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Note
d’intention
« Aperçus
de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 »
(« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)
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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
LII.
Les insinuations de Jottrand sur la « réunion ».
(page 447) M. Jottrand alla plus loin. Pour prouver que
l'élection de Nemours, c'était la réunion à la France, il affirma que le Gouvernement
provisoire, son envoyé à Paris et le Comité diplomatique avaient négocié avec
le gouvernement français cette réunion.
Cette dénonciation était grave, elle était compromettante pour
l'élection de Nemours, parce qu'elle s'attaquait à des hommes qui avaient
proposé et qui soutenaient, avec une certaine autorité, cette candidature. .
Neutraliser l'influence de ces hommes, c'était battre en brèche leur
candidat et assurer le succès de Leuchtenberg.
C'était un coup de maître et peut-être un coup de Jarnac.
Si l'accusation de M. Jottrand était habile,
elle était téméraire et dénuée de fondement. C'est ce que je vais démontrer
pour la justification de tous les accusés et de moi-même qu'il parut désigner
spécialement, en se tournant de mon côté pour prononcer cette philippique.
Dans la séance du 30 janvier, M. Jottrand
avait insinué que la diplomatie belge et son envoyé à Paris avaient proposé au
ministère français la réunion de la Belgique à la France. Vivement interpellé
d'apporter des preuves de son accusation, il donna, dans la séance du
lendemain, un extrait du discours de M. Sébastiani à
la Chambre française, ainsi conçu :
« Les Belges se sont de nouveau présentés ; ils ont insinué le désir
d'une union avec la France. Dans cette occasion, il faut le dire, ils parlaient
de bonne foi, ils étaient les interprètes d'un grand nombre de leurs
concitoyens. »
(page 448) - On n’insinue pas de loin, dit M. Jottrand,
donc c’est notre délégation à Paris qui a proposé la réunion. »
Si M. Jottrand avait été plus calme, il n’eût
pas manqué d’être logique ; il eût remarqué qu’insinuer de près ou de
loin, ce n’est pas proposer la réunion de la Belgique à la France.
S’il avait été plus calme, il se serait aperçu que M. Sébastiani faisait allusion à une communication que lui
avait faite M. Firmin Rogier, le 6 janvier, et dont celui-ci avait rendu compte
au Comité diplomatique par une lettre du 6 janvier, laquelle a été communiquée
au Congrès, dans la séance du 8 janvier.
Cette lettre, après avoir rendu compte de divers objets de la dépêche du
Comité diplomatique, du 4 janvier, ajoute
: « J’étais en train de faire des questions, j’ai parlé du parti
qui demande la réunion de la Belgique à la France et j’ai demandé, dans le cas
où ce parti viendrait à l’emporter, si le gouvernement français persisterait à
nous repousser.»
M. Sébastiani y a vu une insinuation, M.
Jottrand en a fait une proposition formelle de
la diplomatie belge !
Le texte de la lettre prouvait que ce n’était ni une proposition, ni une
insinuation, et que la diplomatie belge y était étrangère «J’étais en train,
dit M. Firmin Rogier, de faire des questions », c’était donc de son chef et
non comme chargé d’une mission du Comité diplomatique, qu’il faisait non pas
une proposition, mais une simple question.
En voilà plus qu’il n’en faut pour démonter l’inanité, la témérité de
l’accusation de M. Jottrand.
Dans son « Histoire
du Royaume des Pays-Bas », volume 2, page 409, etc., M. de Gerlache va
plus loin. Dans sa vertueuse impartialité, il me fait le complice d’un
crime imaginaire ! Pour y réussir, il n’hésite pas, en historien consciencieux,
à tronquer et à falsifier la lettre de M. Firmin Rogier.
Il en supprime la première phrase « M. Gendebien, souffrant d’un mal de tête très violent, me charge de vous
écrire moi-même. Hier, dès l’arrivée de votre courrier, j’eus l’honneur de
communiquer à M. le comte Sébastiani… »
Cette phrase ruinant le projet de me constituer le complice de M. Firmin
Rogier, M. de Gerlache la supprime dévotement.
Après cette innocente escobarderie, M. de Gerlache substitue hardiment à
la première personne du singulier, « j’eus l’honneur de communiquer à M.
le comte Sébastiani » la première personne du pluriel : « Nous avons parlé au ministre.., nous avons
demandé.., nous avons objecté. »
Ce n’est pas tout. A la phrase simple que j’ai transcrite ci-dessus et
qui commence par ces mots « j’étais en train de faire des questions, M. de Gerlache substitue une phrase
de fantaisie qu’il a la prétention d’authentiquer au moyen de guillemets menteurs
!
Voici cette loyale phrase « Nous avons parlé au ministre (à M. Sébastiani) des mouvements qui se manifestent de toute
part en Belgique, en faveur de la France, des pétitions qui sont
adressées au Congrès, dans le sens d’une réunion à la France, et nous
avons demandé ce que le ministre ferait si la Belgique venait d’elle-même
s’offrir à la France ou lui demander un prince » (Note de bas de page : Nous croyons ne pas devoir reproduire quelques épithètes un peu trop vives décochées au baron de Gerlache).
Pourquoi ces allégations menteuses ? Pour faire croire que la diplomatie
belge négociait une réunion à la France, en exagérant le nombre de partisans de
cette réunion et leur empressement à la réaliser.
Dans la séance du 30 janvier, je protestai vivement contre les insinuations de M. Jottrand et ses récriminations contre la diplomatie belge.
Je le sommai énergiquement, à plusieurs reprises, de déclarer s’il avait
entendu parler de moi. M. Lebeau, craignant que cet incident ne fît tort à son
royal client, vint en aide à un de ses plus chauds partisans, il m’interrompit
plusieurs fois ; puis il poussa le zèle jusqu’à me contester le droit de me
défendre !
« Vous ne devez pas parler sur un fait personnel ! » Le président m’ayant maintenu la parole,
M. Lebeau persista « Je
pense, dit-il, qu’un membre du Gouvernement provisoire ne peut pas être entendu
sur un fait personnel. S’il en était ainsi, on ne pourrait pas dire un mot du
gouvernement, dans cette assemblée, sans que ses membres fussent admis à
répondre, sous prétexte de parler sur un fait personnel. Cela est impossible,
d’autant plus que les membres du gouvernement, en cette qualité, n’ont pas
accès dans cette assemblée, s’ils ne sont pas en même temps députés au
Congrès.»
Voilà jusqu’à quel degré d’aberration peut conduire l’excès de zèle pour
un royal client. La passion du succès avait étouffé en M. Lebeau les plus
simples notions de justice, de tolérance et de libéralisme.
Je lui répondis « Je
n’ai pas parlé comme membre du gouvernement ; ce n’est pas non plus en cette
qualité que j’ai remplis mes (page 449)
missions à Paris. J'avais donc le droit de parler et
de répondre à des insinuations qui auraient pu faire planer des soupçons sur
mon compte. J'espère que le Congrès appréciera la délicatesse qui m'a fait
m'empresser de répondre. » (Oui ! oui !)
Après cet incident qui avait indigné nos amis, l'un d'eux vint me dire :
« La poule, l'animal le plus placide, le plus craintif, devient furieuse,
enragée, lorsqu'on la dérange dans sa couvée ; pourquoi déranger Lebeau dans la
sienne ? »