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« Aperçus
de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 »
(« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)
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B.
LA GENÈSE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
IV. Gendebien à Lille et Valenciennes. Les hésitations de De Potter.
(page 272) J'arrivai à Lille, le 20
septembre à six heures du matin. De Potter, qui devait y arriver le 19 au soir,
ou le 20, au matin, n'y arriva que le 20 au soir.
Le
capitaine G.., qui résidait alors à Menin, où il avait fait preuve de capacité
et de probité, en réparant les fautes et les déprédations d'officiers
hollandais, s'était mis en rapport avec moi, par l'intermédiaire d'un de ses
conducteurs de travaux, le sieur A... Rendez-vous avait été convenu à la
frontière de France, route de Menin à Lille. Je m'y rendis à l'heure convenue.
La rencontre n'eut pas lieu, parce que, si ma mémoire est bonne, il y eut oubli
de l'heure convenue. M. G... était un des officiers belges qui eurent le plus à
se plaindre de la partialité hollandaise : capitaine d'artillerie en 1812, il
était encore capitaine en 1830.
Malgré
les preuves d'intelligence et de bravoure qu'il avait données en défendant
Saint-Sébastien, en Espagne, malgré les preuves de capacité et de probité dont
il avait fait preuve dans la reconstruction de la forteresse de Menin, il était
resté dans un dédaigneux et mortifiant oubli.
Je
vis De Potter, à son arrivée, vers 8 h. du soir. Je lui exposai la situation.
Je lui dis que notre rendez-vous n'avait plus pour but d'arrêter un plan, mais
que je venais le chercher pour exécuter une résolution prise le 18, à
l'unanimité et avec enthousiasme, de combattre à Bruxelles et de repousser la
force par la force.
«
Nous avons d'immenses ressources, lui dis-je, on nous attaquera dans dix jours.
Nous avons juste le temps d'organiser la victoire ; mais (page 273) il
n'y a pas un instant à perdre. Votre présence doublera la confiance et
l'enthousiasme. Partons dès ce soir, nous traverserons la frontière pendant la
nuit et sans danger ; demain on saura votre présence à Lille, on vous
surveillera ; le passage de la frontière sera difficile et peut-être périlleux.
En
partant à dix heures nous pouvons arriver demain à huit heures à Saint-Ghislain,
quatre heures suffiront pour réunir les volontaires du Borinage et, à midi,
nous pourrons partir pour aller sommer Mons, où tout est préparé pour un
soulèvement à notre approche. Si le coup de main sur Mons doit être ajourné,
nous partirons avec les volontaires du Borinage ; nous marcherons sur Péruwelz
et Leuze où de nombreux volontaires sont organisés et n'attendent que le signal
du départ. »
Il
objecta les fatigues de son voyage, la nécessité de régler quelques affaires
avec sa mère qui s'était réfugiée à Lille et qu'il devait, disait-il,
accompagner jusqu'à Paris. Puis, il voulait avant tout, discuter et arrêter le
plan pour lequel il avait accepté le rendez-vous à Lille.
J'affirmai
avec insistance, mais en vain, que la révolution avait fait un pas de géant
pendant notre correspondance qui avait réglé notre réunion à Lille. Qu'il ne
s'agissait plus de discuter et arrêter un plan ; que la résolution de se
défendre énergiquement avait été prise, qu'il fallait se préparer au combat,
faire appel à tous les courages, à toutes les énergies et donner l'exemple du
dévouement et de la confiance dans le succès.
Trois
heures de discussion, de supplication ne purent changer ses résolutions ou
plutôt son parti pris. Il persista à exiger un plan pour lequel il était,
dit-il, arrivé à Lille ; il me donna rendez-vous au lendemain, pour le discuter
et l'arrêter définitivement, se chargeant, dit-il, d'aller immédiatement à
Paris pour y organiser des souscriptions et le recrutement de volontaires.
Les
hésitations de De Potter ou plutôt son parti pris de
ne pas se jeter dans la mêlée, fut pour moi un coup de poignard : l'homme dont
nous avions fait un drapeau allait nous manquer !
J'eus
cependant le courage de me soumettre à ses exigences.
Je
passai le reste de la nuit à la rédaction du plan, qu'il m'avait demandé et
même d'un projet d'organisation, après la victoire. Je les lui remis le
lendemain matin. Il discuta peu les plans, ils les approuva ; il exigea la
mention expresse de sa mission à Paris pour y organiser des secours en hommes
et en argent, ce que je refusai.
Pendant
nos discussions, qui étaient devenues très vives, (page 274) M.
Alexandre Rodenbach, l'aveugle, fut introduit ; M. De Potter me recommanda le
silence et la discrétion, en posant l'index sur ses lèvres.
Ma surprise fut grande parce que, sans connaître la famille Rodenbach, j'avais plusieurs fois entendu vanter son
patriotisme. Je me conformai à la recommandation de De
Potter ; la conversation ne sortit pas des généralités et des on-dit du moment. .
Après
la sortie de M. A. Rodenbach, De Potter me proposa une promenade qui fut
bientôt la continuation des discussions qui avaient été trop longues pour ne
pas tourner à l'aigreur. Je fus en effet très dur.
En
rentrant à l'hôtel, je fis mes adieux à De Potter, et lui dis avec véhémence :
« Puisque vous voulez retourner à Paris, je retournerai seul, ce soir, en
Belgique. »
L'hôtelier,
reconnaissant nos voix, vint à nous et nous annonça que les patriotes montois
avaient commencé un mouvement insurrectionnel qui avait été vivement réprimé,
que tout était rentré dans l'ordre.
J'avais,
dans la journée, reçu de mon ami Defuisseaux une
lettre ainsi conçue : « Deux heures après votre départ (de Mons) les exaltés,
les trop pressés, irrités de l'arrivée du général hollandais, et voulant,
probablement, ne pas lui donner le temps de se reconnaître, ont commencé une
attaque qui a été et devait être malheureuse ; le découragement s'en suivra
dans le Borinage, comme à Mons. Renoncez à votre projet, ou, au moins ajournez-le
».
Je
m'étais bien gardé de dire à De Potter cette fatale nouvelle, qui l'aurait
décidé à persister dans son projet de retourner à Paris.
L'hôtelier
nous dit, en même temps, qu'un mouvement avait eu lieu à Bruxelles ; qu'on y
avait proclamé un gouvernement provisoire ; que nous en étions tous les deux,
avec un comte, un comte d'Oultremont.
Nous
montâmes à l'appartement de De Potter. « Toute
hésitation, lui dis-je, doit disparaître devant le devoir qui nous est imposé.
Nous ne pouvons, sans nous déshonorer, repousser le mandat qui doit être chose
sacrée pour nous et pour vous surtout, qui avez préparé d longue main et
encouragé le mouvement que nous sommes appelés à diriger. Il n'y a pas à
hésiter ; partons ce soir, nous arriverons à Leuze, demain, vers sept heures du
matin ; nous y trouverons 280 volontaires bien armés et commandés par de braves
officiers qui ont fait la guerre sous l'Empire, d'autres volontaires se
joindront à nous, chemin faisant ; ceux de Péruwelz nous rejoindront ; ils
n'attendent, comme ceux de Leuze et d'Ath, que le signal, pour marcher sur
Bruxelles, où nous arriverons demain soir, avec un millier de volontaires au
moins. »
(page
275) - « Ces projets, dit De Potter, sont fort beaux dans votre
imagination, mais je crains fort qu'ils aboutiront, comme ceux de Mons, à une
nouvelle déception. Que vous tentiez ces chances hasardeuses, je le comprends ;
pour moi, c'est tout autre chose : proctrit, exilé,
je ne puis entrer en Belgique qu'en rupture de ban ; si je suis pris, je serai
fusillé sans forme de procès.
- «
Vous êtes dans l'erreur ; si nous sommes pris, nous serons traités sur le même
pied. On n'oserait fusiller en Belgique, la Révolution est, par son unanimité,
tellement imposante qu'on se gardera bien d'une condamnation et surtout d'une
exécution sommaire. Vous ne voyez les choses que du mauvais côté ; si, comme
moi, vous les aviez suivies, organisées, patiemment préparées, vous auriez ma
confiance dans les résultats. »
Nous
en étions là, lorsque A. Rodenbach arriva ; il nous informa des événements de
Bruxelles, nous dit que deux listes avaient circulé, portant les noms du
gouvernement provisoire ; la première portant les trois noms qui nous avaient
été révélés par l'hôtelier ; la seconde portant sept noms : MM. Raikem, Félix
de Mérode, Gendebien, Van de Weyer, De Potter, d'Oultremont,
de Stassart.
« Comment, dit De Potter, sept
chefs ! impossible de marcher avec un gouvernement aussi multiple. »
Je lui répondis : « Pour peu que
vous tardiez à partir, il y aura 12 ou 20 chefs et nous trouverons l'anarchie
plus multiple encore. »
Les
tergiversations de De Potter, ses refus obstinés
d'entrer en Belgique, m'avaient fait comprendre les recommandations de ne rien
dire en présence de Rodenbach. Je compris qu'il voulait éviter un témoin de sa
pusillanimité, je parlai donc clairement, énergiquement.
M. Rodenbach me seconda
chaleureusement ; dans son enthousiasme, il demanda à partir avec nous.
Je lui fis comprendre qu'il ne
pourrait être qu'un embarras pour nous, sans utilité pour la cause.
M.
De Potter, poussé dans ses derniers retranchements, nous dit : « Vous voulez
donc que j'abandonne ma vieille mère, et que je la laisse aller seule à Paris.
Je dois avant tout la consulter. »
L'appartement
de M. De Potter était séparé du nôtre par une cloison en planches et une grande
porte disloquée qui permettait de tout entendre. Nous n'avons pas compris ce
que De Potter dit à voix basse à sa mère, mais celle-ci lui répondit
distinctement et à plusieurs reprises :
(page
276) « Certainement, Louis, il faut partir, on compte sur vous, on
vous appelle, il faut y aller. »
De
Potter revint près de nous, évidemment contrarié.
« Eh bien, lui dis-je, votre mère consent ? » - « Ma mère est une vraie
Romaine, elle n'a pas hésité un seul instant. »
J'insistai
pour un départ immédiat, afin de franchir la frontière pendant la nuit et
exécuter notre itinéraire, par Leuze, ainsi que je l'avais proposé. Il s'y
refusa, prétextant des affaires à régler avec sa mère ; il consentit à partir
le lendemain à 6 heures du matin, non pour marcher directement sur Bruxelles
par Leuze, mais pour nous rendre à Valenciennes, où nous aviserions, dit-il,
sur le parti définitif à prendre.
Parti
de Lille, le 22 septembre à 6 heures du matin, je m'arrêtai à Anzin. De Potter
arriva à Valenciennes deux heures avant moi et prit logement à l' « Hôtel du
Grand Canard ».
Je
connaissais à Anzin M. De Lachapelle, un des directeurs de ce célèbre
charbonnage. Il m'était tout dévoué ; il rendit à notre révolution de très
grands services dont je le prie de recevoir ici l'expression de ma gratitude.
Les
charbonnages avaient, à cette époque, le droit de posséder des poudres autant
qu'ils le désiraient, à la seule condition d'avoir des magasins construits
d'après les prescriptions de l'administration des mines.
Je
lui demandai de nous faire parvenir des poudres à Bruxelles, dont je garantis
personnellement le paiement. Je le priai aussi de recruter des volontaires avec
armes et munitions autant que possible.
J'arrivai
à l' « Hôtel du Grand Canard » deux heures après M. De Potter. Je le trouvai
décidé à ne pas aller plus loin et à retourner à Lille. Cédant à sa manie de
toujours écrire, de trop écrire, il avait commencé la « Relation du voyage de
M. De Potter de Paris à Lille et à Valenciennes». J'ai vu plus tard cet article
à Paris. J'en arrêtai la distribution ou plutôt la mise en page ; il traitait
fort mal ses compatriotes. Si je disais les souvenirs qui me sont restés dans
la mémoire, on ne les croirait pas.
Pour
donner un petit échantillon de l'impartialité, de la véracité de
M. De Potter historien, je vais transcrire quelques phrases de ses Souvenirs,
tome 1er, page 132 et 133, chapitre XVII, intitulé... FUITE DE TOUS LES
MENEURS BELGES...
«
Tous les chefs de l'insurrection avaient désespéré de leur cause. Je ne citerai
que MM. Gendebien, Vleminck et Pierre Rodenbach, qui
m'étaient les plus connus. »
Il
est difficile d'exprimer plus audacieusement un odieux (page 277) mensonge ; lorsque M. De Potter écrivait ses Souvenirs,
il savait parfaitement que j'avais quitté Bruxelles le 18 septembre à 10
heures du soir ; dans un moment où non seulement rien n'était désespéré, mais
au contraire, après une délibération solennelle et enthousiaste, que j'avais
provoquée précisément pour le déterminer, lui, De Potter, à venir prendre part
à l'exécution de la résolution de combattre et de repousser la force par laforce.
De Potter savait parfaitement que j'avais quitté Bruxelles le 18 au
soir, pour accomplir le rendez-vous à Lille convenu avec lui.
De
Potter savait parfaitement ce que j'avais fait à Mons, dans la matinée du 19
septembre ; ma conduite devait être, pour tout homme de bonne foi, une preuve,
non de défaillance, mais d'une héroïque résolution et d'une grande confiance
dans le triomphe de la révolution.
De
Potter savait bien que, depuis mon arrivée à Lille, je n'étais pas resté
inactif, il savait que depuis son arrivée, le 20 au soir, je n'avais cessé de
le solliciter, de le harceler, d'employer même la contrainte, pour le
déterminer à entrer en Belgique et à marcher sur Bruxelles ! Comment se fait-il
qu'il ait l'impudeur de m'accuser d'avoir désespéré de notre cause, de m'être
réfugié à Lille avec MM. Vleminckx et Pierre
Rodenbach, qui n'y sont arrivés que le 23 septembre. Comment se fait-il qu'il
ait l'audace de dire, même page : « M. Gendebien se rendit bientôt à
Valenciennes (le 20 septembre). Je l'y suivis précisément assez à temps
pour voir arriver Van de Weyer (le 22). »
Pourquoi
cet impudent mensonge ? Pour faire croire que je l'ai entraîné à Valenciennes ;
tandis que c'est lui qui, pour éviter de franchir la frontière, voulut aller à
Valenciennes. M. A. Rodenbach ayant été témoin de mes vives instances pour
déterminer De Potter à marcher sur Bruxelles, celui-ci, comprenant qu'il ne
pouvait rester à Lille, parut céder à mes vives instances ; il proposa de
partir avec moi, le 22 au matin, pour Valenciennes, bien
déterminé, sans doute, à n'aller pas plus loin et à y exprimer sa volonté
dernière, sans témoin.
Même
page il dit : « ...qui (Van de Weyer) nous annonça que tout était perdu
définitivement. Les autres révolutionnaires que je vis à Valenciennes, entre
autres MM. Vanderburght et Moyard,
me blâmèrent amèrement de ce que je n'avais pas changé de nom et, autant que
faire se pouvait, de figurer, comme si ma présence avouée les eût compromis,
même sur la terre étrangère. Du reste, tout et tous, sans exception, étaient au
découragement, à l'abandon, à la débandade.»
Il
résulte de ce texte qui n'est qu'un grossier mensonge que M. De Potter, seul,
avait conservé la raison, le calme et un imperturbable courage. On va en juger.
(page
278) Le 22 au soir, arrivèrent à Valenciennes MM. (je puis les nommer car
tous, M. De Potter, seul excepté, ont montré le plus grand courage et
une abnégation complète, MM. Van de Weyer, Otton, Vandersmissen, Fleury-Duray, Niellon, Chazal, Vandermeren, Canone, Brabander et autres dont
j'ai oublié les noms. Ils étaient à peu près tous logés à l'hôtel de « La Poste
aux chevaux ». MM. Vanderburght et Moyard allèrent les rejoindre ainsi que De Potter et moi.
Malgré leurs fatigues excessives nous restâmes en délibération jusque vers une
heure du matin.
La
nécessité de l'opportunité d'entrer immédiatement en Belgique, furent discutées
chaudement et adoptées à l'unanimité moins M. De Potter. On se divisa
sur l'itinéraire à suivre. Les uns, j'étais de ce nombre, voulaient marcher sur
Bruxelles pour la voie la plus courte : c'est-à-dire par Mons ou par Péruwelz,
Leuze, Ath, Enghien, etc. où nous recruterions de nombreux volontaires.
D'autres disaient : vous ne trouverez plus les volontaires : au premier signal,
ils seront partis pour Bruxelles. Ils proposaient de marcher sur
Fontaine-l'Evêque ou sur Nivelles, d'aller droit sur Bruxelles, si on s'y
défend, ou de nous jeter à droite, vers les Ardennes et le Luxembourg, si
Bruxelles a succombé. La fatigue força d'ajourner, au lendemain, la solution de
cette grave question. Avant de se séparer, on proclama de nouveau et à
l'unanimité qu'on rentrerait en Belgique.
De
retour à l'Hôtel du « Grand Canard », De Potter essaya de me convaincre qu'il
ne pouvait pas rentrer en Belgique. Je réfutai toutes ses objections.
J'insistai vivement sur la nécessité pour lui de se mettre à la tête du
mouvement, qu'il ne pouvait, sans se déshonorer, déserter la cause au moment
décisif : après deux heures de discussions souvent aigres et animées, il
conclut en ces termes : « Vous avez beau dire, votre projet est une absurde
folie ; c'est un suicide volontaire et prémédité. Je ne veux pas compromettre
mon nom dans une pareille extravagance. »
Je
lui répondis : « La postérité n'en jugera pas ainsi : vainqueurs ou vaincus,
nous seront honorés du titre de bons citoyens et vous... Je ne veux pas vous
dire ma pensée, vous la connaissez déjà. »
Le
23 à midi, De Potter, qui, plus tard, a osé insulter, calomnier les hommes qui
ont eu le courage d'affronter la mort pour l'indépendance de la Patrie, est
retourné à Lille, avec son ami Levae, qui refusa de
se joindre aux patriotes qui affrontaient le suicide, c'était aussi son
mot de justification (Note de bas de page : Ici
Gendebien, continuant à réfuter les allégations de De
Potter, lui reproche violemment d' « insulter, bafouer, calomnier» des hommes
qui avaient eu un moment de défaillance, fort excusable, en présence de
l'effroyable anarchie qui a précédé les combats de Bruxelles» et qui « ont
héroïquement réparé ce moment d'hésitation... »)
(page
279) La réunion du 22, à l' « Hôtel de la Poste », n'ayant pu aboutir à une
conclusion sur le choix de la marche en Belgique, une seconde réunion eut lieu
le jeudi 23 septembre. Les nouvelles étaient alarmantes, très contradictoires.
Dès la veille, Moyard était, à ma demande, monté à
cheval, avec un officier du régiment de cavalerie en garnison à Valenciennes,
pour prendre des informations à la .frontière ; le 23, au matin, il était
retourné à la frontière ; il résultait de ses rapports et de ceux qui nous
arrivaient de plusieurs côtés, que le bruit de l'entrée des Hollandais à
Bruxelles, circulait, qu'il était accrédité par les employés du Gouvernement.
On y annonçait même une fête à l'occasion du rétablissement de l'ordre et de la
paix.
Au
retour de Moyard, nous décidâmes que nous marcherions
sur Nivelles. Vers 5 heures, des bruits vagues annonçaient que des Hollandais
étaient entrés à Bruxelles, mais que le peuple se battait avec acharnement.
Nous suspendîmes notre marche sur Nivelles. A cinq heures, et quelques minutes,
un jeune homme de Bruxelles, le frère du capitaine Nie (Note
de bas de page : Le véritable nom est Nique),
vint, à franc étrier nous confirmer l'entrée des Hollandais à Bruxelles et la
vigoureuse résistance du peuple.
Dans la matinée, le général Lahure, commandant
à Valenciennes, Belge de naissance et de cœur, m'avait prié de passer chez lui
; il se plaignit des démarches faites auprès de plusieurs officiers de la
garnison pour les entraîner en Belgique.
«
S'ils cédaient à votre appel, dit-il, ce serait pour vous un grand malheur,
parce que leur équipée serait considérée comme une intervention qui
autoriserait les puissances à intervenir de leur côté ; elles seraient
heureuses de saisir le moindre prétexte pour s'affranchir de la déclaration du
Gouvernement français : qu'il ne permettrait aucune intervention des puissances
en Belgique. »
Je
rassurai le Général (Note de bas de page : Nous
n'avions pas fait de démarches auprès des officiers de la garnison ; mais
plusieurs d'entreeux et beaucoup de sous-officiers
s'étant offerts spontanément de marcher sur Bruxelles, infanterie, cavalerie,
artillerie, nous avons même délibéré si nous organiserions une petite armée.
Nous y renonçâmes parce que cette organisation aurait retardé notre arrivée à
Bruxelles et parce que nous ne voulions pas compromettre la position et
l'avenir de tant de braves. Après mon entrevue avec le général Lahure nous..y renonçâmes définitivement. (Note de
Gendebien.))
Dans une conversation intime sur notre situation et nos projets dont
l'exécution était suspendue par l'incertitude où nous étions sur les événements
de Bruxelles, le général approuva nos projets et me donna des marques non
équivoques de ses sympathies pour la Belgique.