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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 mars
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapport de la commission d’industrie sur les
lins (Serruys, Tiecken de Terhove,
Pirmez, Leclercq)
3) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département des finances). Traitement du personnel de
l’administration centrale et des provinces ou/et de la douane (Duvivier, (+cour des comptes) d’Huart,
Serruys), (administration du cadastre (de
Nef)), Barthélemy), administration des postes (Zoude), traitement du personnel de l’Etat (Lebeau),
société générale (Mary), réplique générale (Coghen, Dumortier),
administration des douanes (Delehaye), nécessité des
économies (Ch. de Brouckere, Duvivier,
Barthélemy, Destouvelles,
Ch. de Brouckere), partage de la dette
belgo-hollandaise et société générale (Coghen)
(Moniteur belge n°89, du
29 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à une heure.
Après l’appel
nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. Serruys
demande la parole pour faire un rapport de la commission d’industrie sur les
lins.
M. Tiecken de Terhove. - Il me semble inutile que ce rapport soit lu. Pour
ne pas perdre de temps, nous pourrions ordonner immédiatement l’impression et
la distribution. (Oui ! oui ! Appuyé !)
M. Pirmez demande que la discussion de ce rapport soit fixée à
vendredi prochain.
M. Leclercq
fait observer qu’il ne peut s’établir de discussion sur un rapport, mais
seulement sur une proposition ou un projet de loi.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832
(DEPARTEMENT DES FINANCES)
Discussion générale
La chambre passe
ensuite à l’ordre du jour, qui est la discussion générale du budget des
finances.
M. Duvivier. - Messieurs, aussi longtemps que la question des
budgets se trouvait dans les termes de la discussion générale, elle comprenait
une réunion de toutes les parties du service dans les différents ministères ;
cette généralité embrassait des matières d’un ordre supérieur, étrangères à
l’une des administrations publiques à la tête de laquelle j’ai l’honneur d’être
placé sous les ordres immédiats du ministre des finances : c’était alors à ces
hauts fonctionnaires qu’il appartenait de soutenir une discussion, à laquelle,
par ce motif, j’ai dû m’abstenir de prendre part. Mais, au moment où cette
discussion va se développer sur des spécialités et porter sur l’administration
qui m’est confiée, je puis, messieurs, donner à la chambre des renseignements
positifs, que je crois utile, et que je regarde comme un devoir de lui
soumettre moins en ma qualité d’administrateur que comme député, faisant
abstraction de toute considération personnelle et ne m’attachant qu’à celle
d’intérêt général et public du service des impôts, dont le bien-être et la
force morale se lient intimement aux revenus de l’Etat et à la prospérité du
pays.
Le gouvernement
vous avait demandé 46,030 fl. pour le personnel de l’administration générale
des contributions directes, des douanes et des accises.
La section
centrale vous propose de réduire cette somme de 14,050 fl., et demande ensuite
une réduction de 68,200 fl. Sur le personnel de la même administration dans les
provinces. Elle vous propose aussi de retrancher quelque chose sur le matériel
; à ce dernier égard, je me bornerai à vous dire que l’allocation réclamée
pourrait être réduite de 15,000 fl. ; vouloir davantage serait compromettre ce
service.
Ce qui m’importe
davantage, c’est de vous prouver que la somme pétitionnée pour le personnel de
l’administration générale des contributions directes, douanes et accises, est
indispensable. Cette tâche ne me sera pas difficile au point où en est venue la
discussion, surtout que je trouve de puissants auxiliaires dans le rapport de
la section centrale et les développements que M. le rapporteur y a donnés
lui-même. Je parlerai plus tard des retranchements proposés sur les employés des
provinces. J’aurai soin, d’ailleurs, de prolonger le moins possible une
discussion qu’il est dans l’intention de tous de clore au plus tôt.
Je prie chacun de
vous, messieurs, de croire que je ne viens pas plaider la cause de mes intérêts
personnels : quelque puisse être le sort réservé aux fonctions supérieures que
j’occupe en ce moment, il me restera toujours les titres que 36 années de
services rendus au pays donnent à une retraite, qui suffirait amplement à mes
besoins, dès l’instant où je cesserais d’être assujetti aux obligations
inséparables de mon rang dans la hiérarchie. C’est est assez, comme vous le
voyez, messieurs, pour me mettre hors de cause.
Qu’il me soit
permis de le dire d’abord, ce n’est pas sans quelque étonnement que j’ai vu la
proposition de réduire d’un tiers l’allocation à faire pour l’administration
générale. J’avais lu, dans le rapport de la section centrale que cette
administration ne prend que 1/500 des produits qu’elle apporte dans les coffres
de l’Etat, à la très grande différence de la France, où elle coûté 1/260. Ce
rapprochement décisif m’avait porté à croire qu’il ne serait pas question de
retrancher encore sur une administration si peu coûteuse. Vous avez entendu
ultérieurement l’honorable rapporteur vous dire que, de toutes les branches du
ministère des finances, mon administration est celle où l’on trouve le plus de
détails, le plus d’écritures, le plus de travail. Et cependant l’on veut
diminuer son allocation dans l’énorme proportion d’un tiers.
J’ignore si
ailleurs des emplois inutiles ont été créés, et de forts traitement stipulés en
faveur de gens peu ou point propres aux affaires. Ce que je sais, c’est que mon
administration n’offre pas la moindre trace de cet abus. Les fonctionnaires
chargés de l’organisation des bureaux dont elle se compose, comprenant que,
sous le gouvernement régénérateur, les dépenses publiques devaient se renfermer
dans les limites du plus strict nécessaire, se sont bornés à établir les
emplois indispensables à la marche de l’administration centrale ; et un autre
principe les a dirigés dans ce travail, celui de n’accorder que des traitements
modiques, en rapport cependant avec l’importance des attributions ; car enfin
le salaire des employés doit être, de même que tous les autres salaires, en raison
de la difficulté des services qu’on demande. Je voudrais, messieurs, qu’on vînt
vérifier le fait, si tant est qu’on puisse encore en douter, après avoir lu le
rapport de la section centrale et entendu les explications verbales de M. le
rapporteur. Du reste, j’affirme, et il est plus d’une personne ici qui le
savent, que la plupart des employés, après avoir péniblement travaillé toute la
journée, doivent encore se remettre à l’ouvrage le soir ; ce qui suffit sans
doute pour prouver que le personnel des bureaux, en ce qui concerne mon
administration, n’est pas trop nombreux. Vous allez juger si les traitements y
sont trop élevés.
A La Haye,
l’administration centrale des contributions, douanes et accises, coûtait plus
de 128,000 fl., gratifications et leges compris. Or, on ne demande à peu près
que le tiers de cette somme. N’est-ce donc pas assez d’avoir réduit les
frais d’administration dans une si forte proportion ! Mais poursuivons.
Envisagés sous le rapport de la population et sous celui du nombre des provinces,
ces frais s’élevaient autrefois à 2 cents par tête et à 7,000 florins par
province, tandis qu’ils ne sont aujourd’hui que de 1 cents par tête et de 5,000
florins par province. Et, si l’on puise dans le budget du ministère français,
pour comparer les mêmes frais aux produits, la section centrale vous l’a dit,
messieurs, l’on trouve que le rapport est chez nous de 1/500, et en France de
1/260. Il est inutile de s’étendre davantage sur des rapprochements de cette
nature ; toujours l’administration générale de la Belgique sortirait
victorieuse du parallèle, bien que de semblables comparaisons soient toutes au
désavantage du pays le moins étendu.
Ce résultat,
constaté par la section centrale elle-même, est dû à la modicité des
traitements des employés sous mes ordres. Vous allez voir, messieurs, que cette
modicité ne peut être révoquée en doute. Sous la domination hollandaise,
l’administrateur avait plus de 10,000 fl., quoique son traitement ne fût porté
que pour 5,000 au budget, ce document si menteur pour quiconque s’en rapporte
aux apparences. En France, le chef de chacune des trois administrations au
ministère à 20,000 francs. Chez nous a-t-il trop de 5,000 fl. pour conduire
l’administration des trois quarts des revenus de l’Etat ?
A La Haye, les
employés supérieurs, chargés des mêmes attributions que les directeurs à
l’administration centrale, jouissaient, outre leurs leges et gratifications,
d’un traitement de 4,000 fl. Ici ils n’en ont que 3,000 ; à Paris, les
sous-directeurs ont 12,000 fr.
Les employés,
chargés d’une des six grandes branches de service (ou divisions, comme on
voudra les appeler, car le mot importe peu) ont, savoir : les deux inspecteurs,
chacun 2,500 fl., et les contrôleurs de première classe, 1,500 ; au lieu qu’à
Paris les emplois analogues rapportent 9,000 fr., et qu’à La Haye ils valaient
2,500 à 3,500 fl., outre des leges et gratifications. En Amérique, les
traitements des premier commis du ministère des finances s’élèvent jusqu’à 7 et
9,000 fr. Si je poursuivais ces rapprochements jusque dans les derniers grades,
toujours ils offriraient les mêmes avantages en faveur de la cause que je
défends : c’est ce dont vous ne douterez plus, lorsque vous saurez qu’ici les
expéditionnaires n’ont en général que 3 à 500 fl.
Comparant le
chiffre du budget de l’administration générale de l’exercice 1831 avec celui de
1832, la section centrale a découvert une augmentation dont elle s’étonne
d’autant plus que les traitements de quelques employés ont été augmentés dans
l’intervalle. Cette circonstance s’explique fort aisément. Il faut que vous
sachiez, messieurs, que l’organisation des bureaux ne s’est pas faite d’un jet
; elle s’est formée et perfectionnée au fur et à mesure que les besoins du
service se sont fait sentir. Plusieurs de ces services ont été créés ou
régularisés en 1831. De là des traitements figurent pour tout l’exercice au
budget de 1832, qui n’ont été portés que par une partie de l’année au budget de
1831. Il va sans dire, d’ailleurs, que si certains employés sont passés à des
attributions plus importantes, leurs traitements ont dû être mis au niveau de
ces attributions. Il y a plus, messieurs, il est un service qui n’est pas
encore régulièrement monté, celui de la masse d’habillement, d’équipement, et
de remonte de la douane : reconnaissant comme vous la nécessité d’administrater
aux moindres frais possibles nous n’avons pas demandé d’augmentation de fonds
pour ce service, préférant y pourvoir au moyen du personnel existant ; mais,
pour cela, des employés déjà surchargés d’ouvrage ont dû prendre cet
accroissement d’attributions. Vous voyez, messieurs, jusqu’où l’on a poussé
l’esprit d’économie dans l’organisation des bureaux. En voulez-vous une
nouvelle preuve ? Vous la trouverez dans ce fait qu’il importe de vous
signaler, à savoir que les employés de l’administration générale se sont pour
la plupart moins rétribués que ceux des provinces d’un rang égal, bien que
l’usage soit d’accorder des traitements plus élevés aux fonctionnaires attachés
aux ministères, par l’excellente raison que leur travail est plus important et
le séjour de la capitale plus onéreux.
A l’organisation
actuelle, la section centrale voudrait substituer une organisation qui
consisterait à confier l’administration générale à un directeur à 3,000
florins, assisté de bons chefs de division. Cette conception ne me paraît pas
heureuse. Remarquez, messieurs, que le ministre, absorbé par les hautes
questions de finances, les grands intérêts de l’Etat, comme membre du conseil
de la couronne, et ses relations fréquentes avec les chambres, ne pourra jamais
embrasser tous les détails des administrations des recettes, placées sous la
surveillance : il le voudrait, et il réunirait la masse de connaissance
spéciale que cette tâche suppose, qu’il ne le pourrait pas : force lui sera donc
de confier ces détails et la signature pour les affaires courantes au directeur
placé au ministère. Voilà le directeur qui, de fait, devient le supérieur de
tous les fonctionnaires des provinces, même des directeurs ses égaux dans la
hiérarchie. Une organisation où l’égal doit jouer le rôle de supérieur est
contraire à toutes les notions d’ordre, de régularité et de service.
Voici une autre
considération non moins importante. Pour répondre au but de son institution,
l’administration générale doit composer son personnel supérieur des hommes
d’expérience et de capacité qu’elle découvre en province ; à cet effet, deux
choses lui sont nécessaires : il faut d’abord qu’elle ait une allocation
suffisante, c’est-à-dire qui ne soit pas tellement réduite qu’elle ne puisse
rétribuer convenablement les employés chargés des attributions les plus
importantes ; il faut ensuite qu’elle soit organisée, non pas à la manière
bureaucratique, c’est-à-dire avec des divisions et des bureaux, mais sur le
même plan hiérarchique que les provinces, avec des directeurs, des inspecteurs
et des contrôleurs, peu nombreux à la vérité. Dans cet arrangement, si, par
exemple, un contrôleur est appelé à l’administration générale, il conserve son
grade, on obtient celui d’inspecteur, suivant la place vacante ou selon son
mérite ; tandis que, dans l’organisation projetée par la section centrale, le
contrôle devrait renoncer à son grade ; or, cette renonciation serait un
sacrifice pénible pour la plupart des employés, qui, soit à tort ou à raison,
s’imagineraient qu’alors la carrière serait sans avenir pour eux. Aussi,
messieurs, voyons-nous partout les administrations centrales des impôts
composées, dans les rangs supérieurs, de fonctionnaires gradués comme en
province.
Il s’agit donc ici
d’une innovation dont nous serions les premiers à donner l’exemple. Ne
serait-ce pas plus sage de maintenir une organisation consacrée par une longue
expérience ?
Je rends grâce à
la section centrale d’avoir hautement proclamé les véritables principes de la
matière. Elle veut que le nombre de fonctionnaires soit réduit au strict
nécessaire ; elle les veut capables et convenablement rétribués ; tout en
désirant des économies, elle s’élève contre l’idée de voir réduire les
traitements peu considérables. Mais s’il n’y a ni trop d’employés ni des
traitements excessifs à l’administration que je dirige, comment réaliser une
économie de 14,000 fl. sur 46,000 ? Evidemment c’est exiger l’impossible. Je me
trompe, rien n’est impossible : vous pouvez avoir une administration pour
32,000 fl., comme pour 46,000 fl. ; mais la question est de savoir quelle
utilité le pays retirerait d’une administration à laquelle on aurait refusé les
moyens indispensables à la marche des affaires. Croyez-vous qu’alors encore
l’administration saura pourvoir à la rentrée régulière des impôts, tout en
conservant les ménagements dus aux contribuables et en réprimant les écarts,
les vexations possibles chez ses agents et préposés ? Les intérêts du trésor
seront-ils toujours pleinement garantis ? L’ordre le plus parfait
continuera-t-il à régner dans sa comptabilité, et l’uniformité dans les
opérations de ses nombreux employés sur toute la surface du pays ? Cette
administration pourra-t-elle enfin découvrir et introduire successivement les
améliorations dont le service devient susceptible ? Non, vous ne pouvez compter
sur rien de tout cela avec une organisation tronquée et incomplète.
Peut-être
trouvez-vous ces détails bien longs ; je ne puis néanmoins résister au désir de
dire deux mots du gouvernement des Pays-Bas autrichiens, qu’on a représenté
ici, à diverses reprises, comme le type des gouvernements à bon marché.
Pour bien
apprécier le sort du contribuable et des fonctionnaires à cette époque, il faut
faire attention à plusieurs choses. Les Pays-Bas autrichiens ne comptaient pas
encore au nombre de ces gouvernements représentatifs, dont le budget des
dépenses est nécessairement élevé ; c’était la réunion de plusieurs provinces
ayant chacune leurs institutions financières, quoique liées par un seul et même
gouvernement général. Une grande partie des dépenses qui pèsent aujourd’hui sur
le budget général tombaient alors à charge des provinces, des cités et du plat
pays, qui devaient en outre fournir des aides et subsides au gouvernement
général. La perception de la plupart des impôts se faisait, non par régie, mais
par l’entremise de traitants, qui, comme on sait, ne faisaient pas vœu de
pauvreté en prenant la ferme des impôts. Une autre particularité, c’est que la
Belgique autrichienne n’était pas, bien s’en faut, aussi étendue que celle de
nos jours, puisque l’évêché de Liége, qui s’étendait profondément jusque dans
le territoire des provinces voisines, formait un Etat particulier. Ce pays
était loin d’être aussi populeux et surtout d’offrir l’aisance et la richesse
qui le distinguent depuis que les progrès de l’industrie ont prodigieusement
accru ses valeurs mobilières. Il importe surtout de ne pas perdre de vue
qu’alors la dette état peu considérable. Une dernière particularité, c’est que
tel traitement qui paraît léger aujourd’hui suffisait amplement à
l’alimentation de la famille du fonctionnaire, par l’énorme disproportion
existante entre les prix des choses nécessaires à la vie aux deux époques.
Maintenant sachez,
messieurs, que placé au milieu de ces circonstances bien différentes de celles
d’aujourd’hui, le gouvernement général élevait néanmoins son budget au-delà de
26 millions de florins de Brabant, ainsi que cela résulte du compte-rendu en
1791. Or, pour se faire une idée juste du sort du contribuable à cette époque,
il faut ajouter à ces 26 millions le montant de toutes les taxes que les
provinces, les cités et le plat pays exigeaient, pour pourvoir à leurs dépenses
: il faut y ajouter encore les énormes profits des traitants, ce qui se
percevait pour le clergé, outre les indemnités et les franchises dont
jouissaient certains corps, et ne pas omettre les tours de bâton, comme on
disait alors.
Mais dira-t-on, il
ne s’agit que des traitements, et certainement qu’ils étaient bien moins
élevés. C’est ce donc il est permis de douter. J’ai trouvé dans le compte-rendu
à l’empereur et roi, pour l’exercice 1763, qu’au lieu d’un ministère, il y
avait alors à Bruxelles un conseil de finances, composé d’un président ayant
12,000 florins de traitements, et de quatre conseillers, chargés, l’un des
domaines, le second des aides et subsides, le troisième des accises et tonlieu
et le quatrième du commerce ; lesquels conseillers avaient chacun un traitement
de 4,000 à 6,000 fl. D’’autres fonctionnaires de l’administration générale des
finances jouissaient de traitements de 2,500 et 2,800 fl. Ils étaient en
général payés généreusement. Il n’y avait d’exception que pour les employés
subalternes : ainsi, par exemple, il est vrai de dire que les receveurs et
gardes de douane n’avaient pas de gages suffisants pour vivre ; mais des
émoluments indirects et peu honorables, que semblait tolérer l’usage à cette
époque, y suppléaient : les gardes de douane demandaient des rétributions pour
les visas et les plus petites formalités ; ces rétribuons étaient plus ou moins
élevées ; une plaquette de Brabant était le prix d’une visite. Quant aux
receveurs, lorsqu’on avait affaire à leur recette, l’usage était de déposer
quelques pièces de monnaie dans un tronc placé ostensiblement sur leurs
bureaux.
Je ne sais si je
me trompe, mais il me semble que si l’on tient compte de la différence des
temps, des institutions et de toutes les circonstances qui ont modifié la
situation du pays, l’on ne peut se refuser à admettre que si le gouvernement de
Marie-Thérèse fut un gouvernement à bon marché, le nôtre l’est également et
même à un bien plus haut degré.
Permettez-moi une
dernière observation, qui vous donnera la mesure du soulagement qu’apporterait
aux contribuables l’adoption de toutes les économies proposées par la section
centrale sur les traitements des fonctionnaires du département des finances.
Ces économies se montent à 300,000 florins : divisée par notre population,
cette somme donne pour quotient huit cents par âme. Ainsi, messieurs, au lieu
de 9 fl. 18 c. par tête, qu’on paierait de contributions en Belgique, en
admettant un budget de 35 millions, on ne paiera plus alors que 9 fl. 10 c.
Voilà toute la différence que vous produirez dans la situation du contribuable,
après avoir imposé au gouvernement des réductions que tous les hommes
d’expérience déclarent inconciliables avec la régularité du service. Vous
voyez, messieurs, que c’est à d’autres moyens qu’il faut avoir recours pour
diminuer le fardeau des charges publiques
J’ose croire que maintenant
vous êtes convaincus de la nécessité de ne rien retrancher sur le personnel des
bureaux de mon administration, et j’attendrai avec confiance le résultat de
votre délibération.
La section
centrale vous propose plusieurs réductions sur les sommes pétitionnées pour le
personnel supérieur de mon administration dans les provinces.
Ce personne, qui
certainement pourra être notablement diminué après l’exécution du traité des 24
articles, n’est pas susceptible de réduction dans le moment actuel, si l’on
veut que le service s’exécute régulièrement. C’est donc sur les appointements
des employés supérieurs qu’il faudra retrancher. A cet égard, vous me
permettrez de vous présenter quelques faits et quelques considérations
générales ; je n’entrerai pas dans les détails, de crainte d’abuser de vos
moments ; d’ailleurs, ces détails se trouvent dans les explications qui
viennent d’être fournies à l’assemblée par M. le ministre des finances.
Je dois vous faire
observer d’abord que les frais de mon administration ont été considérablement
réduits en province, où de larges mesures d’économies ont été adoptées et
exécutées en grande partie. Vous allez en juger.
En France, les
contributions directes coûtent près de 5 p. c. des produits, 210,000 francs par
département et 57 centimes par âme. En Belgique, elles coûtent aussi près de 5
p. c. des produits, mais elles ne coûtent que 152,000 francs par province, et
l’on ne trouve que le chiffre de 35 centimes par âme ; fait qu’il importe
d’autant plus de remarquer que, ainsi que vous l’a dit M. le général Goblet,
notre honorable collègue, la population doit être la principale base des calculs de
l’arithmétique politique.
En France, les
droits indirects coûtent 23 p. c. des produits ; 270,000 fr. par département,
et 70 cent. par tête, bien que le revenu de ces impôts soit très considérable :
chez nous, où la législation a considérablement réduit le produit des accises,
elles coûtent 182,000 fr. par province, 50 cent. par tête, et seulement 12 à 13
p. c. des produits ; 12 à 13 p. c., veuillez-le remarquer, messieurs.
Voilà des faits
positifs. Il me semble que le pays peut s’applaudir d’être parvenu à un tel
degré d’économie relative dans nos institutions financières ; car, enfin, il
est certain que, sous le rapport de la modicité des frais de perception et
d’exercice des droits indirects, nous avons considérablement devancé nos
voisins, et c’est un fait qu’il m’importait de constater pour l’honneur de
l’administration belge.
C’est ici le lieu
de dire un mot d’une question controversée, celle de savoir si les impôts de
consommation sont préférables aux impôts directs. En Angleterre, les revenus
publics se prennent sur les consommations jusqu’à concurrence des 5/7 de leur
produit total, tandis qu’en France la proportion de ces impôts au revenu total
est comme 9 est à 18. Un économiste français, M. Ganich, a sévèrement critiqué
cette répartition des charges publiques en France, prétendant que, si l’on veut
atteindre le superflu, l’aisance, la richesse, et ne pas entamer le capital et
les salaires, il vaut mieux étendre le système des impôts de consommation, et
rétrécir celui des contributions directes. Sans anticiper sur la discussion de
cette grave question, je puis du moins vous dire, dès à présent, que si, à
l’exemple de l’Angleterre et d’après l’opinion de ce publiciste célèbre, vous
pensiez que nos impôts dussent de préférence grever les consommations, vous
trouveriez dans l’organisation actuelle de mon administration des moyens
d’exécution d’autant moins dispendieux que le cercle ou le taux des accises
pourrait être agrandi, sans que les frais d’exercice, de perception et
d’administration le fussent également , quelques modiques qu’ils soient.
Si les
contributions directes et les accises coûtent peu chez nous, je dois à la
vérité de dire qu’il n’en est pas de même de la douane. En France, la douane ne
coûte que 15 p. c. des produits, et 71 cent. par âme ; après son organisation
définitive, la nôtre coûtera 1 fr. 35 c. par âme, et absorbera plus de la
moitié des produits ; rapprochement qui nous est peu favorable sans doute,
mais, et c’est ce que vous a déjà fait pressentir M. le général Goblet, le mal
tient à la nature des choses. Permettez-moi de m’arrêter un instant sur cet
objet.
Notre tarif des
douanes est très modéré, au lieu que celui de la France contient des droits en
général fort élevés. Chez nous, il a pour objet la prospérité de notre
industrie agricole et manufacturière. En France, il est à la fois protecteur de
l’industrie et producteur de gros revenus pour le fisc ; c’est au point que la
douane française produit 155 millions, c’est-à-dire 30 à 40 fois plus que la
nôtre. Il n’est pas besoin de vous dire que, toute choses égales d’ailleurs,
les frais de la douane sont en raison inverse de l’élévation des droits, quand
on la compare aux produits, comme je viens de le faire. La raison en est simple
: c’est qu’il faut garnir suffisamment la frontière, même lorsque le tarif est
modéré.
Voici une autre
cause de la disproportion existante entre les frais de surveillance de la douane
en France et chez nous. La France, bornée au nord, à l’ouest et au sud par les
mers, les Pyrénnées et les Alpes, trouve dans ces accidents naturels de
puissants obstacles contre la fraude. Il lui a suffi de bien garnir ses
frontières de l’est et du nord-est, et c’est ce dont elle ne s’est pas fait
faute ; car on compte jusqu’à 15 et 20 employés par lieue carrée sur celles de
ses frontières qui nous avoisinent. D’ailleurs, la France a l’avantage d’être
un royaume immense.
Chez nous, tout
est différent : le pays est peu étendu, et les frontières sont en général
difficiles à garder, en ce qu’on n’y trouve que peu ou point de ces accidents
naturels, si favorables à la répression de la fraude. Ceux que la Belgique
possédait, elle les perd, même en partie par le traité des 24 articles : ainsi,
dans le grand-duché, au lieu qu’auparavant notre territoire était borné par des
rivières qui nous protégeaient contre la contrebande, nous aurons désormais des
bois qui lui serviront de passage et de repaire.
Vous le voyez,
messieurs, l’élévation des frais de notre douane est un mal auquel il n’est pas
en notre pouvoir de remédier. Dans le but fort louable d’en diminuer
l’intensité, la section centrale a témoigné le vœu de voir réduire les
traitements des employés inférieurs de la ligne, sauf à leur offrir pour
compensation une part plus forte dans le produit des amendes et confiscations.
Cette dernière idée est excellente ; mais il faut faire attention qu’avec notre
tarif et notre système de pénalités, ce produit se bornera toujours à peu de
chose, ce qui explique qu’il n’en reviendrait pas grand profit aux employés
inférieurs, lors même qu’on augmenterait leur part dans la répartition. Il faut
donc renoncer à l’espoir de retrancher sur des traitements de 300 et 360 florins,
dont jouissent les commis de troisième et quatrième classe, surtout qu’ils
subissent des retenues considérables pour la caisse des retraites et la masse
d’habillement. Le fait est, messieurs, que très souvent des représentations
m’ont été faites sur l’impossibilité où se trouvent ces employés de vivre avec
ce qui leur reste de ces chétifs traitements après la déduction des retenues,
et c’est ce que l’on conçoit sans effort.
La section
centrale vous a parlé de la nécessité de réformer nos lois sur les contributions
directes et les accises, et vous a fait observer qu’elle exige un personnel
nombreux, et s’oppose ainsi à de fortes économies. Elle s’est donc bornée à
retrancher sur les allocations réclamées pour les appointements des employés
supérieurs ; mais si ces appointements sont déjà ramenés dans les limites du
strict nécessaire, les réduire serait prendre une mesure qui, en portant le
découragement et peut-être le mécontentement chez les fonctionnaires qui
doivent donner l’impulsion au service, deviendrait infailliblement funeste au
trésor, sans d’ailleurs offrir un soulagement réel aux contribuables. Ne
serait-il pas préférable d’attendre l’exécution du traité des 24 articles, et
surtout la réforme de notre système financier, pour opérer les économies dont
le personnel est susceptible ?
Mais, dira-t-on,
les traitements des employés supérieurs sont trop élevés. Examinons.
Ce serait
poursuivre une chimère que de vouloir une organisation fort simple pour des
institutions essentiellement compliquées. Or, dans l’état actuel de notre
législation, l’administration des contributions directes, douanes et accises,
est une machine qu’il n’y a pas moyen de faire mouvoir sans un assez grand
nombre de rouages ; de là sa hiérarchie. La nécessité de cette hiérarchie établie,
il est une autre vérité non moins incontestable, c’est qu’il faut bien que les
traitements s’élèvent proportionnellement aux grandes, si l’on ne veut pas que
les supérieurs soient payés sur le même pied que les inférieurs. Maintenant, si
vous remontez cette échelle de grades, en partant du dernier, les commis de
quatrième à 300 florins par an, vous apercevrez qu’en fixant les appointements,
l’on s’est borné les augmenter
légèrement en remontant l’échelle des grades. C’est tout ce qu’on peut faire
pour l’application de nos principes d’économie ; aller au-delà serait détruire
la graduation qui doit, de toute nécessité, exister dans les divers traitements
de l’organisation du personnel.
Il est encore
d’autres considérations de service qu’il ne faut pas perdre de vue. Lorsqu’on
les envisage sous leur véritable aspect, les fonctions fiscales sont peu
agréables en elles-mêmes ; l’on ne peut en disconvenir : un autre inconvénient
de la carrière fiscale consiste en ce que les employés, quelque mérite qu’ils aient
d’ailleurs, doivent passer les premières années de service dans des grades peu
ou point rétribués. Cependant il nous faut, pour le bien du service, entretenir
l’amour du travail jusque dans les derniers rangs. Savez-vous, messieurs, ce
qui soutient ce zèle, et ce qui nous amène parfois des hommes nés pour les
affaires ? C’est uniquement l’espoir d’arriver un jour à la jouissance du
traitement d’un des grades qui figurent en tête de la hiérarchie. Si vous
portez encore atteinte à ces traitements, peu nombreux d’ailleurs, vous privez
la carrière du seul attrait qu’elle ait dans ce moment, et une conséquence
fâcheuse en résulterait certainement pour le service et le trésor, savoir :
l’éloignement des hommes de capacité d’une administration où ils sont plus nécessaires
que jamais, aujourd’hui que les impôts jouent un si grand rôle dans l’économie
politique. Je ne veux pas dire que les titulaires actuels se retireront parce
que vous les priverez d’une partie d’un traitement laborieusement acquis : ils
resteront peut-être, malgré les réductions ; mais c’est de la bonne composition
du personnel supérieur dans l’avenir qu’il s’agit. Les jeunes gens probes et
capables voudront-ils encore entrer dans une administration désormais dans
l’impuissance d’offrir des compensations à ce qu’elle a de pénible ? Je ne le
pense pas.
Voyons si,
abstraction faite de ces considérations de service et d’intérêt public, les
traitements des employés supérieurs de mon administration peuvent être
considérés comme trop élevés. Les parcourir tour à tour serait fatiguer votre
patience ; je ne m’arrêterai qu’au traitement le plus élevé, celui du
directeur, dans l’espoir que, si je parviens à vous convaincre que ce
traitement n’est que ce qu’il doit être, dans l’intérêt bien entendu du trésor,
vous admettrez qu’il doit en être de même, à plus forte raison, des traitements
des grades inférieurs à celui-là.
Le directeur, qui
est le premier fonctionnaire de mon administration, a 3,500 florins par année,
sans aucune espèce d’indemnité. S’il est père de famille, sans fortune, a-t-il
trop avec 3,500 fl. pour vivre, je ne dirai pas avec luxe, mais au moins d’une
manière conforme à son rang dans la société ? Pourra-t-il pourvoir à
l’éducation de ses enfants et faire quelques épargnes pour aider un jour à leur
établissement, devoir que la nature nous impose et que les hommes de mérite
parviennent ordinairement à remplir dans les autres professions, surtout dans
le commerce, l’industrie et au barreau ? Ce bonheur n’est pas réservé aux
fonctionnaires de mon administration les mieux payés maintenant. Réfléchissez-y
un instant, et vous direz avec moi qu’ils ont ce qu’il leur faut pour vivre, et
rien de plus. En France, il sont plus heureux ; on ne les traite pas avec
autant de sévérité, bien qu’on veuille aussi des économies : la preuve, c’est
que les directeurs des contributions, douanes et accises peuvent encore compter
sur 15,000 fr. par année pour diriger seulement une des trois branches d’impôts
que les nôtres réunissent. Le gouvernement ne demande pas la moitié pour eux,
et l’on voudrait encore réduire !!!
Maintenant que de
très fortes économies ont été introduites dans mon administration, je ne vois
qu’un seul moyen d’en faire de nouvelles, si l’on ne veut pas désorganiser le
service : ce moyen consiste, non à décourager les employés supérieurs en
réduisant leurs traitements, mais à observer attentivement la marche des choses
dans le système actuel de nos impôts, pour voir si l’on peut parvenir à
l’exécution de ce système avec moins de personnel. Il faut d’ailleurs, dans
l’intérêt même du trésor aviser en même temps au moyen de replacer les
fonctionnaires dont on supprime les emplois à moins qu’on ne veuille fouler des
droits acquis ; car il est à remarquer que, dans mon administration, celui qui
compte dix ans de services ne peut être congédié sans pension.
C’est d’après ces
principes que l’administration procède à l’exécution du système d’économies
qu’elle s’est spontanément imposé immédiatement après la révolution.
C’est ainsi,
messieurs, qu’elle a supprimé une des deux inspections générales qui existaient
dans les provinces méridionales du ci-devant royaume des Pays-Bas, et les
inspecteurs de la ligne, pour réunir leurs fonctions à celles des inspecteurs
en chef, sans charge ni pour le trésor, ni pour la caisse de retraite, attendu
qu’ils ont été appelés d’autres
fonctions.
C’est d’après les
mêmes principes qu’elle a supprimé les places de vérificateur de comptabilité,
dont le nombre est déjà réduit à six ; qu’elle a fait disparaître toutes les
recettes déléguées, et réduit le nombre de recettes effectives toutes les fois
que la chose a été possible dans l’intérêt du service et des contribuables ;
que déjà des bureaux de droits de garantie ont été supprimés, depuis que cette
branche de recettes est réunie à celles de l’administration des contributions,
et que très incessamment il en sera de même des autres ; qu’une réduction de
4,000 fl. pourra s’opérer sur l’allocation réclamée au budget du ministère de
l’intérieur pour le service des poids et mesures, qui maintenant fait aussi
partie de l’administration des contributions directes, douanes et accises ;
qu’elle a abaissé considérablement le tarif proportionnel des remises des
receveurs ; qu’elle a retranché sur l’allocation qu’avaient les employés des
directions, du temps qu’ils étaient aux administrations provinciales ; qu’elle
a diminué de moitié à peu près le nombre des employés des accises, pour placer
l’excédant sur la ligne, et réduit notablement le nombre des contrôleurs
existant avant la révolution. C’est ainsi enfin qu’en nommant maintenant aux
emplois destinés à être conservés, les nouveau titulaires ne jouissent plus du
traitement de leurs prédécesseurs, qui, par respect pour les droits acquis,
n’ont pas subi et ne doivent pas subir de réduction, tant qu’ils sont en
exercice. Par exemple, les contrôleurs, qui avaient précédemment des
appointement de 14, 16 et même 1,800 fl., n’en obtiennent plus que de 1,000,
1,200 et 1,400 fl. ; il en est de même dans les catégories d’employés
inférieurs à ce dernier grade.
Telles sont,
messieurs, les économies que nous avons réalisées, mais qui, je regrette de
devoir le dire, sont passées inaperçues probablement parce qu’elles ont été
introduites silencieusement et sans ostentation. Elles n’en existent pas moins,
et la justice de cette assemblée saura en tenir compte à l’administration qui
m’est confiée. Toutes ces mesures se sont, du reste, exécutées sans embarras
pour le service, sans lésion pour le trésor, parce qu’on en avait calculé les
conséquences avant de les prendre, et qu’elles n’ont pas eu pour résultat de
réduire des traitements fixes dans les bornes du strict nécessaire. Elles
continueraient à opérer leurs effets de la même manière, si vous votiez les
fonds pétitionnés pour le personnel de mon administration. Si, au contraire,
vous le réduisez, comme vous le demande la section centrale, force sera à
l’administration de prendre des mesures rigoureuses, qui, je le répète, peuvent
devenir des germes de désorganisation pour le service, de pertes pour le trésor,
sans procurer un soulagement réel aux contribuables.
Telles
sont, messieurs, les considérations dans lesquelles j’ai cru devoir entrer, et
qui sont le résultat d’une profonde conviction ; je les livre, en toute
confiance, à vos méditations, persuadé que vous saurez les apprécier et n’y
voir que l’opinion consciencieuse d’un collègue que sa position administrative
met à même d’éclaircir la discussion qui va nous occuper, et qui s’acquitte de
son mandat de député en vous présentant les choses sous leur véritable point de
vue. Je suivrai, du reste, la discussion des détails, et m’empresserai de
communiquer à la chambre tels autres renseignements et éclaircissements qui me
paraîtront offrir quelque degré d’utilité, lorsque nous en seront aux
spécialités.
M. d’Huart. - Messieurs, dans le rapport général qui vous a été
présenté, on s’est servi de comparaison pour établir que des réductions
notables étaient possible dans diverses branches de l’administration. M. le
ministre des finances s’est élevé avec force contre ces assertions, qu’il a
qualifiées de « rapprochements sans analogie propres à égarer
l’opinion » et il a particulièrement cherché à prouver que les exemples
tirés de la cour des comptes ne pouvaient, en aucun point, s’appliquer aux
dépenses de son département. Pour donner quelque force à ses arguments, il
était indispensable que M. le ministre cherchât à ravaler l’importance des
travaux de la cour des comptes ; aussi, c’est ce qu’il n’a pas manqué de faire.
Je me suis procuré des renseignements précis sur la matière, et je crois
pouvoir démontrer, contrairement aux assertions de M. le ministre, que la
section a agi rationnellement.
Ici l’orateur
compare en détail le travail et les attributions de la trésorerie, qu’on a
signalée comme étant l’une des branches les plus importantes du ministère des
finances, avec le travail et les attributions de la cour des comptes. En
résumé, les attributions de la trésorerie se réduisent à de simples opérations
d’ordre ; celles de la cour des comptes consistent à juger de l’application des
lois sur le budget des règlements, arrêtés, conditions des contrats, marchés,
adjudications, et à vérifier toutes les comptabilités indistinctement. La cour
des comptes tient en outre des livres d’ordre qui ne sont pas moins importants
que ceux de la trésorerie, puisqu’indépendamment des renseignements qu’ils
doivent contenir pour pouvoir contrôler les opérations de cette administration,
ils doivent encore offrir la situation des budgets et
autres renseignements propres à contrôler le service de tous les comptables du
royaume et de chaque ministère séparément. Il est donc évident que la somme
demandée pour le personnel de la trésorerie est exagérée, et qu’en proposant de
la réduire à 28,900 fl., non compris le traitement de l’administrateur, votre
section centrale a encore agi d’une manière fort large.
J’adopterai toutes
les réductions proposées par la section centrale qui sont motivées sur des
comparaisons puisées dans le budget de la cour des comptes.
(Supplément
au Moniteur belge non numéroté et non daté) M. Serruys. - Messieurs,
l’administration des douanes est une des branches du ministère des finances de
la plus haute importance ; le régime actuel en est très défectueux, et l’on
peut, sans difficulté, y apporter les améliorations que le bien du commerce et
de l’industrie réclame. La source du mal, messieurs, me paraît être dans les
vices de la législation sur la matière, et vous pouvez y remédier.
En France, messieurs, les douanes
sont régies depuis plus de 40 ans par la loi du 22 août 1791 ; cela seul
démontre assez la bonté de cette loi, et je ferai observer qu’elle a été
l’ouvrage longuement médité des comités réunis de commerce, des finances et
d’agriculture de l’assemblée constituante, qui s’étaient au surplus adjoint
pour collaborateurs des députés des principales villes de commerce et de
manufactures de France.
Cette loi, messieurs, véritable
modèle de sagesse en législation, a été aussi pendant plus de 20 ans la loi des
douanes belgiques, et remarquez-le bien, messieurs, quand en 1814, les
puissances alliées eurent mis la loi du 22 août 1791 hors d’activité en
Belgique, les chambres consultatives des manufactures et de commerce,
parvinrent à en faire passer les principes et toutes les principales
dispositions, jusqu’à l’ordre méthodique même dans l’arrêté du 26 octobre 1814,
pour les douanes à la rédaction duquel elles avaient été appelées à concourir ;
de sorte que la Belgique continua à conserver jusqu’alors le système des
douanes établi par la loi de 1791.
Mais, messieurs, ce régime, parce
qu’il était français, fut bientôt renversé pour faire place au régime
hollandais, qui nous fut imposé, d’abord par une loi du 3 octobre 1816, votée,
à la vérité, à une faible majorité, puis par celle du 12 mai 1819, et
finalement par la trop fameuse loi du 12 juillet 1821, dont la loi générale du
26 août 1822, qui répète encore la matière, a été la conséquence.
Messieurs, je ne crois pas avoir
besoin de développer ici tous les avantages du système de la loi du 22 août
1791, sur celui de la loi de 1822. Pour en être convaincus, il suffit de lire
ces deux lois et de comparer les dispositions de l’une à celles de l’autre.
La loi de 1791 est claire, simple et
d’une précision admirable, et quand il s’agit de fraudes et de contraventions,
les peines et les amendes y sont convenablement déterminées et toujours
graduées suivant les circonstances du cas, et il est fait une juste distinction
entre ce qui constitue une véritable contravention en fraude, et ce qui n’est
que la suite d’une erreur ou d’une inadvertance palpable.
La loi de 1822, au contraire, est
d’une obscurité telle qu’on a souvent de la peine à en comprendre la rédaction,
ou à en saisir le véritable sens, et d’un bout à l’autre il y règne un esprit
de fiscalité excessive ; en un mot la loi de 1822 n’est bonne ni pour le fond
ni pour la forme.
En conséquence, je
pense, messieurs, que dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, comme dans
celui du trésor même, il est de toute nécessité de faire cesser le plus tôt
possible l’odieux système de la loi du 22 août 1822, et d’en revenir à celui si
bien établi par la loi du 22 août 1791, qui, je le répète, régit toujours et
depuis plus de 40 ans les douanes en France, et qui a aussi régi celles de la
Belgique pendant plus de 20 ans, sans qu’il se soit jamais élevé aucune
réclamation contre ce système ; et d’après ces considérations que je livre à vos
sages méditations, je crois devoir recommander cet objet important à
l’attention toute spéciale et sérieuse du gouvernement et particulièrement à M.
le ministre des finances comme faisant partie de ses attributions.
M. de Nef. - Messieurs, ami de
toute économie compatible avec la justice et avec le bien public, je
continuerai à m’opposer aux dépenses inutiles en même temps qu’aux économies
contraires au bien-être général et aux règles d’une équitable égalité dans la
répartition des charges et des avantages. D’après cette règle de conduite que
je me suis travée, il est des réductions auxquelles je donnerai volontiers mon
assentiment, mais il en est d’autres qui à mes yeux ne sont plus des économies
et que je ne puis approuver. Je prendrai pour exemple la réduction proposée sur
le crédit demandé pour le cadastre, et qui aura pour résultat de voir languir
de nouveau les opérations y relatives ; il me semble que l’allocation demandée
à cet égard par M. le ministre des finances est précisément au nombre de celles qui sont le moins susceptibles de
réduction, et je saisis cette occasion pour lui recommander de tous mes efforts
l’achèvement du cadastre avant 1833 ; je vois un intérêt bien autrement
important que celui d’une modique épargne, qui pourrait être si nuisible dans
ses effets ; il s’agit de faire disparaître avec promptitude l’injustice la
plus criante, et qui cependant pèse depuis 30 ans sur les propriétaires dans
certaines localités à tel point qu’il y a des endroits où on paie le double sur
le revenu de ce que l’on paye dans d’autres. C’est ce que je me propose de vous
démontrer évidemment lors de la discussion du budget des voies et moyens pour
1833. Entre-temps, je ne pourrai admettre une économie qui selon moi n’en est
plus une dès qu’elle aurait pour résultat d’éloigner le moment d’une réparation
si vivement réclamée par tous les principes de justice, et reconnaissance dans
le M. le ministre des finances ce désir constant de distribuer les charges de
l’Etat avec équité, je compte que par le moyen de cette allocation, le cadastre
sera achevé et exactement régularisé avant 1833.
(Moniteur belge n°89, du 29 mars 1832) M.
Barthélemy.
- Messieurs, je m’aperçois que nous n’avons pas commencé par le commencement la
discussion du budget ; car nous en sommes encore, après trois semaines de
discussions, à discuter sur les systèmes d’économie, et c’est par des rognures
à faire sur les traitements que j’entends toujours fonder l’espoir d’arriver à
un allégement pour les contribuables. Je me permettrai de
vous dire que ce n’est pas là que vous trouverez des économies à faire.
D’abord, il n’est pas juste de frapper des employés déjà assez médiocrement
rétribués, et auxquels cependant il faudrait assurer une honnête existence.
Croyez-vous que les contribuables seront bien soulagés quand, à des employés de
15 ou 1,800 fl. de traitement, vous en rognerez 2 ou 300 ? Non, messieurs, et
cependant cette économie aura mis l’employé à la gêne ; et vous rendriez un
plus véritable service au peuple en ne touchant pas à ces 2 ou 300 fl., parce
que, après tout, il en reviendra quelque chose au peuple, puisque l’employé
trouvera le moyen, par l’aisance que cette somme lui procurera, de donner un
peu plus de travail aux ouvriers ; il fera un pantalon, une paire de bottes de
plus (hilarité générale), et la façon
de ces objets tombera dans la poche du peuple qui travaille. Croyez-moi,
messieurs, ce n’est qu’en changeant notre système d’administration que nous
pourrons faire de véritables économies ; jusqu’ici, nous n’avons guère fait que
replâtrer notre système intérieur : il faut le changer totalement, diminuer le
nombre des rouages de la machine, supprimer des emplois au lieu de les moins
rétribuer, et revenir autant que possible à cette administration qui nous
régissait sous le gouvernement autrichien et dont les dépenses ne s’élevaient
qu’à 20 millions. Je voterai provisoirement en faveur des sommes demandées.
(Supplément
au Moniteur belge non numéroté et non daté) M. Zoude. - Messieurs, partisan des
économies, je repousserai celles qui peuvent compromettre le service ou ravaler
le fonctionnaire au-dessous de ses attributions.
Pour ce double motif, je m’opposerai
à la réduction de 3,800 fl. sur la somme demandée par le gouvernement en faveur
de l’administration centrale des postes.
Je m’opposerai à cette réduction,
d’abord par une considération générale, c’est que les postes étant très souvent
dépositaires du secret, de la fortune, et quelques de l’honneur des familles,
il faut que les employés de ce service offrent une garantie particulière de
discrétion et de probité, et ces qualités donnent droit à une rétribution
convenable.
Abornant particulièrement les
employés de l’administration centrale, je vous prierai de remarquer qu’ils sont
également choisis parmi ceux que les provinces présentent de plus instruits et
de plus capables dans cette partie et que ceux qui y remplissent les fonctions
de contrôleur et de commis occupaient souvent les premiers rangs dans les
postes provinciales, et cependant l’administration supérieure a dû s’entourer
de ces hommes de capacité, parce que c’est du centre que doit jaillir la
lumière qui éclaire et dirige toutes les branches du service.
Or, messieurs, pour décider ces hommes
spéciaux à venir s’asseoir au banc du commis et reprendre un rang secondaire,
il a fallu au moins les attirer par l’appât d’un traitement plus élevé.
Par ce motif vous ne consentirez pas
à la réduction des appointements des employés de l’administration centrale des
postes.
Vous ne réduirez pas davantage celui
de l’administrateur, lorsque vous aurez fait attention qu’il est en même temps
directeur du bureau de Bruxelles, que ces fonctions lorsqu’elles étaient
séparées coûtèrent à l’Etat une somme de 11,000 florins, tandis que cumulées,
elles ont d’abord été réduites à 5,000 et bientôt à 4, par suite d’une nouvelle
économie introduite par le ministre des finances.
Ce minimum n’est plus susceptible de
réduction ; s’il en était autrement, il s’ensuivrait que dans certaines
localités, à Anvers par exemple, un directeur serait mieux rétribué que son
chef, qui outre la direction d’un bureau des plus importants est encore chargé
du fardeau et de la responsabilité du service entier du royaume.
J’ajouterai une autre considération
que vous apprécierez en apprenant que sous les divers gouvernements qui se sont
succédé en Belgique, les employés de la plupart des bureaux jouissaient d’un
traitement occulte, d’un leges d’une nature toute particulière.
Ce traitement
provenait du droit d’affranchissement des journaux, qui se percevait au profit
des employés dans une proportion consacrée par l’usage, et la part du directeur
de Bruxelles ne s’élevait pas à moins de 2,000 à 2,500 florins.
Mais à peine cette source de bénéfice
fut connue de l’administrateur actuel, qu’il cessa d’être perçu, et le trésor
est aujourd’hui en possession d’un produit dont il a été privé de temps
immémorial.
En présence d’un tel fait, vous
reconnaîtrez, messieurs, que l’économie ne consiste pas toujours à réduire un
traitement, mais quelquefois à bien salarier celui qui remplit ses fonctions
avec délicatesse et probité.
Par ces divers motifs, je prie la
chambre de rejeter la réduction de 3,800 florins, proposée par la section
centrale.
(Moniteur belge n°89, du 29 mars 1832) M.
Lebeau.
- Messieurs, lorsque dernière j’indiquai les intérêts moraux comme premier
mobile de la révolution, je n’ai pas prétendu dire que nous dussions négliger
les intérêts matériels ; à mon avis, les dépenses inutiles que fait un homme,
soit public, soit privé, sont un acte de folie, et, si les représentants d’une
nation pouvaient sciemment autoriser de telles dépenses, ce serait plus qu’un
acte de folie, ce serait un crime. Mais est-il vrai que dans la représentation
nationale, et dans le gouvernement, on ait vu en Belgique un dédain
systématique pour les intérêts matériels ? Non, messieurs, ce serait calomnier
la révolution et les hommes qui l’ont conduite à sa fin, que de le prétendre.
Il n’est pas vrai qu’il y ait eu prodigalité et profusion dans l’emploi des
deniers publics ; il n’est pas vrai qu’on ait cherché à perpétuer les abus, et
il suffit de jeter un coup d’œil sur les actes des gouvernements qui se sont
succéder depuis la révolution, pour voir à quel point sont peu fondées les
accusations que se permettent à cet égard certains hommes.
Vous le savez,
messieurs, à peine le gouvernement provisoire se fut-il saisi du pouvoir, qu’au
milieu des difficultés qui l’environnaient on le vit porter une main ferme sur
les abus que nous avait légués l’ancien gouvernement. Ainsi on le vit supprimer
le droit d’abattage, les droits sur les passages d’eau, le droit de leges, la
surtaxe imposée sur le timbre des journaux par un simple arrêté, et l’accise
sur le sel et sur le vin indigène qui avait donné lieu à tant de plaintes :
c’est ainsi que le même gouvernement a modifié la législation sur les
distilleries, réduit de 50 p. c. les droits perçus sur le canal d’Antoing,
enfin supprimer l’odieux impôt de la loterie. Voilà, messieurs, ce que fit le
gouvernement provisoire : il est bon, lorsqu’au-dehors on cherche à nier les
bienfaits assurés au peuple par le nouvel ordre de choses, de rappeler tous ces
actes qui servent à confondre les calomniateurs de notre révolution.
Bientôt au
gouvernement provisoire succéda le congrès national qui suivi la même marche.
Ainsi on le vit supprimer le droit supplémentaire établi sur les barrières, et
contre lequel s’élevaient tant de réclamations ; faire une réduction de 50 p.
c. sur les patentes ; réduire de 26 à 13 les cents additionnels sur les
patentes, les accises, etc. ; supprimer les cents additionnels sur la taxe
personnelle ; supprimer les droits d’enregistrement jusqu’au 31 décembre 1832
sur les prêts sur gages et sur hypothèques ; abroger les lois de juin 1830, qui
établissaient, à partir du 1er janvier 1831, un nouvel impôt sur le café et une
augmentation d’accise sur le sel, les vins étrangers, les boissons distillées à
l’intérieur, les bières et les vinaigres indigènes. Ajoutez à ces réductions,
faites avec plus de sympathie pour le sort des contribuables que de prévoyance
pour la prospérité de notre état financier, ajoutez la modération apportée par
l’administration dans le recouvrement des impôts, et vous verrez, messieurs, ce
qu’il fait croire de ces plaintes sans cesse répétées sur le peu de souci qu’on
a pris pour le sort du peuple.
Si les divers
gouvernements de la Belgique depuis la révolution ont péché par quelque chose,
ce n’est pas en maintenant des abus, mais en allant sous ce rapport au-delà de
ce que la prudence commandait. Ce que je viens de dire des impôts, je peux le
dire de même à l’égard des traitements. J’ai entendu parler en termes amers de
la bureaucratie, et comme on n’a pas dit dans quel sens on entendait ce mot, je
ne sais si je devrais le relever. Entend-on par bureaucratie l’emploi qu’on est
obligé de faire de commis dans les bureaux ? Quand on me prouvera qu’on peut
faire aller les bureaux sans buralistes, je comprendrai l’accusation.
Messieurs, j’ai le
bonheur d’appartenir à une administration sur laquelle on ne demande pas de
réduction de traitement, et pour laquelle, au contraire, on demande des
augmentations ; j’ai d’ailleurs prouvé que je ne tenais pas aux places à gros
traitements, et que la vie privée avait plus de charmes pour moi que la vie
publique : mes paroles ne vous doivent pas être suspectes quand je viens vous
parler contre la trop grande réduction des traitements. En parcourant les
divers ministères, je vois que, dans celui des affaires étrangères, le nombre
des employés a été notablement réduit. En prenant le portefeuille de ce
département, je supprimai cinq employés, dont un aux appointements de 2,700 fl.
Mon successeur a trouvé encore le moyen de faire de plus grandes réductions. Le
ministre de la justice a réduit de 17 à 7 le nombre de ses employés. Portez
maintenant vos regards sur le ministère de l’intérieur. Vous trouverez une
réduction de 16,605 fl. sur le personnel, comparativement au budget de 1831 ;
sur l’administration des provinces, 45,374 fl. ; sur les ponts et chaussées,
27,400 fl.
Si vous comparez
ensuite les différentes allocations demandées pour le royaume des Pays-Bas, en
1830, avec ce qu’on vous demande aujourd’hui, vous serez convaincus que l’on a
fait pour les contribuables tout ce que les circonstances permettaient de
faire. En 1830, on vous demandait, pour la secrétairerie d’Etat, 88,466 fl. ;
dans le budget actuel, rien : cabinet du Roi , 17,926 fl. ; aujourd’hui,
rien ; les états-généraux dépendant 521,850 fl. ; les chambres 169,026 fl. ;
conseil d’Etat, 228,968 fl. ; aujourd’hui, rien ; la chambre des comptes
coûtait 155,083 fl. ; maintenant 55,200 fl. ; ordre Guillaume, 53,800 ;
supprimé. Le Lion Belgique, 21,700 fl. ; aujourd’hui zéro. Les ministres
coûtaient 140,000 fl. ; aujourd’hui 50,000 fl. Ministère des affaires
étrangères, personnel de l’administration centrale, 38,000 fl. ; aujourd’hui,
18,600 fl. Matériel, 21,000 fl. ; aujourd’hui 8,400 fl. Justice, personnel, 38,538
fl. ; aujourd’hui 12,650 fl. ; matériel, 53,400 fl. maintenant 2,600 fl.
Intérieur, personnel, 325,000 fl. ; aujourd’hui, 97,980 fl. ; matériel, 53,000
fl. ; aujourd’hui 15,500 fl.
Messieurs, je ne
puis pas continuer ce parallèle pour le budget de la guerre ni pour celui des
finances : la différence énorme des circonstances rend pour le premier toute
comparaison impossible ; il en est de même du ministère des finances, parce que
là se trouvait le syndicat d’amortissement, dont les opérations s’entrelaçaient
avec celles de l’administration. De plus, ont disparu du ministère des affaires
étrangères les dépenses pour les consulats, 35,000 fl. ; pour les présents,
28,000 fl. ; pour les services secrets, 12,000 fl. ; tribut aux puissances
barbaresques, 15,000. Les dépenses des cours et tribunaux étaient portées à
2,488,099 ; aujourd’hui à 947,206. Les cultes (et ceci servira de réponse à un
singulier genre d’accusation que l’on se permet contre nous à l’étranger depuis
quelques temps), les cultes coûtaient autrefois 3 millions ; vous savez que
dans ce pays, que l’on peint comme livré à la théocratie, nous avons réduit,
sans exciter les murmures des parties intéressées, les traitements des
archevêques et évêques d’une manière notable.
L’orateur
poursuit cette énumération, et il en conclut que, si l’on veut pousser les
réductions plus loin, on livrera le pays à la ploutocratie ; et les emplois
publics deviendront le partage des gens riches, au lieu de n’être que celui du
talent et de la capacité. L’orateur examine ensuite le taux des traitements des
employés aux Etats-Unis ; il prouve par leurs chiffres combien plus ils sont
élevés qu’en France et qu’en Belgique, et il termine ainsi : J’ai prouvé que si
les intérêts moraux avaient joué un grand rôle dans la révolution, si les
pouvoirs devaient regarder comme leur premier devoir d’en assurer le maintien,
c’est-à-dire l’indépendance nationale et les institutions, il n’en avait pas
méconnu un autre, celui d’étendre sa sollicitude sur les intérêts matériels,
sur le sort des contribuables. Je voterai pour toutes les résolutions qui me
paraîtront compatibles avec la marche d’une bonne administration, et je crois
qu’il y en a à faire dans le budget des finances et d’année en année.
M. Mary établit une comparaison entre les frais de perception
de l’impôt entre la France et l’Angleterre, qu’il prend dans un rapport fait en
1830 par M. Chabrol à Charles X ; il prouve que l’avantage est du côté de la
France, et par conséquent de la Belgique, où ces frais sont moindres encore.
L’orateur ensuite soutint que, comme comptable de l’Etat, la banque devrait se
soumettre au contrôle de la cour des comptes ; il se plaint que les
administrateurs du trésor aient de si forts crédits sur la banque, grâce au
système de paiement en vigueur, et il fait entrevoir les pertes qui pourraient
en résulter pour le trésor.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- Dans le rapport que je ferai dans la discussion des articles, je prouverai,
contrairement à ce qu’a dit M. d’Huart, la nécessité de la trésorerie générale.
Quant aux travaux du cadastre, j’espère que les travaux qui se poursuivent
activement seront achevés en 1833. M. Serruys a parlé du vice du système des
douanes : comme industriel, j’ai été à même de reconnaître ces vices, et je
dirai à l’honorable membre que, sans les embarras du moment, j’aurais apporté
tous mes soins au changement du système. J’adopte entièrement les idées de M.
Barthélemy sur les employés du gouvernement. Comme lui, je pense qu’il est
préférable de réduire le nombre des places, et de bien rétribuer ceux qui les
occupent ; mais j’ajouterai qu’il est impossible, au moment du travail que
nécessitera le chambre de système, de diminuer le nombre des employés.
Répondant à l’honorable M. Mary, je dirai que la banque a reçu des ordres
positifs de soumettre le double des états à la cour des comptes.
M. Dumortier s’efforce de répondre aux divers orateurs qui ont
critiqué les réductions proposées par la section centrale, et il s’attache à
les justifier par des développements fort étendus.
M. Delehaye. - Je donnerai mon assentiment à toutes les réductions
proposées par la section centrale, excepté celle relative aux employés des
douanes ; loin de diminuer leur traitement, je demanderai plutôt une
majoration, car c’est par de bons traitements qu’on peut obtenir des douaniers
une surveillance active et une fidélité éprouvée, deux qualités indispensables
pour mettre un terme à la fraude qui se impunément au grand préjudice du
commerce belge.
M. Ch. de Brouckere réfute le discours de M. Dumortier ; il signale les
vices du système financier de la Hollande et les déficits qui en furent la
suite ; il combat toutes réductions de traitement, parce qu’il les considère
comme impossible, toutes les réductions convenables ayant été faites
précédemment.
M. Duvivier doutient que les directeurs des douanes ne touchaient
rien du droit de leges, comme l’a dit M. Delehaye ; il fait observer,
d’ailleurs, qu’il n’existe plus de directeur dans cette administration.
M. Barthélemy. - Je crois qu’on n’a pas bien compris ma première
objection. Je disais, et je répète, qu’il est impossible de faire de véritables
économies, sans changer les bases de l’administration. Vous parlez du peuple,
mais vous le divisez en deux parties ; vous faites deux peuples (on rit) : celui qui paie l’impôt et
celui qui n’en paie pas. Mais l’économie ne consiste pas à réduire le chiffre
du budget, mais à en faire un bon emploi. Les réductions ne tournent pas
toujours au profit du peuple. Supprimez, par exemple, les 1,300,000 fl. de la
liste civile, et vous verrez si le peuple de Bruxelles vous bénira. Savez-vous
combien le peuple retire du budget de la ville de Bruxelles qui s’élève à
600,000 fl. ? Il profite de 200,000 fl. qui servent aux établissements de
charité, des enfants trouvés, etc. Vous voyez donc que le peuple n’aurait pas
un si grand avantage à tous ces réductions.
M. Destouvelles. - Je ne donnerai pas mon assentiment à la plupart des
diminution proposées par la section centrale, parce que leur accueil tendrait à
jeter la perturbation dans le service ; mais les révélations que nous a faites
M. Ch. de Brouckere me suggèrent une observation. Il a dit que les déficits de
l’ancien gouvernement provenaient de ce qu’au lieu de fermer l’abîme, il le
comblait provisoirement par des mesures extraordinaires. La seule différence,
je le dis à regret, que je trouve entre ce qui se pratiquait alors et ce qui a
lieu aujourd’hui, c’est que les états-généraux étaient entraîner vers un abîme
à leur insu, et que nous le sommes sciemment ; car nous votons un budget de 98
millions, ce qui est bien au-dessus de nos ressources. Je désire que le
gouvernement mette mieux en rapport nos dépenses avec nos revenus.
M. Ch. de Brouckere. - Je ne m’attendais pas à la conclusion que
l’honorable membre a tirée de mes paroles. Quand j’ai parlé des vices de
l’administration hollandaise, je n’ai point voulu dire pour cela qu’il fallait
pour cette année niveler nos dépenses et nos recettes, car nous sommes en état
de guerre ; il est impossible de le faire, et il y a au contraire des raisons
plausibles pour majorer les dépenses.
M. le ministre des finances (M. Coghen) répond aux observations qui ont été faites relativement
à la dette hollandaise que le gouvernement a envoyé des commissaires à Londres,
pour savoir quelles étaient les obligations de la Belgique, et qu’au moins de
novembre, d’après le dernier exposé de notre état réel, il résultait que notre
dette ne s’élevait pas à plus de six millions.
Quant à la banque,
elle est comptable envers le trésor, et doit envoyer ses comptes de quinzaine
en quinzaine, et elle ne peut s’y refuser sans aucun prétexte. Du reste, M. le
ministre convient que la nécessité d’un nouveau système financier est reconnue
par tous. (A demain ! à demain !)
- La discussion
est renvoyée à demain, à midi.
La séance est
levée à quatre heures.