(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page 669) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à onze heures. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance précédente ; il est adopté. (P. V.)
M. le baron de Stassart demande un congé de douze jours. - Accordé. (P. V.)
M. Albert Cogels prévient le congrès qu'un accès de goutte le retient chez lui. (P. V.)
- Pris pour notification. (C., 29 déc.)
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes :
Quarante-cinq habitants de Jemmapes, province de Hainaut, demandent la réunion de la Belgique à la France.
M. Mellinet, commandant en chef l'artillerie bruxelloise, demande que le congrès consacre par un décret, l'existence militaire de l'artillerie bruxelloise. Il propose également l'érection d'un monument, sur la place Royale de Bruxelles, pour perpétuer le souvenir des victoires de septembre.
M. T ..., de Louvain, prie le congrès de ne pas continuer pour six mois l'ancien cortège des impôts de 1830.
M. Dubois, de Bruxelles, élève de l'école polytechnique, demande que le congrès prenne des mesures pour que tous les ingénieurs civils et militaires ne reçoivent de brevet définitif qu'après avoir passé un examen public.
M. Haumont, conducteur des ponts et chaussées, adresse au congrès quelques réflexions sur la confection des lois en général et sur celle de l'impôt en particulier.
MM. Mertens, Piron, Lapierre, Schurmans et (page 670) Radsitzky, employés de M. l'administrateur des domaines du troisième ressort, à Bruxelles, demandent, en cas de suppression de la place d'administrateur, à pouvoir être admis à la cour des comptes.
Les membres de l'administration locale de Tegelen, arrondissement de Ruremonde , demandent que le congrès veuille autoriser les communes qui n'ont pas de revenus fixes et assurés pour donner à leurs ecclésiastiques un supplément au traitement qu'ils reçoivent de l'État, de pouvoir dresser des rôles de répartition, qui après avoir été soumis à l'approbation du gouverneur de la province, seraient recouvrés par les receveurs communaux.
M. Albert Van Hoobrouck de Mooreghem demande une place à la chambre des comptes.
Même demande est faite par M. Michel Theyssens, à Laeken.
M. Beaujean, ex-échevin à Liége, signale au congrès le vice de l'article 29 de la loi du 28 juin 1822, sur la contribution personnelle.
M. Closset, contrôleur de la garantie, à Arlon, énumère dans une seconde pétition les titres qu'il croit avoir à une place à la chambre des comptes, et qu'il avait oublié d'énoncer dans sa première, pétition.
M. Mauligneau, chevalier de la Légion d'honneur à Flobecq, province de Hainaut, supplie le congrès de vouloir lui accorder un prompt secours.
Les conseillers de fabrique de l'église de Waha, canton de Marche, demandent à rentrer en possession des biens de la fabrique dont ils ont été dépossédés par un simple arrêté.
M. Édouard Ducpétiaux adresse au congrès cent exemplaires d'une brochure de M. le comte de Sellon, membre du conseil souverain de Genève, et intitulée : Vœux adressés au futur congrès.
M. J. Pinchon de Broux demande une place de commis à la chambre des comptes.
M. Copette, ancien élève à l'école royale vétérinaire d'Utrecht, demande l'érection à Liége d'une école vétérinaire.
Les sauniers de la ville de Ninove, Flandre orientale, proposent quelques changements à la loi sur le sel. (U. B., 30 déc., et P. V.)
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Alexandre Lips (professeur à Marbourg, fait hommage au congrès d'une brochure allemande, sous le titre : Die Belgische frage (la question belge).
M. Robert de Saint-Symphorien, de Dameries, près d'Ath, fait hommage au congrès de quelques couplets, chants patriotiques. (P. V.)
- Il est arrivé au bureau une pétition anonyme qui est anéantie. (C., 29 déc.)
M. Coghen, administrateur général des finances, est introduit ; il prend place à une table qu'on a disposée pour lui au pied de la tribune. (U. B., 30 déc.)
M. le président – Nous allons passer à l'ordre du jour. La discussion générale est ouverte sur la loi du budget des voies et moyens.
M. Seron a la parole. (C., 29 déc.)
M. Seron – Messieurs, sans impôts l'état social ne peut subsister, mais ils ne doivent jamais excéder les besoins de l'État ni les forces des contribuables, et la répartition, entre ceux -ci, doit en être faite proportionnellement à leurs facultés.
Ces principes ont été peu respectés par le gouvernement qui a cessé de peser sur nous. Ennemi de l'économie et du bon sens, d'une part il nous mangeait en récompenses, en pensions ou dépenses superflues et en encouragements plus propres à tuer l'industrie qu'à la vivifier ; d'un autre côté, avec des lois fiscales les plus bizarres et les plus injustes peut-être qu'on eût jamais imaginées, il semblait prendre à tâche de trouver l'argent où il n'était pas, et de ruiner la classe moyenne du peuple, c'est-à-dire, la partie la plus laborieuse, la plus utile et la plus saine de la nation qui, à la longue, n'eût plus offert qu'un peuple de grands propriétaires et un peuple de mendiants.
La force des choses a voulu que ce gouvernement, avant de périr, se vît réduit à proposer lui-même l'abolition de l'inique mouture que n'avaient pu jadis établir à Venise le conseil des Dix et les trois inquisiteurs d'État ; et notre révolution a fait justice de l'abatage, impôt presque aussi odieux ; mais il en est d'autres qu'elle a laissés debout et dont les bases, cependant, sont également vicieuses ; telles sont les patentes et la contribution personnelle sur lesquelles j'appelle principalement votre attention, sans donner toutefois mon approbation aux impositions nommées accises, droits d'entrée ct de sortie, et autres de même espèce dont je ne parlerai pas.
Patentes
(page 671) La loi qui règle le montant et le mode d'assiette des patentes est celle du 21 mai 1819, modifiée cependant par une loi postérieure dont ma mémoire n'a pas conservé la date, mais seulement quant au montant des droits. Entre autres défectuosités qu'on remarque dans cette loi du 21 mai 1819, elle fait supporter au patentable autant de droits différents qu'il exerce de différentes professions. Or, l'expérience, si je ne me trompe, nous apprend que, presque toujours, l'homme n'embrasse plusieurs professions à la fois que quand il a reconnu qu'une seule ne saurait le faire vivre. Nul ne devrait donc raisonnablement être imposé que pour sa profession principale, c'est-à-dire, celle qui donne lieu au droit le plus élevé, comme cela se pratiquait autrefois ici et se pratique encore en France. En second lieu, la même loi du 21 mai suppose, article 2, la patente révocable dans certains cas par sentence judiciaire ; disposition ridicule et absurde : ridicule, puisque le droit de patente est une charge et non une faveur ni une honneur ; absurde, puisque cette disposition admet la possibilité d'interdire à quelqu'un l'exercice de sa profession et forcer ainsi, et, par exemple, un failli à devenir voleur de grand chemin. Troisièmement, la loi du 19 mai laisse à l'arbitraire du contrôleur, des répartiteurs et du directeur des contributions, de classer les patentables comme il leur plaît et de leur assigner le maximum de la taxe ; mais dans la réalité le contrôleur et le directeur opéraient seuls, car l'avis des répartiteurs n'était d'aucun poids. J'ai vu, en effet, malgré leurs réclamations et leurs protestations, le contrôleur, afin de prouver son zèle et de mériter des gratifications, rendre illusoires les dispositions de la loi qui diminuait les taxes, et maintenir ou augmenter même les produits, en assignant aux contribuables une classe plus élevée que celle où ils étaient auparavant. On me dira : Ils pouvaient se plaindre, s'adresser aux états députés. Oui, sans doute, mais il aurait fallu autant de réclamations qu'il y avait de contribuables, et chacun croyant les pétitions à peu près inutiles, on se taisait et l'on payait. Quatrièmement, la loi laisse encore à l'arbitraire des agents du fisc le soin de régler les droits de patente des professions qu'elle peut avoir omises, sur le pied du droit imposé aux professions les plus analogues par leur nature et les bénéfices qu'elles procurent, latitude au moyen de laquelle on peut aller fort loin et patenter tout le monde. Cinquièmement, la loi exige que le contribuable fasse une déclaration dans laquelle si, par exemple ; il est marchand, il doit indiquer le montant de son débit. De quel droit exige-t-on qu'il mette ainsi au jour le fond de ses affaires ? n'est-ce pas là une véritable vexation ? Sixièmement, les articles 9, 29, 30, 51, 52, 55, 57 et 59 prononcent une foule d'amendes souvent pour l'omission de vaines formalités et toujours au profit des employés du fisc, comme pour aiguiser leur appétit. Enfin, l'article 42 admet les transactions, et il ne devrait jamais y en avoir en matière de contributions directes.
Contribution personnelle
La loi sur le personnel, du 28 juin 1822, offre les mêmes défauts que la loi des patentes, en ce qui concerne et les amendes et les transactions et les déclarations exigées des contribuables qu'elle place entre leur conscience et leurs intérêts en les forçant de s'imposer eux-mêmes. Mais que . dis-je ? ce droit de s'imposer n'est qu'un piège qu'elle leur tend, puisqu'ils encourent des amendes considérables si la déclaration est reconnue inexacte.
Ce n'est pas tout : cette même loi que le gouvernement néerlandais regardait comme la plus savante de ses conceptions fiscales renferme un grand nombre d'autres vices, Je me bornerai à en signaler quelques-uns.
La contribution s'assied sur les bases de la valeur locative des habitations ; de la valeur du mobilier, et du nombre des foyers, des portes et fenêtres, des domestiques et des chevaux. On a cru ou feint de croire qu'elles donneraient au juste la mesure de notre fortune et de la contribution que nous serions capables de supporter. On s'est trompé. Je le demande, tel est aubergiste, cabaretier ou limonadier, qui, loin de se trouver dans l'aisance, est cependant obligé, pour l'exercice de sa profession peu lucrative, d'occuper une maison spacieuse, laquelle, dans la contribution personnelle, va l'assimiler au riche, peut-être même au très riche. Cependant cette belle habitation qui ne lui appartient pas, n'est pour lui qu'un moyen de gagner sa vie, un véritable instrument comme le rabot dans les mains du menuisier. Il en sera de même de ses domestiques qu'on ne peut regarder comme attachés à sa personne, et qui sont réellement au service du public.
Tel autre est médecin, officier de santé, négociant, commis voyageur, qui, non pour sa commodité, mais pour sa profession ou ses affaires, est obligé de tenir un cheval de selle. Ce particulier payera à cause de sa monture, mise sottement par (page 672) la loi au nombre des chevaux de luxe, un droit de 20 florins en principal, c'est-à-dire 60 fl. au moins avec les nombreux accessoires connus sous le nom de centièmes additionnels. Et, chose remarquable ! son voisin riche propriétaire ne sera imposé qu'à la somme de 14 florins en principal, pour les deux chevaux qu'il attelle à sa voiture suspendue et à quatre roues, s'il prouve (ce qui n'est pas difficile, à en juger parce que j'ai vu cent fois dans le pays que j'habite), s'il prouve que ces mêmes chevaux sont employés principalement à l'agriculture. Ainsi, il est arrivé que des maîtres de forges très riches ont payé beaucoup moins pour deux chevaux de carrosse qu'ils employaient constamment dans leurs voyages et dans leurs promenades, que leur propre facteur pour sa rosse. Mais, outre cette inégalité révoltante, la taxe des chevaux est encore vicieuse par son élévation considérée en elle-même. Par exemple, il arrivera souvent que le cheval de selle, pour lequel on paye 60 fl., n'en vaut pas plus de 180. Voilà donc un impôt annuel égal au tiers de la valeur capitale de l'objet imposé. Oui, le tiers de la valeur, tandis que la contribution foncière, en l'élevant à son maximum, c'est-à-dire au cinquième du revenu net de la matière imposable, ne pourra enlever annuellement au propriétaire que le quatrième au plus de la valeur totale de son fonds. Quelle énorme disproportion ! On ne la justifiera pas sans doute en alléguant le défaut d'analogie ; il restera toujours vrai de dire que la taxe sur les chevaux de selle est exorbitante.
D'un autre côté, la contribution personnelle, nulle par ses produits dans un très grand nombre de communes rurales, est ruineuse pour les villes, et notamment pour les petites villes où les loyers constamment plus élevés que dans les villages, excèdent toujours, même pour l'habitation la plus chétive, la somme de 20 florins suffisante pour l'application de l'impôt. Il en résulte que nulle chaumière ne peut y être soustraite. et que l'habitant de la petite ville, simple locataire, vivant misérablement, paye plus en contribution personnelle que l'habitant aisé et très aisé du village voisin. Messieurs, les choses en sont à ce point que je pourrais citer de petites villes où cette contribution fait le triple de la contribution foncière de toutes les propriétés bâties et non bâties, bien que les habitants, privés de tout commerce, n'y vivent pour la plupart que de l'agriculture, d'où une diminution effrayante dans la population qui s'écoule vers des contrées étrangères où un pareil impôt est inconnu. Ces petites villes, dis-je, payent une contribution personnelle faisant le triple de la contribution foncière. Et remarquez que les tableaux mis sous vos yeux par le commissaire général des finances, présentent la contribution foncière de toutes les provinces de la Belgique comme excédant d'un tiers ce qu'elles supportent de contribution personnelle.
Enfin,. messieurs, pour comble d'injustice, la loi que j'examine affranchit de l'impôt les foyers excédant le nombre de 12, privilège déraisonnable, injuste et qui, toutefois, n'a pas été, que je sache, combattu bien chaudement aux états généraux.
Des lois telles que celles du 21 mai 1819 et du 28 juin 1822 n'ont que trop duré ; elles n'auraient pas dû survivre au gouvernement sous lequel elles ont reçu l'être.
On a parlé des causes de notre révolution ; la principale, c'est incontestablement le système d'impôts sous lequel nous avons gémi et dont nous ne sommes pas entièrement débarrassés. Les masses entendent peu de chose aux grandes questions du jury, de la liberté de la presse, de la liberté de l'enseignement, et même de la liberté religieuse, dont les discussions vous occupent depuis plusieurs jours ; mais elles sentent l'avantage de payer le moins possible ; elles sentent le poids des contributions sous lequel elles sont courbées ; et quand ces paroles ont été adressées au peuple : « Chassez l'étranger avide qui vous pressure, vous dépouille, vous enlève le fruit de vos sueurs, » il les a comprises à l'instant ; il s'est levé ; il a marché au pas de charge sur ses ennemis ; il s'est levé afin d'être quitte d'un système d'impôts vexatoire et ruineux, et ce serait pour lui une cruelle déception de le voir subsister après l'année qui va finir. Il vivra pourtant encore, messieurs, dans la personnelle et les patentes si le projet de votre commission est adopté, car la réduction qu'on veut faire subir à ces deux contributions n'est qu'un palliatif ; elle ne change pas leur nature ; elle ne leur ôte aucun de leurs vices essentiels.
Quel inconvénient y a-t-il il les abolir dès à présent ! Le temps vous manque, dit-on, car la révision des lois financières exige un long et mûr examen. Oui, messieurs, le temps vous manquerait si la suppression de la personnelle et des patentes établissait, dans les recettes, un déficit qui exigeât qu'à partir de la fin de janvier prochain, ces deux contributions fussent remplacées par d'autres, à peu près équivalentes. Mais, messieurs, le temps ne vous manquera point ; car, pour le moment, vous n'avez pas de déficit à craindre, ni d'impôts à créer. Effectivement, si les chiffres (page 673) qu'on a mis sous vos yeux sont exacts, ils nous prouvent qu'en retranchant de la recette de 1831 la personnelle supposée devoir s'élever à 4,189,576 fl. 70 c. et les patentes qu'on évalue à 792,410 fl. 22 c., les revenus de l'État monteront encore à fl. 31,644,767 65 c.
Or, comme les dépenses ne doivent pas excéder pour l'année entière fl. 27,090,954 34 c. il s'ensuit qu'au lieu d'un déficit, nous aurons un excédant de la recette sur la dépense de fl. 4,553,813 31 c.
Nul motif donc pour convertir en loi quant aux patentes et à la contribution personnelle le projet qui vous est présenté.
Ce n'est pas, messieurs, que je m'oppose à ce qu'afin de diminuer l'impôt sur la bière, et surtout l'impôt sur le sel, et de faire peser une partie des charges publiques sur ceux que l'imposition foncière ne peut atteindre, on rétablisse une contribution des patentes et une contribution personnelle ; mais je dis que cette mesure n'est pas urgente ; mais je veux, quant aux patentes, qu'à ces dispositions compliquées, embrouillées, injustes, imaginées par un gouvernement qui avait la manie de tout changer, parce qu'il avait la prétention de tout savoir et de savoir mieux que les autres, on substitue un système simple dans ses bases et dans son mode d'assiette, à la portée de tous les contribuables ; où ils voient clair, dont l'arbitraire soit banni, qui soit, en un mot, en harmonie avec la raison. Je veux que la contribution personnelle, au lieu de consister en taxes exorbitantes et formant souvent des doubles emplois, soit un impôt de répartition, analogue à l'ancienne contribution personnelle et mobilière dont le peuple ne se plaignit jamais, surtout avant que le gouvernement néerlandais eût doublé les cotes mobilières. Je veux ce nouvel impôt exempt de taxes somptuaires ou sur le luxe, car le temps est passé où des songe-creux croyaient nécessaire d'imposer ce que, sans trop s'entendre, on était dans l'habitude d'appeler le luxe. Enfin, je veux que le contribuable soit à toujours affranchi de l'obligation qu'on lui avait ridiculement imposée de déclarer son loyer, le nombre de ses fenêtres, etc., toutes choses que des répartiteurs eussent pu connaître aussi bien que lui. Revenons-en, messieurs, à ce principe que les meilleures contributions directes et les seules praticables sont celles dans lesquelles chaque commune connaît son contingent, où chaque contribuable peut voir, par des comparaisons, s'il est proportionnellement trop imposé. L'expérience prouve qu'avec de semblables contributions, les inégalités, les injustices dans la répartition ne peuvent durer longtemps. La raison, c'est que les répartiteurs placés sous les yeux des contribuables, exposés à leur censure, à leurs reproches, n'oseraient commettre sciemment des injustices et qu'ils sont forcés de les réparer quand elles sont le fruit de l'erreur.
Je dirai un mot de la contribution foncière : les bases de son assiette, fixées par la loi du 3 frimaire an VII, n'ont pas été changées. Mais, en même temps qu'en 1825 on mettait en vigueur et l'accise mouture, et l'abatage, et la personnelle, tous impôts ruineux pour la classe moyenne, on diminuait, au profit des riches, l'impôt foncier de 7 à 8 pour cent du principal. Cette opération se fit en chargeant le trésor, je crois par un simple arrêté, des remises des percepteurs, lesquelles s'élevaient généralement à 5 pour cent tant du principal que des centièmes réunis et équivalaient à peu près, si je ne me trompe, à 8 pour cent du principal. Si, d'ailleurs, je suis bien informé, d'autres réductions eurent lieu dans les années suivantes sous le prétexte de favoriser l'agriculture dont, en effet, le gouvernement d'alors avait l'air de s'occuper beaucoup. Mais qui a gagné à ces changements ? Ce n'est ni l'agriculture ni la masse de la nation. Je n'ai nul penchant à augmenter les impôts, mais si, plus tard, les besoins de l'État exigeaient quelques ressources extraordinaires, je ne verrais aucun inconvénient à rendre à la contribution foncière son élévation primitive.
Mais si une pareille mesure est inutile quant à présent, il me semble du moins qu'il y aurait injustice et abus à ne pas revenir sur une disposition dont je vais parler.
La loi du 22 frimaire an VII, relative à l'enregistrement, avait fixé à 2 pour cent en principal le droit sur le prix de vente des coupes de bois et des récoltes sur pied. Par l'article 13 d'une loi du 31 mai 1824, ce droit a été réduit à 1/2 pour cent du principal. Ainsi, messieurs, tandis que de pauvres enfants mineurs, de malheureux débiteurs poursuivis par leurs créanciers continuent à payer 2 pour cent sur un chétif mobilier exposé en vente publique et dont le prix est destiné à payer leurs dettes, le riche, quand il vend ses coupes ou ses récoltes, en est quitte au moyen d'un 1/2 pour cent le la valeur. Ce privilège, nuisible aux intérêts du trésor, blesse trop l'égalité que vous avez proclamée, pour subsister plus longtemps.
Je ne m'écarterai pas trop de mon sujet en disant un mot sur la manière dont se perçoivent les droits de transcription hypothécaire. Une loi exige lue la transcription ait lieu dans les six semaines (page 674) de la date des actes qu'elle y assujettit, et que les droits soient acquittés au bureau des conservateurs ; elle prononce des amendes contre les retardataires. Ces dispositions, messieurs, sont purement fiscales ; il importe peu à l'État que les parties fassent ou non transcrire leurs contrats, l'essentiel pour lui c'est qu'elles payent. Dès lors, ne conviendrait-il pas, à l'instar de ce qui se pratique en France, de leur épargner des démarches, des frais de voyage et des amendes qu'elles n'encourent que trop souvent, en décrétant qu'à l'avenir la transcription sera facultative, mais que le droit devra toujours en être payé au bureau de l'enregistrement où les actes seront soumis à cette dernière formalité ?
Telles sont, messieurs, les considérations que j'avais à vous soumettre ; elles me déterminent à vous proposer de décréter les mesures suivantes :
1 ° La loi du 21 mai 1819 sur les patentes et celle du 28 juin 1822 sur la contribution personnelle sont abrogées.
2° Il sera établi un nouveau droit de patente analogue au droit qui se percevait dans la Belgique avant sa réunion à la Hollande.
3° Il sera pareillement établi une nouvelle contribution personnelle et mobilière à répartir entre les communes en raison de leurs forces respectives.
4° L'article 13 de la loi du 31 mai 1824 est rapportée, quant à la réduction à 50 centièmes pour 100 florins du droit sur le prix de vente des coupes et des récoltes sur pied. Ce droit sera à l'avenir de 2 pour cent, conformément à la loi du 22 frimaire an VII.
5° A l'avenir la transcription au bureau des hypothèques des actes soumis à cette formalité sera facultative. Mais les droits de transcription seront payés au bureau de l'enregistrement où l'acte devra recevoir cette dernière formalité. Quelle que soit, messieurs, la décision que vous croirez devoir prendre sur les propositions que je viens de vous soumettre, je crois nécessaire de n'admettre le budget proposé par la commission, en ce qui concerne les voies et moyens, que pour un terme de trois mois, pendant lequel le congrès s'occuperait lui-même de revoir, de changer et d'améliorer un système des contributions qu'on s'accorde généralement à regarder comme détestable. (U. B., 30 déc.)
M. Lecocq – Messieurs, je viens, en réclamant indulgence, soumettre à votre sagesse quelques considérations sur certains points de notre état financier, particulièrement dans ses rapports avec l'industrie, le commerce et l'agriculture.
Ces trois branches d'économie politique, prises dans une large acception, renferment tous les intérêts matériels d'un peuple.
Je dis les intérêts matériels, et il était temps de pourvoir à leur conservation ; c'est ce dont s'est pénétrée la commission à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir ; c'est ce qui avait tout d'abord fixé la sollicitude du chef du département des finances.
Quel vaste travail, messieurs, que celui de refondre le système sous lequel nous nous sommes trouvés pressurés pendant dix longues années ! Et pourtant les circonstances sont urgentes, l'exercice financier expire.
Il vous a été démontré par M. l'administrateur que cet état de choses commandait impérieusement, pour quelques mois seulement, le maintien des rôles actuels, sous certaines modifications, afin de trouver la base du crédit provisoire qui vous est demandé ; mais s'il y a nécessité de partir encore des mêmes bases, il n'y a pas nécessité de conserver toute la rigueur, disons tout l'arbitraire des formes : des instructions paternelles y pourvoient déjà.
Ainsi pourront être conciliés les besoins du service avec les besoins les plus criants des contribuables malheureux.
Ainsi, par exemple, pourront être soulagées de suite, immédiatement, dans leurs patentes, et cette classe industrielle qui a vu ralentir le mouvement de ses ateliers, et cette classe commerçante qui, avec ses magasins pleins, n'a pas encore pu rappeler le consommateur : premières victimes généreuses d'une grande lutte, ces deux classes réclament nos premiers soins ; à cela tient d'ailleurs l'existence de milliers de bras qui, devenus inactifs, pèsent sur la société et la menacent des plus grands maux.
Les neuf cents établis afin de remplacer un impôt dont nous n'avons jamais prononcé le nom que pour le maudire, vont disparaître comme additionnels sur la contribution personnelle, les patentes, les impositions indirectes et les accises.
L'abattage restera, avec la mouture, à toujours condamné et frappé de malédiction. Nos distilleries agricoles vont gagner enfin leur procès, et contribuer ainsi de toute leur puissance à la richesse des campagnes, à la mise en valeur de nos landes, de nos bruyères.
Que si la nécessité du moment exige, pour le recouvrement du crédit provisoire, le maintien d'autres bases du système existant, conséquemment l'emploi des rôles actuels pour les contributions directes et l'application des mêmes principes pour plusieurs contributions indirectes, il sera du moins apporté, dans la forme, des ménagements (page 675) tels, qu'ils vaudront un dégrèvement réel ; aujourd'hui l'expression exercer paternellement ne sera plus vide de sens.
C'est ainsi que cesseront, dans l'interprétation des lois sur l'enregistrement, le timbre, etc., ces tortures raffinées pour aspirer le denier fiscal, ces recherches captieuses pour créer un coupable, et ces poursuites par tous les degrés de juridiction, pour fatiguer, ruiner un contribuable qui n'avait pas obéi servilement à l'ordre de transiger, et plus tard sans doute l'enregistrement ne viendra plus dimer, dans les faillites et les successions vacantes, sur la faible ressource du créancier : tout droit fiscal, en pareil cas, est une espèce de vol fait à la masse, sous le manteau de la légalité.
C'est ainsi que disparaîtra, pour l'impôt personnel, une inquisition scandaleuse qui blessait la morale en violant le sanctuaire domestique.
Un cultivateur ne sera plus condamné à un droit de patente, comme voiturier public par état, pour avoir chargé sur son tombereau et conduit chez son propriétaire la dépouille d'une haie.
Il ne suffira plus qu'un cheval ait, aux yeux d'un expert, une face aristocratique, pour être réputé cheval de luxe.
Le campagnard pourra impunément atteler, un jour de fête, sa jument de travail à son très modeste char à bancs.
Le cheval industriel d'un voyageur marchand ne sera plus réputé cheval de luxe, et l'on ne lui répondra plus insolemment , prenez la diligence, pour voyager dans les traverses.
Un pauvre tisserand villageois ne sera plus arrêté par des sbires, comme prévaricateur patentable, pour avoir exposé au marché la pièce de toile de son voisin à côté de la sienne.
Enfin seront élaguées, nous l'espérons, ces patentes misérables qui frappaient des industries infimes, exercées par des malheureux souvent mendiants.
Hélas ! combien de fois n'avons-nous pas eu occasion de le dire à l'ancien gouvernement ! Une de ses grosses fautes était de mettre les basses classes en contact immédiat avec le fisc !
Mais jamais nous ne fûmes compris. S'il est une matière qui paraisse imposable de prédilection au peuple, à coup sûr, c'est le café, et l'on se rappelle les mille réclamations des états provinciaux du midi appuyées par l'opposition dans le sein des états généraux.
Mais il ne faut pas oublier que l'impôt café était principalement réclamé comme impôt devant remplacer la mouture et l'abattage.
Maintenant que ces impôts sont condamnés et peuvent rester condamnés à toujours sans avoir recours à d'autres, il y aurait lieu à examiner si l'impôt café présenterait encore le même mérite en soi !
Il y aurait aussi à examiner si, notre position commerciale se trouvant changée, il serait bien politique d'adopter une mesure dont le commerce hollandais ferait de suite son profit au moyen de la fraude par infiltration. Je puis me référer à ce que vous a dit sur ce sujet le rapporteur de votre commission spéciale. Et puis, la position critique dans laquelle se trouve notre commerce spéculatif demande les plus grands ménagements : gardons-nous de compromettre de si graves intérêts. Je ne repousse pas la mesure à toujours, nous pourrons y revenir plus tard, s'il est nécessaire, après mûres réflexions.
Mais j'aime à nourrir l'espoir qu'une économie sévère dans les dépenses nous permettra de faire disparaître d'autres espèces d'impôts, loin d'en créer de nouveaux.
Du reste, nous sommes dans l'opinion que notre haut commerce ne sera pas égoïste ; nous avons vu dans le temps les représentants d'Anvers, d'Ostende, de Gand, de Bruges, plaider avec nous contre les prétentions exagérées du Nord ; en admettant, comme moyens conciliateurs de tous les intérêts, les entrepôts bien organisés, le haut commerce belge s'accordera avec les besoins du contribuable, et particulièrement avec ceux du peuple industriel : nous pourrons revenir sur ce point, quand il s'agira de douanes et de transit.
Une plaie des contributions indirectes, accises, douanes, c'est la fraude ! Qu'il me soit permis de rendre ici une pensée déjà émise maintes fois par nos chambres de commerce, parlant en matière de douanes. C'est qu'à côté de droits modérés marche une pénalité forte contre les délinquants ! Frauder, n'est-ce pas voler ? et le vol peut-il se racheter à prix d'argent ?.. Que la morale publique se mette enfin en harmonie avec les principes de la morale domestique, et tout y gagnera.
Le droit de barrière pourra être conservé, mais bientôt ce ne sera plus une spéculation fiscale, ce droit recevra son application naturelle ; nos routes de deuxième et troisième classe y profiteront ; en multipliant les communications dans tous les sens, l'on accroît la production et la consommation ; l'on travaille pour l'agriculture, le commerce et l'industrie ; mais les besoins du cultivateur doivent toujours être respectés, il doit jouir d'une plus grande latitude pour le transport de ses engrais.
(page 676) Déjà nos vignerons obtiennent une faveur que nous appelons justice, et cette culture si intéressante pour plusieurs localités recevra plus tard les encouragements dont elle est susceptible, sans vouloir forcer la nature.
Ainsi s'améliore déjà notre système des voies et moyens.
D'autre part, diverses dépenses seront réduites, plusieurs pourront être totalement supprimées.
Avec les premières modifications que présentera le projet de dépenses combiné avec celui des voies et moyens, nous pourrons couvrir les besoins courants et nous recueillir pour asseoir un système de finances conçu dans l'intérêt bien entendu de toutes les branches d'économie politique. Les voies et moyens se trouvent si intimement liés avec les dépenses, qu'il est presque impossible de parler des uns sans dire un mot des autres. .
Une des premières satisfactions qu'invoque l'opinion, c'est l'économie dans les emplois publics.
Eh bien ! l'on pourra, sans donner dans l'illusion des théories, porter la réforme sur une grande masse de traitements : il faut que les emplois assurent une existence aisée, mais il ne faut pas qu'ils enrichissent. Alors diminuera une convoitise qui n'est pas toujours sans danger pour l'ordre général, et les jeunes capacités prendront une direction plus utile à la patrie.
Du reste, pas de sinécures ! pas de cumul d'emplois lucratifs ! Division, au contraire, mais seulement quand la nature des choses le permettra.
Une grande simplification est réclamée dans les rouages administratifs ; ce sera une nouvelle source d'économie dans les dépenses.
D'autres heureux effets découleront de la réforme si, comme il est permis de l'espérer, elle attaque le vice de la centralisation.
Le peuple aime à voir de près l'application des deniers de l'État : il peut alors en juger mieux, et fournit le tribut sans répugnance. Dans cette hypothèse, nombre de dépenses, dites générales, se trouveraient bientôt converties en dépenses provinciales.
Ceci pourrait conduire, pour certaines branches, à la question de l'impôt par répartition, au lieu de l'impôt par quotité.
Dans tous les cas, le nouveau système de finances doit être mis à la portée de toutes les intelligences : c'est un besoin de notre époque que chacun puisse bien comprendre pourquoi il paye : ainsi plus de complication, plus de réserve, plus de secret. Et n'est-ce pas déjà dans cet esprit que marche celui que la confiance générale a appelé à la direction de ce département ?
Mais, messieurs, une vérité majeure vous est connue, c'est que l'impôt se pèse toujours en raison de la somme d'aisance du contribuable ; il arrive de là que l'impôt le plus fort peut paraître léger dans un heureux temps donné, tandis que le plus léger peut devenir insupportable dans des circonstances contraires.
Le premier devoir du législateur sera donc d'entretenir les sources de la vie sociale : agriculture, industrie, commerce !
Voilà nos éléments d'existence ; tout est là pour la Belgique.
Et là tout est positif ; il ne s'agit plus d'abstractions ; il ne s'agit plus d'idées spéculatives seulement, c'est du matériel, mais un matériel sans lequel la société meurt.
Producteurs au delà de notre consommation, nous devons nécessairement exporter ; les débouchés nous sont indispensables : des débouchés pour nos produits industriels ; des débouchés pour nos produits agricoles.. Voilà une vérité dont il faut que notre diplomatie se pénètre bien vite dans ses combinaisons politiques.
La question n'est pas de savoir si la production a été poussée au delà des besoins, il faut voir la position telle qu'elle est, méditer toutes ses nécessités et opérer en conséquence, si nous voulons sauver le présent et l’avenir.
Plus tard, quand nous saurons bien ce que nous sommes, quand nous connaîtrons nos voisins, nous aurons à combiner dans le mieux des intérêts généraux, les opinions diverses sur les principes si fameux de liberté ou de restriction dans le mouvement des importations et des exportations, matière grave et sur laquelle malheureusement l'on crée trop souvent des utopies. Alors nous aurons occasion d'examiner quelle nature de protection réclament les vrais intérêts de l’industrie manufacturière, en les mariant avec ceux du commerce proprement dit, et avec ceux de ce que l'on appelle le consommateur.
Ici, messieurs, se présente de suite à votre esprit le souvenir d'un trop célèbre million :
Plusieurs d'entre vous, messieurs, ignorent peut-être que ce subside, originairement de fl. 1,300,000, avait été, non pas accordé, mais imposé pour indemniser, disait-on, les classes industrielles des sacrifices qu'on leur commandait au profit du haut commerce du Nord.
Ce fut en vain que, dans cette triste commission d'État, créée en 1820, pour la révision du (page 677) système financier, la très grande majorité des membres méridionaux (dont faisait partie celui qui a l'honneur de vous parler) repoussa ce moyen dangereux, tel qu'il était conçu, en prédisant ses inévitables abus ; ce fut en vain que l'on combattit à outrance le même projet aux états généraux ; il devait passer avec le code financier, source de nos maux, objet de doléances reproduites sous toutes les formes ! Hélas, répétons-le, le gouvernement ne nous comprenait jamais, il ne nous connaissait pas bien, sa conduite poussait aux événements. Mais respect au malheur !
Cependant, et il faut dire le vrai, l'emploi du subside n'a pas toujours été infructueux en totalité ; il y eut des placements heureux, et l'industrie sur plusieurs points en a réellement tiré profit.
Mais ce genre de protection doit toujours être restreint, ne s'appliquer qu'avec une extrême prudence, suivant les circonstances, et avec justice distributive sans privilège.
Aussi la commission du budget a-t-elle cru devoir, dans ces temps extraordinaires, vous proposer au même titre un secours de 500,000 fl., indépendamment d'un égal subside, créé par le gouvernement provisoire, et la commission de l'industrie nous est un sûr garant du bon emploi.
Je terminerai, messieurs, par une dernière vérité d'à-propos.
C'est que le commerce et l'industrie ont besoin de stabilité dans les institutions ; ils ne peuvent fleurir qu'à l'ombre de l'olivier de la paix ; l'agriculture aussi a besoin du calme.
Certes, notre situation est belle.
Aucun ennemi possible maintenant parmi les grandes puissances !
Reconnaissance de notre indépendance nationale !
Des éléments d'organisation militaire qui peuvent, si besoin est, porter nos forces mobiles à cent mille braves, outre d'immenses réserves, pour consolider notre régénération politique !
Un état de finances satisfaisant.
Que nous manque-t-il ? c'est-à-dire, que manque-t-il à nos intérêts matériels ?
Une organisation intérieure, messieurs, une organisation prompte et très prompte, un définitif, car le provisoire nous tue ; pardonnez-moi cette dure expression, messieurs, elle est devenue nécessaire.
Oui, le provisoire nous tue ; consultez l'opinion, elle vous répondra d'une manière alarmante.
L'industriel particulièrement tient au positif : il l'invoque à grands cris, et l'on connait l'importance de notre population industrielle.
Avouons-le, la nation ne s'attendait pas à voir notre session se prolonger autant que les apparences le font craindre ; les esprits s'inquiètent, et le mal résultant de la stagnation des affaires s'accroit chaque jour.
Une constitution et un chef, voilà le vœu général. Se rendre ici l'organe de ce vœu, ce n'est pas sortir du cercle de la matière qui nous occupe ; car sans stabilité, point de commerce, point d'industrie ; sans industrie, sans commerce en Belgique, pas de finances, et sans finances, pas d'existence politique.
Combien il serait à désirer que nos hautes capacités dans la science législative s'entendissent pour activer le grand œuvre !
Du reste, une disposition de la charte astreindrait à révision dans un terme quelconque : alors et avec les modifications que l'expérience aurait fait juger nécessaires, l'on parviendrait, non pas à la perfection, chose incompatible avec la faiblesse humaine, mais au mieux possible, objet des désirs de tous les hommes raisonnables.
Concluons ! il faut sortir d'un provisoire effrayant dans ses conséquences.
Représentants du peuple belge, empressez-vous de parler aux intérêts matériels ; mariez-les promptement avec les intérêts moraux ; fixez enfin les destinées de 4,000,000 d'hommes ; persuadez-vous qu'il y a péril, et péril imminent. J'ai dit. (U. B., 31 déc.)
M. de Robaulx – Messieurs, on se rappelle la tactique hollandaise de présenter les budgets au dernier moment.
Je vois avec peine que le gouvernement suivra la même voie ; on s'attendait à autre chose de la part d'un gouvernement composé d'hommes du peuple.
Depuis environ deux mois, le gouvernement a pu et dû songer à la nécessité de redresser un des principaux griefs du peuple, les impôts, jugez-les.
La Hollande avait imposé à la Belgique un système de contribution à la fois immoral, accablant, despotique et contraire à l'industrie.
Immoral, parce qu'il nécessite la fraude, qu'il l'organise en quelque sorte.
Les contributions indirectes. sur les eaux-de-vie, vins et bières, sont entourées de formalités, toutes sous peine d'amende.
Cet impôt frappe inégalement les distillateurs qu'une partie doit frauder pour soutenir la concurrence avec ceux plus privilégiés.
(page 678) Il a cela d'immoral encore, c'est qu'il frappe les premières nécessités du pauvre, son pain, sa viande, son sel, sa bière et sa chaumière de 20 florins de loyer.
Le système actuel est accablant ; l'on a élevé les droits de timbre, hypothèque, enregistrement, de telle manière que les transactions privées en sont gênées et souvent impossibles.
Lorsqu'il s'agit d'une somme modique, il est impossible d'en poursuivre le recouvrement ; tous les frais à avancer sont élevés, le débiteur malheureux en est écrasé.
Les patentes multipliées sur un seul individu pour chaque point d'industrie ou de commerce, surchargent les petits négociants, parce que ceux-ci, ne trouvant pas dans une seule branche un lucre satisfaisant pour les besoins de leurs familles, sont obligés de réunir plusieurs commerces frappés de patentes séparées qui, réunies, sont disproportionnées avec celles des grands négociants.
Toutes les bases des contributions personnelle et mobilière réunies portent souvent la contribution à plus de 50 pour cent de la valeur locative réelle, en sorte que celui qui est propriétaire d'une maison en paye le loyer à l'État, tandis que la contribution foncière ne s'élève guère qu'à 20 pour cent.
Évidemment, il résulte de ce rapprochement que c'est la classe la moins aisée qui est surchargée outre mesure, et cette inégalité nécessite un changement de système.
Voyez les fabricants de genièvre et bière ; outre leurs patentes, ils payent au gouvernement un droit souvent égal à la valeur de leurs produits ; ils sont en outre vexés de toute manière par les agents du fisc, ce qui a fait chômer beaucoup de distilleries, tandis que les autres industriels sont libres et ne payent que la patente seulement. Est-ce là l'égalité devant la loi telle que nous l'avons proclamée ?
J'ai dit que le système suivi était despotique. En effet, la perception des impôts telle qu'elle s'effectue actuellement, donne lieu aux plus odieuses violations de nos libertés.
C'est en vain que vous déclarez le domicile inviolable, puisqu'une administration fiscale et tracassière vous envoie de vils agents subalternes qui ont le droit de visiter jusqu'aux derniers recoins de votre demeure, qui viennent compter vos foyers, expertiser chacun de vos meubles ; heureux vous êtes quand ils n'exigent pas l'ouverture de votre secrétaire sous prétexte d'en apprécier le prix ! Voyez les domiciles de certaines classes de commerçants, comme à toutes heures, en tons temps, ils doivent se soumettre aux visites des inquisiteurs de par le roi ! Le système d'impôt est contraire au développement de certaines industries, et conséquemment injuste. En voici un exemple que je puise dans la distillation, branche à la fois précieuse pour l'agriculture et le commerce, et conséquemment digne d'être encouragée.
La loi d'impôts dit au distillateur : Vous emploierez 14 livres 1 once 46 sterlings de farine ; cette quantité depuis octobre jusqu'en mars produira 7 litrons 78 dés d'eau-de-vie à 10 degrés.
Les jours, heures des macérations, ébullitions et autres travaux sont fixés à l'avance ; vous travaillerez comme je vous l'ordonne et pas autrement ; et si vous croyez avoir trouvé moyen d'obtenir plus de produits en moins de temps et avec moins de farine, vous payerez d'énormes amendes.
Si votre denrée est malheureusement mauvaise, si votre grain ne produit pas ce que vous en attendiez, si le mois d'octobre n'est pas aussi froid que décembre et janvier, comme l'ordonne la loi, votre grain produira moins que les 7 litrons 52 dés ; eh bien, vous, distillateur, payerez une amende du décuple de l'accise et en sus le droit sur le manquant (art. 42 de la loi du 26 août 1822).
Voilà, certes, un système contraire à la liberté de l'industrie, surtout à toute possibilité de lui faire faire des progrès : et ce système pèse sur une branche de commerce si utile au pays !
Voilà, messiers, quelques-uns des nombreux défauts du système général hollandais que l'on vous propose de sanctionner en bloc et de faire peser encore sur la Belgique émancipée ; j'aurais pu vous en présenter un tableau plus complet, mais vos travaux sont tellement multipliés, et l'on a eu soin de nous présenter si tard ce simulacre de budget !
On est si pressé de faire jouir la nation belge des prétendus bienfaits qu'on y exagère qu'il a été matériellement' impossible à chacun de nous d'examiner à fond la conception ministérielle, et de vous faire prévoir les conséquences de l'adoption, par le congrès, d'un pareil projet.
Mais, vous dit-on, le temps nous manque pour créer un nouveau système, ou corriger tous les abus de celui existant.
Messieurs, lorsqu'un gouvernement despotique pesait sur la Belgique, on trouvait des représentants qui ne craignaient pas de stigmatiser les actes d'un ministre oppresseur ; aujourd'hui que le (page 679) régime de la liberté est établi, que l'assemblée est souveraine, ne serait-ce pas une lâcheté de ne pas dire toute sa pensée ? Pour moi, je ne tairai pas la mienne, elle m'est dictée par un profond sentiment de mon devoir envers mes commettants à qui j'ai promis de concourir autant qu'il est en moi à l'allégement des impôts et à la prospérité publique
Non, messieurs, ce n'est pas le temps qui a manqué au gouvernement provisoire pour examiner et réédifier un système de contributions plus équitable ; depuis deux mois le ministère des finances aurait dû s'en occuper, et s'il nous avait annoncé qu'un nouveau délai de deux mois lui était nécessaire pour coordonner ses conceptions financières, personne de nous ne s'y serait opposé.
Mais il n'en est pas ainsi ; le gouvernement a trouvé beaucoup plus commode de maintenir le statu quo financier, tout défectueux qu'il est, que de mettre à l'épreuve son habileté administrative ; et, à l'entendre, la révision générale qu'il laisse pressentir sera soumise à un long et mûr examen, et, l'année entière pourra être consacrée à la recherche et à la discussion des moyens par lesquels seront remplacées avec avantage, les sources qui alimentent aujourd'hui le pouvoir.
Voilà, selon le ministre, ce qu'il appelle les principes qui ont présidé à la rédaction du projet de décret par lequel il demande la perception des impôts pour l'année 1831 entière, sur le même pied qu'en 1830, sauf quelques exceptions y indiquées.
C'est contre l'adoption de ce projet que je m'élèverai de toutes mes forces, parce qu'il remet indéfiniment des améliorations que la nation a le droit de réclamer sans délai, parce qu'elles sont urgentes et qu'elles se lient étroitement au salut de l'État et au juste dégrèvement de la classe moyenne, classe industrielle et laborieuse qui, à mon avis, constitue le peuple.
Je ne partage pas l'avis du ministre lorsqu'il croit impossible de s'occuper incontinent de la révision de l'assiette et de la nature des impôts ; en effet, si, comme on semble l'avouer, nous gémissons sous des lois arbitraires et injustes, pourquoi ne nous occuperions-nous pas de les corriger sans retard ?
Je sais que l'on n'improvise pas facilement un système de finances, mais en conscience faut-il une année, faut-il deux mois seulement pour porter une main réparatrice, et substituer au régime qui nous accable des dispositions que nous ne devons pas créer, mais dont nous pouvons trouver le principe dans des législations antérieures.
Il n'y a vraiment difficulté à établir des lois fiscales et à les rendre supportables, que lorsque le produit que l'on exige est exorbitant ; mais heureusement nous n'en sommes pas réduits là, puisque l'aperçu des dépenses ne monte qu'à 26 millions de florins, somme bien modique en proportion de ce qu'elle était avant notre séparation de la Hollande.
Quel est donc l'obstacle à ce que nous procédions de suite à asseoir la répartition de cette somme sur des bases équitables ?
Pourquoi persister à nous faire subir plus longtemps le joug des lois inventées par le despotisme hollandais, et destinées à écraser le pauvre et les commerçants, et à favoriser les classes aisées ?
Si le gouvernement avoue son impuissance à opérer aussitôt le bien que nous avions le droit d'attendre, qu'il s'adjoigne d'autres hommes capables de satisfaire à l'attente du pays, et le congrès de son côté, au moyen d'une commission nommée dans son sein, concourra à ce travail que l'on a tant exagéré, et en peu de semaines les vexations de l'ancien gouvernement ne souilleront plus le Code de nos lois financières.
C'est en vain que, pour nous décider à confirmer en bloc le système hollandais, on nous vante les diminutions d'impôts contenues dans le projet ; je réponds que lorsque les lois fiscales pèchent dans leur principe et leur base, on ne les corrige pas au moyen d'une diminution de taux, car l'injustice se trouve dans l'inégalité relative de la répartition qui existe nonobstant l'allégement ; c'est donc à la loi elle-même et non à son application qu'il faut apporter le remède.
Une chose que je ne puis passer sous silence et qui milite en faveur de la prompte révision des lois financières, c'est que le décret que l'on nous demande frapperait sur le pays une contribution de 36,626,757 florins ; tandis que le budget présenté par le gouvernement ne porte les dépenses qu'à 26,881,964, somme qui sans doute subira des réductions considérables lorsque le congrès s'en occupera ; il résulte de ce rapprochement que le gouvernement fait peser sur la nation 10 millions environ qui n'ont aucun but, aucune destination. Si donc un nouveau système de finances est mis en action dans deux ou trois mois, il ne portera que sur la somme exactement nécessaire de 26 millions, et par suite les contribuables verront diminuer leurs cotisations de plus d'un quart.
Dans un moment de gêne comme celui où nous nous trouvons, il serait impolitique et même dangereux de faire payer par la nation, qui a déjà tant souffert et fait tant de sacrifices, un quart en sus de ses contributions.
(page 680) Cette somme de 10 millions doit être répartie, en déduction, et également entre toutes les espèces d'impôts, et pour cela occupons-nous-en sans désemparer.
Alors peut-être on nous fournira un budget détaillé accompagné de renseignements, dont on eu soin de nous priver dans un budget en bloc présenté de manière à ce que le congrès n'ait pas le temps de l'examiner.
Alors peut-être on voudra bien nous dire ce que sont devenus les produits des biens meubles et immeubles, appartenant à la famille du roi de Hollande, et qui sont sous le séquestre et partant régis au nom de la nation.
Alors peut-être le ministère nous dira s'il se propose de prendre des mesures pour faire rentrer dans la main de la nation des domaines que le roi Guillaume a cédés à la banque sans le concours des états généraux, quoiqu'il ne les possédât que comme apanage de la couronne ; cette question conduira à celle de savoir si la cession des domaines de la Belgique, que l'on évalue à près de 60 millions, n'est pas une véritable spoliation frauduleuse de l'ex-roi ; ce qui donnerait à l'État de quoi payer une grande partie de ses dépenses annuelles, et conséquemment réduirait de beaucoup les contributions ; vous vous rappelez, messieurs, qu'un fonctionnaire public a eu le courage de s'élever contre cette inique opération. Il en a réclamé hautement l'annulation. Ce bon citoyen a trouvé pour prix de son dévouement une destitution honorable à mes yeux et aux vôtres. Ses réclamations n'ont pas été écoutées jusqu'à présent, et soit dit en passant, ce fonctionnaire n'a pas encore obtenu réparation, il n'est pas réintégré dans des fonctions analogues.
Un motif bien puissant pour me faire protester contre la présentation d'un pareil budget des recettes, c'est qu'il est livré à la discussion avant celui des dépenses : en effet, à quoi servira au pays que nous fassions des réductions sur le budget des dépenses, si celui des voies et moyens est adopté et a définitivement réglé les contributions pour toute l'année ?
S'il est vrai que nous ne pouvons imposer à la nation que des charges proportionnées au strict nécessaire des dépenses, comment pouvons-nous dès aujourd’hui voter une contribution de trente-**six millions quand on avoue à l'avance que vingt-**six suffiraient à toutes les exigences ministérielles et en les supposant admises en entier ?
Comment pourrions-nous éviter de tomber en contradiction avec nous mêmes, si nous votons aujourd'hui un impôt de 36 millions tandis que demain nous déclarerons que les dépenses ne peuvent s'élever qu'à 20 ou 25 millions ?
Je suis frappé de l’idée que, quelle que soit l'incurie du gouvernement, quels que soient les motifs secrets qu'il a eus pour étrangler la discussion en présentant le budget au dernier moment, toujours est-il vrai qu'il faut voter provisoirement les subsides nécessaires pour les besoins actuels de l'administration ; mais je croirais manquer à mon devoir envers ceux qui m'ont envoyé ici, si je consentais à voir peser de nouveau sur eux le système de finances le plus déplorable que la fiscalité ait pu inventer ; trois mois seraient pour moi un délai déjà bien long pour continuer l'impôt, il suffira pour que l'on prépare de nouvelles lois. .
Un orateur (M. Lecocq) auquel je succède à la tribune, nous a fait un tableau riant de l'avenir et des espérances qu'il promet ; moi, messieurs, je demande de rapprocher cet avenir, et de réaliser promptement les améliorations. J'ai promis, je le répète, à mes commettants de faire ce qu'il dépendra de moi pour corriger et diminuer les impôts ; je serai fidèle à mes promesses et ne dévierai pas du chemin de franchise que je me suis tracé. Le même honorable membre nous a parlé de la diplomatie ; et moi, je me joins à lui pour qu'elle s'occupe principalement de notre industrie, et de procurer des débouchés à nos produits ; je voudrais surtout que nos diplomates s'occupassent davantage de choses et moins de personnes ; serait en effet bien coupable envers la nation, celui qui à l'occasion d'une question de personnes sacrifierait à UN NOM ÉTRANGER la prospérité future et le commerce de la Belgique.
Je voterai contre l'adoption du budget des recettes tel qu'il est présenté, sauf à admettre des subsides nécessaires aux trois premiers mois de l'année. J'ai dit. (E., 6 janv.)
M. Charles de Brouckere – Messieurs, vous n'attendez pas de moi qu'après avoir combattu pendant quatre années consécutives le système financier qui pesait sur la Belgique, je vienne en prendre la défense aujourd'hui. Je reconnais tout ce qu'ont de fondé les reproches faits au projet par le premier des orateurs qui se sont fait entendre à cette tribune. Je dois cependant défendre jusqu'à un certain point les décrets qui sont le travail d'une commission dont j'ai fait partie, tout en avouant que ce n'est que le 12 décembre que j'ai appris ma nomination comme membre de la commission, que sa première réunion était fixée au 14, qu'alors j'étais occupé à la rédaction (page 681) du projet de loi sur la garde civique, que je n'ai pu assister par conséquent fort assidûment au travail de la commission. J'ajouterai en même temps que si j'avais été seul chargé d'un pareil travail, je me serais borné à demander la continuation du payement des contributions sur les rôles tels qu'ils sont, pendant l'espace de trois mois.
Messieurs, on a d'abord attaqué le système des patentes, et on a demandé l'abolition de la loi sur cet objet : on est allé trop loin. On a demandé l'établissement d'un nouveau système, ou d'un semblable au système français. Je ne pense pas, messieurs, que ce dernier soit de beaucoup préférable au nôtre. On a reproché à notre système de patentes d'être confié à des répartiteurs et aux contrôleurs des contributions. Mais n'est-ce pas une garantie suffisante que de voir des répartiteurs pris parmi les patentables régler avec le contrôleur des contributions le taux et la classification de l'impôt qu'ils sont eux-mêmes destinés à supporter ? Il est vrai qu'il ya eu quelques abus. Dans le Limbourg notamment le directeur des contributions s'était permis, il y a deux ans, de changer de son autorité privée la classification de certaines patentes. Cet acte arbitraire fut dénoncé aux états provinciaux qui en firent prompte justice. Aujourd’hui, on n'a pas à craindre le renouvellement. de pareils abus, et comme d'après le projet sur les patentes il y a eu une diminution effective de 75 p. c. au moins, je ne crois pas qu'on puisse se plaindre. D'ailleurs, le système français contient la même injustice que le nôtre. Il repose sur deux choses, la profession et la valeur locative. On taxe d'abord en raison de la valeur locative. Or, un charpentier, avec un seul ouvrier, a besoin d'un plus grand local pour son travail et celui de sa matière première qu'un orfèvre avec dix ouvriers.
(L'orateur parcourt successivement les objections qui ont été faites sur l'impôt personnel, le budget de la guerre, l'impôt foncier, les accises, les distilleries, etc. Il répond victorieusement à tous les arguments présentés contre le projet, et termine en disant d'un côté qu'il était impossible à la commission de présenter en douze jours un travail irréprochable sue le budget, de l'autre qu'à l'époque de l'année où nous nous trouvons, il est urgent de subvenir aux besoins de l’Etat.) (U. B., 50 déc.)
M. Seron demande la parole pour répondre au préopinant. (E., 30 déc.)
M. le président – La parole est à M. Raikem, puis à M. Barthélemy. (E., 30 déc.)
M. Seron – C'est pour rectifier un fait que je pourrais regarder comme personnel. (E., 30 déc.)
M. Raikem – Je n'ai pour objet que de répondre à deux observations de M. Seron. Pour exécuter ce qu'il a demandé, le retour à la loi du 22 frimaire an VII, en ce qui concerne les vente de bois et récoltes sur pied, il faudrait bouleverser une bonne partie de la législation actuelle en ce qui concerne les ventes de meubles sous seing privé. Relativement à l'observation de M. Seron sur l'amende à encourir dans le cas de la non-transcription de ventes d'immeubles dans un délai voulu, je dirai que la loi est dans l'intérêt des parties, et qu'au reste des modifications sur ce point ne soulageraient pas le pauvre. (C., 29 déc.)
M. le président – La parole est à M. Barthélemy. (E., 30 déc.)
M. Barthélemy – Si M. Seron veut parler, ainsi qu'il en avait le droit, je lui succéderai. (E., 30 déc.)
M. Seron répond à M. de Brouckere. Il soutient que le système français sur les patentes est meilleur que le système belge. J'ai été percepteur de mon métier, dit-il, et je puis en parler savamment. (On rit.) (U. B., 30 déc.)
M. Barthélemy – Messieurs, je rends justice aux vues louables qui ont dicté le discours de l'honorable M. Seron ; je lui ferai seulement observer que puisqu'il propose un décret de sa façon, il aurait dû nous le communiquer il y a quinze jours, pour nous donner le temps de l'examiner et de voir s'il aurait pu être mis à exécution dès le er janvier. Un autre orateur a reproché au gouvernement provisoire de n'avoir pas présenté le budget assez tôt, et surtout de n'avoir pas imaginé un système de finances autre que celui de l'ancien gouvernement : le discours de l'honorable orateur aurait pu servir pour les états généraux ; aujourd'hui, il contient un véritable anachronisme. Vous vous plaignez du gouvernement provisoire ? Mais ce gouvernement, c'est nous qui l'avons fait, il est notre ouvrage ; et il vous sied peu, à vous surtout qui lui refusez l'initiative, de lui reprocher de n'y avoir pas eu recours pour vous présenter une nouvelle loi de finances. On veut acquérir de la popularité, on attaque le budget ! Mais encore faudrait-il que quelqu'un pût répondre à ces attaques. Or, ici vous n'avez personne, car c'est nous-mêmes qui faisons nos affaires, et si nous avons à nous plaindre, c'est de nous-mêmes. L'honorable membre auquel je réponds aurait dû, puisqu'il trouve si simple de faire des systèmes financiers, nous faire une proposition le lendemain de la réunion du congrès. Je l'invite encore aujourd’hui à la présenter ; s'il est assez hardi pour le faire, c'est qu'il (page 682) sera bien confiant en ses propres forces. Quant à votre commission, non seulement elle n'a pas cru pouvoir faire un pareil essai, mais elle n'a pas trouvé le délai de trois mois assez long pour coordonner un nouveau système, et elle a demandé qu'on fût tenu de se conformer à l'ancien pendant six mois. Nous n'avons pas voulu faire ce qui était impossible, et, véritables charlatans politiques, proposer tout de suite un gouvernement à bon marché. Nous savions que toutes les économies praticables avaient été faites ; nous n'avons pas voulu aller plus loin. L'année prochaine on peut se promettre d'autres diminutions ; aujourd'hui il faut travailler à la constitution, et savoir si l'organisation qu'elle nécessitera permettra des économies considérables, et jusqu'où elles pourront aller. (U. B., 30 déc.)
M. Jottrand – Ceux qui ont pris la peine d'examiner avec un peu d'attention le prétendu boni de dix millions de florins que l'on nous a pompeusement annoncé, en nous présentant le projet de loi en discussion, ne se sont pas trompés sur la véritable nature de cet excédant. Ils ont bientôt reconnu que ces dix millions ne seraient peut-être que suffisants pour couvrir plus tard des dépenses qui n'existent pas, quant à présent, mais qui se présenteront infailliblement lorsque les circonstances auront changé. Nos liquidations futures avec la Hollande, l'établissement de notre marine, le surplus des dépenses de la guerre que nous ne pouvons encore connaître, enfin les déficits inévitables sur les recettes dont on a présumé l'import d'après les bases de l'année dernière, tout cela demandera sans doute l'emploi de la plus grande partie de ces dix millions de réserve.
On a eu tort de vouloir faire passer ces dix millions pour ce qu'ils ne sont pas ; c'est à cette mauvaise politique de celui qui a rédigé le projet de loi que nous devons l'erreur dans laquelle sont tombés les préopinants qui demandaient que l'on fît tout d'un coup une économie de dix millions de plus sur la loi des voies et moyens, puisque ces dix millions ne devaient pas être dépensés.
Mais s'il n'est pas vrai de dire que ces dix millions peuvent être abandonnés, il est probable cependant qu'un aussi fort excédant présumé laissera encore de la marge pour une petite réduction en faveur de la contribution personnelle.
On s'est toujours plaint de la loi qui établit cette contribution, comme on s'est plaint de la loi sur les patentes et du système des accises.
On a fait droit, dans le projet qui nous occupe, à une bonne partie des réclamations sur les patentes. L'abolition de la mouture et de l'abattage et les modifications sur les distilleries ont satisfait en partie aux réclamations que l'on élevait contre les accises. Faisons aussi quelque chose pour satisfaire aux plaintes qui se sont élevées contre la contribution personnelle. Car, ne nous y trompons pas, ce n'est pas un avantage pour les contribuables que la permission accordée dans le projet de s'exempter de la visite des experts, en s'en référant aux déclarations de l'année précédente. La grande majorité, messieurs, ne pourra cette année s'en rapporter aux déclarations des années précédentes pour la contribution personnelle. La valeur locative a baissé presque partout, les ménages bourgeois ont fait des réductions, ici dans le nombre de leurs foyers de luxe, là dans leur mobilier. Il en résultera que beaucoup de contribuables devront se soumettre à l'expertise. En compensation de l'avantage dérisoire que l'on voulait accorder aux contribuables pour l'impôt personnel, qu'on leur accorde un dégrèvement réel sur le montant de l'impôt. Les 13 centièmes additionnels conservés encore sur la contribution personnelle par le projet de loi, peuvent disparaître sans produire d'autre diminution dans les recettes qu'une somme d'un peu plus de 400,000 florins. Cette diminution n'est pas grande, mais elle n'en prouvera pas moins la bonne volonté que nous avons mise à satisfaire autant que possible à toutes les réclamations. Je proposerai par forme d'amendement à l'article 3 du projet des voies et moyens, une disposition qui consacrera l'abolition des centièmes additionnels sur la contribution personnelle. (C., 29 déc.)
M. de Robaulx justifie ce qu'il a fait à plusieurs reprises dans l'assemblée pour contester au gouvernement provisoire un droit d'initiative dans la présentation des lois. Il insiste à son tour sur l'observation que le surplus de 10 millions qu'on a prévu n'aurait pas dû être mis à la charge des contribuables, s'ils sont inutiles pour les dépenses de l'État. (C., 29 déc.)
M. Charles Le Hon – Messieurs, nous ne sommes pas encore constitués : le gouvernement représentatif, ni ses ressources, ni ses besoins n'existent pour nous ; cependant il y a nécessité de vivre comme État, et c'est cette nécessité qui me fera donner mon assentiment au projet qui vous est présenté. Un budget est un des actes fondamentaux des libertés populaires. Vous ne vous étonnerez donc pas de la première observation que j'ai à faire : c'est que je ne puis considérer le budget soumis à notre examen comme ayant la même importance que ceux qui nous seront présentés dans la suite. Nous n'avons pas de gouvernement : (page 683) il n'est donc pas possible de faire de l'opposition contre une chose qui n'existe pas ; c'est, pour moi, la nécessité de donner ma voix à un système que je combattrais sans les circonstances où nous nous trouvons placés.
(Après ces considérations préliminaires, l'orateur examine si l'on aurait mieux fait de ne demander l'impôt provisoire que pour un terme de trois mois ; il prouve, par des arguments irrésistibles, que ce délai eût été insuffisant, et parcourant les divers reproches faits au projet, il les repousse avec une supériorité de raisonnement qui a obtenu un assentiment général. Il termine par des considérations sur l'impôt des barrières, et adresse au gouvernement provisoire des conseils pour éviter les écueils dans lesquels était tombé l'ancien gouvernement.) (U. B., 30 déc.)
M. Van Meenen demande la clôture de la discussion générale, sauf la réponse de M. l'administrateur des finances aux objections qui ont été faites par les orateurs. (Appuyé ! appuyé !) (C., 29 déc.)
M. Coghen, administrateur général des finances, monte à la tribune. (J. F., 50 déc.)
- Plusieurs membres demandent encore la parole. (J. F., 30 déc.)
M. Destouvelles – Messieurs, je ne partage pas entièrement l'opinion de l'honorable M. Raikem, relativement aux droits assis sur la vente des bois et à la transcription.
Quant au droit de 2 pour cent fixé par la loi du 22 frimaire sur les ventes de bois, considérées comme ventes immobilières, et rendu à un demi pour cent par la législation qui vous régit en ce moment, je ne regarde pas cette réduction comme un moyen d'assurer l'impôt. La plupart des propriétaires et tous sentent l'avantage des ventes publiques qui provoquent la concurrence et font en général parvenir à la véritable valeur l'objet soumis aux enchères. Il est, je le sais, des localités, et le Luxembourg est dans cette catégorie, où la concurrence s'établit d'elle-même entre les maîtres de forges par exemple qui, du moment qu'ils sont informés qu'une coupe est à vendre, se présentent chez le propriétaire. Il reçoit leurs offres et traite avec celui qui fait la proposition la plus avantageuse. Cet usage est dès longtemps suivi, et lorsque la loi du 22 frimaire an VII était en vigueur, comme sous l'empire de celle qui l'a modifiée, le trésor public n'a fait et ne fait encore aujourd'hui aucune perception. Mais en thèse générale, le cours de vente publique est préféré et présente des avantages incontestables, non balancés par le recours à des actes sous seing privé qui rendent les recouvrements sinon plus incertains, au moins plus difficiles, surtout lorsque l'acquéreur est en demeure de remplir ses engagements.
En ce qui concerne la transcription, tous les jurisconsultes déploraient son absence dans le Code civil, et ont applaudi à son rétablissement opéré par le Code de procédure : ce n'est donc pas le droit en lui-même que j'attaque ; mais l'amende encourue à celui qui dans le délai donné ne l'acquitte pas. Faites de ce droit un article de recette et suivez-en le recouvrement. Mais ne l'aggravez pas par des amendes.
Quant à la loi actuelle sur les patentes, je donne une préférence confirmée par une expérience de trente-trois années à celle du ler brumaire an VII. Avec une patente supérieure, pouvoir exercer tous les genres d'industrie inférieurs, est une disposition aussi sage que simple. Qu'on la dépouille, si l'on veut, de la combinaison qu'on lui reproche avec le dixième de la valeur locative ; ce à quoi j'attache particulièrement de l'importance, c'est de faire disparaître cette subdivision de patentes à laquelle est assujetti le contribuable, se livrant simultanément à plusieurs commerces, même les plus minimes. Il est tels boutiquiers, et ce sont ceux-là surtout qui souffrent et au secours desquels il est urgent de venir, il est tels boutiquiers qui payent cinq, six et jusqu'à dix patentes ; et telle est l'obscurité de la loi qu'ils sont souvent dans l'impossibilité de distinguer les nuances qui séparent les différentes branches de leur modeste industrie. De là des contraventions souvent involontaires ; mais comme en matière fiscale le fait constitue la contravention, celle-ci, quelle que soit l'intention du contribuable, intention que le magistrat ne peut apprécier, donne lieu à l'application de pénalités ruineuses.
Je ne puis passer sous silence une disposition de la loi sur la contribution personnelle, qui soumet au droit de 4 florins une servante unique. Une mère chargée d'une nombreuse famille se gêne pour payer une aide qui puisse lui donner une assistance indispensable. C'est une nécessité et non l'apanage du luxe. Ne dédaignons pas, messieurs, de descendre dans des détails qui se rattachent aux parties intéressantes de la société.
Si le temps ne permet pas de refondre ici les systèmes, si le temps nous pousse, il ne faut qu'un instant pour faire droit sur cette dernière partie de mes observations. Des bénédictions s'élèveront vers nous, et le peuple attendra avec plus de patience les améliorations auxquelles il a des droits. (E., 31 déc.)
M. Coghen, admnistrateur général des finances - Après les explications lumineuses données par M. Lecocq, de Brouckere et Barthélemy, membres de la commission du budget, et le discours de M. Le Hon, il n'a que peu de choses à dire.
Il est loin de vouloir défendre le système actuel des impôts contre lequel se sont prononcés avec chaleur plusieurs honorables préopinants ; comme eux, au contraire, il en reconnaît tous les vices et en désire la réforme : mais, cette réforme, il y aurait impossibilité matérielle de l'opérer immédiatement. Il faut du temps, de la réflexion ; il faut une investigation approfondie de tous les intérêts du pays, pour entreprendre avec quelque espoir de succès une tâche aussi difficile. En attendant, les contribuables ont reçu de notables soulagements par les mesures qu'a déjà prises le gouvernement provisoire, et le projet de décret sur lequel le congrès délibère en ce moment leur en assure dont ils n'apprécieront pas moins l'importance. Lorsque l'Etat compte à peine quelques semaines d'existence politique, pourrait-on, sans être d'une exigence peut-être injuste, prétendre davantage ? L'administration a fait tout ce qui dépendait d'elle pour alléger le poids des charges publiques : la nation, on a lieu de l'espérer, sera satisfaite. En résumé, la diminution des impôts sera sensible, l'application des lois fiscales sera exempte de toute rigueur : ces considérations doivent d'autant plus déterminer le congrès à revêtir dé sa sanction le projet qui lui est soumis, que si la loi des voies et moyens n'était pas votée avant le 1er janvier, il en résulterait les inconvénients les plus fâcheux pour le service de l'Etat. (E., 1er janv.)
M. de Robaulx – La clôture ! (U. B., 30 déc.)
M. Van Meenen renouvelle la demande de clôture sur la discussion générale. (C., 29 déc.)
M. Théophile Fallon, rapporteur – Si l'on pouvait avoir la certitude que nous n'aurons plus de guerre à soutenir, et qu'ainsi nous pourrons incessamment placer l'armée sur le pied de paix ; si nous n'avions point de dettes à reconnaître et dont il a été impossible jusqu'ici de déterminer le montant ; si nous n'avions point de liquidation à opérer du chef d'obligations contractées par l'ancien gouvernement et qui intéressent essentiellement la prospérité du commerce et de l'industrie, tout en préparant d'utiles ressources pour le trésor public ; si enfin nous pouvions espérer que nous n'éprouverons pas de mécompte dans les évaluations éventuelles de quelques branches de revenus sur lesquelles il est à craindre que la stagnation forcée de certaines industries et le rétrécissement momentané de la circulation des capitaux, n'exercent une influence défavorable, nous pourrions dès à présent couvrir, au moyen de l'excédant que la recette présente sur la dépense, le déficit, qui serait le résultat de la suppression totale et actuelle de l'impôt sur le personnel et la patente. Mais prenons garde, messieurs, de nous laisser aller, avec trop d'abandon et de confiance dans l'avenir, à cet honorable élan de patriotisme qui nous porte à délivrer incessamment la nation des charges onéreuses et inégalement réparties dont il faut qu'on la délivre.
Et moi aussi, messieurs, je m'associe de cœur et de conviction à toute pensée généreuse qui a pour objet le bien-être et la félicité du peuple. Je crois avoir fait mes preuves à cet égard. Mais je ne crois pas pouvoir en ce moment consentir à des suppressions d'impôts qui pourraient plonger le trésor dans les désastreux embarras des déficits. Les déficit, messieurs, sont une lèpre fiscale qui ronge le crédit public. Ils donnent naissance aux plus graves abus. En matière de finances, je les redoute par-dessus tout.
Qu'arrive-t-il quand il y a déficit ? La nécessité, et quelquefois l'urgence de le combler, forcent la législature de recourir à des palliatifs presque toujours insuffisants et quelquefois plus même que les impôts précédemment abolis. D'un autre côté, les contribuables, qui se croyaient affranchis à toujours de charges pesantes, lorsqu'ils se voient trompés dans leur attente, éprouvent alors plus de mécontentement qu'ils n'ont ressenti de satisfaction des allégements primaires dont on leur aura fait grâce.
Par ces motifs et ceux que nos honorables collègues MM. de Brouckere, Barthélemy et Le Hon vous ont si bien exposés, je pense que le système de la commission doit être favorablement accueilli, sauf à admettre tels amendements dont l'opportunité et la bonne conception pourront être appréciées par le congrès, lors de la discussion des articles.
Je conçois que l'article 6 du projet, qui a été conçu dans la pensée de délivrer les contribuables soumis à l'impôt du personnel, des formalités vexatoires, ne produira pas tout le bien qu'on a pu en espérer, à cause de la moins value d'un grand nombre de propriétés bâties ; cependant il aura des avantages partiels, et c'est toujours quelque chose.
Quant à l'amendement proposé par M. Jottrand et qui a pour objet de supprimer les cents additionnels établis sur la contribution personnelle, si (page 685) je peux me rassurer sur la crainte d'un déficit, crainte que j'ai précédemment justifiée, je l'appuierai volontiers non comme rapporteur de la commission, mais pour mon propre compte ; au surplus je ne pense pas que les avantages prochains dont on se propose de favoriser les contribuables, soient aussi restreints que quelques-uns se l'imaginent.
Indépendamment des améliorations incontestables que présente le projet qu'on discute en ce moment, nous serons bientôt mis à même d'introduire des modifications salutaires dans les lois sur le sel, les distilleries et le transit, et c'est dans l'espoir qu'on pourra sans trop de retard étendre encore ces modifications à d'autres branches de la législation fiscale, que votre commission a généralisé davantage l'article premier.
En résumé, je pense qu'il faut faire une part un peu large, quant aux voies et moyens, aux embarras et aux circonstances dans lesquels on s'est trouvé, et il faut espérer qu'un peu de confiance sera payée de beaucoup de zèle et de promptitude dans la composition d'un système d'impôts approprié aux besoins et aux ressources du pays. (E., suppl., 29 déc.)
- La clôture de la discussion générale est demandée mise aux voix et prononcée. (C., 29 déc.)
On passe à la discussion des articles du projet. (C., 29 déc.)
- M. de Gerlache, premier vice-président, remplace M. le baron Surlet de Chokier au fauteuil).
M. Liedts, secrétaire, lit l'article premier ainsi conçu :
« Les impôts existants au 31 décembre 1830 continueront d'être recouvrés pendant l'année 1831, d'après les lois qui en règlent l'assiette ou la perception ; sauf les modifications contenues dans les articles 2, 3, 4, 5 et 6 ci-après, et celles qui pourront être apportées par des décrets spéciaux aux lois sur le sel, les distilleries, le transit et autres impôts indirects. » (U. B., 30 déc., et A. C.)
M. le président – Il y a plusieurs amendements ; mais d'abord un paragraphe additionnel proposé par M. Charles de Brouckere, au nom de la commission ; il est conçu en ces termes :
« La répartition de la contribution foncière entre les provinces et la sous-répartition entre les communes resteront, pour les six premiers mois de 1831, telles qu'elles sont établies pour 1830. » (U. B., 30 déc., et P. V.)
M. Le Grelle – Je crois que la province d'Anvers est surchargée (murmures) ; mais cela n'empêche pas, puisque l'impôt n'est voté que pour six mois, qu'on ne le perçoive, sauf les droits de la province à exercer plus tard. (U. B., 30 déc.)
M. de Robaulx propose de remplacer les mots : pendant l'année 1831, par ceux-ci : pendant les trois premiers mois de l'année 1831. Cet intervalle suffit au congrès pour s'occuper des lois financières. (U. B., et J. B., 30 déc.)
M. le baron de Stassart – J'espère que le congrès national sera trop pénétré de ses devoirs pour perdre de vue le véritable but de sa mission. Ce but, messieurs, c'est de donner à la Belgique une bonne loi fondamentale, et de procéder au choix d'un chef de l'État qui puisse garantir suffisamment tous nos intérêts. Si nous nous occupons du budget provisoire, c'est que nous nous trouvons assemblés à l'époque du renouvellement de l'année ; mais c'est aux chambres, telles qu'elles seront constituées par la charte, qu'il appartiendra de régler le budget définitif, à moins (ce qu'à Dieu ne plaise) que le régime provisoire ne se prolonge encore pendant six mois. (U. B., 30 déc.)
M. Raikem propose de substituer aux expressions : l'année 1831, ces mots : les six premiers mois de l'année 1831. (A.)
M. le baron Beyts – Je dois répondre un mot à M. de Stassart. Nous ne sommes pas ici, sans doute, pour voter un budget, mais nous avons mission de corriger toutes les grosses fautes de l'ancien gouvernement ; et si par une proposition quelque membre peut améliorer notre système financier, je voterai avec lui. Si trois mois ne sont pas suffisants, je voterai avec M. Raikem pour le délai de six mois ; mais reste à savoir si nous y serons dans six mois. (On rit.) (U. B., 30 déc.)
M. de Robaulx – Si on admet que nous nous occuperons d'un nouveau système financier, je veux bien six mois. (J. B., 30 déc.)
M. Alexandre Rodenbach – Messieurs, j'ai voté pour une monarchie républicaine, parce que je suis persuadé que plus nous nous rapprocherons du système républicain, plus notre gouvernement sera à bon marché.
Malgré mon ardent désir de voir diminuer promptement nos impositions, je suis forcé de convenir, avec la commission et l'honorable M. Raikem, qu'il faut bien six mois pour changer le système vicieux de finances dont nous sommes encore accablés.
Je remarque avec plaisir que les Belges ne payeront pour six mois qu'environ 14 millions, (page 686) tandis que, si nous avions eu le malheur de rester sous le joug de la Hollande, nous eussions payé dans le laps d'une demi-année 24 millions ; donc diminution de 10 millions.
Je vous observerai, en outre, messieurs, que le montant de notre budget semestriel est juste la somme que nous payions annuellement pour l'intérêt de la dette hollandaise.
Dorénavant, quand nous rencontrerons un Hollandais, chaque Belge ne pourra plus dire : Voilà un homme dont la dette me coûte 6 francs d'intérêt par an. (On rit.)
Je vote en faveur de l'amendement de M. Raikem. (U. B., 30 déc.)
- L'amendement de M. de Robaulx est mis aux voix. Trois membres seulement se lèvent pour l'affirmative ; il est rejeté. (On rit.) (u. B., 30 déc.)
L'amendement de M. Raikem est adopté.
M. Dams parle sur la répartition de la contribution foncière. (J. F., 30 déc.)
M. Charles de Brouckere – Si le budget provincial ne restait pas le même, la confection des rôles et la répartition retarderaient considérablement la perception des impôts. (J. B., 30 déc.)
M. de Muelenaere – L'observation qui vient de vous être faite par un honorable préopinant, M. Dams, est parfaitement juste. La répartition de la contribution foncière entre les diverses provinces est, à la vérité, du domaine de la législature, mais il n'en est pas de même de la sous-répartition entre les cantons et les communes. Cette dernière doit être faite par l'administration provinciale, qui seule est à même de l'opérer avec justice. Je proteste donc bien formellement contre les conséquences qu'on pourrait tirer d'un pareil précédent. Je saisis cette occasion pour vous soumettre deux observations relatives à la répartition et au principal de l'impôt foncier. J'ai eu l'honneur, messieurs, de siéger pendant plusieurs années à la seconde chambre des états généraux, et constamment j'ai voté contre la répartition entre les provinces, parce qu'il est mathématiquement démontré que cette répartition est inégale, injuste et qu'elle favorise certaines provinces au détriment des autres. Car nous savons tous qu'il est des provinces qui ne payent l'impôt que dans la proportion de 7 3188/10,000, tandis que d'autres sont grevées dans la même contribution à raison de 13 7700/10,000. Une inégalité aussi révoltante ne peut plus subsister. Si j'ai l'honneur d'être encore membre de la première assemblée législative qui suivra le congrès, je prends dès aujourd'hui l'engagement de vous proposer un projet de loi qui aura pour but d'alléger le fardeau des provinces surtaxées sans augmenter les charges des provinces les moins atteintes.
Le principal de l'impôt foncier est augmenté du montant de la contribution due par les domaines aliénés. C'est encore une erreur. L'impôt foncier est essentiellement un impôt de répartition. Le principal doit en être invariable. Si le principal est augmenté par la découverte de biens celés, ou par la vente de domaines, qui deviennent passibles de la contribution, cette augmentation doit tourner au profit de toutes les provinces et diminuer leur quote-part respective.
Je veux cependant faire la part des circonstances, et j'avoue que M. le commissaire général a été hors d'état de pouvoir s'occuper de ces objets. J'ai voulu néanmoins fixer l'attention, du gouvernement sur cette importante matière et lui réserver l'honneur de l'initiative, d'autant plus que les circonstances particulières dans lesquelles nous nous trouvons, ne nous permettent pas de nous occuper en ce moment d'une loi de péréquation, qui exige de longues études et des réflexions approfondies. (J. F., 30 déc.)
- Le paragraphe additionnel proposé par M. Charles de Brouckere, au nom de la commission, est mis aux voix et adopté. (P. V.)
M. le baron Beyts propose un autre paragraphe additionnel qui n'est pas appuyé. (U. B., 30 déc.,)
- L'article premier avec les amendements (ceux de MM. Raikem et de Brouckere) est adopté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article 2 ainsi conçu :
« L'impôt sur les vins indigènes est supprimé. » (U. B., 30 déc., et A. C.)
M. François propose d'ajouter :
« L'impôt sur les bêtes à cornes et les chevaux est également supprimé.
« Les droits d'entrée, sur les vins de France importés par les frontières de terre sont réduits au même taux que ceux sur l'importation des mêmes vins par mer. » (A.)
M. de Langhe propose de rédiger l'article 2 comme suit :
« L'impôt sur les vins indigènes ne sera pas perçu pendant l'année 1831. » (A.)
M. Charles de Brouckere demande la question préalable sur ces amendements. Elle est fondée sur ce que le budget n'étant voté que pour six mois, l'article 2 est sans objet. Il n'y aura pas de vins dans les six premiers mois de l'année. (On rit. >Appuyé ! Appuyé> !) (U. B., 30déc.)
M. François (page 687) présente des observations contre la question préalable. (J. B., 30 déc.)
M. Charles de Brouckere – L'impôt sur les bêtes n'a rien de commun avec le budget ; c'est une espèce d'assurance mutuelle instituée par les propriétaires de bestiaux. (J. B., 30 déc.)
M. le baron de Stassart – La taxe sur le bétail, destinée à former un fonds particulier, avait été maintenue pour cinq années ; elles expirent le 31 décembre prochain ; comme c'est un objet complètement étranger au budget, l'impôt cessera d'exister conformément à la loi de 1826. (J. B., 30 déc.)
M. François voudrait en avoir la certitude, et que la chose fût mentionnée au procès-verbal. (E., 31 déc.)
M. de Robaulx – Si la proposition de M. François ne forme pas un amendement à l'article 2, elle peut le remplacer. (J. B., 30 déc.)
- La suppression de l'article 2 est mise aux voix et prononcée. (P. V.)
M. Charles de Brouckere demande l'examen en section de la dernière partie de la proposition de M. François ; la question, dit-il, se lie trop à des considérations majeures pour être promptement discutée. (J. B., 30 déc.)
M. le baron Osy – En permettant l'entrée des vins de France, vous vous privez de compensation à l'égard des bestiaux. (J. B., 30 déc.)
M. François considère comme odieuse à la Belgique et préjudiciable à plusieurs provinces la différence du droit d'entrée par terre, avec celui dont est frappée l'importation par mer ; il dit qu'elle n'a été faite qu'en haine des Belges et pour favoriser les Hollandais ; il faudrait au moins qu'il y eût égalité de droits. (E., 31 déc.)
M. Trentesaux appuie fortement cette proposition, et établit que l'entrée par terre est trente et une fois plus chère que l'entrée par mer. (U. B., 30 déc.)
M. Le Grelle pense qu'une telle question rentre dans le système entier des douanes, et ce n'est pas le moment de l'examiner. (E., 31 déc.)
M. Charles Le Hon et M. de Robaulx sont entendus. (E., 31 déc.)
M. Seron demande que les vins soient frappés d'un égal droit par terre et par mer. (E., 31 déc.)
M. Barthélemy, M. Camille de Smet et M. Alexandre Rodenbach font de nouvelles objections. (E., 31 déc.)
- L'ajournement de la proposition de M. François est mis aux voix et prononcé. (U. B., 30 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article 3 devenu l'article 2 ; il est ainsi conçu :
« Art. 3. Les vingt-deux centièmes additionnels perçus au profit du trésor sur la contribution personnelle, les patentes, les impositions indirectes et les accises, sont réduits à treize. » (U. B., 30 déc., et A. C.)
M. Raikem propose un amendement tendant à diminuer de moitié l'impôt personnel. (U. B., 30 déc.)
M. Jottrand demande la suppression des centièmes additionnels sur la contribution personnelle et propose une disposition additionnelle ainsi conçue :
« La contribution personnelle ne supportera pas de centièmes additionnels. » (P. V.)
- Après un court débat, et sur l'observation de M. Charles Le Hon, que les deux amendements s'appliquent plutôt à l'article 6 qu'à l'article 3, l'assemblée décide qu'on ne s'occupera de cet article qu'après qu'on aura voté sur l'article 6. (U. B., 30 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article 4, devenu l'article 3 ; en voici les termes ;
« Art. 4. Le montant des rôles des patentes, tels qu'ils seront établis pour 1831, ne sera recouvrable qu'à concurrence de la moitié des sommes auxquelles les cotes des contribuables auront été portées. »
Il lit ensuite plusieurs amendements ; le prmier, de M. Seron, est ainsi conçu :
« La loi du 21 mai 1819, et autres postérieures sur les patentes, sont rapportées ; il sera établi un nouveau droit de patente analogue au droit qui se percevait en Belgique avant sa réunion à la Hollande. »
Le deuxième, de M. Camille de Smet, porte :
« Le droit de patente ne pourra être exigé avant le 1er juillet 1831. »
Le deuxième de M. Le Bègue, est conçu en ces termes : « Le droit de patente est supprimé. » (U B., 30 déc., A. C., et A.)
- Ces deux derniers amendements ne sont pas appuyés ; celui de M. Seron est appuyé ; il est mis aux voix et rejeté. (U. B., 30 déc.)
- L'article 4 est mis aux voix et adopté avec l'intercalation des mots les six premiers mois, entre pour et 1831. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article 5, maintenant l'article 4 ; il est conçu en ces termes :
« Art. 5. Les contrats de prêts à intérêts, de prêts sur gages, et de prêts sur hypothèques, (page 688) faits au profit de personnes exerçant, à la date du présent décret, une profession industrielle ou commerciale qui assujettisse à patente, ne seront passibles que du droit fixe de quatre-vingts cents pour la formalité de l'enregistrement, et de pareil droit pour celle de l'inscription hypothécaire, lorsque cette dernière sera requise, pourvu toutefois que le prêt ne soit pas stipulé pour un terme qui s'étende au delà du 31 décembre 1832 , et que la radiation de l'inscription soit faite avant le 1er avril 1833. A défaut de cette radiation, l'administration de l'enregistrement devra poursuivre le recouvrement des droits proportionnels établis par les lois actuellement en vigueur. » (U. B., 30 déc., et A. C.)
M. Raikem propose l'amendement suivant : « Les contrats de prêts à intérêts, de prêts sur gages, et de prêts sur hypothèque, faits au profit de personnes exerçant, à la date du présent décret, une profession industrielle ou commerciale sujette à patente, ne seront assujettis qu'au droit fixe de quatre-vingts cents pour la formalité de l'enregistrement, et à pareil droit pour celle de l'inscription hypothécaire, pourvu toutefois que le prêt ne soit pas stipulé pour un terme qui s'étende au delà du 31 décembre 1832.
« A l'expiration de ce terme, le gage et l'hypothèque cesseront de plein droit, à moins que les droits proportionnels d'enregistrement et d'inscription hypothécaire n'aient été payés auparavant.
« Dans le même cas, les actes cesseront d'être exécutoires, et il ne pourra en être fait usage en justice, qu'en payant les droits proportionnels d'enregistrement. » (A.)
- Cet amendement est combattu par M. Jottrand et sous-amendé par M. Lebeau. Après un assez long débat, M. Raikem propose de laisser l'article tel qu'il est, en ajoutant :
« Les poursuites ne pourront être exercées qu'à charge de l'emprunteur. » (U. B., 30 déc., et P. V.)
- L'article ainsi amendé est mis aux voix et adopté. (P. V.)
M. François demande de substituer dans l'article les mots : faits à des personnes, à ceux de : faits au profit de personnes. (J. F., 30 déc.)
- Ce changement de rédaction est adopté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de l'article 6 devenu l'article 5 :
« Art. 6. Il est accordé aux contribuables soumis à l'impôt du personnel, la faculté d'établir leur cotisation, en ce qui concerne les quatre premières bases de l'impôt, savoir : la valeur locative, les portes et fenêtres, les foyers et le mobilier, conformément à celle qui a été admise ou fixée en 1830, à moins qu'il n'ait été fait à leurs bâtiments d'habitation des changements notables qui en auraient augmenté la valeur.
« A l'égard des cinquième et sixième bases (les domestiques et les chevaux), le mode déterminé par l'article 54 de la loi du 28 juin 1822, n° 15, continuera à être observé.
« Les contribuables qui demanderont l'expertise, le recensement ou le dénombrement des objets frappés par les quatre premières bases, ou quelques-unes d'elles, en payeront les frais d'après le tarif contenu en l'arrêté du 29 décembre 1829, inséré au Journal officiel de cette année n° 85. » (U, B., 30 déc., etA. C.)
M. Seron propose l'amendement suivant : « La loi du 28 juin 1822 sur la contribution personnelle est rapportée.
« Il sera établi une nouvelle contribution personnelle et mobilière à répartir entre les communes en raison de leurs forces respectives, et analogue à celle qui existait sous le gouvernement français. » (A.)
- Cet amendement n'est. pas appuyé. (U. B., 30 déc.)
L'article est adopté. (P. V.)
M. Le Grelle présente un amendement ainsi conçu :
« La contribution prélevée sur la servante unique est supprimée. » (A.)
M. Raikem et M. Jottrand reproduisent les amendements qu'ils avaient proposés sur l'article 3. (U. B., 30 déc.)
M. Le Grelle développant son amendement – Je crois que les motifs et le but de mon amendement sont trop connus pour qu'il soit nécessaire de vous en faire sentir toute l'opportunité.
L'excédant présumable des recettes sur les dépenses, joint à la diminution dont le budget des dépenses paraîtra encore susceptible, me donnent l'espoir que les charges du peuple pourront être encore allégées, et parmi ces charges il en est une qui pèse principalement sur la classe respectable des maîtres artisans et de plusieurs marchands de détail, pour lesquels un ouvrier, domestique ou une servante unique sont souvent un objet non de luxe, mais de nécessité. En effet, messieurs, tel ménage, composé d'une famille nombreuse ou d'une femme infirme, ne peut absolument pas se passer du soin d'une personne étrangère. Cependant, l'impôt de quatre florins, très onéreux pour lui, (page 689) est insignifiant pour le trésor, et je me flatte que vous ne refuserez pas d'en décréter l'abolition, d'autant plus que l'homme estimable et laborieux qui préside nos finances ne s'y oppose pas.
C'est spécialement pour la classe intéressante que je signale que l'impôt personnel est une espèce de calamité. Remarquez-le bien, messieurs, ce qui n'est pour le riche qu'une privation insensible, devient pour l'homme d'une médiocre fortune la part du strict nécessaire. Faisons donc servir les économies que nous pourrons effectuer, non au dégrèvement de l'opulence, mais au soulagement de cette partie du peuple qui souffre cruellement de la stagnation du commerce et des travaux, suite inévitable de l'ordre de choses actuel ; employons nos ressources en faveur du père de famille dont le travail assidu suffit à peine à la subsistance de ses enfants, et dont la diminution considérable de bénéfice et de salaire exige que vous songiez aussi à diminuer les charges qu'il supporte.
La même urgence d'adoucir les privations et les souffrances de l'honnête bourgeoisie me fait souhaiter que les deux premiers foyers d'une habitation soient également exempts d'impôts ; cependant la crainte de diminuer trop sensiblement l'excédant de recettes, que notre situation actuelle rend indispensable, m'oblige à ne vous présenter qu'un seul amendement. (E., 31 déc.)
M. Charles de Brouckere – Il me serait très agréable de proposer aussi la suppression de quelque impôt ; si je ne le fais pas, c'est parce que je sais que toute suppression est impossible. .Je viens d'entendre dire que M. l'administrateur général ne s'opposait pas à la suppression proposée par M. Le Grelle. Messieurs, il est facile de défaire pièce à pièce un système de finances, mais en résultat il faudra pouvoir le reconstruire. Je m'oppose pour ma part à l'adoption de l'amendement, et je prouve qu'elle n'est pas praticable. En effet, il y avait gradation dans l'impôt sur les domestiques ; celui qui n'en avait qu'un payait 5 florins d'impôt ; celui qui en avait deux payait 20 florins. Qu'arrivera-t-il, si vous adoptez l'amendement ? Il arrivera que ceux qui avaient deux domestiques n'en tiendront plus qu'un, pour se débarrasser de l'impôt, et qu'au moment où la classe ouvrière est sans travail, vous jetterez sur le pavé une foule de domestiques. (C'est vrai ! Appuyé ! appuyé !) (U. B. 30 déc.)
M. le baron de Stassart – Quelque soit notre désir de diminuer les charges publiques, craignons d'aller trop vite en besogne. Le déficit dont parle M. de Brouckere produirait encore ce fâcheux résultat que nous ne pourrions plus remplir nos engagements envers les fournisseurs, envers les entrepreneurs ; de là des banqueroutes dont la série pourrait être longue et, pour l'avenir, un surcroît de dépenses, à la charge du trésor, parce que nous éloignerions tous les spéculateurs honnêtes. (J. B., 30 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'amendement de M. Le Grelle. (U. B., 30 déc.)
- Un membre – Je propose un sous-amendement ;
« Les célibataires seront exceptés de la réduction proposée. » (Hilarité générale.) (U. B., 30 déc.)
- Ce sous-amendement n'est pas appuyé. (U. B., 30 déc.)
On met aux voix l'amendement de M. Le Grelle ; M. le baron Beyts se lève seul pour le soutenir ; l'amendement est rejeté. (U. B., 30 déc.)
M. Alexandre Rodenbach – Je propose de réduire de moitié ce qu'on paye seulement pour un seul domestique. (U. B., 30 déc.)
M. Raikem développe son amendement. (U. B., 30 déc.)
M. Coghen, administrateur général des finances, observe que ce qui est demandé peut présenter une apparence de soulagement, mais pourrait plus tard devenir une charge. (J. F., 30 déc.)
M. le comte d’Arschot – Il y a toujours du désavantage à parler en faveur d'un impôt, car le meilleur ne vaut rien ; cependant, dans la situation actuelle, il faut des rentrées, et il est impossible d'improviser des diminutions. (J. F., 30 déc.)
M. Jottrand présente au milieu du bruit quelques observations en faveur de son amendement. (U. B., et J. F., 30 déc.)
M. Charles de Brouckere – Messieurs, ma position devient de plus en plus étrange. Pendant quatre ans, j'ai combattu de tous mes moyens des ministres qui venaient proposer de nouveaux impôts, et aujourd'hui je dois combattre un dégrèvement. Cette position est extrêmement pénible. Je l'ai déjà dit et je le répète, je m'oppose à toute réduction, parce que toute réduction est impossible. Nous n'aurons pas trop de toutes les ressources qui nous restent ; vous en aurez la preuve avant six mois. Déjà nous avons aboli des impôts odieux, nous avons proposé les changements que nous avons crus praticables dans les accises ; avec ces réductions, dans six mois, au lieu d'un excédant nous aurons un déficit. Or, allons-nous aujourd'hui faire comme fit autrefois la Hollande, courir de déficit en déficit, et (page 690) impopulariser le gouvernement établi ? M. Raikem, en développant son amendement, nous a rappelé ce qui se dit souvent, qu'en matière de finances deux et deux ne font pas toujours quatre. Je lui réponds : Mais votre moitié non seulement ne fera pas quatre, mais elle ne fera pas la moitié d'un ; car pour prélever la moitié de l'impôt personnel, vous aurez besoin des mêmes rôles et des mêmes frais de perception, qui absorberont certainement la majeure partie de l'impôt réduit. Je m'oppose donc à toute réduction, dussé-je perdre le peu de popularité que je peux avoir acquise par une opposition de quatre ans. (Bravo ! bravo ! Marques générales d'assentiment.) (U. B., 30 déc.)
M. Destouvelles – Messieurs, il n'y a pas cinq minutes que nous avons rejeté l'amendement de M. Le Grelle, qui cependant portait du soulagement à une classe de la société digne de toute notre sollicitude, et un moment après vous voudriez diminuer l'impôt personnel qui frappe principalement sur les grandes fortunes ? (U. B., 30 déc.)
M. le président – M. Alexandre Rodenbach a demandé la parole. (U. B., 30 déc.)
M. Alexandre Rodenbach – J'y renonce pour en finir. (U. B., 30 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire relit l'amendement de M. Raikem. (U. B., 30 déc.)
- Trois membres seulement se lèvent pour l'adoption de cet amendement ; il est rejeté. (U. B., 30 déc.)
Celui de M. Jottrand est ensuite mis aux voix et adopté ; il forme le paragraphe 2 de l'article 3 ; les mots contribution personnelle qui se trouvent dans cet article sont supprimés. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article 7 devenu article 6 :
« Art. 7. La redevance proportionnelle des mines est fixée, pour l'année 1831 , à deux et demi pour cent du produit net. Il en sera tenu un compte particulier au trésor public, et le montant en sera appliqué aux dépenses de l'administration des mines, d'après l'article 39 de la loi du 21 avril 1810. (U. B., 30 déc., et A. C.)
Cet article est adopté avec la substitution des mots : pour les six premiers mois de l'année 1831, à ceux de : pour l'année 1831 , et l'addition des mots : pendant le même terme, à ceux de : produit net. (P. V.)
L'article 8, devenu l'article 7, est pareillement mis aux voix et adopté dans les termes suivants :
« Art. 8. La loi du 3 juin 1830, qui établissait, à partir de l'exercice 1831 , un impôt sur le café, et l'augmentation des accises perçues sur le sel, les vins étrangers, les boissons distillées à l'intérieur, les bières et vinaigres indigènes, le sucre et la contribution personnelle, est rapportée. » (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire : Avant l'article 9, M. Seron propose un article additionnel ainsi conçu :
« L'art. 13 de la loi du 31 mai 1824 est rapportée quant à la réduction à un demi pour cent du droit d'enregistrement sur le prix de vente des coupes de bois et des récoltes sur pied : ce droit sera à l'avenir de 2 p. c., conformément à la loi du 22 frimaire an VII. » (U. B., 30 déc. et A,)
M. Lebeau – Je demande la question préalable sur cet article additionnel ; il a été rejeté comme amendement à un des articles déjà adoptés. (U, B., 30 déc.)
M. Seron M. Raikem, qui avait combattu mon amendement, s'est entretenu un instant avec moi sur ce sujet, et il a été convaincu par les raisons que je lui ai données. Nous sommes d'accord maintenant (U. B., 30 déc.)
M. Raikem – Il est résulté de mon entretien avec M. Seron que ni l'un ni l'autre nous n'avions compris (U, 8., 30 déc.)
M. Seron vivement – Vous, mais si fait moi... (Hilarité générale.) (U. B., 30 déc.)
M. Raikem – Je me trompe ; j'ai voulu dire que ni l'un ni l'autre nous n'avions bien exprimé le but de la loi. (U. B., 30 déc.)
M. Seron – Je l'avais fort bien expliqué, moi. (U. B., 30 déc.)
M. le baron Beyts – J'avais très bien compris M. Seron. (U. B., 30 déc.)
L'article additionnel proposé par M. Seron est mis aux voix et rejeté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article 9 devenu l'article 8, dont voici le texte :
« Art. 9. Le présent décret sera obligatoire à compter du 1er janvier 1831. » (U. B., 30 déc. et A. C,)
M. Raikem propose de dire : le premier janvier, au lieu de : à compter du premier janvier. (A.)
- Ce changement est adopté ainsi que l'article. (P. V.)
M. le président – On va voter sur l'ensemble à l'appel nominal. (U, 8., 30 déc,)
M. Charles de Brouckere – Avant de procéder à l'appel nominal, vous devez demander une lecture du projet tel qu'il est devenu par les amendements, afin de bien voir s'il est tel que vous l'avez entendu, et pour éviter des erreurs (page 691) dans lesquelles sont tombés plusieurs fois les présidents des anciens états généraux. (Appuyé !Appuyé !) (U. B., 30 déc.)
M. Coghen, administrateur général des finances administrateur général des finances – Je remarque qu'on a omis de parler des cents additionnels de la caisse du syndicat. (U. B., 30 déc.)
- Plusieurs députés – Elle n'existe plus. (U. B., 30 déc.)
M. Barthélemy – Ne faut-il pas faire mention que les cents du syndicat continueront d'être prélevés, quoique le syndicat n'existe plus ? (U. B., 30 déc.)
M. Coghen, administrateur général des finances, rédige à ce sujet un article additionnel. (U. B., 30 déc.)
M. Charles de Brouckere – Messieurs, quelques membres ont élevé des doutes sur les cents additionnels prélevés au profit des provinces et des communes. Je rappellerai à ce sujet que les provinces et les communes peuvent s'imposer extraordinairement avec l'autorisation du gouvernement. Il est donc fort inutile que la législature s'en occupe. (U. B., 30 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici la disposition additionnelle à l'article premier :
« Les 13 centièmes additionnels pour la caisse d'amortissement continueront à être perçus comme en 1830. » (U. B., 30 déc., et P. V.)
M. Alexandre Rodenbach – Il n'y a plus de caisse d'amortissement. Il faut dire l'ex-caisse. (U. B., 30 déc.)
M. Destouvelles propose de renvoyer cet article à la commission du budget. (U. B., 30 déc.)
M. Charles de Brouckere – Je répète que les cents additionnels des communes et des provinces pouvaient être prélevés avec l'autorisation du gouvernement, sans toutefois pouvoir dépasser une certaine quotité. Si la loi n'est pas abolie, les cents continueront à être perçus. Si elle est abolie, les provinces pourront s'imposer extraordinairement, sans qu'on ait besoin d'une loi pour la perception. Tous les ans, les états provinciaux envoyaient aux percepteurs l'état de répartition à cet égard, et l'on continuera de procéder ainsi.
Quant aux 15 cents relatifs à la caisse d'amortissement, je dirai que, quoiqu'il n'y ait plus de syndicat, nous avons une liquidation à faire avec la Hollande (murmures) ; cela est hors de doute, messieurs : nous avons d'abord à régler l'ancienne dette, contractée quand nous étions États autrichiens ; elle appartient tout entière à la Belgique : nous avons ensuite la portion de dette contractée pendant la réunion. Les 15 cents seront mis en réserve, et serviront plus tard à notre libération. (U. B.. 30 déc.)
M. Trentesaux – Cet amendement n'est pas nécessaire, puisque l'article premier dit que les impôts existant au 31 décembre continueront d'être recouvrés. (U. B., 30 déc.)
M. Théophile Fallon – Puisqu'il y a doute, rien n'empêche de mettre l'article additionnel aux voix. (U. B., 30 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, relit la disposition proposée par M. Coghen ; elle est adoptée et sera placée entre l'article premier du projet et le paragraphe additionnel déjà adopté. (U. B., 30 déc. et P. V.)
M. Nothomb, secrétaire, donne ensuite lecture de l'ensemble du décret. (U. B., 30 déc.)
On procède au vote par appel nominal.
141 membres répondent à l'appel.
139 votent pour le décret.
2 votent contre.
En conséquence le décret est adopté. (P. V.)
MM. Seron et Jacques sont les deux opposants. (U. B., 30 déc.)
- La séance est levée à cinq heures. (P. V.)