(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 182) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à une heure. (P.V.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
- Un des secrétaires donne communication des pièces suivantes :
Vingt-cinq habitants de Tournay présentent le comte Félix de Mérode comme chef de l'État.
M. François Bouwens, architecte à Bruxelles, demande la permission de soumettre au congrès un nouveau moyen de faire brèche aux fortifications occupées par les Hollandais, et de détruire les bâtiments de mer de nos ennemis.
MM. Michel Van Aken et Dierickx, à Bruxelles, s'engagent à opérer, à leurs risques et périls, la reddition des forts Lillo et Liefkenshoek, sur l'Escaut, pourvu qu'ils reçoivent quelques secours du gouvernement.
La commission chargée de la collecte patriotique de Sivry se plaint de ce que le produit de cette collecte, envoyé à Bruxelles le 13 octobre, paraît avoir été détourné de sa véritable destination.
M. Jacques Bourlet, à Sivry, demande la dispense nécessaire pour contracter mariage avec sa belle-sœur Léocadie Plantain.
M. Dupont, à Hautaing, présente quelques réflexions sur le traitement du clergé.
La dame Isabelle van Loo, à Ostende, demande que les fils uniques naturels jouissent de l'exemption accordée par la loi sur la milice aux fils uniques légitimes.
Quatre distillateurs de Dixmude présentent des observations sur le nouveau projet de modifications à apporter à la loi du 26 août 1822.
Les membres du conseil communal de Bas-Warneton prient le congrès de faire réintégrer leur commune dans son titre primitif de succursale.
M. Joseph Van Cuyl, courtier à Ostende, se plaint du bureau des douanes de ce port.
Quarante et un vignerons du canton de Grevenmacher demandent la restitution des droits sur les vins, payés pin eux en 1828 et 1829.
Dix-neuf habitants des faubourgs de Mons prient le congrès de rapporter l'arrêté du 4 février 1815, relatif à la construction des bâtiments démolis pour la défense des places fortes.
MM. Lougaux et Steenkist, à Bruxelles, présentent des observations sur le projet de tarif concernant le fer.
M. Deltenre, avocat à Visé, demande qu'il soit exprimé dans la constitution que le chef de l'État n'a pas le droit d'accorder des dispenses.
Cent treize habitants de Liége demandent la réunion à la France.
Un grand nombre d'habitants de Bruxelles demandent la démolition de la porte de Hal, et qu'on donne le nom de porte de la Liberté à celle qui la remplacera.
M. Aerts transmet la généalogie du prince de Salm-Salm.
M. Vap Hoorebeke demande le maintien de la loi de 1822 sur la distillation.
Un grand nombre d'habitants de Rienne, d'Houdremont, de Patignie, de Louette-Saint-Denis, de Sart-Custinne, de Louette-Saint-Pierre, de Bellefontaine, de Membre, de Gedinne demandent que le duc de Nemours soit élu roi.
M. Dumoulin réclame contre les pétitions qui demandent qu'on ôte aux médecins de village la faculté de vendre les drogues.
M. Forgeur demande à être réintégré dans ses fonctions de juge de paix de Rochefort.
MM. Pechters et Geniets, officiers hollandais, prisonniers à Ath, demandent leur mise en liberté.
M. Wyvekens, commissaire du district de Nivelles, écrit qu'il a fait vérifier les signatures des (page 183) prêtres apposées à une pétition qui demande le mariage des prêtres, et qu'elles sont fausses.
M. Haumont demande que les fils et enfants uniques de veuves fassent partie du ban de la garde civique, aussi longtemps qu'ils pourront prouver qu'ils doivent secourir leur mère. (P. V.)
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Théophile Fallon, président de la cour des comptes, donne sa démission, ses nouvelles fonctions étant incompatibles avec celles de membre du congrès.
- Pris pour notification. (P. V.)
M. Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire – Messieurs, je dois donner au congrès quelques explications sur la conduite du gouvernement dans une occasion récente ; le congrès verra dans ce que je vais dire, non pas le désir d'une justification personnelle, mais celui de justifier le gouvernement.
En ouvrant le Messager des Chambres ce matin, j'y ai lu, non sans étonnement, une lettre de M. le ministre des affaires étrangères de France, M. le comte Sébastiani, où l'on remarque le passage suivant : (Note de bas de page : Nous la reproduisons ici, telle qu'elle est rapportée par le journal français :
« A. M. Rogier, à Paris.
« Monsieur,
« Vous m'avez dit, il y a quelques jours, que les journaux avaient rendu compte d'une manière infidèle des lettres que vous aviez écrites au gouvernement provisoire. Mais ils vous attribuent aujourd'hui une nouvelle dépêche, dans laquelle il m'est impossible de reconnaître ce qui a été dit dans nos derniers entretiens,
« Comme ministre, je n'ai jamais eu à entretenir le roi d'aucun arrangement relatif à sa famille : le roi n'a donc pu ni accorder, ni refuser ce qui ne lui a point été demandé. J'ajouterai que, soit comme homme, soit comme interprète des pensées royales, je ne me serais jamais expliqué avec une telle légèreté sur la famille d'un prince dont le roi estime la mémoire, et sous les ordres duquel je m'honore d'avoir longtemps combattu pour la gloire et l'indépendance de la France
« Je me plais à croire, monsieur, que la lettre dont il s'agit n'est pas votre ouvrage : s'il en était autrement, je me verrais obligé de n'avoir plus de relations avec vous que par écrit,
« J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur ;
« Horace Sébastiani
« Paris, le 14 janvier 1831 ».
Aussitôt la publication de cette lettre, M. Firmin Rogier fit insérer dans le Courrier français la réponse qu'il avait adressée à M. le comte Sébastiani ; cette réponse est ainsi conçue :
« A M. le comte Sébastiani.
Monsieur le comte,
« Si vous voulez m'accorder un moment d'entretien, j'espère que mes explications franches détruiront les impressions fâcheuses qu'a produites sur vous la publication, dans les journaux, de mes lettres au gouvernement provisoire.
« J'ai déjà eu l'occasion de vous exprimer combien j'étais contrarié de cette publicité donnée à des documents qui n'avaient pas de caractère officiel, et qui ne devaient être communiqués qu'au comité diplomatique. Je regrette d'autant plus vivement de n'avoir pu, pressé par le temps, conserver copie de ma dernière lettre, que je ne puis apprécier à quel point mes expressions ont été altérées par les journaux. Le Belge et le Messager des Chambres me font dire, par exemple : « Que le roi des Français ne donnerait jamais sa fille au fils d'un Beauharnais. » Vous devez le croire, je n'ai pu employer une telle expression pour désigner un des plus illustres chefs des armées françaises, un prince qui a laissé de si nobles et de si glorieux souvenirs.
« Toutefois, en passant condamnation sur des mots qui peut-être, ne sont pas précisément ceux que vous avez pu employer, je ne crains pas d'en appeler à vos souvenirs pour le fond même des choses.
« Je regretterais vivement, M. le comte, que cette publication de mes lettres fît cesser tout à coup des relations commencées d'une manière si agréable et si flatteuse pour moi. Cette interruption ne serait pas un des moindres désagréments qui peut-être m'attendent dans la carrière où je me trouve engagé.
« Agréez, etc. FIRMIN ROGIER »
Messieurs, cette lettre porte sur deux points : l'un est relatif à la famille du roi de France, et l'autre, je pense, au duc de Leuchtenberg. Vous vous rappelez, messieurs, que provoqué par vos sollicitations trop pressantes, trop imprudentes peut-être, vous avez forcé le comité diplomatique à vous communiquer des lettres confidentielles, rapportant des conversations avec un ministre du gouvernement français (Note de bas de page : Voyez pages 58, 61 et 81). Ces lettres n'auraient jamais dû être publiées ; mais puisque, grâce à votre exigence, elles l'ont été, il importe au gouvernement provisoire de prouver qu'elles n'étaient que l'exacte expression de la pensée du (page 184) gouvernement français. Vous vous rappelez, messieurs, les termes de la lettre de M. Bresson, lue dans la même séance que celle de notre envoyé près la cour de France. Ces deux lettres sont exactement conformes ; voici le passage de celle de notre envoyé, relatif au premier point :
« Les hommes sages du congrès, et ils sont en grande majorité, comprendront les raisons que le gouvernement français peut avoir de désirer qu'un prince de la famille de Napoléon ne vienne pas régner à sa porte ; ces raisons sont trop évidentes pour qu'il soit nécessaire de les exposer. Ce qui, au reste, est bien positif, bien arrêté, d'une manière irrévocable, c'est que jamais la France ne reconnaîtra le duc de Leuchtenberg comme roi des Belges, et que jamais, surtout, le roi Louis-Philippe ne lui donnera une de ses filles pour femme. »
« De toutes les combinaisons possibles, Louis-Philippe n'hésite pas à dire que celle de proposer le jeune duc de Leuchtenberg pour roi en Belgique, serait la plus désagréable à la France, et la moins favorable au repos et à l'indépendance des Belges. »
Vous voyez, messieurs, qu'il s'agit là de l'exclusion de la famille du duc de Leuchtenberg. Voici maintenant la lettre de M. Bresson :
« Monsieur le comte, ayant appris, il y a quelques jours, qu'une partie du congrès pensait à porter ses vues sur M. le duc de Leuchtenberg pour souverain de la Belgique, j'ai cru devoir en informer le gouvernement du roi. Sa réponse m'est parvenue dans la nuit dernière ; elle ne me laisse aucun doute sur sa manière de considérer le choix qu'on se propose. Sans qu'on doive m'accuser de vouloir gêner les délibérations du congrès, il me semble, cependant, que je ne puis vous laisser ignorer que le roi et son gouvernement pensent que l'élection de M. le duc de Leuchtenberg jetterait la Belgique dans de graves embarras ; que ce prince ne serait certainement pas reconnu par les grandes puissances, et dans aucun cas, par la France. »
Je demande, messieurs, si ce n'est pas là mot pour mot ce que dit la lettre de notre envoyé sur l'élection du duc de Leuchtenberg ; et vous vous étonnerez sans doute que M. le comte Sébastiani ait cru devoir démentir un fait aussi bien établi. Je conçois très bien qu'un ministre étranger soit étonné des bizarreries qui se sont passées dans le congrès... (Murmures violents.) (U. B., 20 janv.)
- Une voix – Vous insultez le congrès ! (U. B., 20 janv.)
M. Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire – Messieurs, permettez-moi de le dire, vos murmures ne sont justifiés par rien, car ce que je dis est une vérité palpable ; personne ne disconviendra qu'il ne fût bizarre de lire... (Les murmures augmentent ; interruption prolongée.) (U. B., 20 janv.)
M. Van Snick, interrompant – Il n'y a eu ni bizarrerie, ni imprudence dans la conduite du congrès ; la sollicitude qu'il met à avoir communication de toutes les dépêches et des moindres notes diplomatiques, dans les circonstances extraordinaires où nous nous trouvons, est commandée par le besoin que nous avons de connaître tout ce qui se passe dans les cabinets de l'Europe, pour nous déterminer et sur le choix du chef de l'État, et sur la nature de nos rapports futurs avec la Hollande. La doctrine du silence et de la discrétion vantée par M. Rogier ne peut être invoquée aujourd'hui chez nous. Le congrès seul aujourd'hui est en droit de traiter avec les puissances étrangères ; et sans doute si vous vous reconnaissez ce droit, et que vous ne le reconnaissiez qu'à vous, vous ne vous refuserez pas celui de demander tous les renseignements que vous croirez propres à vous éclairer sur les déterminations si graves et si importantes que vous pouvez être appelés chaque jour à prendre.
En vérité, messieurs, le système de l'honorable M. Rogier réduirait ce congrès, qu'on dit être omnipotent, à un rôle bien nul et étranger aux yeux de la nation. (E. 19 janv.)
M. le président – L'orateur a voulu dire que la chose était insolite en diplomatie. (C., 19 janv.)
M. Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire – Dans tous les cas, les reproches de bizarrerie ne tombent que sur le comité diplomatique ; mais je persiste à dire que le mot bizarre est ici le mot propre.
Messieurs, j'ai prouvé que les deux lettres se rapportent entièrement ; vous n'élèverez pas de doute sur l'authenticité de celle de M. Bresson ; du reste, elle est déposée au comité diplomatique, chacun en peut prendre connaissance. Il est pénible de relever des erreurs aussi graves échappées, je veux bien le croire, à M. le ministre Sébastiani ; mais il importe que le gouvernement provisoire, à qui, dans cette affaire, on a prêté des arrière-pensées, soit lavé de tout soupçon.
Je ne sais s'il est nécessaire que j'insiste sur le second point, je veux dire sur ce qui est relatif au mariage d'une des filles de Louis-Philippe avec le futur roi de la Belgique ; la lettre de M. Bresson (page 185) n'est pas très claire sur ce point, mais je la prendrai dans le sens le plus large. Voici ce qu'elle dit :
« Je vous prie, monsieur le comte, de ne voir dans cette communication qu'un nouveau témoignage de l'intérêt si vrai que le roi et son gouvernement portent à la cause de la Belgique. La Belgique n'aura jamais d'ami plus sincère que le roi des Français ; les conseils qu'il donne aux Belges sont pour ainsi dire paternels ; il ne veut exercer d'autre influence que celle qui calme les passions, qui montre la vérité et dirige vers un but honorable et utile. »
S'agit-il, messieurs, dans ce passage, du mariage d'Othon de Bavière ou du duc de Leuchtenberg ? Je suppose qu'il s'agit du petit prince Othon. On vous a dit à la tribune que la France semble nous conseiller de le choisir pour roi, et l'on peut bien supposer que c'est à son mariage que fait allusion le passage que je viens de lire. A la vérité, la lettre de M. Bresson ne le dit pas expressément, mais on sait bien qu'elle ne pourrait le dire, car on ne peut pas admettre que lorsqu'il s'agit d'un roi, pas plus que lorsqu'il s'agit d'un père de famille, on aille proclamer qu'il désire ou qu'il consent au mariage de sa fille, sans savoir si l'autre partie y consent. Maintenant, messieurs, si vous doutez que cette combinaison fût agréable à la France, je n'ai rien à dire ; mais tout doute est impossible sur ce point, et la lettre de M. Sébastiani ne peut affaiblir votre conviction, puisque, sur un point plus important, vous avez vu ce qu'il fallait penser de sa dénégation. Ces explications, je l'espère, justifieront pleinement à vos yeux le gouvernement provisoire. Il a insisté sur une prompte décision du congrès relativement au choix du souverain, c'est qu'il pensait que les circonstances l'exigeaient : on pourra plus tard peut-être apprécier la justesse de nos prévisions. (U. B., 20 janv.)
M. le baron de Stassart – Je regardais l'exclusion du duc de Leuchtenberg comme le résultat d'une politique tellement méticuleuse, je dirai même tellement odieuse, qu'il m'était impossible de l'attribuer au noble monarque qui fait aujourd'hui le bonheur de la France. J'étais loin toutefois d'inculper à cet égard notre gouvernement ; je n'en accusais pas davantage M. Bresson ; toutes ces manœuvres me paraissaient ourdies par quelque diplomatie boiteuse, par quelque diplomatie occulte. Je suis enchanté d'apprendre que le général Sébastiani lui donne le démenti le plus formel ; cette démarche, honorable pour lui-même et pour le gouvernement français, nous laisse toute la liberté de choisir (sans risquer de compromettre nos relations amicales avec nos voisins), le fils de l'illustre et vertueux prince Eugène, si, comme tout me porte à le croire, les intérêts et la dignité de la Belgique l'exigent. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Messieurs, je vois avec plaisir l'honorable M. de Stassart reconnaître que notre diplomatie s'est trompée ; quoiqu'il ait dit que celle des pays voisins était boiteuse, je désirerais voir la nôtre marcher aussi droit. Le ministre de France, vous le voyez, messieurs, n'hésite pas à déclarer faux tout ce qu'on lui a prêté dans la correspondance de notre comité diplomatique. Maintenant on vient nous dire que le congrès a fait des sollicitations pressantes, peut-être même imprudentes, pour connaître les secrets des négociations, et que c'est à cela que nous devons la lettre de M. le comte Sébastiani. Ici, messieurs, je dois prendre ma part des reproches, car ce serait moi qui aurais provoqué ces communications, et je m'en fais honneur aujourd'hui, puisque, grâce à elles, je commence à y voir clair sur ce cloaque de diplomatie (murmures violents, interruption) : oui, messieurs, cloaque ; et vous voyez qu'on l'avoue aujourd'hui, on nous a trompés, on a trompé la nation, nous avons été dupes de la diplomatie, et aujourd'hui on est obligé de venir chanter la palinodie. (Nouveaux murmures.) Au reste, j'en appelle ici aux souvenirs de tous ceux qui m'entendent, je n'ai jamais demandé communication des lettres particulières et confidentielles. Si de son propre mouvement le comité diplomatique a cru devoir les communiquer, toujours est-il vrai qu'on ne peut pas le faire retomber sur ceux qui n'ont jamais entendu avoir communication que des notes officielles. C'est donc le gouvernement lui-même qui a provoqué le démenti solennel qu'on lui donne aujourd'hui. Ainsi la bizarrerie retombe sur le gouvernement, et non sur le congrès.
Quant au deuxième point traité par l'honorable M. Rogier, je ne sais si je dois en parler. Aujourd'hui le jeune Othon n'existe plus dans la candidature, laissons-le dormir en paix et ne nous en occupons plus. (On rit.) Le démenti nous prouve, au reste, que le gouvernement français, mieux éclairé, apprécie mieux notre position, et aujourd'hui il est probable qu'il ne se refuserait plus à répondre aux vœux du congrès. La lettre de M. Sébastiani vous indique du moins que le roi des Français n'a pu jamais ni refuser ni accepter de proposition relative à sa famille ; il n'est donc pas vrai qu'il soit résolu d'une manière irrévocable à refuser la couronne, soit pour lui-même, soit pour son fils le duc de Nemours. Nous reprenons un (page 186) peu plus de liberté, les exclusions se rétrécissent, et la liberté s'agrandit. (U. B., 20 janv.)
M. Delwarde – Messieurs, toutes ces explications sont, à mon avis, fort déplacées ; elle peuvent nuire à nos relations avec la France et relâcher le lien qui commence à se former entre les deux pays. Je demande en conséquence que l'on passe à l'ordre du jour. ( Appuyé ! appuyé !) (U. B., 20 janv.)
M. Charles Le Hon – Je demande la parole pour faire une proposition. (U. B., 20 janv.)
- Voix nombreuses – Non ! non ! (U. B., 20 janv.)
- D'autres voix – Parlez ! parlez ! (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur – II me semble que nous devons tous désirer de passer à l'ordre du jour. (Appuyé ! appuyé /) (U. B., 20 janv.)
M. le président consulte l'assemblée, qui décide de passer à l'ordre du jour. (U. B., 20 janv.)
M. Charles Le Hon demande de nouveau la parole, pour une proposition. (Non ! La garde civique est à l’ordre du jour.) (E., 19 janv.)
M. le président – Malgré cela, je pense que nous pouvons entendre une proposition. (E., 19 janv.)
M. Charles Le Hon – Messieurs, j'ai l'honneur de proposer au congrès de déclarer faux le compte rendu par le journal L' Émancipation, dans son numéro du 18 janvier, de la séance tenue en comité général le 16 du même mois. (Mouvement auquel succède un silence profond.)
Messieurs, la publicité est, selon moi, utile en toute chose, mais elle peut gâter quelquefois les relations d'un pays avec les puissances étrangères ; vous avez consenti, après la communication du protocole du 9 janvier, à ce qu'il fût examiné en comité secret. Il s'agissait d'une question de paix ou de guerre ; question grave, question importante, dont la discussion a duré deux séances (Note de bas de page : Le comité secret, suspendu à cinq heures avait été repris à sept heures) ; vous en connaissez le résultat. Si la discussion avait eu lieu en séance publique, il serait inutile de relever les erreurs d'un journal, car ce ne serait jamais que l'erreur d'un journaliste, puisque le détail de la séance est son ouvrage ; mais lorsque la séance est secrète, le compte qui en est rendu ne peut être que l'œuvre d'un député, et ceci est beaucoup plus grave et peut-être beaucoup plus nuisible. J'en viens, maintenant, à l'article contenu dans le journal dont j'ai parlé. Je laisse de côté l'inexactitude des faits rapportés, les discours tronqués, les demandes et les réponses altérées ; tout cela est peu de chose ; mais il est un fait, un fait grave qu'il est important de relever, et je déclare que toute réponse au protocole et toutes relations avec les puissances seront désormais impossibles si vous ne le déclarez faux. (Attention soutenue.)
Ici l'orateur lit un passage de l'Emancipation, où il est dit que M. de Robaulx monte à la tribune et ranime l'attention.
Plus bas, continue M. Le Hon, on lit que la proposition de M. de Robaulx (qui du reste est transcrite mot pour mot dans le compte rendu) a été adoptée. (U. B., 20 janv.)
- Plusieurs membres demandent que M. Le Hon donne lecture de cette proposition. (U. B., 20 janv.)
M. Charles Le Hon – La voici :
« Au NOM DU PEUPLE BELGE,
« Le congrès national, vu le protocole signé par les envoyés de la France, de l'Autriche, de l'Angleterre. de la Prusse et de la Russie, en date du 9 janvier 1831, et communiqué à l'assemblée le 15 du même mois ; .
« Considérant que le peuple belge a, depuis plusieurs mois, et sans le secours d'aucune puissance étrangère, secoué le joug de la Hollande et constitué son indépendance, ainsi que cela est reconnu en principe par les cinq gouvernements prénommés ;
« Que la guerre existant entre la Belgique et la Hollande, aucune puissance étrangère n'a le droit d'intervenir dans les affaires de ces deux pays ;
« Que si, sous prétexte d'humanité et pour empêcher, autant que possible, l'effusion du sang, les cinq puissances ont offert leur médiation purement amicale et officieuse, par la seule voie de négociation, afin de faciliter un armistice, jamais la Belgique ni la Hollande ne se sont remises à la discrétion et décision desdites puissances ;
» Qu'au contraire, les puissances ont elles-mêmes proclamé le principe de non-intervention, principe alors soutenu par la France ;
« Que les conditions de l'armistice n'ayant pas été exécutées de la part de la Hollande, la Belgique, jusqu'ici fidèle observatrice desdites conditions en ce qui la regardait, ne pouvait et ne peut (page 187) être forcée à maintenir un état de choses ruineux pour elle et favorable à ses ennemis ; et cependant c'est la Hollande qui a repris les hostilités !
« Que le congrès et la Belgique ne connaissent et ne reconnaîtront aucune convention par laquelle les puissances seraient constituées arbitres des démêlés avec la Hollande, surtout si elle leur donnait le droit d'exécuter par la force ;
« Que la Belgique ne réclame pas l'appui des puissances pour forcer à main armée le roi Guillaume à exécuter l'armistice, parce qu'elle ne veut pas introduire un droit d'intervention contre aucun des belligérants ;
« Que le protocole du 9 janvier, auquel la Belgique n'a pas pris part, consacre formellement le principe de l'intervention directe et armée, principe contraire au droit des nations ;
» Que, si les gouvernements se liguent à Londres pour étouffer les germes de liberté partout où ils se manifestent, la Sainte-Alliance des peuples saura rompre les fers que le despotisme leur prépare ;
« Proteste solennellement contre toute intervention des gouvernements étrangers dans les affaires de la Belgique et ses relations avec la Hollande ;
« Et se confiant dans la sympathie des peuples pour les Belges et la cause sacrée qu'ils défendent, déclare que la nation se lèvera en masse pour conserver ses droits et son indépendance. »
Voilà, messieurs, la proposition que l'on prétend avoir été adoptée par le congrès : si cela est vrai, il n'y a plus qu'à attendre les puissances et nous préparer à la guerre, et je regarde toute relation avec elles comme impossible ; mais je vous demande si cela est ? (E., 18 janv. et U. B., 20 janv.)
M. Jottrand – Je ne crois pas, messieurs, que nous devions nous abaisser jusqu'à déclarer fausse la relation d'un journal qui n'est ni avoué par le gouvernement, ni le dépositaire de ses pensées. Un journal est l'objet d'une spéculation particulière. Celui qui l'exploite le fait comme il l'entend, ses opinions sont libres et personne ne doit l'empêcher d'agir à sa manière. D'ailleurs, messieurs, un journal qui s'attache à tronquer des faits, à dénaturer les discussions, se perd ; mais il est le maître de se perdre, et vous ne pouvez pas plus intervenir dans ses affaires que dans les spéculations particulières de toute autre nature. Il y a, au reste, des journaux qui rectifieront les faits dénaturés ; laissons-leur le soin d'établir la vérité
M. Le Hon propose de déclarer faux le compte-rendu du comité général ; eh bien ! le public saura que M. Le Hon pense cela. Au surplus, s'il est vrai que la proposition de M. de Robaulx n'a pas été adoptée (et, à mon avis, elle ne l'a pas été), le comité agira comme on le lui a prescrit, et les puissances auront plus de confiance au comité diplomatique qu'à une relation de journal. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx (mouvement d'attention) – Messieurs, je dois donner quelques explications sur ce qui s'est passé, car l'on vient de vous parler de faits inexacts que l'on veut faire déclarer faux, et on avance en même temps des faits inexacts et que je crois devoir rectifier. Messieurs, j'ai toujours été l'ennemi de toute espèce de secrets ; je l'ai dit souvent et je le répète, il faut de la publicité en tout. J'admets toutefois que, lorsque l'État peut être compromis, on doive se tenir sur la réserve et ne pas publier des détails qu'il est si important de cacher ; mais je ne crois pas que ce fût ici le cas : je conçois que si un plan de campagne avait été délibéré dans le comité général, il y aurait du danger à le faire connaître dans un journal ; d'autres cas semblables pourraient se présenter, ils sont rares pourtant, et hors de là il faut laisser le public témoin de toutes nos délibérations et laisser aux opinions toute leur liberté. (Interruption ; on adresse à l'orateur de vives interpellations.) (U. B., 20 janv.)
M. Van Snick parle au milieu du bruit. (U. B., 20 janv.)
M. le président – Laissez parler l'orateur, s'il se croit d'ailleurs personnellement compromis. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Messieurs, la proposition est de moi. Lorsque j'ai reçu le journal ce matin, et que j'y ai lu certains passages, par exemple ce lui où il est dit : M. de Robaulx monte à la tribune et ranime l'attention, j'ai été vraiment étonné de cette assertion, car je ne suis pas homme à me faire vanter par les journaux et je ne recherche pas leurs flagorneries (on rit) ; je me suis transporté au bureau du journal, je me suis plaint de ce qu'on avait dit que j'avais ranimé l'attention, car dans ce moment l'attention du congrès ne sommeillait pas, elle était au contraire vivement excitée par l'objet en discussion. Je me suis plaint aussi de ce qu'on avait fait parler des membres qui étaient absents, M. Lebeau entre autres ; mais, ces inexactitudes retranchées, tout le reste y est vrai, et je persiste à dire que malgré les comités généraux, tout ce qui ne sera pas de nature à compromettre l'État, je le publierai. (Violents murmures, interruption prolongée.) Oui, messieurs, je le publierai, car c'est un droit que me confère le principe de la liberté d'opinions et de (page 188) la liberté de la presse. (Nouveaux murmures, nouvelle interruption.) Maintenant, que dans le compte-rendu il se soit glissé des erreurs, c'est le fait du journaliste, et le compte rendu n'est pas mon ouvrage. Le journaliste a pu prendre des renseignements auprès de divers membres, et de là des erreurs inévitables ; mais, je le répète, cela ne me regarde pas.
On demande que vous déclariez faux que ma proposition ait été adoptée ; à mon avis, ce ne serait jamais qu'une erreur et non une fausseté. Que s'est-il passé en effet dans le comité général ? J'avais présenté ma proposition ; elle fut lue, appuyée et développée : ma proposition était une protestation formelle contre les protocoles des 17 novembre et 9 janvier. J'avais cru de la dignité de la nation de protester contre toute intervention de la part des puissances, et ma proposition avait pour but de faire cette protestation : une longue discussion s'engagea, tant sur ma proposition que sur ce qu'il y aurait à faire sur le protocole du 9 janvier. Vers la fin de la séance (j'en appelle ici aux souvenirs de plusieurs honorables membres qui étaient venus se grouper autour de moi), vers la fin de la séance, ces membres me demandèrent de retirer ma proposition ; je répondis négativement, je montai presque immédiatement à la tribune où je résumai la discussion. J'avais compris que le congrès désirait une protestation contre toute intervention des puissances, et qu'il fallait laisser au comité diplomatique le soin de faire, sous sa propre responsabilité, une réponse aux puissances pour leur déclarer que la Belgique reconnaîtrait l'armistice jusqu'au 20 janvier, et que si la Hollande refusait à cette époque de l'exécuter, la Belgique reprendrait les hostilités sans l'intervention de personne.
Ma proposition me fut remise par M. le président ; je me disposais à en donner une nouvelle lecture, lorsqu'un honorable collègue, M. Forgeur (et j'en appelle ici à son souvenir) me dit : « Ne lisez que la conclusion. » Je l'ai lue en ces termes :
« Le congrès proteste solennellement contre toute intervention des gouvernements étrangers dans les affaires de la Belgique et ses relations avec la Hollande ;
« Et, se confiant dans la sympathie des peuples pour les Belges et la cause sacrée qu'ils défendent, déclare que la nation se lèvera en masse pour conserver ses droits et son indépendance. »
Après cette lecture, M. le président, prenant la proposition de mes mains et la montrant à l'assemblée, dit : « Ainsi, c'est bien convenu ? » et l'on répondit : « Oui ! » (Violente interruption ; toute l'assemblée debout répond : Non ! non ! M. de Robaulx répond : Oui ! oui !) (U. B., 20 janv.)
M. Jottrand – Nous sommes cent cinquante contre vous. (U. B., 20 janv.)
M. Surmont de Volsberghe – Nous n'avons pas adopté votre proposition. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Vous ne l'avez pas adoptée ? (U. B., 20 janv.)
- Voix nombreuses – Non ! non ! (U. B., 20 janv.)
M. Jottrand prononce quelques paroles au milieu du bruit. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Je vous répondrai, M. Jottrand. (Interruption nouvelle ; tout le monde parle à la fois.) (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur – Je demande le rappel au règlement. Il faut être juste et laisser parler l'orateur. Il n'appartient qu'à M. le président de lui ôter la parole, je demande qu'il la lui maintienne. (U. B., 20 janv.)
M. le président – Vous voyez bien qu'il m'est impossible d'empêcher les interruptions. (Le silence se rétablit un peu.) (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Quand j'avance des faits, c'est que je les crois vrais, et je suis toujours prêt à les affirmer ; j'énonce un fait, une pensée ; si je me trompe, on peut me démontrer mon erreur, et je me rends. Or, je soutiens que les choses se sont passées comme je l'ai dit. Vous dites que je me suis trompé, c'est possible ; mais dans ce cas je reproduis ma proposition et je demande que le congrès prenne une décision à cet égard, car je ne veux pas la retirer. (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur – Messieurs, l'honorable M. de Robaulx m'a fait un appel en quelque sorte personnel, en rapportant ce que j'avais dit dans le comité secret d'hier. Comme j'admets que lorsque un comité secret existe, il ne doit rien transpirer au dehors des choses qui s'y sont traitées, comme je suis d'avis qu'alors il ne devient permis à personne de révéler les détails de ce qui s'y est passé ; comme je pense enfin qu'il ne convient en aucune manière de désigner ceux qui y ont exprimé une opinion pour ainsi dire en famille, je ne sais pas trop si je dois entretenir le congrès de ce qui s'est passé dans le comité général d'hier. Il me semble qu'il ne s'agit maintenant que de délibérer sur la proposition de M. Le Hon : pour cela il faut voir si (page 189) nous avons émis un vote ; il me semble qu'il faudrait décider d'abord si la proposition de M. Jottrand ne doit pas avoir la priorité sur celle de M. Le Hon, et j'avoue que je me déterminerais volontiers pour cette espèce de question préalable. Cependant je crois pouvoir dire que dans le comité secret une grande question, la question de paix ou de guerre, a été agitée, et je crois qu'il n'y a pas d'indiscrétion à dire que le congrès a reconnu à l'unanimité qu'il n'avait pas de vote à émettre ; je crois pouvoir dire aussi que le congrès a décidé que le comité diplomatique ferait une réponse au protocole, et qu'il la ferait de la manière la plus conforme aux intérêts et à la dignité de la nation ; je crois pouvoir dire encore que si la note fut discutée, il n'y a pas eu de décision ; et moi personnellement, quand M. le président voulut consulter l'assemblée, j'ai fait remarquer qu'il n'y avait rien à décider : il n'y a donc pas eu de décision, et il ne pouvait pas y en avoir. Maintenant, comment se peut-il qu'un journal affirme le contraire ? cela me paraît fort extraordinaire : je concevrais qu'un journal eût rapporté les bruits qui couraient sur le comité secret ; tout journal qui se fût respecté eût rapporté en pareille circonstance ces bruits comme des on dit, qui n'eussent motivé aucune décision : mais non, l'Émancipation entre dans des détails erronés comme positifs, et rapporte un résultat qui non seulement est contraire à la vérité, mais encore contradictoire ; car remarquez que si le journaliste disait vrai, d'un côté nous aurions voté la levée en masse, et de l'autre nous aurions accepté l'armistice au moins jusqu'au 20, et chargé le comité diplomatique de répondre aux puissances. Je vous demande, messieurs, si cela ne mérite pas notre désapprobation, et s'il n'est pas déplorable de voir écrire avec une pareille légèreté.
Et moi aussi j'aime la publicité, nous l'aimons tous dans cette assemblée ; mais nous savons qu'il est des occasions où l'intérêt du pays impose le devoir de ne pas compromettre certaines négociations par des débats publics qui les feraient échouer : c'est alors qu'on se décide à délibérer en comité général ; il ne faut donc pas que, lorsqu'un membre y assiste, il se croie en droit, lui minorité, de divulguer tout ce qui s'y passe. S'il s'y présente, il doit tenir l'engagement que chacun a contracté de ne rien révéler (car, en consentant au comité secret, on contracte l'engagement de se taire) ; et si l'on est opposant, on doit subir la loi de la majorité et ne pas commettre une indiscrétion coupable, j'ose le dire. Chacun, je crois, reconnaîtra sans peine la vérité de ces principes et leur justesse ; M. de Robaulx lui-même ne saurait les méconnaître, aussi je ne crains pas qu'il réalise la menace qu'il nous a faite, parce qu'en publiant les détails d'un comité secret, il se constituerait seul juge contre tous de l'opportunité de la publicité de détails que tous ses collègues croiraient devoir tenir secrets. Je crois en avoir dit assez sur ce point.
Maintenant, messieurs, il me semble que lorsqu'on veut faire respecter la nation, il faudrait savoir se respecter soi-même ; lorsque nous parlons de la diplomatie, ou de princes qui peuvent un jour être appelés à régner sur nous, ayons des expressions à la hauteur de pareils sujets. La diplomatie peut être boiteuse, elle peut n'avoir pas dans sa marche toute la franchise désirable ; on peut l'accuser peut-être de prendre plutôt l'intérêt des rois que celui des peuples ; mais, enfin, lorsqu'on parle d'elle, il ne faudrait pas la qualifier de cloaque. On peut choisir des expressions à la fois justes et plus convenables, sans pour cela lui épargner les reproches qu'on croit qu'elle mérite. Je crois en avoir dit assez pour faire entendre que les explications amenées par la proposition de M. Le Hon doivent suffire, et que nous devons passer à la discussion d'objets plus importants, à la constitution par exemple. J'ai dit. (U. B., 20 janv.)
M. Devaux – Messieurs, dans des circonstances ordinaires, quand un journal s'occupe des délibérations secrètes de l'assemblée, quand il reçoit d'un membre (car ce n'est qu'ainsi qu'il peut les connaître) les détails de ce qui s'est passé, vous pouvez laisser ce journal faire la caricature de certains membres, tronquer, fausser l'opinion de certains autres, et vous ne devez pas vous en inquiéter, vous ne devez pas surtout descendre si bas que de vous donner la peine de démentir ses assertions. Ce qui vous suffit, messieurs, c'est de connaître le sentiment qu'une telle conduite vous inspire, à vous et à la nation. Mais, messieurs, il s'agit ici de la proposition d'un membre. On vient de dire, il est vrai, qu'on reconnaît que le compte rendu est inexact (je ne sais si c'est aux éloges prodigués à ce membre qu'on fait le reproche d'inexactitude) ; mais au fond, on déclare qu'il a dit vrai. Il ne s'agit plus ici de l'assertion d'un journaliste, mais d'un député. Le fait devient plus grave, il importe de le bien vérifier. M. de Robaulx a dit que sa proposition avait été adoptée ; je dis, moi, qu'elle a été complètement rejetée, et je vous rappellerai, pour le prouver, comment les faits se sont passés. M. de Robaulx était à la tribune, on lui demanda s'il retirait sa proposition, il dit (voici ses propres expressions) que comme (page 190) il voyait que la majorité n'était pas disposée à l'accueillir, il n'insisterait point pour qu'une décision fût rendue, J'avais proposé une note en réponse au protocole, j'avais dit dans quel sens j'entendais qu'elle fût rédigée. Un membre dit que le comité diplomatique l'entendait ainsi, et tout fut terminé. D'après cela comment M. de Robaulx a-t-il pu penser que sa proposition était adoptée ? je ne le conçois pas. Ce qu'il y a de positif, c'est que la proposition demandait que la nation se levât en masse, et que cela a été formellement rejeté, personne n'en a voulu. Je demande donc ou qu'on déclare fausse l'assertion du journaliste, ou qu'on délibère sur la proposition de M. de Robaulx, et cela par appel nominal, afin que l'on sache combien de membres voteront en sa faveur. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 20 janv.)
M. Charles Le Hon – La manière dont on a rendu compte de notre séance ferait appeler le journaliste à la barre de la chambre des députés de France. Elle se ferait peut-être même nommer l'auteur. Au moment où l'on agite une question de paix et de guerre pour nous et pour l'Europe, lorsque l'armée est impatiente de combattre, on répand une nouvelle qui peut mettre les masses en marche. Vous vous y opposez en faisant sentir votre indépendance aux puissances. Si l'opinion du congrès ne fixe pas l'opinion de la nation, comment le comité diplomatique agira-t-il à l'extérieur et le gouvernement avec l'armée, d'après les vœux du pays ? Je mets en fait que si l'on ne prononce pas ou sur la fausseté du fait ou sur la proposition, il ne reste au comité diplomatique qu'à résigner ses fonctions. (J. B., 19 janv.)
M. le président – La parole est à M. Surmont de Volsberghe. (E., 19 janv.)
M. Surmont de Volsberghe veut parler (Aux voix ! la clôture !) (J. F., 19 janv.)
M. de Robaulx – Je demande la parole pour un fait personnel. (Non ! non ! Tumulte.) (U. B., 20 janv.)
M. le président – Je ne puis refuser la parole pour un fait personnel. (U. B., 20 jariv.)
M. de Robaulx – Messieurs, si on ne veut pas rentrer dans l'examen de ce qui s'est passé hier en comité général, qu'il me soit permis de dire qu'on s'est trompé quand on a dit que non seulement on n'avait pas voté en faveur de ma proposition, mais même qu'on l'avait rejetée. (Bruit, interruption.) Avez-vous dit que ma proposition avait été rejetée ? (Oui ! oui ! Non ! non ! Tumulte croissant.) L'a-t-on dit, oui ou non ? (Le tumulte s'accroît encore.) Je ne le défends plus, prononcez comme vous voudrez. (M. de Robaulx se rassied avec des gestes d'impatience.) (U. B., 20 janv.)
M. le président – Je vais faire donner lecture de la proposition de M. de Robaulx. (Non ! non ! Tumulte.) (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur – Il ne s'agit ici que de la proposition de M. Le Hon ; on ne doit pas s'occuper de celle de M. de Robaulx, car cette proposition est complexe ; et mériterait d'être discutée, au moins en tant qu'elle traite la question de la non-intervention. D'ailleurs, cette proposition fut retirée hier par son auteur, quoi qu'il en dise, et il en donna pour motif que l'assemblée lui paraissait unanime pour ne pas l'adopter. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Vous disiez qu'elle avait été rejetée. (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur – Non, monsieur. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Que M. Devaux dise donc qu'il s'est trompé, car il a dit que ma proposition avait été rejetée. (U. B., 20 janv.)
M. Devaux – J'ai dit qu'on n'avait pas voté sur votre proposition, mais que le congrès avait décidé le contraire de ce qu'elle contenait. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Alors ma proposition subsiste, et je demande que le congrès prononce. M. Forgeur m'a-t-il dit hier de ne lire que la conclusion ?... (U. B., 20 janv.)
(Tout ce colloque s'est tenu au milieu d'un bruit continuel et dont il serait impossible de donner une idée au lecteur ; ici le bruit augmente encore, M. de Robaulx gesticule en adressant de vives interpellations à plusieurs membres, qui l'interpellent à leur tour.) (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur au milieu du tumulte – Il y a du vrai… il y a du vrai… (Le tumulte va toujours croissant, et l'on ne distingue plus aucune parole. Enfin un amendement à la proposition de M. Le Hon, annoncé par M. le vicomte Charles Vilain XIIII, amène un peu de silence.) (U. B., 20 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Messieurs, voici un amendement de M. Van Snick : il consiste à substituer au mot faux le mot inexact ou erroné. (U. B.. 20 janv. et A.)
- De toutes parts – Non ! non ! (Le tumulte recommence.) (U. B., 20 janv.)
M. de Tiecken de Terhove – Messieurs, il y aurait de grands inconvénients à prendre une décision quelconque sur le compte rendu de la séance secrète par l'Emancipation ; car, si aujourd'hui (page 191) vous déclarez que cette relation est fausse, inexacte et erronée, vous serez obligés de faire la même déclaration toutes les fois qu'il y aura comité général : par votre silence, en effet, vous seriez censés reconnaître l'exactitude des détails qui en seraient donnés. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 20 janv.)
M. Destouvelles – Messieurs, quelle est l'importance que nous devons accorder à la proposition de M. Le Hon ? Quel doit être notre but en prononçant sur cette proposition ? Celui de détruire un bruit qui a jeté l'épouvante dans le pays : pour le faire tomber, je crois qu'il conviendrait de voter sur la proposition de l'honorable M. de Robaulx. Ce serait une manière légale de décider que le journal a avancé un fait faux quand il a dit que cette proposition avait été adoptée, et, quoi qu'on en dise, il est essentiel de le décider ; car, messieurs, on a beau dire que ce que rapporte un journal doit peu nous inquiéter, et que nous ne devons ajouter que peu d'importance à l'opinion d'un journaliste ; en thèse générale je l'admettrai, mais dans le cas particulier il n'en peut être ainsi. Car, si l'article incriminé a mis en émoi la Belgique tout entière, il est essentiel de le démentir par une décision solennelle, afin de calmer les inquiétudes qu'il a jetées dans les esprits. (Aux voix ! aux voix ! Le tumulte recommence de nouveau.) (U. B., 20 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Je crois qu'il serait au-dessous de nous de donner un démenti à un journaliste. (U. B., 20 janv.)
M. Jottrand, se levant avec vivacité – Arrêtez, messieurs, arrêtez ! un journaliste… (Le bruit empêche d'entendre la suite.) (U. B., 20 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Oui, c'est au-dessous de la dignité du congrès ; nous sommes ici pour nous occuper des intérêts de la nation et non pas d'articles de journaux. (U. B., 20 janv.)
M. le président – Pour abréger la discussion, veut-on que je mette aux voix la proposition de M. de Robaulx ? (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur monte à la tribune et lit au milieu du bruit un projet de décret ainsi conçu :
« Le congrès national,
« Au nom du peuple belge,
« Considérant que bien que la relation donnée par le journal l'Émancipation de la séance du 16 janvier soit entièrement fausse, le congrès national n'a pas à s'en occuper parce qu'il ne peut avouer ce qui n'est point constaté par ses procès-verbaux. » (Réclamations générales. ) (U. B., 20 janv., et A.)
- Cette proposition n'est pas appuyée. (U. B., 20 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'amendement de M. Van Snick. (U. B., 20 janv.)
- Cet amendement est mis aux voix et rejeté.
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne ensuite une nouvelle lecture de la proposition de M. Charles Le Hon. (U. B., 20 janv.)
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée à la presque unanimité. (U. B., 20 janv. et P. V.)
M. le président – En conséquence le congrès national déclare faux le compte rendu par l'Émancipation, dans son numéro du 18 janvier, de la séance du comité général du dimanche 16 de ce mois. (U. B., 20 janv. et P. V.)
M. Gelders – Messieurs, le journal relate une motion que j'ai réellement faite ; il est impossible de déclarer que tout ce qu'il a dit est faux. (U. B., 20 janv.)
M. le président – Le congrès a décidé. (U. B, 20 janv.)
M. de Robaulx – Maintenant je demande qu'il soit voté sur ma proposition ; je l'ai présentée hier, elle a été appuyée, prise en considération. (U. B, 20 janv.)
- Quelques voix – Non !
- D'autres plus nombreuses – L'appel nominal. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Non ! ... (U. B., 20 janv.)
M. Raikem – La proposition n'est pas à l'ordre du jour. (U. B., 20 janv.)
M. de Robaulx – Si on ne vote pas aujourd'hui, je la présenterai de nouveau demain. (U. B., 20 janv.)
M. Devaux – Il n'y a aucun inconvénient à se rendre aux vœux de M. de Robaulx. (U. B., 20 janv.)
- Voix nombreuses – L'appel nominal ! l'appel nominal ! (Non ! non !) (U. B., 20 janv.)
M. le président agite la sonnette et fait de vains efforts pour obtenir le silence ; enfin il profite d'un calme momentané pour lire l'article du règlement qui dispose que le congrès, lorsqu'il est en séance publique, peut déclarer qu'il va se former en comité général : il consulte l'assemblée pour savoir si elle veut examiner la proposition de M. de Robaulx en comité général. (U. B., 20 janv.)
M. Forgeur – Mais M. de Robaulx a retiré sa proposition hier ; il faut qu'elle soit représentée de nouveau et appuyée ; et je demande ensuite qu'on la renvoie en sections, car nous devons examiner si dans cette proposition il n'y a pas (page 192) quelque chose de bon à conserver. Je suis d'avis, pour ma part, que tout ce qui regarde la non-intervention peut y être conservé. (C., 19 janv.)
M. le baron de Stassart – Je demande la parole. (U. B., supp., 20 janv.)
M. le président – On l'a demandée avant vous. (Bruit.) (U. B., supp., 20 janv.)
M. le baron de Stassart – C'est pour une motion d'ordre. (U. B., supp., 20 janv.)
M. Devaux – Il n'y a aucun inconvénient à prononcer sur la proposition de M. de Robaulx, et pour le faire sans qu'il soit besoin d'entrer en discussion, on pourrait poser la question de cette manière : « Y a-t-il lieu à examiner la proposition de M. de Robaulx ? » Ce serait demander la question préalable et laisser entière la question de la non-intervention. (Appuyé ! appuyé ! L'appel nominal.) (U. B., supp., 20 janv.)
M. le baron de Stassart pense qu'on fera bien d'ajourner une proposition que M. de Robaulx reproduira demain, s'il le juge à propos, et qu'il convient, au lieu de songer à la levée en masse, de s'occuper d'une mesure urgente, l'organisation du premier ban de la garde civique. (U. B., supp., 20 janv.)
M. le président – Cela vaudra mieux ; on va passer à la discussion sur le projet de loi relatif à la mobilisation de la garde civique. (U. B., supp., 20 janv.)
M. le baron de Pélichy van Huerne – M. Devaux a demandé la question préalable sur la proposition de M. de Robaulx. (U. B.,supp., 20 janv.)
M. Devaux – Il faut que le congrès prenne une décision sur la question préalable. (U. B., supp., 20 janv.)
M. de Robaulx – Je n'ai pas retiré ma proposition, il faut décider aujourd'hui, ou je la présente demain : remarquez, messieurs, qu'on dit que ma proposition a été rejetée, et cependant, pour ce qui touche la question de la non-intervention, on dit qu'il faudrait se livrer à une longue discussion. (Non ! non !) On dit que j'ai demandé la levée en masse dès à présent, c'est une erreur ; il faut se rappeler ce que j'ai dit, le voici :
« Que si les gouvernements se liguent à Londres, pour étouffer les germes de liberté partout où ils se manifestent, la Sainte-Alliance des peuples saura rompre les fers que le despotisme leur prépare.
« Proteste solennellement contre toute intervention des gouvernements étrangers dans les affaires de la Belgique et ses relations avec la Hollande ;
« Et, se confiant dans la sympathie des peuples pour les Belges et la cause sacrée qu'ils défendent, déclare que la nation se lèvera en masse pour conserver ses droits et son indépendance. » (U. B., supp., 20 janv. et A. C.)
M. le comte de Quarré – Malgré la décision que vient de rendre le congrès, la proposition de M. de Robaulx subsiste toujours. Si vous la laissez subsister, que dire aux divers gouvernements lorsque, leur déclarant que le fait avancé par le journal a été reconnu faux par le congrès, ils répondront que cependant la proposition n'a pas été retirée ? Je ne sais, messieurs, mais il me semble qu'il y aurait quelque inconvénient à ne pas prendre un parti décisif sur cette proposition. (U. B., supp., 20 janv.)
M. de Robaulx – Eh bien ! messieurs, ma proposition, la voici, et je la représenterai quand bon me semblera. (U. B., supp., 20 janv.)
M. Jottrand, debout et interpellant M. de Robaulx – La retirez-vous ? (U. B., supp., 20 janv.)
M. de Robaulx lui montrant un papier – Oui, oui, la voilà ! la voilà ! (U. B., supp., 20 janv.)
M. le président – Ainsi il n'y a plus à s'en occuper. (U. B., supp., 20 janv.)
M. Devaux – Je demande qu'il soit inséré au procès-verbal que j'ai proposé la question préalable. (U. B., supp., 20 janv.)
M. le président fait un signe d'assentiment. (U. B., supp., 20 janv.)
On passe à l'ordre du jour, qui appelle la discussion du projet de décret sur l'organisation du premier ban de la garde civique ; elle s'ouvre sur le projet présenté par la section centrale. (U. B., supp., 20 janv. et P. V.)
M. le président – Personne ne demande la parole sur l'ensemble du projet ?... Il y a bien un orateur inscrit, mais il ne demande qu'à parler le troisième ; faut-il que j'attende que deux autres soient inscrits ? (On rit.) (U. B., supp., 20 janv.)
M. le comte d’Ansembourg déclare qu'ayant voté contre le décret général sur la garde civique, il votera encore contre le projet actuel. Il ne veut pas que ses concitoyens aient à lui reprocher des charges aussi onéreuses que celles qui résultent d'une semblable institution. (C., 19 janv.)
M. Olislagers de Sipernau (page 193) parle dans le même sens. (C., 19 janv.)
M. Forgeur croit devoir réfuter, en quelques mots, les théories des préopinants sur les charges publiques. Il faut que chacun fasse des sacrifices personnels pour le pays quand ces sacrifices sont indispensables. Il faut remarquer que le projet n'astreindra en aucune manière les gardes au service onéreux qu'on redoute : organiser le premier ban de la garde civique, ce n'est pas la mobiliser, la faire marcher et agir comme des soldats. (C., 19 janv.)
M. Charles Rogier parle dans le même sens que M. Forgeur. Il affirme qu'à Bruxelles plus de trois mille hommes tourmentent pour ainsi dire le gouvernement, afin d'obtenir la mobilisation. On évalue à six cent mille hommes les gardes civiques de tous les bans réunis, le premier ban offrira cent cinquante mille hommes. On conçoit qu'en cas de mobilisation, la charge répartie sur un aussi grand nombre d'hommes, ne sera pas grande pour chacun. (C., 19 janv.)
M. de Robaulx demande si l'on devra mobiliser à la fois tout le premier ban quand il s'agira de mobilisation. (C., 19 janv.)
M. Nalinne répond que si la loi de mobilisation devient nécessaire, elle réglera combien de gardes seront mobilisés à la fois et pour quel temps. (C., 19 Janv.)
M. de Langhe dit qu'il ne s'agit pas ici de l'organisation partielle, mais entière du premier ban. (J. F., 19 jalrV.)
M. Alexandre Rodenbach – On ne demande à mobiliser que la dixième partie ; et certes ce n'est pas trop, quand l'ennemi est à nos portes. (J. F., 19 janv.)
M. de Robaulx se plaint de ce que le décret du 31 décembre n'a pas encore été mis à exécution dans plusieurs localités. (C., 19 janv.)
- Quelques membres répondent que la garde s'organise presque partout, et qu'ayant un mois tout sera terminé. (C., 19 janv.)
M. Destouvelles croit qu'il n'y a plus de danger pour l'État depuis que nous sommes convenus d'observer et de continuer l'armistice ; en conséquence il ne croit pas qu'il faille organiser le premier ban. (C., 19 janv.)
M. Charles Rogier – Si l'assemblée juge comme M. Destouvelles la question de danger, elle s'abstiendra de voter la loi. Mais je pense que l'assemblée n'en juge pas ainsi. (C., 19 janv.)
M. Destriveaux – En calculant la lenteur nécessaire et indispensable à l'armement successif des gardes, je pense que, quelle que soit l'urgence prétendue ou non, il est inutile de voter la loi proposée. (C., 19 janv.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt croit que l'organisation du premier ban de la garde civique est nécessaire et urgente. (J. F., 19 janv.)
M. Charles Coppens et M. Alexandre Rodenbach disent que les armes ne manquent pas pour l'équipement. (J. F., 19 janv.)
M. Charles Rogier – Si les fusils de munition n'étaient pas suffisants, on pourrait se servir de fusils de chasse et même de piques. (J. F., 19 janv.)
M. Forgeur – Il ne faut pas, pour l'organisation de la garde, que le péril soit imminent ; un danger éventuel suffit pour la provoquer. (J. F., 19 janv.)
M. Destouvelles parle encore contre la loi parce que l'urgence n'existe pas. (C., 19 janv.)
M. de Robaulx parle de nouveau contre la loi, parce que l'armement de l'armée elle-même n'a pu avoir encore sa complète exécution. Il s'est présenté, dit-il, un grand nombre de volontaires qu'on n'a pu admettre faute de moyen de les armer. Il fallait aviser au moyen d'enrégimenter ces volontaires au lieu d'appeler le premier ban. (C., 19 janv.)
M. le président – J'inviterai les orateurs à être très réservés en parlant de nos moyens de défense et d'attaque. (C., 19 janv.)
- Quelques orateurs ont encore la parole pour et contre le projet. (C., 19 janv.)
M. Raikem – Vous avez établi la garde civique en principe, il faut en subir toutes les conséquences. Or, nous avons dit qu'elle pouvait être organisée en temps de guerre ; la question est là : sommes-nous en état de guerre ou non ? (J. F., 19 janv.)
- La clôture est prononcée sur l'ensemble du projet ; on passe à la discussion des articles. (J. F., 19 janv.)
« Art. 1er. Le premier ban de la garde civique, composé des célibataires ou veufs sans enfants, qui n'ont pas atteint leur trente et unième année le le janvier, sera organisé en compagnies séparées, de la manière suivante :
« Dans les villes, chaque compagnie sera composée, autant que possible, des citoyens du même quartier.
« Dans les communes rurales, les citoyens de la même commune formeront une compagnie, ou une section de compagnie.
(page 194) « Les sections réunies des communes voisines formeront la compagnie.
« Le ministre de la guerre pourra autoriser dans la garde civique, sur la demande individuelle des gardes, la formation de compagnies de chasseurs et tirailleurs, attachés au premier ban, et faisant le service concurremment avec lui. (A. C.)
M. de Rouillé – Je propose de faire précéder l'article premier de ces mots : « En temps de guerre, en cas d'attaque ou de danger, le premier ban, etc. ; ou de ceux-ci : « En temps de guerre, en exécution de l'article 44 de la loi du 31 décembre 1830. »
Les auteurs du projet semblent n'avoir eu en vue que l'état de guerre ; cependant je ferai observer que s'il est converti en loi, cette loi sera aussi exécutée en temps de paix, et que selon l'article premier le premier ban sera toujours organisé, en temps de paix comme en temps de guerre, en compagnies séparées qui seront soumises à une discipline particulière et à des exercices plus fréquents d'après l'article 16.
Le projet est, sur ces différents points, en opposition avec la loi que vous avez votée le 31 décembre 1830, et notamment avec les articles 41, 42, 43 et 44. Cette loi veut que, dans les temps ordinaires, il n'y ait pas de division des bans, mais seulement dans les cas prévus par l'article 44.
Quant à moi, messieurs, j'avais considéré la garde civique sédentaire comme une milice bourgeoise, instituée principalement pour le maintien de l'ordre et comme étant la meilleure garantie de notre tranquillité intérieure. Tandis que la garde civique mobilisée, dans le service et pendant sa durée, cesse d'être régie par la loi commune, elle est soumise aux lois et règlements militaires.
Veuillez remarquer, messieurs, que si vous n'adoptez pas l'amendement, d'après l'article 16 du projet, on fera exercer tous les huit jours les individus du premier ban ; je puis admettre la nécessité de cette mesure en temps de guerre, mais en temps de paix, ainsi qu'elle est consacrée dans le projet, je la trouve vexatoire.
Le remplacement indispensable en temps de guerre est aussi autorisé par l'article 11 pour le premier ban ; c'est encore un abus et un privilège, puisqu'il est interdit aux gardes des autres bans d'après l'article 57 de la loi du 31 décembre. (J. B., 19 janv., et A.) .
M. Jottrand, rapporteur, s’oppose au changement proposé par M. de Rouillé. (J. F., 19 janv.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt, pour concilier les diverses opinions, propose de mettre en tête du décret ces mots :
« Au nom du peuple belge,
« Le congrès national,
« Considérant qu'il y a lieu, conformément à l'article 44 du décret du 31 décembre 1830, d'organiser séparément le premier ban de la garde civique, décrète... » (J. B., 19 janv., et A.)
M. de Rouillé se rallie à cette proposition. (J. B., 19 janv.)
M. Charles Coppens voudrait dire : « Le premier ban… composé 1° des volontaires, et 2° des célibataires, etc. (J. F.. 19 janv. et A.)
M. Charles Rogier dit que cela n'est pas possible. (J. F., 19 janv.)
M. Charles Coppens retire son amendement. (J. F., 19 janv.)
- Le sous-amendement de M. le chevalier de Theux de Meylandt est adopté, ainsi que l'article premier. (P. V.)
« Art. 2. Les bourgmestres, les commissaires de district, les gouverneurs, les chefs de bataillon et de légion sont, chacun en ce qui le concerne, chargés de cette organisation, dans la quinzaine de la publication du présent décret. » (A. C.)
M. Charles Rogier propose de remplacer les mots : dans la quinzaine de la publication, par ceux-ci : à la réquisition du pouvoir exécutif. (J. F., 19 janv.)
M. Van Meenen demande de dire : Dans le délai qui sera fixé par le pouvoir exécutif. (J. F., 19 janv.)
L'article 2 ainsi modifié est adopté. (P. V.)
« Art. 3. La formation des cadres et la force des compagnies sont les mêmes que celles qui sont déterminées par le décret du 31 décembre 1830.»
- Adopté. (A. C., et P. V.)
« Art. 4. Elles ne seront organisées en bataillons et légions séparés de la garde sédentaire, que lorsque la mobilisation en aura été ordonnée, conformément à l'article 47 du décret du 31 décembre 1830. »
- Adopté. (A. C. et P. V.)
« Art. 5. Les caporaux, sous-officiers et officiers, jusqu'au grade de capitaine inclus, sont élus par les gardes, d'après le mode prescrit par le décret du 31 décembre 1830.
« La nomination des chefs de bataillon et autres officiers supérieurs, ainsi que de leurs états-majors, appartient au gouvernement.
« Toutefois, cette nomination n'aura lieu que lors de la mobilisation du premier ban ; jusqu'à cette époque, il restera sous les ordres des officiers supérieurs de la garde sédentaire, avec laquelle il continuera à faire le service.» (A. C.)
M. Charles Coppens (page 195) propose de remplacer les articles 5 et 6 par la disposition suivante :
« Les caporaux, sous-officiers et officiers jusqu'au grade de capitaine inclus, sont élus par les gardes d'après le mode prescrit par le décret du 31 décembre 1830.
« La nomination des chefs de bataillon et autres officiers supérieurs ; ainsi que de leurs grands états-majors, sera faite par le gouvernement sur une liste triple présentée par le corps d'officiers ; celle du petit état-major sera faite par le conseil d'administration du corps. » (A.)
- L'article du projet est adopté avec le remplacement du mot mobilisation par ceux-ci : mise en activité. (P. V.)
L'article 6 est adopté sans changement ; il est conçu en ces termes :
« Art. 6. Les officiers à la nomination du gouvernement pourront être pris indistinctement dans la garde civique, dans l'armée ou parmi les militaires en retraite. » (P. V.)
« Art. 7. A dater du jour de la mobilisation, les officiers, sous-officiers et gardes jouissant de pension à quelque titre que ce soit, la cumuleront temporairement avec la solde d'activité des grades qu'ils auront obtenus dans la garde.
« Ceux qui occuperont un emploi quelconque, pourront se faire remplacer, pour la durée de leur service, par des intérimaires, avec lesquels ils se seront accordés et qu'ils auront fait agréer par leurs chefs d'administration. » (A. C.)
- Cet article est adopté avec la substitution des mots : mise en activité au mot mobilisation.
La séance est levée à quatre heures et demie. (P. V.)