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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 24
décembre 1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif au transit des sucres (Osy, Delehaye, Serruys,
Jamme, Delehaye, Duvivier, Osy, Dumortier,
Delehaye, Goethals, Ch. de Brouckere, Osy, Jamme, Duvivier, Ch. de Brouckere, Gendebien,
Ch. de Brouckere, Jullien, Delehaye, Dumortier, Leclercq, Dumortier, Destouvelles, Ch. de
Brouckere, Ch. Vilain XIIII)
3) Projet de loi portant le budget des voies et
moyens pour l’exercice 1832. Discussion générale (A : nécessité de
réformer le système d’impôts (notamment contribution foncière, patentes,
contribution personnelle, droit de succession, impôt sur le café), B :
nécessité de modifier le cadastre, notamment dans les deux Flandres ;
C : société générale). (A (Seron, Ch. de Brouckere, Seron), C (Pirson), A et B (Mary, (+industrie
linière) H. Vilain XIIII), B (Delehaye),
A et B (Helias d’Hudegghem), A et impôt sur la bière (Tiecken de Terhove), B (Pirmez), A
et C (Coghen), B (Thienpont),
A et B (Angillis), B (Helias
d’Huddeghem, Hye-Hoys))
4) Motion d’ordre relative aux crédits
provisoires (Dumortier, de Theux,
Gendebien, Ch. de Brouckere)
(Moniteur belge n°194-195, des 26 et 27 décembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi trois quarts.
M. Jacques fait l’appel nominal, après quoi
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Jacques analyse quelques pétitions, qui sont renvoyées à la
commission.
PROJET DE LOI RELATIF
AU TRANSIT DES SUCRES
Discussion des
articles
Article additionnel
L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de
loi relatif au transit des sucres.
M. Osy. - Messieurs, je demande à dire un mot sur le
paragraphe additionnel proposé par M. Delehaye. Je le combats parce que son
adoption ruinerait le commerce d’exportation. Vous avez, en effet, par le
premier paragraphe du projet, défendu en principe le transit par les frontières
de terre. Maintenant, si vous adoptez l’amendement de M. Delehaye, vous
empêcherez les sucres entrés par Ostende ou par Anvers d’être exportés à
l’étranger par la même voie ; c’est un préjudice énorme que vous causez au
commerce, et je le prouve par un exemple : j’achète une cargaison de sucre au
Havre ; je la fais transporter à Anvers, où je la dépose en la faisant déclarer
en transit ; je garde mes sucres autant que bon me semble, pour attendre le
moment favorable à la vente ; eh bien ! si les sucres viennent à augmenter au
Havre, je ne pourrai pas y exporter les miens pour les vendre. On sent tout ce
qu’il y a là de préjudiciable au commerce.
M. Delehaye. - Le paragraphe 2, adopté dans la séance de
jeudi, répond aux observations faites par l’honorable préopinant. Quant à moi,
je n’envisage pas comme transit la transaction commerciale dont parle mon
collègue, mais un dépôt à l’entrepôt ; ce mode avait déjà été signalé par M.
Serruys, et sur ses observations vous avez, contrairement à l’avis que j’ai eu
l’honneur d’émettre, adopté l’explication donnée par M. Destouvelles. Si vous
rejetez mon amendement, la fraude pourra renaitre ; car alors les sucres
français, importé par Anvers ou Ostende, retourneront en France, par un des
bureaux de terre.
M. Serruys. - L’observation faite par M. Osy est parfaitement juste, et c’est
précisément ce que j’avais dit avant-hier sur l’amendement de M. Delehaye. Il est
bien certain que si vous adoptez cet amendement, le sucre qui arrivera à Anvers
du Havre ne pourra pas être réexporté ; ainsi le négociant qui trouverait plus
avantageux pour lui d’aller l’y vendre, n’aurait pas cette faculté.
M. Jamme. - Je voudrais que M. Serruys nous dît s’il n’y
a pas dans les ports de mer une manière particulière d’entreposer qui
n’interdise pas l’exportation, et qui en même temps ne serve pas à la fraude ;
et c’est pour cela que nous avons voulu interdire le transit par la frontière
de terre.
M. Delehaye. - Le mot « transit » porte avec lui
sa définition. On ne peut entendre par là que la faculté de faire passer des
marchandises au travers d’un pays. Quand on ne veut pas transiter des
marchandises, on peut les entreposer pour les réexporter ensuite.
M. Duvivier. - Il n’est pas douteux que la définition que
vient de donner le préopinant ne soit celle du transit ; mais il y en a de
trois espèces : d’abord celui qui se fait de l’étranger à l’étranger, en
traversant le pays ; en second lieu, celui qui se faisait de houilles belges
avant le canal d’Antoing ; ces houilles sortaient par Condé, et après avoir
parcouru en France une partie de l’Escaut, elles rentraient en Belgique.
Indépendamment de ces deux espèces de transit, il y a encore celle qui a été
désignée par M. Serruys, et qui consiste à rétrograder vers le pays d’où la
marchandise est venue. Il est important que l’on puisse rétrograder, c’est ce qui
a été très bien démontré.
M. Osy. - Si je comprends bien le transit, c’est le
commerce d’entrepôt ; il faut qu’un négociant qui a entreposé des marchandises,
puisse, en les retirant de l’entrepôt, leur donner la direction qu’il juge la
plus convenable, les faire transiter si bon lui semble, on les réexporter s’il
lui convient ; or, c’est ce que lui interdirait l’amendement de M. Delehaye. Je
concevrais cet amendement si le premier paragraphe n’existait pas, mais quand
vous avez déclaré en principe que le transit par terre est interdit, il faut au
moins que vous le permettiez par mer. Il nous arrive très souvent, à nous
négociants d’Anvers, d’acheter des cargaisons de café au Havre pour les
revendre au Havre. Nous le pouvons parce que les capitaux d’Anvers sont plus
puissantes que ceux du Havre, et ainsi nous commerçons au préjudice des
Français. Si vous nous ôtez cette faculté, nous perdons le peu de commerce qui
nous reste, car les Hollandais font aussi ce genre de commerce, et ils le
feront ainsi sans concurrence.
M. Dumortier partage l’opinion de MM. Serruys et Osy. Il appuie la suppression de
l’amendement de M. Delehaye. Il demande en même temps que l’on rétablisse les bureaux
de transit de Hertain et Bruly, comme l’avait proposé la section centrale. Il
faut remarquer que le rétablissement de ces bureaux est une justice que l’on
doit à la province de Namur et à la ville de Tournay. A l’appui de sa demande,
il soutient que dans aucun bureau la fraude n’a été moins active que dans le
bureau de Hertain.
M. le président. - Je ne sais pas s’il est permis de revenir
sur un amendement qui n’avait pas été appuyé.
M. Dumortier. - Il n’était pas nécessaire qu’il le fût, c’est
la section centrale qui l’avait proposé.
M.
Delehaye. - Ce n’est que sur les amendements adoptés que l’on peut discuter.
(Supplément au Moniteur belge, non daté et non numéroté) M. Goethals. - Messieurs, dans la discussion d’avant-hier,
la chambre avait écarté d’abord l’amendement que j’avais eu l’honneur de lui
présenter pour demander la suppression de sortie de Hertain et de Bruly ; mais,
plus éclairée, elle sentit enfin la justesse de mes observations, en adoptant
l’amendement de mon honorable collègue
M. Destouvelles.
Je vois avec peine
rouvrir aujourd’hui une discussion que je croyais décidément fermée par le vote
de la chambre dans sa séance d’avant-hier, et je regrette, surtout, de voir de
nouveau mettre en question la prospérité du commerce des raffineurs honnêtes et
les profits du trésor.
En effet, messieurs,
mû par des intentions généreuses, le gouvernement vous propose de permettre le transit des sucres étrangers ;
mais, prévoyant en même temps les moyens de fraude que cette mesure peut ouvrir
à des spéculations ruineuses à la fois pour le trésor et pour le commerce, il a
limité l’exportation à trois bureaux, par terre, sur des points où une
surveillance active permet de réprimer les abus.
Que demande-t-on aujourd’hui, messieurs ?
L’ouverture d’un deuxième bureau sur la frontière du Hainaut, lorsque déjà on a
convenu que la sortie par Quiévrain donnait lieu à beaucoup de fraudes.
On a dit qu’il ne suffisait pas de parler de ces
abus, mais qu’il fallait les constater par des procès-verbaux de saisie, et
qu’il ne s’en était guère fait dans la direction de Hertain. Je réponds à cela
que je connais cette localité, et que c’est précisément parce que la fraude y
est si facile, que les douaniers ne parviennent pas à y atteindre les
fraudeurs.
Maintenant qu’arrivera-t-il si vous accordez la
sortie par ce bureau ? Les sucres arriveront en masse de la Hollande sur
Anvers, et seront déclarés en transit pour la France par le bureau de Hertain ;
eh bien ! ces sucres seront déchargés de tout droit à la frontière du Hainaut,
et passeront de là sur le chemin mitoyen, soi-disant pour entrer en France ; mais
comme la France en prohibe entièrement l’entrée sur son territoire, et que ses
douaniers sont moins facile à surprendre que les nôtres, ce sera en définitive
en Belgique que ces sucres seront infiltrés sans avoir payé aucun droit ; et
ainsi, des spéculateurs hollandais profiteront de notre complaisance, pour
s’enrichir au préjudice du trésor et de nos raffineries indigènes.
Voulez-vous
vous convaincre, messieurs, de l’importance de ce que j’avance ici ? Remarquez
seulement qu’un des considérants de l’arrêté du 25 mars dernier, qui avait
sagement fermé tout autre bureau par terre que ceux de Menin, Quiévrain et
Henri-Chapelle, dit : « que c’est sur les rapports des gouverneurs de la
Flandre occidentale, du Hainaut, d’Anvers, etc., qui rendent compte des fraudes
considérables et multipliées qui se commettent à l’exportation des sucres avec
décharge des droits, que cette mesure a été prise. » Aussi j’ose prédire
au gouvernement qu’il ne tardera pas à s’apercevoir des abus que fera renaître
l’ouverture des bureaux de Hertain et de Bruly, qu’il a, selon moi,
imprudemment permis pour les sucres du pays, par son arrêté du 9 de ce mois.
Je pourrais en dire davantage, messieurs, pour
vous faire maintenir la décision que vous avez prise avant-hier ; mais
l’exemple que je viens de vous citer, concernant les sucres qui seront importés
de la Hollande, doit suffire pour vous rendre inébranlables.
(Moniteur belge n°194-195, des 26 et 27 décembre 1831) M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, je traiterai la question qui a été
soulevée tout à l’heure ; elle est assez compliquée pour qu’en n’en examiner
pas deux à la fois.
En vertu du paragraphe premier de la loi, le
transit par les frontières de terre est prohibé. Maintenant, il y a deux
manières d’envisager la question ; d’abord, sous le rapport du transit par mer
; en second lieu, sous le rapport de l’entrepôt. On a dit que la loi d’entrepôt
était la même que celle du transit, et qu’en réglant ce dernier vous portez
atteinte à l’autre. C’est une erreur. La loi du 21 mars 1828 règle la manière
dont doit être fait l’entrepôt, les droits et les obligations de celui qui
entrepose, et les dispositions de cette loi ne permettent pas de confondre
entre le transit et l’entrepôt. Pour moi, j’ai toujours considéré les entrepôts
établis par la loi, comme des magasins placés en-dehors du pays, destinés aux
marchandises étrangères ; comme des îlots qui n’appartiennent ni à la Belgique,
ni à personne ; en un mot, comme un territoire neutre, dont tous peuvent user,
et qui n’appartient à personne. Une fois les marchandises placées là, elles peuvent en
sortir, soit pour transiter, soit pour être exportées, suivant la volonté et la
déclaration de ceux à qui elles appartiennent. Vous êtes les maîtres de
manipuler vos marchandises à l’entrepôt, de les faire sortir du pays, ou de les
vendre aux consommateurs, ou de leur faire parcourir le pays pour en sortir,
comme si elles n’y avaient jamais séjourné : voilà comment je conçois
l’entrepôt. Vous voyez, messieurs, que les restrictions apportées au transit
par le projet n’empêcheront pas nos négociants de se livrer à toutes les
spéculations possibles en faisant exporter leurs marchandises ; toutefois, pour
qu’il ne puisse y avoir de doute à cet égard, je propose d’ajouter à l’article
additionnel les mots suivants : « sauf les cas prévus par la loi du 21
mars 1828. » (Appuyé ! appuyé !)
M. Osy. - J’appuie les observations et les amendements
de M. de Brouckere.
M.
Jamme
l’appuie pareillement.
M. Duvivier. - M. le ministre de la guerre a parfaitement
bien défini l’entrepôt. L’entrepôt est un véritable asile donné à la marchandise
étrangère pour y recevoir une destination ultérieure. Je reviens à ce qu’a dit
M. Dumortier. (Non ! non ! Interruption.)
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Je demande à faire une motion d’ordre.
Examinons les questions séparément. La loi est d’un assez grand intérêt pour
qu’on n’examine qu’un objet à la fois.
M. Duvivier, nonobstant cette observation, réfute ce qu’a
dit M. Dumortier touchant la fraude faite par le bureau de Hertain, et qui, selon lui, aurait été moindre que partout ailleurs. Il lit
deux rapports, l’un du contrôleur des douanes, l’autre du gouvernement du
Hainaut, desquels il résulte qu’au contraire la fraude a été très active : 50
employés, dit un des rapports, disséminés comme une nuée de corbeaux (on rit) dans un champ, n’ont pu suffire
à l’empêcher, et je porte, dit l’orateur, un procès-verbal, à la suite duquel
les Cartouches qui commandaient la bande des contrebandiers (nouveau rire) ont été condamnés à deux
ans de prison. Par la lecture de cette pièce, je prouverais que 5 douaniers se
sont opposés de vive force à 50 contrebandiers, dont les chefs criaient sans
cesse : Frappez ferme ! tuez ces
brigands-là !
- L’orateur prononce cette dernière partie de
son discours d’un ton très animé et qui excite l’hilarité de l’assemblée.
M.
Gendebien. - M. le président, peut-on discuter un amendement qui n’a pas été
adopté et y en ajouter d’autres ?
M. le président lit l’article 45 du règlement qui résout
négativement la question de M. Gendebien.
M. Gendebien. - Tout amendement étranger à l’amendement
adopté dans la séance précédente est donc interdit.
M. le président. - L’amendement de M. de Brouckere n’est pas à
proprement parler un amendement, ce n’est qu’une explication.
Quelques voix.- Tout changement est un amendement.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Tout changement est un amendement, sans doute
; mais l’addition que j’ai proposée ne fait en réalité qu’expliquer l’article
proposé par M. Delehaye.
M. Gendebien. - C’est précisément pour qu’on ne s’occupe que
de cet amendement que j’ai fait mon observation, et pour qu’on ne s’occupe pas
d’amendements étrangers.
M.
Jullien. - Mais ce n’est pas un amendement étranger à l’amendement de M.
Delehaye. (On est d’accord !) On
convient que l’amendement de M. de Brouckere peut être discuté ? (Oui ! oui !) Dans ce cas je n’ai rien à
dire.
M.
Delehaye. - L’amendement de M. de Brouckere n’ajoute rien au mien, et je le
considère comme contenu dans le deuxième paragraphe du projet.
M. le président. - Considérera-t-on l’amendement de M. de
Brouckere comme un amendement ou comme une explication ?
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Tout espèce de changement est un amendement ;
je ne connais ni explications ni ajoute ; d’après le règlement il n’y a que des
propositions et des amendements.
M.
de Robaulx. - C’est clair.
M. Dumortier répond aux observations de M. Duvivier et
persiste à demander le rétablissement des bureaux de Hertain et de Bruly.
M. Leclercq interrompt l’orateur pour demander le rappel au règlement ; il soutient
que, d’après l’article 45 du règlement, on ne peut pas discuter l’amendement de
M. Dumortier. Les deux derniers paragraphes de cet article, qui veulent qu’un
jour s’écoule entre la séance où un amendement aura été proposé et adopté, et
celle du vote de la loi, portent : « Dans la seconde (séance) seront
soumis à une discussion, et un vote définitif, les amendements adoptés et les
articles rejetés. Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient
motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux
points sont interdits. »
Cette observation, dit l’orateur, est d’une
haute importance, parce que le but que se propose le règlement serait
totalement manqué si on pouvait faire de nouveaux amendements le jour du vote
de la loi. En effet, qu’a voulu le règlement ? Empêcher qu’on n’adoptât avec
précipitation un amendement, qui pourrait bouleverser toute l’économie d’une
loi. Cet inconvénient se produirait s’il était permis de proposer des
amendements au moment du vote, et vous verriez des membres réserver toujours
des amendements pour la fin.
M. Dumortier. - Mon amendement se rattache à celui de M.
Destouvelles que vous avez adopté avant-hier.
Plusieurs voix. - La question préalable !
- La question préalable est mise aux voix sur
l’amendement de M. Dumortier : pas un seul membre ne se lève contre.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. (Hilarité générale.) Je prie la chambre d’être bien convaincue que
je n’ai pas voulu l’induire en erreur. (C’est
bien ! c’est bien !)
- L’amendement de M. le ministre de la guerre est mis aux voix et
adopté.
Une discussion s’engage pour savoir si
l’adoption de cet amendement ne s’oppose pas à ce qu’on vote aujourd’hui sur
l’ensemble.
M. Destouvelles soutient l’affirmative, en se fondant sur
l’article 45 du règlement.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) et M. Ch. Vilain XIIII soutiennent le contraire, et ils prouvent leur
proposition par la lecture entière de l’article 45.
- La chambre décide qu’elle passera à l’appel
nominal.
Vote sur l’ensemble
du projet
L’appel nominal est fait par M. Jacques. Il
donne pour résultat l’adoption du projet par 79 voix contre 2, qui sont celles
de MM. Dumortier et de Sécus.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1832
Discussion générale
L’ordre du jour appelle la discussion sur le
budget des voies et moyens.
M.
Seron. - Messieurs, lorsqu’en France, au commencement de la révolution, on
voulut substituer un nouveau système de contributions, on calcula que la dime
seule enlevait le cinquième du produit et des propriétés sur lesquelles elle
pesait. On considéra qu’outre la dîme, ces mêmes propriétés supportaient encore
sous le nom de vingtièmes et de tailles, d’autres impositions communes aux
autres biens-fonds que la dîme n’atteignait pas. On conclut que la nouvelle
contribution foncière qu’il était question d’établir, pouvait, sans trop gêner
les contribuables, s’élever jusqu’au cinquième de leur revenu net ; et, depuis,
cette proportion n’a pas été, que je sache, trouvée excessive. Or, suivant un
tableau dressé au ministère des finances, et que l’un de mes honorables
collègues a bien voulu me confier, les revenus fonciers imposables de toute la Belgique,
rétrécie dans les limites que les 18 et les 27 articles lui ont assignées,
s’élèvent d’après les résultants du cadastre à la somme de 83,886,825 fl.
Et d’après un projet de loi présenté par M. le
ministre des finances, le montant en principal de la contribution foncière de
l’année 1832, doit être fixé à 7,278,111 f. ; en ajoutant à cette somme 2 p. c.
destinés à former un fonds de non-valeurs ; et 18 p. c. se composant des
centièmes du trésor, des centièmes communaux et autres, en tout 20 p. c., ci
1,455,622 fl., on aura un total de 8,733,733, ce qui fait un peu plus que la
dixième partie du revenu net imposable.
Si donc le tableau dont je parle était fondé sur
des calculs bien exacts, il s’ensuivrait que la Belgique ne paierait en
contribution foncière que la moitié environ du maximum fixé pour la France par
les lois de l’assemblée constituante. Mais sans doute ces calculs approchent
assez de la vérité pour nous convaincre qu’ici les propriétés territoriales
sont trop peu imposées. C’est donc un abus profitable aux riches, préjudiciable
à la classe moyenne et au trésor, qui a besoin d’argent, de laisser la
contribution foncière sur le pied de 1830, ainsi que le veut le projet de loi,
au lieu de l’augmenter, comme je l’ai déjà proposé plusieurs fois, et à cet
égard, de remettre les choses dans l’état où elles étaient avant notre
séparation de la France.
Quant aux autres contributions, M. le ministre
des finances nous dit : « Je ne rappellerai pas de nouveau tout ce qui a
pu être fait immédiatement pour soulager le contribuable, et pour détruire la
partie la plus odieuse des impôts, ce qui a été opéré par le gouvernement
provisoire et par le congrès national. » Je sais que le gouvernement
provisoire a supprimé l’abattage ; il le fallait bien : le peuple insurgé n’en
voulait plus. Mais où sont les améliorations opérées par le congrès ?
Véritablement, il a diminué les patentes, qu’on propose maintenant d’augmenter
; il a diminué aussi les centièmes de la contribution personnelle, mais il a
laissé intact le mode vicieux de répartition ou de fixation de ces deux impôts.
Quand j’ai attaqué ce mode j’ai prêché dans le
désert. Aujourd’hui qu’on en demande le maintien, ce sera en vain qu’à son tour
l’honorable membre M. d’Elhoungne l’aurait combattu par des raisons
péremptoires ; ainsi le contribuables continuera d’être assujetti à des
déclarations immorales, vexatoires et inutiles, de supporter des frais
d’expertise qui ne le sont pas moins ; le patentable paiera toujours autant de
droits différents qu’il exerce de différentes professions ; sa cotisation sera
encore livrée à l’arbitraire d’un contrôleur et d’un directeur intéressés l’un
et l’autre à l’augmenter pour élever le montant des rôles, faire preuve de zèle
et se rendre recommandables. La taxe des cheminées subsistera, en exceptant
celles qui excèdent le nombre de 12 dans la même maison, car ce n’est jamais où
est l’argent qu’il faut le chercher. Il en sera de même de la taxe des
domestiques et des chevaux. On continuera à assimiler (comme objet de luxe) la
servante de cabaret, le garçon de café, le valet d’auberge, le domestique qui
donne ses soins à une pauvre infirme, à la femme de chambre et au laquais à
livrée du ci-devant seigneur ; et à la monture de ce dernier, la rosse à
bardelle du blatier ou du chirurgien du village. Le facteur paiera vingt
florins pour le cheval de selle dont il ne peut se passer, tandis que le maître
de forge, pour quatorze florins seulement, tiendra deux chevaux de carrosse et
même quatre. Sans doute il sera facile de distinguer le nécessaire du superflu,
d’exempter l’un de l’impôt et de n’y soumettre que l’autre : par exemple à la
taxe en raison des voitures suspendues dont les riches seuls se servent. Mais
il faut ménager ces messieurs, et comme on l’a dit souvent, le peuple a bon
dos. Enfin, messieurs, inutilement on aura prouvé qu’un impôt de répartition
est mille fois préférable à un impôt de quotité tel que notre contribution
personnelle ; inutilement on aura fait voir comment cette contribution
surcharge les villes et particulièrement les petites villes, et combien elle
rapporte peu dans les communes rurales ; inutilement on dira qu’en France un
impôt de quotité ressemblant au nôtre a été reconnu injuste, impraticable, et
va disparaître après une seule année d’existence ; ici où l’on ne se presse
pas, ici après deux ans d’une révolution faite pour détruire les abus, nous
subirons encore une contribution qui, si l’on en excepte la mouture, est sans
contredit la plus déraisonnable de toutes celles que la fiscalité néerlandaises
eût imaginées.
On laissera subsister également le droit de
succession dont, par un renversement de tous les principes, on a frappé les
immeubles situés à l’étranger et particulièrement en France, lesquels se
trouvent ici imposés et par la France et par nous ; comme si ce n’était pas une
prétention insensée de vouloir lever des impôts là où ne peuvent s’étendre
notre souveraineté, notre juridiction et notre protection. Et ne croyez-pas
qu’on aît l’intention de corriger plus tard cet abus. Non ! Un projet récemment
sorti des bureaux ministériels annonce au contraire qu’on veut le perpétuer. Il
y a plus on se propose de rétablir le droit de succession en ligne directe à
l’abolition duquel tout le monde a applaudi dans le temps. Je ne sais même si
l’on ne veut pas rétablir aussi le serment que la loi de décembre 1817
exigerait des parties déclarantes, serment dérisoire, s’il en fut, puisque les
agents du fisc ne devaient pas y croire. On a du moins l’air de regretter que
cette formalité ait été supprimée, et savez-vous pourquoi ? Parce que depuis
l’abolition du serment, les droits de succession rapportent moins. Mais, quelle
que soit la cause de leur diminution, ne produisent-ils pas assez ? Si le
gouvernement a besoin de beaucoup d’argent, comme il le paraît, ne peut-il
chercher d’autres branches de revenus ? Pourquoi n’a-t-il pas encore proposé le
rétablissement du droit de 2 p. c. sur les ventes mobilières ? Pourquoi
n’a-t-il pas demandé des impositions sur la consommation à l’intérieur des
denrées coloniales, qu’on peut atteindre sans faire crier le pauvre ? Chose
singulière ! Sous l’ancien gouvernement on réclamait avec instance une taxe sur
le café, que le haut commerce hollandais repoussait de toutes ses forces.
Aujourd’hui on n’en parle plus : aurions-nous aussi notre haut commerce ?
On nous dit : il faut du temps pour établir avec
maturité un nouveau système financier convenable ; la précipitation est
dangereuse dans des matières aussi graves. Mais on nous tenait le même langage
il y a un an ; on nous faisait des promesses qu’on n’a pas exécutées. Pour moi,
je pense que dans l’espace de trois moins on peut, avec de la bonne volonté,
changer, si ce n’est en totalité, du moins en grande partie, le système
néerlandais qui pèse toujours sur nous, détruire de graves abus, soulager la
classe moyenne et laborieuse, et nous mettre sur la
voie qui doit conduire à ce but désirable d’atteindre les contribuables de
toutes les classes dans la proportion de leurs facultés. Je suis donc prêt à
voter le maintien pour trois mois de toutes les impositions existantes, et
particulièrement de celles dont la perception ne pourrait être suspendue sans
causer un tort irréparable au trésor, je veux parler des accises, des droits
d’enregistrement, de timbre, d’hypothèques, de douanes et autres analogues. On
a dit et répété à satiété, dans cette enceinte, que ce provisoire nous tue, et
c’est du provisoire que je viens proposer ; oui, mais c’est aussi du provisoire
que demande le ministre des finances, avec cette différence qu’au lieu que je
borne à trois mois la durée du système actuel d’impôts, il entend, lui, la
prolonger jusqu’à la fin de l’exercice 1832, c’est-à-dire pendant un an. Au
reste, en maintenant les contributions directes telles qu’elles existent
jusqu’au 31 mars prochain, la perception pourrait en être faite sur les rôles
de 1831.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, l’honorable membre qui descend de
la tribune propose de ne voter l’impôt que pour trois mois, se fondant sur le
système vicieux de finances qui nous régit. Je sens, comme lui, tout le besoin
que nous avons de réviser notre système financier ; mais si vous ne votez le
budget des voies et moyens que pour trois mois, dans trois mois nous ne serons
pas plus avancés que nous ne le sommes maintenant. Depuis plusieurs mois, mon
collègue du ministère des finances s’occupe de cette révision, vous savez qu’il
a nommé une commission pour cet objet : cette commission s’en occupe ; mais
certainement son travail ne sera pas prêt, dans trois mois, à être mise en
exécution. L’honorable membre voudrait qu’on mît un fort impôt sur les denrées
coloniales, et il a accusé le haut commerce de s’y être toujours opposé ;
certes, je n’ai jamais appartenu au haut commerce, et quand, sous l’ancien
gouvernement, il a été question de cet objet, j’ai demandé avec instance un
fort impôt sur les denrées coloniales ; mais si aujourd’hui on voulait mettre
un impôt sur le café, je m’y opposerais, parce qu’alors nous étions entourés de
pays dans lesquels un impôt égal ou supérieur au nôtre frappait cette denrée,
tandis que maintenant la Hollande ne prélèvera que peu ou point d’impôt sur le
café. Je cite ce point, seulement pour vous prouver combien il y a de
difficultés à surmonter quand il s’agit du moindre changement dans un nouveau
système d’impôt. Je maintiens que, pour refondre entièrement notre système, non
seulement trois mois ne suffiraient pas, mais que ce ne serait pas trop de huit
à dix mois.
Quant
à l’impôt foncier, le préopinant a trouvé qu’il n’était pas assez élevé, et je
le crois comme lui ; mais il se trompe quand il dit que l’assemblée
constituante décréta qu’il l’élèverait jusqu’à un taux de 5 p. c. : jamais
l’impôt foncier n’a été plus élevé qu’il l’est. L’assemblée constituante pensa
que cet impôt pourrait s’élever jusqu’au cinquième du revenu ; mais nulle part,
à moins peut-être dans quelques localités, par suite d’une mauvaise
répartition, l’impôt n’a été à ce taux. Je ferai remarquer, au reste,
qu’aujourd’hui l’impôt foncier s’élève réellement à 12 p. c., à cause des
exemptions accordées. Vous savez que les propriétés nouvellement bâties
jouissent d’une exemption de huit années, que les propriétés (un adjectif illisible) jouissent d’une exemption de
quatre ans ; je ne sais pas au juste à combien s’élèvent ces exemptions, mais
il en résulte, terme moyen, que l’impôt est porté à 12 p. c.
M. Seron. - Quand j’ai parlé d’impôt sur les denrées
coloniales, je n’ai pas entendu un impôt qui entrave le commerce, mais un impôt
qui atteignît le consommateur. Quant à la contribution foncière, j’ai raisonné
d’après ce qui s’est passé dans mon département, celui des Ardennes : je n’ai
pas dit que l’assemblée nationale avait décrété qu’il s’élèverait au cinquième,
mais qu’on avait reconnu qu’il pouvait aller jusqu’à ce taux. Si vous calculez
le montant des dîmes et de la taille que l’on payait dans ce pays, vous verrez,
en effet, que ce taux n’est pas excessif.
M. Pirson. - Le projet de loi aujourd’hui en discussion
semble d’abord n’avoir pour objet que la perception des contributions directes
et indirectes, à partir du 1er janvier 1832, pour l’exercice de l’année. En effet,
il ne peut y avoir interim dans cette perception ; je reconnais avec le
ministère et avec la commission centrale qu’il est impossible d’introduire, dès
le 1er janvier, un nouveau système de finances. J’admets donc, par nécessité,
la continuation de la perception de la contribution foncière pour l’année, mais
seulement pour six mois en ce qui concerne la contribution personnelle,
patentes et accises. Il faut pour celles-ci limiter un terme ; il n’y a pas
d’autre moyen de forcer le ministère à nous présenter un système plus approprié
au vœu général. Du reste, j’adhère à tous les amendements de la section
centrale.
L’orateur présente ensuite quelques observations
sur le budget général. Il revient sur la question qu’il a soulevée précédemment
à la chambre, sous la forme d’une motion d’ordre, relativement à la somme de
250,000 florins, si point 500,000, que doit annuellement la banque de Bruxelles
à la liste civile. Il expose qu’en vertu de l’article 31 de la loi fondamentale
du royaume des Pays-Bas, le roi s’est fait assigner, en
propriété, des domaines jusqu’à concurrence de 500,000 florins de revenu, en
déduction de 2,400,000 florins de la liste civile ; qu’il a doté de ces biens
la banque de Bruxelles, à la condition de lui payer annuellement 500,000 florins,
et que la banque ne peut se dispenser d’en verser au trésor de la Belgique, au
moins la moitié tous les ans, à partir du 1er janvier 1830. Il ajoute que la
banque aura bien pu faire autre chose pour la Belgique, qu’elle aurait pu faire
l’avance de 2,800,000, montant du crédit que la chambre a ouvert le 3 de ce
mois au ministre de la guerre, en retirant un intérêt juste et raisonnable ; ce
qui aurait mis le pays en état de ne pas recourir à un emprunt désastreux. Il
termine en demandant à M. le ministre des finances des explications sur ce qui
l’a empêché de faire mention au budget des voies et moyens des sommes dues par
la banque au trésor public, à compte sur ce que celui-ci doit à la banque de
Bruxelles.
M. Mary engage ses collègues à faire abnégation de tout
intérêt provincial pour ne songer qu’à l’intérêt commun ; il désire des
améliorations autant que personne, mais il ne croit pas que l’on doive se hâter
si l’on veut faire quelque chose de stable et d’irréprochable ; il votera pour
le projet de loi.
(Supplément
au Moniteur belge, non daté et non numéroté) M.
Mary. - Messieurs, l’ordre social présente une vaste
association d’individus qui, rassemblées dans un intérêt commun, doivent à
l’Etat le secours d’une partie de leurs facultés. Miliciens, gardes civiques,
ils aident à la défense de la patrie ; leurs lumières secondent la marche des
affaires dans les communes, dans les provinces, dans le gouvernement. Quant aux
dépenses de la communauté, elles doivent être supportées par chacun de ses
membres ; mais de quelle manière et dans quelles proportions ? C’est en cela
que consiste la difficulté. La loi du 12 juillet 1821 a fixé les bases du
système d’impôts qui nous régit aujourd’hui, et qui se trouve développé dans le
budget des voies et moyens que nous discutons en ce moment. Comme toute
contribution, de quelque nature qu’elle soit, a des inconvénients graves et
fâcheux, et qu’en définitive, il n’y a de choix qu’entre les moins mauvaises,
on n’a pas fait faute d’attaques à la loi de 1821, qui d’ailleurs aurait dû
recevoir de nombreuses modifications par celle du 30 juin 1830. Celle-ci qui
n’a pas reçu d’exécution établissait, en remplacement de la mouture et de
l’abattage, un impôt sur le café et une augmentation des accises perçues sur le
sel, les vins étrangers, les boissons distillées à l’intérieur, les bières et
vinaigres indigènes, le sucre et la contribution personnelle. Certes, le
meilleur système d’impôts serait celui qui laisserait à chacun cette portion de
revenu nécessaire pour satisfaire aux besoins de la vie, n’attendrait que le
superflu et n’entamerait pas les capitaux. Mais malheureusement il semble
impraticable. Il faut donc chercher à diversifier l’impôt, afin d’atteindre
tous les contribuables, en raison de leurs facultés. Les impôts sur la
consommation, connus sous le nom de douanes et d’accises, lorsqu’ils ne
s’attachent pas aux objets de première nécessité, mais bien à ceux dont l’usage
semble faire partie de notre superflu, méritent une juste préférence.
Lorsqu’ils sont établis avec ménagement et modération, lorsqu’ils n’atteignent
l’objet imposable qu’au moment où il va être livré au consommateur, il a même
cet avantage que la hauteur des produits donne la mesure de la prospérité nationale
: si elle l’élève, il y a accroissement du bien-être public ; si elle
s’abaisse, il y a malaise, et le législateur est dès lors prévenu de la
diminution des facultés des contribuables, de la nécessité de restreindre les
dépenses.
Au surplus, messieurs, nous n’avons ni le temps,
ni les renseignements nécessaires pour porter des changements au système
d’impôts pour 1832 ; je me bornerai donc à voter leur maintien avec d’autant
moins de difficulté qu’ils ne l’élèvent qu’à 31,421,000 fl., tandis que, d’après
les comptes de 1827, les provinces méridionales intervenaient dans les recettes
de l’Etat pour 43 millions. Il en résulte donc une diminution de près de 12
millions, dégrèvement notable dans nos impôts.
Je m’arrêterai seulement à examiner une question
soulevée par votre section centrale, quant à la contribution foncière. Des
2,510 communes dont se compose la Belgique, la moitié ou 1,255 sont cadastrées
et expertisées ; en d’autres termes, sur 2,944,298 bonniers, la moitié ou
1,534,041 forment la superficie des communes expertisées. Dans ces dernières
communes, la proportion de la contribution foncière en principal de 1830 avec
le revenu imposable s’élève à 8 65 p. c. La Flandre orientale ex cette
proportion de 2 72/100, ainsi la moitié seulement de la proportion de la
Flandre orientale. La section centrale propose de dégrever de 5 p. c. la
contribution des deux Flandres et rien sur celle d’Anvers : ce serait une
nouvelle injustice ; car si on voulait dégrever la Flandre orientale de 5 p.
c., les deux autres provinces devraient être dégrevées chacune seulement de 2
1/2 p. c., ce qui ferait pour la Flandre orientale une diminution d’impôts de
84,686 fl. pour la Flandre occidentale de 35,591 fl., et pour Anvers de 18,213
fl. Cette somme totale de 138,490 fl. diminuerait d’autant les ressources de
l’Etat, à une époque où nos dépenses excèdent déjà nos recettes.
Nous avons raisonné dans cette hypothèse que la
surtaxe qui se trouve dans les communes expertises de ces trois provinces, se
reproduit également dans celle qui ne le sont pas ; mais cela n’est pas
certain, n’est même pas probable ; en effet, sur 142 communes dont se compose
la province d’Anvers, elle ne compte de 30 d’expertisées ; la Flandre
occidentale, sur 250 communes, n’en a que 76 d’expertisées ou environ le quart
et la Flandre orientale, sur 293 communes, n’en a d’expertisées que 138. Eh
bien ! l’on sait que dans ces provinces, les villes et spécialement Gand,
Bruges, Ostende sont ménagées et ne paient pas l’impôt foncier dans les
proportions que nous venons d’indiquer. Il y a plus, c’est que dans les
arrondissements voisins de ces provinces, et je citerai entre autres celui de
Tournay, on paie, dit-on, dans la même proportion de 5 à 10 p. c. de la
contribution. Il faudra donc, à l’achèvement du cadastre, une nouvelle
péréquation, non seulement entre les provinces, mais entre les arrondissements
et les communes qui paient aujourd’hui dans des proportions différentes. Si,
dans les provinces boisées, l’impôt foncier ne semble pas se payer dans les
mêmes rapports que dans les provinces des deux Flandres et d’Anvers, cela
provient de ce que l’expertise des bois s’est faite sur le prix moyen des
ventes de 1816 à 1826, période pendant laquelle elles se faisaient à des prix
fort élevés. En outre, les bois taillis s’aménagent en 12 ou 17 ans, en terme
moyen, au bout de quinze ans ; et vous savez, messieurs, que l’argent placé
pendant ce temps, à l’intérêt composé de 5 p. c., vient à se doubler : il
s’ensuit qu’en payant une contribution de 7 fl. pour un revenu présumé de 100
fl., c’est comme si l’on payait 14 fl., somme qui ne va en décroissant que vers
l’époque de la mise en exploitation des bois. En outre, la haute futaie, dont
le prix est si variable, entre également dans l’expertise et ne s’exploite
souvent qu’au bout d’un siècle. Enfin, les bois ne sont en ce moment presque
d’aucun rapport dans les provinces où ils servaient à alimenter les forges, et
votre section centrale vous a même dit, lors de la discussion de la loi sur les
fers, qu’il y avait en ce moment 800 mille bonniers propres à être exploités,
qui ne peuvent l’être faute d’acheteurs. Ce sont les propriétaires des bois qui
auraient droit de réclamer un dégrèvement plutôt que ceux des provinces dont le
sol, étant destiné à l’agriculture, donne un rapport annuel, certain, immédiat,
et qui, cette année encore, a été d’un produit très favorable. Cependant, ils
sentent que l’Etat a aujourd’hui de grands besoins à remplir, et vous pouvez
assez compter sur leur patriotisme pour ne pas croire qu’au milieu de la crise
actuelle ils viennent vous présenter des réclamations en modération d’impôts.
Ils le feront d’autant moins que vous devriez agir presque en aveugles, et vous
trouver, dès lors, exposés peut-être à ne réparer une injustice que par une
autre injustice plus grave. Une péréquation proportionnelle pourra, devra même,
s’établir en des temps plus tranquilles, lorsque nous aurons des données
certaines, et non pas vagues, lorsqu’enfin des renseignements officiels,
aujourd’hui renfermés dans Luxembourg et Maestricht, nous feront connaître les
justes rapports de l’impôt foncier dans les provinces de Luxembourg et de
Limbourg.
Un honorable préopinant vient de vous proposer
d’augmenter l’impôt foncier : je ne puis partager cet avis : quoi que l’on
fasse, l’assiette, la répartition de cet impôt seront toujours arbitraires. Il
se perçoit par douzièmes, et ainsi à des époques où le cultivateur n’a pas
toujours réalisé les produits de son champ. Enfin, il offre un utile recours
dans des circonstances urgentes, comme nous en avons eu l’exemple pour les deux
emprunts forcés, décrétés dans le cours de cette année.
S’il pouvait exister quelque différence dans le
rapport de l’impôt foncier des diverses provinces, on devrait considérer que,
dans l’ensemble de tous les impôts, la Flandre orientale n’intervient que pour
6 millions de florins, la Flandre occidentale et Anvers chacun pour 5 millions,
tandis que le Brabant paie 9 millions et le Hainaut 5 ; qu’il en résulte donc
que dans le Brabant un habitant paie dans les divers impôts, et par an, environ
15 florins, dans la province d’Anvers 10 florins, dans celle de la Flandre
orientale 8 florins 50 c., dans celle de la Flandre occidentale, du Hainaut, de
Liége et de Namur 8 florins, dans celles du Limbourg 7 florins et du Luxembourg
5 florins.
Faisons
abnégation de tout intérêt provincial. Représentants de la nation, ne voyons
dans le peuple belge qu’une même famille, dont les enfants doivent bien moins
chercher à se décharger de quelque impôt qui n’a rien eu de pesant ni de lourd
jusqu’à ce jour, que d’augmenter les ressources dont l’Etat a un pressant
besoin pour assurer, pour garantir notre indépendance. Qu’au retour de la paix,
nous cherchions à atteindre une meilleure répartition d’impôts qui, quoi qu’on
fasse, sera toujours fautive dans quelques-unes de ses parties ; je le désire
autant qu’aucun d’entre vous ; mais je regarde cet essai comme dangereux, dans
un moment où nous devons former une même chaine pour résister à l’ennemi
commun.
(Moniteur belge n°200, du 1er janvier 1832) M. H. Vilain XIIII. -
Messieurs, je ne fatiguerai pas l’attention de l’assemblée par de bien
longues récriminations contre le ministère de nous avoir mis dans l’obligation de
voter les subsides avec tant de précipitation. Quatre jours à peine sont
laissés, non pas à la chambre des représentants, mais aux deux corps
législatifs réunis, pour discuter, amender, et finalement approuver le système
d’impôts qui doit pendant toute une année peser sur la nation. Dans cette
position délicate, les représentants se voient placés entre deux dangers, dont
l’un est de grever les contribuables avec injustice et inégalité, s’ils
approuvent ; dont l’autre est de mettre immédiatement le désordre dans toute
l’administration, s’ils rejettent. Je regrette donc vivement qu’un laps de
temps plus long n’ait pas été donné aux délibérations des chambres, sur la
discussion des voies et moyens de l’exercice prochain. Ce temps aurait été
utilement employé non pas à fonder un nouveau mode d’impôts, mais à l’examen
approfondi des contributions telles qu’on nous les présente aujourd’hui. Car je
crois, ainsi que le ministère, ainsi que la section centrale, que le moment
n’est pas venu d’asseoir les impositions sur une nouvelle base, aussi longtemps
que l’Etat belge n’a pas pris sa position en Europe, que ses limites ne sont
pas dessinées, que sa base est en quelque sorte vacillante. Comment créer du
définitif là où bien des choses sont provisoires, faire une estimation exacte
du foncier là où l’on ignore l’étendue de son territoire, des impôts indirects
là où l’on doit encore, en tâtonnant et au jour le jour, grever les produits
étrangers ou régnicoles d’après les besoins ou la bonne volonté de nos nombreux
voisins. Il était donc de toute obligation comme de toute prudence de continuer
provisoirement le système actuel dans son ensemble, et je ne puis qu’approuver
cette marche.
Mais, par le peu de temps qu’il nous reste, ce
n’est que brièvement qu’il me sera permis de jeter des observations sur des
parties de ce système et de suggérer quelques idées sur sa prochaine
amélioration. Je m’attacherai surtout à ce qui peut intéresser plus
particulièrement les provinces des Flandres, et je placerai en première ligne
l’impôt foncier.
Comme député d’une de ces provinces, je ne puis
d’abord qu’appuyer de toute ma coopération le dégrèvement de 5 p. c. que
propose la section centrale. Les lumières dont cette section a été éclairée
l’ont engagée à faire cette proposition, et l’équité dont l’assemblée est
animée ne peut manquer de la lui faire accueillir. Mais comme il règne encore
quelques doutes sur l’inégalité répartition qui pèse sur les Flandres, je crois
utile de mettre entièrement au jour cette grave injustice. Il conste, d’après
des notes exactes, que depuis bien des années la province de la Flandre
orientale est surtaxée de plus de 400,000 florins. Cette surtaxe n’était pas
ignorée du gouvernement hollandais, et il a été plusieurs fois disposé à la
répartir plus équitablement. Les travaux du cadastre seuls l’arrêtèrent.
Cependant ces mêmes travaux démontraient chaque jour plus évidemment l’inégale
répartition ; aujourd’hui plus de 200 communes sont expertisées dans les deux
provinces des Flandres, donnant une superficie de 286,221 bonniers, et cette
expertise prouve à suffisance la surtaxe que je viens de signaler. Le
dégrèvement de 5 p. c. n’est donc que de rigoureuse justice. Je dis plus, ce
léger dégrèvement ne doit être envisagé par la représentation que comme le
premier retour à un meilleur état de choses, que comme la seule réparation
possible pour le moment du sacrifice dont les Flandres, depuis plus de 25 ans,
ont senti le fardeau. Cette réparation était due à des provinces qui, dans les
derniers temps surtout, ont tant souffert des maux de la guerre, ont vu leurs
villages ravagés, la partie la plus féconde de leurs terres, au milieu de la
moisson, inondée par les irruptions et les efforts de l’ennemi, et même, dans
cet instant, sont encore journellement appauvries par des ruptures de digues et
d’écluses. On ne fera donc en cela qu’alléger leurs souffrances au lieu de les
terminer, et si je n’insiste pas sur de plus grands soulagements, c’est que
j’ai l’espoir bien fondé que la révolution doit insensiblement réparer toutes
les injustices, et surtout celles qui pèsent sur plus d’un million de Belges.
Avant d’abandonner la
Flandre, permettez, messieurs, à un de ses députés de vous entretenir du lin,
ainsi que d’autres vous ont parlé du fer ; le tissage du lin répond dans les
Flandres au travail de la clouterie dans les provinces wallonnes : c’est dans
la classe la plus pauvre que cette industrie s’exerce, et elle forme le
gagne-pain de l’artisan et du petit cultivateur, en cela cependant différente
de la préparation des clous, que c’est dans le pays même qu’elle trouve toute
la matière première. Il importe donc que cette matière soit au plus bas prix
possible et que surtout cette matière, le lin de nos campagnes, ne puisse
jamais lui manquer. On est loin maintenant de cet avantage, le lin est très
cher et les toiles sont à vil prix. La concurrence étrangère, et les vices de
notre législation, en sont les principaux motifs. Il est difficile de combattre
la première, mais on peut apporter un prompt remède au second inconvénient. La
sortie du lin n’est, dans ce moment, taxé qu’à trois florins par cent
kilogrammes ; celle du fil, au contraire, l’est à quatre florins.
Qu’arrive-t-il ? C’est que la France et l’Angleterre, trouvant en Belgique le
lin le plus beau et le mieux cultivé de toute l’Europe, et en cela tributaire
des produits de notre sol, viennent chaque année en enlever la plus grande
part, et par des procédés mécaniques : le transformant dans leurs manufactures
en tissus divers, le réimportent ensuite en gagnant ainsi tout le prix de la
main-d’œuvre. Entre-temps nos pauvres fileuses, qu’un droit de 4 florins par
cent kilog. sur le fil travaillé est loin de favoriser, qui doivent du reste
acheter le lin en surenchérissant sur le prix offert par l’étranger, ont dû
cesser leur utile travail, et tous ces petits ménages de la Flandre, perdant
ainsi toute ressource, tombent la plupart dans la mendicité et à charge des
communes. Ajoutons que nos tisserands, seconde classe industrielle des
campagnes, devant, à l’intérieur, ainsi qu’à l’étranger, lutter contre les
tissus de coton ou même ceux fabriqués de nos propres lins, perdent aussi tout
le bénéfice de ce beau commerce des toiles, qui faisait jadis la gloire des
Flandres. Il est temps qu’un remède soit apporté à ces pertes, et le seul à mes
yeux est de doubler à la sortie le droit sur le lin brut, en laissant le droit
actuel sur le fil ou même en abolissant ce droit. Cette taxe ainsi doublée
n’empêcherait pas les étrangers de fréquenter nos marchés, car ils ne peuvent
se passer de nos lins, et permettrait au petit peuple de s’en fournir à
meilleur prix. Il ne pourrait également nuire aux cultivateurs, car la plupart
de ceux-ci, hormis dans le pays de Waes, étant simultanément producteurs et
tisserands, gagneraient d’une part ce que de l’autre ils auraient à souffrir,
et cette branche de commerce pourrait ainsi reprendre quelque activité. J’ai
cru utile de réveiller l’attention du gouvernement sur cette question ; il ne
peut tarder de la résoudre, car elle touche à nos plus chers intérêts, et soit
par une loi spéciale, soit par un bon traité de commerce avec la France, cette
industrie doit être secourue.
Quoique ne votant ici
qu’un mode d’impôt tout passager, outre les éclaircissements que je viens de
donner, il ne serait peut-être point superflu d’ajouter quelques réflexions sur
d’autres points d’objets imposables. Je crois que le droit de patente, tel
qu’on le propose, ne doit plus être diminué. L’industrie a sans doute eu de
grandes souffrances à subir, et souffre encore ; mais les Belges de toutes les
classes, hormis quelques grands propriétaires, les ont partagées ; il faut donc
que l’industrie ait dans les charges une part égale, il faut aussi que le haut
commerce n’en soit pas excepté, ou plutôt que les consommateurs des productions
qu’il livre au pays en soient atteints. Il fait que, dans le courant de l’année
qui va s’ouvrir, le gouvernement songé à frapper d’impôt la consommation du
café, du sucre, et peut-être même du tabac. Ce sont là tous objets dont l’usage
n’est pas indispensable à l’existence des classes moyennes, et dont l’impôt est
facile à percevoir, s’il n’est pas élevé. Il serait étonnant qu’après avoir,
sous le régime hollandais, insisté avec tant de force pour l’imposition des
denrées coloniales, on trouvât maintenant des difficultés à l’établir. Tout
doit le faire désirer, et rien, que je sache, pas même le voisinage de la
Hollande, ne peut entièrement s’y opposer.
Rien n’empêche
également de maintenir les taxes des domestiques et des chevaux de luxe. Là on
frappe la richesse sans gêner la position des contribuables ; mais j’aimerais à
voir porter, dans le prochain système, des modifications sur l’impôt du
mobilier et des loyers des maisons. Cette loi exige des visites domiciliaires,
une espèce d’inquisition de personnes et d’effets dans l’intérieur des ménages,
dont la répétition, souvent inévitable, attaque la liberté personnelle, et
répugne surtout aux nombreux étrangers qui fréquentent la Belgique avec une
sorte de préférence, et que cette loi blesse plus directement.
Et terminant, j’émets le désir de voir le
gouvernement profiter du temps que nous lui donnons pour chercher sans relâche
les éléments d’impositions libérales et faciles. Déjà il a su détruite ces
impôts qui blessaient la morale publique, tels que l’abattage, la loterie et la
déclaration sous serment. Il saura aussi repousser ceux qui choquent la liberté
des citoyens, tels que les nombreuses visites domiciliaires. La nation a lieu
d’attendre ce résultat d’une révolution qui s’est faite en grande partie contre
un régime d’impôts excessifs et immoraux, et ici encore son espoir ne peut être
déçu.
(Moniteur belge n°194-195, des 26 et 27 décembre 1831) M.
Delehaye se plaint de la surtaxe des Flandres ; il votera
cependant pour le projet.
M. Helias
d’Huddeghem. - Messieurs, je pense aussi qu’il est impossible,
pour le commencement de l’exercice 1832, de changer le système qui sert de base
au projet de loi sur les voies et moyens. Mais j’espère que vous voudrez bien
me permettre quelques observations générales. D’abord, pour ce qui concerne la
contribution foncière, je ne vous répéterai plus ce que j’ai dit, à une autre
occasion, et ce que deux honorables collègues, qui siègent parmi nous, ont si
éloquemment établi aux états-généraux. Seulement, je dirai que ce n’est pas sur
des présomptions qu’est établie la surtaxe des Flandres. Vous savez que le
cadastre est achevé pour les deux cinquièmes dans les Flandres. Eh bien ! je
tiens en main un mémoire concernant la répartition de l’impôt foncier, entre
les différentes provinces du royaume, par un inspecteur du cadastre,
conjointement avec plusieurs employés de l’administration générale et des
provinces. Ces messieurs établissent, par des calculs sur des opérations déjà
faites des communes cadastrées, que la Flandre orientale paie 13 à 14 cents 1/4
par fl. de revenu, tandis que les provinces de Hainaut et de Liége ne paient
que 7 c. par fl. de revenu.
L’orateur
émet le vœu que cette proportion énorme qui pèse sur les Flandres soit répartie
entre les autres provinces, et que l’on fasse une révision générale des lois de
l’impôt de l’enregistrement, sous le point de vue de diminuer l’impôt sur le
sel, et se prononce contre le mode qui sert de base à la loi des patentes, mode
qui entraîne de grands griefs, dont quelques-uns se rattachent particulièrement
aux habitants des villes.
(Supplément
au Moniteur belge, non daté et non numéroté) M. Tiecken de
Terhove. - Messieurs, dire que notre système financier est mauvais, vicieux, ce
serait dire ce que tout le monde sait ; exprimer le désir de le voir changer le
plus tôt possible et de le voir établi sur des bases justes et équitables, et
qui doivent toutes tendre à soulager cette classe de contribuables qui mérite
toute notre sollicitude, c’est un sentiment que tout le monde partage. Tous,
nous partageons le regret qu’un nouveau système financier n’ait pu être
introduit pour l’année 1832 ; mais nous devons faire la part des circonstances,
qui n’ont pas permis à M. le ministre de préparer ce travail, travail
important, qui demande la plus mûre réflexion et qui doit être élaboré avec soin
et sans précipitation.
C’est avec plaisir que j’apprends de M. le
ministre que la commission s’occupe sans relâche des améliorations à apporter
aux lois qui régissent la contribution personnelle, le sel, le sucre, les
eaux-de-vie indigènes, le transit, les droits de succession et ceux de
l’enregistrement ; mais je regrette que M. le ministre ne nous ait pas dit un
mot de nos brasseries, qui sous le gouvernement hollandais ont été l’objet de
tant d’entraves, de tant de vexations, qu’il semble que son intention était de
les détruire entièrement. Cette branche importante de notre industrie mérite
d’autant plus de fixer l’attention du gouvernement et des chambres, que la
bière, boisson saine et substantielle, fut de tout temps la bière habituelle de
nos populations, à laquelle le gouvernement hollandais, sans doute dans
l’intérêt du haut commerce, a voulu substituer le café. Autrefois il y avait
partout dans nos campagnes, chez tous les fermiers, des brasseries ; presque
tous nos cultivateurs faisaient eux-mêmes leur bière, boisson qui entretenait
leur force, pour soutenir les rudes travaux auxquels ils doivent se livrer pour
l’entretien de leurs familles. Aujourd’hui la plus grandes part de nos
brasseries de campagne ont disparu, ou chôment, et le pauvre cultivateur s’est
vu forcé de ne boire que du café, boisson d’une substance malsaine et propre à
dégénérer la race.
Nos brasseries de campagnes avaient encore cet avantage, qu’ainsi que
les distilleries agricoles elles exerçaient la plus utile influence, produisaient
les plus heureux résultats sur notre industrie agricole, à laquelle elle est
intimement liée. Aujourd’hui que l’intérêt du peuple prévaudra sans doute sur
l’intérêt du haut commerce, j’espère que nos brasseries, notre industrie
agricole, obtiendront la protection à laquelle elles ont droit ; j’espère que
M. le ministre des finances nous présentera, dans l’année 1832, une loi qui,
dégageant nos brasseries de toutes les formalités vexatoires qui les entravent,
et diminuant considérablement le droit d’accise, leur donnera une nouvelle vie,
et mettra le pauvre cultivateur à même de reprendre sa boisson habituelle.
(Moniteur belge n°194-195, des 26 et 27 décembre 1831) M. Pirmez. - M. Helias a pris pour base de la surtaxe
de sa province le nombre de bonniers qu’elle contient. C’est prendre une base
bien défectueuse. Ce n’est pas par le nombre, mais bien par la qualité qu’il
faut juger ; car une province qui ne contiendrait que douze bonniers, tandis
qu’une autre en contiendrait mille, pourrait payer le même impôt que cette
dernière, sans pour cela être surtaxées.
M.
le ministre des finances (M. Coghen) convient que le système des finances est défectueux
; mais si l’on considère les difficultés d’un changement radical de système, on
conviendra que le gouvernement a assez fait en nommant une commission qui s’en
occupe activement. On se plaint de l’impôt personnel ; la base en est vicieuse,
mais telle qu’elle est exécutée aujourd’hui, la loi est plutôt en faveur du
peuple que contre lui. Le système des patentes sera amélioré. Il y aurait
inconvénient à ne voter le budget des voies et moyens que pour trois ou six
mois, parce que dans ce délai il est douteux que le système puisse être changé.
Répondant
à l’interpellation de M. Pirson, relativement à la banque, l’orateur dit que si
la banque est débitrice du gouvernement, elle a aussi des droits à réclamer ;
ce sera l’objet d’un litige que les tribunaux devront vider : en attendant, le
conseil de la banque a refusé de payer les sommes qui lui étaient réclamées
pour la liste civile et pour le syndicat d’amortissement, parce qu’elle
craignait d’être obligée de payer deux fois. Le litige devra être ajournée
jusqu’à la liquidation à faire avec la Hollande.
M. Thienpont. - La justice distributive doit essentiellement
présider à la répartition de tout impôt ; il faut que tout citoyen supporte sa quote-part
dans les charges de l’Etat, dans une juste proportion, à raison ou de ses
facultés ou de son industrie. Il est universellement reconnu que, depuis nombre
d’années, ces principes ont été violés dans la répartition de la contribution
foncière à l’égard de quelques provinces, et surtout à l’égard des deux
Flandres ; il en est résulté une surtaxe annuelle, d’après les renseignements
fournis par le ministère des finances, pour la Flandre
orientale de 401,387 fl., et pour la Flandre occidentale de 176,820 fl. La
section centrale, tout en reconnaissant cette violation à l’égard de ces
provinces, et, par conséquent, la surtaxe, a cru ne pouvoir, sans s’exposer à
remplacer une injustice par une autre, vous proposer une diminution égale à
celle que présente le travail de M. le ministre des finances. Elle s’est bornée
au cinquième. Je conçois, messieurs, les motifs de la section centrale :
j’admets qu’aussi longtemps que les opérations cadastrales ne sont pas
achevées, il est impossible de parvenir à une péréquation exacte ; mais
j’estime que, sans dépasser la limite au-delà de laquelle il y a surtaxe, on
pourrait diminuer l’impôt foncier de 10 p. c., c’est-à-dire à 2/5 de la
surcharge réelle que présente le travail ministériel ci-dessus invoqué, sinon
dans les deux provinces, au moins dans celle de la Flandre orientale ; c’est là
le but, messieurs, de l’amendement que je viens de déposer, et j’ose me
flatter, messieurs, d’après les principes de justice et d’équité qui dirigent
toutes vos décisions, que vous l’accueillez favorablement.
(Supplément
au Moniteur belge, non daté et non numéroté.) M. Angillis. - Messieurs, de tous les Etats de l’Europe, les
Pays-Bas étaient les plus mal gouvernés sous le rapport des finances. On se
voyait plongé dans un gouffre de dettes et d’engagements publics, dont les
intérêts absorbèrent une grande partie des revenus, et qui, loin de se
liquider, s’accroissaient toujours par les emprunts.
La complication de la fiscalité fut telle, que
presque personne ne put en débrouiller les fils. Elle avait ses mystères, qui
n’était connus que des initiés, les membres du syndicat. Par une longue durée
et par l’accroissement de ces abus, il s’était formé dans la nation une nation
particulière et privilégiée ; c’était la réunion de tous ceux dont les abus
composaient la vie et l’existence. Elle vivait aux dépens de l’autre, et sa
coalition inévitable empêchait qu’on ne pût faire aucune réforme utile.
Tous les systèmes financiers que le dernier
gouvernement nous a donnés n’ont pu soutenir le poids d’une existence un peu
durable. En effet, quel est le fruit heureux et solide de tant d’épineux et
sombres travaux, de tant de veilles aussi tristes que laborieuses ? Que nous
ont-ils offert jusqu’à présent ? Les plus insipides et les plus ennuyeux
recueils de lois, d’instructions et d’interprétations que puisse enfanter
l’union d’une patience infatigable et d’un zèle vétilleux.
On tremble à la vue de cet amas confus des lois
financières environnées de gloses, de commentaires, d’instructions qui
détruisent le peu de bonnes choses, et obscurcissent ce qui est encore
compréhensible ; tout cet épouvantable fatras fait une compilation monstrueuse,
dans laquelle vont se perdre toutes les combinaisons de l’esprit humain.
De nouvelles lois financières sont donc devenues
indispensables ; car le recueil de nos lois de finances ne ressemble pas mal au
livre de Sybille, à cela près qu’il contient moins d’oracles. Mais on ne doit
pas oublier qu’il faut faire en finances comme en géométrie, chercher la
solution des problèmes, et ne croire qu’aux démonstrations. Ce qui convient à
notre pays est un système d’impôts qui ménagera l’agriculture et l’industrie,
qui respectera, enfin, la liberté du commerce, liberté sagement calculée sur
les dispositions de nos voisins ; un système qui, simple et clair, aisément
conçu de tous ceux qui paient, déterminera la part qu’ils doivent, rendra
facile la connaissance, si nécessaire, de l’emploi des revenus publics, et
mettra sous les yeux de tous les Belges le véritable état des finances, jusqu’à
présent labyrinthe obscur où l’œil n’a pu suivre la trace des trésors de
l’Etat.
Je suis bien aisé que cette nécessité soit
reconnue par le gouvernement lui-même ; mais, malheureusement, malgré tout le
zèle, dit-on, des membres qui composent la commission nommée ad hoc par le
gouvernement, il paraît qu’on n’a pas encore pu répondre aux vœux de la nation
et du gouvernement. Car, en cherchant à trouver les meilleures bases pour
établir les impôts, il est si facile de s’égarer dans cette route, et si rare
en même temps de posséder toutes les connaissances pratiques pour établir ces
impôts de manière qu’ils puissent concilier tous les intérêts, et de la
totalité des habitants, et du trésor ! La tâche de la commission n’est sans
doute pas sans difficulté ; mais enfin, la tâche n’est pas impossible. Tout en
renouvelant mes vœux, il faut bien se résoudre à supporter encore, pendant tout
une année, un très mauvais système d’impôts : je me soumets à cette dure
nécessité, parce qu’il paraît impossible de faire autrement, et je voterais
pour le projet, si la contribution foncière n’en faisait pas partie, réservant
les nombreuses observations que j’ai à faire sur le système d’impôts qui nous
régit encore, pour un temps plus opportun.
La contribution foncière, avec son inégale
répartition qui pèse depuis longtemps sur les deux Flandres et sur la province
d’Anvers, et qui figure parmi les voies et moyens, me force de voter contre le
projet. Je ne voudrais blesser personne, encore moins entraver l’adoption d’une
loi qui doit procurer au gouvernement les ressources qui lui sont nécessaires ;
mais quand je vois continuer une injustice aussi révoltante que l’inégalité
dans la taxe, il m’est impossible de ne pas expliquer ma pensée : le cri de ma
conscience, la connaissance de mes devoirs, et mon intime conviction
m’empêchent de garder le silence.
Je sens, messieurs, que, quand on veut traiter
une matière aussi importante, le premier devoir d’un représentant de la nation
doit être de purger son âme de tout préjugé, de toute passion, de toute
prédilection géographique ; car la vérité n’est jamais que relative quand elle
est subordonnée à nos affections. Ces réflexions sont toujours présentes à ma
pensée, et, en réclamant aujourd’hui contre la surtaxe qui pèse depuis
longtemps sur trois provinces, je me considère, non comme député d’une de ces
provinces, mais comme député de la nation, comme un homme qui n’a jamais
souffert sans opposition l’injustice, par plus pour les autres que pour
lui-même.
Je défendrai donc la cause de la justice devant
les sages qui m’écoutent, et je ne serai pas mécontent de moi-même, si je me
rends digne de mon sujet et de mes collègues.
De toutes les impositions qui ont été inventées
jusqu’à ce jour, je n’en trouve que deux espèces qui soient établies sur des
bases certaines, savoir : la contribution foncière, qui doit être en proportion
avec les revenus, lorsqu’elle est répartie avec sagesse ; et les droits
d’enregistrement qui seraient en proportion avec la circulation des capitaux,
s’ils étaient rendus à leur simplicité primitive.
La contribution foncière a pour principe
fondamentale l’égalité proportionnelle ; cette égalité, qui devrait être la
base de tout impôt, peut, dans la contribution foncière, recevoir une application
plus exacte que dans aucune autre, parce que les revenus sur lesquels elle
porte sont susceptibles d’une évaluation précise.
La loi qui crée une contribution, répartie par
égalité proportionnelle sur toutes les propriétés territoriales, à raison de
leur revenu net, est du 1er décembre 1790.
Cette contribution, la plus juste de toutes
celles que le génie inventif du fisc ait fait naître, remplace tous les impôts
indirects qu’un usage arbitraire variait suivait les localités, et don
l’inégalité rendait, pour ainsi dire, les habitants d’une même contrée
étrangers les uns aux autres. Les privilèges furent en même temps abolis, car
toutes les propriétés foncières furent soumises à la base ; il n’y eut d’autres
exceptions que celles réclamées dans l’intérêt de l’agriculture, et seulement
pour un espace de temps qui permettait aux propriétaires qui avaient fait des
avances considérables, de les retirer.
Rien de plus juste, rien de plus conforme aux
principes éternels de l’équité, que de soumettre la totalité de la surface du
royaume à un impôt proportionnel, puisque toutes les propriétés, mêmes les
moins productives, sont également protégées par la force publique.
Cependant, cette loi, qui est une des belles
conceptions de cette assemblée célèbre, qui fera toujours la gloire de
l’éloquence tribunitienne ; cette loi, dis-je, a confirmé cette vérité, souvent
perdue de vue par les hommes d’Etat de tous les pays, qu’il y a quelquefois une
grande distance de la formation d’un projet à son exécution. On aurait dû commencer
par où l’on a fini, c’est-à-dire par l’établissement du cadastre, seul moyen de
remplir le but de la loi. En décrétant le principe, on n’avait pas parcouru
toutes les conséquences : les municipalités et des commissaires, pris dans
chaque village, furent chargés de faire les évaluations et toute l’assiette de
la contribution ; dès lors le but de la loi était manqué, puisque la porte
restait ouverte à l’arbitraire. Pour remédier à ce grave inconvénient, le
législateur décréta, par la loi de 16-28 septembre 1791, la levée d’un plan
topographique de chaque commune. Mais l’assemblée constituante, entraînée
d’objet en objet autant par son enthousiasme que par l’exaltation de ses idée
et le génie brillant de ses orateurs, n’ait eu le temps que de poser les principes
généraux, et elle abandonna les détails et l’exécution aux assemblées qui
devaient la suivre. Ces assemblées, emportées elles-mêmes par les
circonstances, n’ont pas eu non plus la liberté de s’en occuper, et la levée du
cadastre demeura ajournée.
Si la levée du cadastre demeura ajournée, il
n’en fut pas de même de la contribution foncière : elle resta, malgré les vices
qui s’étaient, dès le principe, glissés dans sa répartition ; chaque année,
jusqu’à l’époque où la loi du 3 frimaire an VII a été rendue, a vu naître des
dispositions législatives, non pour rendre la répartition meilleure, mais
seulement pour activer le renouvellement de la contribution. Cette loi du 3
frimaire, qui tend à établir, d’une manière un peu moins embrouillée, les
masses imposables par la contribution foncière, renferme ou plutôt rappelle les
principes de la répartition ; elle règle de nouveau les exceptions, et
détermine le mode de son assiette et de son recouvrement. Cependant, tous les
efforts du législateur pour parvenir à une répartition équitable n’ont fait que
confirmer la première idée, que, sans le secours du cadastre, point de
possibilité pour parvenir à une scrupuleuse égalité proportionnelle.
Et comment en serait-il autrement ? Comment
espérer de trouver, dans chaque commune du royaume, des hommes assez éclairés,
assez désintéressés, et surtout assez impartiaux pour faire une exacte
évaluation du revenu net imposable ?
Le revenu imposable d’une terre, dit la loi, est
ce qui reste à son propriétaire, déduction faite, sur la totalité du produit,
des frais de culture, semences, récoltes et entretien. Ces déductions sont très
inégales, car les frais de culture sont très multipliés, et pour cela peu
faciles à évaluer en détail. On ne suit pas partout, ni la même méthode, ni les
mêmes procédés. D’un autre côté, les productions ne sont pas toujours égales,
ni en qualités, ni en quantités, ni en valeurs. Il est impossible de semer
chaque année la même quantité de céréales, de graines oléagineuses, de lins et
autres plantes, parce que, dans un pays om l’agriculture est comptée pour
quelque chose, on sait que, quelque soin que puisse donner le cultivateur au
choix et à la préparation des engrais, il n’obtiendrait pas une bonne récolte,
s’il ne laissait pas toujours un intervalle assez long entre la production des
mêmes végétaux. De là, nécessité, pour faire l’évaluation du revenu imposable,
de calculer sur un nombre d’années déterminé de manière que toutes les terres
puissent produire successivement les fruits dont elles sont susceptibles, et
que des récoltes abondantes puissent compenser les années malheureuses. On
aurait dû sentir que le but de la loi ne pouvait être atteint que par une suite
d’opérations très exactes, et successivement vérifiées au moyen de précautions
multipliées.
C’est pour avoir négligé ces précautions, c’est
pour avoir perdu de vue cette vérité, que les produits des terres ne sont en
grande parti que les remboursements des dépenses du cultivateur, c’est le
manque de notions préliminaires indispensables, c’est enfin l’absence de
données certaines qui ont fait commettre dans le principe de si grandes
injustices, et dont les deux Flandres et la province d’Anvers souffrent seules
en Belgique. Indépendamment de ces causes générales, il en existe une toute
particulière pour la Flandre occidentale. Quand le gouvernement français voulut
introduire la contribution foncière dans la Belgique autrichienne, il s’écarta
du principe établi par la loi, pour suivre un système qui lui parut plus
expéditif, mais qui fut en même temps souverainement injuste. Au lieu donc de
faire au préalable procéder à l’évaluation des masses imposables, pour ensuite
déterminer, d’après l’évaluation générale, le contingent de chaque département,
il se contenta de prendre pour base de cette première répartition les montant
des impositions directes payées par les provinces respectives à l’ancien
souverain. Les contributions directes, lorsqu’elles n’étaient pas aggravées par
des subsides extraordinaires, étaient très modérées, mais très inégales. Nous avions
dans la Flandre des impositions provinciales, connues sous le nom de moyens
apurants, et qui consistaient en des droits établis sur les boissons de toute
espèce pour faire face aux frais et dettes de la province ; ces contributions
étaient d’un produit assez considérable. Dans le tableau que les premières
administrations durent dresser des contributions directes payées au
gouvernement autrichien, l’administration de la Flandre, composée de personnes
étrangères à la province, confondit les contributions directes avec les
impositions provinciales, et la Flandre, par cette inexplicable méprise, fut la
victime de son inepte administration ; car le contingent fut assigné sur une
base aussi fausse, aussi erronée, aussi éloignée de la vérité. L’erreur fut bientôt
reconnue, mais elle ne fut point redressée pour cela. De nombreuses
réclamations furent présentées par les cantons, les communes et les
contribuables : privé du secours du cadastre, on dressa un tableau comparatif
avec la taxe imposée à d’autres départements, et, au moyen des relevés exacts
des sommiers des revenus des domaines dits nationaux, des baux des biens
patrimoniaux, et des baux des biens ecclésiastiques et des églises, passés par
les propriétaires dépossédés par le gouvernement de la république, au nom de la
liberté, de l’égalité, et surtout, de la fraternité, on parvint à établir la
surtaxe, et à faire en l’an VIII un appel à l’égalité proportionnelle. Dans sa
réclamation, la province indiqua les départements du Pas-de-Calais, du Nord et
de Jemappes, maintenant le Hainaut. Une réunion de plusieurs préfets fut
ordonnée à Lille ; la Flandre y fut représentée par feu M. le ministre de
Konink ; et là, dans cette réunion, la surtaxe fut reconnue.
Une nouvelle commission fit nommée en l’an X :
le travail de cette commission confirma de la manière la plus solennelle la
réclamation de la Flandre ; elle proposa un premier dégrèvement provisoire de
157,000 fr. « Sans doute, disait M. Fabre de l’Aube, rapporteur de la
commission, le dégrèvement proposé n’est pas d’une haute importance
relativement à la surtaxe ; mais la commission désire que, pour ceux qui auront
lieu à l’avenir, les observations qu’elle vient de faire soient prises en
grande considération. »
Tel fut en substance le rapport de la commission
nommée dans le sein de la représentation nationale ; on avait donc tout lieu
d’espérer un résultat favorable ; mais le gouvernement français, constamment
préoccupé par des obstacles qui l’entouraient de tous côtés, n’a pu donner
suite à un objet qui, probablement, n’avait pas à ses yeux la même importance
que ses relations étrangères, relations qui absorbèrent toute son attention. Le
conseil général du département renouvela, à chacune de ses sessions, le rappel
à l’égalité proportionnelle, et ces réclamations n’ont cessé qu’avec la
domination française dans la Belgique. A peine le royaume des Pays-Bas fut-il
constitué, que le gouvernement s’occupa du cadastre, et dès cette époque il eut
connaissance de l’inégalité dans la répartition de la contribution foncière :
les lois des 11 février et 28 décembre 1816 en sont la preuve.
Telle est, messieurs, l’analyse historique et de
l’origine de la contribution foncière, qui établit pour principe l’égalité
proportionnelle et qui ne peut avoir d’autre base, et de la surtaxe qui pèse
encore sur trois provinces de la Belgique.
Sous le gouvernement hollandais, les députés des
provinces qui profitent depuis trop longtemps de l’injustice qui accable les
autres, nièrent la surtaxe ; ils invoquèrent toujours le cadastre contre les
réclamations ; mais enfin le cadastre apparut comme un météore brillant au
milieu de cette longue contestation, au milieu du conflit entre les provinces :
le cadastre exposa au grand jour des abus révoltants, des injustices criantes ;
il découvrit dans la Gueldre deux mille bonniers des meilleures terres qui
n’avaient jamais rien payer dans la contribution foncière ! Il confirma enfin
les réclamations des deux Flandres et de la province d’Anvers.
Le gouvernement hollandais, frappé de tant de
preuves, et l’inégalité de la taxe lui ayant été démontrée par tous les moyens
qui sont à la portée des connaissances humaines, proposa en avril 1827 une loi
de péréquation. Jamais projet ne fut mieux conçu, mieux combiné. Destiné à
acquitter la dette de la justice, à revenir vers cette égalité proportionnelle
si longtemps méconnue, cette base de toute imposition, ce principe fondamentale
de la contribution foncière, ce projet rencontra une forte opposition. Le
cadastre qu’on avait invoqué autrefois, qu’on mettait en avant contre les
réclamations, comme une fin de non-recevoir, fut cette fois critiqué. On débita
une longue série d’idées métaphysiques sur les opérations cadastrales, parce
qu’on n’avait pas assez approfondi les idées réelles sur cet important travail.
On se plongea sans cesse dans les nuages de la théorie, parce qu’on mettait de
côté les notions fondamentales de la contribution foncière. Enfin le projet fut
adopté ; mais il fut rejeté par les pères de la patrie, par la première
chambre. Ce rejet fut considéré dans les provinces lésées comme une calamité
publique : l’homme, agité par des pensées profondes, sent à la vue d’une erreur
préjudiciable ébranler son imagination ; de sombres réflexions contristent son
cœur ; alors, à son tour, il passe lui-même les bornes de la modération, il ne
voit que le mauvais côté de la médaille ; il prend pour un intérêt personnel,
qui agit toujours en raison inverse du devoir, ce qui dans le fait n’est que le
résultat d’une opinion erronée ; d’un fait isolé il conclut au général, et
s’imagine que désormais toute justice lui sera refusée. Tel est l’effet que
produisit en Flandre le rejet du projet de loi de péréquation. Le projet changé
fut reproduit dans le mois de décembre de la même année 1827 ; les mêmes débats
recommencèrent ; et finalement il fut rejeté à la majorité d’une seule voix.
Je vous demande pardon, messieurs, de cette
petite digression, qui a peut-être un peu fatigué votre attention : cependant
cette digression entre dans le fond de la question ; car, comme il s’agit d’une
réclamation qui, pour la première fois, se présente dans cette chambre, j’ai
pensée qu’il était non seulement permis, mais même indispensable d’entrer dans
quelques détails pour mettre la chambre à même d’apprécier à sa juste valeur,
et les motifs des réclamations des provinces surtaxées, et les motifs qui on
jusqu’à ce jour fait durer l’injustice.
On a argumenté, et on argumente encore, de la
richesse des provinces qui réclament contre la surtaxe, et on pense trouver
dans cette supposition une fin de non-recevoir. Cette argumentation prouve,
messieurs, qu’on oublie toujours le principe de la contribution ; car si cette
assertion était aussi vraie qu’elle est inexacte, encore ne serait-elle
d’aucune valeur. La contribution foncière n’est pas basée sur la fortune du
contribuable, mais uniquement sur le revenu net de sa propriété : elle est donc
absolument indépendante des facultés de celui qui la paie. Et quand on demande
une somme proportionnelle du revenu net des propriétés territoriales, lorsque
l’impôt est bien réparti, on demande la même chose partout. Si deux terrains,
d’une égale étendue, situés dans deux provinces différentes, donnent, l’un un
revenu net de cent, et l’autre un revenu de cinquante, il est incontestable que
la cotisation du premier doit être le double de la cotisation du second.
L’aisance plus ou moins grande du contribuable
ne fait donc rien à la chose ; c’est la propriété seule qui est chargée de la
contribution. La loi du 1er décembre 1790, et celle du 3 frimaire an VII, portent que « le
revenu net d’une terre est ce qui reste à son propriétaire, déduction faite,
sur le produit brut, des frais de culture, semences, récoltes et
entretien. »
Si donc la propriété produit peu, elle paiera
peu ; mais il faut toujours qu’elle paie en proportion de son revenu net. Si
elle produit beaucoup, elle paiera également en proportion, quand cette
proportion est observée, chacun paie ce qu’il doit payer. Le propriétaire n’est
ici qu’un agent qui paie une somme déterminée avec une portion des fruits que
donne la propriété. Voilà toute la théorie sur laquelle repose la contribution
foncière. C’est donc à tort qu’on argumente toujours de la prétendue richesse
des provinces surtaxées ; la seule question à examiner est celle de savoir si
l’égalité proportionnelle est observée : cette question, messieurs, n’est pas
douteuse ; l’œuvre du cadastre, qui est maintenant assez avancée pour pouvoir
raisonner sur des données certaines, sur des preuves mathématiques, démontre à
l’évidence que l’inégalité existe. Le gouvernement hollandais, malgré les
clameurs de quelques provinces du nord, malgré les intrigues de ces riches
propriétaires qui occupent constamment tous les degrés du trône ; ce
gouvernement qui aurait peut-être désiré retarder sa décision pour rendre
service à ses obséquieux amis, a été forcé, pour ainsi dire, se rendre à l’évidence : il a hautement
reconnu que la surtaxe existe. Deux projets de loi ont été par lui présentés
pour y remédier ; ces projets ont été soutenus par ses commissaires et défendus
avec zèle, bonne foi et talent. Voici la proportion établie par l’ancien
gouvernement, d’après les opérations cadastrales : le contingent de la
contribution fut calculé à raison de 11 3/4 du cent du revenu net ; les deux
Flandres payèrent et paient encore, l’une 16 1/4 et l’autre 15 3/4. J’ai oublié
le taux de la province d’Anvers, mais les autres provinces descendaient à 9, 8,
et même à 7. Voilà les renseignements authentiques qui ont été fournis, et ces
renseignements méritent certainement plus de foi qu’une misérable note de la
façon d’un employé qui paraît avoir été distribuée à quelques membres de la
chambre.
Je crois déjà avoir dit, messieurs, qu’avant que
le cadastre pût établir la surtaxe, il fut constamment invoqué pour faire
rejeter les réclamations comme prématurées ; mais quand, par ses nombreuses
opérations, il fut à même de prouver que la surtaxe existait réellement sur
quelques provinces, alors on changea de langage, on attaqua cet indiscret
cadastre qui, malheureusement, prouvait trop ; on critiqua le mode suivi par
les opérations cadastrakes. A ces attaques, les employés supérieurs du cadastre
ont répondu ; et il leur a été très facile de réfuter les objections des
adversaires, non pas des opérations cadastres, mais du véritable retour vers la
justice.
Puisqu’on parle toujours de la richesse des
Flandres, et quoique cette demande soit absolument indépendante de la demande
vers cette égalité proportionnelle qui est la base de la contribution foncière,
comme je l’ai déjà prouvé, il ne sera pas inopportun de dire un mot sur cette
prétendue richesse territoriale. Il existe, messieurs, sur les Flandres, une
foule d’informes productions sous tous les titres en usage, mais où l’ignorance
la plus complète de la nature du sol, des frais énormes qu’exige la culture des
terres, et la conservation d’une immense partie de nos propriétés calamiteuses,
se déguise sous un air d’assurance qui n’impose qu’à ceux qui sont étrangers à
ces provinces.
Le sol de la Flandre, messieurs, à l’exception
d’une petite partie que, par son insalubrité, on peut nommer la Sibérie de
Belgique, n’est nulle part productif de sa nature. Sans les soins de l’homme,
sans des dépenses énormes, il serait impropre à la végétation. Ce sol renferme
peu de moyens nutritifs : l’engrais doit nécessairement suppléer à ce que la
nature a refusé à la terre ; de là la nécessité d’un engrais abondant et varié,
qui absorbe une forte partie du gain du cultivateur. Les bonnes récoltes qu’on
obtient quelquefois ne sont, en grande partie, que la restitution de ces
avances considérables, souvent hasardées sans doute, mais toujours
indispensables pour obtenir les fruits de la terre. C’est là l’explication de
cette espèce de phénomène, la solution de ce singulier problème qu’on observe en
Flandre, de rencontrer des cultivateurs peu moyennés au milieu de récoltes
abondantes. Sans doute la pauvreté ne se montre pas toujours dans toute sa
nudité chez le cultivateur flamand, et pourquoi ? La raison en est fort simple
: c’est que la misère regarde souvent à la porte de l’homme laborieux, sans
jamais entrer chez lui. Si ceux qui ont eu la prétention d’écrire sur la
richesse des Flandres avaient médité cette remarque, ils n’auraient pas
confondu l’active industrie qui ne connaît ni le repos, ni les commodités de la
vie, pour repousser la pauvreté avec la véritable aisance.
Je dis, messieurs, que l’œuvre du cadastre est
indispensable pour parvenir à une scrupuleuse connaissance du revenu net ;
cependant la surtaxe, qui pèse sur les deux Flandres est si évidente, si
palpable, que, par exception à la règle, on peut la constater sans le secours
d’aucune opération cadastrale : pour cela, il suffit de se promener sur la
ligne qui sépare le Hainaut, le Brabant, des deux Flandres ; d’y prendre des
deux côtés un terrain de la même contenance et de la même qualité ; de
s’informer du montant de l’impôt qu’on paie dans chacune des deux provinces, et
on aura la preuve d’une différence de huit à quinze au moins.
Je réclame donc pour les deux Flandres, et pour
la province d’Anvers, l’égalité proportionnelle dans la répartition de la
contribution foncière, cette égalité que la constitution nous a promise, qui
est la base de la loi créatrice de l’impôt et le principe fondamental de toute
répartition. Ces provinces vous disent, messieurs : Nous partageons largement
avec vous toutes les gênes sociales ; nos enfants, comme les vôtres, ont versé
leur sang pour l’indépendance nationale ; ils voleront partout où le Roi et la
patrie réclameront leur présence ; mais il existe une grande inégalité dans la
répartition de la contribution foncière, ce qui fait que les charges publiques
sont inégalement supportées. Conservateurs de notre pacte fondamental que vous
avez juré de maintenir, vous ne pouvez plus longtemps souffrir la surtaxe, qui
est établie, démontrée à l’évidence, prouvée par tous les moyens qui sont à la
portée des connaissances humaines : un écart de la justice doit faire l’objet
d’une réparation, mais il ne peut jamais, et dans aucune circonstance, être un
titre ou un prétexte pour faire durer la cause de cet écart : mettre fin à cet
état de choses, qui constitue un privilège en matière d’impôts, privilège
incompatible avec le principe de notre association politique, est pour vous,
est pour la puissance publique, un devoir de justice.
Oui, messieurs, faire finir cet état de choses
est pour vous un devoir de justice, la justice étant la première dette de la
nation ; et comme vous représentez la nation, vous devez la justice au Belge le
plus humble comme au Belge le plus élevé : vous la devez donc à 1,700,000
habitants qui la réclament, et qui l’auraient obtenue de l’ancien gouvernement,
parce qu’il avait reconnu que leurs droits étaient incontestables ; vous ne
pouvez donc pas être moins justes que celui que les Belges ont chassé pour ses
injustices.
Faire disparaître toutes les inégalités entre
les provinces ; prévenir la ruine de tous les petits propriétaires de la
Flandre, qui versent au trésor le tiers et même la moitié de leur revenu pour
acquitter la contribution foncière ; détruire le germe des divisions que la
différence dans la taxe entretient et augmente en raison de sa durée ; dissiper
ces terroirs qui détournent les propriétaires intelligents de toute
amélioration dans la culture des terres ; imposer silence, par le redressement
des griefs, à toutes les réclamations contre la surtaxe, telle est la mission,
tel est le devoir des représentants du peuple belge.
M. le ministre des finances dit, dans son
mémoire, que l’absence des archives de l’œuvre cadastral des parties des
provinces de Limbourg et de Luxembourg, qui nous resteront, a empêché qu’on ne
proposât une nouvelle répartition de la contribution : ceci me paraît une
raison purement dilatoire ; car si on avait eu l’intention de procéder à cette
répartition, on aurait pu trouver, dans les pièces et mémoires produits aux
états-généraux en 1827 à l’appui du projet de loi de péréquation, tous les
documents et renseignements nécessaires pour procéder à cette opération. M. le
ministre aurait peut-être bien fait de consulter le projet de loi qui a été
soumis aux états-généraux et discuté dans le mois d’avril 1827. Un examen
approfondi lui aurait donné la conviction qu’il renferme toutes les précautions
humainement possibles pour faire annuellement disparaître les défauts, les
imperfections et les vices auxquels tous les ouvrages qui sortent des mains des
hommes sont susceptibles. Et remarquez-le bien, messieurs, le projet de loi
tendait beaucoup plus à grever qu’à dégrever les provinces septentrionales ; et
lorsque vous vous souviendrez que la justice du gouvernement hollandais
changeait presque toujours avec les latitudes du globe, alors vous conviendrez
que la surtaxe lui était si bien démontré qu’il n’a pu se refuser à l’évidence.
On a donc mauvaise grâce de venir dire, cinq
années après, et quand le cadastre a dû avancer beaucoup, qu’on manque de
données certaines pour présenter une nouvelle répartition. Cette raison,
messieurs, je le répète, est une mauvaise raison. On promet de rendre un
commencement de justice en 1833 ; mais l’expérience m’a appris de ne faire
aucun cas de ces promesses et de ces déclarations, qui coûtent peu et
n’engagent à rien.
A la veille d’un ordre stable et durable, d’une
paix qui fixera pour longtemps les destinées de notre patrie, une amélioration
calme et progressive se fera bientôt partout remarquer dans notre pays ; une
vie animée, telle que l’a créée une véritable, une sage liberté, circulera
activement dans toutes les parties du royaume ; l’attachement aux institutions
commence à pénétrer dans tous les esprits : des plaintes s’élèvent sans doute
encore contre des abus de détails, mais ces plaintes inséparables de la
condition humaine, inséparables surtout d’un gouvernement représentatif, ne
troublent plus ni l’ordre public, ni les espérances générales ; et cependant,
messieurs, au milieu de ce grand mouvement vers un ordre de choses dont il
était malaisé de prévoir les résultats définitifs qu’il est agréable d’en
contempler la marche progressive et les développements graduels, pourquoi, par
quelle fatalité, sommes-nous réduits à voir encore cet éternel sujet
d’irritation, cette odieuse inégalité dans la taxe ? Mais, comme M. le ministre
ne paraît pas avoir le loisir de s’occuper
de cet objet, qui peut-être n’est pas assez important à ses yeux, je dirai aux
provinces lésées de s’adresser à la chambre, asile de toute justice. La chambre
ne reculera pas devant l’examen de telles réclamations ; elle sait qu’il n’y a
pas deux espèces de justice, que la justice est la première dette attachée à ses
hautes prérogatives et le premier besoin du peuple ; elle sait que chacun doit
payer une part proportionnelle dans les charges de l’association politique ;
elle fera disparaître l’inégalité dans la taxe, qui est une vexation pour les
uns, et un privilège pour les autres. C’est ainsi, messieurs, que vous
enchaînerez le cœur de tous les Belges aux institutions qui doivent faire le
bonheur de tous, et vous aurez bien mérité de la patrie.
(Moniteur belge n°194-195, des 26 et 27 décembre 1831) M. Helias
d’Huddeghem répond à M. Pirmez, et prouve qu’il n’a pas pris pour base le nombre de
bonniers de terrain, mais qu’il a eu égard à toutes les circonstances qui
peuvent servir à apprécier la surtaxe.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, vous savez qu’au moment de voter
l’emprunt de dix millions, les représentants des Flandres ont réclamé contre la
surtaxe de la contribution foncière qui pèse sur elles depuis si longtemps. M.
le ministre des finances a dû convenir alors que cette surcharge était réelle ;
mais pour pallier cette injuste répartition, il invoqua les circonstances et
l’urgence de l’emprunt. Les Flandres durent se contenter de cette raison, et
continuèrent à payer plus que les autres provinces. M. le ministre promit aux
représentants des Flandres de réparer l’injustice criante dont ils se
plaignaient à si juste titre ; il était entendu que l’impôt foncier serait
assis sur d’autres bases, au moins pour l’exercice 1832. C’est sur ces
assurances, et dans la ferme persuasion de les voir se changer en réalité, que
je votai pour l’emprunt de dix millions.
Aujourd’hui le ministre nous apprend que le
temps n’a pas permis de réparer cette injustice, que la commission, chargée de la
révision, s’est trouvée arrêtée dans son travail, parce que les archives du
Limbourg et du Luxembourg se trouvent dans les capitales de ces provinces, et
que ces capitales sont occupées par l’ennemi. Les prétextes ne manqueront
jamais pour perpétuer les injustices, auxquelles il est du devoir de la chambre
de mettre enfin un terme ; les sections se sont déjà prononcées contre la
prolongation de cet état de choses, et, dans son rapport, la section centrale
vous a proposé, par forme d’amendement, un article additionnel, ainsi conçu :
« La somme que les Flandres doivent payer,
dans la contribution foncière, est diminuée de 5 p. c. ; le montant de cette
diminution sera réduit de l’impôt foncier de la Belgique, et l’article 2
corrigé dans ce sens. »
En adoptant cette proposition, la chambre
assurément fera acte de justice, et les Flandres lui sauront gré d’avoir enfin
apporté remède à l’iniquité dont elles se plaignaient ; cependant l’injustice
ne sera pas encore réparée, et la réduction proposée n’est pas en proportion
avec la surtaxe de ces provinces ; pour la Flandre orientale surtout, la
surtaxe est de plus de 20 p. c. Ne lui accorder que 5 p. c. de diminution,
c’est encore conserver une criante inégalité. Je crois donc qu’il faudrait au
moins porter provisoirement cette diminution à 10 p. c., et qu’il importe de
veiller à ce que l’impôt foncier soit au plus tôt assis sur des bases uniformes
et équitables.
- La suite de la discussion est renvoyée à
lundi.
MOTION D’ORDRE
RELATIVE AUX CREDITS PROVISOIRES
M. Dumortier. - Puisque MM. les ministres sont présents, je désirerais qu’ils
voulussent bien nous dire si leur intention est de nous présenter des projets
de crédits provisoires.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Plusieurs députés manifestent le désir de nous voir proposer de
nouveaux crédits provisoires ; mais je ferai observer à la chambre que ces
projets donneront lieu à de longues discussions qui dureront au moins 15 jours,
et qui n’amèneraient rien de décisif. D’un autre côté, nous avons fait ce que
nous devions, en présentant nos budgets, et la chambre doit considérer qu’il
n’est pas besoin de les voter avant la fin de janvier.
M. Gendebien. - Il est vraiment dérisoire que les ministres
viennent s’excuser en accusant la chambre. Depuis trois mois, nous attendions
sans cesse le budget ; le ministre de la guerre seul a présenté le sien en
temps utile. Celui du département de l’intérieur nous a été distribuée il y a
quatre jours seulement. Certes, ce n’est pas au ministre de ce département
qu’il convient de nous accuser pour sa justification.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je n’ai entendu aucunement accuser la chambre ; Mais je répète que,
les budgets étant établis, la chambre pourrait les discuter avant la fin de
janvier, si elle veut avoir quelque chose de définitif.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, il y a surtout deux choses
urgentes, ce sont les crédits de la guerre, parce qu’il faut payer l’armée jour
par jour, et le budget des voies et moyens, parce qu’il ne faut pas arrêter la
perception de l’impôt. Le contingent de l’armée est encore très pressant, mais
à cet égard, il n’y a aucunement de ma faute ; j’avais demandé une quinzaine
pour présenter mon budget, et je me suis mis en mesure dans ces quinze jours :
cependant, je serai obligé de demander un bill d’indemnité à la chambre pour le
contingent de l’armée ; mais, je le répète, il n’y a aucunement de ma faute.
- La séance est levée à 4 heures.