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Congrès national de Belgique
Séance du lundi 20 juin 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

(page 304) (Présidence de M. Raikem, premier vice-président)

La séance est ouverte à une heure. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

Un des secrétaires présente l'analyse des pétitions suivantes :

M. Petit, à Bruxelles, demande des lettres de naturalisation.


MM. Théodore Herrebrand et Philippe Scharff font la même demande. (P. V.)


- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des naturalisations. (P. V.)


Le chevalier Vana, chef des réfugiés italiens, demande des instructions relativement aux pièces à produire pour toucher l'indemnité de route que le ministre de l'intérieur est autorisé à leur accorder.


M. Haems, à Saint-Gilles-lez-Termonde, demande que le gouvernement achète tous les fusils de chasse qui se trouvent dans le pays, pour armer les habitants.


Le même fait des observations concernant le projet de décret sur les distilleries.


M. Henri Maes, à Louvain, demande que la loi du 15 germinal an IV, touchant la contrainte par corps, soit rendue uniforme pour toute la Belgique.


M. Van Dael, à Mons, présente un mémoire concernant l'exemption temporaire ou définitive du service dans l'armée et la garde civique pour cause d'infirmités. (P. V.)


- Ces pétitions sont renvoyées à la commission. (P. V.)


Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Louvain

M. Coppieters, rapporteur de la commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants élus par la province de Brabant, propose l'admission de M. Deneeff, en remplacement de M. Deswert, député démissionnaire du district de Louvain. (M. B., 21 juin.)

- Cette admission est prononcée. (P. V.)

Renouvellement des sections

On procède par la voie du sort à la formation des sections pour le mois de juin ; elles sont composées de la manière suivante :

PREMIÈRE SECTION.

MM. Demelin, l'abbé Boucqueau de Villeraie, Coppieters, l'abbé de Foere, Devaux, le marquis de Rodes, Eugène de Smet, Du Bus, Lecocq, Barbanson, le baron Frédéric de Sécus, Bredart, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, le baron de Leuze, Destriveaux, Drèze, le comte d'Ansembourg, Gelders, le baron de Coppin.

DEUXIÈME SECTION.

MM. Vandenhove, Cols, Albert Cogels, Jacobs, Van Innis, Charles Coppens, Vergauwen-Goethals, Wannaar, le baron de Terbecq, l'abbé Verduyn, le baron de Sécus (père), Trentesaux, François Lebon, Dumont, Olislagers de Sipernau, le baron de Liedel de Well, Jacques, Watlet, Deneeff.

TROISIÈME SECTION.

MM. d'Hanis Van Cannart, Le Grelle, le baron Osy, Rosseeuw, de Coninck, Buylaert, Helias d'Huddeghem, l'abbé Joseph de Smet, de Decker, Verwilghen, l'abbé Van de Kerckhove, (page 305) Van Hoobrouck de Mooreghem, Le Bègue, Blargnies, Charles Rogier, Doreye, de Schiervel, Henri de Brouckere, Isidore Fallon, Henry.

QUATRIÈME SECTION.

MM. le baron de Viron, l'abbé Corten, Claes (d’Anvers), Joos, Le Bon, Serruys, l'abbé Pollin, le comte Duval de Beaulieu, de Gerlache, Collet, Deleeuw, Fleussu, le comte de Renesse, le vicomte Charles Vilain XIIII, Cruts, Teuwens, Roeser, Berger, Thonus, Simons.

CINQUIÈME SECTION.

MM. le baron Joseph d'Hooghvorst, le baron Beyts, Rouppe, Henri Cogels, Domis, Bosmans, Vercruysse-Bruneel, Constantin Rodenbach, Vander Looy, Blomme, Thienpont, Beaucarne, Picquet, Cauvin, Davignon, Carthuyvels, Destouvelles, le baron de Woelmont, Nothomb, François.

SIXIÈME SECTION.

MM. Van Meenen , Van der Belen, de Ville, Berthels, Peeters, Gustave de Jonghe, Liedts, Pirmez, Defacqz , Van Snick, Gendebien (père), de Sebille, Raikem, de Behr, de Thier, le comte Félix de Mérode, Dams, Marlet, de Labeville, Pirson.

SEPTIÈME SECTION.

MM. Meeûs, Marcq, d'Elhoungne, Baugniet, Du Bois, de Nef, Ooms, Goethals-Bisschoff, Morel-Danheel, le baron de Meer de Moorsel, Charles Le Hon, de Rouillé, le comte de Bocarmé, Forgeur, le chevalier de Theux de Meylandt, d'Martigny, le baron d'Huait, Masbourg, le vicomte Desmanet de Biesme.

HUITIÈME SECTION.

MM. Van de Weyer, Jottrand, le baron Verseyden de Varick, Nopener, le comte de Robiano, Mulle, Alexandre Rodenbach, l'abbé Wallaert, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, d'Hanens-Peers, Jean-Baptiste Gendebien, Lardinois, Lebeau, de Tiecken de Terhove, Charles de Brouckere, Thorn, Zoude (de Saint-Hubert), le comte de Quarré, Brabant.

NEUVIÈME SECTION.

MM. Barbanson, le baron Van Volden de Lombeke, de Muelenaere, le baron de Pélichy Van Huerne, Jean Goethals, Béthune, Struye-Provoost, de Man, l'abbé Dehaerne, de Lehaye, Louis Coppens, Fransman, Annez de Zillebeecke, Allard, Nalinne, le vicomte de Bousies de Rouveroy, le baron de Stockhem, le comte d'Oultremont, Jaminé, Fendius.

DIXIÈME SECTION.

MM. le comte d'Arschot, Barthélemy, Lefebvre, Claes (de Louvain), Geudens, Buyse-Verscheure, Bischoff, Maclagan, Roels, Surmont de Volsberghe, Speelman-Rooman, l'abbé Van Crombrugghe, Delwarde, Hippolyte Vilain XIIII, le comte de Bergeyck, Camille de Smet, l'abbé Andries, Alexandre Gendebien, Philippe de Bousies, le comte Werner de Mérode. (P. V.)

Projet de décret relatif aux élections aux grades de la garde civique

Rapport de la section centrale

On passe à l'ordre du jour, qui est la discussion du projet de décret relatif aux élections aux grades dans la garde civique. (M. B., 22 juin.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt fait, au nom de la section centrale un rapport sur le projet de décret relatif aux élections aux grades dans la garde civique, et conclut à l'adoption du projet tel qu'il a été modifié par la section centrale. (M. B., 22 juin.)

- L'assemblée décide qu'il sera immédiatement passé à la discussion de ce projet. (P. V.)

Projet de décret modifiant les décrets sur la garde civique

Rapport de la section centrale

M. Charles de Brouckere fait le rapport de la section centrale sur le projet de décret modifiant les décrets sur la garde civique, et présente un nouveau projet.

- L'assemblée en ordonne l'impression et la distribution. (P. V.)

Projet de décret relatif aux élections aux grades de la garde civique

Rapport de la section centrale

(page 306) Aucun membre ne demandant la parole sur l'ensemble du projet, on passe à la discussion des articles. (J. B., 22 juin.)

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Les élections se font dans chaque commune ; néanmoins, lorsque les gardes de plusieurs communes doivent concourir à l'élection d'un titulaire, ils se réunissent dans celle qui fournit le plus de gardes à la compagnie. » (A. C.)

M. Watlet – Messieurs, il me semble que cet article est incomplet : dans ma section on avait fait remarquer que cet article ne pouvait concerner que la garde sédentaire ; en effet, si le premier ban se trouvait devant l'ennemi, on sent bien qu'il ne pourrait pas rentrer dans la commune pour procéder à l'élection du remplaçant d'un officier qui aurait été tué sur le champ de bataille. Il me semble qu'il faudrait prévoir ce cas et trouver un autre mode d'élection. (M. B., 22 juin.)

M. Charles de Brouckere – Je ferai remarquer une autre lacune. On dit dans l'article que lorsque les gardes de plusieurs communes doivent concourir à l'élection d'un titulaire, ils se réunissent dans celle qui fournit le plus de gardes à la compagnie. Mais qui dira quelle est la commune qui fournit le plus de gardes, et qui désignera la commune où doit se faire l'élection ? Il me semble que l'article devrait contenir une disposition à. cet égard. (M. B., 22 juin.)

- Une voix – Il faut présenter des amendements. (M. B., 22 juin.)

M. Watlet – Il faudrait tout un projet de loi pour combler la lacune que j'ai signalée. (M. B., 22 juin.)

M. Le Bègue – L'honorable M. de Brouckere devrait présenter un amendement pour remplir la lacune dont il vient de parler. (M. B., 22 juin.)

M. Charles de Brouckere – Je n'aime pas les amendements improvisés ; quand je vois une lacune dans un article, je le rejette. (M. B., 22 juin.)

M. Jean Goethals – Je proposerai un amendement qui me semble devoir satisfaire à l'observation de M. de Brouckere. Il consiste à attribuer la désignation de la commune où se fera l'élection au chef de légion. On dirait : « L'élection se fera dans la commune qui sera désignée par le chef de la légion, ou par celui qui le remplace. » (M. B., 22 juin.)

M. Charles Coppens – Il vaudrait mieux attribuer la désignation au conseil cantonal qu’au chef de légion. (M. B., 22 juin.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt, rapporteur, convient que l'article premier ne peut s'appliquer qu’aux élections à faire dans le premier ban. (M. B., 22 juin.)

M. Charles de Brouckere – M. le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du décret. Lorsqu'on est chargé de l'exécution d’un décret, il est bon de voir si ce que l'on propose est exécutable. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il croit l'amendement de M. Goethals exécutable. (M. B., 22 juin.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Des changements ont été faits au projet que j'avais présenté ; mais je pense que le but sera rempli par l'amendement de M. Goethals. (J. B., 22 juin.)

M. Charles de Brouckere – Si M. le ministre de l'intérieur croit le projet qu'il a présenté meilleur que celui de la section centrale, il doit demander la priorité pour le sien et le défendre : il n'est pas ici pour être témoin muet de nos discussions. Chargé d'exécuter les lois qu'il propose, il doit voir si les amendements proposés n'empêcheront pas l'exécution de la loi, et tel est dans mon opinion l'amendement de M. Goethals. (M. B., 22 juin.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt, rapporteur, pense qu'on pourrait adopter l'article tel que l'a proposé la section centrale, sauf à y ajouter une disposition, tant pour combler la lacune signalée par M. de Brouckere que pour rendre l'article applicable au premier ban. (M. B., 22 juin.)

M. le président – M. le ministre de l’intérieur ne trouve-t-il pas à propos de prendre la parole ? (M. B., 22 juin.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, fait un signe négatif. (Hilarité et étonnement général.) (M. B., 22 juin.)

- On met aux voix l'amendement de M. Goethals ; il est rejeté. (P. V.)

L'article est ensuite mis aux voix : l'épreuve et la contre-épreuve sont douteuses. (M. B., 22 juin.)

M. le président – L'assemblée ne serait-elle pas d'avis de renvoyer l'article à la section centrale ? (Assentiment.) (M. B., 22 juin.)

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P. V.)

Article 2

« Art. 2. Les gardes sont convoqués à domicile et par écrit, au moins six jours avant l'élection, par le bourgmestre de la commune dans laquelle l'élection a lieu. » (A. C.)

M. Fransman (page 307) fait remarquer qu'il y a encore une lacune dans cet article, qui ne dispose que pour le cas où les électeurs n'appartiendront qu’à une seule commune. Mais quand plusieurs communes devront concourir à l'élection, ne faudrait-il pas que la convocation fût faite par les bourgmestres de chacune d'elles ? L'honorable membre propose d'ajouter à l'article 2 :

« Si les gardes de plusieurs communes doivent concourir à l'élection, la convocation est faite par le bourgmestre respectif de chacune d'elles, au jour indiqué par le bourgmestre du lieu où l'élection doit se faire. » (M. B., 22 juin, et A.)

M. Le Grelle – Il me paraît impossible que la convocation ait lieu partout à domicile. Ce mode exige un grand travail et des dépenses, que l’on éviterait si elle se faisait par affiches. Beaucoup de gardes n'assisteront pas aux élections sous prétexte qu'ils n'auront pas reçu de lettre de convocation. Ce serait faire pour l'élection d'un officier de garde civique plus qu'il n'est prescrit pour celle des représentants et des sénateurs.

L'honorable membre propose de remplacer l'article par la disposition suivante :

« Les gardes seront convoqués par affiches six jours au moins avant l'élection. » (J. B., 22 juin, et A.)

- Cet amendement est appuyé. (E., 22 juin.)

M. Charles de Brouckere – Le cens que payent les électeurs pour la chambre des représentants et le sénat fait supposer en eux une instruction que ne possèdent pas tous les gardes civiques. Si vous ne les convoquez que par affiches, vous établissez l'oligarchie dans la garde civique. (J. B., 22 juin.)

M. de Robaulx demande le renvoi du projet entier à la section centrale ou au ministre de l’intérieur pour qu'on en présente un autre. (M. B., 22 juin.)

M. Frison – On n'a pas besoin de ce projet de loi. (M. B., 22 juin.)

- L'article 2 est renvoyé à la section centrale. (P. V.)

Renvoi du projet au ministre de l'intérieur

Article 3

« Art. 3. Le bourgmestre préside l'assemblée et en a la police ; il est assisté des deux plus jeunes conseillers municipaux, qui font les fonctions de scrutateurs, et du secrétaire de la commune. » (A. C.)

M. Le Bègue et M. Van Snick font remarquer que cet article et les suivants sont en connexité avec les deux premiers, et qu'il faut, par conséquent, renvoyer le projet à la section centrale. (M. B., 22 juin.)

M. Frison – Il me semble que c'est encore une fois le cas de renvoyer le projet à M. le ministre de l'intérieur ; le congrès ne doit pas faire sa besogne. C'est la seconde fois qu'il nous présente des projets inacceptables. (M. B., 22 juin.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, offre de faire tout ce que l'assemblée voudra, ou de refaire un projet, ou de se rendre, pour présenter ses observations, dans la section centrale, si le projet lui est renvoyé. (E., 22 juin.)

- L'assemblée décide que le projet sera renvoyé au ministre de l'intérieur. (P. V.)

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Luxembourg

M. Morel-Danheel, rapporteur de la commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants élus par la province de Luxembourg, propose l'admission de M. Bivert, en remplacement de M. Fendius, député démissionnaire du district de Luxembourg. (M. B., 22 juin.)

M. le président – S'il n'y a pas d'opposition, je prononce l'admission de M. Habit vert, comme député du Luxembourg. (Hilarité générale.) (M. B., 22 juin, et P. V.)

Proposition de loi abrogeant les dispositions qui prohibent l'exportation des avoines

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de MM. Meeûs et Lecocq, relative à l'exportation de l'avoine. (P. V.)

M. Lecocq réclame la présence du ministre des finances par intérim, qui avait présenté un projet ayant le même but. (J. B., 22 juin.)

- En attendant l'arrivée de M. Duvivier on passe à un autre objet à l'ordre du jour. (J. B., 22 juin.)

Proposition de modification du règlement du Congrès

Ordre du jour

L'ordre du jour est la discussion sur la proposition de M. le chevalier de Theux de Meylandt, tendant à modifier l'article 15 du règlement, de manière à permettre au congrès de délibérer au nombre de 70 membres, toutes les fois qu'il ne s'agirait que de mesures législatives non constituantes.

M. le chevalier de Theux de Meylandt donne quelques explications, d'où il résulte qu'il n'avait présenté sa proposition que parce que, pendant une semaine entière, on avait fait de vains efforts pour réunir 101 membres ; il (page 308) déclare qu'il considère sa proposition comme inutile aujourd'hui que le congrès paraît déterminé à ne pas se séparer que ses travaux ne soient terminés. (M. B., 22 juin.)

- Les conclusions de la section centrale, qui avait proposé l'ordre du jour, sont mises aux voix et adoptées. (P. V.)

Proposition abrogeant les dispositions qui prohibent l'exportation des avoines

Discussion générale

On revient à la discussion de la proposition concernant l'exportation de l'avoine. (J. B., 22 juin.)

M. Lecocq – Des renseignements, sur l'exactitude desquels nous avions dû pouvoir compter, avaient porté l'honorable M. Ferdinand Meeûs et moi à vous proposer la levée de la prohibition des avoines à la sortie, en rapportant l'arrêté du gouvernement provisoire.

Fidèle aux principes que j'ai eu quelquefois occasion de développer à la tribune, je crois toujours qu'en bonne économie politique il ne doit y avoir rien d'absolu ; il faut agir suivant les circonstances, les choses et les lieux.

Eh bien, il nous avait paru que le moment était favorable pour réaliser un demi-million, peut-être, au profit du producteur agricole, d'une denrée qui abonde, à la veille d'une récolte qui s'annonce sous les plus riches espérances. Nous n'avions vu dans cette mesure aucun danger pour les intérêts du consommateur.

Le ministère, sans nous en douter, pensait comme nous, et vint vous présenter un projet identique avec le nôtre ; il avait puisé ses motifs dans une multitude de réclamations adressées au gouvernement par des particuliers, des propriétaires agricoles, des chambres de commerce et des comités d'agriculture. Il n'est pas hors de propos de vous dire, messieurs, que l'envoyé de France demandait aussi la levée de la prohibition ; nos voisins nous donnaient ainsi le droit de revenir à notre tour et, dans l'occasion, à la charge pour les amener un jour à modifier enfin un système de douanes par trop hostile contre la Belgique.

La question agitée contradictoirement dans les sections se trouve tranchée à l'unanimité par la section centrale sur le même ton que la question des houilles.

Eh bien, messieurs, nous devons vous l'avouer, aucun des raisonnements de la section centrale, sous le rapport d'économie politique, ne nous a convaincus. Nous croyons encore à l'utilité de la mesure dans l'intérêt de l'agriculture, du commerce, et si nous nous abstenons d'entrer dans des démonstrations, c'est parce qu'il existe une crainte d'ordre supérieur que nous aimons à respecter.

Il n'est pas certain que la cavalerie de nos ennemis manque d'avoine, si elle ne s'en fournit pas chez nous ; il suffit que l'opinion publique puisse voir, dans la levée de la prohibition à la sortie, une facilité d'approvisionnement au profit de l'armée hollandaise, et je recule, moi, devant une pareille considération.

Du reste, ne pourrait-on pas concilier le tout en ajournant la discussion après le terme fatal du 30 juin ? Alors nous devrons savoir à quoi nous en tenir ; la guerre ou la paix, et alors comme alors !

Je m'abstiens pour le moment de défendre notre proposition. Je me réserve mon vote suivant la discussion. (J. B., 22 juin.)

M. Jottrand – Je combattrai les conclusions de la section centrale, et je voterai pour la proposition, parce que je crois qu'aucune considération ne doit nous empêcher d'adopter une mesure, si nous la croyons conforme à nos intérêts. Si la sortie des avoines est utile à mon pays, peu m'importe qu'elle le soit aux pays voisins, même à ceux avec qui nous sommes en guerre. Les Hollandais, dit-on, profiteront de cette libre exportation pour s'approvisionner. Mais, messieurs, quand nous garderions nos avoines, les Hollandais s'approvisionneraient toujours, soit au moyen de la fraude, soit en allant chercher l'avoine ailleurs que chez nous. Quel avantage autre que le meilleur marché y aura-t-il pour elle ? aucun. Ce n'est pas, en effet, une question de vie ou de mort pour la cavalerie ennemie, c'est une question de plus ou moins bon marché. Comme l'exportation doit procurer un immense avantage à nos agriculteurs, je consens volontiers à ce que les étrangers y trouvent aussi leur compte. Je voterai donc pour le rejet des conclusions de la section centrale et pour l'adoption de la proposition. Je dois dire, en finissant, que je n'ai pas en vue, en votant ainsi, la liberté du commerce en général, ni l’envie de faire voir ma prédilection pour une réforme complète dans notre système des douanes ; mais je dois dire que toutes les fois que des modifications partielles seront proposées, je croirai devoir à moi-même et à mon pays de les appuyer, parce que je suis certain qu'elles ne peuvent être qu'avantageuses. (M. B., 22 juin.)

M. Alexandre Gendebien(page 309) Lorsque le gouvernement provisoire prit la mesure qu'on veut faire révoquer aujourd'hui, il avait ordonné de faire un relevé de toutes les céréales de la Belgique ; quand il vit que la quantité n'était pas au-dessus des besoins, il en défendit l'exportation. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il sait quelle est la quantité d'avoine qu'il y a dans le pays. (M. B., 22 juin.)

M. Duvivier, ministre des finances par interim – Messieurs, vous vous doutez bien qu'après ce que vous a dit M. Lecocq et l'orateur qui a parlé après lui et que je n'ai pas l'honneur de connaître, ma tâche sera légère. Il est très vrai que lorsqu'on voulut prendre l'arrêté du 21 octobre, on fit faire le recensement de toutes les céréales qui existaient dans la Belgique ; les renseignements furent demandés tant par le ministre des finances que par celui de l'intérieur, et sur les rapports qui furent faits on crut devoir interdire l’exportation. Depuis cette époque il s'est élevé beaucoup de réclamations, et elles ont excité une sollicitude plus grande dans la constatation de la quantité d'avoine que nous possédons. D'après les renseignements les plus récents, je crois que l'on pourrait en permettre l'exportation. Il y en a une immense quantité dans les greniers ; et la récolte se présente sous un aspect très favorable ; mais il est une question qui domine toutes ces considérations : dans peu de jours la question de la paix ou de la guerre devra se décider ; dans cette perspective je sens toute la responsabilité qui pèserait sur ma tête si j'insistais sur l'adoption de la mesure. Je dépose ces considérations dans le sein du congrès ; il fera, dans sa sagesse, ce qu'il jugera de plus convenable. (M. B., 22 juin.)

M. Jottrand – Les craintes qu'on manifeste sont peu fondées, et la guerre, tout imminente qu'elle est, ne doit pas empêcher l'adoption de la proposition. Il y a eu plus d'avoine qu'il n'en faut pour nos approvisionnements et pour ne pas redouter une trop grande augmentation dans le prix ; on ne vous en donnera certainement pas un prix très élevé en France et en Hollande, parce que si le temps a été favorable à la récolte chez nous, il l’a été en France aussi, et cette circonstance empêchera les besoins d'être aussi grands et les prix trop élevés. - L'orateur, après des considérations sur les avantages qu'en retirerait le pays, conclut à l'adoption immédiate de la proposition. (I., 22 juin.)

M. d’Elhoungne – Je me bornerai, messieurs, pour justifier la nécessité de l'adoption de la mesure, de vous citer deux faits. D'abord il est un point reconnu, c'est que nos céréales sont en baisse. Le blé et le seigle ont diminué depuis peu de 30 pour cent sur le marché de Louvain. La cause de cette baisse est la grande abondance de céréales qui existent en Belgique, et les belles apparences de la récolte sur pied. Le deuxième fait est l'arrivée de neuf bâtiments à Anvers, venant de la Baltique, avec une immense quantité de grains. Je pense donc que les craintes manifestées par la section centrale ne sont pas fondées, et j'appuie les observations et l'opinion de M. Jottrand. (M. B., 22 juin.)

M. Alexandre Rodenbach – Je demande l'ajournement de la discussion à dix jours. Si la France et la Hollande ont besoin de nos avoines le 20 juin, elles en auront encore besoin le 30. On se plaint que les céréales sont en baisse, ce n'est pas un grand malheur en ce moment-ci : quand la misère du peuple est aussi profonde, il est bon que le pain soit à bon marché. (M. B., 22 juin.)

M. Zoude (de Saint-Hubert), rapporteur, annonce que depuis qu'il est question de la proposition l'avoine est augmentée de deux francs dans les Ardennes. (M. B., 22 juin.)

M. le baron Beyts fait part de l'étonnement qu'on éprouva dans la commission de voir qu'on ne demandât que la libre exportation de l'avoine, tandis que l'arrêté du 21 octobre concernait aussi le seigle et le froment. Nous nous sommes demandé, dit l'orateur, pourquoi les avoines ? cela a rapport aux chevaux, avons-nous dit. (On rit.) Notre armée est-elle approvisionnée, avons-nous demandé ensuite ? L'orateur établit que le prix des avoines n'a jamais été trop bas, et il déclare qu'il votera pour que la discussion soit ajournée. (M. B., 22 juin.)

M. Charles de Brouckere – Messieurs, on vient de remarquer que le prix du froment et du seigle était en baisse, et non pas celui de l'avoine ; la raison en est fort simple : la récolte de l'avoine ne sera faite que dans deux mois, celle du froment et du seigle beaucoup plus tôt. A l'approche de la récolte, les grains abondent sur les marchés, parce que, si on attendait au dernier moment de la récolte pour vendre on perdrait peut-être 50 pour cent. Si l'avoine est rare sur les marchés, vous ne pouvez pas en inférer qu'il y en ait peu, mais seulement attribuez-en la cause à ce que la récolte s'en fait plus tard que celle des autres céréales. Il y a beaucoup d'avoine dans le pays. Tous les gouverneurs des provinces sont d'accord sur ce point. Il y a, dit-on, de la misère, et les prix s'élèveront bientôt trop haut. Il ne peut (page 310) exister de crainte à cet égard, au moment où la récolte se présente si bien, et promet d'être si abondante. Quant à ce qu'on a dit, que l'ennemi pourrait s'approvisionner à bon marché, je dirai aussi qu'il est de l'intérêt du pays de donner aux cultivateurs les moyens de payer les impôts, l'emprunt forcé et toutes les autres charges qui les accablent. Ces moyens se trouvent dans la hausse du prix des denrées qu'ils peuvent vendre, et l'exportation de l'avoine fera hausser ces prix ; c'est pourquoi il faut la permettre, et il faut la permettre immédiatement ; dans quinze jours la mesure serait inefficace et je la combattrais, tandis que je l'appuie aujourd'hui. (M. B., 22 juin.)

M. Alexandre Rodenbach – Il n'est pas bien sûr que la guerre ne soit pas générale, il est bon, par conséquent, de ne pas nous dénantir des grains que nous avons. Le peuple est dans la plus profonde misère ; ne faisons pas augmenter le prix des grains en les exportant ; déjà dans la Flandre les pommes de terre valent vingt cents les deux kilogrammes et demi, tandis qu'elles ne valent que quatre cents, dans les temps ordinaires ; le peuple souffre assez… (M. B., 22 juin.)

M. Jottrand – Il ne mange pas de l'avoine. (M. B., 22 juin.)

M. Alexandre Rodenbach – Le peuple en mange dans le Luxembourg. (M. B., 22 juin.)

M. Jottrand – Dans le Luxembourg on en fait usage à toutes les époques. On vient, au reste, de me transmettre un fait qui vous expliquera pourquoi l'avoine s'est maintenue à un bon prix. Cela tient à la bonne qualité de la récolte de l'année dernière. L'avoine pèse proportionnellement cette année beaucoup plus que le seigle et le froment. D'ailleurs il ne faut pas voir seulement le résultat prochain de la mesure. C'est, en économie politique, un moyen sûr de se tromper. Pesez les avantages que procurera l'exportation, non seulement au cultivateur, mais encore aux commerçants, à notre marine, au courtage, au commerce général en un mot, et vous n'hésiterez plus. On s'est étonné de ce que l'on ne demandait l'exportation que pour l'avoine. Je déclare que si on l'avait demandée pour le seigle et pour le froment, je l'aurais appuyée. (C., 22 juin.)

M. d’Hanis van Cannart – Je demanderai à M. le ministre des finances si les approvisionnements pour notre cavalerie sont faits. (M. B., 22 juin.)

M. Duvivier, ministre des finances par interim – Il faut demander cela à M. le ministre de la guerre. (M. B., 22 juin.)

M. le baron d’Huart demande l'ajournement. Il croit que l'exportation ne serait utile qu'au monopole. (M. B., 22 juin.)

M. Brabant – Pour répondre à la demande de M. Van Cannart, je lui dirai que, d'après les renseignements fournis par M. le ministre de la guerre, les adjudications sont faites dans sept provinces au moins, pour le dernier semestre de l'année. (M. B., 22 juin.)

M. Alexandre Gendebien – Ce que M. Jottrand nous avait dit d'abord m'aurait fait appuyer la proposition, parce que je croyais qu’il avait par devers lui des faits qui prouvaient qu’il y avait un grand excédant dans les avoines. Mais ce qu'il a dit en dernier lieu, qu'il aurait appuyé aussi l'exportation du froment et du seigle, lorsqu'il sait qu'il n'y a qu'à peine ce qu'il faut de ces céréales, me jette dans l'incertitude. (M. B., 22 juin.)

M. de Robaulx – Je répondrai à M. de Brouckere que je n'ai pas beaucoup de confiance dans les rapports des gouverneurs des provinces sur la situation des greniers en Belgique. Nous avons tant vu de ces calculs statistiques à la Charles Dupin, que je ne crois guère à leur certitude. On n'a pas jaugé les greniers pour savoir ce qu'ils contenaient ; on ne peut donc avoir que des données inexactes. Pour connaître le vrai thermomètre, il faut voir les prix. D'ailleurs on ne propose pas la mesure pour protéger les riches. Les riches n'en ont pas besoin. C'est donc pour les pauvres qu'on a voulu travailler ; mais les pauvres n'ont plus d'avoine dans leurs greniers ; ceux qui ont pu garder l'avoine jusqu'à ce moment-ci ne sont pas pauvres. Les révolutions ne deviennent terribles que par les disettes. Si les grains devenaient trop chers lorsque tant de milliers d'ouvriers sont sans ouvrage, nous serions exposés aux plus déplorables catastrophes. Je ne donnerai jamais mon assentiment à ce projet. Attendre dix jours ne peut nuire. On a dit que dans dix jours la mesure ne serait plus efficace. Mais c'est se moquer. Car si nous avions discuté aujourd’hui l'objet qui était à l'ordre du jour, celui qui doit être discuté demain et les budgets seraient encore passés avant la proposition que nous discutons par pur accident, et elle ne serait certainement pas venue avant le 30 juin ; on aurait bien attendu. (M. B., 22 juin.)

M. Surmont de Volsberghe – L'avoine est augmentée de prix dans les deux Flandres, les petits propriétaires n'en ont plus, les négociants seuls profiteraient de la mesure proposée. (M. B., 22 juin.)

(page 311) Quelques voix – Nous ne sommes pas en nombre. (M. B., 22 juin.)

M. Jottrand – Je parlerai encore si la discussion continue. Quand ma conviction est formée, je n'ai pas l'habitude de céder aussi facilement. (Hilarité.) (M. B., 22 juin.)

- L'assemblée n'étant plus en nombre, la séance est levée à quatre heures. (P. V.)