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d’intention
« Histoire
du Congrès national ou de la fondation de la monarchie belge », par Théodore
JUSTE
Bruxelles, Librairie polytechnique d’Aug. Decq, 1850, 2 tomes (1er tome : Livres I et II ; 2e tome : Livres III et IV)
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matières
LIVRE
PREMIER. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE
CHAPITRE
PREMIER
Création
d'une commission administrative à Bruxelles, le 24 septembre
(page 17) Le gouvernement
provisoire, qui allait être chargé des destinés de
Le 24 septembre, au matin, tandis que le glas du tocsin de
Sainte-Gudule et le bruit du canon annonçaient la reprise des hostilités, la
proclamation suivante fit connaître la formation d'une Commission
administrative : « Depuis deux jours, Bruxelles est dépourvue de toute espèce
d'autorité constituée ; l'énergie et la loyauté populaire en ont tenu lieu,
mais tous les bons citoyens comprennent qu'un tel état de choses ne peut durer sans
compromettre la ville et le triomphe d'une cause dont le succès dès hier a été
assuré. Des citoyens, guidés par le seul amour du pays, ont accepté
provisoirement un pouvoir qu'ils sont prêts à remettre en des mains plus dignes
aussitôt que les éléments d'une autorité nouvelle seront réunis. » Ces hommes
de cœur et de dévouement étaient : le baron Emmanuel d'Hooghvorst, commandant
de la garde bourgeoise de Bruxelles ; Charles Rogier, commandant de la
compagnie liégeoise venue au secours de la capitale des Belges, et Jolly,
ancien officier du génie ; ils avaient pour secrétaires MM. de Coppin et
Vanderlinden
(page 19) La
proclamation du 24 septembre fut accueillie par l'assentiment général; elle
doubla le courage et la confiance des combattants et de tout le peuple. Ils se
rassuraient en voyant que l'hôtel de ville n'était plus à l'abandon et qu'il y
avait un centre d'action. Il eût été d'ailleurs impossible de trouver à
Bruxelles des hommes dont la popularité surpassât celle dont jouissaient MM.
d'Hooghvorst et Rogier. Les chefs de l'opposition parlementaire se trouvaient à
Don Juan Van
Halen est nommé commandant en chef des forces actives de
Un des premiers soins de
Ils y restèrent en permanence pour accueillir les volontaires
qui accouraient des villes voisines, veiller à la sûreté de la capitale, animer
les combattants et ordonner de dignes funérailles aux braves qui succombaient :
« Une fosse, disait un arrêté du 25, (page
20) sera creusée sur la place Saint-Michel ; elle sera destinée à recevoir
les restes des citoyens morts dans les mémorables journées de septembre. — Un
monument transmettra à la postérité les noms des héros et la reconnaissance de
la patrie. — Les patriotes belges prennent sous leur protection les veuves et
les enfants des généreuses victimes. » La terre profane, bénie par le clergé
qui suivait la dépouilla des braves, reçut immédiatement le nom de Place des
Martyrs.
Formation du
gouvernement provisoire, le 26 septembre. M. de Potter est adjoint au
gouvernement ; sa proclamation au peuple
Cependant les trois hommes, qui formaient depuis
quarante-huit heures le gouvernement de
« Vu l'absence de toute autorité, tant à Bruxelles que dans
la plupart des villes et des communes de
« Considérant que, dans les circonstances actuelles, un
centre général d'opérations est le seul moyen de vaincre nos ennemis et de
faire triompher la cause du peuple belge ;
« Le gouvernement provisoire demeure constitué de la manière
suivante : MM. le baron E. D'HOOGHVORST , Ch. ROGIER ; le comte FÉLIX DE MÉRODE;
ALEXANDRE GENDEBIEN ; SYLVAIN VAN DE WEYER ; JOLLY; J. VANDERLINDEN , trésorier; baron F. DE COPPIN ET J.
NICOLAY, secrétaires.
Bruxelles, 26 septembre 1830. »
(page 21) Le
nouveau gouvernement fit immédiatement acte de souveraineté : il rappela les
militaires belges qui servaient dans l'armée hollandaise.
« Le sang belge, leur disait-il, a coulé ; il coule encore
par les ordres de celui qui a reçu vos serments ; cette effusion d'un sang
généreux a rompu tous liens ; les Belges sont déliés. Nous les délions de tout
serment. »
Invité par le comité révolutionnaire à rentrer dans sa
patrie, M. de Potter, après avoir traversé triomphalement le Hainaut, fut reçu
à Bruxelles, le 27 au soir, par les acclamations enthousiastes de la foule.
C'était alors l'homme dont le nom exerçait le plus grand prestige sur les
masses ; deux fois condamné comme écrivain, emprisonné, puis exilé, il
personnifiait aux yeux du peuple les griefs des Belges contre le gouvernement
néerlandais. Le 28, le comité insurrectionnel prit, pour la première fois, le
titre de gouvernement provisoire de
Décret du
gouvernement provisoire annonçant l'indépendance de
Le gouvernement provisoire, au nom de la nation victorieuse,
promulgua, le 4 octobre, un décret ainsi conçu : « — I. Les (page 22) provinces de
Déjà un des membres du gouvernement provisoire, M. Gendebien,
s'était rendu officieusement à Paris, avec l'assentiment de ses collègues, afin
d'assurer les résultats d'un premier succès. On était persuadé que si la lutte
ne se prolongeait qu'entre
Progrès de
la révolution. Campagne d'Anvers. Le comte Frédéric de Mérode. Il est
mortellement blessé à Berchem
Cependant la victoire de Bruxelles avait électrisé la nation.
Chaque jour, l'autorité du gouvernement provisoire gagnait du terrain. Les
Hollandais, désespérant de pouvoir lutter contre les masses qui les cernaient
de toutes parts, abandonnaient, l'une après l'autre, les forteresses belges
dont ils étaient maîtres. Bientôt ils ne se trouvèrent plus en possession que
de Maestricht et d'Anvers.
Les volontaires de Bruxelles avaient suivi l'armée
hollandaise et n'avaient cessé de la harceler dans sa retraite. « L'on fixe au
28 septembre, dit un écrivain contemporain, l'ouverture de la campagne, appelée
campagne d’Anvers, qui se termina au bout de vingt-neuf jours, par le
bombardement de cette ville, et peu après, par une sorte de demi-armistice,
campagne extraordinaire, s'il en fut jamais, où l'on vit de faibles
détachements de volontaires déterminés, de 100 ou 200 hommes, sans un seul
cheval, harceler sans cesse en tirailleurs un corps d'armée de 10 à 12,000
hommes, muni d'artillerie et de cavalerie, le repousser dans toutes les
rencontres, prendre des forts et des villes (telles que Lierre et Anvers) de
vive force, passer des fleuves et forcer des ponts sous le feu d'un ennemi
trois fois plus nombreux, et le repousser ainsi jusqu'à ses (page 24) frontières, en délivrant trois
provinces, et en s'emparant d’un rayon de plus de vingt lieues de pays. » (Note de bas de
page : Esquisses historiques de la révolution de
Parmi les combats dans lesquels s illustrèrent les
volontaires belges, il faut distinguer celui de Berchem, marqué par l’héroïsme
du comte Frédéric de Mérode. Il appartenait à une des plus anciennes familles
de
Le prince
d'Orange est chargé du gouvernement des provinces où l'autorité légale est
encore reconnue; il arrivé à Anvers le 5 octobre. Proclamation du 16 octobre,
dans laquelle il reconnaît
Cependant le roi des Pays-Bas avait essayé, mais trop tard,
de regagner les Belges par des concessions. Un arrêté du 4 octobre chargeait le
prince d'Orange de gouverner temporairement, au (page 26) nom du souverain, toutes les parties des provinces
méridionales dans lesquelles l'autorité légale était encore reconnue. Il devait
fixer sa résidence à Anvers ; seconder et appuyer, autant que possible, par des
moyens de conciliation, les efforts des habitants bien intentionnés, pour
rétablir l'ordre dans les parties des provinces où il était troublé. On lui
adjoignit trois ministres et sept conseillers d'État, tous Belges.
Le prince arrive à Anvers, le 5 octobre, et publie
immédiatement une proclamation, dans laquelle il fait connaître que, ayant
porté au pied du trône les vœux pour une séparation, qui lui avaient été
manifestés à Bruxelles, le 4 septembre, ces vœux avaient été accueillis. Il
annonçait ensuite qu'en attendant que la séparation du nord et du midi fût
sanctionnée suivant les formes constitutionnelles, le roi accordait
provisoirement aux provinces méridionales une administration distincte, toute
composée de Belges ; les affaires devaient s'y traiter avec les administrations
et les particuliers dans la langue qu'ils choisiraient ; toutes les places
dépendantes de ce gouvernement devaient être réservées exclusivement pour des
Belges ; la plus grande liberté était laissée relativement à l'instruction de
la jeunesse; enfin, une amnistie politique, ne contenant aucune exception,
était accordée. Le 6, le prince nomma une commission consultative, composée de
députés belges aux états généraux ; le 9, il poussa la condescendance jusqu'à
établir, par arrêté, le contre-seing ministériel.
Ces concessions, si contraires à la politique que le roi
avait obstinément fait prévaloir jusqu'alors, ne satisfirent personne : aux
uns, elles parurent un piége ; aux autres, un plagiat des proclamations du
gouvernement provisoire. On savait d'ailleurs que le général Chassé conservait
le commandement de toutes les forces militaires à Anvers, et correspondait
directement avec le roi. Aussi le gouvernement provisoire refusa-t-il d'entrer
en (page 27) négociations avec
l'héritier présomptif du trône ; un des membres répondit à son envoyé que si le
peuple pouvait seulement soupçonner le gouvernement de faciliter les projets du
prince royal, il monterait dans le lieu des séances et jetterait ses chefs par
la fenêtre. Le prince fît alors une dernière tentative ; il publia, le 16, une
proclamation, dans laquelle il approuvait la révolution : « Belges, disait-il,
depuis que je me suis adressé à vous par une proclamation du 5 du présent mois,
j'ai étudié avec soin votre position : je la comprends, et je vous reconnais comme nation indépendante ; c'est vous dire
que dans les provinces même où j'exerce un grand pouvoir, je ne m'opposerai en
rien à vos droits de citoyens : choisissez librement, et par le même mode que
vos compatriotes des autres provinces, des députés pour le Congrès national qui
se prépare, et allez y débattre les intérêts de la patrie. Je me mets ainsi, dans les provinces que je gouverne, à la tête d'un
mouvement qui vous mène vers un état de choses nouveau et stable, dont la
nationalité fera la force. Voilà le langage de celui qui versa son sang
pour l'indépendance de notre sol, et qui veut s'associer à vos efforts pour
établir une nationalité politique. » (Note de bas de page :
L'état-major de la garnison de Maestricht révoqua en doute l'authenticité et la
légalité de cette proclamation ; les états députés de la province de Limbourg
la prirent, au contraire, pour base de leurs actes. Dans un avis du 21 octobre,
ils firent remarquer aux habitants de la province qu'aux termes de la
proclamation du 16 ils pouvaient librement prendre part aux opérations
électorales, dont le résultat devait faire espérer la fin des troubles qui
agitaient la patrie).
Le gouvernement provisoire répondit le surlendemain :
« Une proclamation, signée Guillaume, prince d’Orange, et publiée à
Anvers, le 16 de ce mois, vient d’être envoyée au gouvernement provisoire.
L’indépendance de
Troubles
dans le Hainaut, apaisés par M. Ch. Rogier
Des émeutes, coïncidant avec les promesses du prince,
venaient d'éclater presque simultanément dans
Le prince
d'Orange s'embarque pour Londres le 25 octobre. Bombardement d'Anvers
Pour réussir, le prince d'Orange, comme on l'a remarqué,
faisait à la fois trop ou trop peu ; trop, s'il voulait conserver les bonnes
grâces de son père ; trop peu, s'il voulait devenir véritablement le nouveau
chef de la nation belge, libre et séparée de
Fatalité déplorable ! Le surlendemain, cette ville, à
laquelle l'héritier des Nassau venait de faire ces adieux touchants, était
victime d'un bombardement ! On en rejeta la responsabilité sur le prince,
quoiqu'il ne fût assurément ni l'instigateur ni le complice du général
Chassé (Note de bas de
page : Dans la séance du Congrès, du 20 novembre, M. Ch. Lehon disculpa
complètement le prince à cet égard. « Le prince vint à Anvers, dit-il, animé
des meilleures intentions, mais trop tard et sans aucun des pouvoirs qui lui
étaient indispensables. Retenu quelques jours dans cette ville avec plusieurs
députés aux états généraux, je rends cette justice au prince qu'il regretta l'impuissance
dans laquelle il était placé, et que, dans ma conviction, il est resté pur de
toute participation quelconque aux désastres d'Anvers. »)
Tout à coup, dans l'après-midi du 27 octobre, le bruit se
répand à Bruxelles qu'Anvers est en feu, foudroyée par l'artillerie de la
citadelle et de la flotte, embossée dans l'Escaut. Déjà le gouvernement
provisoire s'était hâté d'envoyer sur les lieux celui de ses membres qui venait
d'apaiser les troubles du Borinage. A cinq heures trois quarts du soir, au milieu
d'une désolation que la plume ne pourrait retracer, M. Ch. Rogier écrit, moitié
à l'encre et moitié au crayon, la mémorable dépêche insérée au Bulletin
officiel de
Nuit terrible que celle du 27 au 28 octobre 1830 ! Jamais
elle ne s'effacera de la mémoire des contemporains. Le vent apportait à
Bruxelles le bruit expirant de l'artillerie de la citadelle et des bordées de
la flotte ; et, du haut des tours, on voyait à l'horizon une vaste lueur
rougeâtre, sinistre reflet de l'incendie qui dévorait la métropole commerciale
de
(page 33) Comment
cet effroyable désastre fut-il provoqué ? Les volontaires beiges avaient
successivement refoulé les Hollandais jusque sous les murs d'Anvers. A mesure
que les patriotes approchaient, l'agitation du peuple devenait plus menaçante.
Le 27 octobre, au matin, les Anversois se rendirent enfin maîtres de la porte
Rouge et de la porte de Borgerhout, et les ouvrirent aux volontaires qui se
répandirent dans la ville. Cependant il fut convenu entre leurs chefs et le
général Chassé que, pour éviter l'effusion du sang, les Hollandais se
retireraient à la citadelle et conserveraient provisoirement l'arsenal. La
prudence commandait de respecter cette convention ; car on ne pouvait espérer
de lutter contre le général Chassé, retranché avec 6,000 hommes derrière des
remparts inexpugnables, et commandant en outre à huit frégates ou canonnières,
qui formaient dans l'Escaut une ligne de batteries de 90 bouches à feu. Or,
vers deux heures de l'après- midi, des volontaires, ivres pour la plupart et
tous dans l'état le plus violent d'exaltation, ayant aperçu des soldats
hollandais aux fenêtres de l'arsenal, les insultèrent et finirent par tirer sur
eux. Les soldats ripostèrent, et bientôt le feu devint très vif de part et
d'autre. Après avoir fait avancer une pièce de six pour briser les portes de
l'arsenal, les volontaires achevèrent de l'enfoncer à coups de hache et
s'élancèrent dans l'intérieur de l’édifice, où ils firent plusieurs prisonniers.
Voyant que la convention était violée, le général Chassé commença par diriger
le feu de deux ou trois pièces sur le ravelin et le bastion, qui faisaient face
à l'arsenal. N'ayant pas réussi à expulser les assaillants, il fit brusquement
enlever le drapeau de la citadelle et donna le signal du bombardement, quoique
la ville n'eût pris aucune part à la brutale agression de quelques volontaires
ivres. Soudain un bruit effroyable retentit dans la cité ; les batteries de la
citadelle, des forts et de la flotte, avaient ouvert simultanément leur feu. Un
déluge de projectiles tombe sur la ville ; les bombes, (page 34) les boulets et les obus portent partout l'incendie et la
mort.
Bientôt l'arsenal et l'antique abbaye de Saint-Michel, qui
servait d’entrepôt au commerce, sont en feu. L’obscurité vint encore augmenter
l’horreur de cette scène de dévastation, scène lugubre, éclairée par le feu qui
serpentait au sommet de la tour de Saint-Michel, devenue le phare sinistre qui
annonçait au loin le désastre ! Les flammes ayant atteint la prison, il fallut
en ouvrir les portes, et près de deux cents condamnés s'échappèrent. La
terreur, la confusion, le désespoir régnaient partout, et on était impuissant ;
pas un coup de fusil ne pouvait être tiré contre les incendiaires, invisibles
derrière leurs murailles ! Partout on entendait des cris, des gémissements, des
prières ou des malédictions, interrompus par le bruit des décharges de
l'artillerie et de la chute des édifices. Les habitants, ne se trouvant pas en
sûreté dans les souterrains où ils s'étaient d'abord réfugiés, cherchaient en
foule un asile dans les campagnes... Enfin, quelques bourgeois, avec
l'autorisation du représentant du gouvernement provisoire, réussirent à
pénétrer dans la citadelle pour proposer un accommodement au général Chassé. Il
s'ensuivit une suspension d'armes, négociée par le colonel Chazal. Vers sept
heures et demie du soir, le feu de la citadelle avait cessé ; mais les huit
navires de l'Escaut continuèrent à tirer jusqu'à dix heures et demie.
Les dommages causés par ce bombardement étaient immenses. Il
ne restait de l'abbaye de Saint-Michel que quelques pans de muraille : c'était
une vaste fournaise où achevaient de se consumer les marchandises que le
commerce y avait entassées. L'arsenal offrait un tableau analogue. Quant aux
rues voisines de ces deux édifices, elles étaient converties en un monceau
ruines. On a pu évaluer sans exagération les pertes, non compris les bâtiments
de l'entrepôt et de l'arsenal, à la somme de 3,000,000 de florins. « Les principales
pertes, dit un écrivain digne (page 35)
de foi, furent causées par le feu de la citadelle : car la flotte ne
maltraitait que très peu les bâtiments qui bordent le quai. Les boulets
passaient sur la ville pour aller tomber dans la campagne. Ces faits sont
importants, car ils prouvent que Chassé ne fit pas usage de tous les moyens de
destruction qu'il avait à sa disposition. En sept heures, il aurait pu détruire
Anvers. » (Note de bas de
page : White, Révolution belge, t. II )
Plusieurs révélations ont pu faire croire, avec raison, que
ce bombardement avait été prémédité, parce qu'on désirait ardemment l'occasion
de briser, par l'épouvante, l'élan belliqueux des Belges et de relever en même
temps le courage des Hollandais. Le gouvernement de Guillaume Ie s'attendait à
une invasion ; elle aurait pu se faire de deux côtés : les habitants du Brabant
septentrional, où la religion catholique est dominante, manifestaient hautement
leurs sympathies pour leurs coreligionnaires, et Maestricht n'attendait qu'un
signal pour ouvrir ses portes. (Note de bas de page : Voici
comment s'exprime l'auteur du Recueil
(hollandais) des pièces diplomatiques
relatives aux affaires de
Le comte
Frédéric de Mérode meurt à Malines, le 4 novembre, au moment où l'opinion publique
le désignait comme le chef futur de
Déjà les Belges désignaient leur chef futur, celui qui devait
clore la révolution, rallier les partis, constituer l'État. C'était ce
gentilhomme, qui était venu à Berchem sacrifier sa vie si heureuse (page 36) pour la liberté. Le comte
Frédéric de Mérode avait subi à Malines, le 26 octobre, avec cette sérénité qu
il montrait sur le champ de bataille, l'amputation de la jambe droite, et cette
grave opération avait réussi. En quelques jours, le blessé de Berchem avait
conquis une popularité sans égale. « Le malheur arrivé à M. Frédéric de Mérode,
disait un journal influent (Note de bas de page : Le Politique, de Liége), a
puissamment développé une idée qui germait déjà dans beaucoup d'esprits ;
c'est, s'il survit à l'amputation, de le proposer au Congrès comme candidat à
la dignité de chef du gouvernement. La conduite et la position de cet excellent
citoyen inspirent une sympathie universelle. Jeune, possesseur d'une fortune
immense, pouvant, comme tant d'autres, aller attendre à l'étranger que le sort
de son pays fût fixé avant d'y rentrer, on l'a vu se vouer, l'un des premiers,
à la défense de notre sainte cause. A ces titres se mêle une idée dont la
singularité a quelque chose de touchant et de poétique, c'est que la mutilation
du chef de l'État serait une image où s'associeraient sa gloire et les
souvenirs de notre émancipation. » Le Courrier des Pays-Bas, organe presque
officiel de
Quelques jours après, une foule émue et silencieuse suivait
dans le cimetière du village de Berchem la dépouille mortelle du comte Frédéric
de Mérode. Autour du caveau qui allait recueillir cette glorieuse dépouille, on
voyait les trois frères de l'illustre victime ; M. Ch. Rogier, membre et
délégué du gouvernement provisoire ; M. de Robiano, gouverneur de la province
d'Anvers ; les amis et les compagnons d'armes du comte Frédéric, accourus d'Anvers,
de Malines et de Bruxelles, pour rendre un dernier hommage à sa mémoire. Quand
le cercueil fut descendu dans la tombe, M. Rogier peignit le deuil de la patrie
: « Ici, dit-il, repose M. Frédéric de Mérode, atteint d'une balle hollandaise,
près des lieux où ses restes ont été déposés... Quel devoir impérieux poussait
notre infortuné concitoyen à affronter la mort, le forçait à parcourir
quatre-vingts lieues de pays, à abandonner une existence brillante? Ce qui le
poussait, c'était la passion des âmes généreuses, un amour vif et désintéressé
de la liberté. A peine avait-il touché le sol de