(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page 149) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance s’ouvre à une heure (P.V.)
M. Nothomb, secrétaire donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P.V.)
Il est fait hommage à l'assemblée, par M. Van Ryckegem, imprimeur-libraire à Gand, d'un ouvrage intitulé : « De l'administration de la justice dans le royaume des Pays-Bas, sous le ministère de M. Van Maanen ».
- Dépôt à la bibliothèque. (P. V.)
M. le président – Il est parvenu au bureau une pétition d'un habitant de Bruges, en hollandais ; elle contient des observations sur le projet de constitution. Je propose le renvoi à la future commission des pétitions. (U. B., 18 nov.)
M. Alexandre Rodenbach – Est-ce en hollandais ou en flamand ? (U. B., 18 nov.)
M. le président – Je ne suis pas assez philologue pour répondre à la question de l'honorable membre. (On rit.) (U. B., 18 nov.)
- Plusieurs voix – En flamand. (C., 18 nov.)
- Renvoi à la commission des pétitions. (P.V.)
Il est donné lecture d'une lettre de M. Van de Weyer, ainsi conçue :
« Au congrès national.
« Messieurs,
« Chargé par mes collègues d'une mission à l'étranger, je n'ai pu signer l'acte par lequel ils déposaient entre vos mains le pouvoir qu'ils avaient provisoirement exercé. J'adhère avec d'autant plus d'empressement à cette première déclaration et à l'acceptation des pouvoirs confirmés par le congrès national, que j'avais déjà, avant mon départ, manifesté à mes collègues que je partageais leur opinion à cet égard.
« Agréez, messieurs, l'expression de mon profond respect.
« SYLVAIN VAN DE WEYER. »
« Bruxelles, le 16 novembre 1830. » (A.)
- Pris pour notification. (P.V.)
M. le président : J'ai reçu un message du comité central que je vais avoir l'honneur de vous communiquer.
« Bruxelles, 16 novembre 1830.
« Le gouvernement provisoire de la Belgique, comité central.
« M. Van de Weyer, de retour d'une mission en Angleterre, demande à communiquer au congrès un rapport sur cette mission.
« Pour le comité central,
« F. DE COPPIN. » (U.B., 18 nov. et A.)
M. Destouvelles demande s'il faut que l'assemblée se forme en comité secret. (U. B., 18 nov.)
M. Charles de Brouckere fait observer que le gouvernement ne demandant pas le comité secret, c'est qu'il n'y a aucun inconvénient à ce que ce rapport soit fait publiquement. (U.B., 18 nov.)
- L'assemblée décide que M. Van de Weyer sera entendu en personne. (P. V.)
En attendant qu'il soit introduit, on donne lecture d'une lettre de M. le baron Emmanuel Vander Linden d'Hooghvorst, ainsi conçue :
« Bruxelles, 16 novembre 1830.
« Monsieur le président,
« Les fonctions d'inspecteur général des gardes civiques m'obligeant à me porter sur tous les points (page 150) de la Belgique où ma présence serait jugée nécessaire, il m'est impossible d'accepter le mandat de député au congrès national, dont mes concitoyens m'ont honoré ; je vous prie, monsieur le président, de vouloir communiquer à l'assemblée les raisons qui m'empêchent d'en faire partie.
« J'ai l'honneur d'être, monsieur le président, avec une haute considération.
« M. VANDER LINDEN D'HOOGHVORST. » (C., 18 nov.)
M. Roels, premier suppléant du district de Furnes, et appelé à siéger en l'emplacement de M. le baron de Serret, non acceptant, annonce à l'assemblée qu'une indisposition l'empêche de se rendre au congrès, mais qu'il espère y être sous quelques jours. (U. B. et C., 18 nov.)
M. Blomme, député du district de Termonde, prévient M. le président qu'une affection de cerveau l'empêche d'assister aux séances. (U. B., 18 nov.)
M. le président – Nous attendrons que l'affection de cerveau de M. Blomme soit guérie. (On rit.) (U.B., 18 nov.)
M. de Muelenaere, rapporteur de la première commission de vérification des pouvoirs, propose l'admission de M. Joos, quatrième suppléant du district de Malines, en remplacement de M. de Pauw, non-acceptant. (P. V.)
- Ces conclusions sont adoptées. (P. V.)
Pendant ce rapport, M. Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire, s'approche du bureau et parle successivement à tous les membres.
M. Van de Weyer entre dans la salle, et s'assied au premier banc de gauche, entre MM. Charles Rogier et le baron de Sécus, père.
M. Coppieters, rapporteur de la sixième commission de vérification des pouvoirs, propose l'admission de M. le baron Beyts, suppléant du district de Bruxelles, en remplacement d'un des quatre députés de Bruxelles optants ou non-acceptants. (P. V.)
- Cette admission est prononcée. (P. V.)
MM. Joos et le baron Beyts sont successivement introduits. (U. B., 18 nov.)
M. le président – M. Van de Weyer a la parole. (Profond silence.) (C., 18 nov.)
M. Van de Weyer – Messieurs, je ne m'attendais point à vous exposer aujourd'hui le résultat de ma mission ; si j'avais cru qu'il convînt au congrès de m'entendre dans cette séance, j'aurais préparé un rapport des faits que j'ai à vous raconter. Je vous prie donc d'avoir quelque indulgence pour le compte rendu improvisé que je vais vous faire.
Arrivé en Angleterre le 4 novembre, j'eus connaissance à Douvres du discours du trône ; la couleur hostile de ce discours me fit prendre la résolution de suspendre toute démarche pendant deux ou trois fois vingt-quatre heures, jusqu'à ce que l'opinion publique et celle des membres du parlement se fussent prononcées sur ce discours. En attendant, je vis plusieurs des membres les plus distingués de l'opposition ; je leur racontai tout ce qui s'était passé en Belgique depuis notre glorieuse révolution ; car, il faut le dire, messieurs, les faits avaient été dénaturés de la manière la plus étrange. Cependant l'opinion publique ne tarda pas à se manifester en notre faveur, et, trois jours après mon arrivée, le membre de la chambre des communes qui s'était élevé avec le plus de force contre le discours du trône, sir Hobhouse, m'introduisit auprès de lord Aberdeen. Après avoir exposé à Sa Seigneurie l'état exact des faits, je lui posai nettement la question de savoir si l'Angleterre avait pris une résolution définitive relativement à nos affaires ; il me répondit que l'Angleterre était résolue à faire respecter les traités qui garantissaient la paix et la stabilité de l'Europe, et qu'elle n'interviendrait point tant que ses intérêts et son honneur ne seraient pas compromis.
Je dis alors à lord Aberdeen que déclarer qu'on voulait maintenir les traités et ce qu'on appelait la stabilité de l'Europe, c'était déclarer la guerre ; que la résolution des Belges était de repousser toute intervention, soit diplomatique, soit par la force des armes, et qu'en désespoir de cause, plutôt que de souffrir cette intervention, la Belgique se jetterait dans les bras d'une puissance étrangère.
Lord Aberdeen me répondit que les grandes puissances agissaient d'accord avec la France, et à ce sujet, il me parla de la mission de M. Gendebien ; je crus alors devoir au peuple belge d'agir avec cette franchise qui est le trait distinctif du caractère national : je communiquai à lord Aberdeen les instructions secrètes que j'avais reçues de mes collègues, en lui affirmant sur l'honneur que celles de M. Gendebien étaient absolument les mêmes ; il me dit que le gouvernement provisoire (page 151) s'était mis en contradiction avec lui-même, en offrant la couronne au duc de Nemours. Je niai positivement le fait, en disant que le gouvernement aurait été inconséquent avec ses actes en faisant cette offre, puisque, la convocation du congrès national ayant pour objet de donner une constitution à la Belgique, en offrant la couronne au duc de Nemours, le gouvernement provisoire aurait tranché la question de la forme de notre gouvernement futur, et aurait décidé par avance la question de république et de monarchie sur laquelle cependant il appelait le congrès à délibérer. Je dis qu'il était vrai que M. Gendebien avait dû chercher à connaître l'opinion du cabinet français, pour savoir si, dans le cas où la forme monarchique serait celle de notre gouvernement, la France accepterait la proposition d'élever un de ses princes sur le trône belge, mais que de là à offrir la couronne de la Belgique à un prince quelconque, il y avait une distance immense. Je me retirai alors ; notre conversation avait duré trois heures.
Ma mission était remplie, et je ne cherchai pas à voir d'autres membres du cabinet anglais. Un de nos compatriotes se rendit chez moi et me dit que le prince d'Orange, arrivé à Londres depuis quelques jours, avait manifesté le désir de me voir ; je répondis que, comme membre du gouvernement provisoire, je ne pouvais ni ne voulais avoir aucun rapport avec le prince, mais que, comme citoyen d'un pays sur lequel sa famille avait régné, je voulais bien me rendre chez lui pour recevoir les communications qu'il avait à me faire.
Je me rendis le lendemain chez le prince, et j'eus une longue conversation avec lui : il justifia sa conduite à Anvers, et depuis qu'il avait quitté cette ville ; je lui exposai tous les justes soupçons qu'avait fait naître son voyage à La Haye, et le prince m'ayant demandé si je pensais qu'il eût quelques chances de régner en Belgique, je lui répondis que, dans mon opinion personnelle, lui et tous les membres de sa famille avaient à jamais perdu toute chance d'obtenir un pouvoir quelconque dans notre pays, et que s'il m'interrogeait sur la question de savoir si les Belges le recevraient avec plaisir, je lui répondrais que je ne croyais pas qu’il fût de la prudence pour lui de remettre le pied sur notre sol. Alors le prince me demanda si notre conversation serait rendue publique ; je lui dis que j'étais résolu à ne rien cacher à mes concitoyens, et j'ajoutai que si la conférence que j'avais eue avec lui avait besoin d'explication, elle serait simple et digne ; que je répondrais à mes collègues que, dans la position où se trouvait le prince, il m'avait semblé que c'était un devoir de délicatesse de ne pas la refuser. Le prince entra dans de longs détails sur sa conduite à Anvers, sur les demandes officielles qu'il avait faites à son père ; et nous nous séparâmes. C'est la seule conférence que j'aie eue avec le prince d'Orange, pendant mon séjour à Londres.
Je ne fis pas de nouvelles démarches, je crus qu'il était de la dignité du pays que je représentais de ne point solliciter d'audiences ; mais la même personne qui avait servi d'intermédiaire entre moi et le prince d'Orange, me prévint que le duc de Wellington avait l'intention de m'entretenir des affaires de la Belgique.
Je reçus, en effet, une lettre du duc de Wellington conçue dans les termes les plus flatteurs, et par laquelle S. G. m'annonçait qu'elle m'attendait le lendemain à trois heures.
Le duc de Wellington fut plus précis et plus catégorique que lord Aberdeen sur le principe de non-intervention. M. Hobhouse annonçait pour vendredi prochain une adresse à S. M. B., afin de connaître la pensée de son gouvernement sur les affaires de la Belgique. S. G. me déclara que l'Angleterre n'avait jamais eu l'intention d'intervenir ; que le gouvernement anglais ne prétendait pas exercer d'influence sur le choix du gouvernement de la Belgique, mais qu'il espérait que la forme de ce gouvernement serait telle qu'elle ne compromettrait pas la sûreté du reste de l'Europe. Quant à la France, vous sentez, me dit-il, que l'Angleterre et toutes les autres puissances s'opposeront toujours à votre réunion avec elle. Cette réponse me fut donnée sur ce que j'avais représenté à lord Wellington que, dans le cas d'intervention, nous considérerions notre réunion à la France comme une dernière planche de salut. Bien loin d'être une planche de salut, me dit S. G., ce serait le signal d'une guerre européenne. A quoi je répondis que si quelqu'un redoutait la guerre, ce n'étaient pas les peuples, mais les rois.
Lord Wellington me parla des élections du congrès ; il applaudit à plusieurs choix qui lui semblaient porter ce caractère de sagesse qu'il désirait voir présider aux délibérations de l'assemblée nationale.
Par suite de ces conférences, j'avais acquis la certitude que l'intention des grandes puissances n'était pas d'intervenir ; mais, comme cette certitude devait être rendue plus grande encore par des déclarations publiques que par des assurances données dans des conférences intimes, je me rendis chez M. Hobhouse pour insister auprès de lui (page 152) sur la nécessité de forcer le cabinet anglais à répéter à la face du peuple et devant l'Europe entière la déclaration qui m'avait été faite, et c'est vendredi prochain que M. Hobhouse fera sa motion..
Les explications dans lesquels je viens d'entrer auront pour résultat, je l'espère, de rassurer les esprits. J'ajouterai que j'ai rencontré la plus vive sympathie pour notre belle cause parmi les membres les plus distingués de l'opposition anglaise ; et je puis affirmer à l'assemblée que cette cause trouvera de chauds partisans dans le sein du parlement. (Une triple salve de bravos accueille la fin de ce rapport.) (U. B., 18 nov.)
M. Alexandre Rodenbach – Je propose de voter des remerciements à M. Van de Weyer. (C., 18 nov.)
M. le baron Beyts – Et au gouvernement provisoire. (C., 18 nov.)
- Ces remerciements sont votés par acclamation. (C., 18 nov.)
M. Werbrouck-Pieters – Dans le rapport que vient de nous faire M. Van de Weyer, il n’a pas été question du port d'Anvers ; je demanderai à l'honorable membre s'il pense que la libre navigation de l'Escaut soit accordée par les puissances. (U. B., 18 nov.)
M. Van de Weyer – Lorsque les premières conférences de Londres furent terminées, les grandes puissances firent partir pour la Belgique deux envoyés, afin de faire connaître au gouvernement provisoire le résultat de ces conférences ; ces deux envoyés étaient déjà partis lors de mon arrivée à Londres.
Du reste, la libre navigation de l'Escaut ne me paraît plus être une question ; ce serait renverser toutes les idées de droit public que de s’y opposer, et l'intérêt des puissances de l'Europe est d'accord à cet égard avec le nôtre. Je n'ai point voulu d'ailleurs demander à assister aux conférences ; c'eût été de ma part reconnaître aux autres puissances le droit de s'immiscer dans nos affaires intérieures, et manquer totalement à ma mission. (Bravo !) (U. B., 18 nov.)
M. Jottrand – Je prendrai aussi la liberté de demander un éclaircissement à l'honorable M. Van de Weyer. En parlant de son entrevue avec le prince d’Orange, entrevue de personne privée à personne privée, comme il l'a fait remarquer, le prince, a-t-il dit, expliqua son séjour à Anvers et son départ de cette ville, sa conduite officielle à La Haye et en Belgique. M. Van de Weyer a ajouté, si j'ai bien entendu, que le prince justifia sa conduite. (Murmures dans l'assemblée.) Je désirerais savoir si M. Van de Weyer a voulu dire que les explications données par le prince lui ont paru satisfaisantes, à lui M. Van de Weyer... (Nouveaux murmures. L'ordre du jour ! l'ordre du jour !) (C., 18 nov.)
M. le baron de Stassart – Nous n'avons que faire de la justification de « monsieur » le prince d'Orange. (Hilarité.) Je demande l'ordre du jour. (Murmures, agitation.) (C., 18 nov.)
M. Charles de Brouckere – L'ordre du jour. (U. B., 18 nov.)
M. Trentesaux – Quand on m'aura entendu. Si j'ai bien compris M. Van de Weyer, il a voulu dire que le prince d'Orange avait expliqué de son mieux les raisons de sa conduite ; c'est ainsi que j'ai compris le mot « justifié ». (U. B., 18 nov.)
M. Van de Weyer – J'ai dit que le prince a cherché à expliquer sa conduite. Du reste, j'ai peu insisté ; la position du prince m'imposait le devoir de délicatesse de ne pas insister, et j'ai cru qu'il était convenable d'avoir, pour la situation où il se trouvait, les égards que j'aurais eus pour tout autre. (U. B., 18 nov.)
M. Jottrand. L'explication me suffit (murmures). Je crois que l'assemblée pouvait avoir intérêt à s'éclairer sur la question que j'ai pris la liberté de faire à notre honorable collègue. Dans tous les cas, je crois avoir eu le droit de demander l'explication pour mon instruction personnelle. (C., 18 nov.)
M. de Robaulx demande la parole ; elle est à M. Nothomb. (U. B., 18 nov.)
M. Nothomb – Je prendrai la liberté d'adresser, en ma qualité de député du Luxembourg, une question à M. Van de Weyer analogue à celle de M. Werbrouck-Pieters. Lord Wellington et lord Aberdeen savent-ils que le gouvernement provisoire a pris possession du grand-duché et ont-ils manifesté leur opinion à cet égard ? (C., 18 nov.)
M. Van de Weyer – Je n'ai pas demandé aux membres du cabinet anglais s'ils avaient connaissance de la prise de possession du Luxembourg, parce qu'il me semble que c'eût été leur faire une question indiscrète ; en effet, les actes relatifs à cette prise de possession ont été publiés, et il n'eût pas été convenable de demander à des ministres anglais s'ils avaient connaissance d'un événement aussi important : il était difficile, je crois, qu'ils n'en fussent pas instruits.
(page 153) Dans ma conversation avec lord Aberdeen, S. S. lâcha le mot de Luxembourg, et je m'empressai de lui dire qu'il devait avoir vu par nos actes, à l'égard de cette province, que nous respections religieusement la foi des traités. La réponse de lord Aberdeen fut tout à fait diplomatique : ce fut, messieurs, un signe de tête. (U. B., 18 nov.)
M. de Robaulx – Au rapport précis et lumineux que vient de faire l'honorable M. Van de Weyer, je voudrais qu'il voulût bien ajouter quelques éclaircissements sur l'armistice proposé par les diplomates assemblés en Angleterre. Je demande ces explications si toutefois l'objet de la mission de l'honorable membre s'est étendu jusque-là.
Vous le savez, messieurs, le protocole qui nous a été communiqué tendait à ce qu'un armistice eût lieu pour arrêter l'effusion du sang ; les termes de cette déclaration étaient de faire retirer les Hollandais au delà de la ligne qui formait la séparation des deux pays avant 1814 ; par là Maestricht et Anvers seraient évacués. Il est très essentiel de connaître si cet armistice a été accepté, et quand il sera exécuté, afin que la ville d'Anvers cesse enfin d'être sous le canon du général Chassé, et que cet état de choses ne serve plus de prétexte aux peureux pour dominer les discussions et empêcher les motions dans l'intérêt de la sûreté du pays. (E.. 18 nov.)
M. Van de Weyer – L'armistice était en dehors de ma mission. Je l'ai déjà dit et je le répète je ne pouvais assister aux conférences tenues à Londres. Ceci regarde le gouvernement provisoire qui a reçu des communications à cet égard. (C., 18 nov.)
M. de Robaulx – Répondez alors comme membre du gouvernement provisoire. (C., 18 nov.)
M. Van de Weyer – Je suis de retour à Bruxelles depuis hier, et vous devez savoir mieux que moi ce qui se passe en deçà du détroit. (C., 18 nov.)
M. Werbrouck-Pieters – Il faudra nous adresser au gouvernement provisoire. (C., 18 nov.)
M. Forgeur rappelle qu'aux termes du règlement les communications avec le gouvernment provisoire se font par message. (C., 18 nov.)
M. Destouvelles – L'assemblée doit prier M. Van de Weyer de rédiger son rapport pour le faire imprimer. (Appuyé.) (C., 18 nov.)
M. Van de Weyer – Je me ferai un devoir de me rendre aux désirs de l'assemblée. (U. B., 18 nov.)
M. le président – L'ordre du jour est le rapport de la section centrale sur la proposition de M. Werbrouck-Pieters, relative à l'inviolabilité des députés (J. B., 18 nov.)
M. de Muelenaere fait ce rapport. Il en résulte que la majorité des membres de la section centrale est contre cette proposition. M. de Muelenaere finit en disant – Le rapport de la section centrale doit-il se borner à un simple résumé des avis de toutes les sections ? ou bien doit-il être raisonné et contenir des conclusions ? (C., 18 nov.)
M. Werbrouck-Pieters : J'ai dit pourquoi je faisais ma proposition. Maintenant je calcule d'après le rapport de la section centrale qu'elle ne sera pas adoptée, et pour épargner au congrès une discussion inutile, je la retire. (Hilarité.)(V. P., 18 nov.)
M. le président : Ainsi la proposition sera considérée comme non avenue. (V. P., 18 nov.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII et M. Forgeur pensent que la proposition ne peut plus être retirée ; que l'assemblée doit prendre une résolution pour ou contre. (C., 18 nov.)
- L'ordre du jour sur la proposition de M. Werbrouck-Pieters est mis aux voix et adopté à l'unanimité (P. V.)
M. le président : Messieurs, vous m'avez autorisé à nommer des questeurs pour tout ce qui a rapport aux détails de l'administration intérieure de ce palais et de la salle de vos séances ; je prie en conséquence MM. Barthélemy, de Baillet, Huysman d'Annecroix et de Robaulx de se charger de ces fonctions. (V. P., 18 nov.)
- Plusieurs membres – Il reste la proposition de la section centrale. (C, 18 nov.)
M. de Muelenaere – Je n'ai pas fait de proposition, mais la section centrale a élevé un doute. (C., 18 nov.)
M. Le Hon – La section centrale a soulevé une question d'ordre ; c'est une interprétation du règlement, il est urgent que nous nous en occupions. (C., 18 nov.)
M. Van Meenen – La section centrale n'a pas fait de proposition dans les formes voulues ; je m'offre au reste à déposer la proposition conformément au règlement. (C., 18 nov.)
M. Charles de Brouckere – Toute motion est inutile ; la question est résolue par le règlement. La section centrale est instituée pour faire un rapport ; lire les procès-verbaux de toutes (page 154) les sections n'est pas faire un rapport, mais une lecture ; la section centrale devient inutile. (C.. 18 nov.)
M. Le Hon – Je partage l'opinion du préopinant. C'est ainsi que procède la chambre des députés de France. (C., 18 nov.)
M. le baron de Stassart est de l'avis des préopinants. (Aux voix ! aux voix !) (J. F., 18 nov.)
- L'assemblée décide que la section centrale doit toujours faire un rapport raisonné et prendre des conclusions. (P. V.)
- Un des secrétaires donne lecture de la proposition de M. le comte de Celles, tendant à ce que le congrès déclare l'indépendance du peuple belge, et qu'il ne se séparera pas avant d'avoir consolidé la liberté de la patrie. (J. F., 18 nov.)
M. le comte de Celles développant cette proposition. – L'indépendance du peuple belge est un fait, le gouvernement provisoire l'a déclaré ; mais il n'est pas inutile que le congrès national fasse la même déclaration de la manière la plus solennelle. En 1814 on a annexé la Belgique, sans la consulter, à la Hollande comme « accroissement de territoire ». Ce n'était ni dans l'intérêt de la Hollande, ni dans l'intérêt de la maison d'Orange, c'était pour la détacher de la France. Je veux que la Belgique ne serve d'accroissement à aucun pays, et qu'elle ne redevienne jamais département français. Nous avons autrefois formé un Etat indépendant sous la Maison d'Autriche, nous devons y revenir. Une déclaration de notre part en 1830 sera une réclamation de ce que nous avions droit d'obtenir en 1814. Nous avons perdu en 1814 notre indépendance dans la préoccupation d'une idée qui n'existe plus. Le traité de Londres qui avait constitué le royaume des Pays-Bas a été violé, il ne lie plus personne. Je ne crois pas avoir besoin de vous donner de plus amples développements sur le premier point de ma proposition. Quant au second point, qui consiste dans la déclaration que nous ne nous séparerons qu'après avoir donné une constitution définitive à la Belgique, elle se justifie assez par elle-même ; c'est un gage que nous donnons à la nation. (Bravo ! bravo !) (C., 18 nov.)
- La proposition de M. le comte de Celles est renvoyée à l'examen des sections. (J. F., 18 nov.)
M. le président. Il va vous être soumis une proposition de M. Constantin Rodenbach. (E., 18 nov.)
Un des secrétaires donne lecture de cette proposition qui tend à ce que le congrès déclare tous les membres de la famille de Nassau exclus à perpétuité de tout pouvoir en Belgique.
- Cette proposition est renvoyée à l'examen des sections. (P. V.)
Un des secrétaires donne lecture d'une proposition de M. Pirson, relative à la déchéance du roi Guillaume et de ses descendants de tout droit au gouvernement de la Belgique.
La proposition est renvoyée à l'examen des sections. (J. B., 18 nov.)
M. Jottrand demande à changer la rédaction de la proposition de M. de Celles, et à dire que l'assemblée confirme, en tant que de besoin, l'indépendance de la Belgique. (U. B., 18 nov.)
M. le comte de Celles – Je ne comprends pas qu'il puisse être fait un amendement à une proposition renvoyée aux sections. (E., 18 nov.)
M. de Robaulx croit que, d'après le règlement, on peut toujours faire des amendements. (C., 18 nov.)
M. Forgeur, Tout est consommé, la décision est prise, et on ne peut plus y revenir. (C., 18 nov.)
M. Destouvelles et M. Henri de Brouckere demandent le rappel au règlement. (E., 18 nov.)
M. Van de Weyer pense qu'il serait plus régulier d'examiner d'abord la proposition, puis les amendements et sous-amendements ; mais il s'agit d'aller vite, et un peu d'irrégularité ne nuit pas si elle nous fait gagner du temps. (C., 18 nov.)
- L'assemblée passe outre. (C. 18 nov.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt fait la proposition suivante :
« Je demande que l'assemblée décide qu'elle se réunira en sections pour examiner le projet de (page 155) constitution fait par la commission nommée par le gouvernement provisoire ;
« Que les rapports de chaque section ainsi que celui de la section centrale seront imprimés et distribués ;
« Que deux jours après la distribution de ces rapports, l'assemblée se réunira de nouveau en sections ; que les procès-verbaux de cette nouvelle délibération et le rapport de la section centrale seront également imprimés et distribués ;
« Que la section centrale procédera ensuite, s'il y a lieu, à la rédaction d'un projet de constitution sur lequel la discussion sera ouverte en séance publique, article par article ;
« Que la discussion publique ne commencera que cinq jours après la distribution du nouveau projet. »
« B. DE THEUX. » (C., 18 nov.)
- Cette proposition n'est pas appuyée. (J. F., 18 nov.)
M. le président va mettre aux voix l’ordre de discussion des propositions. (E., 18 nov.)
M. Constantin Rodenbach réclame la priorité en faveur de sa proposition relative à l'exclusion des membres de la famille d'Orange, sur celle relative à la forme du gouvernement ; il pense que cette priorité est exigée par des considérations morales et politiques ; il développe cette pensée. (E., 18 nov.)
M. Forgeur – Comme il n'est pas dans mes principes, non plus que dans ceux de l'honorable préopinant, je le présume du moins, de capter une vaine popularité, je demande la priorité pour la première proposition, qui, logiquement parlant, doit avoir le pas sur celle qu'on vous propose de discuter. En effet, vous aurez à décider quelle sera la forme du gouvernement ; vous aurez à vous prononcer entre la république et la monarchie : or, si vous vous prononcez pour la république, il est évident que la décision de cette question emporte l'exclusion des Nassau et rend la solution de la deuxième proposition tout à fait inutile. (Non ! non !) Je dis que l'exclusion comme chef héréditaire sera prononcée, et si le chef de l'État est électif, de quel droit voudriez-vous, par avance, limiter le choix des électeurs ? A Dieu ne plaise que j'aie la pensée d'appeler jamais un prince de cette famille ! Mais je crois que nous n'aurions pas le droit d'exclure par avance un homme, quel qu'il soit, du choix du peuple, et que la question de l'exclusion de la famille d'Orange n'a d'utilité que dans le cas de l'établissement d'une monarchie. (U. B., 19 nov.)
M. de Robaulx – La question qui se présente ici est grave ; vous le voyez, messieurs, on recule devant l'idée d'examiner les titres de la famille de Nassau ; on veut auparavant décider si nous aurons une république ou une monarchie. Si la même pensée vous anime, pourquoi ces rtards ? Le sang qui a coulé en Belgique a rendu cette famille incapable, indigne de la royauté comme de la présidence ; il faut qu'une décision solennelle le proclame : plus de Nassau à jamais ! Alors le peuple belge sera en présence de lui-même, et sans préoccupation délibérera sur son avenir. Alors nous n'aurons plus à craindre les intrigues, les suggestions. On me suggère qu'on distribue de l'argent ; je n'en sais rien, mais alors nous n'aurons plus rien à craindre de ces moyens perfides. (U. B., 19 nov.)
M. Lebeau – M. de Robaulx a développé une grande partie des arguments que je me proposais de vous exposer. Si vous voulez que la question de monarchie et de république soit résolue d'une manière qui lui soit propre, il faut écarter la question de personne : lorsque cette question de dynastie sera résolue, un puissant germe de défiance sera banni du pays ; alors nous pourrons procéder sans préoccupation au choix de la forme de gouvernement qui convient le mieux à nos mœurs, à nos habitudes, à notre position géographique : quelques-uns d'entre nous ne seront plus placés dans la nécessité de sacrifier le désir de la monarchie à la crainte de la guerre civile ; cette question vitale sera dégagée d'éléments étrangers ; vous aurez détruit un germe fécond et dangereux de mécontentement, et les esprits, plus libres, se rapprocheront sans peine pour fonder l'avenir de notre patrie. (U. B., 19 nov.)
M. l’abbé de Foere s'oppose aux conclusions de M. Forgeur. Il pense qu'en principe l'établissement d'une république n'emporte pas l'exclusion de la famille déchue ; il faut que cette exclusion soit solennellement prononcée. (E., 18 nov.)
M. Charles Le Hon – Connaissant l'état des esprits au dehors, voyant l'agitation au dedans, je ne puis qu'appuyer de toutes mes forces la priorité ; je demande que la question de personne disparaisse. .
J'avais encore quelques observations à vous faire, mais le fil de mes idées est interrompu. (U. B., 19 nov.)
M. le baron de Stassart – Le préopinant est-il pour la priorité ? (U. B., 19 nov.)
M. Charles Le Hon Je ne croyais pas avoir été obscur à ce point. (On rit.) (U. B., 19 nov.)
M. Pirson se prononce avec force pour la (page 156) priorité. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 19 nov.)
M. Charles Le Hon – J'avais une question à vous présenter : la citadelle d'Anvers est-elle évacuee ? (U. B., 19 nov.)
M. Forgeur – Je vis dans une atmosphère telle que je suis étranger aux intrigues du dehors. Dans ce que j'ai dit, je n'ai vu qu'une question de temps : j'ai pu ignorer que le pays était livré à des intrigues dont je n'ai jamais eu vent. Quant à mes opinions, elles sont connues. (L'orateur insiste sur ce mot. - Signes de doute.) (E., 18 nov.)
- Un membre – Si j'habitais la province qu'habite M. Rodenbach, je voterais pour la priorité ; mais je suis citoyen d'Anvers, et cette ville est menacée par le canon de la flotte, de la citadelle et des forts : je demande que la priorité soit donnée à la proposition de M. de Celles. (U. B., 19 nov.)
M. Le Grelle – Je répondrai à un honorable préopinant, M. Charles Le Hon, que la citadelle d'Anvers n'est pas évacuée… Quant à la proposition de M. Rodenbach, je lui conteste la priorité, la regardant comme « intempestive », « inutile » et « dangereuse ».
« Intempestive », puisque ce ne sera qu'après que les devoirs et les prérogatives du chef de l'Etat auront été tracés dans la constitution que le congrès national est appelé à donner au peuple belge, que nous pourrons nous occuper du choix du chef ou des chefs de l'Etat. Jusqu'à ce jour mémorable, aucune exclusion ne me paraît devoir être prononcée ; agir autrement, serait s'exposer au juste reproche d'avoir substitué la précipitation, la légèreté, la passion, au calme, à la sagesse et à la maturité qui devront nous guider dans une aussi importante, une si solennelle délibération.
Si tous les membres de la famille d'Orange doivent renoncer à régner sur nous, proclamons-le, non dans ce moment, où, à peine réunis, l'expression de nos sentiments pourrait être envisagée par l'Europe comme un effet de haine et d'exaltation, mais après quelques jours, lorsque, ayant élevé, dans une constitution toute libérale, un monument durable de sagesse et de prévoyance, nous aurons acquis des titres à l'estime de la nation et de la postérité.
Ce n'est point, messieurs, que mon opinion soit liée à la conservation d'un membre de la famille d'Orange ; je n'ai pris à cet égard aucun engagement, ni avec les électeurs qui m'ont honoré en me faisant asseoir parmi vous, ni avec moi-même. Entré dans cette auguste enceinte, plein d'indépendance et de liberté, je me réserve de former, de mûrir mon opinion par le concours de toutes vos lumières, et de n'obéir, en votant, qu'à ma seule conviction.
Je crois que la proposition est « inutile », parce qu'en procédant au choix du chef ou des chefs de État, le congrès national prononcera de fait l'admission ou l'exclusion de la famille d'Orange.
Enfin, messieurs, la proposition de M. Rodenbach me paraît « dangereuse », parce qu'elle est susceptible de nuire en quelque sorte au succès des négociations si heureusement entamées à Londres, et qu'elle pourrait en même temps élever un obstacle à la prochaine évacuation de la citadelle d'Anvers, que les troupes hollandaises occupent malheureusement encore. Songez, messieurs, aux souffrances inouïes que mes concitoyens ont éprouvées ; songez à l'horrible embrasement de cette cité, jadis opulente, et de son vaste entrepôt, dont les ruines et les débris fument encore ; songez qu'au moment où vous siégez en paix sur vos bancs honorables, des milliers de fugitifs errent sans pain, sans asile ; songez enfin que toute la population anversoise réclame de vous le repos et la liberté, dont elle ne jouira jamais, tant que d'inexorables soldats pourront, en conservant la citadelle, tenir suspendue sur sa tête l'épée de Damoclès. (U. B., 19 nov.)
M. Destouvelles – Comme député du Limbourg, je viens vous faire la même demande : cent cinquante bouches à feu menacent la malheureuse ville de Maestricht et demain peuvent être tournées contre ses habitants ; et, dans une semblable position, vous iriez, par une déclaration prématurée, compromettre le sort des habitants de toute une cité !
Dans quelques jours peut-être, Maestricht sera évacué : ce délai ne nuit en rien à la question, qui n'est pas d'urgence, et tôt ou tard les suffrages de cette assemblée feront justice à qui il appartient. Mais, je le répète, Cent cinquante bouches à feu mnacent Maestricht, et il est de mon devoir de prévenir les calamités qui pourraient suivre votre résolution. Je le sais, je ne représente pas ici une province, néanmoins je dois prendre en considération l'état de celle à laquelle j'appartiens. Le mandat que j'ai reçu ne doit pas être une source de malheurs pour mes mandataires. D'ailleurs l'ajournment ne préjuge rien ; ce n'est qu'une haute msure de sagesse. (U. B., 19 nov.)
M. Constantin Rodenbach dit quelques mots en faveur de la priorité. (U. B, 19 nov.)
M. Nothomb – Quatre propositions vous sont soumises ; la première est relative à l'indépendance de la Belgique ; la deuxième à la déchéance de Guillaume 1er ; la troisième à la forme du (page 157) gouvernement ; la quatrième à l'exclusion de tous les membres de la maison d'Orange. Je crois que c'est dans cet ordre qu'il faut les discuter, et j'ose les comprendre toutes dans l'examen qui vous occupe maintenant. Notre tâche est double ; nous devons détruire, puis fonder. Notre tâche est restée complète. Le gouvernement provisoire a-t-il déclaré l'indépendance de la Belgique ? a-t-il prononcé la déchéance de Guillaume ? Non ; comme pouvoir provisoire, il nous a laissé le soin de prendre ces deux mesures préliminaires, qui rompront définitivement le contrat de 1815. (Murmures. - Il est rompu.) J'entends des murmures, c'est qu'on ne me comprend pas. Les effets du contrat de 1815 ne sont encore que suspendus, c'est à la représentation nationale de l'anéantir à jamais, en déclarant la Belgique indépendante et Guillaume 1er déchu. C'est par là qu'il faut commencer. Puis nous aborderons l'ordre nouveau, nous examinerons la question de forme, celle de personne. Ce n'est pas que je recule devant cette dernière question ; mais, en bonne logique, je ne crois pas qu'elle doive primer toutes les autres. (U. B.. 19 nov.)
M. le baron de Stassart – Après les mémorables journées de Bruxelles, après tous les prodiges de courage et de patriotisme qui ont signalé notre glorieuse révolution, comment révoquer en doute ce que peut l'héroïsme du peuple belge ? Namur n'a-t-il pas présenté le spectacle d'une garnison de 3,500 hommes, désarmée par quelques bourgeois, et ces bourgeois ne se sont-ils pas rendus maîtres, en moins de vingt-quatre heures, d'un château formidable ? Les Anversois et les habitants de Maestricht sont également Belges ; ils se montreront dignes de ce nom ; ils sauront se débarrasser aussi de leurs oppresseurs et de leurs citadelles. Gardons-nous seulement d'imprimer un caractère de mollesse à leurs résolutions. Ah ! si les forteresses dont on nous parle ont des vivres pour six semaines, pour six mois, faudra-t-il que nos anxiétés, que les incertitudes de notre avenir se prolongent ? On vous a dit que l'exclusion des Nassau pouvait nuire aux négociations diplomatiques... Je pense le contraire ; il est indispensable d'ailleurs que l'Europe sache positivement que nous ne voulons plus des Nassau et qu'aucune puissance sur la terre ne pourra nous en imposer le joug. (Vifs et nombreux applaudissements.) (J. B, 18 nov.)
M. le comte d’Arschot – Il nous a été donné communication de négociations diplomatiques ; nous comptons sur un armistice, sur une évacuation complète du territoire ; pourquoi ne pas attendre les résultats de ces négociations que nous pourrons connaître dans quelques jours ? Les habitants d'Anvers ne peuvent rien contre la citadelle ; ils ne feraient que des tentatives inutiles. Le courage ne suffit pas ; un homme du plus grand courage, M. Charles Rogier, a reconnu son impuissance dans les journées d'octobre. Ne nous exposons pas à verser des larmes de rage et d'impuissance, pour n'avoir pas su différer de quelques jours. Rien d'ailleurs n'est préjugé. La question reste entière, nous n'en compromettrons pas la solution, et nous sauverons deux villes qui doivent passer en notre possession. (U. B., 19 nov.)
M. Claes (d’Anvers) répond à M. de Stassart qu’apparemment il ne connaît point la citadelle d'Anvers, que loin d'être à la veille de se rendre faute de vivres, elle peut se ravitailler par l'Escaut, de manière à tenir des années. L'orateur insiste sur le danger que courent les habitants ; et il pense qu'il convient d'attendre que les troupes hollandaises se retirent en vertu d'un armistice. (J. B., 18 nov.)
M. le baron de Stassart – Je crois n'avoir pas été compris par l'honorable préopinant. Je n'ai point dit que les forteresses capituleraient faute de vivres ; j'ai manifesté la crainte, au contraire, que, par des approvisionnements considérables, elles ne prolongeassent l'état actuel des choses ; il ne s'agirait plus alors d'exposer une ou deux villes, mais bien de sacrifier la patrie tout entière. Pénétrons-nous enfin de la célérité qu'exige notre réorganisation sociale. Nul doute que les troupes hollandaises ne se retirent, si le congrès national, dans cette circonstance, se prononce avec la vigueur convenable ; si nous paraissons les craindre, au contraire, elles prolongeront leur séjour pour faire revivre des espérances et favoriser des manœuvres qu'il nous importe de déjouer. - L'orateur, après avoir donné quelques autres développements à son opinion, insiste pour que la priorité soit accordée à la proposition d'exclure les Nassau. (On applaudit. - Bruit.) (J. B., 18 nov.)
M. le président demande le silence – J'espère, dit-il, que l'on ne me forcera jamais par le tumulte à lever la séance, comme j'y suis autorisé par le règlement. C'est surtout aux tribunes que je recommande la tranquillité. (V. P., 18 nov.)
M. Jottrand – Je crois que, pour ce qui regarde Anvers et Maestricht, le mal est déjà fait, si toute fois l'on doit redouter quelque mal, pour ces deux villes, d'une décision quelconque de cette assemblée. Si l'ennemi a l'intention de faire dépendre le sort de ces deux villes de ce qui se passera ici, (page 158) les discussions actuelles auront déjà produit l'effet qu'on semble redouter. Pour ma part, je pense que la question d'Anvers et de Maestricht est inutile à examiner. Mais examinons si les partisans de la république ne seraient pas ceux qui voudraient tirer le plus grand parti des résultats qu'on attend de la discussion sur la proposition de M. Rodenbach. Ils auraient peut-être alors, dans leur opinion, meilleur marché de la question monarchique. Je pense donc qu 'il vaut mieux discuter la question de la forme du gouvernement avant celle de l'exclusion de la maison d'Orange. (U. B., 19 nov.) .
M. Lebeau – Je demande la priorité ; il me paraît d'autant plus naturel de la demander, que maintenant l'effet que pourra produire notre décision ne sera pas autre que celui que produira cette discussion.
Peut-être, si la proposition n'avait pas été émise, il aurait été utile de l'ajourner ; mais maintenant je vote pour qu'elle soit immédiatement résolue. Elle tend à convertir le général Chassé en un rebelle, en un brigand qui n'a plus de droit que celui d'un forban. Ne voyez-vous pas que l'on s'appuie sur l'espèce d'incertitude qui existe encore sur les espérances des Nassau, pour conserver ces deux forteresses ? C'est un prétexte qu'il faut détruire.
Quant à la crainte d'un nouveau bombardement, elle me paraît chimérique. (M. Lebeau termine avec beaucoup de force cette improvisation.) (U. B., 19 nov.)
M. Van de Weyer – Je ne crains pas de nouveaux désastres ; l'incendie d'Anvers a été un acte de vengeance qui ne peut se renouveler et qui a excité l'indignation même dans l'âme des diplomates. Si le roi de Hollande exterminait Anvers, il se placerait hors de l'humanité et romprait les derniers liens qu'il peut avoir avec l'Europe. Je dirai un mot sur l'imputation de mauvaise intention que j'ai entendu faire ; de pareilles accusations rendent les discussions parlementaires impossibles. Personne ne doit être supposé animé de mauvaises intentions. (U. B., 19 nov.)
M. d’Hanis van Cannart craint d'exposer Anvers à un nouveau bombardement et veut attendre la conclusion de l'armistice. (U. B., 19 nov.)
M. de Robaulx – Il me sera facile de répondre aux moyens employés contre la priorité réclamée ; en effet, les adversaires de cette priorité qui demandent à ajourner la question d'exclusion ont pris eux-mêmes le soin de réfuter leurs propres objections ; ils disent qu'il serait dangereux de prononcer l'exclusion tant qu'Anvers et Maestricht ne sont pas en notre pouvoir ; et plus loin ils nous disent que ces forteresses sont si bien approvisionnées que dix ans de siége ne pourraient les réduire par la force.
Il suit de là que si les commandants de ces forteresses s'aperçoivent que le congrès craint leurs menaces, ils se maintiendront et nous donneront la loi.
Je ne partage pas les prévisions sinistres que l'on veut nous faire envisager. Il ne faut pas croire que les commandants des forteresses rendent Anvers et Maestricht responsables de nos délibérations ; l'humanité répugne à de pareilles suppositions. Ce sont des raisonnements dictés par la peur. (E., 19 nov.)
M. le président – Je prie l’honorable orateur de ne pas supposer que le sentiment de la peur entre pour quelque chose dans les délibérations de l’assemblée. (U. B., 19 nov.)
M. de Robaulx – Eh bien, je dis que ce sont des raisonnements dictés par la crainte, et une crainte mal fondée, ce qui revient au même.
Avant de finir, je dois répondre à un honorable préopinant (M. Jottrand), qui a insinué que si on déclarait les Nassau déchus et exclus du gouvernement futur de la Belgique, il s'ensuivrait que si le congrès votait la monarchie, on serait dans l'embarras pour trouver quelqu'un pour occuper le trône.
Je signale cette objection, parce qu'elle signifie que celui qui l'a faite pense à la possibilité de l'élection des Nassau, ce qui me fortifie dans l'opinion qu'il faut détruire cette possibilité. (E., 19 nov.)
M. Destouvelles – Je ne partage pas la sécurité de M. Van de Weyer ; le roi de Hollande peut et doit tenter un dernier coup de désespoir. Nous ne perdons rien à attendre quelques jours, nous avons tout à gagner. Vous établiriez la constitution sur les ruines fumantes de deux villes ; je ne veux pas la responsabilité de ces désastres, je vous la laisse tout entière. Je ne fais pas d'appel aux passions ; je veux temporiser, je veux sauver deux provinces en ajournant de quelques jours une décision qui me paraît certaine au fond. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 19 nov.)
- La discussion est close. (E.. 18 nov.)
M. le président prévient l'assemblée qu'il va mettre aux voix la question de priorité entre la proposition relative à la forme du gouvernement, et celle ayant pour objet l'exclusion des Nassau. (E., 18 nov.)
M. Seron demande que la question soit ainsi posée : Donnera-t-on la priorité à l'exclusion ? (E., 18 nov.)
M. le comte Duval de Beaulieu (page 159) appuie la question posée par M. Seron. (E., 18 nov.)
M. Van de Weyer trouve que la question a été nettement posée par M. le président. (E., 18 nov.)
- L'assemblée décide qu'elle votera sur la question telle qu'elle est posée par M. Seron. (E., 18 nov.)
L'obscurité est complète on a placé quelques lumières sur le bureau.
M. le président – Nous ne pouvons procéder par assis et levé, je ne vois plus personne. (U. B., 19 nov.) .
- On procède à l'appel nominal : 174 membres y répondent ; 77 votent pour la priorité, 97 contre.
En conséquence, la priorité réclamée en faveur de la proposition sur l'exclusion des Nassau est rejetée. (P. V.)
(Mouvement marqué de surprise dans une portion de l'assemblée et aux tribunes publiques.)
Ont voté pour : MM. l'abbé Andries, Barbanson, Beaucarne, de Behr, Béthune, le baron Beyts, Blargnies, Bredart, Buylaert, Buyse-Verscheure, le comte de Celles, Charles Coppens, le baron de Coppin, l'abbé Corten, l'abbé Van Crombrugghe, David, Defacqz, l'abbé Dehaerne, de Decker, Deleeuw-Dupont, de Lehaye, de Man, le vicomte Desmanet de Biesme, Eugène de Smet, l'abbé J. de Smet, Destriveaux, Devaux, Du Bus, Théophile Fallon, l'abbé de Foere, François, Fransman, Alexandre Gendbien, Jean-Baptiste Gendebien, Geudens, Goethals-Bisschoff, Goffint, Helias d'Huddeghem, Henry, Van Hoobrouck de Mooreghem, le baron d'Huart, Jacques, de Labeville, Le Bon, Lebeau, Van der Looy, Marlet, Masbourg, le baron de Meer de Moorsel, Mulle, le comte Werner de Mérode, le comte Félix de Mérode, Morel-Danheel, l'abbé Wallaert, de Nef, Nalinne, Ooms, Pirson, Peeters, l'abbé Pollin, Raikem, de Robaulx, Constantin Rodenbach, Alexandre Rodenbach, Charles Rogier, Seron, Speelman-Rooman, le baron de Stassart, de Thier, Trentesaux, Vandorpe, l'abbé Verbeke, l'abbé Verduyn, Vergauwen-Goethals, Verwilghen, Wannaar, Van de Weyer.
Ont voté contre : MM. le comte d'Arschot, Allard, le comte d'Ansembourg, le comte de Baillet, Baugniet, Van der Belen, le comte de Bergeyck , l'abbé Boucqueau de Villeraie , le vicomte de Bousies de Rouveroy, Henri de Brouckere, Cauvin, Jean - Baptiste Claes, Claus, Henri Cogels, Albert Cogels, Collet, de Coninck, Coppieters, d'Hanis van Cannart, Dams, de Ryckere, Delwarde, Camille de Smet, Destouvelles, de Ville, Domis, Du Bois, Dumont, le comte Duval de Beaulieu, Fendius, Fleussu, Forgeur, Gelders, Gendebien (père), d' Hanens-Peers, Dhemptinne, Rennequin, le baron Joseph Vander Linden d'Hooghvorst, Huysman d'Annecroix, Janssens, Gustave de Jonghe, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Jottrand, Joos, de Langhe, Le Bègue, Leclercq, Le Grelle, François Lehon, Charles Le Hon, Lesaffre, le baron de Leuze, le baron de Liedel de WeIl, Liedts, Maclagan , Van Menen, de Muelenaere, Nagelmackers, Nopener, Nothomb, Olislagers de Sipernau, le baron Osy, le baron de Pélichy Van Huerne, Peemans, Pirmez, Pettens, le comte de Quarré, le comte de Renesse, le marquis de Rodes, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Roeser, de Roo, de Rouillé, de Sebille, de Schiervel, le baron Frédéric de Sécus, de Selys Longchamps, Serruys, le baron de Stockhem, le baron Suri et de Chokier, le baron de Terbecq, de Tiecken de Terhove, le chevalier de Theux de Meylandt, Thienpont, Thorn, le marquis de Trazegnies, Van Innis, Van Snick, Vander Linden, Hippolyte Vilain XIIII, le vicomte Charles Vilain XIIII, le baron de Viron, Werbrouck-Pieters, le baron de Woelmont, Wyvekens, le marquis d'Yve de Bavay, Zoude (de Saint-Hubert).
Absents : MM. Barthélemy, Blomme, Charles de Brouckere, le comte Cornet de Grez, Davignon, de Gerlache, Jean Goethals, Kockaert, Lardinois, Lecocq, Orban, le comte de Robiano, Roels, le baron de Sécus (père), Simons, Surmont de Volsberghe, Teuwens, Vandenhove, le comte Vilain XIIII, l' ;abbé Verbeke, Watlet. (U. B., 19 nov., et J. F., 18 et 23 nov.)
- Quelques explications s'engagent pour savoir si la proposition de M. le comte de Celles sera mise en discussion avant celle de M. Constantin Rodenbach relative à la forme du gouvernement. (E.. 18 nov.)
M. Van de Weyer – Je réclame la priorité en faveur de la proposition relative à l'indépendance. (U. B., 19 nov.)
M. Nothomb et M. Trentesaux disent quelques mots dans ce sens. (U. B., 19 nov.)
M. Rodenbach ne s'oppose pas à ce que la proposition de M. le comte de Celles ait la priorité. (E. 18 nov.)
- L'assemblée décide que la priorité sera accordée à cette proposition, et fixe la réunion publique à demain, à une heure.
Il est cinq heures et demie ; la séance est levée. (P. V.)