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« Histoire du Congrès national ou de la fondation de la monarchie belge », par Théodore JUSTE

 

Bruxelles, Librairie polytechnique d’Aug. Decq, 1850, 2 tomes (1er tome : Livres I et II ; 2e tome : Livres III et IV)

 

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LIVRE PREMIER. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE

 

CHAPITRE II

 

Organisation du gouvernement provisoire. Comité central chargé du pouvoir exécutif.  Les partis. L'opinion publique se prononce pour la monarchie constitutionnelle.

 

(page 39) Il est temps de suivre dans son œuvre de démolition et de reconstitution ce gouvernement provisoire, qui avait accepté, au milieu des circonstances les plus difficiles, la grande tâche de poser les fondements d'une nation. Le gouvernement avait quitté l'hôtel de ville, premier siége de la puissance révolutionnaire, et s'était installé dans l'ancien palais des états généraux. Le comité central, qui représentait le pouvoir exécutif, s'assemblait tous les (page 40) jours pour recevoir successivement et à une heure fixe les propositions des administrateurs généraux des comités de la guerre, de l'intérieur, de la sûreté publique et des finances. Les administrateurs furent : à la guerre, M. Jolly, puis M. Goblet ; à l'intérieur, M. de Stassart, puis M. Nicolaï, auquel succéda M. Tielemans ; aux finances, M. Coghen, puis M. Ch. de Brouckere ; à la sûreté publique, M. Isid. Plaisant. Quant à la justice, elle fut d'abord administrée par un comité spécial composé de MM. Alex. Gendebien, Blargnies, Barbançon, Kockaert et Claes. Ce dernier, rédacteur du Courrier des Pays-Bas, avait naguère coopéré avec éclat aux luttes de la presse nationale.

La mission la plus pénible du gouvernement était de s'affranchir de la domination des partis, sans comprimer néanmoins la révolution. L'arrêté du 4 octobre, qui décrétait l'indépendance du pays et convoquait un Congrès chargé de fixer ses destinées, avait soulevé de vives récriminations. Les orangistes et une fraction du parti français poussaient à la république, afin de recueillir l'anarchie, qui devait conduire les uns à la réunion avec la France et préparer pour les autres la restauration de la maison de Nassau. Mais déjà la grande majorité du parti national se déclarait avec énergie pour la monarchie constitutionnelle. Les négociants la désiraient dans l'intérêt du commerce ; les catholiques rappelaient que la république belge, fondée par eux en 1790, n'avait pu exister ; enfin les libéraux de la nuance du Courrier des Pays-Bas, le plus célèbre des organes de l'opposition victorieuse, se prononçaient pour un état intermédiaire entre la monarchie pure et la république pure. Dans un moment où les idées bouillonnent, où tout est confusion et incertitude, mille projets naissent le matin que le soir emporte. Cependant, à mesure que les événements se dessinèrent et que l'opinion put se faire entendre, la forme monarchique, mais adaptée à la nouvelle organisation de la société, mais dépouillée des gothiques (page 41) traditions de l'ancien régime, la monarchie démocratique vit le nombre de ses partisans s'accroître. Malgré les instances de M. de Potter, qui par la déchéance immédiate des Nassau voulait arriver à la république (Note de bas de page : Souvenirs personnels, t. I, p. 171), la majorité du gouvernement provisoire refusa obstinément d'empiéter sur les droits du Congrès, soit en condamnant l'ancienne dynastie, soit en usant de la dictature pour imposer au pays la monarchie ou la république.

 

Nomination d'une commission, chargée de préparer le projet de Constitution

 

Bientôt même le comité central se déchargea du soin de rédiger le projet de constitution. Assailli par des nuées de pétitionnaires, obligé de prendre d'urgence une foule de mesures administratives et de donner audience aux nombreuses députations des villes et des communes qui venaient lui promettre leur concours, le comité central se trouvait, d'ailleurs, dans l'impossibilité d’entreprendre un travail qui demandait du calme et du recueillement. Le 6 octobre, il avait nommé, en dehors du gouvernement, une commission de Constitution. Indépendamment d'un mode populaire d’élection des membres du Congrès, elle devait proposer un projet de Constitution, destiné à devenir, après l'examen de l'assemblée nationale, la loi fondamentale de la Belgique.

Cette commission fut d'abord composée de MM. de Gerlache, conseiller à la cour de Liége et membre de la ci-devant deuxième chambre des états généraux; Charles de Brouckere, également membre de cette chambre ; Paul Devaux, qui s'était déjà fait une réputation solide par sa collaboration au Politique de Liége et par la part qu'il avait prise à la fondation de l'Union entre les catholiques et les libéraux ; Van Meenen, avocat à Louvain, récemment nommé gouverneur par intérim du Brabant méridional; Tielemans, ancien référendaire au ministère des affaires étrangères, condamné au bannissement avec M. de Potter ; Balliu, avocat à Gand ; Zoude, avocat à Namur ; Thorn, avocat à Luxembourg, et (page 42) H. Fabry, conseiller à la cour de Liége, lequel, à cause de son grand âge, déclina le mandat qui lui était offert. Le gouvernement provisoire s'était réservé d'adjoindre à la commission les hommes les plus distingués de toutes les provinces. Il désigna successivement : M. Lebeau, de Huy, ancien collaborateur de MM. Devaux et Rogier au Politique, et nommé depuis peu avocat général à la cour de Liége; M. J.-B. Nothomb, du Luxembourg, avocat et rédacteur du Courrier des Pays-Bas ; M. Dubus, avocat a Tournai; M. Blargnies, de Mons, avocat à Bruxelles, et M. Jullien, avocat à Bruges, lequel déclina aussi ce mandat à cause du fardeau que lui imposaient les fonctions de membre de la commission provinciale de la Flandre occidentale.

 

Arrêté du 10 octobre, qui détermine le mode d'élection des députés au Congrès national. Il soulève des réclamations. Arrêté du 16 octobre, qui réduit de moitié le cens électoral pour les campagnes. L'installation du Congrès est fixée au 10 novembre.

 

La commission de Constitution s'étant mise immédiatement à l'œuvre, le gouvernement provisoire détermina, par arrêté du 10 octobre, le mode d'élection des députés au Congrès national. Cette ordonnance fut comme la transition entre l'ancien régime détruit et le nouveau régime qui se préparait. Le gouvernement voulut que le Congrès, appelé à décider des destinées de la Belgique, fût une véritable représentation nationale. Aussi consacra- t-il une grande innovation : l'élection directe.

Des restrictions étaient apportées par la loi fondamentale de 1815 au vœu spontané et direct des citoyens. D'après l'ancienne Constitution, la nation était représentée par les états généraux, divisés en deux chambres. Les membres de la première chambre étaient nommés à vie par le roi ; ceux de la seconde chambre, au nombre de cent, étaient nommés par les états des provinces, dont les membres tenaient leur mandat des trois ordres : les nobles ou corps équestre, les villes et les campagnes. Dans les campagnes, l'électeur nommait directement aux états provinciaux ; mais, dans les villes, il choisissait d'abord les membres du collège électoral, lequel nommait les régences, chargées enfin de désigner les députés aux états provinciaux. La loi fondamentale (page 43) avait prescrit de faire les élections dans les villes chaque année; cette disposition fut annulée par le règlement de 1825 sur les états des provinces et sur les régences des villes. Ce règlement statua que les élections n'auraient plus lieu que tous les trois ans. Les électeurs furent nommés pour neuf années au lieu de trois, et les conseils municipaux à vie.

 Déjà le gouvernement provisoire, par un arrêté du 8 octobre, avait ordonné de convoquer immédiatement les notables à l'effet de recomposer les régences d'après le mode d'élection directe. Le même principe fut introduit dans l'arrêté du 10 octobre. Le Congrès national devait se composer de deux cents députés, élus directement par les citoyens.

Tout citoyen, âgé au moins de vingt-cinq ans accomplis, né Belge, ou ayant obtenu l'indigénat, pouvait être député au Congrès national, s'il était domicilié en Belgique. On assimilait aux indigènes les étrangers qui avaient établi leur domicile en Belgique avant la formation du royaume des Pays-Bas, et qui avaient continué d'y résider. Il n'était pas requis que le député eût son domicile dans la province où il serait élu.

Les électeurs (indigènes , naturalisés , ou étrangers ayant six années de domicile en Belgique) devaient avoir atteint l'âge de vingt-cinq ans et payer la quotité de contributions que les règlements des villes et des campagnes avaient fixée, d'après les diverses localités, pour l'admission aux colléges électoraux. Les parties contestées du Limbourg et du Luxembourg étaient comprises dans l'ordonnance. Le tableau du cens de l'électeur indiquait :

Dans le Brabant : 100 florins pour les campagnes; pour les villes : 150 florins au maximum, et 40 florins au minimum;

Dans le Limbourg : campagnes, 50 florins ; villes, 60 florins au maximum, et 30 florins au minimum;

Dans la province de Liége : campagnes, 75 florins ; villes, 80 florins au maximum, et 20 florins au minimum ;

(page 44) Dans la Flandre orientale : campagnes, 150 florins; villes, 100 florins au maximum, et 40 florins au minimum ;

Dans la Flandre occidentale : campagnes, 150 florins; villes, 80 florins au maximum, et 40 florins au minimum ;

Dans le Hainaut : campagnes, 150 florins ; villes, 80 florins au maximum, et 30 florins au minimum ;

Dans la province de Namur : campagnes, 50 florins ; villes 50 florins au maximum, et 16 florins au minimum ; Dans la province d'Anvers : campagnes, 75 florins ; villes, 130 florins au maximum, et 30 florins au minimum ;

Dans le Luxembourg : campagnes, 50 florins ; villes 30 florins au maximum, et 13 florins au minimum.

Étaient également électeurs, sans qu'il fût exigé d'eux aucun cens, les conseillers des cours, juges des tribunaux, juges de paix, avocats, avoués, notaires, ministres des différents cultes, officiers supérieurs, depuis le grade de capitaine inclusivement, les docteurs en droit, en sciences, en lettres et en philosophie, en médecine, chirurgie et accouchements. Enfin, il était statué que les élections se feraient par district administratif, et que les électeurs y concourraient dans le district où ils avaient leur domicile réel.

Ce décret ayant fait l'objet d'une vive polémique, nous ferons connaître les principaux arguments allégués en sa faveur par le journal le plus influent de la capitale. « On avait eu à opter, disait le Courrier des Pays-Bas, entre le cens non uniforme et le cens uniforme. En adoptant un cens uniforme de 150 florins, c'eût été attribuer l'électorat aux villes et à quelques propriétaires des campagnes, exclure des cantons, des districts entiers. Le défaut de documents et la nécessité d'aller vite ne permettaient point d'entreprendre un nouveau travail de répartition ; les archives étaient à la Haye ; le Congrès national devait se réunir au plus tôt. Comment établir la population et la richesse de toutes les communes urbaines et rurales de la Belgique et (page 45) varier le cens d'après ces deux éléments ? Il a donc fallu vaincre toutes les répugnances et recourir au travail fait sous l'ancien régime. Dans le système d'élection indirecte, il y avait deux cens : celui de l'ayant droit de voter et celui de l’électeur. Il était donc de nouveau nécessaire d'opter. Le gouvernement a craint de descendre jusqu'au cens de l'ayant droit de voter, et de rendre les assemblées électorales nombreuses, au point de multiplier les opérations et de les prolonger pendant plusieurs jours. Il s'est donc cru obligé de remonter jusqu'au cens de l'électeur, et il l'a maintenu, en enlevant les degrés intermédiaires. Une grave objection se présentait : on avait placé l'électeur de la ville et l'électeur de la campagne sur la même ligne, en les faisant concourir, et cependant leur position n’était pas la même dans l'ancien système, auquel cet emprunt était fait. Dans les campagnes, l'électeur nommait directement aux états provinciaux : dans les villes, la régence venait encore s'interposer entre les électeurs et les états provinciaux ; l'électeur des campagnes, qui gagnait un degré, payait pour cette raison et proportionnellement un cens plus fort que l'électeur des villes, qui était assujetti à un degré de plus. On en conclut qu'il eût fallu élever le cens des villes et abaisser celui des campagnes. Mais le gouvernement n'ayant pu, faute de pièces et de temps, faire un travail tout nouveau, se trouvait également dans l'impossibilité de modifier un travail ancien. D'après quelles données d'ailleurs aurait-il abaissé le cens des campagnes et élevé celui des villes ? Pressé par les circonstances et dépourvu de renseignements suffisants, il eût procédé par tâtonnement et n'eût fait que déplacer l'injustice. Il se peut aussi que le cens soit plus élevé dans les campagnes, parce qu'il y a moins de lumières, et que, en général, dans chaque village, un ou deux grands propriétaires disposent de la volonté de tous les petits propriétaires ; on a voulu réduire les premiers (page 46) à leurs propres votes et ne pas créer en leur faveur des espèces de bourgs pourris. » A cette époque même, le gouvernement annonçait qu'aucun journal alors existant n’était l’organe de ses opinions ou de ses vues sur l'avenir politique du pays. On pouvait toutefois considérer les explications que nous venons de résumer comme émanant d'une source presque officielle.

Un arrêté du 12 octobre fixa au 27 de ce mois l'époque des élections dans toute la Belgique, et au 3 novembre l'ouverture du Congrès national ; il réglait la marche des opérations électorales, et déterminait le nombre des députés à nommer par chaque district administratif. Cet arrêté disposait que les électeurs se réuniraient à l'hôtel de ville du chef-lieu du district administratif. Maestricht se trouvant au pouvoir des Hollandais, un arrêté postérieur établit un bureau particulier à Sittard pour les habitants de la partie du district de Maestricht située sur la rive droite de la Meuse. Déjà le siége du gouvernement du Luxembourg avait été transféré de l'ancien chef-lieu à Arlon. M. Thorn avait été nommé gouverneur, et M. Nothomb greffier de cette province contestée.

Cependant la quotité du cens électoral, fixé par l'arrêté du 10 octobre, avait donné lieu à de nombreuses réclamations de la part des habitants de la campagne. Le gouvernement jugea ces réclamations fondées, et revint sur sa première décision. Les villes étant, par l'art. 3 de l'arrêté du 10 octobre, assimilées aux communes rurales sous le rapport de l’élection directe, il n'existait plus de motifs, suivant le gouvernement, pour que le cens électoral des campagnes fût aussi élevé que précédemment. En conséquence, un nouvel arrêté du 16 octobre réduisit de moitié le cens électoral pour les campagnes, ajourna au 5 novembre l'époque des élections et au 8 du même mois l'ouverture du Congrès  (Note de bas de page : On compta 44,099 électeurs inscrits pour prendre part aux élections. Au 1"janvier 1829, date du dernier recensement, la population de la Belgique s'élevait, avec les parties cédées dix ans plus tard, à 3,908,235 habitants, répartis ainsi qu'il suit dans les neuf provinces : Anvers 343,214 Brabant 506,930 Flandre occidentale 580,597 Flandre orientale 717,057 Hainaut 574,750 Liége 352,230 Limbourg 330,188 Luxembourg 302,654 Namur.. 197,615). (page 47) Cette installation fut ensuite remise au 10, par un arrêté du 5 novembre , à cause du retard inattendu qu'éprouvait le dépouillement des votes dans les assemblées électorales réunies à Bruxelles. Le 23 octobre, le gouvernement avait arrêté que dans chaque district administratif, les électeurs, en procédant à l'élection des députés, nommeraient, par un même scrutin séparé, un nombre de suppléants égal à celui des députés. Le nombre des suffrages devait déterminer le rang des suppléants et l'ordre d'après lequel ils pourraient être éventuellement appelés à l'assemblée nationale. La gravité et la solennité de la mission du Congrès exigeaient que la représentation nationale fût aussi complète que possible. Pour prévenir le besoin de nouvelles élections et les retards qu'elles entraîneraient, il était donc convenable de pourvoir d'avance aux vacances qui pourraient résulter de doubles nominations, de démissions, de congés et d'autres causes. Enfin, le 22 octobre, le comité central, considérant qu'une exécution prompte et sévère des actes du gouvernement provisoire pouvait seule hâter la formation du Congrès national et déjouer les projets hostiles, avait arrêté que des représentants provisoires du gouvernement seraient envoyés dans les provinces avec la mission d'activer, sous leur responsabilité personnelle, les élections pour la recomposition (page 48) des régences et la formation du Congrès. Tels furent les actes qui fixèrent l'organisation de l'assemblée, chargée de régénérer politiquement la Belgique.

 

Principaux actes du gouvernement provisoire ; proclamation de la liberté de la presse, des cultes, de l'enseignement, etc. Allégresse du clergé. Circulaire de l'évêque de Namur; mandements de l'évêque de Liége et de l'archevêque de Malines.

 

Le gouvernement provisoire s'était servi de sa puissance dictatoriale pour déblayer le terrain et y asseoir les principales colonnes de l'édifice constitutionnel. Les agents les plus impopulaires du régime déchu ne pouvaient échapper aux conséquences inévitables d'une révolution ; les administrations, les cours et les tribunaux furent donc réorganisés. En même temps, le gouvernement renversait les institutions condamnées par l'opinion publique. Il supprima la haute police qui n'avait été établie, disait-il, que dans l'intérêt du pouvoir absolu, et il abrogea en même temps les art. 44 à 50 du Code pénal (Note de bas de page : Voici le texte des articles abrogés :

« Art. 44. L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police de l'État sera de donner au gouvernement, ainsi qu'à la partie intéressée, le droit d'exiger, soit de l'individu placé dans cet état, après qu'il aura subi sa peine, soit de ses père et mère, tuteur ou curateur, s'il est en âge de minorité, une caution solvable de bonne conduite, jusqu'à la somme qui sera fixée par l'arrêt et le jugement : toute personne pourra être admise à fournir cette caution.

« Faute de fournir ce cautionnement, le condamné demeure à la disposition du gouvernement, qui a le droit d'ordonner, soit l'éloignement de l'individu d'un certain lieu, soit sa résidence continue dans un lieu déterminé de l'un des départements de l'empire.

« ART. 45. En cas de désobéissance à cet ordre, le gouvernement aura le droit de faire arrêter et détenir le condamné, durant un intervalle de temps qui pourra s'étendre jusqu'à l'expiration du temps fixé pour l'état de la surveillance spéciale.

« ART. 46. Lorsque la personne mise sous la surveillance spéciale du gouvernement, et ayant obtenu sa liberté sous caution, aura été condamnée par un arrêt ou jugement devenu irrévocable, pour un ou plusieurs crimes, ou pour un ou plusieurs délits commis dans l'intervalle déterminé par l'acte de cautionnement, les cautions seront contraintes, même par corps, au payement des sommes portées dans cet acte. Les sommes recouvrées seront affectées de préférence aux restitutions, aux dommages-intérêts et frais adjugés aux parties lésées par ces crimes ou ces délits.

« ART. 47. Les coupables, condamnés aux travaux forcés à temps et à la réclusion , seront de plein droit, après qu'ils auront subi leur peine, et pendant toute la vie, sous la surveillance de la haute police de l'État.

« ART. 48. Les coupables condamnés au bannissement seront, de plein droit, sous la même surveillance, pendant un temps égal à la durée de la peine qu'ils auront subie.

« ART. 49. Devront être renvoyés sous la même surveillance ceux qui auront été condamnés pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de l'État.

« ART. 50. Hors les cas déterminés par les articles précédents, les condamnés ne seront placés sous la surveillance de la baute police de l'État que dans le cas où une disposition particulière de la loi l'aura permis. ») ; il supprima la (page 49) bastonnade, comme insultante aux soldats belges et attentatoire à la dignité de l'homme ; il fit disparaître la loterie ; il anéantit toutes les entraves qui enchaînaient la liberté de l'enseignement. Mais, en détruisant d'une main, le gouvernement créait de l'autre. Il rétablit la publicité de l'instruction et des débats judiciaires, comme l'une des plus précieuses garanties des accusés et de l'administration de la justice ; il prescrivit de même la publicité des budgets et des comptes de chaque commune ; il institua une garde civique dans toutes les communes de la Belgique ; il décréta la liberté des cultes, la liberté de la presse, la liberté du théâtre. Le droit d'association, dans un but politique, religieux, philosophique, littéraire, industriel et commercial, fut ensuite consacré comme le corollaire des libertés déjà proclamées. Pour montrer l'étendue de ces concessions, citons les dispositions même du décret le plus mémorable, celui du 16 octobre : « 1. Il est libre à chaque citoyen, ou à des citoyens associés dans un but religieux ou philosophique, quel qu'il soit, de professer leurs opinions comme ils l'entendent, et de les répandre par tous les moyens possibles de persuasion et de conviction. —  (page 50) « II. Toute loi ou disposition qui gêne la libre manifestation des opinions et la propagation des doctrines, par la voie de la parole, de la presse ou de l'enseignement, est abolie.— III. Les lois générales et particulières entravant le libre exercice d'un culte quelconque, et assujettissant ceux qui l'exercent à des formalités qui froissent les consciences et gênent la manifestation de la foi professée, sont également abrogées. »

Le clergé accueillit cet arrêté avec la plus vive allégresse. Dès le 22 octobre, l'évêque de Namur adressa aux curés de ce diocèse la circulaire suivante : « Par arrêté du 16 du courant, le gouvernement provisoire de la Belgique a abrogé toutes les dispositions législatives qui gênaient la liberté absolue de conscience. Par là vous vous trouvez débarrassé des entraves mises à la célébration du mariage. Vous pouvez désormais y procéder indépendamment de l'acte ou contrat civil. C'est la conséquence qu'en tire le gouvernement provisoire lui-même, et qu'il a bien voulu nous notifier officiellement par sa lettre du 18 du présent mois. Puisque cependant, sans ce contrat, la loi ne protégerait point l'union des époux et regarderait comme illégitimes les enfants qui en naîtraient, nous vous engageons instamment à faire sentir à vos paroissiens , toutes les fois que l'occasion s'en présentera, l'importance de cette formalité essentielle au bien-être et à la tranquillité des familles. » A la fin d'un mandement publié à la même époque, l'évêque de Liége inséra l'avis suivant : « A l'avenir, toutes les fois que les pasteurs croiront avoir une raison suffisante de célébrer le mariage avant que les formes civiles puissent être accomplies, nous voulons qu'ils s'adressent à nous pour, le cas nous étant exposé , obtenir la permission nécessaire. » Le prince de Méan, archevêque de Malines, publia, le 28 octobre, un mandement de la même teneur. Ainsi le clergé supérieur se montrait disposé à ne pas abuser de la concession qui venait de lui être faite. Elle était grande, (page 51) généreuse ; mais était-elle prudente ? Nous verrons qu'elle souleva de vives discussions dans le Congrès national et qu'elle dut être rapportée, parce qu'elle portait atteinte à la suprématie de la loi civile et qu'elle pouvait compromettre la paix des familles et l'ordre social même.

 

La commission de Constitution prend comme base de son travail le gouvernement monarchique. Abstention du gouvernement provisoire. Projet de M. Tielemans, chef du comité de l'intérieur, consistant à faire alterner pendant six ans la monarchie et la république.

 

La question vitale de la forme du futur gouvernement de la Belgique, tenue en suspens par le comité central, venait d'être tranchée par la commission chargée de préparer la Constitution. En abordant cette grande œuvre, le 12 octobre, la commission avait dû nécessairement se demander si elle prendrait pour base de son travail l'état monarchique ou l'état républicain. Trois membres, MM. Van Meenen, Tielemans et Nothomb, furent d'avis qu'il fallait ajourner cette question ; ils voulaient que les grands principes fussent posés et chaque pouvoir organisé, sans autre préoccupation, et qu'on réservât pour le couronnement de l'œuvre l'organisation du pouvoir du chef de l'État. Mais les autres membres répondirent qu'il était nécessaire d'adopter avant tout soit le système monarchique, soit le système républicain. Cette opinion prévalut. La commission décida, à la majorité de huit voix contre une, que la forme du gouvernement serait monarchique. MM. De Gerlache, Van Meenen, Lebeau, Devaux, Ch. de Brouckere, Nothomb, Balliu et Zoude (de Namur) votèrent pour la monarchie; M. Tielemans fut le seul opposant. Les autres membres n'étaient pas encore nommés ou n'avaient pas pris séance. Le 16 octobre, la commission arrêta les bases de la Constitution, et chargea MM. Devaux et Nothomb de rédiger un projet d'après ces bases. Ce projet fut discuté, et adopté par la commission le 25 octobre. Le 27, M Nothomb en donna lecture au gouvernement provisoire ; il fut loin de satisfaire M. de Potter. « Ce n'était pas la peine, dit-il, de verser tant de sang pour si peu de chose.» (Note de bas de page : Voyez NOTHOMB, Essai historique et polit. sur la révolution belge, ch. II) (page 52) Or, cette chose, qui paraissait si petite, n’était rien moins, comme nous le verrons plus tard, que la consécration et le développement des libertés déjà proclamées par le gouvernement provisoire. Le 28, le projet fut publié dans le nouveau journal officiel, l ' Union belge, précédé d’un avis ainsi conçu : .: Hier, à dix heures du soir, fut remis au comité central du gouvernement provisoire le projet de Constitution, tel qu'il a été arrêté par les commissaires. Le gouvernement provisoire s empresse de le livrer au public par la voie des journaux, afin de s'éclairer lui-même, par la discussion que ce projet soulèvera, sur l'état véritable de l'opinion. Avant l'ouverture du Congrès, le comité central modifiera le projet de Constitution de manière à pouvoir le présenter à l'assemblée nationale comme l'expression tout à la fois de l'opinion générale et de son opinion propre » Cet avis constatait le dissentiment qui avait éclaté dans le comité central. Toutefois la majorité résolut de présenter le projet de Constitution au Congrès tel qu'il lui avait été soumis par la commission et sans y apporter aucune modification.

Ce fut alors que M. Tielemans, chef du comité de l'intérieur, crut posséder le moyen de concilier les opinions les plus extrêmes ; il le fit connaître dans une lettre qu il adressa au gouvernement provisoire, le 7 novembre. « La question principale, disait-il, est celle de savoir si la forme du gouvernement sera républicaine ou monarchique. Laissez-la tout entière à la décision du Congrès ; ne manifestez ni votre opinion individuelle, ni votre opinion collective sur la monarchie ou sur la république ; mais, en posant la question, posez aussi la déclaration suivante : Art. 1". Si la majorité du Congrès se prononce en faveur de la monarchie, la question de la république sera soumise à un nouveau Congrès, dans trois ans. Art. 2. Si elle se prononce en faveur de la république, la question de la monarchie sera soumise à un nouveau Congrès, dans le même (page 53) espace de temps. Art. 3. Pendant cet intervalle, les choses de première nécessité, pour autant qu'elles servent à la consommation du peuple, seront exemptes de tout impôt. — La proposition que je vous soumets est toute d'équité. En présentant au Congrès un projet de constitution monarchique, vous établissez en faveur de la monarchie un préjugé dont les républicains se plaignent avec raison, et qui, d'ailleurs, ne s'accorde pas avec la résolution prise par vous-même de ne manifester aucune opinion comme gouvernement. En laissant la question indécise, vous faites acte d'impartialité à l'égard de la nation et des membres du gouvernement provisoire qui ne seraient pas d'accord entre eux sur la monarchie ou la république. » Il était impossible de donner suite à cette proposition, quoiqu'elle eût été dictée, nous nous plaisons à le croire, par un louable esprit de conciliation. Adopter le projet de M. Tielemans, c'était empêcher la prompte consolidation de la révolution, perpétuer les divisions au lieu de les faire disparaître, prolonger une situation provisoire, qui eût détruit les forces et anéanti le courage de la nation.

 

Élections pour le Congrès. Professions de foi.

 

La Belgique entière se préparait aux élections. Elles devaient se faire librement; elles devaient exprimer les sentiments véritables du peuple ; car le gouvernement avait résolu de conserver la plus scrupuleuse neutralité ; et nous affirmons, d'après les témoignages les moins suspects, que jamais l'autorité ne fit moins sentir son action. C'était la presse nationale qui se chargeait d'éclairer les électeurs, de les mettre en garde contre des tentatives insensées, de leur rappeler l'importance du mandat qu'ils allaient remplir. «Des intrigues de plus d'un genre sont ourdies, disait le Courrier des Pays-Bas du 27 octobre, pour l'anarchie, pour un pouvoir militaire, pour l'ex-gouvernement ; pour la France, et principalement pour une France républicaine que des associations populaires se chargeraient de créer à Paris ; pour (page 54) le prince d'Orange, pour des princes étrangers, pour des présidents indigènes. L'ancre de salut sera le Congrès national. C'est autour de lui que les bons citoyens doivent se grouper. » De son côté, le Courrier de la Meuse, fanal des catholiques, cherchait aussi à les prémunir contre les intrigues du parti français ; son langage était acerbe, injuste même. « Le protestantisme du Nord, disait-il, était intolérant, avide, insatiable ; l'impiété qui nous menace au Midi ne serait-elle pas cent fois plus intolérante encore ? Ne serait-elle pas ce qu'elle a été, il y a trente-cinq ans, cruelle, sanguinaire, inexorable? » Enfin, aux déclamations passionnées de l'Émancipation, organe des exagérés, en faveur d'un état républicain fédératif, le Politique de Liége, dont l'influence n'était point circonscrite dans la province, opposait les solides garanties que la monarchie constitutionnelle représentative offrirait a la Belgique. « La question de monarchie et la question des Nassau, ajoutait-il, ne sont pas nécessairement liées. Ceux qui s'effrayent de tout ce qui ressemble à une restauration ne peuvent-ils jeter les yeux sur un Saxe-Cobourg, sur un Leuchtenberg, sur un d'Arenberg, sur un Frédéric de Mérode ?

De tous les rangs, de toutes les classes, de l'ancienne noblesse, de la grande propriété, de l'industrie, du commerce, du clergé, du barreau, de la presse, de la bourgeoisie, surgissaient des candidatures pour le Congrès national. Les anciens députés, qui avaient bien mérité du pays par leur conduite courageuse aux états généraux, les promoteurs et les coopérateurs du mouvement révolutionnaire dans les diverses provinces, tous briguaient les suffrages de leurs concitoyens, tous voulaient concourir à l'affermissement de la nationalité reconquise. La plupart des candidats s'adressaient directement aux électeurs dans des professions de foi remarquables à divers titres. Ceux-ci (et ils formaient la majorité) s'annonçaient comme monarchistes ; (page 55) ceux-là avouaient des opinions républicaines : mais républicains et monarchistes mettaient en première ligne l'indépendance du pays.

 

Scission dans le comité central.

 

Dans son adresse aux électeurs de Bruxelles, M. Éd. Ducpetiaux, aussi courageux dans le forum que dans la presse, rappelait que, lors des événements du mois d'août, aidé de quelques hommes dévoués, il avait abattu les couleurs françaises que l'on avait d'abord arborées à l'hôtel de ville de Bruxelles, et que, le premier, il avait fait flotter en Belgique le drapeau tricolore brabançon. M. Constantin Rodenbach, dont le rôle devait être si énergique au Congrès, s annonçait aux électeurs de Bruges « comme inaccessible à toute tentative d accommodement et de corruption. » Un des partisans les plus passionnés de la république, M. de Robaulx, avocat à la cour de Liége, s'adressait dans les termes suivants aux électeurs du district de Philippeville : « Si vos suffrages me désignent, mes efforts tendront à faire proclamer l'indépendance absolue et définitive de la Belgique ; la souveraineté du peuple ; la création d une forme de gouvernement la plus populaire et la plus économique possible, et qui soit appropriée à l'état et aux lumières du pays. » M. Van Meenen disait aux électeurs de Louvain « J'aime la république, mais je suis intimement convaincu que c'est la monarchie constitutionnelle représentative qui convient à notre situation intérieure et à nos rapports extérieurs. » M. Jottrand, un des rédacteurs du Courrier des Pays-Bas, n'était pas moins explicite dans sa lettre aux électeurs de Bruxelles et de Nivelles : « Je regarde la république, disait-il, comme impraticable à notre époque et dans notre pays. Je la crois d'autant plus dangereuse, qu'il ne manque pas chez nous, eu ce moment, d'ambitions d'une nature peu rassurante, qui sans doute exploiteraient ce régime sans trop d'égard pour le bien-être du pays. » Faisant ensuite allusion au dévouement du comte Frédéric de Mérode, il ajoutait : « Des événements récents (page 56) rendent possible, à mon avis, le choix d'un prince indigène pour nous gouverner... Si cependant, par une cause quelconque que je ne prévois pas, mais qui pourrait exister, aucun membre de la famille indigène, que l'opinion désigne aujourd'hui, n'acceptait le fardeau du gouvernement suprême de nos provinces, je dois déclarer ouvertement que je regarderais le prince d'Orange ou l'un de ses fils comme admissible à l'autorité de chef de la nation belge, plutôt que de livrer le pays à la république ou à la domination étrangère. » M. Lecocq, ancien député aux états généraux, disait aux électeurs de Tournai : « Monarchie constitutionnelle ! Un roi n'est pour moi que le premier citoyen de l'État, le premier sujet de la loi. Le trône me paraît devoir être héréditaire pour la stabilité de l'ordre... Un roi citoyen, une représentation nationale ; voilà la meilleure des républiques; c'est celle de Lafayette, c'est la mienne. L'humaine faiblesse ne permet jamais d'espérer une succession non interrompue de princes, réunissant toutes les qualités voulues : mais avec de fortes institutions, avec la responsabilité ministérielle, les dangers sont peu à craindre. Des agents responsables composent alors un gouvernement qui marche, fort de lui-même, sans altération, quel que soit l'état physique ou moral du chef héréditaire. Le gouvernement anglais, le gouvernement français serviront d'exemple au gouvernement belge... » M. Nothomb adressa la circulaire suivante aux électeurs du grand-duché de Luxembourg : « Je suis né parmi vous ; en m'établissant à Bruxelles, je n'ai pas cessé d'être Luxembourgeois ; attaché à la rédaction du Courrier des Pays-Bas, j'ai en quelque sorte représenté notre province dans la lutte qui a préparé notre glorieuse révolution. Mes opinions politiques vous sont connues. Le premier, j'ai publiquement flétri le système qui tendait à nous déshériter du nom belge, et à faire descendre notre patrie à la triste condition d'une (page 57) principauté patrimoniale de l'Allemagne. Le Grand-Duché a des besoins particuliers, qui ont fait l'objet de mes études et de mes recherches. Éligible, contre mon attente, par le bienfait des lois nouvelles, j'ose me présenter comme candidat au Congrès national, et réclamer de vous le mandat de défendre comme député des principes et des intérêts que j'ai défendus comme écrivain. » Enfin, M. Van de Weyer fit insérer la note suivante dans les journaux : « On a élevé quelques doutes sur la question de savoir si les membres du gouvernement provisoire pouvaient être appelés au Congrès national. Cette question a été et devait être résolue affirmativement. En conséquence, je me présente, sans scrupule, à mes concitoyens : mes titres à leur confiance, ils ne les ont pas oubliés ; je travaille tous les jours à les mériter davantage. »

 

M. de Potter repousse toute candidature pour le Congrès, et se déclare ouvertement pour la république. Cette profession de foi brise sa popularité.

 

M. de Potter venait de se séparer ouvertement de ses collègues en repoussant toute candidature pour le Congrès national. Chargé par le peuple d'exécuter sa volonté, il ne croyait pas, disait-il, qu il lui fût permis d'aspirer à siéger parmi ceux qui allaient formuler cette même volonté nationale. Du reste, il venait aussi de publier sa profession de foi politique pour confirmer, ce qui n'était plus un mystère pour personne, qu'il voulait la république. « Belges , disait-il, nos voisins ont les yeux sur nous : la France et l'Angleterre saluent déjà la république qui va s'élever sous leurs auspices. Ne nous rendons pas la risée de l'Europe et de la postérité, en ne répondant à cette noble attente que par une copie froide et décolorée de ces chartes modernes, de ces constitutions illusoires, au moyen desquelles on n'a jusqu'aujourd’hui réussi qu à amortir temporairement les généreuses révolutions des peuples, et à nécessiter peu après des révolutions nouvelles. » (Note de bas de page : Souvenirs personnels, t. l, p. 178. L'impartialité nous fait un devoir de rapporter les motifs qui engageaient M. de Potter à proposer la forme républicaine. Voici ce qu'il nous apprend à cet égard dans ses Souvenirs, 2e édition, t. II, p. 387 : « J'ai, en 1830, proposé l'adoption de la forme républicaine : Oui, mais alors, si les neuf dixièmes de la nation n'y avaient été contraires, la république était possible en Belgique; et c'était, à cette époque, la seule voie où la Belgique pût entrer avec la certitude de ne pas s'y heurter contre la diplomatie des cabinets. Je demandais la république comme institution civile et sociale, je ne le nie point ; car je regardais et je regarde toujours (M. de Potter écrivait en 1839) cette institution, là où elle est réalisable, comme la meilleure de toutes celles que les hommes puissent appliquer; mais je la demandais bien plus encore comme mesure politique, et j'y voyais la garantie de la liberté des Belges, c'est vrai ; mais j'y voyais avant tout la condition sine quâ non de leur indépendance nationale. ») Si M. de Potter prit dès lors la résolution (page 58) de se détacher de ses collégues et de s'éloigner du pouvoir, c'est qu'il avait la conviction que, en proclamant un vœu contre lequel se soulevait l'opinion, il avait brisé sa popularité et s'était condamné à l'impuissance. Son rôle était fini. M. de Potter avoue lui-même que sa profession de foi acheva de le perdre ; que le mot république lui aliéna le peuple, qui ne le comprenait point. Le Congrès allait hériter du prestige et de la force qui avaient abandonné l'homme porté, le 27 septembre, au pouvoir sur les bras de la foule.

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