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Note
d’intention
« Aperçus
de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 »
(« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)
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B.
LA GENÈSE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
V. Le départ. Reconnaissance du Gouvernement provisoire. On marche sur
Bruxelles en trois groupes.
(page 280) A l'arrivée du jeune Nie,
nous fîmes un appel à tous les patriotes belges qui se trouvaient à
Valenciennes ; nous discutâmes l'itinéraire à suivre ; ceux qui avaient proposé
la marche sur Nivelles ou Fontaine-l'Evêque prétendaient que les nouvelles
n'avaient en rien modifié leur projet ; que tout en marchant sur Bruxelles, par
la ligne la plus droite possible, nous devions nous ménager un moyen de
retraite sur les Ardennes et le Luxembourg ; c'est Niellon, aujourd'hui général en retraite, qui avait pris
l'initiative et la défense de ce projet. On discuta la marche sur Mons, sur
Leuze et Péruwelz. Nous allions conclure lorsque je remarquai une figure
étrangère. Je l'interpellai, on l'accabla de questions ; c'était un espion
hollandais.
Avant de l'expulser, je dis à l'assemblée : « Tout est à recommencer.
J'ai un autre projet à vous soumettre. »
L'assemblée,
décida qu'elle se réunirait à Anzin, à huit heures du soir, chez Monsieur De
Lachapelle, un des directeurs de ce charbonnage, pour arrêter définitivement
l'itinéraire de chacun.
Pendant
la délibération au « Grand Canard», j'avais reçu du général Lahure,
deux invitations à me rendre immédiatement chez-lui. « J'ai reçu, me dit-il, la
nouvelle positive que Bruxelles a été attaquée ce matin, et qu'elle se défend
courageusement. C'est donc là que vous devez arriver, à marche forcée, mais
très prudente, car la frontière est surveillée avec la plus grande rigueur.
N'oubliez pas que vous allez marcher entre trois places fortes : Tournai, Ath
et Mons. Cinquante hussards, sortant de Tournai, peuvent vous écraser. »
- «
Général, lui dis-je, nous traverserons la frontière pendant la nuit, et nous
espérons arriver à Leuze sans combat. Là, le plus grand danger sera passé,
parce que nous espérons y trouver 280 volontaires bien armés, commandés par
d'anciens officiers de la Grande Armée. Nous nous recruterons, en chemin, nous
trouverons des volontaires à Ath, que nous pourrons probablement enlever par un
coup de main. »
-«N'essayez
pas de prendre Ath, dit le général, car si le commandant est intelligent et
déterminé, il comprendra l'importance de votre capture ; il vous laissera
entrer, et vous y resterez comme dans une souricière. »
Puis
son vieux sang belge se réchauffant : « Que n'ai-je dix ans de, moins et une
jambe de plus, dit-il, en me serrant la main, je me mettrais à votre tête et je
marcherais droit sur Bruxelles ; c'est là que le sort de (page 281)
votre révolution se décidera ; c'est là que votre présence est indispensable.»
Puis se levant, il m'embrassa, les larmes aux yeux. - « Après tout, votre cause
est juste, dit-il : on peut, on doit savoir mourir pour l'indépendance de son
pays. Surtout, ajouta-t-il, droit à Bruxelles, et ne vous laissez pas prendre
dans la souricière. ).
Lorsque
je le quittai, il me recommanda de sortir de la ville sans bruit, isolément et
sans armes ostensibles, afin d'éviter de le compromettre et surtout de
compromettre la France et le système de non-intervention qu'elle est décidée à
faire respecter et qui doit sauver votre révolution et la nôtre.
A
huit heures du soir, la réunion à Anzin étant complète, elle proclama le
gouvernement provisoire tel qu'il avait été composé, à l'Hôtel de Ville de
Bruxelles, le 18 septembre, par MM. Gendebien, Van de Weyer et de Mérode.
Les
instructions, le mot d'ordre et l'itinéraire de chacun furent définitivement
arrêtés. M. Pieters et un autre patriote dont j'ai oublié le nom, furent
chargés d'aller à Trelon, inviter M. Félix de Mérode
à se rendre à Bruxelles et de recruter des volontaires, des armes, des
munitions et des vivres.
M. Botson qui avait une grande influence dans le Borinage, où
il avait arboré le premier drapeau tricolore, reçut la mission, avec deux
autres patriotes et tous ceux qu'il pourrait recruter, de soulever le Borinage,
de marcher sur Ath ou Soignies et Braine-le-Comte, selon les éventualités.
Le
troisième groupe, le plus nombreux, composé à son départ de 14 à 15 patriotes,
se dirigea sur Péruwelz, Leuze, Ath, Enghien, Hal et Bruxelles.
Avant
le départ d'Anzin, je fus nommé chef de ce troisième groupe ; je fis une courte
et chaleureuse allocution, se terminant à peu près en ces termes : « Vous jurez
de m'obéir en tout et de me suivre partout ? » « Oui, nous le jurons ! » fut
la réponse unanime et très énergique.
- «
Moi, repris-je, je jure d'arriver et de 'vus conduire à BruxeIles,
ou de mourir en route. »-« Nous le jurons aussi», répliqua-t-on avec
enthousiasme, - puis on s'embrassa, on se serra la main avec une effusion qui
était à la fois la confirmation du serment qu'on venait de faire, et
l'expression du profond sentiment des dangers qu'on allait affronter, et des
chances qui pouvaient nous décimer, nous anéantir tous.
Personne
ne se dissimulait ce qu'avait de périlleux notre entreprise (page 282)
qui était considérée, à Valenciennes, comme un suicide. « Vous courez à une
mort certaine », nous disait-on.
Une
proclamation avait été imprimée à Valenciennes, à plusieurs milliers
d'exemplaires et remise à chacun des trois groupes, avec mission de les faire
distribuer dans toutes les localités où il pourrait les faire parvenir. Elle
était conçue en ces termes :
« APPEL
AU PEUPLE !
« Aux
armes, braves Belges, les Hollandais ont osé attaquer Bruxelles ; le peuple les
a écrasés. De nouvelles troupes peuvent tenter une seconde attaque ; nous vous
conjurons, au nom de la patrie, de l'honneur et de la liberté, de voler au
secours des braves Bruxellois. - Le 24 septembre 1830.
« Comte
Félix de Mérode, Sylvain Van de Weyer, Alexandre Gendebien. »
La
signature de M. Félix de Mérode, quoique absent, figure au bas de cet appel au
peuple ; parce que, ainsi que je l'ai dit dans une autre lettre, après s'être
constitué en Gouvernement provisoire le 18 septembre, ils avaient décidé que
toutes les fois que deux des trois seraient réunis, ils signeraient au nom du
troisième absent.