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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 10 février 1832

(Moniteur belge n°43, du 12 février 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à deux heures et demie.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dellafaille fait l’appel nominal et lit le procès-verbal, qui est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue analyse plusieurs pétitions, qui sont renvoyées à la commission.

Projet de loi portant le budget de l'Etat de l'exercice 1832

Motion d'ordre relative au mode de discussion des projets de budget

M. A. Rodenbach demande au rapporteur de la section centrale s’il sera fait un rapport général sur l’ensemble des budgets, ou un rapport spécial sur chacun d’eux.

M. Dumortier répond que la section n’est pas chargée d’examiner les budgets des ministres de l’intérieur et de la guerre, et qu’elle n’a eu à s’occuper que de la dette publique, de la liste civile, de la marine et des finances. Il sera fait d’abord un rapport général sur ces derniers objets, et ensuite des rapports particuliers sur chacun d’eux, ainsi que la chambre en a manifesté le désir.

M. Angillis pense que les budgets des divers ministères ne forment qu’un seul corps, qu’ils doivent être examinés dans leur ensemble, et que le meilleur mode à suivre c’est de faire sur tous un rapport général qui embrasse tous les détails. Il développe longuement cette opinion.

M. Destouvelles se lève pour répondre à M. Angillis…

- On demande de toutes parts à passer à l’ordre du jour qui est le rapport des pétitions.

Rapports sur des pétitions

M. d’Huart demande la parole pour une motion d’ordre. Il rappelle à la chambre que le 2 décembre dernier, elle a renvoyé aux ministres de la guerre et des relations extérieures, avec demande d’explications, la pétition de cinq officiers de tirailleurs luxembourgeois qui, renvoyés du service, vers la fin du mois d’août 1831, sans solde ni indemnité, se trouvent dans la plus affreuse misère. Il se plaint de ce que les ministres ont négligé de fournir à la chambre les explications qu’elle avait jugé à propos de leur demander, et demande qu’on veuille bien les inviter de nouveau à satisfaire à cette obligation.

M. A. Rodenbach appelle la sollicitude de la chambre sur le sort d’un mécanicien de Bruxelles, qui s’est couvert de gloire au Parc, lors des journées de septembre…

- Plusieurs membres. - Mais a-t-il adressé une pétition à la chambre. (Une voix. - Non !) Alors il n’y a pas lieu maintenant à s’occuper de cet objet. Qu’il fasse une pétition.

M. Gendebien. - Je demande que MM. les ministres soient invités à donner les explications qui leur ont été demandées, non seulement sur la pétition des cinq officiers de tirailleurs, dont parle M. d’Huart, mais encore sur toutes celles qui leur ont été renvoyées avec invitation de fournir des renseignements à la chambre. Je désirerais qu’on indiquât un jour pour toutes ces explications.

M. d’Huart. - Il y a plus de deux mois que la pétition des cinq officiers de tirailleurs a été renvoyée, et ces malheureux meurent de faim.

M. le président. - Le bureau écrira à MM. les ministres.


On passe au rapport des pétitions.

M. Poschet, premier rapporteur. - « Le sieur Hebbelinck, à Gand, adresse pour la troisième fois la demande que la chambre prenne une décision favorable sur la première pétition adressée au congrès national. »

- La commission propose l’ordre du jour.

M. H. de Brouckere. - Quelle est la première pétition adressée au congrès ?

M. Poschet. - Nous ne le savons pas, le sieur Hebbelinck ne s’explique pas à cet égard.

M. Delehaye. - Voilà déjà la troisième fois qu’il demande une décision sur cette pétition, sans dire autre chose qu’elle a été adressée par lui au congrès. Nous ne l’avons pu trouver, faute d’indication.

M. Gendebien. - Il me semble que le secrétaire devrait lui écrire ; car, si nous passons toujours à l’ordre du jour, il nous adressera encore d’autres pétitions à l’effet d’obtenir justice.

- La chambre décide que le bureau écrira au pétitionnaire.


M. Poschet, rapporteur. - « La régence et un grand nombre d’habitants de Courcelles (Hainaut) demande que le propriétaire de la surface ait le droit d’extraire la terre de houille des fonds de sa propriété. »

Le rapporteur propose le renvoi à la commission des mines.

M. de Robaulx. - Tout en appuyant le renvoi, je dois faire une observation dans l’intérêt des pétitionnaires. Remarquez qu’il y a loin de ce qu’ils réclament jusqu’à l’extraction des houillères : ce qu’ils demandent, c’est que les propriétaires sur le fonds desquels il y a de la houille à fleur de terre aient le droit de l’extraire pour leurs besoins. Il est malheureux, tout le monde en conviendra, que ces petits propriétaires, qui ont de la houille à la surface de leur patrimoine, soient forcés de l’aller acheter bien loin chez les grands extracteurs. Je désire qu’on invite la commission des mines à prendre leur demande en considération.

M. Poschet. - La loi le défend ; la commission des mines n’y peut rien.

M. de Robaulx. - Alors pourquoi demander que la pétition lui soit renvoyée ? C’est complètement inutile.

M. Dumont. - Je dois déclarer à la chambre que la commission des mines s’occupe très sérieusement des droits des propriétaires de la surface. Il est donc utile de lui renvoyer la pétition.

- Le renvoi à la commission des mines est ordonné.


M. Delehaye, deuxième rapporteur. - « Le sieur Bernardo-Pré-Gomez-Lirna, à Bruxelles, signale à la chambre une violation de la liberté individuelle, exercée sur lui par la direction de la police, dans la soirée du 24 janvier. »

La commission propose le renvoi au ministre de la justice.

M. Dumortier. - Je crois que la commission a fondé les motifs de sa conclusion sur un article de la constitution, l’article 7, je pense qui garantit la liberté individuelle. Mais il ne s’applique qu’aux Belges… (Violents murmures.) Messieurs, je suis parfaitement convaincu qu’à l’égard des étrangers il y a une disposition beaucoup plus large ; dès lors il n’y aurait pas eu violation de la constitution. Si ce que je dis est exact, le renvoi est inutile. (Agitation.)

M. Leclercq. - Je crois que notre honorable collègue s’est trompé en faisant une distinction entre les Belges et les étrangers. L’article 128 de la constitution, qui est sans doute celui dont il a entendu parler, est positif. Il porte : « Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. » Or je ne pense pas que cette exception se trouve dans la loi qui garantit la liberté individuelle.

M. H. de Brouckere. - Je voulais précisément citer l’article 128 de la constitution que vient de vous lire l’honorable M. Leclercq. Pour prouver que l’arrestation est légale, il faudrait le démontrer par une loi.

M. Dumortier. - Je crois qu’il faudrait, au contraire, prouver qu’une loi la défend… (Vives dénégations.) Permettez, messieurs : il est certain que l’article 128 de la constitution dit « sauf les exceptions établies par la loi. » Or, je suis convaincu que ces exceptions se trouvent, non dans la loi fondamentale, mais dans d’autres lois particulières. (Non ! non !)

M. de Robaulx. - Liberté en tout et pour tous ! Je crois que c’est là la bannière sous laquelle s’est rangé M. Dumortier.

M. Dumortier. - Oui !

M. de Robaulx. - Eh bien ! il doit reconnaître que les étrangers ont droit comme nous à la protection de la loi. Ils sont venus ici dans la confiance que le principe de la liberté individuelle était pour tout le monde, et il faut respecter ce principe. Quant au pétitionnaire, je sais qu’il était porteur d’un passeport, et on n’avait pas le droit de l’arrêter. Il a été victime, à la vérité, d’une erreur de la police ; mais toujours est-il qu’on a agi à son égard avec une brutalité blâmable. On ne devrait pas ainsi abandonner les étrangers porteurs d’un passeport aux caprices d’un agent de police.

M. Destouvelles lit l’article 128 de la constitution et dit. - Lorsque cet article a été discuté au sein de la section centrale nommée par le congrès, on s’est demandé : Mais faudra-t-il donc que la Belgique devienne l’asile des condamnés, de criminels et des vagabonds ? On est convenu qu’il serait porté une loi exceptionnelle à cet égard, et voilà ce qui explique les derniers mots de l’article ; mais cette loi, établissant des exceptions, n’a pas encore été portée ; il faut donc maintenir le principe dans toute son intégrité. Qu’on excuse la police par le motif qu’elle a été induite en erreur, je le veux bien ; mais qu’on porte atteinte à un principe sacré de la constitution, c’est ce qu’il fait repousser de toutes nos forces.

M. Gendebien fait remarquer que l’arrestation ne serait pas même excusable par le motif que le pétitionnaire est étranger, en admettant même la distinction établie par M. Dumortier, parce qu’on n’a su sa qualité d’étranger qu’après l’arrestation. D’ailleurs, si l’on pouvait arrêter un individu en disant qu’il est étranger, on pourrait priver de leur liberté, sous ce prétexter, les citoyens belges.

L’orateur revient sur les plaintes qu’il a déjà élevées contre l’arrestation d’un sous-officier-adjudant au troisième régiment des chasseurs à pied.

- La discussion se prolonge. Sont encore entendus : M. Nothomb, M. Delehaye, M. Dumortier, M. le ministre de la justice (M. Raikem), M. de Robaulx, M. H. de Brouckere et M. Gendebien.

On met aux voix l’ordre du jour.

Il est adopté.


M. Delehaye, deuxième rapporteur. - « Le sieur Libbrecht, ancien notaire à Gand, demande qu’il soit créé un dépôt général et public sous le titre de greffe du notariat et de la conservation des actes civils, et joint pour renseignements un projet de loi à cet effet. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de la justice.

M. Liedts. - Je crois devoir appeler un instant votre attention sur cette pétition : il n’est malheureusement que trop vrai que les protocoles de plusieurs anciens notaires sont dispersés, éparpillés, et que souvent, pour découvrir les minutes des actes passés il y a 40 ou 50 ans, il faut faire de longues recherches. Et alors, chez qui trouve-on ce dépôt précieux ? Chez les héritiers d’un ancien greffier, bailli ou notaire ; chez des personnes, en un mot, qui n’ont aucune responsabilité, et dont, par conséquent, on ne doit attendre que négligence dans la conservation du dépôt.

Cependant, messieurs, quand on songe que la propriété des citoyens ne repose souvent que sur ces actes destinés à la prouver, on ne peut trop s’étonner de l’indifférence que le législateur paraît avoir témoignée depuis quarante ans pour cette partie importante de la législation.

Ce que j’ai dit des anciens actes et archives sera bientôt vrai pour les actes passés depuis la loi du 25 ventôse an XI. D’après cette loi, les héritiers d’un notaire choisissent eux-mêmes le dépositaire des minutes du défunt. Il en résultera qu’après un quart de siècle, il sera souvent très difficile de savoir entre les mains de qui se trouvent les minutes des notaires décédés, puisque, dès aujourd’hui, il y a des protocoles de notaires qui ont passé par les mains de quatre ou cinq dépositaires différents.

Pour obvier à ces graves inconvénients, le pétitionnaire propos un remède fort simple ; il consiste à établir, dans le chef-lieu de chaque arrondissement, un greffe où toutes les minutes des notaires décédés seront déposées. Le gouvernement nommerait, pour chaque greffe, un greffier et un commis-greffier qui ne coûteraient rien à l’Etat, puisque le droit exclusif qui leur serait accordé de délivrer des expéditions des minutes déposés leur procurerait une existence très honorable.

J’appuie donc de tout mon pouvoir le double renvoi de la pétition dont il s’agit.

- Adopté.


M. Delehaye, deuxième rapporteur. -« Le sieur Cossée, receveur de l’enregistrement et des domaines, à Antoing, adresse une justification contre les inculpations, qu’il dit calomnieuses, dirigées contre lui dans la séance du 20 janvier.

La commission propose de passer à l’ordre du jour.

M. Poschet se justifie du reproche d’inculpations calomnieuses que lui adresse le pétitionnaire. Il dit qu’il n’avait entendu attaquer que les actes vexatoires de l’administration, sur lesquels il lui était parvenu plusieurs plaintes, mais qu’il n’avait aucunement l’intention de parler de lettres qu’il ne connaissait pas.

M. H. de Brouckere rappelle ce qui s’est passé à la séance du 20 janvier, que M. Poschet avait demandé la lecture des pièces, en les qualifiant d’horribles ; que, cependant, on avait vu ensuite qu’elles étaient rédigées en termes très honnêtes. Le pétitionnaire, en voyant cette qualification dans les journaux, a cru qu’il devait se justifier.

L’orateur lit ensuite, à cet égard, la note du sieur Cossée.

M. Poschet répète qu’il n’a entendu parler que des actes et non des lettres.

M. de Robaulx demande l’ordre du jour, par le motif que la chambre en a toujours agi ainsi pour les pétitions qui se plaignent d’une calomnie de la part d’un de ses membres ; car c’est là une expression inconvenante.

- Après d’autres observations, en réponse de M. de Robaulx et M. Gendebien, l’ordre du jour est mis aux voix et adopté.


La chambre sur les conclusions de la commission des pétitions adopte le dépôt au bureau des renseignements des pétitions :

« 1° du sieur Colin, ex-capitaine à Louvain, qui demande sa pension de retraite. »

« 2° du sieur Gilbert-Frère, qui renouvelle sa demande d’une loi sur le déguerpissement, et soumet quelques vues d’intérêt général. »

« 3° du sieur J.-B. Carlier, pharmacien, qui demande le rapport de la loi du 12 mai 1818, qui autorise les médecins et chirurgiens établis dans les campagnes à préparer eux-mêmes les médicaments et à les vendre sans être soumis au droit de patente. »


La pétition de trente habitants de la commune de Farciennes (Charleroy), ainsi que celle de vingt propriétaire de Lodelinsart, qui demandent que, lors de la discussion de la loi sur les mines, la chambre prenne en considération le droit des propriétaires de la surface, sont renvoyées à la commission des mines, d’après les conclusions de la commission, ainsi que la pétition de treize habitants de Roux (Hainaut), qui demandent que le propriétaire de la surface ait le droit d’extraire la terre de houille de sa propriété.


Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur est adopté, d’après les conclusions de la commission sur les pétitions :

« 1° de onze habitants notables de Virelles (Hainaut), qui signalent des infractions aux lois commises par leur bourgmestre et le receveur communal. »

« 2° du sieur J.-P. Sartiaux, cabaretier, à Gilly, qui signale comme abus l’exercice de diverses professions par des officiers municipaux, et demande que la chambre prenne des mesures pour les prévenir. »

« 3° De la dame veuve Uhlman, née Krauss, qui réclame le paiement d’une somme de 18,500 francs, pour quatorze années cinq mois de la pension qui revenait à son mari, colonel de cavalerie, comme légionnaire. »


La chambre, sur les conclusions de la commission des pétitions :

« 1° Le renvoi à la commission d’industrie de la pétition du sieur Bertrand le jeune, négociant à Bruxelles, qui demande une loi qui conserve l’ancien droit français sur les chapeaux de paille d’Italie qui ont reçu le dernier apprêt, et le diminue sur ceux qui sont introduits sans apprêt. »

« 2° Le renvoi à M. le ministre de la justice, et le dépôt au bureau des renseignements, de la pétition d’un grand nombre d’habitants des communes de Barsele, Elbersele et Haedonck, district de Saint-Nicolas, qui demandent, lors de la nouvelle circonscription judiciaire, un tribunal civil à Saint-Nicolas. »

« 3° Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, et le dépôt au bureau des renseignements de la pétition du sieur Ch. Dupierry à Vielle-Salm (Luxembourg), qui demande qu’il soit construit une route de Vielle-Salm à Stavelot, pour favoriser l’industrie des carrières d’ardoises. »

« 4° Le dépôt au bureau des renseignements, et le renvoi à la commission d’industrie, de la pétition de quatre marchands de bois de Bruges, qui adressent des observations relatives à la proposition d’un membre du sénat, pour augmenter les droits sur les bois étrangers. »


On passe à l’ordre du jour, d’après les conclusions de la commission, sur les pétitions :

« 1° Du sieur J.-L. Deschryver, à Reninghe (Flandre occidentale), qui demande l’exemption du service du premier ban de la garde civique pour son second fils, le remplaçant de son aîné, qui est décédé, continuant à servir. »

« 2° Du sieur Auguste Fraent, à Mons, qui signale de prétendus abus qui s’exercent dans l’instruction publique. »

« 3° De cinq électeurs de la commune d’Eenaeme, qui demandent à la chambre la révocation de l’annulation par le gouverneur de la province d’une élection de deux assesseurs, qui a été faite dans les formes voulues. »

« 4° Du sieur J.-L. Vandenhove, serrurier à Bruxelles, qui expose qu’il est poursuivi par l’administration des contributions directes dues pour cinq maisons lui appartenant, situés au boulevard de Waterloo, et qui ont subi des dommages dans les journées de septembre. Il demande la suspension de la saisie mobilière. »

« 5° Du sieur Dewatripont, à Renaix, qui réclame contre une décision du conseil cantonal de sa commune qui l’oblige à servir dans le premier banc de la garde civique, son frère cadet étant déjà remplacé. »

- Plus rien n’étant à l’ordre du jour, la séance est levée à quatre heures.