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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 4
novembre 1831
Sommaire
1) Fait personnel : demande adressée au
président par M. Pirson de ne plus remonter au bureau (de
Gerlache)
2) Rapport sur des pétitions relatives,
notamment, pétitions relatives à une pension (Dumortier,
H. de Brouckere, Devaux), à
la levée des miliciens de l’année 1826 (+ droit exclusif accordé au Roi de
promulguer les lois) (Dumortier, Ch.
Vilain XIIII, H. de Brouckere, Raikem, Gendebien), aux
accusations portées par le ministre de la guerre contre un intendant militaire
lors de la passage d’un marché de vivres (Brunfaut) (Gendebien,
Jonet, Barthélemy, Le Hon, Legrelle, Dubus,
Gendebien, de Theux, H. de Brouckere). Principe du renvoi d’une pétition
uniquement en cas d’absence de réponse d’un ministre (H.
de Brouckere, Ch. Vilain XIIII), pétition relative à
la désignation des responsables du désastre militaire d’août 1831 (Devaux, Dumortier), à l’ophtalmie
militaire (Lubin). Nécessité de résumer les pétitions (TM) (C. Rodenbach, Boucqueau de
Villeraie, Dumortier, Lebeau),
pétition relative aux los-renten (Mary, Osy,
Angillis), Nécessité de réduire le nombre de rapports
de pétitions dans une seule séance (Devaux), pétition
relative au transit du sucre (Jamme, de
Nef, Dumortier)
Fait personnel : demande adressée au
président par M. Pirson de ne plus remonter au bureau (de
Gerlache, de Theux, d’Huart,
Raikem, Legrelle)
(Moniteur belge n°144, du 6 novembre 1831)
(Présidence de M. Destouvelles.)
La séance est ouverte
à une heure moins un quart.
M. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance. Il est adopté.
M.
Jacques fait l’appel nominal. Il donne ensuite l’analyse de
plusieurs pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. le président. - L’ordre du jour est le rapport de la
commission des pétitions.
FAIT PERSONNEL
M. de Gerlache. - Un membre ayant
lancé dans le public une lettre par laquelle il m’engage à ne plus remonter au
bureau, j’attendrai jusques à la fin de la séance pour prendre la parole, dans l’espérance
que ce membre ne sera pas alors absent. (Marques
d’étonnement.)
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
M.
Jonet,
rapporteur des pétitions, est à la tribune ; il lit le rapport que M. Delehaye,
qui est indisposé, devait présenter.
Les pétitions, dont
le rapporteur rend compte, ne présentent aucun intérêt : la commission propose
le renvoi au bureau des renseignements et à M. le ministre de la justice, d’une
pétition d’une dame de La Haye, qui demande une pension en faveur des services
rendus par son mari, qui a exercé pendant 30 ans les fonctions de procureur du
roi.
M. Dumortier. - En ordonnant le
renvoi à M. le ministre de la justice d’une pétition qui me paraît d’un intérêt
purement personnel, nous nous constituons les porteurs de lettres des
pétitionnaires. Je demande donc que le renvoi au ministre ne soit ordonné que
quand il y aura infractions aux lois, ou quand il s’agira d’une question
d’intérêt public.
M.
H. de Brouckere. - Je crois que l’honorable M. Dumortier a mal
compris les intentions de la commission, qui n’a proposé le renvoi au ministre
que pour s’éclairer lorsqu’il proposera une loi relative aux pensions à créer
pour les veuves des magistrats. Il s’agit donc plus que d’un intérêt personnel
à la pétitionnaire.
M.
Devaux
partage l’avis de M. H. de Brouckere.
- Le double renvoi
est ordonné.
M. Jonet, rapporteur. « La dame Rasquinet, de Liége, demande un congé
pour son fils, milicien de 1826, incorporé dans le 8ème de ligne. »
- La commission
propose l’ordre du jour.
M. Dumortier. - Nous avons voté
une deuxième loi relative aux miliciens de 1826. Cette loi n’a pas été
promulguée ; je demande qu’elle le soit.
M. Ch. Vilain XIIII. - Il me semble que
cette proposition est tout à fait inconstitutionnelle. En effet, un article de
la constitution dit : « Le Roi sanctionne les lois et en fait la
promulgation. » Mais il doit être entendu, par là, que le Roi ne
sanctionne et ne promulgue une loi que quand il le veut.
M. Dumortier. - Mais nous avons
voté deux lois sur les miliciens de 1826 ; nous n’avons voté la seconde que
parce qu’elle était le complément de l’autre, et que nous entendions qu’elle
serait aussi promulguée.
M. H. de Brouckere fait remarquer que
la chambre n’a pas voté conditionnellement, et il soutient l’opinion de M.
Vilain XIIII.
M. Dumortier. - Nous avons voté
la seconde loi comme étant le complément de la première, et le gouvernement devrait
le promulguer pour être conséquent avec lui-même.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, il y a
trois branches qui forment le gouvernement constitutionnel. Pour l’adoption
d’une loi, il faut le concours unanime de ces trois branches du pouvoir, et
chacune d’elles a la faculté d’adopter ou de rejeter toute espèce de loi. Une
première loi avait été promulguée relativement aux miliciens de 1826. On avait
dit qu’on prendrait des mesures relatives aux personnes remplacées, et la
chambre a voté une disposition à cet égard. On a cru ensuite qu’il y avait
encore une lacune, et on a voté une seconde loi. Je ne crois pas que cette
lacune existait. Dans tous les cas, ce serait à l’un de mes collègues à
s’expliquer sur ce point ; mais je ne crois pas qu’il en soit besoin, car le
Roi a la faculté de promulguer ou de ne pas promulguer une loi.
M.
Gendebien. - Messieurs, puisque le gouvernement use de son
droit, nous devrions aussi user du nôtre. Afin de ne pas nous laisser entraîner
à voter à l’improviste des lois sous prétexte d’urgence, il fait y mettre tout
le calme et tout le temps nécessaire. La loi dont il s’agit a été trouvée juste
par les deux chambres ; il me semble que le gouvernement devrait la trouver
juste aussi.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem). - J’ai dit que ce
n’était pas à moi de répondre sur ce point ; cependant, d’après les
renseignements que j’ai recueillis, je ne crois pas que la loi soit nécessaire,
et je pense qu’elle a été exécutée d’avance.
- L’ordre du jour
proposé par la commission est adopté.
______________
M. Corbisier, second rapporteur,
est appelé à la tribune. Il fait le rapport de plusieurs pétitions, parmi
lesquelles nous avons remarqué les suivantes :
« Le sieur Wiet,
de Maestricht, demande une indemnité pour les dégâts causés à sa maison par les
volontaires du général Mellinet. »
- Cette pétition est
renvoyée au ministre de l’intérieur.
______________
M. Corbisier, rapporteur. - « Mlles
A.-S. et Adèle Van Gostel, de Bruxelles, réclame une indemnité pour la perte de
leur mobilier pendant les journées de septembre 1830. »
La commission propose
le renvoi au ministre de l’intérieur.
- Ordonné.
______________
M. Corbisier, rapporteur. - « Plusieurs
distillateurs de Namur prient la chambre de s’occuper d’un nouveau projet de
loi sur les distilleries.
- Après une légère
discussion, la pétition est renvoyée au ministre des finances et à la
commission d’industrie et de commerce.
______________
M. Corbisier, rapporteur. - « Le sieur
F.-I. Brion, fermier de Lodelinsart, demande que les redevances fixes et
proportionnelles sur les mines soient remplacées par un droit de patente.
- La pétition est
renvoyée, après une courte discussion, au ministre des finances et à la
commission d’industrie.
M. Thienpont, troisième
rapporteur. - Parmi les quatre pétitions dont M. Thienpont rend opte, une seule
fixe l’attention.
« Lesieur
Brunfaut, intendant militaire, dans un mémoire imprimé et distribué aux
membres, se défend des imputations qu’il prétend lui avoir été adressés par le
ministre de la guerre dans la séance du 28 septembre dernier, et demande une
enquête si les faits qu’ils soumet, et les pièces déposées à l’appui, ne
justifient pas sa conduite. »
La commission propose
l’ordre du jour.
M.
Gendebien entre dans de longs détails sur la vie de M.
Brunfaut, qui s’est toujours montré aussi brave soldat que bon citoyen, et qui
a donné à la révolution belge de nombreux gages de son patriotisme.
J’ai lu, messieurs,
continue l’honorable M. Gendebien, le mémoire justificatif de M. Brunfaut. Il
me paraît détruire l’impression défavorable qu’auraient pu produire les
allégations de M. le ministre de la guerre. Je vais vous expliquer en peu de
mots ce dont il s’agit, pour vous prouver que les conclusions de la commission
ne sont pas en harmonie avec la demande qui vous est faite, et que vous ne
pouvez repousser par l’ordre du jour la pétition soumise à votre décision.
Au mois de janvier
dernier, M. Brunfaut fut chargé, par suite des ordres que lui transmit
l’intendant militaire en chef, de contracter un marché d’urgence pour
l’approvisionnement de la place de Namur. Le marché fut passé, et plus tard un
rapport d’un auditeur fit connaître que le sieur Brunfaut n’avait pas rempli
les formalités d’usage. De là, messieurs, les imputations dirigées contre le
pétitionnaire par M. le ministre de la guerre. J’ai pris, messieurs, des
renseignements, et il est résulté de mes recherches que les marchés d’usage
sont toujours passés sans formalités, et que dès lors le contractant n’a manqué
à l’exécution d’aucune d’elles. Je regrette que la commission, avant de passer
à l’ordre du jour, ne se soit pas donné la peine d’examiner ce rapport, qui
aurait servi l’intelligence du mémoire
justificatif fourni par le pétitionnaire. Il me semble que, quand il s’agit de
l’honneur d’un citoyen, on ne saurait s’environner de trop de lumières avant de
prendre une décision. Le ministre de la guerre n’a pas craint d’accueillir trop
légèrement le rapport de M. l’auditeur militaire, et de jeter plus légèrement
encore le blâme sur l’intendant de Namur. Car bien que ce soit sous ce titre
que M. Brunfaut ait été désigné, il a pu facilement se reconnaître sous cette
désignation. J’ajouterai que l’intendant militaire de Liége a opéré de la même
manière que M. Brunfaut et d’après les mêmes ordres, et aujourd’hui, loin d’avoir
encouru la censure du ministre, il a remplacé le pétitionnaire à Namur. Le seul
motif de cette préférence, c’est sans doute l’importance des services rendus à
la révolution par M. Brunfaut. Mais il y a plus : ce qu’on reproche à l’accusé
pourrait à bien plus juste titre retomber
sur son accusateur, qui est chargé de la haute surveillance sur les intendances
militaires. Un marché avait été contracté jusques au mois de décembre 1831,
pour les vivres de la garnison d’Anvers, à raison de 24 cents et demi par
ration ; eh bien ! au mois de septembre, sans les formalités préalables (car il
ne s’agissait pas alors d’un marché d’urgence), sans adjudication publique, sans
affiche, le marché a été cassé, et un autre a été contracté à 25 cents par
ration. Le fournisseur a reçu, malgré cette différence, des cents trois quart
50,000 florins d’avance, et je puis affirmer que des offres ont été faites pour
passer le marché à raison de 23 cents avec toutes garanties ; ces offres ont
été rejetées. Ces explications, messieurs, doivent vous faire comprendre la
justice de la demande de M. Brunfaut ; il croit que son honneur exige une
justification qui, comme l’accusation, ait sa publicité, et c’est pour arriver
à ce but qu’il demande une enquête.
M. Jonet, membre de la
commission, nie qu’elle soit investie du droit de provoquer une enquête.
M.
Barthélemy, qui donne quelques nouveau détails sur les faits
soumis par le pétitionnaire, demande qu’on renvoie à M. le ministre de la
guerre le mémoire justificatif du sieur Brunfaut, afin que le ministre puise se
convaincre qu’il a été induit en erreur par les renseignements fournis par
l’auditeur militaire, et que M. Brunfaut obtienne la justification à laquelle
il a droit. (Appuyé.)
M.
le Hon.
- La commission n’a pu vous proposer que l’ordre du jour. L’enquête demandée par
le pétitionnaire ne peut avoir lieu que par des motifs d’intérêt public, et la
chambre ne peut s’écarter de ses précédents pour faire droit à la pétition du
sieur Brunfaut, qui a trouvé une justification satisfaisante dans les
témoignages honorables que plusieurs de nos collègues lui ont rendus. Quant au
renvoi au ministre de la guerre, je ne sache pas qu’il pourrait amener aucun
résultat, ni satisfaire même le pétitionnaire. Voulez-vous que le ministre de
la guerre vienne déclarer dans cette enceinte qu’il a été induit en erreur, et
que dans ses allégation sur le sieur Brunfaut (manque quelques mots) je ne crois pas, et je demanderai l’ordre du
jour.
M. Legrelle combat l’opinion du préopinant, et pense que M.
le ministre de la guerre peut et doit venir justifier un homme dont l’honneur a
été attaqué. L’orateur soutient que c’est un devoir de la chambre que de faire
réparer le préjudice apporté à la réputation d’un citoyen, quel qu’il soit,
appartînt-il à une classe supérieure de la société, ou fût-il un homme du
peuple ou même un manant.
M. Dubus demande le dépôt au
bureau des renseignements du mémoire justificatif de M. Brunfaut. (Appuyé, appuyé.)
M. le Hon appuie ce dépôt,
comme se rapprochant le plus de l’ordre du jour.
Après de courtes
observations, auxquelles prennent part M. Gendebien, M. de Theux et M.
H. de Brouckere, le dépôt du mémoire au bureau des renseignements est
adopté à l’unanimité.
M. Boucqueau de Villeraie., quatrième
rapporteur de la commission des pétitions, a la parole.
« Le sieur
Stoop, instituteur à Stekene, district de Saint-Nicolas, réclame le paiement
d’un mandat de 100 florins, qu’il a reçu de l’ancien gouvernement à titre de
gratification. »
M. le rapporteur
propose le renvoi à l’avis du ministre de l’intérieur, pour prendre ensuite une
décision ultérieure.
M.
H. de Brouckere. - Je ne crois pas qu’il soit possible
d’admettre de pareilles conclusions ; car vous ne pouvez rien décider sur le
fond de la pétition, et ce serait le faire que d’adopter les conclusions de la
commission. Le pétitionnaire peut s’adresser au ministre ; si sa réclamation
est juste, on y fera droit .Ce n’est que dans le cas où le ministre ne ferait
pas droit à sa demande, que la chambre aurait une décision à prendre.
Plusieurs membres Demande le renvoi
pur et simple au ministre de l’intérieur.
M. Ch. Vilain XIIII demande l’ordre du
jour. Il est adopté.
M. Boucqueau de Villeraie, rapporteur. - « Le
chevalier Léopold de Wolff, d’Ypres, ancien rédacteur du Propagateur, demande à la chambre de signaler les auteurs de nos
désastres du mois d’août dernier. »
La commission propose
le renvoi à la commission d’enquête, dont la formation vient d’être décrétée.
M.
Devaux
fait observer qu’il n’y a pas de commission d’enquête, et qu’on ne peut faire
le renvoi demandé.
M. Dumortier. - C’est une erreur.
Nous avons décidé qu’il y aurait une enquête sur nos derniers désastres, et,
quoique la commission ne soit pas encore formée, on peut toujours ordonner le
renvoi.
- Le renvoi à la
commission d’enquête est ordonné.
______________
M. Boucqueau de Villeraie, rapporteur. - « La dame
Chaumeton, ayant trouvé un remède contre la brûlure, demande qu’il soit classé
dans la nomenclature des remèdes médicaux.
M. le rapporteur
analyse longuement la pétition ; il en cite plusieurs passages qui excitent
l’hilarité générale. Par exemple : la dame Chaumeton dit que son remède est si
efficace, qu’il guérit même d’un coup de fusil et fait renaître les chairs
détruites ; que les médecins refusent de s’en servir parce qu’ils n’auraient
plus rien à faire, et que les pharmaciens mourraient de faim.
Plusieurs membres s’opposent à ce
qu’on en lise davantage.
M. le rapporteur
conclut à ce que la pétition soit déposée au bureau des renseignements.
- La chambre passe à
l’ordre du jour.
M. Boucqueau de Villeraie, rapporteur. - « Le sieur
Simon Lubin annonce qu’il a trouvé un remède pour guérir toutes les maladies,
et demande que la chambre prenne sa découverte « dans sa plus haute
considération. »
M. Boucqueau de
Villeraie lit encore un long rapport sur cette pétition.
M.
C. Rodenbach, l’interrompant. - Je ne crois pas qu’on doive lire toutes
les pétitions en entier ; il suffit, et je demande qu’il n’en soit fait qu’un
rappor succinct.
- M. le rapporteur et
M. C. Rodenbach échangent quelques mots qui ne parviennent pas jusqu’à nous.
M. Dumortier pense que le mode
adopté par le rapporteur est bon, parce que la chambre ne serait pas
suffisamment éclairée sur le feuilleton qu’on délivre à chacun de ses membres.
M.
C. Rodenbach. - S’il faut lire la pétition ici, il n’y a plus
besoin d’une commission. Je ne crois pas que la chambre consente à entendre des
rapports aussi longs et aussi inconvenants que ceux qui viennent d’être faits.
M.
Lebeau. - Je ne pense pas qu’on puisse circonscrire un
rapporteur de pétitions dans telles ou telles proportions. Cependant je
désirerais, et je crois qu’il serait bon, de faire les rapports des pétitions
les plus succincts possibles. C’est un vœu que j’exprime, sans prétendre
cependant qu’on puisse astreindre un rapporteur à des règles précises.
L’orateur s’oppose
d’ailleurs aux conclusions de la commission, et demande l’ordre du jour en
disant : Comment voulez-vous qu’il y ait un remède pour tous les malades ?
- L’ordre du jour est
adopté.
M.
Verdussen, autre rapporteur, succède à M. Boucqueau de
Villeraie, et rapporte les pétitions suivantes :
Plusieurs porteurs de
certificats dit « domein los-renten, » de Bruxelles, demandent que le
gouvernement en paie les intérêts et en fasse le remboursement.
- La commission
propose l’ordre du jour.
M. Mary demande le renvoi au ministre des finances, pour
aviser au moyen de faire droit à la pétition. L’orateur appuie son opinion de
diverses observations.
M. le président lui fait observer qu’il sort de la question qui
occupe la chambre.
M. Osy dit qu’autrefois
c’était au ministre des finances qu’il fallait demander le paiement des
intérêts des certificats dit « domein los renten, » mais que
maintenant la question est changée, et que c’est à la Hollande à faire ce
paiement. Cependant il appuie le renvoi au ministres des finances.
M.
Angillis demande l’ordre du jour.
Il est adopté.
M.
Devaux
(pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je
ne crois pas que nous agissions dans l’intérêt des pétitionnaires et entendant,
(manque quelques mots) rapports de pétitions.
Il est impossible que l’attention se soutienne aussi longtemps. Je demande que
dorénavant on soit plus sobre de rapports dans une séance.
M.
Verdussen. - Les pétitions que j’ai encore à vous
rapporter sont fort peu nombreuses, et elles exigeront peu de temps, attendu
que je ne ferai qu’un seul rapport sur trois de ces pétitions ayant le même
objet.
L’honorable membre
fait le rapport des trois pétitions, n°54bis, 77 et 78 du feuilleton, qui
réclament la révocation de l’arrêté du 25 mars dernier, limitant le nombre des
bureaux d’exportation, d’importation et de transit pour les sucres, et
demandant que le bureau de Bruly et le bureau de Leer soient désignés comme
bureaux de transit pour les sucres.
-
La commission propose le renvoi de ces trois pétitions au ministre des
finances, à cause des renseignements utiles qu’elles contiennent.
M. Jamme demande en même
temps le renvoi à la commission de commerce.
M.
de Nef. - Je ne suis pas d’avis de rétablir ces
bureaux, car je connais tous les abus et toutes les fraudes qui s’y faisaient.
C’est pourquoi je demande l’ordre du jour.
M. Dumortier fait observer qu’il réserve
de l’arrêté du régent que c’est la France qui vend maintenant le sucre à la
Belgique, tandis que c’était le contraire autrefois. Il demande le double
renvoi.
- Ce double renvoi
est adopté.
M. le président. - Nous avons encore à entendre un autre
rapport, M. Jonet ; mais, comme M. de Gerlache à demander la parole pour la fin
de la séance, je pense que la chambre sera d’avis de l’entendre en ce moment.
FAIT PERSONNEL
M. de Gerlache.
- Messieurs, c’est
aussi une pétition que j’ai à vous présenter ; je vous prie donc de vouloir
bien m’accorder la parole. (Oui ! oui !
Parlez !)
Messieurs,
aujourd’hui vers onze heures du matin, j’ai lu dans un journal une lettre signée
par un des membres de cette assemble. Cette lecture contient des accusations
tellement graves contre moi, que je n’ai pas cru devoir reprendre le fauteuil
avant de m’en être expliqué devant tous mes collègues. Je regrette beaucoup que
le membre qui a signé cette lettre ne se trouve pas présent ; car, comme j’ai
plusieurs réfutations à présenter, j’aurais désiré qu’il eût pu répliquer. Je
croyais que, quand on accusait d’une manière aussi grave, on devait se trouver
là pour soutenir l’accusation et pour répondre à la défense. Vous êtes témoin,
messieurs, qu’il n’y a nullement de ma faute si mon collègue est absent ; mais
je ne puis retarder les explications que je dois vous faire.
Ici l’orateur lit la
lettre de M. Pirson, conçue en ces termes : « Le fait du despotisme que le
président de la chambre a voulu exercer envers moi est bien prouvé par le
compte rendu de la séance dans les divers journaux, et par la nécessité dans
laquelle il s’est enfin trouvé de me donner la parole. Mais ce fait ressort encore
de la circonstance que le procès-verbal constatant la décision prise la veille
par la chambre en comité secret avait été tronqué. L’aveu du président est là
pour en faire foi. On a lu d’abord, pour me l’opposer et m’empêcher de parler,
une décision d’après laquelle la parole serait interdite même pour le rappel au
règlement. Le président a dit ensuite que c’était une erreur ; et moi je crois
qu’en terme de droit cela pourrait s’appeler un quasi-crime de faux, qu’en
d’autres termes cela pourrait s’appeler un tour maladroit d’escobarderie.
« Voici une
circonstance bien aggravante. J’avais été trouver M. le président, avec la
franchise qu’on me connaît, pour lui faire part des dangers qui résultaient
pour la constitution de clore en comité secret la discussion d’une loi. Je lui
ai dit que mon intention n’était pas de rouvrir une discussion déjà trop longue
; que, de nombreux discours ayant été prononcés et imprimés, je demanderais
moi-même en public la fermeture de la discussion. Sa réponse fut dédaigneuse ;
il me dit : « Vous n’aurez pas la parole ; et ni les de Robaulx, ni les
Seron ne l’auront pas non plus. Je saurai mettre à exécution la volonté de la
majorité. » Il s’en suivit une altercation, prélude de celle que tout le
monde connaît.
« En quittant le
président ; je lui dis : « Je demanderai la parole pour un rappel au
règlement : vous dites que vous m’imposerez silence, et moi je vous dit que je
parlerai. »
« Cette
circonstance explique pourquoi on a lu, pour me l’opposer, une fausse décision
de la chambre.
« Que la nation
juge entre le président de la chambre et moi…
« Voilà
cependant l’homme que les on-dit mettent à la tête de la cour future de
cassation !
« Combien
d’autres hommes avaient besoin du secret pour ne pas être tout à fait perdus dans
l’opinion publique, conserver leurs places, ou obtenir celles qu’ils attendent
! La bi-unité agit à la sourdine, elle reprendra bientôt son poste.
« Au surplus,
voici ce que je voulais dire de la Grèce, quand j’ai été interrompu hier :
« Nous voyons
par les journaux que la conférence s’occupe avec activité de l’organisation de
la Grèce. Un proverbe trivial dit : « Il n’y a qu’heur et malheur en
ce monde ; » eh bien ! la révolution joue de malheur. Ceux qui veulent la
restauration dans notre pays trouveront peut-être en Grèce la place de celui
que nous regretterons tous.
« Pirson, membre
de la chambre des représentants. »
Messieurs, ajoute
l’orateur, j’ai consigné quelques observations sur le papier que je vais vous lire
; mais comme mon collègue n’est pas présent, je les donnerai à imprimer pour
qu’il en ait connaissance, imitant en cela son exemple.
Messieurs, on vient
de me communiquer une lettre signée d’un de mes honorables collègues, adressée
à un journal de cette ville. Cette pièce contenant des faits personnels fort
graves à ma charge, je vous demande la permission de vous la lire et d’y
répondre. Vous voudrez bien excuser le désordre de mes idées, car j’ai eu à
peine le temps de me recueillir. Voici la lettre (M. de Gerlache lit l’article
inséré dans l’Emancipation, signé
Pirson.) Vous voyez, messieurs, que je suis accusé dans cette lettre de bien
des choses : d’abord de faux ou de quasi-faux ; 2° d’avoir voulu exercer un
acte de despotisme envers M. Pirson, en l’empêchant de parler ; 3° d’avoir été
malhonnête à son égard, dans la visite qu’il me rendit un soir, et de m’être
exprimé mal sur le compte de deux autres collègues qui étaient absents, et qui
n’en pouvaient mais. Venons d’abord aux faits : je ne crois pas, et j’en
atteste M. Pirson lui-même, que jamais la moindre altercation, le moindre nuage
se soit élevé entre nous avant la discussion des 24 articles, et cela pour une
raison fort simple, c’est qu’il n’y avait entre nous aucun rapport autre que
ceux de politesse et de bienséance. Comment me suis-je fait tout à coup un
ennemi personnel de M. Pirson ? Voilà la question. J’avais bien ouï dire, comme
tout le monde, que M. Pirson voulait parler le jour de la séance publique,
malgré la décision de la chambre ; qu’il s’emparerait de la tribunal et qu’il
ferait une scène. De la part de M. Pirson, je vous avoue que cela m’inquiétait
moins que de la part de tout autre, parce que cela s’était déjà vu. Mais M.
Piron, comme il vous le dit lui-même, vint chez moi un soir : c’était, je
pense, le quatrième jour de la discussion. Il entama verbalement une
conversation d’abord fort amicale, et il me posa cet argument qu’il vous a
développé le jour du vote public, dans son discours, et que j’en extrais
textuellement : « L’article 33 de la constitution porte : Les séances des
chambres sont publiques. Cette disposition est sage ; mais elle n’est
applicable qu’aux choses qui doivent rester secrètes, et non à la discussion
proprement dite ou au vote de la loi. »
A cela ma réponse fut
bien simple : « M. Pirson, lui dis-je, il me semble (sauf meilleur avis)
que vous attaquez ici deux choses que je dois faire respecter : d’abord le
règlement, et ensuite la décision prise par la chambre de discuter en comité
général, et de voter en séance publique. Sous doute on aurait pu revenir sur
cette décision, en demandant, comme vous le prétendez, que la discussion soit
rouverte et close en séance publique : aussi l’a-t-on essayé ; mais, par une
résolution postérieure, la chambre a maintenu sa première résolution. »
Quant à l’argument tiré de l’article 33 de la constitution, il n’était pas du
tout concluant : le troisième paragraphe du même article semble bien décisif ;
mais si M. Pirson pensait le contraire, il pouvait faire une proposition supplémentaire,
interprétative du règlement ; prouver qu’il y avait lacune. Mais je ne pouvais
lui promettre la parole pour cet objet le jour de la séance publique : il
devait déposer sa proposition, et suivre à cet égard la marche tracée par le
règlement.
Je sais fort bien,
messieurs, que M. Pirson pouvait toujours demander la parole pour un rappel au
règlement. Mais où cela pouvait-il mener ? Le rappel au règlement doit être
fondé sur le règlement même, et M. Pirson attaquait le règlement. Si, après lui
avoir accordé la parole, elle lui eût été retirée immédiatement, tout était
régulier ; M. Pirson n’aurait pas parlé, et je pense que la scène n’en aurait
pas moins eu lieu, puisqu’on l’avait annoncée si longtemps d’avance, et qu’on
disait à qui voulait l’entendre : « Je suis bien fâché ! et je me fâche
toujours de plus en plus ! » Quant au faux ou quasi-faux, je répondrai
que, si une erreur ou une inexactitude dans le procès-verbal, non approuvé,
constituait un faux, comme le prétend si bonnement M Pirson, nous serions les
plus grands faussaires du royaume ; car tous les jours vous ordonnez de
semblables rectifications.
Je suis obligé de
rétablir un autre fait qui concerne MM. de Robaulx et Seron. Je ne recourrai
pas à de vains subterfuges ; je ne dirai pas que l’on abuse ici d’une
conversation privée ; je répondrai nettement que je n’ai nommé personne ; j’ai
tout simplement observé que « si l’on rouvrait la discussion, il n’y avait
pas de raison pour que cela finit, et que notamment ceux qui s’étaient prononcés
contre le comité général reprendraient la parole. »
M. Pirson parle de
l’altercation qui aurait eu lieu chez moi et entre nous. Ici une petite
narration. Messieurs, après que M. Pirson eut en vain cherché à me persuader,
non pas qu’il avait le droit de demander la parole « pour un rappel au
règlement, » mais « contre le règlement, » et ensuite « sur
le fond même de la question, » et qu’il se fut montré jusque-là fort
paisible, quoique contredit, il tira de sa poche un assez long cahier et me dit
ces paroles : « Ecoutez mon discours, et vous allez voir. »
Messieurs, je vous avoue ici toute ma faiblesse : j’avais écouté 4 heures de
discussion, et le cahier de M. Pirson me fit peur. Je fis un mouvement
involontaire qui n’échappa pas à l’œil pénétrant de mon honorable collègue ; il
se fâcha alors pour la première fois depuis qu’il était chez moi. J’atteste sur
l’honneur la vérité de ce fait.
Je regrette ici de
nouveau, et je regrette bien amèrement que l’honorable membre, après avoir
lancé sa lettre dans le public, ne soit pas venu pour écouter la réponse, ici
devant vous, où je crois que doivent se vider tous nos débats. Je demanderais à
M. Pirson lui-même de dire si cela est exact. J’en appelle à plus de dix de mes
collègues, qui m’ont dit que M. Pirson était fâché, fort fâché contre moi, et à
qui j’ai répondu : « C’est parce que je n’ai pas écouté son
discours. » Messieurs, j’ai peut-être tort de ne pas admirer l’éloquence
de M. Pirson, mais ce n’est pas ma faute ; je lui en demande bien pardon. S’il
ne m’avait pas menacé de l’entendre deux fois, peut-être, à la bonne heure !
Mais, messieurs, je n’y étais pas condamné ! Si M. Pirson, qui est un
« homme libre », comme il me l’a souvent exclamé, était pour un
instant Denis de Syracuse, auteur couronné, et moi à la place de je ne sais
quel poète, je lui répondrais : « Qu’on me reconduis aux carrières, »
et je lui prouverais par là que je suis un homme libre aussi.
Après avoir demandé
pardon à M. Pirson des torts que je puis avoir eus envers lui, je lui pardonne
de mon côté, et bien volontiers les petits passages de sa lettre sur les
on-dit, sur les gens « qui ont si besoin du secret pour n’être pas perdus
dans l’opinion publique, et obtenir des places. » Quoique je n’en aie
point obtenu du gouvernement actuel, je ne suis pas de l’opposition. C’est bien
assez d’en avoir été pendant sept ans, à une époque où les commissaires de
district n’en faisaient guère. S’il plaît à M. Pirson de m’attaquer, non pour
les places que j’ai obtenues, mais pour celles que j’obtiendrai ; non pour mes
actes, mais pour mes intentions, qu’ai-je à répondre ? Rien. De la part de tout
autre, ce serait, tout au moins, de l’escobarderie ; de la part de M. Pirson,
c’est très licite : cela ne l’empêchera pas de conserver aux yeux de ses amis
cette réputation de « franchise qu’on lui connaît. »
Messieurs, il faut
conclure. J’offre volontiers le gage de réconciliation à M. Pirson. Je ne lui
jouerai pas même le tour de « distinguer en lui l’homme du député ; »
je les tiens tous deux pour francs et loyaux ; qu’il n’en soit donc plus
question. Mais seulement qu’il ne vienne plus me lire ses discours après dîner.
Quant à vous, messieurs, c’est autre chose : votre président doit être comme la
femme de César ; il ne faut pas qu’on puisse le soupçonner. Quoique l’épisode
de la séance de mardi dernier me soit tombé aussi impromptu
qu’un aérolithe, à peu près comme les coups de poing de M. Pirson sur mon
bureau, si vous croyez que j’en doive porter la faute, j’y suis tout résigné.
Je suis monté à ce fauteuil avec plaisir, je dirai même avec fierté ; j’en
descendrai sans regret, du moment où vous ne m’en croirez
plus digne ; et je me trouverai fort honoré de reprendre rang parmi vous. Tant
que j’ai joui de votre confiance et que j’ai pu compter sur votre appui, j’ai
été sans crainte, puisque vous étiez là pour rectifier mes erreurs et suppléer
à ma faiblesse, et que vous le faisiez avec bienveillance. Mais s’il s’élève
dans l’assemblée le moindre doute sur les sentiments qui m’animent dans
l’exercice de mes fonctions, mon devoir est de les résigner à l’instant et de
déclarer que je suis prêt à le faire.
M. de Theux. - Je pense si peu
que notre honorable président ait mérité le blâme qu’on fait peser sur lui,
qu’il me semble bien plutôt digne d’éloges pour sa modération. Je crois que
chacun partage ma conviction à cet égard, et je demande expressément que la
chambre donne acte à M. de Gerlache de ses explications, et qu’il soit fait
mention au procès-verbal qu’elle lui continue son estime.
M. d’Huart demande la parole pour un fait personnel.
L’orateur dit qu’il lui semble que M. de Gerlache a voulu jeter le blâme sur
des commissaires de district, qui se trouvent dans la chambre. Il n’y a pas ici
de commissaire de district, dit M. d’Huart, il n’y a que des députés. Quant à
moi, je suis commissaire de district ; mais je déclare qu’ici je remplis
consciencieusement mon devoir de député.
M. de Gerlache. - Je prie l’honorable
membre de remarquer qu’il n’y a rien de personnel contre lui. On m’accusait de
m’être vendu au gouvernement. J’ai pu répondre que je n’avais rien reçu du
gouvernement, tandis que celui qui m’accusait être fonctionnaire public.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem) déclare qu’il est convaincu que M. d’Huart n’a
jamais fait et ne fera jamais qu’une opposition consciencieuse.
M.
Legrelle appuie la proposition de M. de Theux.
M. de Gerlache. - Messieurs,
l’estime de la chambre me suffit ; je ne demande rien autre chose. Je vous
demande pardon d’avoir pris la parole ; mais je ne croyais pas pouvoir
reprendre le fauteuil avant de m’être expliqué.
M. de Theux dit que sa
proposition doit être adoptée, non pas dans l’intérêt du président, mais dans
l’intérêt de la dignité de la chambre elle-même.
M. le président. - Je ne crois pas qu’il soit utile de mettre
cette proposition aux voix ; car je crois que tout le monde est d’accord sur ce
point.
Voix nombreuses. - Oui ! oui !
M. le président. - La chambre donne acte à M. de Gerlache des
explications qu’il vient de lui donner, et déclare qu’elle lui continue son
estime. Mention en sera faite au procès-verbal.
La séance est levée à
4 heures.