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d’intention
« Histoire
du Congrès national ou de la fondation de la monarchie belge », par Théodore
JUSTE
Bruxelles, Librairie polytechnique d’Aug. Decq, 1850, 2 tomes (1er tome : Livres I et II ; 2e tome : Livres III et IV)
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LIVRE
TROISIEME.
CHAPITRE XIV
Arrivée des députés du Congrès à Londres. Lettre du
régent au prince Léopold
(page 331) La députation du Congrès quitta
Bruxelles le 10 juillet, à onze heures du matin ; elle arriva à Londres le
lendemain à minuit. Elle fut reçue le 12 au soir par le prince de Saxe-Cobourg.
Les députés dépeignirent la vive impatience que les Belges éprouvaient de voir
arriver leur roi sur le sol national, et remirent au prince la lettre suivante
qui lui était adressée par le régent de
« PRINCE,
« Après onze
jours de discussion, le Congrès vient d'adhérer aux propositions qui lui ont
été adressées par la conférence de Londres
(page 332) « Votre Altesse Royale
ayant fait dépendre de cette adhésion seule son acceptation de la couronne de
Belgique, plus rien ne s’oppose à son arrivée immédiate en ce royaume, ainsi
qu'elle m'en a donné l'assurance par la lettre qu'elle m'a fait l’honneur de
m’écrire le 26 juin dernier.
« C'est en vous
rendant le plus promptement qu’il vous sera possible au milieu du peuple belge,
que vous comblerez ses vœux, que vous calmerez ses inquiétudes. Son désir de
vous posséder est égal à la juste impatience de vous voir commencer bientôt le
grand œuvre de la consolidation de son indépendance.
« Votre Altesse
Royale aura pu s'assurer, et par la longue durée des débats dans le sein du
Congrès, et par le vif intérêt que cette grave question a excité, combien la
nation attacherait de prix à la conservation intégrale des territoires dont les
habitants se sont associés à notre régénération politique. Vous aurez pu juger
que si ses mandataires ont cru, par l'adoption des propositions de la
conférence de Londres, devoir vous faciliter les premiers moyens d'entrer en
négociation, elle se livre à l'espoir que les efforts de Votre Altesse Royale,
appuyés par l'offre de sacrifices pécuniaires, s'il en est besoin, lui feront
obtenir une paix d'accord avec ses intérêts et son honneur.
« Les destinées
humaines, a dit Votre Altesse à la députation du Congrès, n'offrent pas de
tâche plus noble et plus utile que celle d'être appelé à maintenir
l'indépendance d'une nation, et à consolider ses libertés. Nous avons dans ces
paroles un gage assuré de votre entier dévouement à
« Il me reste
maintenant à donner, comme particulier, (page
333) l'exemple de la soumission à votre autorité légale et de mon respect
pour la personne de Votre Altesse Royale.
« E.
SURLET DE CHOKIER.
« Bruxelles, le
10 juillet 1831. »
Le prince
Léopold répondit à la députation du Congrès que déjà il faisait ses
dispositions, et que, dans peu de jours, il serait prêt à quitter l'Angleterre
; il ajouta, en souriant, qu'étant en train de déménager, il ne pouvait faire
aux députés les honneurs de Londres, mais que la duchesse de Kent, sa sœur, le
remplacerait. En effet, les députés furent invités à dîner pour le lendemain à
Kensington ; ils remarquèrent à table don Pedro, qui venait d'abdiquer la
couronne de l'empire du Brésil, et la jeune princesse Victoria, que sa
naissance appelait à succéder à Guillaume IV sur le trône du vaste empire
britannique.
Entrevue du prince avec les représentants des cinq cours. Il
accepte définitivement la couronne de Belgique
Après avoir eu
connaissance de l'acceptation du traité des dix-huit articles par le Congrès,
le prince reçut également le 12 à Marlborough-House les représentants des cinq
grandes cours. « La volonté des grandes puissances est-elle de me reconnaître
immédiatement ? leur demanda le prince. Leur volonté est-elle de me reconnaître
si je me rends en Belgique, sans attendre l'adhésion du roi de Hollande ? » — «
Oui, quand même, répondit le comte Matuszewic, représentant de
La résolution
du prince fut alors irrévocablement prise. Il accepta définitivement la
couronne de Belgique et renonça à la pension qu'il touchait comme membre de la
famille royale d'Angleterre (Note de bas de page : Ce fut
le jour même de l'inauguration du premier roi des Belges Bruxelles que lord
Grey annonça officiellement à la chambre des pairs de
(page 334) M. Lebeau, membre de la
députation du Congrès, et M. Jules Van Praet, nommé par le nouveau roi
secrétaire de son cabinet, s'empressèrent d'annoncer au régent et à M. Nothomb,
qui remplaçait le ministre des affaires étrangères, la détermination positive
du prince. Une grande anxiété régnait encore à Bruxelles. Le régent, si
malheureux au faîte des honneurs, ne pouvait chasser de son esprit les plus
noirs pressentiments ; loin de croire à l'acceptation du prince, il était
convaincu que la révolution de 1830 se terminerait comme la première, dont il
avait été également témoin, par la guerre et la réunion de
« Mardi, 4
heures. — La députation du Congrès est arrivée hier soir très-tard. Le prince
est allé ce matin à Claremont pour sceller ses papiers ; il ne reviendra
qu'après le dîner et recevra ces messieurs à neuf heures du soir... — Le prince
partira d'ici samedi matin et ira coucher à Calais le premier jour. Il suivra
la route (page 335) de Calais à
Ostende et couchera à Ostende le second jour. Le troisième, il couchera à Gand,
et le quatrième, mardi, il fera son entrée à Bruxelles, au milieu de la
journée. — Le prince n'amènera avec lui qu'un seul officier, auquel il ne
donnera même ni rang ni titre, et qui reviendra en Angleterre au bout de
quelques mois. — Le prince paraît tenir à ne conduire en Belgique aucun
Anglais, pas même un domestique ; il compte pensionner tous les gens de sa
maison. — Vous ferez bien, dit M. Lebeau, d'annoncer ce qui précède dans le
Moniteur. — Vous êtes prié de prévenir le gouverneur du Brabant méridional et
la régence de Bruxelles, afin qu'ils fassent les préparatifs nécessaires.
« Mardi soir,
dix heures. — L'audience de tout à l'heure s'est passée sans discours. Il n'y a
eu qu'une simple conversation.
« Ces messieurs
sont très contents de leur nouveau roi. »
Devant cette
lettre si positive, le doute n'était plus permis. Avec l'assentiment du régent,
M. Nothomb fit insérer le soir même dans le Moniteur belge, l'article suivant :
« Le prince
LÉOPOLD quittera Londres, samedi 16 juillet.
« Il passera la
première nuit à Calais.
« Il suivra la
route de Calais à Ostende, où il s'arrêtera la seconde nuit.
« D'Ostende, il
se rendra à Bruges et à Gand, et il passera la troisième nuit dans cette
dernière ville.
« Mardi, 19 juillet,
à midi, il fera son entrée à Bruxelles. »
De son côté, la
régence de Bruxelles, avertie par le gouvernement, avait déjà publié dans la
journée la proclamation suivante- :
« CONCITOYENS !
« Nos vœux vont
être remplis.
« Le prince
Léopold de Saxe-Cobourg a accepté définitivement (page 336) la couronne de
« Vous donner
cette nouvelle, c'est vous annoncer que nous avons atteint le terme et le but
de notre glorieuse révolution.
« Sous le
sceptre d'un roi constitutionnel, nous formons une nation libre et
indépendante.
« Un avis
ultérieur vous fera connaître le jour où le prince fera son entrée solennelle
en cette ville.
« Concitoyens !
vous joindrez vos efforts à ceux de vos magistrats pour le recevoir d'une
manière digne de lui, digne de nous.
« Vive la
nation belge ! Vive le roi Léopold !
« Fait à
l'hôtel de ville, le 14 juillet 1831. »
Une seconde
proclamation, publiée le lendemain, sans rien changer à l'itinéraire définitivement
arrêté, fixa au 21 le jour de l'entrée solennelle du prince Léopold à
Bruxelles, et de son inauguration comme roi des Belges.
Le 16 juillet, il quitte Londres et débarque à Calais. Voyage
triomphal du roi des Belges depuis Fumes jusqu'au château de Laeken
Fidèle à sa
parole, Léopold quitta Londres le samedi, 16 juillet, à six heures du matin ;
il était accompagné de sir Henri Seton, son aide de camp, de la députation du
Congrès et de M. Van Praet, secrétaire du cabinet. A deux heures et demie, le
prince et sa suite, composée de trois voitures, entrèrent à Douvres, au bruit
de l'artillerie du fort. Toute la garnison était sous les armes. A trois
heures, le prince Léopold et sa suite s'embarquèrent pour Calais sur le bateau
à vapeur le Crusader, qui avait arboré le pavillon royal de
Le 17, au
matin, par un temps magnifique, le roi, ayant dans sa voiture le général
Belliard, partit pour Dunkerque (Note de bas de
page : Le général Belliard était déjà désigné comme devant représenter
Après avoir
traversé Dunkerque, Léopold arriva bientôt sur la limite qui sépare
Cette première
entrevue des autorités nationales et du nouveau roi sur les bords de l'Océan,
par un radieux soleil de juillet, en présence des représentants d'un peuple
ami, porta l'émotion dans tous les cœurs.
Le général
Belliard prit congé du roi Léopold, et ce prince entra dans le pays qui
l'adoptait, accompagné de la députation du Congrès, escorté par la joie des
populations. Dès ce moment, le voyage du roi fut une véritable ovation. Partout
les habitants des campagnes accouraient pour souhaiter des destinées heureuses
au prince qui venait consolider l'indépendance et les libertés des Belges. La
première localité où le cortège royal s'arrêta fut la petite ville de Furnes.
Léopold y fut accueilli avec un enthousiasme sincère, car il était tout à fait
spontané. Aucune instruction n'avait été donnée par le gouvernement, aucun
programme n'avait été tracé ; les populations avaient été livrées à
elles-mêmes. L'espérance, l'allégresse, le bonheur étaient peints sur tous les visages.
On entendait s'écrier dans la (page 339)
foule : « Celui-là est bien à nous ; ce n'est pas l'étranger qui l'impose ; et
ce n'est pas pour l'étranger qu'il régnera ! »
A mesure que le
roi avançait dans le pays, l'enthousiasme augmentait. Lorsque le cortège arriva
à Ostende, vers six heures et demie du soir, la voiture royale fut aussitôt
dételée et traînée par des hommes du peuple. Devant l'église paroissiale de
Saint-Pierre se trouvait l'évêque de Gand, revêtu de ses habits pontificaux ;
il offrit au futur souverain les hommages et les vœux du clergé catholique.
Le 18, au
matin, le cortège fut aux portes de la ville de Bruges. Cette vieille cité fit
au premier roi des Belges un accueil dont la pompe rappelait l'époque glorieuse
et prospère des dues de Bourgogne. On remarqua le discours prononcé, au nom du
clergé, par M. l'abbé de Foere. « Sire, dit-il, le clergé de la ville de Bruges
éprouve un sentiment profond de bonheur en offrant les prémices de fidélité et
de respect à un roi qui porte ses premiers pas parmi une nation qui l’a appelé
de tous ses vœux. Le clergé belge, sire, ne s'isola jamais des intérêts de la
nation. Il a su toujours s'associer à la cause commune de la patrie. Les
derniers événements prouvent qu'il n'était pas dégénéré de son antique
attachement aux droits et aux libertés publiques. La morale chrétienne, tout en
enseignant au peuple ses devoirs de fidélité au souverain, d'obéissance aux
lois et de soumission à l'ordre public, commande aussi la justice politique, le
pouvoir légal et l'économie administrative. Si elle s'oppose à l'anarchie, elle
repousse aussi l'oppression. Cette union entre le clergé et la nation est
indissoluble, elle est formée par la justice, et, comme telle, elle entre dans
les premières missions du sacerdoce. Nous nous flattons, sire, que Votre
Majesté sera fière de régner sur un clergé qui ne fut jamais ni l'appui des
désordres populaires, ni le soutien des abus du pouvoir... En choisissant ses
conseils, ce premier talent de bien gouverner, et en développant (page 340) nos institutions nouvelles
dans lesquelles la nation a concilié son antique amour de la liberté avec celui
de l'ordre, Votre Majesté sentira le besoin des lumières. Ces lumières, sire,
nous les invoquerons ; nous adresserons au ciel des prières ardentes et
sincères, afin que la sagesse préside à tous les actes d'un règne que vous
allez commencer pour le bonheur de tous, et afin que la nation puisse trouver
dans votre justice et dans votre équité la raison de son amour et de son
dévouement envers votre auguste personne, seuls garants de la stabilité de
votre trône… »
Gand prit part
à l'allégresse générale, malgré les menées ténébreuses de quelques fauteurs
d'anarchie. Peu de jours auparavant, des individus de bas étage avaient
promené, dans des quartiers éloignés du centre de la ville, un mannequin
satirique, portant des insignes royaux. Instruit de ce fait, le roi avait
répondu : « C'est une raison de plus pour passer par Gand. » Sa confiance ne
fut pas trompée : la capitale des Flandres reçut le roi des Belges avec cet
enthousiasme qui éclatait partout sur son passage. Aux portes de la ville, M.
Ch. Coppens, président de la commission de sûreté publique, avait adressé au
roi les paroles suivantes : « Au nom des Gantois, soyez le bienvenu, élu de la
nation. La ville de Gand confond ses cris d'allégresse avec ceux de tout le
peuple belge. Cette ville, éminemment industrieuse, qui a secondé et soutenu
notre glorieuse révolution, attend tout d'un roi qui est appelé à en cicatriser
les plaies. Ses habitants sont fiers de recevoir au milieu d'eux le gardien de
leur indépendance et de leurs libertés, le protecteur de leur commerce et de
leur industrie. Ils s'empresseront de se grouper autour du trône
constitutionnel qui vous est destiné. Ce trône, élevé par la nation belge, la
nation saura le soutenir. » — « J'ai vu avec douleur, répondit le roi, l'état
de souffrance de la ville de Gand durant la révolution. Vous le savez tous, je
n'en suis pas (page 341) la cause ;
je ne suis pas venu parmi vous pour laisser des plaies saignantes, mais bien
pour les cicatriser. J'ai suivi avec attention toutes les phases de la
révolution. Je connais vos besoins, et je m'appliquerai spécialement à rouvrir
la source des prospérités dans votre cité industrieuse. » Le 19, au malin, le
roi visita l'hôtel de ville, l'université, la cathédrale et les fabriques ; et,
après avoir passé ensuite les troupes en revue, il se dirigea vers le Brabant.
Le voyage du
roi, il faut le redire, fut un triomphe populaire depuis Fumes jusqu'au château
de Laeken. Certes on ne pouvait s'empêcher d'admirer les manifestations
splendides et unanimes des villes que le cortège traversait ; mais ce qui
portait au plus haut point l'émotion, c'était l'accueil que le souverain
recevait dans les campagnes. Quand on voyait un curé de village, à cheveux
blancs, au visage vénérable, venir saluer dans un prince luthérien, le
protecteur de l'indépendance du pays, le restaurateur de la nationalité belge
si longtemps opprimée ; ce mélange de patriotisme qui se liait aux traditions
du passé, et de tolérance, qui se rattachait aux principes libéraux de la
révolution de 1830, touchait profondément les témoins de ce spectacle
admirable. Quand on voyait ensuite les branches d'arbre et les guirlandes qui
ornaient les cabanes éparses sur la grande route, quand on remarquait la joie
naïve et spontanée des pauvres habitants accourus sur le seuil de leurs
chaumières, on pouvait dire que le peuple comprenait instinctivement le
caractère de cette inauguration. Il sentait que ce prince, élu par les
suffrages de l'assemblée nationale, ramenait la confiance, la paix, la
sécurité, le commerce, la prospérité publique et privée. On pouvait aussi
reconnaître dans ces populations de
L'enthousiasme,
qui éclatait à l'aspect du roi des Belges, était donc sincère, spontané,
général. Le bonheur était dans toutes les âmes. Dans les villes traversées par
le cortège, on voyait des membres du Congrès, adversaires passionnés quelques
jours auparavant, s'aborder en s'embrassant et oublier leurs querelles passées
pour se rallier à celui que l’instinct des masses, aussi bien que la raison des
hommes politiques, rendue à elle-même, proclamait le consolidateur sinon le
sauveur de l’indépendance reconquise et des institutions libérales établies par
la sagesse de l'assemblée souveraine. Il faut ajouter que les manières du
nouveau roi si puissantes de séduction, son accueil si affable, ses réponses
pleines de tact et de raison, sa connaissance des annales et des intérêts du
pays, contribuèrent beaucoup à faire disparaître certaines préventions et à
grouper les anciens partis autour du trône constitutionnel.
A quelque
distance d'Alost, le roi fit la réponse suivante à une députation de
bourgmestres : « Je n'ai quitté une position brillante et heureuse que pour me
consacrer au bonheur de
Aux confins-du
Brabant, le roi fut reçu par le gouverneur civil, M. de Coppin, et par le
général Duvivier, commandant de la deuxième division militaire. « Sire, lui dit
ce vieux soldat, organe des troupes composant la deuxième division militaire
que j'ai l'honneur de commander, je viens vous offrir en leur nom, respect et
obéissance ; venez, sire, venez faire le bonheur de notre belle patrie. L'armée
a juré fidélité à notre estimable régent ; elle a tenu son serment. Nous vous
le renouvelons en ce jour : comptez sur nous ; nous aurons toujours des sabres
et des baïonnettes prêts à vous défendre. » Le roi répondit de nouveau qu'il
comptait sur l'armée.
La foule
augmentait à mesure que l'on approchait de Bruxelles. Quelques centaines de
voitures, de nombreuses cavalcades et des milliers de piétons couvraient la
route à plus de trois lieues en avant de Bruxelles jusqu'aux portes de la
capitale. Plus d'une fois, Léopold répondit aux félicitations dont il était
l'objet « qu'à l'aspect d'un enthousiasme aussi général, il se sentait heureux
d'être le roi librement élu du peuple belge. » Plus d une fois aussi, on le vit
se lever dans sa voiture, ému et attendri des acclamations unanimes poussées
par l'innombrable population accourue à sa rencontre.
Il était dix
heures et demie du soir lorsque le cortège, sans cesse arrêté par
l'enthousiasme du peuple, arriva au château de Laeken. Le roi y reçut les
félicitations du régent de
Dernières séances du Congrès
Après le vote
mémorable du 9 juillet, le Congrès avait suspendu ses travaux jusqu'au 18. Dans
cette séance, M. Ch. Rogier proposa de décréter que l'anniversaire des journées
de septembre serait consacré, chaque année, par des fêtes nationales. « Il
faut, disait l'ancien membre du gouvernement provisoire, «que toute (page 344) la nation belge célèbre
chaque année l'époque de sa régénération, afin qu'elle n'oublie jamais de quel
prix elle a été payée. Dans ces fêtes où le peuple trouvera le souvenir de sa
gloire et de son dévouement, le pouvoir trouvera un sage avertissement : les
sentiments serviles, une leçon sévère ; les sentiments généreux, une noble
satisfaction et un utile encouragement. » Le décret proposé par M. Rogier pour
perpétuer le souvenir de la révolution de 1830 fut adopte le 19 à l'unanimité.
Sur la
proposition de M. Raikem, le Congrès vota ensuite (par soixante et dix-neuf
voix contre quarante, et sept abstentions) le rétablissement immédiat du jury
en remettant en vigueur les dispositions du code d'instruction criminelle de
1808. Toutefois l'art. 582, relatif à la composition du jury, était remplacé
par la disposition suivante : «Les jurés seront pris : 1° parmi les citoyens
qui, dans chaque province, payent le cens fixé par la loi électorale pour le
chef-lieu de la province ; 2° parmi les fonctionnaires qui exercent des
fonctions gratuites : 3° parmi les docteurs et licenciés en droit, en médecine,
en chirurgie, en sciences et en lettres ; 4° parmi les notaires et les avoués ;
5° parmi les officiers de terre et de mer jouissant d'une pension de retraite.
»
Le lendemain
(20 juillet), après avoir alloué les crédits nécessaires à l'administration du
pays pour le troisième trimestre de 1831, le Congrès s'occupa d'un décret
tendant à fixer l'état de la législation sur la presse. Peu satisfaite des
projets présentés antérieurement, l'assemblée avait chargé la veille une
commission de préparer immédiatement un décret sur les délits politiques et de
la presse. Cette commission était composée de MM. Van Meenen, Devaux, Ch.
Rogier, Dumont et Dubus. Le projet de cette commission ne donna lieu qu'à des
modifications peu importantes ; il fut adopté par quatre-vingt-onze voix contre
vingt-cinq et promulgué le même jour. Ce décret, qui fut ensuite (page 345) prorogé par la législature
ordinaire, abrogeait les lois du 16 mai 1829 et du 1er juin 1830. La presse,
soustraite à des dispositions exceptionnelles, entrait dans le droit commun ;
la liberté d'examen était respectée, la discussion loyale et sérieuse était
protégée. Ce qu'on voulait prévenir, c'était le désordre, sous l'égide de la
liberté ; c'était l'attaque méchante et publique contre la force obligatoire
des lois, contre l'autorité constitutionnelle du roi, contre les droits
constitutionnels de sa dynastie, contre les droits ou l'autorité des chambres.
Ce qu'on voulait prévenir encore, c'était l'abus de la liberté, la contrainte
qui pouvait être exercée sur l'opinion par la violence ou la calomnie. Arrivé à
la fin de sa tâche, le congrès désira affermir son œuvre ; il avait décrété la
monarchie constitutionnelle : il fallait la respecter dans ses institutions
fondamentales ; il avait noblement prodigué la liberté : il fallait la défendre
contre la licence. Le décret sur la presse était de la teneur suivante : (Le
livre de Théodore JUSTE reprend ensuite intégralement (pages 345-350) les dix-articles du décret sur la presse, adopté
dans la séance du Congrès du 20 juillet 1831. Ce texte n’est pas repris ici
mais il est renvoyé à ladite séance, disponible sur le présent site.)
(page 350) La séance, suspendue à cinq
heures, fut reprise à neuf heures du soir. MM. Devaux et Meeus proposèrent un
autre décret prescrivant le serment à la mise en vigueur de la monarchie
constitutionnelle représentative. Ce décret, voté immédiatement, disposa que
les membres de la chambre des représentants et du sénat sont tenus, avant
d'entrer en fonctions, de prêter, dans le sein de la chambre, le serment
suivant : « Je jure d'observer
L'assemblée
nationale ne se montra pas ingrate envers l'homme vénérable qui avait exercé
avec prudence et loyauté les fonctions les plus éminentes au milieu de la
tourmente que le pays venait de traverser. Le Congrès décréta que M. le baron
Érasme-Louis Surlet de Chokier, régent de