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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9
décembre 1831
Sommaire
1) Lecture du procès-verbal, notamment
application du règlement relativement à l’appel nominal (Ch.
Vilain XIIII)
2) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition non signée et invitation au Te Deum (indépendance de l’Etat et de
l’Eglise) (Ch. Vilain XIIII, Poschet)
3) Rapport sur des pétitions relatives,
notamment, à la construction de routes dans les provinces de Namur et de
Luxembourg (Pirson, d’Huart, Pirson, de Theux, Zoude,
Barthélemy, Pirson), aux
frais d’entretien des dépôts de mendicité (Seron A. Rodenbach, H. de Brouckere,
de Theux, Mary, Barthélemy, Ch. de Brouckere,
Pirson), à l’achat d’un terrain par M. Coghen (Coghen), au droit sur les vins (Pirson,
Seron, A. Rodenbach, Pirson, Dumortier, Coghen), à l’organisation de la garde civique (Gendebien, de Theux, Pirson, Gendebien, de Theux, Ch. de Brouckere, Destouvelles, Gendebien),
au droit sur le lin (A. Rodenbach, F. de Mérode), au paiement d’arriérés dus à un officier
de l’armée (Gendebien)
(Moniteur belge n°179, du 11 décembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A une heure, un grand
nombre de membres étant présents, M. Ch. Vilain XIIII demande que l’appel
nominal soit fait.
Quelques minutes
après, M. le président monte au fauteuil avec M. Dellafaille ; celui-ci fait
l’appel nominal.
M.
Verdussen. - M. Legrelle est compté au nombre des absents
; je demande qu’il n’en soit pas ainsi, car sa présence est nécessaire à
Anvers.
M. le président. - M. Legrelle a d’ailleurs, ce me semble
obtenu un congé illimité ; il ne sera pas porté sur la liste des absents.
LECTURE DU
PROCES-VERBAL
M. Dellafaille lit le
procès-verbal.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je demande la
parole sur le procès-verbal et pour un rappel au règlement. Le procès-verbal
porte que la séance a été ouverte à midi. Cela est inexact ; car la séance
d’hier, comme celle d’aujourd’hui, a été ouverte à une heure. A ce propos, je
ferai remarquer qu’un article du règlement veut que l’appel nominal soit fait à
midi un quart. Le bureau semble croire qu’il faut la présence de la majorité
pour faire l’appel nominal ; c’est une erreur. Le règlement a voulu que l’appel
eût lieu à midi un quart pour constater quels sont, à cette heure-là, les
membres présents et absents. A midi un quart nous étions en grand nombre dans
la salle, et nous avons été obligés d’attendre trois quarts d’heure. Je demande
que le règlement soit exécuté.
M. le président. - Si la chambre le désire, on fera l’appel
nominal à midi un quart.
M. Ch. Vilain XIIII. - Il ne s’agit pas
du désir de la chambre, mais de l’exécution du règlement.
M. le président. - Le bureau est toujours ici à midi un quart ;
désormais l’appel nominal aura lieu à cette heure-là.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Dellafaille analyse quelques
pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
Le même lit une
lettre de M. le ministre de l'intérieur, annonçant à la chambre que MM. les
vicaires de Malines ont décidé qu’un Te Deum serait chanté le 16 de ce mois
dans toutes les églises du diocèse, à l’occasion de l’anniversaire de la
naissance du Roi, et pour remercier la Providence de la conclusion de la paix.
_______________
MM. Blargnies et
Berger demandent un congé de 15 jours.
- Accordé.
M. Desmanet de Biesme
annonce à la chambre qu’une maladie de son père l’oblige à s’absenter.
_______________
M. le président. - Le bureau a reçu une pétition anonyme
évidemment ironique ; elle est signée « sans chagrin. » Faut-il la
renvoyer à la commission ? (Non ! non !)
La pétition sera
anéantie.
M. le président. - Que veut-on décider relativement à la lettre
de M. le ministre de l'intérieur ?
M. Ch. Vilain XIIII. - Messieurs, il n’y a
pas de décision à prendre sur cette lettre. La liberté des cultes est garantie
par la constitution. Des ministres d’un culte veulent faire célébrer un service
en mémoire de tel ou tel événement : permis à eux. Mais la chambre ne peut prendre
autrement que comme une notification la lettre qui lui annonce la célébration
du service, et elle n’a rien à décider, à moins qu’un de ses membres ne fasse
une proposition à cet égard.
M. le président. - M. Poschet fera une proposition.
M.
Poschet. - Je la fais.
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
L’ordre du jour est
le rapport de la commission des pétitions.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur, présente le rapport des pétitions suivantes :
« Le sieur J.
Van Driessche, avocat à Gand, demande :
« 1°
L’intercession de la chambre en faveur de Constant-Joseph Tricot, condamné par
le conseil de guerre permanent de la Flandre orientale ;
« 2° La prompte
révision des codes militaires ;
« Et 3° La
suppression de la haute cour, son remplacement par un conseil de
révision. »
Le Roi seul ayant le
droit de faire grâce, la commission propose l’ordre du jour sur la première
partie de la pétition ; elle conclut, pour les deux autres, au dépôt au bureau
des renseignements.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Jean Donnet, à Anvers, réclame la
liquidation de sa créance de 34,002 fr. pour prime de construction de trois
bâtiments maritimes. »
- La commission
propose et la chambre ordonne le renvoi au ministre des finances avec demande
d’explications.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Plusieurs négociants de Neufchâteau
demandent que la route de Falmignoul à Beauraing soit immédiatement achevée,
tout le commerce de Neufchâteau à Bruxelles et Anvers se faisant par cette
route. »
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Lomprez sollicitent
l’intervention de la chambre pour obtenir que la route de Falmignoul à
Beauraing soit achevée avant l’hiver, et qu’en même temps on travaille à construire
celle d’une lieue et demie entre Beauraing et Lomprez. »
La commission propose
le renvoi de ces deux pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
(Moniteur belge n°180, du 12 décembre 1831) M. Pirson. - Messieurs, les travaux dont
il est question dans les pétitions de Neufchâteau et de Sohiere s’exécutent ou
doivent s’exécuter au beau milieu du district de Dinant, dont, dans d’autres
circonstances, on a pris à tâche ici de vous faire connaître le commissaire,
qui est un de vos collègues. Permettez-moi de vous dire ce que j’ai fait au
sujet des routes de Neufchâteau et de Beauraing dans l’intérêt du trésor
public, du commerce en général et des habitants du district de Dinant, en ma
double qualité de commissaire et de député. Mes premières démarches se sont
dirigées vers la députation des états provinciaux : elles ont été
infructueuses. Je ne vous entretiendrai pas de ce petit incident, qui
prouverait cependant que certaine influence a facilement dominé des hommes à
courtes vues, peu travailleurs et ne connaissant pas les localités, tout en
habitant la province. Comme membre du congrès, je me suis adressé au ministre
de l’intérieur, d’accord avec M. Thorn, gouverneur du Luxembourg. Je vous dirai
pourquoi je ne m’entendais pas avec M. le gouverneur de Namur.
Le ministre Sauvage
accueillit nos observations ; nous concertâmes des mesures préliminaires qui
devaient servir de base à des calculs positifs et fixer une détermination
définitive. Nous changeâmes même, avec le chef du bureau des travaux publics,
les termes de l’allocation dans le budget d’une somme de 144,000 fl., de
manière à laisser au gouvernement la latitude de disposer de cette somme de la
manière qui serait jugée la plus convenable aux intérêts du trésor et du
commerce, sans nuire aux principes de la justice qui est due à un entrepreneur
hollandais comme à un entrepreneur belge, et cela lorsque le résultat des
mesures préliminaires serait connu.
M. le ministre
Sauvage se retira, et tout fut changé, je ne dirai pas pour favoriser un
entrepreneur hollandais qui ne présente aucune garantie envers la Belgique,
mais par paresse des bureaux, par vanité de certains fonctionnaires qui
tiennent à leur places et ne veulent point prendre part à de projets qui n’ont
point été conçus, et peut-être aussi pour des intérêts indirects.
Messieurs, pour bien
expliquer tout cela, je suis obligé d’être un peu long ; mais la chose est
assez intéressante pour réclamer votre attention. En effet, il s’agit d’une
communication importante, depuis Anvers jusqu’à la Lorraine par eau, depuis
Anvers jusqu’à Dinant lorsque le canal de Charleroi à Bruxelles sera en pleine
activité, et, par terre, depuis Dinant jusqu’à Neufchâteau, d’une part, et
jusqu’à Bouillon, d’autre part. Il n’y aura aucune une augmentation de dépense
pour le trésor, il suffit d’un petit déplacement de travaux. Jetez les yeux sur
la carte, messieurs, et voyez la belle direction commerciale : on arrive par
eau à Dinant. De Dinant à Givet, Charleville, la Meuse, et de plus une belle
route existante. A Falmignoul, à une lieue de Dinant sur la route de Givet, un
embranchement qui conduit à Beauraing ; cet embranchement (route provinciale)
est actuellement en construction, il va être achevé. A Beauraing on rencontre l’ancienne
route abandonnée depuis 40 ans ; on peut la rendre très bonne avec bien peu de
dépense jusqu’à Poudromme, une demi-lieue.
A Poudromme la route
aura deux branches : l’une vers Lomprez, une lieue et demie, où elle
rejoindrait l’ancienne chaussée jusqu’à Neufchâteau, chaussée très praticable
et à laquelle on ferait à la suite les redressements et les grosses réparations
sollicitées par la province de Luxembourg, redressements, au reste, qui ne sont
point d’une extrême urgence ; la second branche se dirigerait de Poudromme vers
Bouillon ; là il y a route et vers Sedan et vers Carignan (France.)
Pour parvenir à ce
grand but et faire ce qu’il y a de plus pressant, c’est une communication de
Beauraing à Lomprez, sur une étendue de deux lieues : il y a doublement urgence
depuis l’adoption des 24 articles. En effet, par suite de cette adoption, le
marché d’Arlon, pour les grains, est tout à fait anéanti.
Il faudra que toutes
les Ardennes, Neufchâteau, Saint-Hubert, Bouillon, qui s’approvisionnaient sur
lesdits marchés, viennent vers Dinant et Namur. Ce pays sera bien malheureux,
si manquant de subsistances pour six mois de l’année, il n’obtenait pas au
moins une route de communication pour s’en procurer au loin.
Mais, dira-t-on, on
travaille à cette communication ; une partie, en suivant une autre direction,
est adjugée, et nous ne pouvons annuler cette adjudication : déjà deux cent
mille florins sont dépensés. Cette somme sera donc perdue, si l’on abandonne
les travaux.
Avant de répondre aux
objections, permettez-moi, messieurs, quelques mots de censure sur la direction
choisie. Pour raccourcir la route soi-disant d’une demi-lieue, on a pris cette
direction à travers les plus hautes montagnes du pays, entre lesquelles,
indépendamment de prolongements tortueux, il faut des remblais de 50 à 60 pieds
de hauteur, plusieurs ponts sur des ruisseaux, et un grand pont sur la rivière
de la Lesse, qui se précipite en véritable torrent, dans les temps de pluie et
de fonte des neiges.
On a adjugé les
travaux, dans la partie du centre, pour une somme de 387,000 mille florins : le
gouvernement, trouvant la somme exorbitante, n’a pas voulu confirmer. Bref,
l’ingénieur a fait des réductions de travaux, et on a trouvé un entrepreneur
pour 328,000 florins. Cet entrepreneur a cherché à La Haye un bailleur de fonds
qui, ayant fait des avances, a repris le marché de l’entrepreneur, qui s’était
enfin antérieurement à la révolution, preuve qu’il ne s’attendait pas à de
grands bénéfices.
La révolution a fait
stater tous les travaux pendant l’hiver de 1830 à 1831. M. de Stassart,
gouverneur de la province de Namur, a cru bien faire, et a réellement bien
fait, de solliciter auprès du gouvernement provisoire des fonds pour donner de
l’ouvrage aux ouvriers. Ces fonds ont été remis au chef directeur des travaux
de la route de Neufchâteau, qui certainement, à cette époque, ne pouvait être
en relation avec son principal qui se trouvait à La Haye. On travaillait donc
en quelque sorte par régie, sans savoir ce qu’allait devenir l’entrepreneur. Cette
circonstance paraît être le véritable motif pour lequel M. de Stassart tient à
la continuation des travaux adjugés ; ce serait, selon lui, une contradiction
d’avoir sollicité des fonds, qui seraient perdus si l’on abandonnait ces mêmes
travaux. Du reste, il m’a avoué ne connaître aucunement les localités.
Pour savoir s’il y
avait avantage à changer de direction, voici les mesures qui avaient été
concertées avec le ministre. D’abord, refus de fonds jusqu’à nouvel ordre ;
exiger du directeur des travaux une nouvelle adhésion de son principal et des
garanties en Belgique ; lui faire une proposition de résiliation et demander
ses conditions ; en attendant, faire, d’une part, les plans et adjudications
des deux bouts de route, qui devaient réaccorder du côté de Dinant et de
Neupont les travaux intermédiaires déjà adjugés ; d’autre part, et suivant la
direction nouvelle que j’indiquais, faire les plans et adjudications du
prolongement de la route de Beauraing, depuis Beauraing jusqu’à Sohière. Le
gouvernement, se réservant toujours la confirmation de ces sortes
d’adjudications, pouvait ainsi, avec connaissance de cause, choisir le côté le
plus avantageux. Quant aux plans et frais d’adjudication, c’était un objet bien
minime. N’est-on pas obligé de payer de gros traitements à tous ces ingénieurs,
qui ne sont pas occupés un tiers de l’année ?
Après le ministère
Sauvage, est venu le ministère Teichmann, inspecteur-général des ponts et
chaussées, qui avait donné, comme inspecteur, son assentiment à toutes ces
propositions, et qui, devenu ministre, n’en a rien fait. On a repris, mais bien
faiblement, les travaux, au moment où, cessant mes fonctions au congrès, j’ai
aussi cessé de suivre cette affaire au ministère.
A cette époque, il
restait de disponible sur le crédit de 145,000 florins alloué dans le budget,
suivant la déclaration du chef de bureau du ministère, une somme de 129,000
florins. Je supposais que, pour réaccorder les deux routes, il faudrait une
dépense de 80 à 100 mille florins dans le budget de 1832 ; en tout, une dépense
au moins de 200 mille florins.
Par la direction de
Beauraing, que j’indique et que le commerce demande, on arrivera au même point
avec une dépense de 60,000 florins environ.
Voilà donc un
bénéfice certain de 140,000 florins, sans compter celui d’entretien annuel
d’une route et de ponts exposés à des dégradations énormes, qui s’élèveront
peut-être bien à 5,000 florins de plus, ce qui représente un capital de plus de
100,000 florins.
Mais on a parlé
d’indemnités envers l’entrepreneur, dont le marché serait résilié. Sachons à
quoi elles se monteraient : d’abord je suis bien certain que, si l’on ne
s’était pas mis en avant, l’entrepreneur n’aurait jamais recommencé ses
travaux. Il fallait faire la jonction de Beauraing à Lomprez, et puis, si l’entrepreneur
se présentait, lui payer, bien entendu, ses avances. Elles n’étaient pas
énormes ; elles étaient, je crois, d’un 25ème, et, pour peu qu’on lui eût
accordé de plus, il eût été fort content, car il s’attend, je crois, à perdre
beaucoup. Reste à savoir maintenant quelle garantie le gouvernement aura contre
cet étranger si le 1er mai 1833 il est en demeure.
Vous comprenez,
messieurs, d’après la date que j’indique, que l’entrepreneur a jusqu’au 1er mai
1833 pour livrer ses travaux.
Quand finiront ceux
de jonction des deux bouts qui ne sont pas encore adjugés, et pour lesquels il
n’y a aucun fonds de fait ? Car je suppose bien qu’on ne contractera point de
marché avant que la législature ait approuvé la dépense, comme faisait le
précédent gouvernement, comme il a fait notamment dans le cas présent.
Ce ne sera donc qu’au
budget de 1833 qu’il en sera question. Ainsi le commerce devra encore attendre
5 ans au moins, pour avoir la communication que, suivant l’autre plan, il
aurait déjà, si, comme l’a dit quelqu’un, le ministère de l’intérieur n’avait
été dans l’anarchie la plus complète.
Messieurs, j’ai parlé
de bénéfice, mais ce n’est point un bénéfice d’argent que je veux, c’est un
bénéfice d’utilité.
Puisque l’on croit
pourvoir dépenser 200 ou 250,000 florins à la route de Neufchâteau, dans la
partie de Dinant à Neupont, par Celles et Vignée, cessons de niveler des
montagnes affreuses, cessons des travaux gigantesques, et prenons une direction
facile, qui ne nous coûtera que 60,000 florins ; employons le reste vers
Bouillon ou partout ailleurs, utilement, et non pour satisfaire des vanités ou
des intérêts particuliers.
Messieurs,
vous n’ignorez pas que les ingénieurs des ponts et chaussées forment un corps
compact et une quasi-autorité qui repousse toute direction ou surveillance
étrangère au corps. Ils exploitent à eux seuls toute la seule du roulage et une
forte somme du budget. Il est temps de rompre cet esprit d’indépendance, et
surtout de faire des économies sur un personnel qui coûte à l’Etat 175,000
florins.
Je ne sais si les
deux pétitions de Neufchâteau et Lomprez arrivent assez à temps pour y être
fait droit pour le trimestre actuel. J’en ai remis bien d’autres au ministère,
contenant quantité de signatures des négociants et bourgmestres du district de
Dinant ; mais l’influence du waterstaat a prévalu jusqu’à présent : quoi qu’il
arrive, j’en demande le renvoi au ministre. Je termine en observant qu’on m’a
attribué un article du journal l’Indépendant
concernant la route de Neufchâteau ; cet article n’était point de moi. Toujours
j’ai signé les miens, et ne m’en dédis pas après cette signature.
(Moniteur belge n°181, du 13 décembre 1831) M.
d’Huart. - Messieurs, l’objet des deux pétitions dont il
vient de vous être fait rapport étant relatif à un point de simple
administration, vous trouverez peut-être que les réclamants auraient dû
s’adresser au pouvoir exécutif plutôt qu’à la chambre, qui n’est guère
compétente en pareille matière. Toutefois, je vous demanderai la permission de
donner sur l’affaire dont il s’agit quelques renseignements que je ne crois pas
inutiles, et qui serviront au moins à rectifier les faits allégués par les
pétitionnaires ainsi que ceux que vient de vous exposer l’honorable préopinant.
La route de Dinant à
Neufchâteau a, comme on sait, une lacune d’environ sept lieues entre la
première de ces villes et le pont de Neupont dans la province de Luxembourg.
Convaincu de la nécessité d’établir la communication entre ces deux points par
une chaussée, le précédent gouvernement fit explorer le terrain par des
ingénieurs, afin de s’assurer quelle était la direction la plus convenable ;
des plans furent dressés, soumis au roi et approuvés par lui ; enfin, il fut
décidé que la route aurait la direction suivante, contre laquelle réclament
aujourd’hui les pétitionnaires :
De Dinant à
Froideveau le projet se confond avec une portion de la route existante de
Dinant à Givet, où il n’y a aucuns travaux à faire, longueur 2,000 m.
De Froideveau à Celles,
longueur 8,000 m.
De Celles à la limite
du Luxembourg, longueur 19,000 m.
Enfin, de ce pont au
pont de Neupont, longueur 4,000 m.
En 1829, le
gouvernement fit mettre en adjudication la portion de Celles à la limite du
Luxembourg, et un entrepreneur se chargea d’en construire la route pour le mois
de mai 1833, moyennant la somme de 328,000 florins.
Il résulte de la
situation des travaux qu’il en a été fait, jusqu’à ce jour, pour la somme de
199,000 fl. ; il resterait donc encore à en exécuter pour la somme de 129,000
fl. ; mais il y a eu économie d’une somme de 20,000 fl. par la réduction de
quelques ouvrages, réduction consentie par l’entrepreneur ; il ne restera par
conséquent plus à payer à celui-ci, pour l’achèvement de ladite porter de
route, que 109,000 fl. A la vérité, ces 109,000 fl. ne sont pas encore sortis
de la caisse du trésor ; mais il faut bien les considérer comme devant être
soldés, puisqu’il existe un contrat public qui lie l’Etat envers
l’entrepreneur. On dira sans doute qu’en cessant les travaux de commun accord
avec l’adjudicataire, la somme pourrait être réservée ; mais on sait qu’ils ne
le seraient que contre une indemnité presque équivalente au taux de
l’adjudication, indemnité que ledit adjudicataire aurait, d’ailleurs, droit de
prétendre en tout justice pour tout son matériel en chevaux, voitures, outils,
engins, etc., qui deviendrait inutile si les travaux n’étaient pas continués ;
pour tous les marchés qui ont été conclus avec des sous-traitants, marchés qui
devraient être résiliés avec perte ; pour les découvertes de carrières ; pour
tous les matériaux extraits, confectionnés ou non, à pied d’œuvre ou aux
carrières, etc. Quant à cet entrepreneur, messieurs, dont on craint la
responsabilité, il y a de bonnes et solvables cautions dans le pays.
La partie de
Froideveau à Celles est évaluée, selon les devis estimatifs, à 50,000 fl.
La partie dans le
Luxembourg est estimée à 40,000 fl.
Reste donc réellement
à dépenser pour l’entier achèvement de la communication 90,000 fl.
Les pétitionnaires
voudraient que l’on abandonnât tout ce qui a été fait, comme je viens de le
dire, et que l’on joignît Dinant à Neupont par une autre direction qui serait
la suivante :
De Dinant à
Falmignoul, longueur 8,500 m.
De Falmignoul à
Beauraing, longueur 12,500 m.
Enfin, de Beauraing à
Neupont, 15,000 m.
Total, 36,000 m.
Comparant les
distances, on voit que la direction contre laquelle on réclame à 3,000 mères ou
3/5 de lieues de moins que celle que l’on prétend lui substituer, différence
considérable sur une longueur de 33,000 mètres.
Voyons maintenant
quels seraient les avantages qu’il y aurait, sous le rapport de l’économie, en
admettant le vœu des pétitionnaires.
Entre Dinant et
Beauraing, la route qui s’établit aux frais de la province de Namur, pour correspondre
avec le duché de Bouillon et le département des Ardennes (France), est sur le
point d’être achevé, et l’on ne comptera aucuns frais pour cette partie du
trajet.
De Beauraing à
environ une demi-lieue vers Lomprez, la vieille route pourrait être conservée,
sauf amélioration On évalue les travaux à y faire à 50,000 fl.
De ce point à
l’entrée de Lomprez, à la rencontre de la vieille route, il existe une vieille
route, tout serait à neuf sur une longueur d’une lieue et demie. On évalue la
dépense à 60,000 fl.
De l’entrée dudit
village à Neupont, sur la distance d’une lieue, il existe une ancienne route ;
mais elle est beaucoup trop étroite dans la traversée de Lomprez ; il serait
indispensable d’acquérir plusieurs propriétés bâties. De plus, la descente de
Neupont, ayant, sur une très grande distance, une pente excessive qui s’élève
jusqu’à 13 p. c., tandis que le maximum adopté dans les pays montagneux ne
dépasse pas 7 p. c., devra être totalement abandonné et remplacée par une
direction nouvelle. On évalue tous ces travaux et entreprises, avec les
réparations indispensables que devront recevoir les parties conservées à 25,000
fl.
Total de la dépense :
90,000 fl.
D’après ces divers calculs
et au point où en sont venues les choses, il y aurait donc 90,000 fl. à
dépenser dans l’une ou dans l’autre direction pour achever la communication ;
par conséquent, nulle économie à obtenir dans un cas plutôt que dans l’autre.
J’ai déjà démontré qu’il
y avait une longueur de 3,000 mètres de moins par le projet contre lequel on
s’élève que par celui qu’on voudrait lui faire préférer ; je vais prouver
maintenant que, sous le rapport de la facilité du roulage, il y aurait aussi de
l’avantage à continuer ce qui est entrepris.
Sur la direction par
Celles et Vignée, aucune pente ne dépasserait, selon les plans arrêtés, 7 p. c.
d’inclinaison ; par Beauraing, au contraire, il existe sur la route provinciale
entre Dinant et ce village, des pentes de 8, de 8 1/2, de 10 et jusqu’à 11
centimètres par mètres. Il est donc incontestable que la communication serait
plus facile par le premier projet que par l’autre.
Les pétitionnaires,
et l’honorable préopinant aussi, disent que le pays sera encore pendant
plusieurs années privé de communication entre Dinant et Neupont, si l’on
s’obstine à conserver la direction de Celles et Vignée ; mais ils sont dans la
plus complète erreur à cet égard. La portion de Celles à la limite du
Luxembourg est avancée aux deux tiers, et doit être, comme je l’ai dit, finie
en 1833. Les devis des parties de Froideveau à Celles, et de la limite du
Luxembourg au pont de Neupont, sont achevés, et l’on pourrait en entreprendre
incontinent les travaux, qui sont totalement indépendant des autres. De
Beauraing à Neupont, au contraire, il n’y a ni plan ni nivellement de faits, et
il s’écoulerait évidemment plusieurs mois avant de les obtenir. Vous voyez donc
qu’à cet égard on s’est encore grandement trompé.
Messieurs, la
question de la route de Dinant à Neufchâteau a été longuement débattue sous le
gouvernement hollandais. Alors, comme aujourd’hui, l’on savait qu’il en eût
coûté moins par Beauraing que par Vignée. Cette dernière direction eût sans
doute été adoptée, s’il se fût agi simplement d’ouvrir une route de Dinant à
Neufchâteau ; mais la question a été envisagée sous un point de vue plus élevé.
La route de
Falmignoul à Beauraing était d’une utilité indispensable ; elle devait (quelques mots sont illisibles) cette
communication a été laissée aux états provinciaux, qui se sont empressés de la
faire ouvrir à leurs frais. C’est une bonne opération, qui met en relation une
grande partie des Ardennes avec la Meuse, Dinant et l’intérieur du pays ; car,
au-delà de Beauraing, surtout vers Lomprez, le sol est tel que, pendant onze
mois de l’année, les communications vicinales sont praticables. C’est entre
Beauraing et Falmignoul que les difficultés existaient ; elles auront bien
cessé.
La route de Dinant
par Vignée, au contraire, devait rapporter peu, comparativement à la dépense.
C’eût été une mauvaise spéculation d’argent. Le gouvernement seul pouvait
entreprendre ce travail, parce que pour l’Etat il n’est pas indispensable
qu’une nouvelle route rapporte 4 ou 6 p. c. des fonds qui y sont employés ; il
suffit, pour ouvrir un nouveau débouché, qu’il traverse un pays qui doive en
retirer de grands avantages sous le rapport du commerce et surtout de
l’agriculture. Ce n’est pas exagérer que d’affirmer que la route de Dinant à
Neupont par Vignée augmentera de cent florins par hectare la valeur de six
lieues de longueur sur deux de largeur, ou 12 lieues carrées, ou trente mille
hectares, ce qui produit une plus-value de trois millions de florins.
C’est sous ce rapport
que la plupart des nouvelles communications à ouvrir dans les provinces de
Liége, Namur et Luxembourg, doivent être considérées, notamment celle de Dinant
à Neupont par Vignée, qui traverse un pays actuellement inabordable, désert,
inculte, et qui, en moins de dix années, sera infailliblement peuplé et cultivé.
Il faut savoir
comprendre ces choses-là, et se mettre au-dessus des petites intrigues qui
s’ourdissent dans l’intérêt particulier, au détriment de l’intérêt général.
Messieurs, avant de
finir, je dirai que les deux pétitions, dont je viens de réfuter les
allégations, ne méritent point votre attention. Celle qui est signée par
plusieurs négociants de Neufchâteau doit être considérée comme non avenue
depuis la réception de la pièce arrivée à la chambre au commencement de la
séance. Veuillez, je vous prie, en entendre la lecture. (L’orateur donne
lecture d’une pétition qui demande qu’on continue les travaux par Vignée.)
La
seconde pétition est présentée par les autorités municipales de deux communes
qui se trouvent entre Beauraing et Neupont, et dont le territoire serait
traversé par la route qu’elles sollicitent. C’est assez en dire, je pense, pour
vous faire comprendre que la démarche n’est pas tout à fait désintéressée.
Je bornerai là mes
observations, et vous laisserai juger, messieurs, s’il convient ou non de
condamner les deux pétitions dont il s’agit à l’ordre du jour.
(Moniteur belge n°179, du 11 décembre 1831) M. Pirson. - Je demande la parole pour un
fait personnel.
M.
d’Huart. - Je n’ai rien dit de personnel.
M.
Pirson.
- Le préopinant a parlé d’intérêts personnels ; moi je n’en avais pas dit un
mot, et j’aurais pu en parler cependant. On a dit que l’intérêt fait agir ceux
qui demandent l’ouverture de cette route. Si on a voulu parler de moi, on a eu
tort ; car je n’ai pas de propriétés de ce côté-là, tandis que, sur l’autre, M.
le grand-maréchal du Palais a toutes les siennes, ainsi que M. l’ingénieur en
chef M. d’Urbau.
M.
d’Huart. - Je puis assurer à la chambre qu’il n’entre pas
dans mes vues de faire de la personnalité contre qui que ce soit. Cependant,
puisque M. Pirson a parlé de M. Urbau, je puis dire que cet ingénieur n’avait
pas ses propriétés sur cette route quand elle a été ouverte.
M. le ministre
de l’intérieur (M. de Theux). - Les deux pétitions ont pour objet de
demander l’achèvement de la route de Falmignoul à Beauraing. Cette route étant
une route provinciale, c’est aux états provinciaux à décider ce qu’il est
convenable de faire.
Quant à la route de
Beauraing à Lomprez, le gouvernement n’a pas encore tous les renseignements
nécessaires pour en apprécier l’utilité ; et, pour ce qui est de celle de
Dinant à Neufchâteau, la dépense étant déjà à moitié faite, c’est une question
grave que celle de savoir si on l’abandonnera. Cette question fera l’objet d’un
mûr examen de notre part. Toutefois, et vu les réclamations qui s’élèvent, on
ne délivrera plus de mandats pour les dépenses à la continuation, jusqu’à ce
que la question ait été décidée.
M.
Zoude
lit un discours dans lequel il combat les calculs présentés par M. d’Huart, et
appuie le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Pirson. - Je demande la
parole. (Non ! non ! Aux voix ! aux voix
!)
M.
Barthélemy. - Je demande à faire une motion d’ordre.
Messieurs, les questions dont il s’agit sont toutes des questions de faits qu’il
nous est impossible de juger. Tout ce que vous ont dit les orateurs qui
viennent de parler ne nous a rien appris, et tout ce qu’on vous dirait encore
ne nous apprendrait pas davantage ; que la pétition soit renvoyée au ministre,
car le gouvernement seul est capable de trancher la difficulté ; mais
finissons-en ici, car sans cela nous allons discuter comme dans un marché aux
pommes (hilarité générale) des
questions de faits tout particuliers.
M. Pirson. - Messieurs, le
préopinant a dit que le ministre, M. de Muelenaere, avait dit qu’un député
avait écrit à l’entrepreneur de la route. Ce député, c’est moi, messieurs. Je
ne sais pas comment la lettre est parvenue à M. le ministre ; mais ce que je
sais, c’est qu’on m’écrivit, non en ma qualité de député, mais en ma qualité de
commissaire de district, et on me dit que j’avais outrepassé mes pouvoirs. Je
répondis que, voulant donner au gouvernement des renseignements précis, je
croyais avoir le droit d’en demander moi-même comme bon me semblerait, et c’est
ce que je crois encore. J’ai prouvé par ma réponse que les commissaires de
district sont des hommes consciencieux, et non des instrument aveugles et
serviles du pouvoir.
- Les conclusions de
la commission sont adoptées.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Trois habitants de Waereghem,
arrondissement de Courtray, demandent que leur commune soit érigée en chef-lieu
de canton. »
- Renvoi au ministre de
la justice et dépôt au bureau des renseignements.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « François Poirson, propriétaire à Walcourt,
se plaint de ce que le gouvernement provincial de Namur a rejeté, comme
tardive, la déclaration qu’il a faite le 25 août, conformément à l’article 133
de la constitution. »
- La pétition est
renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Nicolas Kellen expose que la
privation de ses deux fils, qui sont sous les drapeaux de la garde civique à
Bouillon, l’expose à la mendicité ; que d’ailleurs la séparation de sa commune
d’avec la Belgique étant un fait accompli, selon lui, il prie la chambre
d’ordonner le renvoi dans leurs foyers de ses deux garçons. »
D’après l’article 22
de la loi sur la garde civique, un des fils du pétitionnaire a droit d’être
exempté du service ; le pétitionnaire n’a pour cela qu’à s’adresser au conseil
de révision ; en conséquence, la commission propose l’ordre du jour.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Les
bourgmestres et échevins de la ville de Durbuy prient la chambre de rapporter
dans tout son entier la loi du 28 novembre 1818, et de faire payer par toutes
les provinces les frais d’entretien des pauvres au dépôt de mendicité.
La commission propose
le dépôt au bureau des renseignements.
M.
Seron. - Je demande le renvoi au ministre de
l’intérieur.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, le gouvernement ne devrait pas se
borner à examiner l’arrêté du 28 novembre 1818, mais il devrait supprimer tous les
dépôts de mendicité. Il existe en Belgique plus d’un million d’hommes dans une
constante indigence : avons-nous des locaux et des ressources suffisantes pour
entretenir un aussi grand nombre de mendiants ? Au surplus, incarcérer un homme
parce qu’il mendie me paraît un attentat à la liberté individuelle ; pareilles
lois sont inconstitutionnelles. Je pense qu’il y a de l’inhumanité, je dirai
même de la cruauté, à mettre en prison des vieillards et des infirmes, parce
qu’ils demandent un morceau de pain.
Le philosophe qui s’avisera un jour d’écrire
l’histoire de la barbarie des peuples civilisés ne manquera pas de matériaux.
D’après ces
considérations, je demande le renvoi au ministre de l’intérieur, afin de
prendre des mesures philanthropiques et d’examiner mûrement la question. Elle
en vaut bien la peine. Il est parvenu à ma connaissance que dans la commune de
Rumbeke, Flandre occidentale, une mendiante s’est permis un petit vol, afin
qu’on la mît en prison ; elle évita par là d’entrer dans un dépôt de mendicité,
où bien souvent les mendiants sont plus malheureux que dans les maisons de
détention.
M.
H. de Brouckere. - Je ferai remarquer d’abord que c’est à tort
que le préopinant qualifie d’arrêté la disposition contre laquelle il s’élève.
C’est une loi et non un arrêté. Il critique ensuite l’arrestation des gens qui
sont trouvés mendiant, et qui n’ont pas des moyens d’existence, et il qualifie
cette arrestation d’illégale ; cette arrestation n’a rien d’illégal, elle est faite
au contraire en vertu de la loi. Quant aux dépôts de mendicité dont il critique
la tenue, le préopinant est dans l’erreur. Ces dépôts sont parfaitement tenus ;
je peux lui en donner l’assurance, car il y a peu de jours que j’ai visité le
dépôt de la Cambre.
- Après une discussion sur les dépôts de
mendicité, sur les avantages et les vices de la loi de 1818, et sur l’avantage
et les inconvénients du système consacré par cette loi, tant à l’égard des
pauvres qu’à l’égard des enfants trouvés, discussion à laquelle ont pris part M. le
ministre de l’intérieur (M. de Theux), M. Mary, M. Barthélemy, M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) et M. Pirson, qui
tous ont appuyé le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, ce
renvoi est ordonné.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « M. Ch. Berré, d’Anvers, réclame de la
chambre son intervention pour obtenir l’exemption de son fil Jos. Constantin,
qui appartient à la milice de 1829. »
- Renvoi à M. le
ministre de la guerre.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Diepenbeek, à Bruxelles, réclame
en faveur de son fils, milicien de 1831, et demande qu’il plaise à la chambre
de vouloir mettre les dispositions de la loi du 8 janvier 1817 en harmonie avec
la position dans laquelle se trouvent les miliciens qui ont droit à l’exemption
du service. »
- Renvoi à M. le
ministre de la guerre.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Plusieurs habitants d’Uccle se plaignent de
ce que M. Coghen, ministre des finances, a joint à une propriété qu’il possède
dans leur commune un chemin qu’ils prétendent être communal. »
Les pétitionnaires
auraient dû s’adresser aux tribunaux ; en conséquence, la commission vous
propose l’ordre du jour.
M.
le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, mon nom
étant signalé dans la pétition, la chambre me permettra de lui donner de courtes
explications. Au commencement de 1830, je proposai à la commune d’Uccle
d’acheter un chemin qui ne lui était pas nécessaire et qui était à ma
convenance. Une enquête de commodo et incommodo fut faite, la vente fut
approuvée, les formalités nécessaires en pareils cas furent remplies, et je fus
mis en possession. J’ai payé cette propriété 7 ou 8 fois sa valeur ; et, en
outre, j’ai fourni à la commune un autre chemin qui traverse 7 ou 8 arpents de
ma propriété. Je ne comprends pas, je l’avoue, le but des pétitionnaires.
- La chambre passe à
l’ordre du jour.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Six marchands de vins, à Mons, demandent
que la chambre rapporte la loi du 31 mars 1828 sur les vins, promulguée dans
l’intention de favoriser le commerce hollandais, et que le tarif des droits
d’entrée par terre soit égal au tarif d’entrée par mer. »
La commission juge
cette pétition digne de toute l’attention de la chambre ; elle en propose le
renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
M.
Pirson
rappelle le projet de loi présenté au congrès par M. François, et ayant pour
but de rendre égaux les droits payés à l’entrée des vins, soit qu’ils arrivassent
par mer, soit qu’ils entrassent en Belgique par les frontières de France. Il
soutient que l’inégalité du droit constitue une inconstitutionnalité, car elle
crée un privilège en faveur des habitants voisins de le mer au préjudice de
ceux qui en sont plus éloignés. Il demande que l’égalité du droit soit établie
pour tous.
M.
Seron. - J’ajouterai à ces observations que les
eaux-de-vie qui peuvent venir par eau ne le peuvent pas par terre d’après la
loi.
M. A. Rodenbach. - Je ne partage pas
l’opinion du préopinant ; le temps n’est point encore venu de protéger
mercantilement la France, qui s’obstine à repousser nos bestiaux et nos toiles
en les imposant d’une taxe de douanes excessivement élevée. Depuis peu, la
France a pris une mesure contraire à notre industrie, en faisant confectionner
les fournitures de ses troupes en toile de coton. Un journal annonce
aujourd’hui que le général Belliard a demandé à notre gouvernement des
renseignements à l’effet de proposer des relations commerciales sur des bases
larges, libérales, et nécessairement avantageuses aux deux pays.
Tout porte à croire
que la révolte des ouvriers en soie, de Lyon, a ouvert les yeux de la chambre
française, qu’elle cherche à s’éclairer, et qu’elle abandonnera son système
prohibitif, véritable cause de la détresse des ouvriers français ; car ce n’est
qu’en 1822, époque où Saint-Cricq renforça son système prohibitif, que
l’Allemagne et la Belgique adoptèrent des mesures de représailles. Ce fut sur
les vins et sur les soieries que retombèrent les premiers coups de la
vengeance.
M.
Pirson.
- Je sais très bien que, la France ayant mis un fort droit sur les bestiaux,
par représailles, le roi Guillaume frappe les vins d’un très fort droit ; mais
c’est nous, habitants des frontières, qu’il frappa en voulant user de
représailles envers la France. Au surplus, si on ne veut pas favoriser la
France en ce moment-ci, cela ne doit pas empêcher d’égaliser le droit ; qu’on
frappe du droit payé à la frontière de tous les vins qui arrivent par mer, par
là personne n’aura à se plaindre.
M. Dumortier. - Je suis tout à
fait de l’avis du préopinant ; il faut frapper d’un droit égal l’entrée du vin,
n’importe par où il arrive. Je conçois qu’il y aurait imprudence en ce
moment-ci de favoriser la France, quand elle maintient au même taux son tarif
sur nos toiles et nos bestiaux ; mais il est certain que l’injustice choquante
qui existe par rapport aux droits sur les vins ne saurait subsister plus
longtemps. Tous les Belges doivent être égaux devant la loi, et ils sont traité
fort inégalement. En effet, un habitant de Mons voudra faire entrer des vins de
Champagne, par exemple : il sera obligé de payer des droits exorbitants à
l’entrée. Comment veut-on qu’il soutienne la concurrence avec un habitant de
Courtray, qui n’aura payé que des droits bien moindres en faisant venir son vin
par mer ? Cela est impossible. Je demande qu’on mette sur les vins le même droit
partout, et que le tarif fixé pour les frontières de terre soit appliqué à
l’entrée des vins arrivant par mer. J’y insiste d’autant plus que la fraude du
vin n’étant pas facile, on peut le frapper d’un droit plus fort.
M.
le ministre des finances (M. Coghen). - Maintenant,
messieurs, que l’état du pays est fixé, on pourra s’occuper d’améliorer la
situation intérieure. Déjà on fait la révision du tarif des douanes, et dans peu,
j’espère, on vous présentera un travail qui satisfera tout le monde. (Bien ! bien !)
- Les conclusions de
la commission sont adoptées.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Piérard, avocat à Thuin, signale à
la chambre comme illégal et inconstitutionnel l’arrêté de M. le gouverneur du
Hainaut, relatif au tirage pour le premier ban de la garde civique, et fournit
des observations à l’appui. »
La commission propose
le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M.
Gendebien. - Une pétition semblable lui a été renvoyée, il
y a quelque temps ; il pourrait peut-être nous donner des explications à cet
égard.
M. le ministre de l’intérieur
(M. de Theux). - Messieurs, aussitôt que la pétition dont le
préopinant vient de parler me fut parvenue, elle fut adressée à M. le
gouverneur de la province du Hainaut pour qu’il fournît des renseignements, et
voici sa réponse :
Ici, l’orateur lit
une lettre de M. le gouverneur, dans laquelle celui-ci explique l’embarras dans
lequel il s’est trouvé pour le tirage au sort des compagnies qui devaient
partir, le décret du congrès n’ayant rien prescrit à ce sujet ; il ajoute qu’il
n’a procédé comme il l’a fait que parce que les chefs de légion eux-mêmes lui
en avaient témoigné le désir, et que d’ailleurs ce mode lui a paru le plus
équitable et celui qui prêtait le moins à l’arbitraire.
Cette pièce, ajoute M. le ministre, ne m’est
parvenue qu’avant-hier. J’ai aussitôt examiné le décret du 15 avril, et j’ai vu
qu’en effet ce décret ne décidait pas de quelle manière doit être tiré le sort.
S’il s’agissait aujourd’hui de prescrire un mode de tirage, ce n’est certes pas
celui de M. le gouverneur du Hainaut que je choisirais ; j’aimerais mieux que
le tirage se fît par compagnie. Mais aujourd’hui tout est consommé, les gardes
sont sous les armes. Ce serait porter dans les bataillons une perturbation
complète que de revenir là-dessus. Mais si le cas se présentait de nouveau, je
le répète, ce n’est pas ainsi que l’on procéderait.
M. Pirson. - Le renvoi proposé
par la commission devient inutile, puisque M. le ministre interprète la loi
comme nous.
M. Gendebien. - Lorsqu’il y a 15
jours, la question se présenta à la chambre, je pensais, à la simple lecture de
la pétition, qu’il y avait inconstitutionnalité dans la manière dont avait
procédé le gouverneur du Hainaut. J’insistai cependant sur l’embarras que devaient
éprouver les gouverneurs, d’après le silence de la loi, et je dis que ce
silence nous mettait dans la nécessité d’accorder un bill d’indemnité. Mais,
pour qu’à l’avenir nous ne fussions pas obligés d’accorder encore des bills
d’indemnité, je demandai à M. le ministre de l'intérieur qu’il nous présentât
une loi pour régler le mode de tirage au sort. On n’a pas présenté ce projet, et nous voilà aussi
peu avancés qu’auparavant. Je veux bien accorder un bill d’indemnité pour
aujourd’hui encore, si la chambre le veut ; mais je déclare que je n’en
accorderai plus à l’avenir. Qu’on ne mette pas plus longtemps les gouverneurs
dans l’embarras et dans la nécessité de violer la constitution ou de laisser
les lois inexécutées.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - J’aurai l’honneur de proposer tout à l’heure
à la chambre un projet de loi pour autoriser le gouvernement à continuer la
mobilisation de la garde civique. J’avais pensé d’abord à mettre dans ce projet
une disposition pour régler le mode de tirage ; mais M. le ministre de la
guerre m’a fait observer qu’il ne fallait pas priver le gouvernement de la
faculté d’employer les compagnies les plus exercées. Quant à l’inconvénient
signalé et qu’il s’est présenté dans le Hainaut, il ne se renouvellera plus,
parce que des mesures seront prescrites pour que le tirage ait lieu autrement.
M.
Gendebien. - Il résulte de ce que vient de dire M. le
ministre que l’on ne pourrait pas confier au sort le soin de désigner les
compagnies ; car les plus exercées seront toujours obligés de partir ; mais
c’est tuer l’émulation, c’est punir le zèle et l’activité pour récompenser la
négligence. C’est encourager les négligents à le devenir davantage, car on ne
voudra pas s’instruire de peur d’être obligé de partir. Si c’est ainsi que les
ministres entendent la chose, je les plains ; mais je plains encore plus la
nation d’être administré par de tels hommes.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ce que vient de
dire le préopinant mérite une réponse. Vous tuez, dit-il, l’émulation, vous
récompensez la négligence. Non, messieurs, nous ne récompensons pas la
négligence ; car ce n’est pas par un caprice que l’on a été forcé d’agir ainsi,
mais par la force des circonstances. Des compagnies étaient plus instruites que
les autres, parce que, n’ayant pas des armes pour tout le monde, on n’a pu en
donner qu’à quelques-uns ; et ceux-là, naturellement, étaient plus instruits.
Fallait-il, quand l’ennemi était à nos portes, nous priver, sous prétexte
d’équité, de ces hommes qui pouvaient être utiles à l’instant, pour ne prendre
que des hommes incapables de servir ? Non sans doute. Voilà la cause de ce qui
a été fait. Mais à l’avenir, le gouvernement ayant des armes pour tout le
monde, les choses se feront d’une manière plus équitable.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, les
observations de M. Gendebien seraient justes, prises d’une manière absolue ;
mais elles sont loin de l’être quand on ne veut pas faire abstraction des
circonstances. D’abord, il est certain que la loi sur la garde civique est
défectueuse en bien des points, et qu’elle doit être révisée. Mais, si l’on
veut être équitable, ce n’est pas par compagnies que l’on doit tirer au sort,
c’est par homme ; il n’y a que cette seule manière de ne faire injustice à
personne. La loi pourrait devra le régler ainsi pour l’avenir ; mais, dans les
circonstances où nous nous sommes trouvés, des armes ayant été distribuées aux uns et par aux autres, il a fallu prendre les
hommes les plus instruits. Chacun sent la raison qui nous y a déterminés, et il
serait ridicule de prétendre que le gouvernement a été injuste. Il lui fallait
un certain nombre d’hommes ; il les a pris là où ils étaient. Le besoin était
pressant. Il ne faut pas penser que le gouvernement soit injuste pour le
plaisir de l’être. Que lui importe, en effet, que ce soit tel individu ou tel
autre qui parte ! L’essentiel pour lui est d’avoir les hommes doit il a besoin.
M. Destouvelles. - Une vérité résulte
évidemment de la discussion, c’est qu’il y a lacune dans la loi, et qu’il est urgent
d’y remédier par une autre loi.
M.
Gendebien fait remarquer qu’il a consenti à donner un bill
d’indemnité pour le passé, vu les circonstances ; mais il demande qu’on fasse
une loi pour que les choses ne se passent plus ainsi à l’avenir.
- Les conclusions de
la commission sont mises aux voix et adoptées.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Treize raffineurs de sucre, à Gand,
réclament : 1° contre l’arrêté du 4 février dernier, permettant le transit des
sucres étrangers en Belgique, et signalent les abus qui en résultent ; et 2°
demandent la révocation de cet arrêté et quelques modifications à l’article 35
de la loi sur les sucres.
- Renvoi au ministre
des finances et à la commission d’industrie.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Walt, à Sclayn, énumère les
services qu’il a rendus à la cause de la révolution, réclame de ce chef
quelques avances faites par lui, et attend la récompense de ses
services. »
- Renvoi au ministre
de la guerre.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Van Bfervliet, à Cortemarck,
réclame : 1° la médaille qui avait été promise sous l’ancien gouvernement aux
chirurgiens et médecins pour vaccination gratuite ; 2° dans une deuxième
pétition, le même propose que l’autorité fasse afficher et publier dans tout le
royaume les lois et mesures de police sanitaire, avec quelques instructions
pour se préserver du choléra. »
- La chambre passe à
l’ordre du jour.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur
Quanonne Goudeman, commissionnaire de roulage à Gand, adresse un mémoire à la
chambre, où il signale un abus relatif au droit d’exploration sur le fil de lin
écru. »
La commission propose
le renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
M.
A. Rodenbach. - J’appuie d’autant plus le renvoi, que je
viens d’apprendre que les Anglais accaparent les trois quarts du lin qui se
trouve en Belgique. Dans le district de Courtray, un Anglais en a acheté à lui
seul pour 80,000 florins, et il a dit que bientôt, grâce à leurs mécaniques,
ses compatriotes vendraient la toile à 30 p. c. de moins que les Belges. J’ai
appris aussi que déjà l’Angleterre fournit à l’Espagne les toiles dites de
Brabant à 12 p. c. au-dessous du prix auquel on pourrait les fournir en
Belgique. Cela provient de la facilité que l’on trouve à l’exportation. Les
lins ne paient que 4 p. c. à la sortie ; c’est trop peu. Je suis partisan de la
liberté du commerce ; mais il faut prendre garde, avec un système trop
généreux, de ne pas ruiner notre industrie au profit de l’Angleterre.
M. F. de Mérode. - Il me semble que
le meilleur moyen, pour cela, serait d’introduire dans notre pays des machines
anglaises. (Rire et agitation.)
- Le renvoi proposé
par la commission est ordonné.
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Le major B. de Valenthiennes supplie la
chambre, vu l’intention de M. le ministre de la guerre de ne pas faire droit à ses
réclamations, de lui faire payer ses appointements arriérés du 25 août à ce
jour, avec invitation à M. le ministre de la guerre de le mettre en activité ou
en disponibilité, étant breveté par le décret du régent du 12 avril 1831.
On vient de me
remettre, de la part de M. le ministre de la guerre, dit M. le rapporteur, un
mémoire explicatif que voilà : il est très volumineux, et je n’ai pas eu le
temps de le communiquer à la commission. Je demande que la chambre veuille bien
ajourner le rapport de la pétition à huitaine.
M.
Gendebien. - Je suis loin de provoquer une discussion
séance tenante : je sais que la question est délicate et mérite un mûr examen,
mais je ne pense pas qu’il faille renvoyer à un si long délai. Les pétitionnaires
ont faim, et il est juste qu’ils sachent bientôt si on leur accordera ou non le
pain qu’ils ont mérité en combattant pour la liberté. Je demande le renvoi à
demain.
- Ce renvoi est
ordonné.
________________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Les communes de Wanzeel, Hofstude,
Baveghem, Meldert, Impe, Lede, Smetade et Erpe, district d’Alost, demandent
que, lors de la nouvelle organisation judiciaire, il soit établi un tribunal de
première instance dans la ville d’Alost. »
La commission demande
et la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
La séance est levée à
quatre heures.