des explications sur ce que le gouvernement pourrait faire, sur
les détails de représailles qu’il jugerait convenables, il faut nécessairement
que le fait dont il s’agit soit placé hors de toute controverse ; et quant à
son principe, et quant à son application, nous ne croyons pas avoir autre chose
à dire en ce moment, parce que nous ne voulons point nous prononcer sur un fait
encore incertain ; et quant à la politique extérieure, nous ne voulons pas nous
engager dans une discussion déjà épuisée jusqu’à satiété. Messieurs, vous
connaissez nos principes. Placés dans des engagements contractés par la
couronne avec l’assentiment de la représentation nationale, nous marchons dans
ce sens. Si le ministère ne convient pas à la majorité de cette chambre, elle
sait ce qu’elle peut faire ; qu’elle use de ses droits.
En ce qui concerne notre
courage personnel, nous croyons n’avoir donné à personne de motifs d’en douter.
Veut-on parler de notre courage politique ? Il faut s’entendre sur ce que
quelques-uns appellent courage. Nous ne savons s’il y a courage à vouloir jouer
sur un coup de dés un pays laborieusement conquis.
M. Osy. - Messieurs, en dénonçant le fait au gouvernement,
je ne lui ai pas demandé de dire, aujourd’hui, ce qu’il compte faire ; j’ai
seulement signalé le fait. Je n’accuse pas le gouvernement de ne pas connaître un arrêté pris le 31
janvier j’ai cru que le gouvernement
devait l’apprendre ainsi que la chambre. C’est un des événements les plus
importants dans notre politique extérieure. Le gouvernement n’a pas d’agents à
Flessingue, mais les négociants en ont.
L’Escaut a été fermé au mois
de juillet dernier, et malgré ce qu’a dit un journal ministériel, il a été
fermé depuis la prise de la citadelle d’Anvers. Plusieurs navires ont été
arrêtés, au nombre desquels on a signalé un navire autrichien. Depuis, deux
navires, il est vrai, sont arrivés. L’un d’eux n’a pas été arrêté ; l’autre
sortait des bassins de Flessingue.
Nous pouvons reprocher au
gouvernement de ne pas connaître les intentions du gouvernement hollandais
depuis la reddition de la citadelle ; voilà pourtant ce que devrait savoir
notre ambassadeur à Londres.
M. de Brouckere. - Le ministre de la justice a commencé par se
plaindre de ce qu’on avait changé l’objet de la discussion, puisqu’elle ne
devait porter que sur un fait signalé par l’honorable M Osy. Je ne croyais pas
que la chambre en appelant un ministre dans son sein, il fût défendu aux
membres de l’assemblée de parler d’autre chose que de ce qu’avait à dire M.
Osy. Nous n’avons pourtant pas si souvent l’occasion d’interpeller M. le
ministre des affaires étrangères pour qu’on restreigne cette faculté. S’il est
impossible que nous ayons des agents diplomatiques en Hollande, ce n’est pas
une raison pour ne pas savoir ce qui s’y passe.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - On le saura.
M. de Brouckere. - M. le ministre de la justice, qui a été ministre
des affaires étrangères, a très bien su comment on pouvait employer dans un
pays des agents non reconnus, des agents d’une tout autre espèce que les
diplomates avoués. J’en ai la preuve dans les mains. Or je ne sais pas comment
en 1833 on ne ferait pas ce qui s’est fait en 1831.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - Nous n’étions
pas en guerre.
M. de Brouckere. - M. le ministre a été fort prudent en ne répondant
rien relativement à l’affaire de M. Thorn. Tout ce qu’a dit M. Gendebien est
parfaitement vrai. Il est positif que l’agent envoyé pour négocier l’affaire
n’a pas osé prendre le titre d’officier au service de la Belgique, n’a pas osé
non plus prendre son titre d’aide-de-camp du Roi ; il a seulement pris le titre
d’officier au service du gouvernement belge, parce que la Hollande ne reconnaît
qu’un gouvernement de fait. Il est positif encore qu’on a souscrit aux
violations les plus manifestes de la constitution. L’agent envoyé a d’abord
signé une promesse que l’on ordonnerait la suspension, l’abolition des
poursuites, l’annulation du mandat décerné par les autorités. On ne s’est pas
contenté de cette promesse : l’agent du ministre a signé une pièce affirmant
que les ordres avaient été donnés pour annuler les poursuites.
Je n’exige pas que le ministre
de la justice me réponde en ce moment. Je me réserve de traiter à fond cette
affaire lors de la discussion du budget, et une foule d’autres non moins graves
que celle-ci.
Si le ministre garde le
silence sur des faits qui sont déjà loin de nous, pourra-t-il dire quelques
mots sur ce qui vient de se passer à Maestricht, sur les violences exercées contre
deux officiers belges voyageant sur le territoire belge ? J’ai appris ces faits
par les journaux ; sont-ils exacts ?
Ces officiers auraient été
arrêtés par trois soldats de la maréchaussée, ou plutôt par trois brigands :
l’un s’est, dit-on, échappé de leurs mains ; l’autre a été grièvement blessé.
Je sais bien qu’on ne peut avoir des soldats belges sur tous les points du pays
mais ce fait n’en montre pas moins jusqu’où va l’insouciance du gouvernement.
Le chef de ces trois brigands, que je connais parce que j’ai eu des poursuites
à diriger contre lui, rôde, non seulement aux environs de Maestricht, surtout
dans la ville de Tongres, mais il circule dans la ville de Liége et s’y trouve
dans toutes les occasions remarquables ; il y est toutes les fois que le Roi
passe des revues.
C’est
ainsi que le roi de Hollande sait ce qui se passe chez nous, tandis que l’on
nous dit que nous ne savons rien de ce qui se passe en Hollande, parce que nous
n’y avons pas d’agent accrédités.
Le gouvernement, qui déjà a
abandonné une partie du territoire de Maestricht, veut-il en abandonner aussi
les habitants aux bandits ? Ne prendra-t-il aucune mesure contre ces brigands
qui rôdent à plus de cinq lieues aux environs de cette place et dans les
contrées les plus populeuses, où l’on souffre déjà de la disette la plus dure,
puisqu’on ne peut s’y procurer du chauffage ?
Il est impossible que ces
faits ne soient pas connus du gouvernement. Il existe des magistrats à Liège
qui en sont instruits et qui en ont causé avec moi.
M. de Foere. - Il faudrait mettre un peu de sagesse, un peu de
calme dans les interpellations que l’on fait. (Plus haut ! plus haut ! On n’entend pas !) Les deux premiers
orateurs qui ont parlé sur la communication que M. Osy venait de faire et sur
la réponse du ministre des affaires étrangères auraient pu être plus modérés.
Je ne prétends pas qualifier une pareille sortie. Le fait peut-être vrai, il
peut ne l’être pas. Ces deux orateurs ont exprimé leur surprise de ce que le
gouvernement n’a pas reçu avis de ce qui se passe avant le commerce ; mais il
arrive partout, pour des choses semblables, que le commerce est le premier
instruit. On peut citer des faits en foule pour prouver que de tels avis se
répandent beaucoup plus par le commerce que par les agents des gouvernements.
Mais, ajoute-t-on, l’arrêté
qu’a pris le gouvernement de Hollande date du 31 janvier : qu’importe la date ?
Vous connaissez l’administration du roi de Hollande : on n’apprend quels
arrêtés il prend que lorsqu’ils sont mis à exécution, surtout dans les
questions qui concernent les affaires diplomatiques. Quand on veut attaquer son
ennemi, on ne le met pas dans la confidence de ses projets. Je demande si
Bonaparte, avant d’attaquer les nations, les mettait dans la confidence de ses
intentions.
L’honorable M. Gendebien
voudrait que des représailles eussent lieu contre la Hollande au sujet de
l’affaire de Flessingue : mais les nations doivent se conduire les unes envers
les autres d’après le droit des nations. On maintient l’ordre dans l’Etat
d’après certaines règles, d’après des lois pénales ; on maintient l’ordre entre
les nations également d’après des règles. Il faut d’abord épuiser la voie des
négociations avant d’en venir aux représailles, et cela sous peine de se mettre
l’Europe entière contre soi.
Messieurs, la Hollande ne
désire rien tant que d’être attaquée par la Belgique ; elle vous provoque
continuellement, et en voici la raison. Si elle est victorieuse, il en résultera
de grands avantages pour elle par la voie des négociations ; si elle ne
triomphe pas, si nous pénétrons sur son territoire, tous ses alliés, mêmes les
nôtres, même la France et l’Angleterre, nous en expulseraient, de sorte qu’il
ne pourrait résulter de nos attaques qu’avantage pour elle et désavantage pour
nous.
M. de Robaulx. - Par conséquent renvoyez notre armée.
M. de Foere. - Vous aurez droit de me répondre ; ne m’interrompez
pas.
Je continue. M. Osy lui-même a
disculpé le gouvernement de ce qu’il n’avait pas appris, avant le commerce, le
fait dont il a parlé ; ainsi les conséquences tirées par M. Gendebien sont au
moins prématurées.
M. de Brouckere. - Le fait est-il connu du gouvernement ou ne
l’est-il pas ?
M. Gendebien. - Je ferai connaître un fait signalé par le Moniteur Belge lui-même ; c’est celui de
l’assassinat commis le 3 février par des soldats hollandais, assassinat suivi
de vol.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - J’ai reçu un
premier rapport sur ce fait, qui ne me paraît avoir aucun caractère politique.
Il est évident que si, dans le
voisinage de nos frontières, des soldats profilent de l’isolement de quelques
habitations pour y commettre des crimes, il y a là un fait qui est du ressort
de la loi pénale, lorsque les auteurs des crimes ne se dérobent pas aux
poursuites de la justice, et un fait dépouillé de tout caractère politique.
Si ceux qui s’en sont rendus
coupables tombaient sous la main des agents de la force publique, certainement
on les punirait sans que le gouvernement auquel ils appartiennent eût
l’impudeur de réclamer.
Un
second rapport m’est parvenu ce matin ; il donne aux faits un caractère tout
autre, et fait planer les soupçons sur d’autres individus que des soldats
hollandais. En présence de deux rapports, je dois attendre les résultats de
l’enquête pour pouvoir donner des renseignements à la chambre, si tant est que
je doive l’occuper de faits relatifs à l’administration de la justice.
Il ne faut pas se préoccuper
tellement de politique que dans tout fait isolé l’on voie une atteinte portée à
l’indépendance nationale, à l’honneur du pays, de manière que la Belgique soit
obligée de recourir aux armes pour venger de tels affronts.
M. Jullien. - Et les deux officiers ?
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - - Cela me regarde.
J’ai écrit au chef
d’état-major pour connaître ce qu’il savait sur cette affaire ; il m’a répondu
n’avoir pas reçu de renseignements. D’un autre côté j’ai écrit au gouverneur de
la province ; mais aucun avis officiel ne m’a été transmis jusqu’à présent.
M. Gendebien. - Messieurs, le ministre de la justice vient de dire
que le fait de l’assassinat du malheureux qu’on a dépouillé n’était pas un fait
politique ; que si on parvenait à saisir les assassins, on les traduirait
devant les cours et tribunaux ; qu’on les condamn rait, et qu’on ne croit pas
que le gouvernement hollandais le trouverait mauvais : si nous en étions à un
premier fait de cette nature, nous pourrions nous contenter de ces
explications. Mais les complices de Tornaco étaient sous la main de la justice,
vous n’avez pas osé les poursuivre ; vous avez même pris l’engagement de ne pas
les poursuivre. Nous n’avons rien de mieux à attendre.
Le ministre de la justice dit
que le fait des deux officiers ne le regarde pas : le ministère est solidaire
quand il s’agit de faire respecter l’intégrité du territoire, l’honneur du
pays.
Un honorable préopinant assure
que lorsqu’il y a simple négation de la part du ministère, il n’y a pas lieu à
qualifier sa conduite.
Je suis étonné que le ministre
des affaires étrangères, qui a de grosses sommes à sa disposition, qui est aidé
par la police, ne connaisse pas un fait semblable ; mais par la nature de ses
fonctions il devrait le connaître. C’est fort mal répondre que d’alléguer que
nous n’avons pas d’agent diplomatique à Flessingue ; il y a deux sortes
d’agents diplomatiques ; ce sont des espions non titrés qu’il faut avoir pour
savoir ce qui se passe.
Quant aux représailles je ne
les demande pas ; je sais bien que ce serait peine perdue. Du reste, je
n’adopte pas les théories de M. l’abbé de Foere sur les représailles : d’Etat à
Etat elles sont un devoir, si elles sont défendues entre particuliers.
Je ne veux pas dire par là
qu’il faille aller assassiner en Hollande ; mais je dis qu’il faut attendre et
arrêter ceux qui se présentent sur notre territoire ; il faut faire usage de
notre armée pour montrer qu’on ne nous insultera pas impunément.
On
a dit que l’on n’avait pas besoin de faire de nouvelles professions de foi : à quoi
bon, en effet ? Que nous ont produit les anciennes professions de foi, si ce
n’est de beaux mouvements d’éloquence qui ont entraîné le gouvernement et la
chambre à des démarches dont les résultats sont pernicieux et honteux ?
On vous a dit que nous aurions
le Luxembourg et que nous ne paierions pas la dette à la Hollande ; on nous a
dit qu’un prince ne régnerait pas six mois en Belgique sans le Luxembourg,
qu’on ne voulait pas faire les affaires de la Hollande en consentant à
l’échange d’une partie du Limbourg ; et cependant vous savez tous ce qui est
arrivé. Vous partez de vos intentions ; nous ne les attaquons pas : nous
n’allons pas jusque-là ; mais nous parlons du résultat détestable de vos bonnes
intentions.
M. Nothomb. - Ce n’est pas pour la première fois que nous avons
à nous plaindre d’entraves mises à la navigation de l’Escaut. Quoiqu’elle
n’existe que depuis deux ans, la Belgique a des précédents : nous avons droit à
la liberté de l’Escaut depuis le 10 novembre 1830 ; mais ce droit que nous
avions acquis, il n’est devenu une réalité que le 10 janvier suivant. Ainsi
l’Escaut a été soumis à des entraves pendant plus de deux mois. Ce qui est
arrivé au gouvernement provisoire arrive aujourd’hui au gouvernement du Roi ; des
réclamations que le ministre des affaires étrangères pourra avoir à faire, le
comité diplomatique avait à les faire ; l’attitude que le congrès prit à cette
époque, la chambre saura la prendre de nouveau.
Le
congrès a compris qu’il fallait se renfermer dans les engagements existants,
qu’il fallait d’abord s’en référer aux puissances, sous la garantie desquelles
les engagements avaient été contractés, et obtenir de la sorte le redressement
des griefs. C’est alors qu’il a été posé un principe de réciprocité qu’il ne
faut pas perdre de vue, c’est que le déblocus de l’Escaut se rattache au
déblocus de Maestricht. Si nos réclamations étaient sans succès, nous pourrions
donc puiser dans les engagements contractés un moyen de nous faire justice à
nous-mêmes sans manquer à la foi promise.
Voilà, d’après moi, comment un
gouvernement régulier doit agir, doit se conduire dans les limites des traités.
Ainsi, messieurs, je le
répète, la question qui se présente aujourd’hui ne s’offre pas à nous d’une
manière vague ; elle se présente avec un antécédent sur lequel nous pouvons
nous appuyer : nous reproduirons d’anciennes réclamations, en leur donnant le
même caractère ; ce que le congrès a approuvé de la part du gouvernement
provisoire, la chambre, je le suppose, l’approuvera de la part du gouvernement
du Roi.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, nos honorables collègues MM. Gendebien
et Dumortier vous ont parlé des condamnations qui ont eu lieu dans les murs de Luxembourg,
où un tribunal qui juge au nom du roi Guillaume a condamné quelques-uns de nos
plus honorables concitoyens qui ont droit à toute la protection du gouvernement
dans la circonstance où les a placés ce jugement, qui est un avant-coureur de
ce qui est réservé aux Belges que vous avez cédés. Ce n’est pas seulement comme
citoyens belges, messieurs, qu’ils ont droit, et qu’ils réclament cette
protection. Ils sont aussi des hommes de septembre, ayant embrassé la cause
belge dès le principe de notre révolution en désertant la forteresse avec les
archives qui nous étaient nécessaires. Voilà pourquoi ils ont été condamnés,
l’un à mort, l’autre à la marque et autres peines de ce genre, qui ne les
inquiètent pas, parce qu’ils ont dû renoncer pour toujours à habiter leur pays
natal. Mais leurs biens seront saisis si notre gouvernement ne proteste pas
contre l’infamie de ce jugement, qui sans doute sera improuvé comme il doit
l’être par les cours même amies de la Hollande. Je demande donc que le
gouvernement essaie encore sa diplomatie pour faire casser un jugement qui
compromet la situation sociale de fonctionnaires belges distingués, surtout par
leur patriotisme, dont ils pourraient être victimes s’ils ne sont pas protégés
avec l’énergie dont il serait temps de faire usage.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau). - Messieurs, si
le gouvernement ne croyait pas qu’il y a beaucoup d’inconvénient à venir rendre
compte quotidiennement de ses actes, l’honorable préopinant ne lui aurait sans
doute pas adressé l’admonition que vous avez entendue tout à l’heure. Je
déclare, sans vouloir entrer dans la discussion de l’affaire relative à M.
Thorn et à tout ce qui s’y rattache, et en partageant l’opinion de M. de
Brouckere, que cette discussion sera beaucoup mieux placée lors de la
délibération du budget ; je déclare que ma conduite dans l’affaire Tornaco
provient d’une divergence d’opinion entre le ministre
précédent et moi. Je n’ai jamais considéré Tornaco et sa bande comme des
prisonniers de guerre. Cette doctrine a été plaidée devant la cour d’assises de
Namur et un arrêt solennel s’est déjà prononcé à cet égard. Mais cette manière
de juger du caractère de l’accusation contre Tornaco est purement facultative,
et du moment où le gouvernement hollandais exerce des poursuites contre les
sujets belges, je déclare que je n’hésiterai pas à changer de conduire. Déjà
depuis plus d’un mois j’ai fait solennellement notifier par le ministre des
affaires étrangères au gouvernement hollandais que, si des poursuites de la
nature de celles relatives au sieur Ruth (car je ne sache pas qu’il en ait été
fait d’autres), que si ces poursuites ne cessaient pas immédiatement, je
regarderais comme non-avenus tous les engagements pris par le gouvernement de
la Belgique, sous la condition formelle d’une entière réciprocité. Ce que j’ai
dit, je le ferai. La chambre peut prendre acte de mes paroles. Si les
poursuites ne sont pas abandonnées par le gouvernement hollandais, je me
croirais délié des engagements antérieurs, et les poursuites par contumace
seront reprises par le gouvernement de la Belgique avec toute la rigueur qui
lui convient. (Marques d’approbation.)
M. de Brouckere. - Je commence par déclarer que ces explications de
M. le ministre de la justice ne me satisfont en aucune manière. Peu m’importe
comment il considère la bande de Tornaco. Je soutiens qu’en aucun cas il ne lui
appartient d’annuler des procédures, des ordonnances rendues par des
magistrats, et d’anéantir des poursuites commencées. La violation de la
constitution est flagrante, et j’y reviendrai à propos du budget.
Maintenant, je désire dire
deux mots seulement sur les observations de M. Nothomb. Je n’aurais rien
répondu s’il avait parlé comme député, mais il s’est fait l’organe du
gouvernement, et il a terminé par annoncer que ce que ferait le gouvernement
aurait notre approbation.
Eh bien, pour ma part, je dis
qu’un système pareil à celui que nous a développé M. Nothomb n’aura pas la
mienne. Il nous a fait remarquer qu’au mois de novembre,
l’Escaut était ouvert de droit ; que nous avions demandé qu’il fût ouvert de
fait. Et comment l’avez-vous obtenu ? a-t-il ajouté. Sous la condition de
débloquer Maestricht. Ainsi, il établit une relation entre ces deux objets, et
il dit : La même chose arrivera encore aujourd’hui.
Messieurs, en 1830 Maestricht
était bloqué de toutes les manières, et si l’on n’avait pas cédé aux instances
qu’on faisait de lever ce blocus, celte place serait maintenant en notre
possession. Mais aujourd’hui, prétendre qu’en mettant quelques bataillons
autour de Maestricht, nous obtiendrons la liberté de l’Escaut, cela tend
seulement à nous fermer la bouche.
M. Nothomb. - Messieurs, en prenant la parole tout à l’heure, ce
ne pouvait être au nom du gouvernement ; je n’ai point ce droit. J’ai seulement
rappelé ce qui s’est passé sous le comité diplomatique, dont je faisais partie,
et à cette époque j’avais le droit de parler au nom du gouvernement. Le
principe de réciprocité entre la liberté de l’Escaut et la liberté de la
forteresse de Maestricht n’est pas de mon invention. Je ne l’ai pas même
établie par induction ; il est écrit en toutes lettres dans le protocole n°10,
du 11 janvier, et n’en déplaise à l’honorable orateur, il pourrait se présenter
telle circonstance où, en désespoir de cause et à toute extrémité, on pourrait
se prévaloir ou menacer de se prévaloir de ce principe.
Plusieurs voix. - Il est 4 heures et demie, à demain !
M. Gendebien. - Je veux dire deux mots seulement. On a cité le
gouvernement provisoire. Eh bien ! qu’a fait le gouvernement provisoire ?
S’est-il adressé à la conférence pour faire le blocus de Maestricht afin
d’amener l’ouverture de l’Escaut ? Non, c’est le 21 novembre que l’Escaut
n’était pas libre, et immédiatement après, quand nous avons su que l’Escaut
n’était pas libre, nous avons envoyé le brave général Mellinet, non pas avec
100,000 hommes, mais avec sa brigade de 2,500 volontaires. Nous n’avons pas
demandé la permission à la conférence, et nous avons mis le blocus. Eh bien,
que le gouvernement actuel ait le courage du gouvernement provisoire.
- La séance est levée à 4
heures trois quarts.