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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 18 décembre
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Démission d’office d’un membre de la chambre.
Ordre de Léopold (Rouppe)
3) Projet de loi portant le budget des voies et moyens
pour l’exercice 1833. Discussion des articles. Contribution foncière et ou
personnelle : exemption pour les propriétés inondées par fait de guerre (Osy), situation générale du trésor public et principe d’une
hausse d’impôt (Desmaisières, Jacques,
(+exemption pour les propriétés boisées) (Fallon, Seron), de Robiano, Angillis, (+impôt des patentes) Gendebien,
de Robiano, (+exemption pour les propriétés boisées) Faider, F. de Mérode,
(+contribution foncière) Verdussen, Dellafaille, (+surtaxe foncière dans les Flandres et
Anvers et opérations du cadastre) Thiry, Dellafaille, Mary, Duvivier, d’Elhoungne, Osy, Gendebien, Devaux,
de Robaulx, Devaux, d’Elhoungne), contribution personnelle (Osy,
Duvivier, Seron, d’Elhoungne, de Robaulx, d’Elhoungne, Mary), droit de
patente, notamment des bateliers (Hye-Hoys, Dumortier, F. de Mérode, Verdussen, Corbisier, Duvivier, Gendebien, Dumortier, Duvivier)
(Moniteur belge
n°352, du 20 décembre 1832)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques
fait l’appel nominal avant une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES
ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
DEMISSION
D’OFFICE D’UN MEMBRE DE LA CHAMBRE
M. Rouppe,
bourgmestre de Bruxelles, membre de la chambre, écrit à M. le président que,
décoré récemment de l’ordre de Léopold, il ne peut plus, aux termes de la loi
qui institue cet ordre, siéger dans cette assemblée.
________________
MM. Lebeau, de Mérode, Goblet, Rogier, Duvivier sont
au banc des ministres.
La commission nommée pour examiner le projet de loi
relatif à un crédit supplémentaire pour le ministère de la justice, est
composée de MM. Fallon, Dubus, d’Elhoungne, Verdussen et Mary.
L’ordre du jour est la suite de la discussion du
budget des voies et moyens.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS
POUR L’EXERCICE 1833
Discussion des articles
M. Osy propose
l’amendement suivant : « Les propriétés inondées par suite des hostilités seront
exemptes de la contribution foncière en principal et centimes
additionnels. »
Cet amendement, dit l’honorable membre, m’a été
suggéré par celui de M. d’Elhoungne. Je crois qu’il faut exempter de l’impôt
les propriétés inondées. M. le ministre des finances m’a dit que, d’après un
arrêté des consuls de l’an VIII, les propriétés inondées sont exemptées de fait
; mais elles doivent payer d’abord, sauf ensuite à être exemptées plus tard. Je
crois que nous ne devons pas mettre les propriétaires dans le cas de faire des
avances pour être dégrevés ensuite.
M. Desmaisières. - Messieurs, vous ne vous attendez sans doute pas à ce que j’aille
répéter ici tout ce qui a été dit, avec tant de force et de logique, dans nos
séances précédentes, pour démontrer les nombreuses et grandes injustices qui
résultent des bases et de la répartition, tant de l’impôt foncier que des
impôts perçus sous le nom de personnels.
Je regarderai ces injustices, qui nous ont été léguées
par le gouvernement précédent et que malheureusement, il faut le dire, on ne se
hâte pas assez de faire disparaître, comme des injustices bien démontrées et
même admises en qualités d’injustices réelles par le ministre lui-même.
Je me bornerai donc à répondre à quelques objections
qui ont été faites, pendant le cours de la discussion, dans le but de faire
adopter par la chambre les majorations proposées de ces mêmes injustices.
On a d’abord dit : « Mais il nous faut absolument
les sept millions d’excédant que présente le budget des dépenses sur celui des
voies et moyens, moins ces mêmes majorations. »
Etes-vous bien certains, messieurs, que les dépenses
ordinaires que l’on fait monter à la somme énorme de 83 millions ne pourront
plus, sans nuire aux services, être réduites de sept millions au moins ?
Aussi longtemps que la discussion du budget des
dépenses n’a pas eu lieu, vous ne sauriez répondre par l’affirmative à ma
question ; et vous le suivez, messieurs, en ne nous convoquant pas à temps, on
nous a malheureusement placés dans la nécessité de ne pouvoir préalablement
discuter ce budget des dépenses.
« Cela est vrai, a-t-on ajouté ; mais les
circonstances sont telles que, non seulement il faudra les 83 millions
demandés, mais que nous aurons encore à voter des crédits extraordinaires,
lesquels crédits feront monter la totalité des dépenses, en 1833, encore bien
au-delà de ces 83 millions ; et si, lors de la discussion, nous pouvons, sans
nuire aux services, retrancher sept millions du budget des dépenses ordinaires
qui nous a été présenté, eh bien ce seront sept millions tout trouvés, et qui
viendront en diminution des voies et moyens extraordinaires dont la nécessité
ne fait pas doute. »
Je ferai d’abord observer, contre cette objection, que
dans ce moment il ne s’agit que de budgets ordinaires. En nous présentant ces
budgets, on a laissé en grande partie de côté les circonstances extraordinaires
où nous nous trouvons. Je dis : on a laissé « en grande partie » de
côté les circonstances extraordinaires, parce que le budget du ministère de la
guerre ne m’a pas paru, à moi, être un budget sur pied de paix, mais bien
plutôt un budget de transition, un budget du juste milieu, entre la paix et la
guerre.
Nous n’avons, je le répète, à discuter ici, pour le
moment, que les budgets qui nous ont été présentés comme budgets ordinaires ;
ce ne sera que lorsqu’il nous sera fait des demandes de crédits extraordinaires
qu’il pourra s’agir aussi de voies et moyens extraordinaires. Jusque-là,
messieurs, la discussion ne me semble pas pouvoir être portée sur ce terrain.
On a dit encore « qu’en n’accordant pas au
gouvernement le budget des voies et moyens tel qu’il nous a été présenté, et
par conséquent avec les majorations proposées, nous affaiblirions le crédit de
l’Etat. »
Je crois au contraire, messieurs, qu’en votant dès à
présent et définitivement les fortes majorations d’impôts qui nous sont
demandées sans que nous ayons pu seulement jeter les yeux sur les comptes des
exercices précédents, et lorsque nous n’avons pas même en mains les
développements des budgets de dépenses de tous les ministères, nous nous
montrerions par trop prodigues des deniers prélevés sur les sueurs du peuple ;
et se montrer prodigue, c’est affaiblir, c’est ruiner son crédit.
Je conçois cependant, messieurs, que c’est là un
principe dont on ne peut se départir et que, pour affermir le crédit public, il
est nécessaire de mettre les voies et moyens au niveau des dépenses.
Aussi, s’il venait à m’être démontré que les
majorations sont d’absolue nécessité pour couvrir les dépenses ordinaires, je
n’hésiterais pas un seul moment de les adopter par mon vote.
Mais, entrons dans quelques détails de calcul pour
parvenir à savoir si cette nécessité existe réellement.
Le budget général des dépenses ordinaires et sur pied
de paix, qui nous a été présenté, donne un total de dépenses s’élevant à la
somme de 83,014,085 fr. 84 c.
Je remarque d’abord, avec l’honorable M. Donny, que
l’article premier du chapitre de la dette publique porte une somme de 17,777,777
fr. 78 c. pour les intérêts de la dette active à transférer du grand livre
d’Amsterdam en exécution du traité du 15 novembre 1831 ; et, comme l’a très
bien observé l’honorable M. Coghen en nous présentant son rapport sommaire sur
l’état de nos finances, ces 18 millions, environ, constituent une dépense qui
ne devra avoir lieu qu’après la conclusion de la paix. Or, messieurs, qui de
nous ne sait que le meilleur appui du crédit public, c’est la paix ? Il me
paraît donc inutile et onéreux de s’occuper pendant la guerre de pourvoir à une
dépense qui ne doit se faire qu’à la paix, et pour laquelle le peuple sera
d’autant plus disposé à faire des sacrifices et à supporter des majorations
d’impôts momentanés qu’il en aura vu arriver, enfin, le terme, et que,
d’ailleurs, ces majorations d’impôts pourront alors se faire avec plus de
justice distributive, parce que l’on aura eu le temps d’étudier et de poser, en
attendant l’achèvement de l’interminable cadastre, les bases d’une répartition
provisoire plus juste et plus équitable des impôts foncier et personnel.
Il est à espérer ensuite que notre diplomatie qui
jusqu’ici malheureusement n’a pas eu de très brillants succès, saura du moins
soutenir avec succès que les 36 millions de dette hollandaise pour 1832 et 1833
doivent nous rester en compensation d’une partie des dépenses extraordinaires
auxquelles nous a forcés la non-adhésion du roi de Hollande au traité du 15
novembre.
Retranchant donc les 83 millions demandés, la dette
hollandaise qui monte à 17,777,777 fr. 18 c., il ne reste plus à pourvoir pour
le moment à 65,236,308 fr. 66 c.
Maintenant, messieurs, vous ne mettrez pas en doute,
je crois, que sur les 65 millions de dépenses présumées et calculées par le
ministère, il n’y ait de fortes réductions à espérer, et que vous opérerez
lorsqu’il s’agira du budget des dépenses.
Je sais bien que MM. les ministres viendront s’écrier
alors : « Si vous retranchez telle somme, si vous retranchez telle autre
somme, il ne restera pas de quoi faire marcher les services. »
Vous leur répondrez :
« Vos prédécesseurs ont dit la même chose l’année
dernière, cela ne nous a pas empêchés de retrancher d’assez fortes sommes, et
l’honorable membre de la chambre qui alors était ministre des finances, est
venu lui-même, dans son rapport sommaire de cette année, nous annoncer qu’en
outre des réductions opérées par les chambres, l’administration avait elle-même
encore réussi à faire environ neuf millions de francs d’économies sur les
divers ministères. »
Je ne crois donc pas, messieurs, trop présumer de la
bonne administration de nos ministres actuels, et d’ailleurs il vous aura suffi
de parcourir avec attention les développements des budgets de dépenses qui nous
ont été distribués pour penser avec moi qu’il ne nous sera pas difficile de
réduire ces dépenses ordinaire et sur pied de paix pour 1833, de huit à neuf
millions au mois.
Si donc, des 65 millions auxquels j’ai démontré qu’il
fallait réduire, pour le moment., les dépenses que doivent couvrir les voies et
moyens à voter actuellement, on retranche les huit millions dont je viens de
parler, il ne restera plus que 57 millions pour les dépenses ordinaires et sur
pied de paix de l’exercice 1833, auxquelles il s’agit de faire face par les
voies et moyens dépenses ordinaires et sur pied de paix soumis en ce
moment à notre discussion car, encore une fois on ne nous a jusqu’ici présenté
rien de ce qui regarde le pied de guerre, et nous n’avons donc pas encore à
nous en occuper.
Or, les ressources ordinaires, moins les majorations,
monteront encore à 76 millions environ, et il y aura par conséquent un excédent
de ressources sur les dépenses d’environ la somme énorme de 19 millions.
Vous voyez maintenant, messieurs, que l’honorable M.
Coghen a eu bien raison en vous présentant l’état de nos finances sous un point
de vue très satisfaisant, puisque vos ressources (et faites bien attention que
ces ressources je les laisse au taux des prévisions ministérielles)
présenteront un excédant, pour 1833, de 19 millions sur les dépenses
ordinaires.
Un dernier point qu’il me reste à prouver, messieurs,
pour vous déterminer à rejeter les majorations proposées, c’est qu’en votant
les voies et moyens moins les majorations, nous nous trouverons, avec le vote
approbatif que nous avons déjà donné à la loi du 8 décembre, avoir fourni au
gouvernement (ce qui pour nous est, je le reconnais, une obligation) les moyens
de subvenir provisoirement aux dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires
pendant les deux ou trois mois qu’il faudra pour avoir examiné et voté régulièrement
et avec connaissance de causes pour 1833 les dépenses ordinaires et
extraordinaires, ainsi que les voies et moyens extraordinaires,
Les dépenses sur pied de paix, telles qu’on nous les a
présentées, monteront pour deux mois au sixième de 57 millions, et donc à moins
de 10,000,000 de francs.
Il faudra pour deux mois de crédits extraordinaires à
accorder au ministère de la guerre un supplément de 8,000,000 de francs.
Le total des dépenses ordinaires et extraordinaires
pour les deux premiers mois de 1833, ne s’élèvera donc guère qu’à 18 millions
de francs.
Nous aurons, pour y faire face, d’abord le sixième des
voies et moyens réduits à 76 millions en supprimant les majorations.
Ce sixième monte à plus de12,600,000 fr.
Au lieu du sixième de l’impôt sur le foncier, on
percevra les deux tiers, ce qui, moins les 40 centimes additionnels, et moins
le sixième déjà compris dans les 10,000,000 fr.
On aura donc perçu plus de 22 millions pour faire face
à 18 millions de dépenses, et par conséquent, vous le voyez, il y a de la
marge.
Ainsi, messieurs, tout en supprimant les majorations,
nous aurons fourni au gouvernement tous les moyens possibles de marcher pendant
plusieurs mois, et d’un autre côté, nous nous serons donné le temps de voter
les diverses lois de finances qui suivront celle des voies et moyens
ordinaires, avec pleine et entière connaissance des pièces du procès et en
restant ainsi scrupuleusement que possible dans la ligne des devoirs qui nous
sont imposés par le mandat que la nation nous a confié.
A moins donc que la suite de la discussion ne détruise
les raisonnements et calculs que je viens d’avoir l’honneur de vous soumettre,
je voterai pour la suppression de toutes les majorations proposées, en
déclarant toutefois que si le bien de l’Etat et le crédit public l’exigent, je
me montrerai disposé à voter de nouvelles perceptions par anticipation des
impôts auxquels ce mode de recettes est applicable, plutôt que de voter
définitivement, et sans connaissance de cause, des majorations aussi fortes et
aussi injustes que celles qui nous sont proposées, des majorations tellement
injustes, messieurs, que, dans son indignation contre les arguments présentés
par des honorables membres de cette assemblée dans le but d’atténuer le mérite
de la minime réparation accordée aux deux Flandres et à la province d’Anvers,
il est échappé à M. le commissaire du Roi de faire connaître le résultat de ses
méditations et de ses calculs à cet égard, et ce résultat ne présente rien
moins qu’une injustice de 25 p. c. envers toute une province dans la
répartition de l’impôt foncier.
Je sais, messieurs, que
répondant ensuite à l’honorable M. A. Rodenbach, M. le commissaire du Roi a dit
que le résultat de ses calculs n’avait aucun caractère légal ; mais vous n’en
reconnaîtrez pas moins avec moi que ce résultat, étant le fruit des méditations
et de l’expérience de celui qui pendant 18 ans a rempli avec honneur les
fonctions d’inspecteur-général du cadastre, doit s’il n’a pas de caractère
légal du moins approcher infiniment de la plus rigoureuse exactitude.
M. de Tiecken de Terhove. - Je n’aurais pas pris la parole si je ne devais
motiver mon vote qui sera négatif.
M. Jacques.
- L’examen auquel je me suis livré depuis quelques jours sur les besoins du
trésor, m’ayant décidé à voter contre toute majoration d’impôt pour le service
ordinaire, je crois devoir expliquer en peu de mots les motifs de mon vote.
Je suis persuadé que les impôts existants peuvent
suffire à toutes les dépenses du pied de paix.
Le budget de dépenses, que l’on nous a présenté,
s’élève, il est vrai, à 83 millions ; mais il semble que l’on s’est borné à
classer et à totaliser les allocations demandées par les diverses
administrations. Cette tâche n’était pas difficile, surtout quand, pour élever
les recettes au niveau des dépenses, l’on se borne à proposer une majoration de
40 p. c. sur la foncière, de 13 sur la personnelle et de 33 sur les patentes,
afin d’ajouter 8 millions aux 75 millions que produisent maintenant les impôts.
Si c’est là tout ce qu’avait à faire le ministère des finances en matière de
budget, beaucoup peuvent dire avec M. de Robaulx qu’ils en feraient bien
autant.
Et si la chambre elle-même n’en fait pas davantage ;
si elle ne sait pas retenir les dépenses de l’Etat dans les limites des impôts
existants ; si elle ne porte pas une main impitoyable sur les services publics
trop coûteux pour en élaguer les inutilités et y introduire les réductions convenables
; si elle persiste à regarder comme des droits acquis les avantages personnels
obtenus par l’intrigue ou accordés par la faveur ; si, pour ne pas déranger le
moins du monde les existences privilégiées sur le budget, elle trouve plus
commode de sacrifier le droit imprescriptible de la nation d’être administrée
et protégée à bon compte, alors, messieurs, il faut convenir que les
contribuables qui nous ont envoyés ici n’auront pas lieu d’être très satisfaits
de leurs mandataires.
Ne suffit-il donc pas de parcourir le budget des
dépenses pour se convaincre qu’il y a possibilité de le réduire à 25 millions
sans nuire au bien public, sans gêner la marche régulière du gouvernement, et
sans poster atteinte aux engagements contractés ou aux obligations réelles de
l’Etat ? Pour moi, messieurs, j’ai acquis la certitude que 75 millions, bien
répartis et employés avec économie, peuvent suffire à tous les besoins réels
sur le pied de paix ; et puisque les impôts existants rapportent la même somme,
je croirais manquer à mon mandat si je donnais mon vote à aucune majoration
pour le service ordinaire.
Quant aux dépenses de l’état
de guerre la nation sait qu’elle doit y pourvoir ; mais, sous ce point de vue,
les majorations que l’on propose sont tout à fait insuffisantes. Un supplément
de 30 à 35 millions me semble nécessaire à l’armée, même en y affectant les 18
millions portés au budget pour les intérêts de la dette hollandaise. Je désire
donc que le gouvernement présente de suite les moyens de couvrir ces 30 à 35
millions, afin d’éviter toute gêne dans le service du trésor, d’affermir le
crédit public, et de faire connaître immédiatement aux contribuables tout ce
qu’ils auront à payer pour l’année qui va s’ouvrir. Alors je n’hésiterai pas à
voter une contribution extraordinaire sur la foncière et sur la personnelle,
ainsi qu’une émission de bons royaux pour le surplus.
M. Fallon.
- Messieurs, je voterai contre les 40 et les 13 p. c. et subsidiairement je
voterai pour l’amendement de M. d’Huart.
Je voterai contre les 40 et les 13 pour cent, parce
que l’impôt n’est juste et tolérable que lorsqu’il est assis sur l’égalité
proportionnelle ; parce qu’étant prouvé à satiété que la contribution foncière
et la contribution personnelle sont exclusivement mal réparties, il est
absurde, il y a improbité même, à aggraver sérieusement l’injustice.
On pense échapper à cette étrange contradiction en
invoquant la loi de la nécessité, mais on se trompe.
Un subside extraordinaire est nécessaire, j’en
conviens ; je crois même qu’il sera insuffisant, et je suis autant disposé que
tout autre à aider le gouvernement.
Mais si le subside est nécessaire, il n’est pas du
tout nécessaire de l’asseoir sur des bases dont on confesse l’injustice.
Ce n’est que dans trois ans que l’opération cadastrale
sera achevée et qu’un subside sur les rôles de la contribution foncière pourra
être assis dans une juste proportion.
Accordez le subside, mais attendez cette époque pour
en faire la répartition.
Vous avez déjà employé utilement ce moyen. Vous pouvez
l’employer encore, et vous échapperez au reproche d’injustice et d’arbitraire.
Le rôle de la contribution foncière vous a déjà fourni
un subside extraordinaire de 12 millions. Il peut encore vous fournir vos 40 et
vos 13 p. c.
Faites ce qui a été fait par le décret du 8 avril
1831, décret qui n’a produit aucune plainte fondée, qui n’a produit aucun
embarras dans son exécution, et qui avait cet avantage de prendre le subside
sur le propriétaire ou l’usufruitier, et non sur le fermier.
Déclarez que vos centimes additionnels seront perçus
par forme d’emprunt, et qu’ils seront remboursés dans cinq ans.
D’ici lors, le rôle de la contribution foncière aura
pu être redressé, et la somme qui sera nécessaire au remboursement pourra être
répartie dans une juste proportion, si, avant cette époque, le nouveau système
financier n’a pas procuré d’autres moyens d’y pourvoir.
Ouvrez enfin le décret du 8 avril 1831. Appliquez-le à
vos centimes additionnels, et vous débarrasserez la discussion de tous ces amendements
qui signalent dans votre système des injustices multipliées.
Si le ministère ne trouve pas que le retour au décret
de 1831 soit possible, vous accueillerez tout au moins, messieurs, les
amendements de MM. d’Huart et d’Elhoungne.
C’est une vérité incontestable que, par suite de la
stagnation dans laquelle se trouve la forgerie dans les provinces de
Luxembourg, Liége et Namur, le revenu des bois est baissé de plus de moitié, et
que, dans certaines localités, on ne trouve pas même à vendre.
Or, tandis que ces sortes de propriétés se trouvent
déjà actuellement surchargées par le principal même de la contribution, c’est
plus qu’un contre-sens, c’est une injustice évidente, que de les frapper d’un
accroissement.
Que dit-on pour réfuter l’amendement de M. d’Huart ?
Ecoutons d’abord la majorité de la section centrale,
et nous la trouverons en contradiction flagrante :
« Il est sage, dit-elle, de ménager la propriété
foncière dans les temps ordinaires... mais l’industrie agricole a moins que
toute autre souffert des conséquences de notre situation actuelle. Des récoltes
se sont succédé avec abondance et d’une vente facile… »
C’est donc parce que les dernières recettes ont été
abondantes et qu’elles sont d’une vente facile que vous trouvez l’accroissement
supportable.
Mais si tel est le motif de votre détermination, vous
êtes nécessairement inconséquents avec vous-mêmes si vous n’admettez pas une
exception pour les forêts, puisque là les dernières récoltes ont été frappées
de stérilité et la vente n’en est nullement faite.
Pour échapper à cette inconséquence, vous tombez dans
l’absurde.
Les forêts sont en général en mains de personnes où
d’établissements riches ; donc on peut mettre cette classe de riches hors du
droit commun et la frapper au hasard, sans s’arrêter au principe de l’égalité
proportionnelle.
Il existe encore quelques matrices sommaires, il y
aura des difficultés à établir les distractions dans certaines localités ; donc
il ne faut pas donner ce surcroît d’embarras aux contrôleurs qui sont payés
pour faire cette besogne.
Voilà les arguments qui introduit ce chiffre de 4
contre 3 dans la section centrale. Le nombre moindre a tout au moins le mérite
de rester conséquent avec les principes.
Les charbons s’expédient en France, a-t-on dit, et on
ne tient pas compte du droit de sortie, qui est de 6 p. c., aux termes de notre
tarif des douanes.
La haute futaie est augmentée de prix, a dit M. le
commissaire du Roi.
C’est d’abord là une erreur. Et puis, quand il serait
vrai que la haute futaie se soutient, serait-ce là une raison pour ne pas
prendre égard à l’énorme dépréciation de la raspe et pour ne pas appliquer tout
au moins l’exception aux forêts où il n’y a que peu ou point de haute futaie ?
Les exceptions qui n’affectent que certaines localités,
sont des privilèges inadmissibles, a dit un honorable député.
La chambre a déjà fait justice de l’objection en
accueillant l’amendement de M. Verdussen.
Du reste, elle n’est nullement applicable à
l’amendement de M. d’Huart, car l’exception qu’il demande n’est limitée à
aucune province ni à aucunes localités.
Cette exception produira un déficit dans les
ressources que l’on veut obtenir au moyen du subside demandé… Cela est vrai,
mais le ministre des finances, en acquiesçant à l’amendement de M. Verdussen,
nous a déjà suffisamment avertis qu’il a demandé plus qu’il n’a besoin, et nous
a conviés à suivre pour exemple qu’il ne faut pas reculer lorsqu’il s’agit d’un
acte de justice.
M. le commissaire du Roi s’est montré plus sévère,
mais l’honorable M. d’Elhoungne lui a déjà prouvé qu’il s’était trompé.
Le revenu de la raspe se calcule, dit-il, sur le
produit de dix années, et ainsi on fait compensation des années qui produisent
moins avec celles qui produisent plus.
D’abord, ce calcul est fort
mal établi, puisque, dans la plupart des localités, dans les provinces du
Luxembourg et de Namur, la raspe ne s’exploite qu’à 16 ans.
Du reste, qu’alors qu’il est question d’établir une
année commune pour l’assiette de l’impôt, on tienne compte des années productives
à côté de celles où le produit a été moindre, cela se conçoit lorsqu’il s’agit
de l’assiette ordinaire de l’impôt.
Mais cela ne se conçoit pas lorsqu’il s’agit, comme
dans le cas actuel, d’un subside extraordinaire non permanent, et lors surtout,
comme nous le dit la section centrale, qu’il ne s’agit de demander ce subside à
la contribution foncière qu’à raison que les dernières récoltes ont été
abondantes et d’une vente facile.
M. le commissaire du Roi, qui a d’ailleurs raisonné
fort juste, est donc resté tout à fait à côté de la véritable question.
M. Seron. - Messieurs je crois devoir ajouter quelques mots aux
observations que vous a présentées mon honorable collègue et ami M. de Robaulx,
au sujet de la proposition d’exempter les propriétés boisées de l’addition de
40 p. c. à la contribution foncière.
Il est certain, quoi qu’ait pu dire l’honorable M.
d’Elhoungne que le prix des arbres futaie s’est en général assez soutenu. On
vend même fort cher les moindres chênes que l’on débite en douves quand ils ne
sont pas propres à être sciés ou équarris. Quant au taillis, la vente des
écorces compense en partie la diminution de prix qu’ils ont essuyée. Mais cette
diminution ne doit pas être attribuée à l’établissement des usines au coak, car
ces usines existaient avant 1830 et ce n’est que depuis 1830 que les taillis
sont en baisse.
Ainsi, la baisse ne remonte pas à une époque assez
reculée pour justifier l’exemption qu’on vous demande en faveur des propriétés
boisées. Deux mauvaises récoltes de céréales et de graines oléagineuses
assurément ne vous feraient pas diminuer la contribution foncière. D’ailleurs,
les bois de l’ordinaire 1833 sont loin de se donner à vil prix.
M. de Robaulx vous a dit avec raison que, partout, les
forêts sont la propriété des riches. Il aurait pu ajouter que, partout, quand
le prix des coupes diminue, ces riches ont soin d’en ajourner la vente à une
autre année, sans s’inquiéter si le manque de charbon exposera les fourneaux et
les forges à chômer. C’est un avantage qu’ils ont dans ma province et
particulièrement dans l’arrondissement de Philippeville, sur les fermiers
obligés, pour la plupart, de vendre chaque année leurs récoltes au prix
courant, quel qu’il soit, afin de pouvoir acquitter leur fermage.
Enfin, messieurs, si vous établissez un privilège en
faveur des propriétés boisées, voulez-vous savoir à qui il profitera dans ce
même arrondissement ? Il profitera aux héritiers de M. Decroix, pair de France,
dont la cote au rôle de la contribution foncière a déjà été diminuée en 1816,
on ne sait pourquoi, de 2,000 francs sur 4,000, à quoi elle s’élevait
primitivement. Il profitera à madame la duchesse de Beaufort, à M. le duc de
Croy ou à ses représentants, à M. le duc d’Aremberg, à MM. les comtes de Bryas,
à madame la comtesse de Mérode, à madame la comtesse veuve Simonis de Verviers,
etc., etc., etc. (On rit beaucoup.)
Voilà les contribuables sur le
sort de qui on s’apitoye, sur qui on ne veut pas que tombe l’augmentation,
qu’on veut faire sortir du droit commun, tandis qu’on est sans miséricorde pour
le petit propriétaire qui n’a pas de forêt dans son domaine, pour le pauvre
locataire que la contribution personnelle frappe déjà au-delà de ses forces, et
pour le pauvre patentable, mourant de faim, malgré l’état de prospérité dans
lequel la plume de nos économistes a replacé le commerce belge.
Si je votais en faveur de la proposition de M.
d’Huart, je me ferais montrer au doigt, même par ceux d’entre les riches qui
ont de la pudeur.
Je suis bien flatté, messieurs, que mon opinion, sur
ce point, soit partagée par M. Pirmez.
Mais, j’ai été bien étonné quand j’ai entendu cet honorable représentant
s’opposer à toute innovation dans les impôts existants.
Je l’avoue, quand, en septembre 1830, je recevais dans
ma ville natale la nouvelle que l’honorable représentant faisait ses
dispositions pour prendre d’assaut la forteresse de Charleroi, je ne prévoyais
pas que le même citoyen qui prêtait ainsi son appui à une révolution dont
l’objet était le renversement des abus, viendrait, deux ans plus tard, vous
proposer le maintien du système d’Appelius dans toutes ses parties.
M. de Robiano de Borsbeek. - Messieurs, il me semble que dans cette discussion
on s’est occupé beaucoup plus de savoir quels étaient les besoins ordinaires et
extraordinaires de l’administration, que de voir quelles pouvaient être les
ressources du pays ; quant à moi, convaincu qu’il y aurait en 1833 des dépenses
très fortes à faire pour l’une et l’autre catégorie, je m’attache davantage à
voir ce que le pays peut supporter sans gêner les contribuables outre les
mesures, et alors je trouve que ce que l’on peut percevoir par les
contributions doit être préféré au mode des emprunts.
Les augmentations demandées pour 1833 ne me semblent
pas exorbitantes ; l’abondance des récoltes, le haut prix de toutes les denrées
de l’agriculture, me donnent la conviction que les contribuables, j’entends les
fermiers, les locataires, ne seront pas vexés extraordinairement par l’augmentation
de l’impôt foncier.
Dans la section dont je fais partie, nous avons
remarqué que le locataire n’est pas lui seul redevable ; une partie de l’impôt
foncier retombe indirectement sur le propriétaire ; je dis une partie. Quant à
la partie principale, j’admettrai, si l’on veut, que le fermier la supportera à
cause de l’usage général du pays de faire payer aux fermiers les contributions
présentes et futures ; mais il s’indemnise par le haut prix des denrées. Le
propriétaire ne jouit ni du haut prix des denrées, ni de l’abondance des
récoltes, puisque son loyer est fixé.
Les baux, il est vrai, ne durent pas toujours. Dès
cette année, il y en aura plusieurs qui expireront ; on se figure facilement
que lorsque le propriétaire dira au locataire : payez-moi telle somme pour le
renouvellement du bail, il représentera l’augmentation de la contribution de 40
p. c. Les fermiers ne sont jamais en reste pour faire valoir les pertes qu’ils
essuient. Ainsi, il y aura perte pour le propriétaire pour les années qui vont
suivre ; il en sera de même des locataires. Cependant, considérons ce que l’on
exige d’eux, et nous pouvons voir qu’ils ne seront pas surchargés.
Le pays n’a pas fait de grands sacrifices pécuniaires
pour la belle cause qui l’a mis dans une situation si avantageuse, si l’on
compare cette situation à celle qui précédait. Des orateurs ont prouvé que ces
sacrifices étaient nuls, puisque tout a été remboursé. Il est digne de remarque
que, les impôts étant augmentés comme on le propose, les contributions
n’atteindront pas le taux où elles étaient sous l’ancien gouvernement. J’ai
trop bonne opinion de mes compatriotes pour ne pas croire qu’ils consentiront
aux sacrifices qu’on leur demande pour le bonheur de la patrie.
Ce que je viens de dire s’applique également à la
contribution personnelle.
Cela étant posé, il me semble que nous, membres d’une
chambre législative, nous devons prendre garde d’augmenter les emprunts ; il
faut, au contraire, les diminuer autant que possible ; les emprunts sont une
calamité pour les Etats.
Dans la situation actuelle de notre crédit nous ne
pourrions faire un emprunt qu’à 31 p. c. de perte ; indépendamment de cette
perte il faudrait encore, les années suivantes, continuer le paiement des
intérêts et de l’amortissement.
Le contribuable, qui ne se rend pas compte des
opérations financières, croit en aveugle que tout est pour le mieux pour lui
quand on n’augmente pas ses contributions ; et cependant sous le régime des
emprunts son état empire. Quand on peut, sans surcharger les contribuables,
échapper aux mains des banquiers, des spéculateurs qui font les emprunts, on
doit s’empresser de le faire. Loin de diminuer les majorations demandées, je
réclame le moyen de diminuer les emprunts ou de les éviter.
Sous le gouvernement précédent on avait parlé
d’imposer les denrées coloniales ; le midi consentait cet impôt ; la Hollande
s’y opposait ; je ne peux m’expliquer comment on ne revient pas à cette idée.
J’aborde cette question avec beaucoup d’inquiétude ;
je déclare ne la pas connaître suffisamment. Avant d’arriver à la liberté du
commerce qui est peut-être un vœu très bien entendu, il me semble que nous
devons recourir aux ressources que j’indique ; je ne vois pas trop le moyen de
les remplacer.
Plus nous emprunterons, plus notre crédit public s’affaiblira.
Nos emprunts ont été légers jusqu’à présent pour une nation qui n’a pas de
dettes considérables.
Guillaume fait valoir près de la conférence la
faiblesse de notre crédit pour demander la capitalisation de notre dette. Voilà
les résultats d’un crédit faible. Il faut y faire attention, c’est un des
premiers intérêts de l’Etat que d’augmenter le crédit.
Je ne saurais m’empêcher de trouver une grande utilité
à ce que les citoyens contribuent à faire marcher l’Etat ; si les citoyens se
résignent à payer une augmentation d’impôts, c’est en connaissance de cause ;
c’est que l’esprit national se montre.
Voyez comment, en Hollande, on a augmenté les impôts.
Je suis loin de désirer qu’on aille jusque-là ; mais ne rien faire, c’est un
extrême qu’il faut éviter aussi. Nos concitoyens, convaincus que la patrie
exige des sacrifices, les consentiraient.
Je crois aux inégalités dans la contribution foncière
; mais ce n’est que lorsque les opérations cadastrales seront terminées que
l’on pourra comparer les contributions d une province à celles d’une autre
province ; il y aura alors des dégrèvements ou des augmentations :
Au reste, qu’on ne croie pas que je vote légèrement
l’augmentation d’impôts pour cette année ; je la demande, je serai le premier à
ne pas donner mon vote pour une semblable augmentation dans d’autres
circonstances.
La propriété foncière est atteinte aujourd’hui plus
que les autres propriétés ; cependant j’espère que les propriétaires fonciers
donneront l’exemple du dévouement. Il ne faut pas oublier toutefois que c’est
l’agriculture qui est la base de la prospérité des Etats ; car je me défie de
ces économistes qui fondent tout leur espoir sur l’industrie.
L’amendement de M. d’Elhoungne exigerait une
discussion longue et difficile ; il me semble que le temps qui nous reste ne
comporte pas cette discussion ; nous avons des projets de loi préparés, ils
seront discutés ; les améliorations se feront avec maturité. Nous ne pouvons
pas actuellement apprécier la portée de l’amendement de M. d’Elhoungne. Nos
besoins sont grands, et nous devons nous résigner malgré les inégalités
résultant de l’assiette actuelle de l’impôt.
Messieurs, l’intervention de
l’armée française et des forces navales anglaises est un événement d’une grande
portée. L’obstination de la Hollande est cependant la même, quoiqu’il n’y ait
aucune chance d’espoir ; par suite de cette obstination, la Hollande fortifie
les rives de l’Escaut.
Ces circonstances peuvent amener des résultats
imprévus.
L’injustice de la Hollande dans ses prétentions est
grande ; cette injustice peut faire impression sur la diplomatie étrangère :
nous devons donc espérer que les événements nous seront favorables ; la
Providence nous ménage peut-être quelques avantages dans la crise qui se
prépare. Je voudrais que la nation tout entière prouvât son attachement à ce
qu’elle a fait, en consentant des sacrifices extraordinaires ; quant à nous, si
une imposante majorité, comprenant notre position, vote l’augmentation d’impôts
demandée, nous donneront à l’Europe la preuve que nous voulons fermement le
système nouveau qui régit la Belgique.
M. Angillis.
- Messieurs, je reconnais qu’en temps de paix les dépenses d’un gouvernement ne
doivent jamais excéder les ressources ordinaires du peuple, mais en temps de
guerre cela est très différent. Lorsque l’honneur et l’indépendance sont en
péril, il ne faut pas hésiter à faire tous les sacrifices que réclament de si
grands intérêts.
Quant à notre système financier, je conviens avec
l’honorable M. Seron que ce système est dans plusieurs points mauvais et très
mauvais ; mais cet honorable membre conviendra avec moi qu’il faut un temps
très long pour apprécier et discuter la convenance de grandes mesures qu’on doit
prendre pour changer ce système. Ce n’est pas lorsque toute l’attention de la
chambre est absorbée par la question politique que la comparaison des avantages
et des inconvénients des divers systèmes peut être faite avec la maturité
convenable. C’est pendant les loisirs de la paix que de semblables questions
doivent être examinées et résolues.
Si donc la nécessité des fonds que le gouvernement
demande était bien démontrée, il faudrait, malgré toute l’inégalité de la
répartition, adopter une majoration sur l’impôt foncier, comme étant le seul
susceptible de supporter une majoration dans des circonstances graves, telles
que celles qui se présentent maintenant.
La question de la banque, messieurs, qu’il me soit
permis de le dire, a été traitée un peu légèrement. Cette question se rattache
à plusieurs autres questions qui, toutes, méritent une attention sérieuse et un
examen approfondi. Je pourrais, aussi, dire quelque chose et beaucoup de choses
là-dessus. Mais je ne pense pas qu’il faille traiter des questions de cette
nature en séance publique. Lorsqu’on parle en public, les spectateurs exercent
une certaine influence sur l’orateur, qui empêche aux idées de paraître dans
toute leur nudité. On ne dit rien qui ne soit vrai, mais on ne dit pas toujours
tout ce qui est vrai. Cet examen devient cependant de la plus haute importance,
mais il conviendrait de nommer une commission pour s’occuper de cet objet et en
faire un rapport à l’assemblée.
Mais me voilà arrivé à la
question qui est à l’ordre du jour, savoir : la majoration de nos impôts. Deux
considérations m’arrêtent : d’abord il ne m’est nullement prouvé que les sommes
qu’on demande soient strictement nécessaires pour remplir nos engagements. En
dernier lieu, comme on ne se tiendrait pas aux sommes qu’on demande maintenant,
avant de me déterminer, je devrais savoir si, moyennant cette majoration, on
pourra satisfaire généralement à tous les besoins de l’année qui va commencer.
Si on répond que non, je vous demanderai, messieurs, s’il est bien prudent,
s’il est bien rationnel, de voter une majoration considérable d’impôts, sans
que nous connaissions les autres mesures qu’on est dans l’intention de nous
proposer pour combler le déficit du département de la guerre ? Nous devrions,
au moins, connaître ce qu’on nous proposera. Les projets du gouvernement,
examinés dans leur ensemble, se seraient peut-être expliqués et appuyés, tandis
que si on adopte un projet isolé tel que celui qu’on vous propose en ce moment,
on pourrait se repentir d’avoir pris cette mesure. En l’absence de ces données,
je me trouve donc forcé à voter contre tout le projet.
Si j’ai fait, messieurs, précéder mon vote de quelques
peu de considérations, c’est pour qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions.
Maintenant que ces intentions sont connues, on peut m’appeler des 42,
démolisseur ou jacobin ; enfin, tout ce qu’on voudra. J’aurai satisfait au cri
de ma conscience, aux obligations de ma place. Je le déclare donc, je voterai
tous les crédits provisoires dont le gouvernement justifiera avoir besoin, et
j’appuierai toutes les demandes des ministres en ce qu’elles me paraîtront
justes et équitables ; mais, après tant d’espérances déçues, un vote aveugle
serait de ma part une abjuration complète et criminelle des intérêts nationaux.
M. Gendebien.
- Je n’ai demandé la parole, messieurs, que pour motiver en très peu de mots
mon opinion. En toute autre circonstance je me serais abstenu de parler, mais
comme on a pris maintenant l’habitude de calomnier nos intentions, j’ai cru devoir
m’expliquer, et du moins on sera dispensé, pour me calomnier, d’aller chercher
ailleurs que dans ce que j’aurai dit.
Je voterai contre le projet de loi entier, comme je
l’ai déjà déclaré, et à plus forte raison contre la majoration de 40 p. c.
demandée sur la contribution foncière. Il a été démontré par plusieurs membres
de cette assemblée, l’année dernière et cette année, que la contribution
foncière était répartie si inégalement qu’il y avait même iniquité pour
certaines localités. Ainsi, messieurs ; déjà depuis longtemps des propriétaires
et des fermiers ont été vexés, et on vous propose de les vexer
extraordinairement.
Je réponds ici à une observation d’un honorable
préopinant, qui a dit que les propriétaires et les locataires ne seraient pas
vexés extraordinairement par la majoration que l’on demande. (On rit.) J’avance que j’ai entendu ces
paroles avec peine. Je ne croyais pas que notre mission ici était de ne vexer
qui que ce soit, ni ordinairement, ni extraordinairement. Tout le monde
reconnaît que dans les Flandres, la province d’Anvers, et autres lieux, il y a
vexation, parce que tout impôt est vexatoire qui n’est pas réparti également.
Ainsi l’honorable membre, et ceux qui sont de son avis, ne devront pas voter la
majoration dont il s’agit, puisqu’il a déclaré qu’il ne la votait que parce que
les propriétaires et les locataires ne se trouveraient pas vexés
extraordinairement.
On nous répète sans cesse que la nation doit faire des
sacrifices extraordinaires. Oui, messieurs, la nation doit faire des sacrifices
extraordinaires, et elle est prête à s’y résigner. Pour mon compte, j’en
voterai, je le déclare, si la nécessité en est démontrée ; mais je n’entends
pas qu’on vexe en aucune manière les contribuables. Je crois que depuis deux
ans nous avons assez prouvé de quels sacrifices nous sommes capables, et,
chaque fois qu’on nous demandait ce qui était équitable, nous l’avons toujours
voté. Mais ce n’est point là la question, et l’on veut se placer à côté de la
question, dans l’impuissance où l’on se trouve de répondre à nos arguments.
Les 42 et les 44 soutiendront le gouvernement pour
autant que le gouvernement agira dans l’intérêt du pays, et ils diront les uns
et les autres : Sinon, non ! Eh bien ! s’il veut avoir l’appui de la nation et
des chambres, il faut que le gouvernement détermine les sacrifices que nous
devons nous imposer, et non pas qu’il propose des mesures tendant à vexer les
contribuables ; il faut qu’il nous indique en même temps le but qu’il veut
atteindre ; car si l’on persiste dans l’état d’anomalie où nous nous trouvons
depuis deux ans, tous les sacrifices sont inutiles, car ils ne sont nécessaires
qu’autant qu’ils peuvent nous mener à un résultat. Il faut qu’il se trouve
enfin des hommes capables de faire la guerre ou la paix ; mais si l’état de
marasme dans lequel nous sommes depuis longtemps dût se prolonger, tous les
sacrifices que nous accorderions seraient la clause la plus dangereuse, parce
qu’ils tendraient à nous perpétuer dans ce juste milieu qui n’est ni la paix ni
la guerre.
Relativement à la contribution foncière, si le
ministère avait voulu profiter des lumières de la commission de finances, au
lieu de les mettre à l’écart (car cette commission n’a plus été réunie aussitôt
qu’il eût obtenu le budget des voies et moyens), on aurait pu aviser aux moyens
d’établir une péréquation, non pas mathématiquement exacte, mais au moins
équitable, de telle manière que vous n’auriez plus aujourd’hui l’étrange
anomalie qui existe, que vous n’entendriez plus les plaintes de vexation qui vous
assiègent, parce qu’il y a des propriétés imposées à raison de 3 p. c.
seulement, tandis que d’autres le sont sur le pied de 9, 12 et 15.
Nous ne prétendons pas dire qu’aujourd’hui que le
cadastre n’est pas encore terminé, il y a possibilité de parvenir à quelque
chose de parlait, mais qu’il y a moyen de remédier à une criante injustice, en
rapprochant les extrêmes en faisant une péréquation qui fût le plus près
possible de l’équité.
Si on avait voulu faire ce travail, si on le voulait
encore, je pense qu’on pourrait doubler la contribution foncière, et d’après
les notes qui m’ont été données, j’ai acquis l’assurance que cette contribution
n’irait pas au-delà de 12 p. c., c’est-à-dire qu’elle resterait encore
au-dessous du taux fixé par l’assemblée nationale.
Si cette péréquation était opérée, je n’hésiterais pas
à accorder mon vote, alors même que l’impôt sur la contribution foncière
s’élèverait à 15 et même à 20 p. c, parce que ce ne serait une vexation
ordinaire, ni une vexation extraordinaire. Mais dans l’état de choses actuel,
je crois qu’il nous est impossible, quand l’injustice n’est pas réparée, de
l’aggraver encore.
J’ai foi dans les moyens de M. l’administrateur du
cadastre, j’ai eu occasion plusieurs fois de reconnaître ses talents et sa
capacité, mais j’ai peine à croire que le cadastre soit parfait et amène une
péréquation mathématiquement exacte avant 4 ou 5 ans. Eh bien, à toutes les
sessions, chaque fois qu’il s’agira de la contribution foncière, on viendra
vous dire qu’il est impossible d’établir toute espèce de péréquation avant
l’entier achèvement du cadastre, et vous serez encore obligés de vexer les
contribuables soit ordinairement, soit extraordinairement.
J’aurais encore bien autre chose à dire, messieurs,
mais je crois que la discussion s’est déjà trop prolongée. Seulement, je
prierai les ministres de faire attention que nous ne sommes plus dans l’enfance
de la législature. L’année dernière, on pouvait nous traiter en novices et
faire les plus belles promesses, qu’on n’a pas cru devoir réaliser autrement
qu’en venant nous proposer encore le même impôt, bien qu’il fût évidemment
démontré qu’il était établi d’une manière injuste. Mais cette année cela n’est
plus possible. Celui de tous les impôts qui est le plus vexatoire, c’est la contribution
mobilière et l’impôt des patentes. Eh bien ! j’ai proposé l’année dernière de
substituer le système de l’an VII à la loi des patentes ; ou s’y est opposé
sous le prétexte qu’on ne connaissait pas suffisamment ce système. Mais, depuis
lors, on a eu tout le temps de l’étudier et de se convaincre qu’il était bien
plus juste que celui d’aujourd’hui. Eh bien ! pas du tout, on préfère rester
dans le système hollandais plus commode pour les administrateurs, et avec
lequel ils se sont identifiés en quelque sorte, car c’est là la seule raison
qu’on puisse alléguer pour justifier le retard d’une modification
indispensable.
D’après cela je dois dire que
je ne voterai pas pour un accroissement de la contribution mobilière et des
patentes, parce que c’est un impôt qui est déjà ordinairement vexatoire et que
ce serait le rendre extraordinairement.
Quant à l’amendement de M. d’Huart je regrette de ne
pouvoir l’adopter, parce que la question n’est pas suffisamment mûrie selon
moi, et ensuite parce que j’ai l’intime conviction que ce sont les riches qui
sont les propriétaires des bois, et que s’ils n’ont pas vendu cette année, ils
peuvent attendre sans que pour cela il manque un seul plat à leur table. (On rit.) Ce n’est qu’une avance qu’ils
feront en payant l’impôt, mais ce ne sera pas pour eux une vexation ni
ordinaire ni extraordinaire, tandis que si vous chargez encore les malheureux
patentables, vous ignorez si vous ne leur ôtez pas le pain du lendemain.
Je voterai donc contre l’amenderaient de M. d’Huart
par les motifs que je viens de développer, et par cette autre considération
encore que son adoption ouvrirait la voie à la majoration de 40 et de 17 p. c.
qui nous est demandée.
M. de Robiano. - Je demande la parole pour un fait personnel. Il
est très possible que dans l’improvisation je me sois servi des mots vexation
extraordinaire, car je n’ai pas l’habitude de parler en public, et à ce titre
je réclame l’indulgence de la chambre. Mais je n’ai pas eu l’intention, et je
crois que personne ne me prête cette intention, de vouloir vexer ni
ordinairement ni extraordinairement mes concitoyens. Ce que j’ai voulu dire,
c’est que 1’impôt n’est pas très fort et que par conséquent la majoration
serait tolérable. Ce que vient de dire l’honorable orateur lui-même prouve que,
malgré cette majoration, personne ne sera encore vexé extraordinairement.
M. Faider, commissaire du gouvernement. - Je désire dire deux mots sur l’amendement de M.
d’Huart qui est relatif aux forêts. Je suis heureux de pouvoir vous donner,
messieurs, à l’égard de la valeur des bois forestiers, des renseignements qui
résultent d’adjudications toutes récentes. D’après des extraits que je tiens
dans les mains, il résulte que les produits de l’adjudication qui a eu lieu à
Arlon le 9 novembre dernier, pour les coupes ordinaires de 1833, ont été de
351, 390, 580, 600, 450, 400, 410, 540, 500, 350 f. par bonnier, plus 15
centimes additionnels.
A l’adjudication de Neufchâteau, qui a eu lieu le 12
du même mois de novembre, les prix se sont élevés à 152, 290, 430, 235, plus 15
p. c. additionnels.
Et enfin, les produits de l’adjudication de St-Hubert
du 15 de novembre se sont élevés à 390, 256, 370, 450, 104, 134, 174 et de plus
15 p. c. additionnels.
Je pourrais en citer encore d’autres, mais cela suffit
pour vous faire voir que ce n’est avec une justice bien évidente que l’on
annonce la dépréciation des bois, et que l’amendement, dont l’application
serait tout au moins extrêmement difficile, n’est pas aussi nécessaire qu’il
pourrait le paraître.
M. F. de Mérode. - Messieurs, peu au fait des subtilités financières comme de toutes
les combinaisons dont le bon sens a peine à se rendre compte, je suis,
messieurs, incapable de concevoir comment un pays peut avantageusement grever
ses budgets futurs de charges toujours croissantes. Malgré des explications
dont j’apprécie le mérite relativement au travail qu’elles ont occasionné, je
n’entends pas comment on sert les intérêts des contribuables en empruntant pour
leur compte 70 ou 75 francs, avec l’obligation d’en rendre 100. Certes, je ne
voudrais pas ainsi traiter mes affaires personnelles hors d’une absolue
nécessité. J’aimerais mieux me condamner aux plus dures privations. J’ai vu
signer avec joie nos deux emprunts de 24 millions de florins, parce qu’ils
étaient réellement indispensables. Je crois pourtant que si nos chambres
avaient montré, à l’exemple des chambres hollandaises, plus de hardiesse, nous
eussions grandement diminué cette dette.
Avec tous les ménagements mal entendus dans les vrais
intérêts des contribuables, qu’avons-nous produit, messieurs ? Le déficit
signalé par M. Meeus, s’il existe, ce dont je suis bien loin d’être convaincu ;
mais, en tout cas, la gêne toujours fâcheuse des caisses de l’Etat.
Si, au lieu de voter sous forme d’emprunt la levée des
douze et des dix millions, nous eussions seulement demandé à la Belgique la
première de ces deux sommes comme contribution de guerre, nous serions plus
riches aujourd’hui de 36 millions de francs, et nos finances présenteraient
l’état le plus prospère. Au lieu de cela, qu’est-il arrivé ? Le petit
contribuable a vendu ses bons à vil prix ; d’adroits spéculateurs ont profité
de son ignorance. Aujourd’hui on sera forcé de tirer de ses poches le double de
ce qu’on y avait remis hier.
Messieurs, je n’hésiterais pas à qualifier de
séducteur un budget des voies et moyens qui ne présenterait aucune augmentation
de revenus, et loin de trouver déplacées les majorations réclamées par le
ministre des finances, je les trouve trop faibles ; je voudrais que presque
tous les impôts subissent une majoration quelconque. Les ruisseaux forment les
rivières, et en prenant beaucoup d’un côté, un peu de l’autre, nous
parviendrions à réduire considérablement les emprunts auxquels il faudra nous
résigner nécessairement dans le courant de l’année 1833.
Espère-t-on qu’à l’avenir l’argent sera plus commun en
Belgique qu’aujourd’hui ? Nous attendons la paix, mais qui nous en garantit la
réalisation certaine ? Nous savons que la récolte a été très abondante, que ses
produits se débitent avantageusement : qui nous assure la fécondité du sol pour
l’année prochaine ?
La paix, sans doute, offrira d’immenses ressources au
commerce et à l’industrie. Cependant notre état de guerre, les emprunts
précédents, répandent aussi des sommes considérables en Belgique. Demandons une
partie de ces sommes à ceux qui les gagnent, et ne réservons pas toutes les
charges à l’avenir : car, en exagérant dans notre imagination le malaise
présent et la prospérité future, nous pourrions tomber dans une erreur aussi
préjudiciable à nous-mêmes qu’à ceux qui viendront après nous.
Messieurs, malgré les
inégalités très grandes qui existent dans la contribution foncière, je pense
que ceux mêmes qui seront les plus lésés par la majoration de 40 p. c. le
seront encore moins par cette mesure que par les emprunts accumulés les uns sur
les autres. Que sera-ce si je considère l’intérêt de la généralité des contribuables
! Nuire à la nation tout entière, sans servir réellement ce qu’on voudrait
épargner, voilà, messieurs, le résultat du rejet de la majoration proposée par
le gouvernement. C’est ainsi que, pour tendre à une rigoureuse justice envers
quelques-uns, on les ménagera à leur propre détriment et au détriment du pays.
Messieurs, puisqu’on a cité ici le nom de ma mère, je
puis dire qu’elle est au nombre des riches qui ont de la pudeur, et qu’elle ne
désire nullement échapper à l’augmentation des impôts sur les bois, lors même
qu’ils seraient encore à plus bas prix. Aussi je voterai bien franchement
contre l’amendement de M. d’Huart, avec M. Seron, sans admettre toutefois avec
lui que nous soyons encore soumis au régime de M. Appelius, puisque plusieurs
taxes ont été supprimées et que la perception des autres est fort modifiée dans
l’exécution.
M. Verdussen.
- Je ne perdrai pas de vue que nous en sommes à la discussion des articles et
que c’est principalement sur les amendements de MM. d’Elhoungne, d’Huart et
Osy, qu’elle a été ouverte.
L’amendement présenté par l’honorable M. d’Elhoungne,
dans la séance du 17 décembre, porte en premier lieu : « Par la fixation
de la cote personnelle et mobilière, on prendra comme valeur locative de
l’habitation l’évaluation résultant des matrices de la contribution. » Il a été
déjà répondu à l’auteur de cet amendement que ce serait une chose extrêmement
périlleuse que de s’en rapporter aux matrices des communes.
Je ne sais pas ce que ce serait pour les autres
provinces, mais je sais ce qu’il en résulterait pour la mienne. Depuis 10 ans
je fais partie de l’administration communale d’Anvers. Là l’incertitude des
évaluations est telle que, quand il s’est agi de la taxe des pompiers, on n’a
pas pu savoir si le taux fixé était en florins ou en francs.
« En ce qui concerne (porte en second lieu
l’amendement de M. d’Elhoungne) les foyers, les portes et fenêtres, les
cotisations de 1832 sont maintenues pour 1833. » Vous devez vous rappeler,
messieurs, que lorsque l’année dernière M. Gendebien a présenté un amendement
relativement à la taxe des foyers, il a été lui-même tenté de le retirer parce
qu’il prévoyait qu’il devait en résulter des injustices.
Je passe maintenant au sous-amendement qu’a présente
M. d’Elhoungne à la proposition de M. d’Huart, sous-amendement qui tendrait à
affranchir de la majoration les propriétés urbaines. Je ferai remarquer d’abord
que c’est là une exception qu’on demande, et ensuite qu’on ne sait pas quelles
seraient les conséquences d’une pareille mesure, et s’il n’en résulterait pas
un déficit considérable, de peut-être 10 millions.
Quant aux parties boisées, il a déjà été répondu
victorieusement à M. d’Huart.
J’ajouterai que l’honorable membre n’a pu lui-même
fixer la portée de son amendement.
On lui avait objecté que l’application était
extrêmement difficile, et il a dit que d’après lui elle était très facile.
Mais ce n’est là qu’une allégation dénuée de preuves,
et qui n’est pas de nature à nous convaincre, Quant à moi, je crois que cette
application est impossible.
En effet, il n’y a pas de propriétés rurales qui ne
soient boisées, et aucune distinction n’est faite.
Je crois que d’insurmontables difficultés
s’opposeraient à l’exécution de la mesure qu’on propose.
Quant à l’amendement de M. Osy, je l’admettrai sans
hésiter parce que je le crois d’une rigoureuse justice.
Cependant je désire qu’on le modifie de cette manière
: « Néanmoins les propriétés détruites ou submergées par suite des
événements politiques, sont exemptes de la contribution foncière, tant en
principal qu’en centimes additionnels. »
Ce changement ne vient pas de moi, je l’ai puisé dans
l’article 2 de la loi relative à l’emprunt de 10 millions, où il est dit :
« L’emprunt ne sera pas exigible du chef des propriétés détruites ou
submergées par suite de la guerre et des événements politiques. »
J’en ai retranché le mot « guerre » parce
qu’il m’a semblé qu’il suffisait de dire les événements politiques, puisque la
guerre est aussi un événement politique.
Quant
aux majorations de 40 et de 13 p. c., je les voterai l’une et l’autre
conformément à la proposition de la section centrale, parce que je suis
persuadé qu’il faut au moins égaliser nos recettes avec nos dépenses ; je dis
au moins, parce que je voudrais voir les voies et moyens dépasser les dépenses.
Quand on ferait quelques économies sur le budget des dépenses, il faudrait
avoir encore de quoi combler les déficits. Par exemple, le produit des
distilleries est porté en recette à 3 millions 500 mille fr., tandis que, d’après
l’évaluation de M. le ministre des finances, il ne s’élève qu’à 900,000 fl. ;
ensuite, quelque minime que soit la réduction accordée à la province d’Anvers,
il faut aussi la remplacer. Je désirerais donc que les ressources excédassent
les dépenses. S’il y avait un surcroît de dépenses, l’excédent des ressources
serait très utile, et l’année suivante on n’aurait pas besoin de recourir à des
crédits extraordinaires ; si, au contraire, une partie de ces ressources
restait sans emploi, ce serait une espèce d’emprunt forcé, qui formerait le
premier article des recettes de l’année d’après.
M. Dellafaille propose de porter la majoration de 40 p. c. demandée sur la
contribution foncière à 25 p. c.
M. Thiry, commissaire du Roi.
- A l’occasion de l’article qui est maintenant en discussion, quelques
honorables membres ont cru devoir revenir sur les inégalités de l’impôt
foncier. Ils ont même motivé leur vote négatif sur cette circonstance isolée
que le gouvernement aurait eu la possibilité de rectifier les vices qui
existent dans la répartition de cet impôt. S’il en était ainsi, comment se
fait-il que depuis 40 ans que la contribution foncière existe, on n’ait pas
trouvé moyen d’opérer cette rectification ? Le gouvernement français, pendant
15 ans, n’y est point parvenu. Le gouvernement précédent, pendant 15 ans qu’il
a duré, n’en a pas trouvé non plus le moyen, quoiqu’on le dise si facile ; et
cependant il était de l’intérêt de ce gouvernement, ou du moins de ceux qui y
exerçaient de l’influence, de faire disparaître ces inégalités, car c’étaient
précisément les provinces septentrionales de l’ancien royaume des Pays-Bas qui
éprouvaient la plus grande surtaxe.
Celles des Flandres est bien faible en comparaison des
charges de ces provinces. La surtaxe de la Frise, entre autres, était plus que
double de la surtaxe des Flandres. Eh bien, si l’ancien gouvernement n’a pas
trouvé ce moyen pendant 15 ans, comment voulez-vous que le nouveau gouvernement
belge, dans un espace de deux ans seulement, pût vous proposer un projet de loi
à cet égard ? Comment se fait-il que le gouvernement provisoire, qui dans son
omnipotence n’était gêné ni par la presse, ni par les chambres, ni par la
constitution, et qui pouvait, d’un trait de plume, abroger et faire de
nouvelles lois, comment se fait-il qu’il
n’ait pas remédié aux abus qu’on signale ? Pourquoi, messieurs ? C’est que la
chose était impossible. S’il était si facile de corriger le vice qui existe
dans la répartition de la contribution foncière, pourquoi tous les
gouvernements éclairés de l’Europe se seraient-ils déterminés à entreprendre
une opération immense, qui comportait tant de difficultés et qui devait être si
coûteuse, le cadastre en un mot ? Comment se seraient-ils jetés dans tous les
embarras d’une pareille entreprise s’il existait un autre moyen ? Ainsi, tous
les publicistes, les plus hautes capacités dans la science de l’économie
politique seraient tombés dans une erreur très grave ! Non, messieurs, vous ne
le croirez pas.
On a dit souvent que je me bornais à de simples
assertions qui ne se rapportaient qu’à ma propre autorité. Eh bien ! messieurs,
je tiens à la main le rapport d’une commission des états-généraux qui a été
nommée sous l’ancien gouvernement pour aviser aux moyens de rectifier la
répartition de l’impôt foncier. Je demanderai la permission à la chambre de lui
donner lecture d’un passage de ce rapport qui la convaincra que l’opinion de
cette commission était que le cadastre seul pouvait remédier au mal. Voici ce
passage :
« C’est dans cette intention, Sire, ainsi que
nous avons déjà eu l’honneur de le représenter à V. M. que nous avons cru
devoir adresser aux différentes provinces des demandes tant générales que
particulières ; et quoique beaucoup de réponses fussent loin de remplir nos
vues, nous ne renonçâmes pas encore à l’espoir de parvenir à la connaissance
exacte de la valeur productive des propriétés foncières.
« Nous avons douté pendant quelque temps si nous
avions employé le vrai moyen pour y parvenir, et si ce n’était pas quelquefois
par cela même qu’on n’avait pas satisfait à notre attente. D’après cela, Sire,
et par notre circulaire du 11 mars dernier, nous avions demandé aux
états-députés des provinces s’ils croyaient qu’il y avait moyen de connaître,
dans un temps donné et avec quelque certitude, l’état de la valeur productive
nette des propriétés foncières dans chaque commune, et en cas d’affirmative,
quels étaient les moyens à employer pour parvenir à cette connaissance.
« Presque toutes les réponses à cette demande
contiennent l’assertion positive qu’il est impossible de parvenir à cette
connaissance autrement que par le cadastre. Une seule province ne croit pas
tout à fait à cette impossibilité ; mais, sans se prononcer sur le mérite ou le
démérite de l’opération cadastrale en général, elle reconnaît qu’il faudrait
quelques années pour parvenir à la connaissance certaine et exacte des valeurs
productives des propriétés : d’ailleurs le plan proposé par cette province,
pour en rendre l’exécution possible, suppose une connaissance, un
désintéressement et une uniformité d’opérations dans toutes les provinces,
ainsi qu’une entière confiance dans les renseignements et informations ; chose
que la commission, en jugeant d’après sa propre expérience, ne croit point
compatible avec la nature de l’objet.
« Quoique quelques membres de la commission
fussent d’abord assez fortement attachés à l’idée de la possibilité de former
sur de telles bases un projet de répartition, sinon parfaite, du moins
meilleure, et que plus tard elle pourrait être perfectionnée par les résultats
du cadastre, ils se sont cependant vus forcés d’abandonner cette idée, et la
commission a été convaincue unanimement que, s’il n’est pas physiquement, il
est du moins moralement impossible de parvenir à la connaissance exacte de la
valeur productive des propriétés foncières, autrement que par le moyen du
cadastre. »
M. A. Rodenbach. - A quel roi était adressé ce rapport, et quelle date a-t-il ?
M. Thiry, commissaire du Roi.
- Au roi Guillaume en 1818. Mais la date ne fait rien ; il s’agit simplement de
démontrer qu’on a reconnu l’impuissance de remédier au vice de la répartition
autrement que par le cadastre.
M. A. Rodenbach. - Depuis 14 ans on a travaillé, et nous ne sommes plus dans la même
position.
M. Thiry (continuant). - Ainsi, messieurs, vous
voyez que les hommes les plus à même d’apprécier la possibilité de rectifier
les vices de la contribution foncière autrement que par le cadastre ont reconnu
qu’il n’y avait que ce dernier moyen d’y parvenir. C’est donc à tort qu’on
reproche au gouvernement de n’avoir pas jusqu’ici proposé à la législature un
projet de rectification.
On dit qu’on admettrait la majoration de 40 centimes
si cette majoration ne se trouvait pas portée sur une foule d’inégalités. Mais
j’ai déjà dit dans une séance précédente, et je crois devoir le rappeler, que
les centimes additionnels, aujourd’hui, sont réduits presque à rien, qu’ils ont
été successivement diminués, et que précédemment ils étaient portés jusqu’à 26,
et au-delà, sans compter les centimes additionnels au profit des provinces et
des communes ; et cependant la répartition était la même qu’aujourd’hui et plus
vicieuse encore.
Si donc ces centimes additionnels existaient dans des
temps ordinaires et lorsque les denrées étaient à vil prix (car vous devez vous
rappeler que, pendant plusieurs années, les récoltes furent tellement
abondantes qu’on était en quelque sorte réduit à déplorer la fécondité de la
terre), à plus forte raison doivent-ils exister aujourd’hui, que les produits
ont repris de la valeur, et que tout le monde reconnaît la nécessité de
consolider le gouvernement. Je ne puis pas concevoir qu’on fasse moins
maintenant qu’à cette époque ; je ne puis concilier des idées qui me semblent
contradictoires.
On déclare qu’on
est prêt à faire tous les sacrifices, et cependant quand nous indiquons le seul
moyen qu’il y ait d’établir une majoration, on le refuse. Mais de quel côté
vous tournerez-vous donc ?
Imposerez-vous le sel qui est une nécessité
indispensable pour le pauvre ? La bière ? C’est encore les classes les moins
riches qui la consomment. Enfin imposerez-vous le genièvre ? Mais c’est la
consolation des malheureux dans la détresse ! (Hilarité générale.)
Je saisirai cette occasion pour répondre à M. Fallon
relativement aux calculs que j’ai présentés sur les bois taillis, que je sais
bien qu’il y a des bois dont l’aménagement est de 16 ans, de 20, et qu’il y en
a d’autres dont l’aménagement est de 7 ans. Mais je n’ai pas entendu parler en
thèse générale ; je n’ai voulu seulement que présenter un exemple pour motiver
mon opinion.
M. Dellafaille. - Messieurs, quelque pesante que soit une charge extraordinaire de 40
centimes additionnels sur l’impôt foncier, je n’hésiterais pas à m’y résigner
si cette contribution était établie sur des bases plus équitables ou si toutes
les propriétés étaient à même de prendre part à ce nouveau sacrifice.
Ni l’une ni l’autre de ces conditions ne semble
exister aujourd’hui. Quant à la première, je ne vous parlerai pas de
l’inégalité avec laquelle est répartie la contribution foncière ; cette
injustice est connue de tous, et hier M. le commissaire du Roi en est
ouvertement convenu. En ce qui concerne la seconde, notre honorable collègue,
M. d’Huart, nous a parlé de la réduction qu’ont subie les propriétés boisées,
J’ignore jusqu’à quel point ses calculs sont exacts : mais si effectivement les
bois ne peuvent supporter une charge aussi forte ; si vous accordez l’exemption
demandée ; si en outre vous accueillez l’amendement de M. d’Elhoungne, qui
réclame la même faveur pour les propriétés urbaines, que restera-t-il de soumis
à cette aggravation de l’impôt ? Rien que les terres labourables, à la charge
desquelles il sera créé un privilège d’impôts très onéreux.
Mais croit-on, messieurs, que cette classe de
propriétés n’ait pas non plus de réclamations à faire entendre ? Je conçois que
dans certains cantons où l’on ne paie que 5 p. c., la totalité de la contribution
foncière ne s’élevant, y compris les centimes additionnels, qu’à environ 7
florins sur 100 de revenus, peut ne former qu’une charge assez supportable ;
mais dans ceux où cette même contribution s’élève à 15 et 16, 45 centimes
additionnels la porteraient de 22 à 24.
S’il ne s’agissait que des grands cultivateurs,
peut-être cette contribution n’excéderait pas leurs moyens. L’abondance et le
prix élevé des dernières récoltes pourraient entrer en ligne de compte ; mais
il n’en est pas de même des terres que la stagnation des distilleries laisse en
souffrance, ni des petits cultivateurs auxquels la dépréciation de nos toiles a
enlevé presque toutes leurs ressources ; et si le champ des réclamations est
ouvert, il nous serait facile de prouver qu’au moins pour la classe agricole
peu aisée, ce surcroît de contributions serait aussi lourd qu’il ne peut l’être
pour les propriétaires de bois des provinces wallonnes où, comme on le sait,
l’impôt foncier est le moins élevé.
En réduisant le nombre des centimes additionnels à 25,
ainsi que je le propose, je me flatte qu’il ne paraîtra plus nécessaire de
créer des exemptions, et que ce taux moyen, déjà adopté par la première
section, pourra servir à concilier les divers intérêts qui ont été défendus
dans cette enceinte.
Une seule objection peut, je crois être faite à ma
proposition : c’est la réduction que souffriraient les revenus de l’Etat. Je
conviens qu’il est bon de ne pas les diminuer dans l’occasion présente ; mais
je ne crois pas qu’il soit impossible de compenser par d’autres moyens la perte
qui en résulterait pour le trésor. Peut-être ne serait-il pas difficile
d’opérer des économies dans le budget ou d’ajourner les dépenses les moins
urgentes ; c’est ce que la discussion à laquelle nous nous livrons en ce moment
dans les sections pourra nous apprendre. D’ailleurs, que le gouvernement
examine sérieusement si les denrées coloniales ne seraient pas susceptibles de
supporter un léger impôt ; qu’il consente à la proposition de quelques-uns de
nos collègues sur les distilleries, proposition qui enrichirait le trésor en
incitant les distillateurs à même de travailler ; qu’il propose une imposition
sur les bois étrangers ; le fisc y trouvera une ressource et nos bois une
protection.
Enfin, messieurs, sans entrer dans des développements
plus étendus, je crois qu’il existe assez de moyens pour retrouver sur d’autres
branches du revenu public la défalcation demandée, pour que nous n’ayons pas à
craindre d’entraver la marche du gouvernement et de nuire aux intérêts de l’Etat.
- L’amendement de M. Dellafaille est appuyé.
M. Mary. -
Messieurs, avant de passer à l’examen des amendements qui vous sont proposés,
je dois l’expliquer sur un fait qui s’est passé samedi dans cette enceinte.
Dans une section on avait proposé de grever la
province d’Anvers de 2 p. c. Cette question avait été débattue devant le
ministre des finances dans la section centrale ; elle a été ensuite soumise en
assemblée générale par un député d’Anvers qui a demandé un dégrèvement de 5 p.
c., et nous avons été étonnés de voir le ministre des finances émettre un vote
opposé à ce qu’il avait dit dans la section centrale.
Messieurs, il ne peut entrer dans la pensée d’aucun
membre de cette assemblée de proposer de nouveaux impôts ou des augmentations
d’impôts ; mais nous pouvons appuyer des demandes semblables, faites par le
gouvernement, lorsque nous jugeons qu’elles sont indispensables pour assurer la
marche de l’administration.
J’ai cru devoir vous présenter ces réflexions. Je
passe maintenant à l’objet en discussion.
La question principale est de savoir si, pour faire
face aux besoins, il est nécessaire d’une augmentation d’impôts ou de la
création de nouveaux impôts : les dépenses étant augmentées, il faut augmenter
les ressources. C’est vraiment là toute la question. Pour la résoudre, nous
n’aurons qu’à remonter à ce qui a été fait en 1832.
Vous avez voté pour cet exercice une somme de 200
millions de francs. Je sais bien que cette somme comprend des emprunts
extraordinaires. Pour l’exercice 1833, je trouve que vous avez besoin d’une
somme de 130 millions de francs, sur laquelle 83 millions sont nécessaires pour
les dépenses ordinaires. 56 millions de francs sont destinés pour les services
autres que ceux de la guerre, et 25 millions pour la guerre.
La guerre nous coûte six millions de francs par mois,
ou 72 millions par an ; la différence avec 25 est 47.
Il vous faut 130 millions en supposant que vous adoptiez
les majorations d’impôts, en supposant que les impôts rapporteront 75 millions
et demi, ce qui n’est pas certain ; car cette approximation est fondée sur les
recettes des 8 premiers mois de cette année, et rien n’est moins exact que
cette éventualité.
Ainsi, messieurs, que ceux qui refusent, dans
l’intérêt du peuple, dans l’intérêt général, l’aggravation des impôts, ne
croient pas cependant servir la cause du peuple : il faudra qu’ils fassent
ressources de 47 millions. Ceux qui voteront en faveur de l’impôt rendront
vraiment à la cause du peuple un service plus grand que ceux qui s’y
opposeront.
Si vous n’augmentez pas les impôts, vous devrez faire
des emprunts ; ils s’élèveront à 65 ou 66 millions, qui vous coûteront 75 à 80
millions ; voilà la position du pays.
Maintenant, on demande quels seront les moyens de
faire face à ces besoins, quels seront les impôts qui devront supporter les
centimes additionnels : on a toujours vu dans tous les pays que c’était la
contribution foncière qui présentait les tributs les plus sûrs, les plus
efficaces, les plus prompts, et qui était soumise à moins de chances
d’éventualité que tous les autres impôts. Souvenez-vous que, sous l’empire,
l’impôt foncier était grevé de 55 centimes additionnels.
Les patentes étaient grevées de 100 centimes
additionnels ; et nous voyons dans un pays voisin, soumis à la loi de l’an VII,
que l’on fait usage du supplément que cet impôt peut rapporter. Après la
révolution de 1830 la France a grevé la contribution personnelle de 20 centimes.
Vous voyez donc que la section centrale a pu, d’accord avec vos sections,
appuyer la proposition du gouvernement relativement à l’augmentation de 40
centimes sur l’impôt foncier,
On dit que l’impôt foncier est assez énorme dans
certains cas ; qu’il ne faut pas que les forêts soient soumises à
l’augmentation de 40 centimes. D’abord il est assez difficile de caractériser
les forêts : dans quelques contrées les pâturages sont couverts d’arbres ; dans
la forêt de Soignies les arbres ne sont pas rassemblés les uns sur les autres ;
dans d’autres provinces il en est de même, et les forêts sont considérées comme
prés. On a fait observer qu’il était à peu près impossible de pouvoir
additionner ce qui était forêt ou terre en culture ; dès lors vous ne pouvez
pas, dans la situation de nos matrices de rôles, admettre des diminutions sur
les forêts.
On a également parlé des propriétés urbaines : on dit
qu’elles souffraient ; mais l’amendement proposé ne remédierait pas à cet
inconvénient. Les faubourgs de Bruxelles, considérés comme campagnes, ne
profiteraient pas de la diminution ; ce sont cependant ces faubourgs qui
soufflent de l’absence des étrangers qui séjournaient dans la capitale. La
mesure proposée, si elle avait quelque utilité, ne s’appliquerait qu’à la capitale,
car dans les autres villes les propriétés bâties n ont pas diminué de valeur.
On a demandé une exemption pour les polders inondés ;
cette exemption a déjà été accordée ; elle existe dans les lois ; dans tous les
cas c’est de stricte justice, et si une disposition législative n’existait pas,
il faudrait la porter.
Enfin, messieurs, on a dit qu’il y a de grandes
inégalités dans la répartition de l’impôt foncier, et pour le prouver, on s’est
appuyé d’un tableau présenté l’année dernière par l’administration du cadastre.
Il faudrait voir si ce tableau ne pèche pas par la
base.
Je l’examine et je vois combien de communes ont été
expertisées dans chaque province.
En voici le nombre :
Dans la province de Namur les trois quarts des
communes ont été expertisées.
Dans les provinces d’Anvers, de Luxembourg, la moitié
des communes a été expertisée.
Dans
les provinces du Brabant, du Hainaut, de Liége, du Limbourg, il n’y en a eu que
le tiers.
Dans la Flandre orientale, un tiers.
Dans la Flandre occidentale, un quart.
Eh bien ! c’est sur un tableau aussi incomplet que
l’on s’est appuyé pour demander des diminutions.
Messieurs, je n’en dirai pas davantage pour ne pas
fatiguer l’attention de l’assemblée. Je finirai par une seule observation : en
présence de la nécessité où nous sommes de fournir à l’Etat 130 millions, c’est
à vous de voir s’il faut hypothéquer l’avenir.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je désire expliquer les motifs de mon vote dans
l’administration de contributions pour la province d’Anvers... (La clôture ! la
clôture !)
M. d’Elhoungne. - S’il s’agit de clore la discussion sur
l’augmentation de 40 centimes, tout le monde est suffisamment éclairé ; mais
quant à la majoration de 13 centimes sur la contribution personnelle, ce n’est
qu’épisodiquement que deux ou trois orateurs ont traité cette question. Je
demande la division.
- La chambre consultée ferme la discussion sur les 40
centimes relatifs à la contribution foncière.
M. le président. - Il y a divers amendements.
M. Osy. - Je réunis
le mien à celui de M. Verdussen.
M. Gendebien.
- Comme il y a une échelle décroissante dans les amendements sur les centimes
additionnels, il me semble que nous devons procéder en mettant aux voix la
question de savoir s’il y aura des centimes additionnels.
Je préfère 25 centimes à 40, quoique je n’en veuille
pas du tout ; mais je demande qu’on délibère sur le principe.
M. Devaux. - Dans toutes les questions de budget, on met aux
voix le chiffre le plus élevé ; ceux qui n’en veulent pas votent contre. On
mettra ainsi aux voix successivement 40 et 25 centimes additionnels.
M. Dumortier. - Je crois que l’honorable préopinant est dans
l’erreur. On met aux voix le chiffre le plus éloigné de la proposition qui a
été faite par le gouvernement ou par la section centrale.
M. de Robaulx. - S’il est reconnu qu’il faut une augmentation, je voterai pour le
chiffre le plus élevé ; il faut mettre aux voix le chiffre le plus élevé.
- La chambre consultée décide à une grande majorité
que des centimes additionnels seront accordés.
M. le président
propose de mettre en délibération l’amendement de M. Dellafaille, qui porte les
centimes additionnels à 25.
M. Devaux.
- Je dois faire observer qu’en mettant d’abord aux voix les 25 centimes, on
arriverait à un résultat absurde ; car, par les combinaisons des fractions de
la chambre, il pourrait y avoir majorité pour le rejet des 25 centimes puis
pour le rejet des 40 centimes, quoiqu’on ait admis le principe des centimes.
M. Gendebien. - Je crois que M. Devaux a raison. La base, c’est la
contribution sans les centimes ; ainsi, ce qui s’écarte le plus, c’est
l’augmentation de 40 centimes. Je ne veux pas des 25 centimes, encore moins des
40.
- L’augmentation de 40 centimes demandée par le
gouvernement et par la section centrale est mise aux voix et adoptée par une
forte majorité.
L’amendement de M. Verdussen relatif aux propriétés
inondées, et auquel s’est rallié M. Osy, est également adopté.
M. le président
se dispose à mettre aux voix 1’amendement de M. d’Huart relatif aux forêts.
M. d’Elhoungne. - Je déclare retirer le sous-amendement que j’avais introduit dans la
proposition de M. d’Huart, puisque la partie
principale en a déjà été adoptée dans 1’amendement de M. Verdussen.
- L’amendement de M. d’Huart est mis aux voix et
rejeté.
M. le président. - Voici maintenant un autre amendement présenté par
M. d Elhoungne et qu’il a développé :
« Pour la fixation de la cote personnelle et
mobilière, on prendra comme valeur locative de l’habitation l’évaluation
résultant des matrices de la contribution foncière.
« En ce qui concerne les foyers, les portes et les
fenêtres, les cotisations de 1832 sont maintenues pour 1833.
« A l’égard des domestiques et des chevaux, les
contribuables en feront déclaration aux termes de l’article 54 de la loi du 26
juin 1822. »
Quelqu’un demande-t-il la parole ?
M. Osy.
- Je dois voter contre l’augmentation de 13 centimes sur l’impôt personnel
d’après ce que M. le ministre des finances nous a dit hier, car il nous a
annoncé qu’un projet de loi sur cette matière était déjà fait. (L’orateur cite les paroles de M. le ministre
rapportées dans le Moniteur.). Je ne conçois donc pas qu’il nous ait
proposé encore des crédits provisoires quand il avait une loi définitive a nous
présenter.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - La raison qui
a dirigé ma conduite dans cette circonstance, c’est que cette loi est vraiment
une loi générale qui eût exigé une discussion trop longue pour être votée à
temps. Quand bien même la chose eût pu avoir lieu, je me serais encore abstenu
de la présenter parce qu’une nouvelle loi introduite avec trop de précipitation
aurait rencontré beaucoup de difficulté et d’incertitude. Je crois que cette
explication suffira pour faire connaître pourquoi la loi ancienne qui a excité
tant de réclamations a été maintenue encore pour cette année. Mais je répète à
la chambre que la nouvelle sera incessamment soumise à son examen.
M. Seron. - Je crois que l’amendement de M. d’Elhoungne est
impraticable. Si je l’ai bien compris, il me semble qu’il veut prendre pour
base de la répartition de la contribution foncière le revenu des bâtiments
d’après l’évacuation cadastrale. Eh bien ! comment fera-t-on dans les communes
où les opérations cadastrales ne sont pas faites ? Il en est un très grand
nombre qui se trouvent dans ce cas. Si l’on s’en rapporte aux matrices
cadastrales, on arrivera à un résultat absurde. C’est donc une base
impraticable.
M. d’Elhoungne. - Par l’exemple que j’ai mis hier sous ses yeux je pense que
l’assemblée est maintenant convaincue de l’arbitraire qui règne dans la
répartition de l’impôt. Le moyen que j’ai proposé m’inspire d’autant plus de
confiance que le projet de loi qu’a fait rédiger M. le ministre des finances,
rentre dans le même sens. Nous ne différons que sur l’époque où cette mesure
doit être appliquée. M. le ministre veut ajourner le bienfait de cette loi,
tandis que je désire que les contribuables en jouissent à partir de 1833. Je
pense que l’assemblée partagera mon opinion à cet égard.
- L’amendement de M. d’Elhoungne
est mis aux voix et rejeté.
M. le président met aux voix l’ensemble de l’article avec
l’amendement de M. Verdussen qui y a été introduit. Il est ainsi conçu :
« Il sera prélevé 40 centimes additionnels
extraordinaires par franc sur le principal de la contribution foncière, et 13
centimes additionnels par franc sur la contribution personnelle. Néanmoins les
propriétés détruites ou submergées par suite des événements politiques sont
exemptes de la contribution foncière en principal et en centimes
additionnels. »
M. de Robaulx. - Je demande qu’on divise l’article et qu’on distingue la contribution
foncière de la contribution personnelle, parce que je ne sais comment voter.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que l’amendement de M. Verdussen se rattache beaucoup
plus à l’article premier et qu’il devrait y être reporté.
M. Mary. - Je
propose de faire trois articles séparés. (Oui
! oui ! appuyé !)
- Cette proposition est adoptée.
Plusieurs membres
demandent la remise de la discussion à demain.
Article 2
(devenu article 5)
La chambre consultée décide que la discussion continue
sur l’article 2 du projet devenu l’article 5.
M. Hye-Hoys.
- Messieurs, je viens m’opposer de toutes mes forces à l’augmentation proposée
par l’article 2, devenu l’article 5, sur le droit de patente pour 1833.
Cette loi est vicieuse, mais ce sont particulièrement
les commerçants et industriels qui en supportent les conséquences. Chacun de
nous, messieurs, est d’accord qu’une révision des lois de patentes est
indispensable ; mais en augmenter le droit pour l’année prochaine me paraît, à
moi, une criante injustice. Comment ! on voudrait augmenter la charge du
commerçant ; je n’entends pas parler du haut commerce qui toutefois a
énormément perdu, parce que le droit de patente ici est peu de chose ; mais je
parle du commerce en général qui seul, oui, messieurs, seul, a fait réellement
des pertes sensibles par suite de notre révolution.
Considérez, messieurs, cette masse de marchands et
boutiquiers, qui, par la stagnation prolongée des affaires, d’abord n’ont rien
gagné, mais ont supporté des pertes énormes sur les articles de goût, lesquels,
n’étant plus de vente, perdent 25 et 50 p. c. de valeur ; grand nombre de ces
derniers sont ruinés, et ont mangé le peu qui leur restait.
Je le répète, messieurs, c’est
bien le commerce et l’industrie qui ont supporté les conséquences d’une
révolution ; exceptons cependant les propriétaires, par exemple, dont les
intérêts souffrent par suite des inondations et autres désastres, mais sur le
sort desquels la représentation nationale n’a pas encore prononcé.
Comme propriétaire et négociant, je puis juger avec
connaissance de cause ; je dirai donc franchement que mes intérêts n’ont
particulièrement souffert, par suite des événements, que sous le rapport
commercial.
Loin de moi, messieurs, l’intention de vouloir
entraver la marche du gouvernement ; je désire de tout cœur contribuer au
bonheur de mon pays, en soutenant l’honneur national ; et quoi qu’on en dise
des 42, dont je fais partie, je n’ai voté que dans le sens, et d’après ma
conscience ; mais justice avant tout. Je voterai en conséquente contre
l’augmentation proposée.
M. Dumortier. - On ne peut assez s’élever contre l’exagération du
droit perçu sur les bateliers. Après la révolution, on diminua ce droit ;
l’année dernière, nous avons consenti une augmentation ; faut-il en consentir
une cette année, et ainsi successivement ? Je ne le pense pas. Que vous a-t-on
dit pour avoir une augmentation de l’impôt foncier ? Les fonds agricoles ont
augmenté de valeur cette année ; cette raison empêche précisément que l’on
augmente les patentes. Car le commerce est loin d’être dans une situation aussi
favorable que l’agriculture. La majeure partie des bateliers n’ont qu’un bateau
de 4 à 5 mille francs ; ils paient 400 francs de patente. En France, ils paient
5 ou 10 francs. Après la révolution de septembre, la patente des bateliers a
été réglée à 200 francs. Vous l’avez augmentée, et vous voulez l’augmenter
encore. Je demande que cette patente reste comme elle est. Dans le cours de la
session, j’aurai l’honneur de proposer un projet de loi pour que le système de
la France soit suivi à l’égard des bateliers : ils paieront un droit fixe ; le
reste sera un droit d’écluse, un droit de barrière. De grands entrepreneurs qui
ont beaucoup de bateaux ne payant que la même patente que celui qui n’a qu’un
bateau, il en résulte une inégalité tout à fait inique.
M. F. de Mérode. - Si les bateliers sont dans une position
particulière, il ne faut pas les augmenter. Je demanderai que leur patente
reste en 1833 comme elle était en 1832.
M. Verdussen.
- Messieurs, il faut faire une distinction que l’honorable orateur a sentie
lui-même : on peut augmenter la patente des propriétaires de plusieurs bateaux
et non celle du pauvre diable qui n’en a qu’un…
M. Corbisier. - Le droit de patente des bateliers est un droit de
tonnage, et tous les bateliers paient proportionnellement au nombre de leur
bateaux.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je veux donner un renseignement. Je dirai que
toutes les observations de l’honorable Dumortier m’ont déjà été faites, et
qu’elles sont prises en considération.
Dans un projet de loi sur les patentes qui vous sera
soumis, le droit sera un léger impôt fixe, puis un impôt d’écluse ; le batelier
ne paiera que quand il gagnera. Cela nous exposera sans doute à un surcroît de
frais de perception ; mais il faut la justice avant tout. Nous examinerons si
nous pouvons faire des receveurs avec les éclusiers ; si cela était impossible,
il faudrait peut-être renoncer au projet, car on ne pourrait pas établir des
receveurs aux écluses ; la dépense surpasserait la recette.
M. Gendebien. - Il est difficile de se faire une idée nette sur la
justice de l’amendement ; mais il n’est pas difficile de voir que le projet du
ministre sera impraticable. Dans le doute je m’abstiendrai. L’année dernière
j’ai démontré mathématiquement l’injustice de l’augmentation des patentes ;
j’ai prouvé que le droit de patente était établi en France sur des bases telles
qu’elles ne présentaient aucune objection. Le gouvernement provisoire avait
diminué les patentes de 50 p. c. ; le congrès avait maintenu cette diminution ;
prenons garde qu’on ne nous reproche de n’avoir pas su maintenir les
dispositions qui soulagent les peuples pas plus que l’étendue de notre
territoire. Le droit de patente est établi chez nous par une loi vexatoire ;
elle présente un arbitraire intolérable, et vous voulez aujourd’hui la remettre
au même état où elle était avant la révolution ; et à quelle époque voulez-vous
exagérer le droit de patente : quand le commerce souffre. Je pense donc que
vous ne pouvez pas adopter la majoration préposée par le gouvernement. C’est
déjà passer les bornes que de persister dans l’augmentation du quart adoptée
l’année dernière.
M. Dumortier.
- Je suis étonné que, tout en reconnaissant la justice de ma proposition, le
ministre en demande le rejet. L’année dernière, il avait déjà été demandé des
diminutions sur les patentes des bateliers ; ce n’est pas le cas de les
augmenter.
J’attendrais volontiers le projet du ministre, si ce
projet devait être adopté avant le 1er janvier ; mais il n’en sera pas ainsi.
Je tiens en main une pétition des bateliers des Tournay qui contient des faits
qui peuvent éclairer la question ; je la déposerai sur le bureau.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je me rallie à l’exception demandée par M.
Dumortier. (A demain ! à demain !)
- La séance est levée à quatre heures et demie.
Membres absents sans congé à la séance du 18 décembre
1832 : MM. Brabant, de Muelenaere, Dumont, Jaminé, Vandenhove, Vuylsteke et
Watlet.