(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Tack, premier vice-président.)
(page 691) M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Borchgrave lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Wynderickx réclame l'intervention de la Chambre pour faire,terminer la question de la faillite Bosselaer de Malines. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Clujot, milicien, demande un congé. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale de Jesseren prient la Chambre d'accorder au sieur Pousset la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. »
« Même demande des membres des administrations communales de Neerlinter et Kerniel. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Des commis des accises dans la province de Liège demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Dopchie-Denonne prie la Chambre de lui faire obtenir l'indemnité qu'il réclame pour un colis égaré par l'administration du chemin de fer de l'Etat. »
- Même renvoi.
« Par trois pétitions, des brasseurs dans la Flandre occidentale prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à l'accise sur la bière. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le capitaine Tackels fait hommage à la Chambre de deux exemplaires d'une brochure intitulée : Le pistolet Tackels, défense de l'officier et du cavalier. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. le ministre de |a justice transmet, avec les pièces de l'instruction, deux demandes de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Itegem, le 21 janvier 1872, le conseil communal d'Itegem prie la Chambre d'appuyer auprès du gouvernement la demande de concession faite par l'ingénieur Michotte, pour l'établissement d'un chemin de fer vicinal de Malines à Heyst-op-den-Berg et Herenthals.
Même demande du conseil communal de Putte et des administrations communales de Heyst-op-den-Berg, Herenthout, Wavre-Notre-Dame, Koningshoyckt, Rhode-Saint-Genèse et Alsemberg.
Par pétition datée de Malines, le 29 janvier 1872, l'administration communale de Malines prie la Chambre d'accorder au sieur Michotte la concession d'un chemin de fer vicinal de Malines à Heyst-op-den-Berg, avec faculté de continuer jusqu'à Herenthals.
(page 773) Messieurs, le chemin de fer dont le sieur Michotte demande la concession est certainement conçu dans de bonnes conditions et il est très étonnant qu'il ne soit pas concédé et exécuté depuis longtemps.
II est destiné à produire les meilleurs résultats pour les habitants de ces parages, autant de la ville de Malines que de la ville d'Herenthals et des localités intermédiaires.
La commission conclut au renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.
(page 691) M. de Kerckhove. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions du rapport qui vous a été présenté par l'honorable M. Vander Donckt. Et non seulement j'appuie ces conclusions, mais en mon nom et au nom de mes honorables collègues de l'arrondissement de Malines - je pourrais dire au nom de tout mon arrondissement, - je viens recommander le projet de M. l'ingénieur Michotte à la plus bienveillante attention de l'honorable ministre des travaux publics.
C'est qu'en effet, le projet dont il s'agit intéresse au plus haut degré notre arrondissement. Aujourd'hui, messieurs, une grande partie de l'arrondissement de Malines, à l'est de cette ville, se trouve complètement isolée ; cependant il y a là des communes très importantes, telles que Putte, Wavre-Notre-Dame et d'autres localités encore, qui vous ont été citées tout à l'heure par notre honorable rapporteur.
Le même isolement existait aussi, il y a quelques années, pour les communes situées à l'ouest de la ville, c'est-à-dire, dans le petit Brabant ; mais cet état de choses a cessé d'exister, grâce à l'établissement du chemin de fer de Malines à Terneuzen par Saint-Nicolas. Pour le dire en passant, quand il s'est agi, dans le temps, de la construction de cette dernière ligne, on faisait aussi des objections à l'exécution du projet, on n'était pas bien sûr du succès. Et cependant le chemin de fer a admirablement réussi.
La Chambre voudra bien remarquer que ce chemin de fer qui a si bien réussi, ce chemin de Malines à Terneuzen, est dû en très grande partie à l'intelligente initiative de l'auteur du projet actuel, je veux parler de M. l'ingénieur Michotte.
Cette fois, messieurs, il n'est pas question de construire, comme de Malines à Terneuzen, une ligne internationale ; il s'agit d'un travail sur une petite échelle ; il s'agit de faire sortir de l'isolement toute cette partie de l'arrondissement qui est notre route naturelle vers la Campine.
Puisque je viens de parler de la Campine, je me permettrai d'appeler sur le projet l'attention de mes honorables amis, les représentants de cette Campine. Ils reconnaîtront, je pense, que leur arrondissement a bien aussi quelque intérêt à voir s'établir une ligne presque directe de Malines à Herenthals.
L'honorable ministre des travaux publics voudra bien me permettre de lui faire remarquer que les communes dont je recommande l'intérêt en ce moment n'ont aucun espoir de se trouver un jour sur une ligne internationale, sur une grande ligne de l'Etat. Puisque l'Etat ne peut aller à elles, il faut bien leur fournir les moyens d'aller à l'Etat. Or, l'honorable ministre des travaux publics s'est prononcé assez clairement, il y a quelques jours, sur la question des chemins de fer d'intérêt local, pour que je puisse espérer de le voir complètement entrer dans nos vues.
Du reste, messieurs, il n'y a pas que l'intérêt de ces communes qui soit en jeu ; il y a aussi l'intérêt de Malines, particulièrement à cause de son commerce de bétail. Vous le savez, messieurs, ce commerce est très important, et certes il a bien droit à quelques égards, il a le droit d'élever la voix après les pertes si cruelles qu'il a subies dans ces derniers temps, par suite des mesures gouvernementales prises à l'occasion de la peste bovine.
Sans doute, je n'entends pas critiquer ces mesures d'intérêt général, mais il faut bien reconnaître qu'elles ont frappé directement sur le commerce de bétail de la ville de Malines. Voilà ce que je tenais à rappeler.
Il y a aussi l'intérêt d'une autre partie de notre arrondissement, l'intérêt des communes du Petit-Brabant, qui trouveront dans la ligne Michotte une voie nouvelle pour leur activité et pourront se mettre, par Malines, en rapport direct avec Lierre, avec la ligne du Grand-Central et une partie de la Campine, c'est-à-dire, la partie Est de la province d'Anvers.
Enfin, il y a un intérêt auquel, je pense, M. le ministre des travaux publics sera particulièrement sensible, c'est l'intérêt même de l'Etat. Il est évident que l'établissement de la ligne que nous sollicitons (page 692) apportera un grand mouvement de voyageurs et d'affaires au chemin de fer de l'Etat, de Bruxelles à Amers par Malines, et aux lignes latérales de Louvain et de Gand.
Ce mouvement s'étendra d'ailleurs aux lignes concédées, au Grand-Central, d'une part, et à la ligne de Matines à Terneuzen, de l'autre.
Il y aura donc avantage, avantage incontestable, pour tout le monde.
Pour s'en convaincre, on n'a qu'à jeter un coup d'œil sur la carte de la province d'Anvers.
Je crois qu'en présence d'espérances aussi légitimes, aussi fondées, il ne pourrait y avoir une seule objection sérieuse de la part de l'administration des travaux publics. Aussi je ne puis m'empêcher de regretter les lenteurs qu'a subies, de la part de cette administration, l'étude de la demande de concession qui lui a été adressée par M. l'ingénieur Michotte et recommandée par les représentants de l'arrondissement.
Ainsi la petite ligne que nous proposons ne fait concurrence à personne, ni aux lignes de l'Etat, ni aux lignes des sociétés concessionnaires ; elle sert les intérêts de l'arrondissement, comme ceux de la Campine ; et, bien loin de nuire à qui que ce soit, elle doit nécessairement augmenter les recettes des lignes de l'Etat et des compagnies.
Je ne vois donc pas, je le répète, ce qui peut empêcher l'administration de prendre une décision, et je m'empresse d'ajouter : une décision favorable, car il va de soi que c'est à celle-là que nous tenons.
Après avoir dit un mot des avantages économiques de la ligne proposée, il me sera permis, messieurs, d'appeler un instant votre attention sur le système de construction qui est présenté par M. l'ingénieur Michotte.
Partant de ce point, qui paraît incontestable, qu'il serait impossible de construire pareil chemin de fer dans les conditions ordinaires, M. Michotte propose d'établir une ligne à petit écartement, afin de créer un chemin de fer vicinal, dans toute la force du terme, c'est-à-dire dans les conditions les plus économiques, qui, du reste, sont les seules possibles pour ces localités. En effet, l'Etat ne voudra jamais entreprendre de relier ces communes par une grande ligne : jamais une ligne internationale ne pourra passer par là.
Et non seulement l'Etat ne le fera pas, mais il ne laissera pas créer un tel chemin de fer par une compagnie, sauf à le racheter plus tard, parce que les dépenses d'établissement, et d'exploitation ne pourraient jamais être compensées par le produit de la ligne. Il n'y a qu'une seule manière de construire ce chemin de fer, c'est de l'établir dans de petites proportions, dans des conditions tout économiques, c'est d'en faire un chemin rigoureusement vicinal, comme le propose M. Michotte.
C'est donc à prendre ou à laisser : si l'on veut nous donner un chemin de fer, il faut accepter les conditions proposées.
Si l'on repousse ces conditions, on nous renvoie aux calendes grecques, ou, pour mieux dire, on nous refuse complètement le chemin dont nous avons besoin.
Encore une fois, le chemin de fer que nous réclamons est nécessaire à notre arrondissement ; il ne fera de tort à personne et il sera utile à l'Etat aussi bien qu'à nous-mêmes.
Dans de pareilles conditions, je crois pouvoir compter avec mes honorables collègues de Malines sur une décision favorable de l'administration et je termine en faisant un nouvel appel à la bienveillance éclairée de l'honorable ministre des travaux publics.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - J'examinerai certainement avec bienveillance l'affaire dont vient de nous entretenir l'honorable M. de Kerckhove.
Il s'agit, et vous l'avez entendu, messieurs, par les explications qu'il vient de donner à la Chambre, d'un petit chemin de fer dit vicinal, c'est-à-dire d'un chemin de fer de petite dimension et à petit écartement. L'écartement des rails serait de 80 centimètres à 1 mètre.
Je crois que c'est là un système de chemin de fer intéressant à étudier et qui est de nature à exercer une influence favorable à divers points de vue. De semblables chemins de fer vicinaux, en effet, ne serviraient pas seulement les intérêts des localités qu'ils traverseraient, et qu'ils relieraient aux grandes villes du pays ; ils constitueraient encore de fructueux affluents aux grandes lignes de chemins de fer.
Je pense donc que ces voies seraient fécondes en bons résultats et je me propose d'en étudier le système d'une manière approfondie.
Quant à l'affaire spéciale dont il s'agit ici, je dois faire remarquer qu'elle vient à peine d'être soumise à mon département et que jusqu'à présent il n'y a pas eu d'autre retard que celui de l'instruction à laquelle toute demande de ce genre doit nécessairement donner lieu. Je m'engage à étudier sous peu cette question et à y donner la solution qui me semblera le plus en rapport avec l'intérêt général et avec celui des localités en faveur desquelles le chemin de fer est demandé.
M. Bouvier. - Je suis extrêmement satisfait d'entendre l'honorable ministre des travaux publics professer les principes qu'il vient de formuler. J'aime à croire qu'il n'aura pas deux poids et deux mesures, et que quand il s'agira du chemin de fer de la Vire, il y appliquera les principes qu'il vient d'émettre et auxquels j'applaudis.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Voulez-vous un chemin de fer vicinal ?
M. Bouvier. - Je demande un chemin de fer industriel. Les considérations que vous venez de faire valoir avec beaucoup de justesse, je les invoquerai plus tard à mon tour.
- Le renvoi à M. le ministre des travaux publics est prononcé.
(page 773) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Waterloo, le 1er janvier 1872, les membres du conseil communal de Waterloo demandent la prompte exécution des travaux du chemin de fer de Luttre à Bruxelles.
Même demande des membres du conseil communal de Braine-l'Alleud, Nivelles, d'habitants de Lillois-Wtlterzée et Ophain-Bois-Seigneur-Isaac.
Les pétitionnaires disent que le chemin de fer de Waterloo à Luttre est commencé depuis deux ans et que, par suite d'une espèce de malentendu, il ne s'achève pas.
Des habitants de Nivelles et d'autres localités intéressées s'adressent à la Chambre, afin d'engager le gouvernement à presser l'exécution de cette ligne qui, du reste, paraît être d'une utilité incontestable.
Votre commission, messieurs, dans ces conditions, a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
(page 692) M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je demanderai à modifier un peu les conclusions de la commission des pétitions. Je propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications.
Je préviens dès maintenant M. le ministre des travaux publics que, lors de laà discussion de ce budget, j'examinerai en détail les travaux de la ligne dont il s'agit.
A en juger par les renseignements que M. le ministre des travaux publics a donnés à la Chambre, je pense qu'il n'a pas été exactement renseigné.
Je me charge, d'ici à l'époque de la discussion de son budget, de lui donner des indications complètes, et j'espère qu'il en résultera une activité plus grande dans l'exécution de cette ligne, qui nous intéresse au plus haut degré.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Messieurs, j'accepte la demande de renvoi proposé par l'honorable M. Le Hardy de Beau-, lieu, et je m'engage à lui donner toutes les explications qui seront désirables.
Je suis heureux de lui dire, en outre, que les travaux vont être poussés avec une nouvelle vigueur et que, notamment, dès lundi prochain, il verra un plus grand nombre de travailleurs à l'œuvre.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Merci.
- Adopté.
(page 773) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée, le 8 février 1872, de Nil-Saint-Vincent, les administrations communales de Nil-Saint-Vincent, Corroy-le-Grand, Corbais, demandent que la station projetée entre Gembloux et Perwez, sur la ligne de Tamines à Landen, soit établie à Thorembais-Saint-Trond.
Messieurs, les pétitionnaires font valoir des considérations en faveur de leurs localités et en faveur de la station à établir sur la ligne entre Perwez et Gembloux.
Votre commission n'ayant pas les éléments d'appréciation nécessaires se borne à conclure au renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
(page 692) M. Snoy. - Par quatre pétitions contenues dans ce feuilleton, les communes de Nil-Saint-Vincent, Corroy-le-Grand, Corbais, Ernage, Grand-Leez, Thorembais, Tourinne, Orbais et Sart-Walhain demandent l'établissement d'une station de chemin de fer entre Gembloux et Perwez.
L'utilité d'un point d'arrêt sur un parcours de 10 kilomètres ne me paraît pas contestable, et bien que la voie ferrée ne traverse aucune agglomération entre Perwez et Gembloux, il est probable que les pétitionnaires trouveraient de grandes facilités dans la création de cette station.
Il resterait, en ce cas, à rechercher quel serait l'emplacement le plus favorable sous tous les rapports.
Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien ordonner une enquête administrative sur cette question.
Il me semble que les conseils des communes qui se trouvent dans le rayon d'une lieue environ du point central de la ligne pourraient choisir un ou deux délégués.
La commission d'enquête entendrait soit collectivement, soit séparément, ces délégués, plus à même que tous autres d'exposer les raisons qui militent en faveur de leur demande.
Un résumé de cette enquête serait fait au ministre, qui pourrait ainsi décider en connaissance de cause.
M. M. de Vrints. - Messieurs, lorsque cette pétition a été présentée à la Chambre des représentants, j'ai demandé un prompt rapport, à cause de l'intérêt qu'elle a pour le canton de Perwez.
La distance de Perwez à Gembloux est d'environ 11 kilomètres et il n'y a pas de halte entre les deux points que j'indique, tandis que, sur la ligne de Tamines à Landen, les stations sont beaucoup plus rapprochées.
Les administrations communales d'un grand nombre de communes ont pétitionné pour avoir une halte entre Perwez et Gembloux.
Il y a un grand intérêt pour les communes de Nil-Saint-Vincent, Corroy, Corbais, Thorembais-Saint-Trond, Tourinne, Orbais, etc., etc.
Une partie de la province de Namur doit aussi désirer que M. le ministre s'occupe de cette affaire.
Quant à l'emplacement de ce point d'arrêt, je prierai M. le ministre des travaux publics d'étudier attentivement la question, et de bien vouloir me donner des explications pendant la discussion de son budget.
(page 693) II est à désirer que les intéressés soient consultés et que les intérêts généraux du canton et du chef-lieu soient sauvegardés.
M. Moncheur, ministre des travaux publics.- La question soulevée a trait à des intérêts sérieux et réclame un examen approfondi ; c'est pourquoi j'ai pris la résolution d'établir une commission d'enquête, comme vient de le demander l'honorable M. Snoy, afin de pouvoir obtenir tous les renseignements nécessaires et d'arriver à la connaissance de la plus grande somme d'intérêts a satisfaire dans cette circonstance.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il pense que cette commission pourra déposer son rapport pour l'époque de la discussion de son budget.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je ne pense pas.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Dans ce cas, j'informe M. le ministre des travaux publics que je lui poserai certaines questions lors de la discussion de son budget.
M. M. de Vrints. - Je compte également prendre la parole à ce sujet lors de la discussion du budget des travaux publics.
- Les conclusions du rapport sont adoptées.
(page 773) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 30 janvier 1872, des officiers de la garde civique demandent la révision de la loi d'organisation de la garde civique.
Messieurs, les officiers de la garde civique d'Anvers s'expriment ainsi dans leur pétition :
« La garde civique a montré qu'elle avait compris toute l'importance de cette mission élevée et patriotique ; chaque fois que l'on a fait appel à son dévouement, chaque fois que l'ordre menacé a exigé son intervention, la milice citoyenne a prouvé que ce n'était pas en vain que la loi avait confié à ses mains les plus graves intérêts de la patrie.
« Mais voici bientôt un quart de siècle que la loi d'organisation de la garde civique a été édictée et qu'elle est pratiquée sans grand changement dans son texte primitif et, cependant, toutes les institutions similaires ont subi de profondes modifications. L'expérience n'a-t-elle pas prouvé qu'il était utile de réviser notre loi et de mettre la garde civique à la hauteur des nécessités actuelles ? »
Les pétitionnaires ajoutent une foule d'autres considérations à l'appui de leur demande.
Votre commission, trouvant la demande des officiers de la garde civique d'Anvers fondée, a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, les membres de l'administration communale et des habitants d'Ernage demandent que la station projetée sur le territoire de Sauvenière soit établie au lieu dit Laid Culot.
Les pétitionnaires font valoir toutes les raisons qui militent, d'après eux, en faveur de ce changement.
Votre commission, sans rien préjuger, a conclu au renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, les membres de l'administration communale de Welkenraedt demandent que la station à établir dans cette commune soit construite à proximité du village et reliée au village par une communication directe.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Lambermont, le 3 octobre 1871, les membres du conseil communal de Lambermont présentent des observations contre les passages à niveau figurant au plan des concessionnaires du chemin de fer des plateaux de Herve et demandent que le tracé de la ligne soit soumis à de nouvelles études.
Les pétitionnaires réclament contre le projet actuel et demandent que le gouvernement veuille bien examiner de nouveau la question et faire faire une enquête sur les modifications dont la pétition signale la nécessité.
La commission a l'honneur de proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, les membres du conseil communal de Termes demandent une enquête sur remplacement à fixer pour le pont qui doit être construit sur la Semois, dans cette commune.
Les pétitionnaires ne partagent pas l'avis des ingénieurs et prétendent que le gouvernement modifierait leur plan s'il examinait de près la question.
La commission a l'honneur de proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.
(page 693) M. Bouvier. -Messieurs, d'après ce que je viens d'entendre, l'honorable rapporteur demande le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics. Je dois m'opposer à cette conclusion. Il s'agit de travaux qui concernent le département de l'intérieur et non pas le département des travaux publics. La pétition soulevait une question de vicinalité, et je ne pense pas que le département des travaux publics s'occupe de ce service. Je demande donc que la pétition soit renvoyée a M. le ministre de l'intérieur.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Je ne m'y oppose pas.
M. Bouvier. - J'appelle donc toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur cette pétition.
Il s'agit, d'ailleurs, d'un fait très simple. Le conseil communal de Termes a demandé, conformément à l'avis du commissaire voyer, d'établir un pont sur la Semois, à l'emplacement qu'il indique.
Tout était au mieux dans le meilleur des mondes possibles, lorsque intervint M. l'inspecteur voyer. Ce fonctionnaire, contrairement aux conclusions du commissaire voyer, et contrairement aussi à l'opinion manifestée par le conseil communal et la généralité des habitants, a trouvé convenable d'indiquer un autre emplacement.
Le conseil communal demande que l'emplacement reste fixé à l'endroit où il a été indiqué, d'après le vœu exprimé par la généralité des habitants.
Il s'agit ici d'un intérêt purement communal. Pourquoi irait-on contrarier le vœu des habitants ?
Je crois donc pouvoir recommander cette pétition à l'attention bienveillante de M. le ministre de l'intérieur. J'espère qu'il voudra bien se ranger à l'avis du conseil communal, du commissaire voyer et de la généralité des habitants et ne pas porter atteinte à l'autonomie des communes parce que je tiens pour principe que le conseil communal est le meilleur juge de ce qui convient aux intérêts de ses administrés.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je ne connais pas l'affaire dont vient de parler l'honorable membre ; la commission ayant proposé de renvoyer la pétition à mon honorable collègue des travaux publics, je n'ai pas été appelé à examiner la demande de la commune en question.
Je promets à l'honorable M. Bouvier d'examiner la réclamation avec bienveillance et, s'il y a moyen de l'accueillir, je prendrai volontiers une décision dans ce sens.
M. Bouvier. - Je remercie, au nom des habitants de Termes, l'honorable ministre de l'intérieur des paroles encourageantes qu'il vient de prononcer.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur est ordonné.
(page 773) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition en date du 3 février 1872, les administrations communales de Grand-Leez, Thorembais, Tourinnes, Orbais demandent l'établissement d'une station au point d'intersection du chemin de. Grand-Leez à Tourinnes-Walhain, avec la voie ferrée de Tamines à Landen.
La commission propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, des habitants de Sart-Walhain demandent une halte à Grand-Leez, sur le chemin de fer entre Perwez et Gembloux.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Léau, le 27 janvier 1872, le conseil communal de Léau demande que le chemin de fer à construire de Tirlemont à Beverloo passe par Léau.
Les communes environnantes appuient la pétition.
Votre commission a l'honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Pamele, le 28 novembre 1870, les secrétaires communaux de Lombeek, Goyck, Pamele, Lennick-Saint-Quentin et Lennick-Saint-Martin demandent que l'avenir des secrétaires communaux soit assuré que leur traitement soit mis en rapport arec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générales.
Même demande des secrétaires communaux de Montigny-sur-Sambre, Oordegem, Niel-Saint-Trond, Fresin, Corthys.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
(page 774) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Peer, le 18 novembre 1871, les secrétaires communaux du canton de Peer proposent des mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux.
Même pétition des sieurs Heylen, Manfroid, de Decker, Meerschaut, Martin, Petit, Amel, Vander Born, des secrétaires communaux d'Argenteau, Richelle, Kessel, Berlaer, Godarville, Marbais, Niel-Saint-Trond, Vorssem, Corthys, Wierde, Sinay, Quévy-le-Grand, Frameries, Obourg, dans les cantons d'Herentbals, Ath, Fosses, Chièvres, Beeringen, Westerloo, Maeseyck, Mechelen, Waremme, dans les arrondissements d'Ostende, Dinant, Anvers, Maeseyck, Bruges, Philippeville et dans les provinces de Namur et Liège.
Ces pétitions nous arrivent de toutes les communes du pays ; elles sont imprimées et nous arrivent par petites séries toutes les semaines, depuis le commencement de la session,
La Chambre occupée de travaux plus urgents, n'ayant pas pu s'occuper de rapports des pétitions, le nombre de ces pétitions est devenu considérable, mais toutes tendent à l'amélioration de la position des secrétaires communaux.
Or, cette demande a été répétée à plusieurs reprises. Des rapports très étendus et très intéressants ont été faits sur cet objet, et il n'y a rien de neuf dans toutes les pétitions qui sont aujourd'hui insérées au feuilleton. Par conséquent, votre commission a conclu au renvoi de toutes ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
(page 693) M. de Baets. - Je crois devoir présenter au gouvernement une simple observation à l'occasion des nombreuses pétitions qui nous arrivent tous les jours de la part des secrétaires communaux. L'insistance que ces fonctionnaires mettent à provoquer une situation normale, en s'adressant à la législature, prouve qu'il y a quelque chose à faire. Nous insistons donc auprès du gouvernement pour que la situation des secrétaires communaux soit définitivement réglée. Il y a des circonstances tout à fait spéciales qui doublent leur besogne. C'est ainsi que nous fabriquons chaque année des lois par centaines et il en retombe toujours sur les secrétaires communaux un surcroît de travail. En ce moment-ci, la Flandre occidentale et une partie de la Flandre orientale sont atteintes par la peste bovine. Eh bien il y a là un redoublement de besogne pour les secrétaires communaux ; mais en donnant au gouvernement le conseil de pourvoir d'une façon définitive à la situation de ces fonctionnaires, j'émets en même temps le vœu qu'il ne transforme pas les secrétaires communaux en agents appartenant au pouvoir central ; ils doivent rester, avant tout, des fonctionnaires appartenant à la commune, puisqu'il faut, sous le gouvernement actuel comme sous celui qui a précédé, empêcher autant que possible l'intervention du pouvoir central dans les affaires communales. Il est évident que si les secrétaires communaux rendent des services et à la province et à l'Etat, ceux-ci doivent les rémunérer de leurs travaux.
Dès à présent, dans les communes populeuses des Flandres (je cite les Flandres parce que j'en connais mieux les localités), aucun secrétaire communal ne peut se tenir, d'une façon décente, à la hauteur de sa position sociale sans ajouter à ses fonctions de secrétaire communal une autre position quelconque qu'il exerce directement, - comme celle d'agent d'affaires, - soit indirectement par personnes interposées.
Ces fonctionnaires éminemment utiles et qui rendent de grands services ont droit à toute notre sollicitude et le moment est venu de régler d'une façon définitive et nette leur position de fonctionnaires de nos trois ordres administratifs.
M. de Zerezo de Tejada. - Je ne compte pas entrer dans de longues considérations relativement aux nombreuses requêtes de secrétaires communaux, dont l'honorable M. Vander Donckt vient de nous présenter l'analyse.
A diverses reprises, j'ai appuyé de tout mon pouvoir des demandes analogues ; et, dans une de vos précédentes sessions, j'ai eu l'honneur de vous présenter un rapport très détaillé sur la question qu'elles soulèvent. D'ailleurs, depuis de longues années, comme l'a très justement fait remarquer l'honorable rapporteur, les pétitions des secrétaires communaux ont été examinées, étudiées et discutées dans cette enceinte, et l'on peut dire que la cause est entendue.
Nous savons tous que ces utiles agents, qui constituent en quelque sorte l'âme des administrations communales, ont à remplir des fonctions pénibles et ingrates ; qu'ils n'ont aucune perspective d'avancement ; que leur zèle et leur dévouement aux intérêts qui leur sont confiés restent sans récompense, et que généralement ils sont peu payés.
Chaque fois que vos commissions ont proposé le renvoi, avec demande d'explications, de leurs pétitions aux différents ministres de l'intérieur qui se sont succédé, ou bien ces honorables ministres n'ont point répondu, ou bien ils se sont bornés à déclarer que c'est aux communes qu'il appartient de rétribuer leurs secrétaires.
Cette fin de non-recevoir ne m'a jamais paru bien sérieuse ni fondée sur des motifs plausibles. Il va sans dire qu'une semblable réponse serait péremptoire si les secrétaires étaient les agents exclusifs de la commune. Mais, comme sans qu'ils aient, le moins du monde, sollicité cet honneur, le gouvernement les met continuellement en réquisition, réclame leurs services pour son propre compte et pour celui de la province, et les charge ainsi d'une besogne compliquée et considérable qui ne leur incombe point, il me semble indéniable qu'il leur doit, de ce chef, une indemnité, à moins qu'il ne soit admis désormais qu'on peut se dispenser de rémunérer les personnes auxquelles on impose un travail.
Je pense que M. le ministre de l'intérieur ne verra aucun inconvénient à nous dire s'il compte suivre la ligne de conduite de ses prédécesseurs, c'est-à-dire ne point donner suite aux réclamations des secrétaires communaux, ou bien s'il a l'intention de prendre des mesures pour améliorer leur position.
M. Van Iseghem. - Messieurs, je viens appuyer les observations qui ont été présentées par mes honorables collègues, MM. de Baets et de Zerezo, en faveur des secrétaires communaux.
Je ne répéterai pas tous les arguments que les honorables membres ont fait valoir.
Je demanderai seulement que le gouvernement veuille bien accorder à ces utiles fonctionnaires une indemnité pour les travaux qu'ils font à la demande du gouvernement et qui n'ont rien de commun avec les affaires de la commune.
Les secrétaires communaux demandent aussi que la loi communale fixe un minimum pour leur traitement.
Je trouve cette demande très raisonnable. Je serai heureux de connaître l'opinion du gouvernement à cet égard.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, la position des secrétaires communaux a été souvent signalée à l'attention de la Chambre. II y a un principe fondamental, qui vient d'être rappelé par les honorables (page 694) préopinants, d'après lequel, me paraît-il, la question doit être examinée.
Il est incontestable que les secrétaires communaux sont, avant tout, des fonctionnaires communaux. A ce titre, leurs traitements doivent être payés par la commune ; c'est donc à la commune qu'incombe, en premier lieu, le soin de veiller à l'augmentation de leur traitement si celui-ci n'est pas en rapport avec l'importance des fonctions de ces honorables agents.
C'est un principe sur lequel je pense que nous serons tous d'accord.
Quand le gouvernement a imposé des travaux spéciaux aux secrétaires communaux, ceux-ci ont été rétribués à raison de ces services particuliers.
C'est ce qui a eu lieu, par exemple, lors du recensement : les secrétaires communaux ont reçu une indemnité spéciale. Le gouvernement continuera dans cette voie.
D'ailleurs, les communes sont en mesure de faire quelques sacrifices dans l'intérêt des secrétaires communaux ; un grand nombre d'entre elles ont des ressources assez considérables aujourd'hui par la part qu'elles touchent dans le fonds communal.
Pour que la Chambre connaisse exactement la situation de ces fonctionnaires, je lui rappellerai un fait. Les secrétaires communaux peuvent être affiliés à la caisse des pensions. Eh bien, à ce titre, quelle est la situation relativement à la subvention fournie par l'Etat ? En 1861, la subvention de l'Etat était de 17,577 francs ; elle s'est élevée progressivement à la somme de 24,711 francs, atteinte en 1871.
En prévision d'une nouvelle augmentation, le budget de 1872 porte ce crédit à 31,000 francs. Cette augmentation est égale à 2 p. c ; de la somme totale des traitements des secrétaires du royaume. En effet en 1861, la totalité de ces traitements s'élevait à 855,579 francs. En 1871, le chiffre était de 1,235,555 francs, chiffre qui accuse une augmentation d'environ 45 p. c. pour une période de onze ans.
Vous voyez, messieurs, qu'on a fait beaucoup déjà dans l'intérêt des fonctionnaires dont il s'agit, et j'espère que les communes persévéreront dans cette voie.
M. Bouvier. - Il faut un peu les stimuler encore.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il faut les stimuler encore, dit M. Bouvier. A cet égard, messieurs, on a fait beaucoup déjà. Il existe plusieurs circulaires qui recommandent de la manière la plus pressante aux communes de ne pas perdre de vue la situation des secrétaires communaux. Je citerai entre autres une circulaire de mon honorable prédécesseur, M. Kervyn, dans laquelle on insiste vivement pour que les communes fassent tout ce qui est en leur pouvoir dans l'intérêt de ces utiles fonctionnaires.
M. de Baets. - Messieurs, je ne disconviens pas que l'on a fait quelque chose pour les secrétaires communaux. Mais je pose en fait qu'on n'a pas fait assez.
Il est à votre connaissance à tous que, dans les grandes villes, le secrétaire communal, qui n'est en définitive qu'un chef de division, un directeur général, si vous le voulez, est payé très largement.
Je ne critique pas les appointements qu'on attribue aux secrétaires communaux, parce que leurs fonctions sont très importantes. Mais dans les grandes villes, vous avez un collège échevinal intelligent administrant par lui-même ; vous avez tous les autres services qui sont attribués à des hommes spéciaux. Je pense que le traitement du secrétaire communal de Bruxelles s'élève à 10,000 francs. Celui du secrétaire communal de Gand s'élève, je pense, à 6,000 francs. Je ne critique pas, bien au contraire. Je constate seulement le fait.
Mais, dans les communes rurales, le secrétaire communal est la cheville ouvrière de tout le service. Il est très souvent bourgmestre, échevin et garde champêtre.
M. Bouvier. - Pas garde champêtre.
M. de Baets. - Permettez, je n'amène pas une question de Balthasar dans le débat. Mais il est incontestable que dans beaucoup de localités le secrétaire communal est le chef de la police, que tous les procès-verbaux qui sont dressés dans la commune sont rédigés par lui et signés simplement par le bourgmestre ou la personne faisant fonctions d'officier de police judiciaire.
Les hospices, les bureaux de bienfaisance sont aussi administrés par le secrétaire communal. Or, si pour remplir tous ces différents offices, le secrétaire communal a un traitement de 700, de 800, de 1,000 francs, je vous demande si cet homme, qui est la cheville ouvrière de toutes les administrations publiques de la commune, peut vivre convenablement avec ce traitement.
Le gouvernement devrait tenir compte aux communes du surcroît de besogne qu'il impose aux fonctionnaires, lesquels n'ont pas le droit de s'adjoindre un aide, ou s ils s'en adjoignent un, doivent le payer. Je crois qu'il est équitable que la besogne exceptionnelle, extraordinaire, qui ne concerne pas les communes, doit être rétribuée par l'autorité qui la fait faire.
Je ne désire pas que le gouvernement rétribue directement les secrétaires communaux ; mais je voudrais que le gouvernement mît à la disposition de la commune une certaine somme, pour que l'administration puisse la remettre aux fonctionnaires qui sont chargés d'un service spécial.
M. le ministre de l'intérieur vient de dire que, lorsqu'il s'est agi du recensement décennal, on a donné quelque chose aux secrétaires communaux ; mais, remarquez bien, messieurs, que le recensement décennal n'est nullement une affaire communale.
On a pris les secrétaires communaux parce qu'on n'a pas trouvé d'autres personnes capables de faire ce travail. C'est là un travail tout à fait exceptionnel. Mais je parle de la besogne permanente que les secrétaires doivent accomplir, et il est incontestable que de ce chef-là ils ne sont pas rétribués.
Or, messieurs, pour avoir une bonne administration communale, il faut un secrétaire capable.
Je défie une administration quelconque dans les parties rurales du pays, de marcher convenablement sans un secrétaire intelligent. Nous voyons des communes qui comptent jusqu'à 4 ou 5 mille habitants et où la députation permanente est obligée d'envoyer des commissaires spéciaux pour débrouiller le gâchis administratif qui y règne.
Lorsque le secrétaire communal n'est pas convenablement rétribué, il est obligé de s'occuper d'autres affaires, car il a, lui, comme le bourgmestre, comme le notaire, le titre de monsieur et il est obligé de vivre d'une certaine manière, d'élever ses enfants autrement que ne le font les fermiers même les plus riches.
Je trouve, messieurs, qu'il est du devoir du gouvernement de s'occuper très sérieusement de la question des secrétaires communaux.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Cruyt. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission sur l'amendement présenté au titre VI du code de commerce par MM. Pirmez et Drubbel.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Sainctelette. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission sur les amendements présentés par M. le ministre de la justice, relativement au titre VIII du code de commerce (De la lettre de change).
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Cortil-Wodon, des cultivateurs à Cortil-Wodon appellent l'attention de la Chambre sur la découverte d'un vétérinaire pour faire disparaître la maladie des pommes de terre.
Le fait révélé par les pétitionnaires est digne de la sollicitude du gouvernement. En conséquence votre commission vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition sans date, la dame de Mey réclame contre l'incorporation dans l'armée de son frère, Auguste Claus, milicien de la classe de 1871, ayant tiré au sort un numéro qui doit l'exempter du service.
Comme les faits rapportés par la pétitionnaire peuvent donner lieu à une décision à prendre par M. le ministre de l'intérieur, votre commission vous propose de lui faire le renvoi de la pétition.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Looz, le 24 novembre 1871, le sieur Cellis, journalier à Looz, réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils Nicolas, milicien de 1870, soit dispensé du service ou bien obtienne un congé à long terme
Le département de la guerre n'ayant pu se dispenser d'appliquer la loi sur la milice, en ce qui concerne l'objet de la réclamation, votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée d'Ingelmunster, le 18 novembre 1871, le sieur Guesnet réclame l’intervention de la Chambre pour que les tribunaux terminent une affaire qui leur est soumise.
La Chambre étant incompétente pour intervenir dans une poursuite judiciaire, votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
(page 695) M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Rochebaut, le 18 novembre 1871, le sieur Barbazon, ancien militaire pensionné, demande une augmentation de pension.
Le pétitionnaire ne fait valoir aucun moyen qui serait de nature à établir qu'on aurait fait une fausse application de la loi en réglant le taux de la pension du réclamant.
Votre commission vous propose, en conséquence, l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 18 novembre 1871, le sieur Loots demande que la Chambre exerce des poursuites contre une société d'assurances qui l'a ruiné.
Les poursuites à exercer en matière judiciaire ne rentrent pas dans les attributions du pouvoir législatif.
Votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Mons, le 31 octobre 1871, le sieur Gilson, maréchal des logis de gendarmerie pensionné, demande que la pension des sous-officiers et gendarmes, qui a été réglée d'après la loi du 24 mai 1838, soit mise en rapport avec la loi du 4 juillet 1860.
Le pétitionnaire fait valoir, à l'appui de sa demande, cette considération que les mêmes motifs d'égalité militent en faveur des pensions qui ont été réglées sous l'empire de la loi du 24 mai 1838, comme de celles qui l'ont été sous la loi du 4 juillet 1860.
Votre commission, eu égard à la malheureuse position du pétitionnaire, vous propose le renvoi de sa pétition à MM. les ministres de la guerre et des finances.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Borgerhout, le 2 novembre 1871, l'administration communale de Borgerhout demande l'éclairage, aux frais de l'Etat, des portes et des ouvrages extérieurs de la nouvelle enceinte sur le territoire de cette commune.
L'administration communale de Borgerhout a fait valoir différentes considérations pour obtenir l'objet de sa demande.
Votre commission, sans entendre préjuger aucunement le droit de la commune à l'éclairage qu'elle réclame, vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Couture-Saint-Germain, le 26 juin 1871, la veuve Peigny demande que son fils Emile-Ghislain, soldat au 9ème régiment de ligne, soit renvoyé dans ses foyers.
La loi ayant dû recevoir son application au fils de la pétitionnaire, votre commission ne pouvait avoir égard aux sacrifices qu'elle invoque, et en conséquence elle s'est prononcée pour l'ordre du jour.
- L'ordre du jour est adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Châtelet, le 15 juillet 1871, le sieur Goffin, ancien employé des accises, demande une pension et les échéances arriérées depuis le 22 mai 1846 avec les intérêts accumulés, ou une indemnité équivalente.
Le pétitionnaire produit divers certificats, au moyen desquels il veut faire constater qu'au moment où il a été suspendu et ensuite révoqué de ses fonctions, il était atteint d'infirmités qui l'empêchaient de remplir convenablement ses fonctions et qu'il n'y avait, par conséquent, pas lieu à suspension et révocation.
Votre commission, en présence de ces pièces, dont elle n'entend aucunement préjuger le mérite, vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Gand, le 1er juillet 1871, le sieur De Groote, qui a été victime d'une erreur judiciaire, demande une réparation.
Voici les termes mêmes de la requête du pétitionnaire :
« Je soussigné Jean De Groote, brasseur et propriétaire à Gand, rempart Saint-Jean, 28, ai l'honneur de vous exposer :
« Que le 25 juin 1871, à 11 heures du matin, et sans avoir reçu le moindre avis préalable, j'ai été arrêté dans mon domicile par la gendarmerie en vertu d'un mandat d'amener délivré contre un homonyme par le juge d'instruction Brugman, de Bruxelles, et rendu exécutoire à Gand par le procureur du roi Van Bellingen ;
« Que, dès le premier abord, j'ai déclaré qu'il devait y avoir erreur et que malgré toutes mes protestations j'ai été incarcéré à la maison de sûreté civile et militaire à Gand ;
« Qu'à mon arrivée à la prison, j'ai protesté de nouveau et par écrit auprès de M. le procureur du roi à Gand, ainsi qu'auprès du juge d'instruction à Bruxelles ;
« Que ni l'un ni l'autre de ces magistrats n'a prêté l'oreille à ma juste plainte et que le lendemain, après avoir passé la nuit en cellule, comme le dernier des malfaiteurs, j'ai été extrait à 1 heure et demie de l'après-midi de la prison de Gand et conduit, chaînes cadenassées aux poings, et après refus de la vigilante que je réclamais, par la voiture cellulaire servant au transport des voleurs et des assassins, jusqu'à la station de Gand ;
« Que là, et toujours en dépit de mes protestations, j'ai été enfermé dans la voiture cellulaire faisant partie du train de Bruxelles ;
« Qu'à mon arrivée dans la capitale, une voiture particulière que je demandais m'a été de nouveau refusée et que mon transfert à la prison des Petits-Carmes a eu lieu encore par cette horrible voiture cellulaire ;
« Que j'ai passé une seconde nuit en prison ;
« Que dès le lendemain, à 9 heures du matin, je me suis adressé par écrit à M. le ministre de la justice pour demander qu'il me fût enfin rendu justice après cinquante heures de détention illicite et d'horribles, angoisses ;
« Qu'enfin, vers une heure, j'ai pu comparaître devant un juge instructeur, qui, à la première confrontation, a reconnu l'erreur dont je venais d'être victime et m'a fait remettre en liberté, attendu qu'il n'y avait absolument rien à ma charge ;
« Que, revenu à Gand, j'ai demandé à être entendu par M. le procureur général, mais que ce fonctionnaire m'a fait dire que ses nombreuses occupations ne lui permettaient pas de me recevoir.
« Après ce court exposé des tribulations dont j'ai été victime, je viens vous demander, messieurs, la réparation qui m'est due et que je vous laisse le soin d'apprécier.
« Il ne saurait être admis qu'un homme, placé à la tête d'un grand établissement industriel et qui est généralement connu depuis nombre d'années, puisse être impunément arrêté, privé de sa liberté et traité comme le dernier des misérables ; et ce au nom de S. M. Léopod II, roi des Belges, comme le porte le mandat rendu exécutoire à Gand par M. le procureur du roi, Van Bellingen.
« J'attends donc de la Chambre qu'il me soit fait justice et qu'elle avise au moyen de faire disparaître l'atteinte qui a été portée à la santé d'un citoyen belge presque septuagénaire, ainsi qu'à ses intérêts et à son honneur, par une conduite que je laisse aux mandataires du pays le soin de qualifier et d'apprécier. »
Votre commission, déplorant l'erreur judiciaire dont le pétitionnaire a été la victime, vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice, pour qu'il donne des instructions de nature à prévenir dans la suite des abus du genre de ceux dont le pétitionnaire se plaint à bon droit.
Depuis que votre commission des pétitions s'est réunie pour arrêter son rapport, le pétitionnaire a de nouveau adressé à la Chambre une pétition conçue en ces termes :
« Je soussigné, Jean De Groote, brasseur et propriétaire à Gand, rempart Saint-Jean, 28, ai l'honneur de vous rappeler mon exposé du 5 juillet 1871, que vous avez bien voulu renvoyer à la commission des pétitions. Une seconde erreur de justice a été commise en novembre 1870 et exécutée par exploit de commandement du 12 mai 1871 et saisie du 7 novembre 1871, où le procès-verbal et la citation n'étaient pas en mon nom, quoique j'aie fait toute réclamation auprès de M. le procureur général, du directeur de l'enregistrement et même près de M. le ministre de la justice, j'ai dû payer l'amende et les frais, que je viens réclamer auprès de MM. les représentants. »
La nouvelle erreur judiciaire portée à la connaissance de la Chambre par le pétitionnaire pouvant donner lieu à une réclamation en restitution de l'amende et des frais payés par le pétitionnaire, votre commission vous propose également le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de liège, le 15 décembre 1870, le sieur Bucan, ancien sous-officier au 2ème chasseurs à pied, milicien de la classe de 1862, placé dans celle de 1865, demande son exemption définitive du service militaire.
Les faits rapportés par le pétitionnaire et les pièces qui accompagnent sa pétition le rendent digne de toute la sollicitude du gouvernement. Votre commission vous propose le renvoi de sa pétition à M. le ministre de la guerre.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 20 janvier 1871,1e sieur Darien réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement de la somme qu'il a versée à la caisse des pensions, en qualité de réviseur temporaire à la manufacture de l'Etat à Liège.
Si les faits sur lesquels le pétitionnaire fonde sa réclamation se sont (page 696) passés de la manière qu'ils sont rapportés, votre commission doit reconnaître que sa pétition lui paraît susceptible d'un accueil assez favorable.
Elle vous propose, en conséquence, le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 6 juin 1871, le sieur Leblaireau demande que le mot « commune » soit remplacé dans notre législation par les mots « ville », « bourg », « village. »
Le pétitionnaire dit que le nom de commune, qui rappellera éternellement une série épouvantable de crimes, doit disparaître de notre législation. Quoique votre commission ne puisse assez flétrir, avec le pétitionnaire et tous les honnêtes gens, les crimes atroces qui ont été commis dans un pays voisin au nom de la commune, elle ne peut cependant abonder dans le sens du pétitionnaire. L'histoire glorieuse des luttes que nos anciennes communes ont eu à soutenir pour le maintien et la défense de leurs franchises communales, doit, au contraire, nous engager à maintenir cette dénomination et à repousser l'idée du pétitionnaire de remplacer le mot « commune » par les mots de « ville », « bourg », « village. »
Votre commission vous propose en conséquence l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 9 juin 1871, le sieur Desmayer demande que l'école militaire soit gratuite.
Votre commission, quelque favorable qu'elle puisse être au principe de la gratuité en matière d'enseignement en général, ne peut cependant engager le gouvernement à en faire l'application à l'enseignement donné à l'école militaire. Elle se borne à vous proposer le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Ledeberg-lez-Gand, le 26 janvier 1870, le sieur Willems réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement des avances qu'il a faites, en 1867, par ordre du parquet de Courtrai, alors qu'il exerçait les fonctions de commissaire de police à Menin.
La commission, sans entendre préjuger le mérite de la réclamation, propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 9 février 1870, la veuve Chapelle prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à obtenir un congé pour son fils André, milicien de 1869.
Le fds de la pétitionnaire n'ayant point fait valoir les motifs d'exemption qu'elle indique à l'appui de sa réclamation, la commission vous propose le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée d'Audenarde, le 19 août 1870, le sieur Libert prie la Chambre de statuer sur sa demande ayant pour objet le payement des numéros gagnants, sortis en 1828, de la loterie royale néerlandaise, établie à Bruxelles.
Le pétitionnaire ne pouvant produire aucune preuve a l'appui de sa réclamation, qui est d'ailleurs éteinte par prescription, la commission vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Landeloos, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Gilles, le 25 avril 1870, le sieur Mahaux demande la nomination de deux médecins qui seraient chargés de visiter son fils Eugène-Désiré, incorporé au régiment du génie comme milicien de la levée de 1867, et de constater si la maladie qu'il a contractée au service et par le fait du service le mettra tôt ou tard hors d'état de pourvoir à sa subsistance.
La visite réclamée par le pétitionnaire devant se faire par des médecins à nommer par le ministre de la guerre, votre commission vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Mettet, le 10 janvier 1871, des habitants de Mettet demandent qu'il soit pris des mesures pour hâter la construction du chemin de fer de la Sambre à la Meuse vers Dinant et par Fosses.
Cette pétition est fondée sur un double intérêt invoqué par les intéressés, celui de rattacher les habitants de Mettet à une ligne de chemin de fer et celui de procurer du travail à la classe ouvrière.
Dans ces conditions, cette pétition mérite d'être accueillie avec bienveillance par M. le ministre des travaux publics, auquel votre commission vous propose de la renvoyer.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Bouvier, rapporteur. - Des habitants de Biesme demandent que le chemin de fer projeté de Charleroi a Athus prenne son point de départ à Châtelineau ou bien à Acoz.
Même demande d'habitants de Gérin.
La Chambre a été saisie d'un nombre considérable de pétitions ayant pour objet l'octroi de la concession du chemin de fer d'Athus à Charleroi.
Toutes ces pétitions ont donné lieu à autant de rapports dont la conclusion a été en quelque sorte stéréotypée : le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
Le département des travaux publics doit avoir en ce moment une montagne de pétitions du genre de celle dont je viens de vous donner lecture.
Et quelle est, messieurs, l'attitude du gouvernement en présence de cette avalanche de demandes ? Elle est des plus singulières.
Attendez, dit le gouvernement ; nous négocions avec la compagnie du Luxembourg. Et quand on lui fait remarquer qu'il pourrait, pendant cette négociation, concéder la ligne de la Vire qui deviendrait la tête de ligne si impatiemment attendue par les populations qui pétitionnent avec un redoublement de zèle et de persévérance, le gouvernement répond toujours : Attendez ; nous négocions. Et cependant cette tête de ligne dite de la Vire est appelée à exonérer l'Etat de la garantie du minimum d'intérêt accordée à la ligne de Virton.
Néanmoins il persiste à se renfermer dans ce mot qui deviendra en quelque sorte légendaire : Nous négocions ; nous ne pouvons concéder cette tête de ligne. Mais si vous ne pouvez pas la concéder, construisez-la vous-même. Elle vous procurera de 7 à 8 p. c. d'intérêt. Or, vous empruntez à 4 p. c. ; donc vous aurez un bénéfice de 3 à 4 p. c. en construisant cette ligne et vous satisferez au vœu des populations.
En effet, trois conseils provinciaux ont unanimement émis l'avis de la nécessité de la concession de la ligne d'Athus à Givet.
Quatre-vingts communes ont pétitionné, et, comme je le disais tout à l'heure, elles ont adressé une montagne de pétitions à l'assemblée pour la ligne d'Athus-Charleroi.
Plusieurs chambres de commerce ont également pétitionné et le gouvernement de répondre toujours : Nous négocions avec la compagnie du Luxembourg.
On me dit derrière moi, au bureau, avec un grand esprit d'à-propos : C'est la montagne qui accouche d'une souris. (Interruption.)
C'est pourtant vrai, messieurs, le fait est qu'il est urgent que le gouvernement prenne une résolution, et si la compagnie du Luxembourg a l'intention de louvoyer, commencez par construire la ligne de la Vire ; quand elle verra que vous sortez de votre inertie, elle sera la première à vous faire des offres raisonnables. Mais, en présence de l'inaction du gouvernement, elle tâtonne et l'on n'aboutit à rien.
Je demande donc formellement que le gouvernement s'explique sur le point de savoir s'il est dans l'intention de concéder la ligne de la Vire ; que dans cette hypothèse, il agisse et concède. Dans le cas contraire, qu'il la construise aux frais du trésor ; les 20 kilomètres qui constituent le tronçon appelé ligne de la Vire démontreront aux populations intéressées que le gouvernement veut mettre un terme à des tergiversations inexplicables.
Des explications claires et nettes mettront fin à l'arrivée de ces nombreuses pétitions dont le bureau est accablé aujourd'hui.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je ne puis rien modifier à la réponse que j'ai faite, il y a quelques jours, à l'honorable membre lorsqu'il m'a interpellé sur la question de la concession immédiate du petit tronçon de chemin de fer dit de la Vire ; ce qu'il vient de nous dire est, à peu de chose près, la répétition de ce qu'il a dit alors.
Il s'agit de savoir si le gouvernement entend concéder hic et nunc la ligne de la Vire.
Or, j'ai eu l'honneur de dire que je ne croyais pas possible ni, en tous cas, intelligent de ma part de créer pour le moment une semblable concession.
J'ai ajouté, il est vrai, ce mot qui deviendra, dit-on, légendaire : « Nous négocions » ; mais j'ai ajouté autre chose que l'honorable M. Bouvier ne dit pas, c'est que j'espérais bien ne plus répéter ce mot à propos de cette affaire.
Nous sommes, en effet, bien décidés à arriver à un dénouement.
L'honorable M. Bouvier se plaint de ce que je ne concède pas une tête de ligne ; quant à moi, je pense qu'il vaut mieux concéder tout ensemble le corps et la tête, et c'est pourquoi, en attendant, je réserve la tête.
M. Bouvier, rapporteur. - L'honorable ministre me reproche de (page 697) revenir sur des considérations déjà émises par moi il y a quelques jours. Je ne me le dissimule pas mais ; il ne peut pas faire que des pétitions arrivent à la Chambre et que le rapporteur chargé d'en faire l'analyse ne se préoccupe vivement de cette insistance que mettent les populations à réclamer la ligne dont il s'agit.
Quoi qu'il arrive, que les négociations avec le Grand-Luxembourg aboutissent ou n'aboutissent pas, la tête de ligne dont le ministre ne veut pas faire la concession, cette tête de ligne doit s'exécuter fatalement. Pourquoi ne mettez-vous pas la main à l'œuvre alors que cette ligne doit procurer de si beaux bénéfices au trésor public ?
M. le ministre ajoute que les négociations auront un terme ; nous l'espérons, car il doit s'apercevoir, par les innombrables pétitions qui nous arrivent, que la question doit recevoir une prompte solution.
J'engage donc le gouvernement à dire à la compagnie du Luxembourg que si elle ne prend pas une résolution dans un très bref délai, il construira la ligne de la Vire et celle de Charleroi. En présence d'un pareil langage et d'une mise en demeure à jour fixe, vous verrez que la compagnie du Luxembourg viendra faire des propositions loyalement acceptables.
En attendant, la commission demande que ces pétitions soient renvoyées à M. le ministre des travaux publics, non pour aller augmenter le nombre de celles du même genre qu'il a déjà reçues, mais pour donner satisfaction à tant d'intérêts engagés dans la solution de la question soumise depuis si longtemps à son appréciation.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Louvain, le 21 septembre 1871, le sieur Brouwers, ancien soldat, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir de l'autorité militaire un certificat de bonne conduite.
Le pétitionnaire s'est trompé en s'adressant à la Chambre. C'est au ministre de la guerre qu'il aurait dû faire parvenir sa réclamation.
Votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Rochehaut, le 11 novembre 1871, des habitants de Rochehaut demandent la prompte adjudication d'une partie de l'embranchement de route à construire par Rochehaut sur Alle.
Le désir exprimé dans cette demande par les pétitionnaires est trop naturel pour que la commission ne se joigne pas à eux pour en proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics en l'engageant à y donner un bon accueil.
Même demande des membres du conseil communal d'Alle.
Comme vous venez de l'entendre par l'analyse de cette pétition, le conseil communal d'Aile exprime le désir de voir mettre en adjudication immédiate une section d'une route déjà décrétée qui a son point de départ au lieu dit : Menu-Chenet, point de bifurcation des routes de Bouillon à Dinant pour aboutir à Alle.
Votre commission appelle la bienveillante attention de M. le ministre des travaux publics sur cette pétition et elle vous propose de lui en faire l'envoi.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 28 juin 1871, la chambre de commerce de Bruxelles demande la prompte discussion du projet de révision du code de commerce.
Même demande des chambres de commerce d'Alost, Audenarde, Liège, Verviers, Bruges, Ostende, Arlon, Hasselt, Louvain, Courtrai, Charleroi, Saint-Nicolas, Termonde.
La commission avait conclu au renvoi de ces pétitions à M. le ministre de la justice avec demande d'explications.
La Chambre s'occupant en ce moment du code de commerce, ces pétitions sont devenues sans objet, et il est inutile de les renvoyer à M. le ministre de la justice.
Je demande que ces pétitions soient déposées au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 18 novembre 1871, le sieur Bernardin prie la Chambre d'aborder au plus tôt la révision du code de commerce et notamment les dispositions sur les faillites.
Même conclusion que la précédente.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Ransart, le 31 décembre 1869, des membres du conseil communal de Ransart prient la Chambre d'annuler la délibération du conseil du 19 août 1869, concernant le compte présenté par le receveur communal pour l'exercice 1868.
Le fait que signale cette pétition présente un caractère de gravité qui nous a paru de nature à être soumis ù M. le ministre de l'intérieur. C'est là la proposition que votre commission a l'honneur de vous faire.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Mons, le 13 avril 1871, le sieur Colson présente des observations au sujet du rapport de la commission chargée de prendre les mesures nécessaires pour opérer l'assainissement des champs de bataille.
Cette pétition devient sans objet puisque toutes les mesures de précaution réclamées ont été adoptées par le gouvernement. La commission conclut au dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Sivry, le 25 octobre 1871, des habitants de Sivry prient la Chambre de consacrer pour les servitudes douanières le principe de l'indemnité inscrit pour les servitudes militaires dans le projet de loi présenté par le gouvernement.
Même demande d'habitants de Forges, Baugnies, Rouveroy, Braffe, du conseil communal de Rièzes.
L'administration communale de Forges appuie cette demande et prie la Chambre de décider au moins la suppression de toutes les entraves apportées au commerce, à l'industrie et à la liberté individuelle dans le rayon douanier.
Les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur réclamation des considérations d'un ordre fort élevé. Ils puisent leurs principaux arguments dans le projet de loi qui consacre le principe de l'indemnité en ce qui touche les servitudes militaires.
Ils s'attachent à démontrer que les principes invoqués dans l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale leur sont applicables, qu'une mesure purement de faveur décrétée dans l'intérêt exclusif de la population anversoise doit être prise à l'égard des habitants qui souffrent de la servitude dite douanière.
C'est en vain que les propriétaires d'Anvers prétendent que la servitude militaire est la plus lourde, la plus rigoureuse, la plus exceptionnelle ; cette considération serait vraie lorsqu'il s'agit de l'appréciation dans l'évaluation de l'indemnité à allouer, mais elle serait sans influence sur la question de principe, sur le point de savoir si l'indemnité est due ou n'est pas due.
Si vous admettez le principe qu'elle est due aux propriétaires lésés par les servitudes militaires, en invoquant cette autre considération que les sacrifices imposés à quelques-uns dans l'intérêt de tous doivent être indemnisés par l'Etat, il est impossible de ne pas l'appliquer à tous ceux à qui on impose un sacrifice, sans froisser la maxime que tous les Belges sont égaux devant le fisc.
Les pétitionnaires n'admettent pas que les servitudes militaires offrent plus d'inconvénients que celles imposées aux habitants dans le rayon douanier. Comme elles, elles y apportent des entraves au désir de bâtir, elles soumettent le commerce et l'industrie à des formalités gênantes qui paralysent son mouvement. Elles s'attaquent même à ce qu'il y a de plus respecté en Belgique : à l'inviolabilité du domicile, sans compter qu'elles soumettent toute une population à autant de vexations que l'arbitraire des agents pourra en imaginer, arbitraire, qui ne recule pas devant la visite corporelle.
Ces considérations ont été combattues dans un rapport fait par notre honorable collègue, M. Drubbel, et dont l'assemblée a pris connaissance.
Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 19 juillet 1871, le gouverneur de la province de Liège transmet une proposition adoptée par le conseil provincial et contenant le vœu : 1_ que l'exploitation de toutes les lignes de chemin de fer soit centralisée entre les mains de l'Etat ; 2° qu'un même tarif, le plus modéré possible, soit rendu applicable sur toutes les lignes, pour le transport des marchandises ; 3° que le barème de 1866 soit admis comme règle générale pour tous les parcours ; 4° que l'Etat mette le matériel et les installations du chemin de fer de l'Etat en rapport avec les nécessités de l'industrie et qu'en attendant la reprise de l'exploitation générale il prenne les mesures nécessaires pour que les sociétés particulières remplissent leurs obligations à cet égard.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
L'analyse de cette pétition indique les principaux objets qu'elle renferme.
Elle est digne de toute la sollicitude du gouvernement. Votre commission (page 698) pense aussi qu'il est de l'intérêt du pays, pour faire disparaître des inégalités choquâmes, que l'exploitation de toutes les lignes de chemin de fer soit centralisée entre les mains de l'Etat. Déjà celui-ci a reconnu ce principe par la reprise qu'il a faite du groupe de chemins de fer connu sous le nom de Bassins houillers. Elle pense qu'il y a lieu d'en poursuivre l'application. Elle partage également l'opinion qu'un même tarif, le plus modéré possible, soit rendu applicable sur toutes les lignes pour le transport des marchandises.
En ce qui touche le barème de 1866, pour le transport des voyageurs dont les pétitionnaires voudraient voir continuer les bienfaits, le gouvernement ayant jugé convenable de le modifier, votre commission pense qu'il y a lieu d'attendre le résultat du nouveau système pour en demander, soit la modification, soit la suppression.
Quant à l'objet dont s'occupe la pétition, déjà la Chambre a en partie répondu au désir y manifesté en consacrant par un vote un crédit d'au delà de 16,000,000 pour mettre le matériel et les installations du chemin de fer de l'Etat en rapport avec les nécessités de l'industrie.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Gosselies, le 16 novembre 1871, des habitants de Gosselies présentent des observations contre la mise en disponibilité de M. Kinet, ancien directeur de l'école moyenne de cette ville.
Cette pétition est couverte de plus de cent signatures.
Les habitants de Gosselies s'y plaignent très vivement de l'arrêté du 11 octobre 1871 qui met en disponibilité le sieur Kinet, directeur de l'école moyenne de cette ville.
Ils désirent connaître les motifs qui ont déterminé le gouvernement à prendre une mesure aussi rigoureuse vis-à-vis d'un homme jouissant, au moment où elle est venue le frapper, de l'estime publique et de la confiance des pères de famille.
Cette pétition intéresse trop sérieusement l'avenir de l'enseignement dans notre pays pour que votre commission ait hésité un seul instant à se joindre au désir exprimé par les pétitionnaires de connaître les motifs qui ont déterminé le gouvernement à poser l'acte dont ils se plaignent et elle conclut à une demande d'explications.
M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai vainement cherché dans la pétition analysée par l'honorable M. Bouvier des faits qui puissent justifier son renvoi à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications. Ces réserves faites, puisque des explications sont réclamées, il est évident que c'est, non pas M. le ministre de l'intérieur actuel, mais son prédécesseur qui doit les fournir.
Je les résumerai en quelques mots.
C'est à la demande du bureau administratif de Gosselies que le déplacement de M. Kinet a été résolu et il n'a eu lieu qu'après un rapport de M. l'inspecteur de l'enseignement moyen, qui s'est rendu à Gosselies et qui a exprimé l'avis que ce déplacement était désirable dans l'intérêt même de l'école moyenne.
Telles sont, messieurs, les circonstances qui ont précédé l'arrêté royal du 11 octobre 1871, qui a mis M. Kinet en disponibilité parce qu'en ce moment, il n'y avait aucun moyen de lui assurer une autre position.
M. Bouvier. - Pourrait-on avoir communication de ce rapport ? Car nous sommes en présence d'une pétition signée de plus de cent habitants de Gosselies.
Voici le texte de la pétition :
« Les soussignés, habitants de Gosselies, vivement émus par la mise en disponibilité de M. Kinet, ancien directeur de l'école moyenne de leur ville, se permettent d'appeler votre attention sur cette mesure, prise par arrêté royal, en date du 11 octobre, inséré au Moniteur du 13 du même mois.
« Le pays tout entier est intéressé à ce que la lumière se fasse sur cette affaire ; il faut que l'on sache quels sont les motifs jusqu'ici occultes pour lesquels on frappe un directeur qui jouit de l'estime et de la considération publiques, qui possède la confiance des pères de famille et dont les soussignés ont pu apprécier l'aptitude, les efforts et le dévouement qu'il a apportés dans l'accomplissement de ses nobles et délicates fonctions ; aussi, messieurs, depuis que M. Kinet dirige cette école, elle n'a cessé de prospérer ; le nombre des enfants qui la fréquentent s'est considérablement accru et le pensionnai, qui ne comptait que huit élèves à son début, en possédait cinquante à la fin de la dernière année scolaire.
« Jusqu'à preuve du contraire, messieurs, les soussignés sont donc fondés à considérer comme injuste et arbitraire une mesure dont la gravité ne doit pas vous échapper ; elle ne peul avoir d'autre conséquence que de saper l'enseignement officiel dans sa base en rendant impossible le recrutement du personnel enseignant.
« Les soussignés, confiants en votre sollicitude pour cet enseignement, osent espérer, messieurs, que vous prendrez leur requête en sérieuse considération et ils vous prient d'agréer l'assurance de leurs sentiments très distingués.
« (Suivent les signatures.) »
M. de Rossius. - Messieurs, l'honorable M. Kervyn nous a dit qu'il comprend peu la conclusion prise par la commission et qui consiste dans le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics avec demande d'explications.
Je crois qu'après la lecture qui vient d'être faite par M. le rapporteur, les honorables membres de la droite qui ont approuvé l'honorable M. Kervyn changeront d'opinion.
Cette pétition fait connaître que l'école moyenne de Gosselies, sous la direction habile du fonctionnaire frappé par l'ancien ministre de l'intérieur, avait vu le chiffre de sa population augmenter sensiblement.
L'honorable M. Kervyn, croyant sans doute supprimer le débat que semblable pétition doit nécessairement soulever dans une assemblée législative, a affirmé que la mesure prise par lui est justifiée par les conclusions conformes de son administration, par un rapport émanant d'un fonctionnaire supérieur.
Il a ajouté que le rapport tendait au déplacement du directeur de l'école moyenne de Gosselies.
Je ne croyais pas que le mot « déplacement » eût la même signification que les mots « mise en disponibilité. » C'est, en effet, cette dernière mesure qui fut prise à l'égard de M. Kinet. Cet homme n'a pas été seulement déplacé, il a été frappé d'une peine excessivement rigoureuse, puisqu'elle lui retirait presque entièrement ses moyens d'existence.
Jouissant d'un traitement de près de 3,000 francs, il se faisait encore, grâce à son pensionnat, une autre somme de 3,000 francs ; en tout, 6,000 francs. La mesure prise par l'honorable M. Kervyn l'a réduit à un traitement de 1,800 francs.
- Un membre. - On sait pourquoi il a été frappé.
M. de Rossius. - Vous savez pourquoi il a été frappé ! Moi je dis que quand une mesure semblable est prise à l'égard d'un homme auquel la population de Gosselies rend hommage, cette mesure réclame du gouvernement des explications plus sérieuses que celles que vient de tenter l'honorable M. Kervyn. S'il existe des rapports administratifs, je pense que le gouvernement ne doit pas hésiter à les faire connaître.
Je pense que la Chambre a le droit de se constituer juge entre l'honorable M. Kervyn qui a frappé un fonctionnaire, et ce fonctionnaire qui réclame contre la mesure dont il a été l'objet, juge d'une mesure contre laquelle proteste une partie considérable de la population de Gosselies.
Je : père donc que le gouvernement ne refusera pas de mettre la Chambre en état de s'éclairer.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je ne pense pas, messieurs, qu'il soit conforme aux règles du droit constitutionnel que la Chambre intervienne pour blâmer le ministre de l'intérieur qui pose un acte semblable à celui du 11 octobre 1871, lorsqu'il s'appuie sur l'avis unanime du bureau administratif et sur le rapport d'un fonctionnaire supérieur de l'administration de l'instruction publique.
En agissant ainsi, le ministre remplit son devoir, et l'opinion exprimée tout à l'heure par l'honorable M. de Rossius, que le parlement avait à apprécier des actes purement administratifs, conduirait à la plus déplorable confusion de pouvoirs.
Il a été reconnu, dans toutes les occasions et par tous les ministères, que les bureaux administratifs avaient spécialement pour mission d'appeler l'attention du gouvernement sur le personnel enseignant, et c'est ce qu'a fait le bureau administratif de Gosselies. (Interruption.)
Cela a été reconnu, je le répète, à toutes les époques, et l'honorable M. Pirmez lui-même, dans une circulaire du 20 novembre 1868, a insisté sur la légitime part d'influence et sur l'utile concours des bureaux administratifs. (Interruption.)
Ceci, messieurs, est placé au-dessus de toute contestation.
Ce n'est pas toutefois, messieurs, que je recule devant les explications qui me sont demandées. Je suis prêt à les donner complètes, depuis le premier jour jusqu'au dernier.
Voici, messieurs, ce qui, sous mon administration, s'est passé à Gosselies.
Depuis longtemps il y avait une situation tendue entre le bureau administratif et le directeur de l'école moyenne. Au mois de décembre 1870, le bureau administratif infligea un blâme à M. Kinet, et si, à ce sujet, une plainte, par voie officieuse, arriva jusqu'à moi, elle reposait uniquement sur ce que M. Kinet n'avait point été entendu.
(page 699) Dans cette situation, je chargeai l'un des inspecteurs de l'enseignement moyen de se rendre sur les lieux et d'entendre a la fois les plaintes du bureau administratif et la justification de M. Kinet.
En agissant ainsi, je remplissais mon devoir, un devoir de justice et d'impartialité.
L'honorable inspecteur qui fut chargé de cette mission me fit un rapport où il indiquait la situation telle qu'il l'avait trouvée, situation profondément tendue et qui rendait à peu près impossible le maintien de M. Kinet. En présence de cette situation, le rapport concluait au déplacement de ce fonctionnaire, et le lendemain même, le bureau administratif s'adressa au département de l'intérieur, pour qu'il fût donné suite à cette mesure, pour que M. Kinet fût déplacé aux vacances.
J'affirme, messieurs, que je n'avais en ce moment aucunement l'intention de mettre M. Kinet en disponibilité, et que je recherchais activement les moyens de lui donner une autre position.
Pendant quelque temps j'eus cet espoir. Le directeur de l'école moyenne d'Anvers, M. Sanders, avait annoncé l'intention de se retirer, et cela pouvait conduire à un mouvement de remaniement dans la direction dès écoles moyennes. Je pensais qu'il en résulterait pour moi la possibilité de donner un autre emploi à M. Kinet ; mais ces prévisions s'évanouirent dans les premiers jours d'octobre, c'est à dire fort tard.
Je le regrette pour l'école de Gosselies, car, je dois l'avouer, je me préoccupais davantage encore en ce moment des intérêts de M. Kinet que de ceux de l'école moyenne de Gosselies.
En effet, au mois d'octobre, M. Sanders me fit connaître son intention de ne pas quitter la direction de l'école moyenne d'Anvers avant le commencement de l'année 1872.
^ Or, en ce même moment, M. Kinet s'adressait lui-même au bureau administratif de Gosselies, pour exposer que ses intérêts, à raison de la pension qu'il dirigeait, exigeaient une solution immédiate.
De son côté, le bureau administratif, à l'unanimité moins une voix, insista pour demander sans plus de retard le déplacement de M. Kinet.
C'est en cet état de choses que l'arrêté du 11 octobre intervint, arrêté qui mit M. Kinet en disponibilité, puisque c'était le seul moyen de faire droit à une demande formelle, fréquemment réitérée, du bureau administratif et pleinement justifiée.
Ce sont là, messieurs, les motifs occultes dont parle la pétition. Il n'y a jamais eu rien d'occulte dans les rapports entre le bureau administratif et le gouvernement sur cette affaire.
Ce que M. de Rossius a oublié de dire, c'est qu'il s'est passé des scènes déplorables à Gosselies, quelques jours après l'arrêté qui mettait M. Kinet en disponibilité.
Aussitôt après l'arrêté du 11 octobre, M. Kinet s'était présenté chez moi : il demandait à être reçu de suite et il le fut, et là il me somma d'avoir à lui faire connaître s'il serait immédiatement replacé. Et comme je lui répondais que je ne pouvais pas le faire, il se retira, et à son retour à Gosselies on organisa une manifestation ; on prononça des discours où l'on déclarait que l'on avait appris avec indignation la résolution du gouvernement et qu'il fallait mettre au pilori de l'opinion publique ceux qui avaient osé la prendre.
M. Orts. - C'est comme le vicaire Van Ecke.
M. Kervyn de Lettenhove. - Eh bien, je le dis sans hésitation, c'est encourager l'anarchie dans le corps enseignant que d'approuver les professeurs qui se prêtent à de pareilles manifestations, et à coup sûr, nous ne pourrions confier l'éducation de la jeunesse à qui le corps enseignant doit apprendre la discipline, l'ordre et le respect, à des professeurs qui donnent eux-mêmes l'exemple de la révolte contre les lois et contre les pouvoirs publics.
M. Bouvier, rapporteur. - Il n'y a pas de révolte.
M. de Rossius. - Je. dois d'abord faire connaître à la Chambre quelle était la population de l'école moyenne de Gosselies, sous la direction de M. Kinet.
L'école s'ouvrit en 1868 avec 236 élèves ; le 10 novembre 1869 avec 280 élèves ; le 10 novembre 1870 avec 273.
Voici maintenant la population de son pensionnat.
M. Kinet a été placé à la tête de l'école de Gosselies en octobre 1868 ; l'école comptait alors 9 élèves internes ; en août 1869, elle en avait 19 ; en octobre 1869 la rentrée se faisait avec 40 internes ; en août 1870, il y en avait 47 ; en octobre 1870,47 élèves, et en août 1870, 48.
Assurément ces chiffres prouvent la confiance des pères de famille dans l'administration de M. Kinet.
L'honorable M. Kervyn a des théories particulières sur la responsabilité ministérielle et sur le contrôle des Chambres. Du moment où le bureau administratif réclame de M. le ministre de l'intérieur ce que l'on appelle - faute d'oser parler franchement - le déplacement du chef d'une école moyenne, il faut que ce chef soit frappé ; qu'il soit mis en disponibilité ; le ministre a le droit d'enlever à cet homme son pain et la Chambre n'a pas celui de juger la conduite du ministre et de lui infliger un blâme, si elle reconnaît que ce blâme est mérité.
Je n'ai pas les documents officiels sous les yeux ; j'espère qu'ils seront produits.
Cette production me paraît nécessaire après la déclaration de l'honorable M. Kervyn. Je possède toutefois un document qui révèle l'esprit qui animait le bureau administratif de Gosselies et qui prouve que les habitants de cette ville ont mille fois raison de protester contre la décision qui a frappé M. Kinet et d'affirmer que la passion politique seule a déterminé la conduite de ce bureau administratif. En effet, nous voyons ce bureau ne pas hésiter à violer les règlements organiques des écoles moyennes de l'Etat.
Sans doute le bureau administratif de ces écoles moyennes a le devoir de s'occuper de la discipline intérieure de l'établissement, d'appeler l'attention du ministre de l'intérieur sur la conduite tenue par les directeurs et par les régents ; mais il n'a pas le droit, usurpant les pouvoirs du ministre, d'infliger un blâme au directeur d'une école moyenne. C'est ce que le bureau administratif n'a pas hésité à faire, poussé, je le répète, par la passion politique, parce que M. Kinet est un libéral. (Interruption.) Oui, c'est un homme très modéré, mais c'est un libéral dont les convictions sont très fermes et qui a refusé de s'incliner devant les exigences de l'administration communale catholique de Gosselies.
Eh bien, messieurs, le bureau administratif n'a pas hésité, - violant le règlement organique, - à infliger directement un blâme à M. Kinet, - à l'occasion de faits sur lesquels je ne dirai rien en ce moment ; - je me borne à signaler cette violation du règlement.
Le bureau administratif a été plus loin ; il a fait une chose inouïe, j'en suis convaincu, dans les annales de l'administration belge. Il a ordonné au directeur frappé par son blâme de faire connaître lui-même à ses professeurs la condamnation dont il le frappait.
M. Muller. - Mais cela n'est pas possible !
M. de Rossius. - C'est parfaitement exact. Ainsi, un bureau administratif se réunit ; le bourgmestre, membre du barreau, prend la parole ; il fait connaître des faits prétendument posés par le directeur de l'école et il invite le bureau administratif à infliger un blâme à ce directeur. On n'appelle pas même celui-ci ; on refuse de l'entendre sur les faits signalés par le bourgmestre et voici la délibération qui est prise :
« Le bureau, à l'unanimité, vote le blâme proposé par M. le bourgmestre, président… Expédition de la présente sera transmise pour information à M. Kinet, directeur de l'école moyenne, qui est en même temps chargé- d'en donner connaissance aux membres du personnel enseignant. » (Interruption.)
M. Frère-Orban. - C'est le bureau administratif qu'il fallait révoquer.
M. de Rossius. - Le bureau administratif est composé des amis de l'honorable M. Kervyn et, si mes renseignements sont exacts - M. le ministre de l'intérieur actuel s'expliquera sur ce point, - une protestation très vive a été formulée par un membre du bureau administratif contre le blâme infligé à M. Kinet.
M. Drion. - Je l'ai ici ; je la lirai.
M. de Rossius. - Vous lirez donc toutes les pièces ? Vous êtes membre du bureau administratif.
M. Drion. - J'en lirai quelques-unes.
M. de Rossius. - Je serai très heureux d'entendre cette lecture, parce que quand vous aurez lu quelques pièces, M. le ministre de l'intérieur sera bien forcé de produire les autres. Nous aurons ainsi tout le dossier sous les yeux. (Interruption.) Mais qui ne dit mot consent. (Interruption.)
Il est évident que, M. le ministre de l'intérieur se taisant, il prend par cela même un engagement.
S'il autorise M. Drion à donner connaissance à la Chambre de quelques documents du dossier, il faudra bien qu'il les communique tous.
M. Drion. - Ce sont des pièces qui m'ont été communiquées par le membre du bureau administratif qui a fait la protestation.
(page 700) M. de Rossius. - Permettez ! Vous faites partie du bureau, M. Drion, c'est en cette qualité que vous produisez certaines pièces.
Ce qui prouve qu'il n'y avait pas de griefs sérieux à charge de M. Kinet, ce sont les déclarations que vient de nous faire avec une naïveté touchante l'honorable M. Kervyn.
Voilà un homme qui est un fonctionnaire public et qui a droit à la sécurité que tout fonctionnaire peut revendiquer. On vient vous dire qu'on a eu simplement l'intention de le déplacer pour remettre la paix dans le ménage de l'école moyenne de Gosselies. On reconnaissait donc qu'on ne pouvait prononcer contre lui une véritable condamnation.
Et c'est au dernier moment, lorsqu'on est dans l'impossibilité de donner à M. Kinet une position aussi avantageuse que celle qu'il possédait, qu'on se décide de le mettre en disponibilité.
Et vous voudriez nous faire croire qu'il y avait à cette mise en disponibilité un motif sérieux !
M. Drion. - Très sérieux.
M. de Rossius. - Qu'une raison plausible imposait au gouvernement le devoir de frapper cet homme !
Vous avez une enquête. Produisez-la. Il faut qu'on sache ce qu'elle renferme.Il1 faut qu'on sache si elle renferme la preuve de faits graves à charge de M. Kinet. S'il était réellement coupable, pourquoi M. Kervyn ne le frappait-il pas immédiatement ? De deux choses l'une : ou bien la présence de cet homme à la tête d'une école moyenne n'était plus possible, des griefs sérieux existaient contre lui et vous aviez alors le devoir de le mettre en disponibilité, sans avoir le droit de le déplacer seulement ; ou bien les griefs n'étaient pas sérieux et alors vous n'aviez pas le droit, sous prétexte de ramener l'harmonie au sein de l'école moyenne de Gosselies, de le mettre en disponibilité.
Messieurs, j'attends avec une impatience extrême et les explications de M. le ministre de l'intérieur et celles de l'honorable M. Drion ; j'attends avec une impatience extrême les pièces de ce petit procès, qui nous édifieront sur le point de savoir si nous devons absoudre M.. Kervyn ou si, en réalité, ce qu'il appelle le déplacement de M. Kinet n'a pas eu d'autres causes que ces haines vivaces, que ces rancunes redoutables qui existent chez ces gens que Beaumarchais appelait si justement « les petits hommes. »
M. Pirmez. - Messieurs, j'ai été fort surpris d'entendre l'honorable M. Kervyn nous exposer une théorie constitutionnelle toute nouvelle, nouvelle pour tous les membres de cette Chambre, mais nouvelle surtout pour lui.
Jamais, jusqu'à présent, je n'avais entendu soutenir que les ministres ne sont pas responsables de leurs actes et qu'on n'a pas le droit de leur demander compte des destitutions qu'on prétend être d'injustes actes de parti.
J'ai été étonné surtout, dis-je, de rencontrer cette prétention dans la bouche de M. Kervyn, car je me rappelle le temps où lui-même me traduisait à la barre de cette assemblée pour avoir destitué l'instituteur de Cherscamp. Il m'accusait alors d'avoir cédé à des sollicitations étrangères à l'administration, d'avoir frappé, sans motifs sérieux, un instituteur communal. Il se posait contre moi en défenseur des membres du corps enseignant, il nous donnait l'assurance que jamais sous son administration on ne le verrait sacrifier les instituteurs aux administrations locales.
De quoi s'agissait-il dans cette affaire ?
Il s'agissait d'un instituteur, fonctionnaire communal, remarquez-le bien, dont la révocation était proposée par l'unanimité du conseil communal, provoquée par les inspecteurs de l'enseignement. M. Kervyn trouvait que le ministre devait avoir à répondre de l'acte par lequel il avait donné sa sanction à cette révocation. Il fallait créer une victime et un défenseur de cette victime. La victime, c'était l'instituteur de Cherscamp ; le défenseur de la victime, c'était l'honorable M. Kervyn.
Mais, depuis lors, j'ai appris que cette prétendue victime était même une victime de circonstance.
Cet instituteur, que j'avais révoqué à la demande de toutes les autorités, avait été maintenu par M. Kervyn, mais quelques semaines après le débat où l'honorable M. Kervyn le produisait, il donnait volontairement sa démission ; son rôle était fini. Ne l'avait-on pas maintenu en fonction pour en faire une victime postiche, et si telle est la victime, tel n'est-il pas le défenseur ?
M. Kervyn de Lettenhove. - Tout cela est inexact.
M. Pirmez. - C'est très exact, mais les temps sont changés.
On trouvait qu'il fallait soutenir un instituteur primaire fonctionnaire communal contre le conseil communal ; on va bien plus loin : on soumet pleinement à un simple bureau consultatif des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires nommés et révocables par le gouvernement. Et l’honorable M. Kervyn croit avoir tout dit lorsqu'il nous a appris que le bureau administratif avait demandé à être débarrassé du directeur de l'école moyenne qui nous occupe. Sur ce simple avis, il n'a vu qu'une solution : y déférer.
Il est vrai qu'il a envoyé un inspecteur qui a pensé qu'à cause de la division existante entre le directeur de l'école et le bureau administratif, il pouvait être utile de nommer ailleurs le directeur. L'honorable M. Kervyn a reconnu que ce fonctionnaire devait être replacé, qu'il n'y avait pas matière à destitution. Mais, comme il ne se trouvait pas de place pour ce fonctionnaire, il s'est dit : Mieux vaut le destituer, que de ne pas satisfaire mes amis politiques.
Ainsi ce fonctionnaire reconnu innocent par l'honorable M. Kervyn, qui cherchait à le placer dans une autre école, ce fonctionnaire, il a mieux aimé le sacrifier que de ne pas satisfaire aux demandes de son parti.
Voyons quels sont les faits reprochés à ce directeur ?
Mais d'abord je signalerai un premier crime qui est irrémissible, c'est un péché originel : il a été nommé par moi.
Lorsque la direction de l'école communale de Gosselies fut devenue vacante, je connaissais l'état d'irritation qui existait dans la commune de Gosselies ; les partis s'y balançaient et s'y combattaient avec acharnement, l'administration libérale y avait existé longtemps et, je crois, existait encore, mais ne devait pas tarder à être renversée.
Je consultai moi-même non seulement le directeur général de l'instruction publique, mais encore les trois inspecteurs de l'enseignement moyen ; je leur indiquai que, dans cette situation délicate, le directeur de l'école aurait besoin de beaucoup de modération, qu'il fallait un homme ayant assez de caractère pour ne pas se laisser entraîner à sortir de son rôle. Unanimement ces quatre fonctionnaires, dont je ne crains pas d'invoquer publiquement le témoignage, me dirent que personne plus que M. Kinet ne convenait à cette situation demandant de la fermeté et du tact.
Mais lorsque l'administration communale libérale disparut, il ne se courba point sous l'administration nouvelle. (Interruption.)
Il est possible que déjà, lors de sa nomination, l'administration libérale avait été renversée ; c'est un point sans importance. ; toujours est-il que sans faire aucun acte d'opposition, il resta indépendant du parti dominant.
C'en fut assez pour que sa perte fût résolue.
Messieurs, le premier dissentiment qui se présenta fut celui-ci. Un jour de fête, dans des circonstances dont je n'ai pas le souvenir précis, on se servit des locaux et du mobilier de l'école moyenne à l'occasion de certaines réjouissances publiques. M. Kinet fit connaître le fait à l'administration centrale et l'administration centrale décida que ce fait ne pouvait plus se reproduire.
Voilà la première cause d'irritation.
Evidemment, il n'y avait là rien de bien grave, M. Kinet n'avait fait que son devoir.
L'honorable M. de Rossius vous a fait connaître l'acte par lequel le bureau administratif, usurpant les pouvoirs du ministre de l'intérieur, avait infligé un blâme au directeur à l'école.
C'est là un fait sans précédent, sur lequel je serais curieux de connaître l'opinion de l'honorable M. Kervyn. Chose plus qu'étrange : le bureau chargeait le directeur de l'école de s'exécuter lui-même, en communiquant à ses subordonnés la censure dont il était l'objet.
Personne, sans doute, plus que moi, n'avait vu jusqu'ici qu'un accusé condamné eût été chargé d'exécuter lui-même la sentence prononcée contre lui. Tout cela s'est vu à Gosselies : le directeur frappé par le bureau administratif devait s'amoindrir lui-même devant ceux qui lui sont soumis.
L'honorable M. Kervyn a été saisi d'une réclamation de la part de M. Kinet...
M. Kervyn de Lettenhove. - Pardon.
M. Pirmez. - M. Kinet a réclamé.
M. Kervyn de Lettenhove. - Pas au ministère de l'intérieur.
M. Pirmez. - C'est une question de mots. M. Kinet a protesté. Je demanderai à l'honorable M. Kervyn pourquoi il n'a pas rappelé le bureau administratif de Gosselies à ses devoirs...
M. Kervyn de Lettenhove. - Je n'ai jamais été saisi de cette question.
M. Pirmez. - Non seulement M. Kervyn n'a pas annulé l'acte d'usurpation posé par le bureau administratif de Gosselies... (Interruption.) Oui, M. Kervyn laisse le bureau blâmer le directeur de l'école ; il laisse empiéter sur ses droits ; et loin de blâmer cette usurpation, il invoque ici lui-même cet acte souverainement irrégulier ; il s'en fait une arme pour frapper (page 701) le directeur de l'école. C'est là le renversement de toutes les exigences administratives.
Il y a quelque chose de plus étrange que l'acte de destitution en lui-même, c'est la manière dont M. Kervyn a apprécié la réclamation du directeur.
Voilà un homme qui, de son aveu, est innocent.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je n'ai pas dit cela.
M. Pirmez. - Vous vouliez le déplacer seulement ; il n'était donc pas bien coupable. (Interruption.)
Voici ce que M. Kervyn nous a dit, si j'ai bien compris : Il y avait à Gosselies une situation très tendue, que je ne nie pas. M. Kervyn a pensé qu'en présence de cette situation difficile, il fallait déplacer le directeur.
Il y avait une situation de fait, que M. Kervyn jugeait utile de faire cesser, mais il ne voulait pas frapper le directeur ; en effet, M. Kervyn a d'abord cherché au directeur une position équivalente ailleurs. Le directeur était donc innocent.
Mais M. Kervyn ne trouve pas de position ailleurs et alors il se décide pour la mise en disponibilité. Ce directeur se rend chez lui et lui dit : Je suis dans une triste situation ; vous me privez d'une grande partie de mon revenu ; je n'ai pas de fortune ; que dois-je faire ? Pouvez-vous me replacer ? Dois-je attendre ou faut-il chercher ailleurs ?
Voilà ce que M. Kervyn trouve une démarche étrange, une démarche blâmable. Cet homme-là doit donc attendre, dans la position abaissée que vous lui avez faite, sans même pouvoir s'enquérir du temps qu'elle durera, sans pouvoir s'éclairer sur son avenir ! Cela lui est refusé. Il faut qu'il se soumette et qu'il ne parle pas ! La population de Gosselies, irritée de la mesure prise contre M. Kinet et qu'elle sait être une mesure de parti, reçoit le professeur ; les parents qui lui avaient confié leurs enfants lui adressent des remerciements pour les soins qu'il a donnés à leurs enfants.
Voilà ce qui, d'après M. Kervyn, doit démoraliser le corps enseignant et un homme qui, frappé injustement, demande un renseignement nécessaire à son avenir et qui reçoit des remerciements des parents qui avaient mis en lui sa confiance, est déclaré pour cela indigne de diriger l'éducation des enfants !
Mais, nous dit M. Kervyn, au-dessus de tout cela, il y avait l'intérêt de l'enseignement moyen qui m'imposait cette mesure. Voyons !
L'honorable M. de Rossius a montré quelle avait été la progression croissante du nombre des élèves non seulement à l'école, mais encore au pensionnat de Gosselies. Il y avait alors 49 élèves au pensionnat. Cette situation méritait sans doute certains égards. Savez-vous quelle a été la conséquence de la mesure prise contre M. Kinet ?
C'est que le pensionnat est tombé complètement au départ de M. Kinet. Il n'y est resté que 2 ou 3 élèves.
- Un membre. - Cinq.
M. Pirmez. - Cinq. Voilà le résultat d'une mesure qui a été prise dans l'intérêt de l'enseignement ; le nombre des élèves dans le pensionnat a été réduit des 9/10 et à l'heure qu'il est, combien y reste-t-il encore d'élèves ? Douze. Le mal est fait. A qui faut-il l’imputer ? A vous, M. Kervyn, qui, par la mesure que vous avez prise sans motif, avez détruit le pensionnat qui était dans la période la plus prospère.
Je trouve réellement plaisant que l'on ose venir dire qu'on a pris une mesure pareille dans l'intérêt de l'enseignement !
MM. Kervyn de Lettenhove. - Je demande la parole.
M. Pirmez. - Quel mal plus grand pouvait-il y avoir pour le pensionnat de Gosselies que de voir disparaître les neuf dixièmes des élèves ?
Je suis tenté de me demander si, en allant au fond, on ne trouverait pas que la destruction du pensionnat de Gosselies a été cherchée.
De deux choses l'une : ou on a voulu ce résultat ou on ne l'a pas voulu. Dans le premier cas, on ne prétendra pas que l'enseignement public ait été en bonnes mains ; dans le second, on ne soutiendra pas qu'il a été fait une saine appréciation de ce qui convient à la prospérité de l'école.
Mais, messieurs, ce n'est pas tout ; pour donner le caractère vrai de cette mesure, il suffit de signaler un fait qui est concomitant à celui-ci.
Un régent à l'école moyenne ne partageait pas non plus les idées politiques de l'administration communale de Gosselies. Il avait épousé une jeune fille de la localité, d'une famille ayant le grand tort d'appartenir au parti libéral. On a décidé qu'il serait déplacé et il l'a été. (Interruption.) Et savez-vous où on l'a envoyé ?
L'honorable M. Kervyn est un grand partisan de la cause flamande ; pour rien au monde, il n'aurait voulu placer dans nos provinces flamandes un fonctionnaire quelconque ne sachant pas le flamand. Nous connaissons les grandes réformes qu'il a opérées à cet égard ; la Chambre se rappelle qu'il s'est imaginé avoir créé le bureau flamand ; elle se appelle que les circulaires de l'honorable M. Kervyn ont figuré au Moniteur en français et en flamand.
Je ne sais pas si celles de l'honorable M. Delcour y figureront aussi en flamand ; je doute fort qu'il se donne ce petit ridicule. Mais enfin, voilà un professeur dont il faut débarrasser des amis politiques, mais qui ne sait pas un mot de flamand. On l'a envoyé à Turnhout ! Et cela sans aucun motif qu'un inavouable motif de parti. (Interruption.)
Je dénonce l'honorable M. Kervyn aux honorables députés d'Anvers. On me fait remarquer que c'était un nouveau moyen inventé par l'honorable M. Kervyn pour forcer les Wallons à apprendre à parler le flamand ; seulement ce moyen est aussi nouveau que la théorie constitutionnelle que je relevais tantôt.
Ainsi, sans même qu'il y ait un prétexte en cause, pour satisfaire des intérêts politiques, un grave dommage est causé à un honnête professeur : on le sépare de sa famille.
II sait et sa famille sait ce qu'il faudrait faire pour obtenir la fin de cet exil : il faudrait se soumettre. Les parents de ce professeur n'ont qu'à déclarer qu'ils changeront de parti, et tout sera terminé.
On a frappé des innocents ; je doute qu'on le regrette ; une disgrâce injuste sert parfois plus au but que l'on poursuit ; c'est quand on veut dominer par la crainte.
L'effroi est faible quand un coupable est frappé ; le fait explique la peine, mais quand un innocent est frappé, on voit la force, on voit le pouvoir et ceux qui ne veulent pas se soumettre savent ce qu'ils ont à attendre.
M. Drion. - Messieurs, en ma qualité de membre du bureau administratif de l'école moyenne de Gosselies, je crois devoir prendre la parole pour donner quelques explications au sujet des faits dont s'occupe la Chambre.
Quoi qu'en pense l'honorable M. de Rossius, le bureau administratif de Gosselies se compose d'hommes modérés, conciliants et très bienveillants pour tout le monde, et si M. Kinet n'a pu vivre d'accord avec nous, c'est qu'il l'a bien voulu.
A entendre l'honorable M. de Rossius, ce serait dans un but politique que nous avons demandé le déplacement de M. Kinet. Rien n'est plus faux.
Le prédécesseur de M. Kinet était aussi un libéral, mais c'était un homme très poli, très convenable, avec lequel toutes les autorités ont toujours vécu dans les meilleurs termes et nous avons vivement regretté que l'état de sa santé ne lui ait pas permis de rester à la tête de l'école. J'arrive aux faits.
Le bourgmestre de Gosselies, président du bureau, avait, à différentes reprises, adressé à M. Kinet des remontrances officieuses et très amicales au sujet de certains faits qui se sont passés à l'école de Gosselies.
M. Kinet ne tenant aucun compte des observations du bourgmestre, celui-ci proposa, le 24 décembre 1870, d'infliger un blâme à M. Kinet.
Le gouvernement, ayant eu connaissance de la mesure prise contre M. Kinet, ordonna une enquête et envoya à Gosselies un inspecteur de l'enseignement moyen.
Tous les faits mis à la charge de M. Kinet furent confirmés dans l'enquête.
Cette enquête fut si concluante (je prie la Chambre de noter ce détail), que, séance tenante, l'inspecteur nous demanda si nous voulions le déplacement immédiat.
Mais, dans la crainte que cette mesure, prise au milieu de l'année scolaire, ne provoquât une certaine perturbation, nous avons demandé qu'elle fût ajournée aux vacances.
Voilà les faits.
Je n'ai pas l'intention de dire quelque chose de désobligeant pour M. Kinet, cela n'est pas dans mes habitudes ; mais quand M. Kinet prétend que, pendant trois années, il a été en butte à des tracasseries de la part de l'administration, je réponds à M. Kinet, qu'il avance un fait complètement contraire à la vérité et je lui porte le défi de citer un seul fait à l'appui de son assertion. Nous avons toujours eu pour M. Kinet les plus grands égards ; ce qui a perdu ce fonctionnaire, c'est son caractère hautain, dominateur ; jamais il n'a tenu compte des observations de l'autorité locale.
En toute circonstance, il affectait de braver l'administration communale. C'est ainsi que, lorsque le bourgmestre invitait M. Kinet à se trouver à l'hôtel de ville pour se rendre de là en cortège au Te Deum, M. Kinet (page 702) engageait ses professeurs... (Interruption.) Oh ! M. de Rossius, nous n'irons jamais demander conseil aux grands hommes de Liège, alors même qu'ils auraient la prétention de devenir ministres ; chaque fois qu'un professeur de notre école moyenne nous donnera des motifs sérieux de plainte, nous lui infligerons un blâme, nous n'irons pas vous demander conseil. (Interruption.)
Je dis donc que lorsque le bourgmestre invitait M. Kinet à se trouver avec ses professeurs à l'hôtel de ville pour se rendre de là en cortège au Te Deum, M. Kinet engageait ses professeurs à faire bande à part et la résolution de M. Kinet, nous la connaissions plusieurs jours avant la cérémonie ; il s'en vantait dans les lieux publics, dans les estaminets et voici ses paroles textuelles prononcées devant un public nombreux : « Le conseil communal m'a invité à me joindre au cortège qui doit se rendre au Te Deum, mais je ne veux pas me joindre à ces gens-là. »
Voilà, messieurs, comment s'exprimait M. Kinet.(Interruption.) De plus, lorsqu'il passait devant les membres du bureau administratif ou de l'administration communale, au lieu de les saluer et de donner ainsi à ses élèves l'exemple de la politesse et de la déférence qu'on doit aux autorités, il les toisait d'un air de mépris qui indignait tout le monde. Voilà comment M. Kinet se conduisait,
Maintenant, messieurs, M. Kinet et ses professeurs conduisaient leurs élèves dans les cabarets, malgré la défense du bourgmestre.
On peut très bien comprendre, messieurs, qu'un chef d'institution'conduise ses élèves dans les estaminets lorsqu'ils vont faire des promenades au loin dans les champs et qu'ils ont besoin de rafraîchissements, mais ca n'est pas cela qui se passait à Gosselies. M. Kinet introduisait ses élèves dans les cabarets, à quelques centaines de mètres de l'école moyenne et même dans la ville de Gosselies, en passant des après-dinées entières dans les cabarets ; on y jouait au billard, aux cartes, etc.
M. de Rossius. - Et M. Kinet avait toujours la confiance des parents. (Interruption.)
M. Drion. - Dans l'enquête, M. Kinet a avoué avoir mené ses élèves à deux reprises différentes dans des cabarets suspects ; mais pour sa justification, il a ajouté qu'il ignorait que ces maisons fussent d'une réputation équivoque.
Eh bien, M. Kinet eût évité tous ces désagréments s'il s'était conformé aux ordres du bourgmestre, qui avait reçu différentes plaintes des parents.
Les visites dans les cabarets étaient si longues, que de malheureux enfants, qui n'avaient pas de quoi payer leur consommation, étaient obligés de rester dans la rue pendant plusieurs heures en hiver, à demi-morts de froid, en attendant que les professeurs eussent achevé leur partie de billard. Des personnes honorables de la ville ont recueilli par humanité des enfants et leur ont donné un abri. Nous ne pouvions tolérer de pareils désordres. A entendre l'honorable M. de Rossius, ce serait à M. Kinet que serait due la prospérité de l'école moyenne de Gosselies. Il n'en est rien. La prospérité de l'école moyenne est due à l'appui dévoué de l'administration communale, qui ne recule devant aucun sacrifice pour maintenir sur un bon pied une institution chère à tous les pères de famille.
La prospérité de l'établissement est due aussi aux succès remportés dans les concours par les élèves.
M. de Rossius. - Sous la direction de M. Kinet. ?
M. Drion. Sous la direction du prédécesseur de M. Kinet. Je vais vous citer des chiffres qui prouveront que la prospérité de notre école est bien antérieure à l'arrivée de M. Kinet.
En 1862 nous avions 106 élèves. En 1863 121, en 1864 158, en 1865 206, en 1866 (l’année du choléra) 222, en 1867 202 et en 1868 233.
En 1869, l'honorable M. Pirmez s'est trompé à cet égard, arrive M. Kinet ; nous avons 236 élèves.
En 1870 nous en avons 280 En 1871, 273.
C'est-à-dire que la population de l'école a toujours été en progressant depuis 1862.
Ainsi, ce n'est pas à l'arrivée de M. Kinet qu'on doit la prospérité de rétablissement.
Examinons maintenant les succès remportés par mis élèves dans les concours de l'enseignement moyen : en 1864 nous obtenons 6 distinctions, en 1865 3, en 1866 6, en 1867 2 et en 1868 3.
En 1869, arrive M. Kinet ; il a encore les élèves formés par son prédécesseur et nous obtenons 7 distinctions.
En 1870, nous en obtenons 5, et en 1871, nous n'obtenons plus qu'un dixième accessit et un dixième prix de vétéran.
Maintenant, messieurs, il me reste à réfuter les différents arguments de l'honorable M. de Rossius.
L'honorable M. de Rossius nous a parlé du grand nombre de signatures apposées sur la pétition ; eh bien, messieurs, beaucoup de ces signatures ont été données par des femmes et des enfants ; on est allé dans les villages de la banlieue et on a fini par trouver une centaine de signatures dans une localité qui a une population de 7,000 habitants.
On a parlé de manifestations de l'opinion publique. Je me charge de vous prouver, aux élections du mois d'octobre, que nous avons reçu l'approbation de l'immense majorité de la population. La nomination de M. Kinet a été faite alors que le parti catholique était au pouvoir à Gosselies,
Les recommandations dont a parlé M. Pirmez n'ont donc pu exister, tout cela est inventé pour les besoins de la causé.
Quand M. Kinet a été placé à la tête de l'école moyenne, il y avait longtemps que les catholiques étaient au pouvoir à Gosselies.
M. Pirmez nous a adressé un reproche beaucoup plus grave ; il nous a dit que nous voulions détruire l'école moyenne ; je lui réponds que si le pensionnat a été détruit, c'est parce que M. Kinet, avant de quitter l'école, a tenu une conduite très blâmable : il a dit que le pensionnat serait supprimé et il a engagé les parents à placer leurs enfants dans d'autres établissements.
Du reste, nous avons dépensé beaucoup plus pour l'école moyenne que les amis de l'honorable M. Pirmez n'ont dépensé lorsqu'ils occupaient le pouvoir.
Loin de vouloir la destruction de notre école, je recommande fréquemment à la bienveillance du gouvernement des jeunes gens qui sortent de cette école et qui désirent entrer dans les administrations publiques. Voilà ce que tout le monde sait à Gosselies.
J'ai fait connaître à la Chambre les faits qui ont motivé le départ de M. Kinet. Personne n'en méconnaîtra la gravité.
Dans cette circonstance, le bureau administratif de Gosselies a rempli son devoir et il a reçu, je le répète, l'approbation de l'immense majorité des habitants.
En terminant, je dois remercier l'honorable M. Kervyn de la mesure qu'il a prise ; et ces remerciements, je les lui adresse au nom du bureau administratif, au nom de l'administration communale, dont je fais partie, et au nom de l'immense majorité des habitants de la ville.
J'ai oublié un point. L'honorable M. de Rossius nous a parlé d'une protestation à laquelle il attache une grande importance. En effet, toutes les délibérations du bureau, relatives à M. Kinet, ont été prises à l'unanimité, sauf une voix, celle d'un de mes amis politiques, remarquez-le bien.
M. Schilbert, c'est le membre dont il s'agit, n'était pas du même avis ; il pensait, comme l'honorable M. de Rossius, que le bureau n'avait pas le droit d'infliger un blâme.
J'ai ici sa protestation ; c'est lui-même qui l'a envoyée à M. le directeur général de l'instruction publique.
Nous n'avions pas autorisé l'insertion de cette protestation dans le procès-verbal de la séance, parce que ce membre, n'ayant pas assisté à la séance, ne pouvait réclamer contre le procès-verbal d'une séance à laquelle il n'assistait pas.
Voici ce que porte la protestation de M. Schilbert :
« Monsieur le directeur général,
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une protestation que j'ai voulu faire insérer à la suite du procès-verbal de l'avant-dernière séance du bureau administratif de l'école moyenne de notre ville, qui a été mise aux voix et rejetée, contre un blâme infligé à M. le directeur de cette école.
« Voici :
« Je proteste contre le blâme infligé à M. le directeur de l'école moyenne parce que le bureau administratif n'avait pas qualité pour le faire, parce que cela rentre dans les attributions de M. le ministre de l'intérieur, qui est seul compétent pour régler des questions aussi délicates, et alors surtout que M. le directeur n'a pas été appelés à s'expliquer.
(page 703) « Je proteste, en outre, contre la teneur du procès-verbal parce qu'enfin cet objet n'a pas été mis à l'ordre du jour de cette séance comme le prescrit l'article 6 de l'arrêté royal du 10 juin 1852.
« Toutes les pièces seront incessamment envoyées à M. le ministre de l'intérieur.
« Echevin et le plus ancien conseiller communal de la ville, soyez persuadé, M. le directeur général, que c'est consciencieusement que j'ai fait cette protestation et vous serez appelé, je n'en doute pas, à apprécier le tout.
« Entre-temps, recevez, etc.
« (Signé) Schilbert.
« Gosselies, le 14 mai 1871. »
H est vrai, comme le dit M. Schilbert, que cet objet, c'est-à-dire le blâme infligé à M. Kinet, n'avait pas été mis à l'ordre du jour.
C'est là une irrégularité comme il s'en commet souvent dans les administrations. Mais si la question avait été mise à l'ordre du jour, elle aurait eu la même solution.
M. Pirmez. - Je n'en doute pas.
M. Drion. - Voilà la fameuse protestation à laquelle vous attachez tant d'importance. Vous voyez que ce membre proteste simplement parce que, à son avis, nous n'avions pas le droit d'infliger un blâme ; mais il ne conteste aucunement les faits.
- Des voix. - A demain !
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, un seul mot. Je voulais opposer aux exagérations de langage de M. Pirmez quelques chiffres.
D’après lui, j'ai eu recours au système de la mise en disponibilité, pour frapper indirectement, par des motifs occultes probablement, c'est le langage dont on se servait tout à l'heure, des membres de l'enseignement moyen.
Eh bien, à cette allégation j'oppose ces chiffres : en 1868 et 1869, pour les deux années, il y a eu 9 membres de l'enseignement moyen mis en disponibilité ; en 1870 et 1871 il y en a eu également 9 : c'est donc le même chiffre que sous l'administration de M. Pirmez.
Je dois ajouter que j'ai vivement regretté de trouver dans le langage d'un ancien ministre de l'intérieur une adhésion à la protestation qui a eu lieu à Gosselies, protestation où l'on déclarait, en félicitant un professeur, qu'il fallait mettre le gouvernement au pilori de l'opinion publique... Si une pareille protestation pouvait trouver des défenseurs dans cette enceinte, ce serait préparer l'anarchie et la perte du corps enseignant.
M. de Rossius (pour une motion d’ordre). - Je ne m'oppose pas à ce que la discussion continue ; je suis prêt à entendre l'honorable ministre de l'intérieur, qui certes doit comprendre la nécessité de parler dans ce débat. Mais en ce moment, c'est pour une motion d'ordre que j'ai la parole. Cette motion d'ordre, la voici :
Un honorable membre du bureau administratif de Gosselies a fait connaître à la Chambre les faits qui auraient déterminé le bureau à infliger un blâme à M. Kinet, et qui justifieraient la mesure prise par le prédécesseur de l'honorable M. Delcour. Jusqu'à présent nous n'avons aucune preuve de ces faits.
Suffit-il qu'un membre du bureau administratif, appartenant à la Chambre, signale un fait pour que nous soyons obligés de garder le silence et de passer condamnation ? (Interruption.)
Permettez, M. Dumortier, vous avez toujours trop de zèle. L'honorable M. Drion a eu le grand courage de citer quelques faits. A ces faits je saurai répondre, soyez-en convaincu.
Un blâme a été infligé par le bureau administratif sans entendre le directeur et je faisais tantôt remarquer, dans une interruption, que la protestation d'un collègue de M. Drion au bureau administratif qui est son coreligionnaire politique avait une grande importance pour la Chambre ; cette protestation témoigne du scrupule d'un honnête homme, qui n'avait pu admettre qu'on refusât d'entendre M. Kinet que l'on accusait.
Aujourd'hui vous produisez des faits. L'équité veut que vous nous apportiez la preuve de ces faits. Ne condamnons pas sans examen. Cette preuve est déposée dans l'enquête à laquelle le gouvernement fait procéder.
- Un membre. - C'est trop fort !
M. Bouvier. - C'est adroit.
M. de Rossius. - Au blâme infligé par le bureau administratif, je puis opposer la protestation de M. Kinet.
Je possède la copie de cette protestation qu'il a adressée à ceux qui le blâmaient sans réclamer de lui une explication. Afin que vous soyez à même de prononcer en connaissance de cause entre les pétitionnaires et M. Kinet d'une part, et le bureau administratif d'autre part, que faut-il faire ? Produire l'enquête, la mettre sous les yeux de la Chambre.
Elle pourra ainsi vérifier, non seulement ce que renferme l'enquête, mais encore qui a été entendu dans cette enquête ; car, il faut bien que je le dise, - si mes renseignements sont exacts, on n'a entendu, dans cette enquête, que les membres du bureau administratif. (Interruption.)
M. Drion. - Ce n'est pas nous qui avons fait l'enquête.
M. de Rossius. - Comprenez donc mon raisonnement.
M. Van Wambeke. - Nous vous comprenons parfaitement.
M. de Rossius. - Et nous aussi nous vous comprenons ; nous aussi nous savons quelles sont vos tendances : vous voulez sauver votre ancien ministre de l'intérieur.
Mais il s'agit de savoir quel est le devoir qui s'impose à la Chambre. Eh bien, je prétends que son devoir est de réclamer avec nous le dépôt de l'enquête.
M. Van Wambeke. - Nous connaissons parfaitement nos devoirs.
M. de Rossius. - Oui, mais c'est un point sur lequel on peut différer d'appréciation.
- Un membre. - C'est une question de justice.
M. de Rossius. - Nous savons que pour l'honorable M. De Lehaye il y a deux justices ; il y en a une pour le procureur du roi et une autre pour la Chambre. La justice pour la Chambre, ce sont les décisions de la majorité. Du moment qu'une décision est prise par la majorité, tout est dit.
M. De Lehaye. - Je n'ai pas dit un mot.
M. de Rossius. - Quand j'entends une interruption qui part du banc de l'honorable M. De Lehaye et de l'honorable M. Van Wambeke, je suis généralement tenté de croire qu'elle a été inspirée par l'honorable membre. (Interruption.)
M. Van Wambeke. - Que disiez-vous ? Veuillez répéter, s'il vous plaît ?
M. de Rossius. -Je dis que quand je vois l'honorable M. De Lehaye parler à l'oreille de l'honorable M. Van Wambeke, se livrer ainsi avec cet honorable membre à un colloque qui se traduit par une interruption de M. Van Wambeke, il m'est bien permis d'en attribuer la paternité à l'honorable M. De Lehaye.
M. De Lehaye. - C'est un enfantillage ! (Interruption.)
M. de Rossius. - Ne nous fâchons pas ; vous me reprochez souvent de trop m'animer et vous avez raison. Ne m'imitez donc pas.
M. Bouvier. - Non, restons calmes. (Interruption.)
M. de Rossius. - Je me résume. Un membre a affirmé, dans cette enceinte, des faits sans preuves.
Ces preuves, si elles existent, se trouvent dans les dossiers.
J'attends de la justice de M. le ministre, qu'il les produise devant la Chambre.
Je me réserve, s'il n'était pas fait droit à ma motion, de donner lecture à la Chambre des copies que je possède.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, on vient de parler d'une enquête à laquelle auraient été appelées une infinité de personnes à Gosselies.
Pareille enquête n'a pas eu lieu.
Mais voici la vérité telle qu'elle résulte des documents qui se trouvent au dossier.
Je ne connaissais rien de cette affaire, Je l'ai examinée, le dossier à la main.
Un des inspecteurs de l'enseignement moyen a été envoyé à Gosselies.
Dans une séance qui a duré trois heures, ce fonctionnaire a entendu les membres du bureau administratif. Il s'est enquis des faits reprochés à M. Kinet. Ces faits sont ceux qui vous ont été rappelés tout à l'heure par l'honorable M. Drion et ils ont fait l'objet d'un rapport adressé au ministre.
Voilà ce que je constate en m'appuyant sur ce document officiel. Je laisse de côté toutes les insinuations. Je ne me suis pas mêlé personnellement de cette affaire ; mais je n'en veux pas moins que la Chambre la connaisse et puisse se convaincre que les faits révélés, il n'y a qu'un instant, par l'honorable M. Drion sont d'une parfaite exactitude.
Et, messieurs, ne pensez pas, car j'ai cru tout à l'heure comprendre une insinuation de cette nature, ne pensez pas que M. Drion se soit trouvé dans le cas de voir le dossier.
(page 704) L'honorable M. Drion, comme membre du bureau administratif, a assisté à la séance et a dû par conséquent, comme tel, connaître les faits qui avaient été l'objet des investigations de l'inspecteur de l'enseignement moyen. (Interruption.)
Mais, messieurs, c'est une chose véritablement étonnante ! Lorsqu'il s'élève un débat dans cette Chambre, lorsque ce débat amène des noms que nous respectons tous, met en cause les hommes du gouvernement qui ont été envoyés sur les lieux, qui ont rempli consciencieusement leur mission et en ont fait rapport, c'est véritablement étonnant, dis-je, que ce système de venir mettre en quelque sorte tout en suspicion. Si nous en sommes là, il n'y a plus de gouvernement, il n'y a plus d'administration,
- Voix à droite. - Très bien !
M. de Rossius. - Les fonctionnaires sont à la discrétion du ministre.
M. Wasseige. - Ils sont à votre indiscrétion.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Lorsqu'un fonctionnaire envoyé pour faire une information consigne dans son rapport des faits qui sont acquis, il faut conserver ces faits, à moins de mettre en suspicion la foi de tous les agents du gouvernement.
M. Bara. - Ils peuvent se tromper.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Maintenant, j'arrive à ces faits. Le premier point dont on a parlé concerne le Te Deum du 15 décembre 1870. Le directeur de l'école moyenne, invité à se trouver, avec ses subordonnés, à l'hôtel de ville pour assister en corps à la cérémonie, est allé de son côté à l'église, avec le personnel enseignant et les élèves, au lieu de se joindre aux autorités, comme c’est la règle, en général.
M. de Rossius. - A Gosselies.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. -A Gosselies, comme dans beaucoup d'autres localités.
Il est possible que les choses ne se passent pas ainsi à Liège, M. de Rossius, mais Liège est une grande ville qui compte un nombreux personnel administratif.
Dans les petites villes et même dans les chefs-lieux d'arrondissement, l'administration communale convoque les membres des différentes écoles, des différents collèges pour se rendre au Te Deum en corps ; du reste, c'est là un détail.
Je lis dans le rapport que, sur ce premier point, M. Kinet a été admis à s'expliquer, en présence de M. l'inspecteur, dans la séance du bureau du 25 mai.
Vous voyez donc bien que l'instruction ne s'est pas faite sans entendre M. Kinet, puisque M. l'inspecteur dit qu'il l'a invité à s'expliquer sur le fait dont il s'agit.
Or, M. Kinet a répondu qu'il a pensé que l'ordre dans l'église serait mieux assuré s'il restait, lui et le personnel enseignant, avec les élèves. M. l'inspecteur apprécie cette réponse en ces termes : « Il aurait dû au moins s'entendre avec M. le bourgmestre à ce sujet. » (Interruption.)
Voilà, messieurs, quant au premier fait.
M. Bara. - M. Kinet avait raison.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Bara peut apprécier les choses différemment, mais je dis que, si j'avais l'honneur d'être le chef d'une administration communale, je n'admettrais pas qu'un directeur de collège ne suivît pas mes ordres en matière semblable.
M. de Rossius. - Vous ne connaissez pas les règlements.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - M. de Rossius, quand il s'agira de questions de droit, je vous attends et je vous répondrai.
M. de Rossius. - Je dis que vous ne connaissez pas les règlements.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Sous ce rapport, je ne puis accepter de votre part semblable reproche ; je crois que le jour où nous aborderons les questions de droit, je vous enterrerai... (Interruption.)
M. Cornesse. - Dans le coin des réprouvés. (Nouvelles interruptions.)
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il y a un second fait de peu d'importance. Il consiste dans le reproche adressé à M. Kinet de n'admettre les élèves externes dans la cour de l'école qu'au moment de l'entrée dans les classes.
Le stationnement des élèves devant la grille et dans les rues avoisinant l'établissement, produit, au point de vue de l'ordre et de la discipline, des inconvénients que l'on éviterait en les laissant entrer plus tôt.
A cet égard, des explications ont été fournies : c'est un petit détail dans lequel je crois inutile d'entrer.
Mais il s'est passé un troisième fait plus grave. Dans leurs promenades, les élèves ont été conduits dans des estaminets et abandonnés pendant que les professeurs s'amusaient.
Il y en a un autre plus grave encore, c'est que les élèves ont été conduits dans des estaminets d'une réputation suspecte.
M. Pirmez. - A quelle époque ?
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il vaut mieux que je vous donne lecture du rapport de M. l'inspecteur ; les faits seront ainsi exactement relatés :
« Les promenades du jeudi et du dimanche ne se font pas d'après les principes de l'hygiène, ni d'une bonne discipline. Au lieu de promener réellement les élèves, on les conduit dans des estaminets où ils restent trop longtemps, pendant que les surveillants s'amusent à jouer au billard et aux cartes. M. Kinet a répondu qu'il n'avait pas su ce qui se passait dans ces promenades, mais que depuis il les surveillait avec soin. Cependant, il est certain, continue le rapport, que des abus ont eu lieu pendant ces promenades ; on est quelquefois resté à l'estaminet pendant des heures entières, Au dire d'un membre du bureau, M. le juge de paix, qui a été témoin de la chose, les petits élèves souffraient beaucoup du froid en hiver pendant ces longues séances. »
Enfin, messieurs, quant au dernier point, le rapport s'exprime en ces termes :
« M. le bourgmestre a même reproché au directeur d'avoir laissé conduire ses élèves à Jumet dans des estaminets dont la réputation est douteuse. M. Kinet a répondu que, ne connaissant pas ces estaminets, lui-même y était entré un jour avec ses élèves, mais qu'il avait formellement défendu d'y aller, du moment où il les avait connus. »
M. Drion. - On y est encore allé après l'enquête.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Vous voyez donc, messieurs, que des griefs sérieux ont été articulés contre le directeur de l'école ; que ces griefs ont fait l'objet d'une enquête ; que cette enquête a été dirigée par un inspecteur de l'enseignement moyen qui ne pouvait avoir aucun sentiment d'hostilité contre les membres du corps enseignant.
L'instruction a prouvé que les faits rapportés par l'honorable M. Drion ont existé ; que M. Kinet a été entendu et qu'il a fourni des explications sur les faits qui lui étaient reprochés.
Et cependant, on a insinué que M. Kinet n'avait pas été entendu dans l'enquête.
M. de Rossius. - On n'a pas dit cela.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - On avançait une inexactitude. (Interruption.)
Mais sur le premier fait, je le répète, on a insinué que M. Kinet n'avait pas été entendu dans l'enquête.
M. de Rossius. - Pas du tout.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Or, il résulte des pièces que M. Kinet a été entendu.
M. de Rossius. - Je n'ai pas dit qu'il n'eût pas été entendu.
M. Van Wambeke. - Vous l'avez dit.
M. de Rossius. - Non, je ne l'ai pas dit.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Voilà, messieurs, les faits dans leur vérité. Je n'ai pas à les discuter ; je viens de vous en donner connaissance ; je n'ai donc rien à ajouter ni à retrancher.
Je vais dire un mot maintenant du blâme qui a été infligé à M. Kinet par le bureau administratif.
Ici, nous touchons à la question de droit. Le bureau pouvait-il infliger un blâme à M. Kinet ?
Les dispositions existantes laissent un certain vague à cet égard.
Je citerai d'abord l'arrêté du 11 juin 1853 sur les athénées royaux, et dans lequel sont indiquées des mesures disciplinaires qui peuvent être prononcées contre les professeurs, les maîtres et les surveillants des athénées.
Les articles 20 et suivants de cet arrêté désignent les personnes qui sont appelées à statuer sur ces peines : Les deux premières, le rappel à l'ordre et la réprimande, peuvent être prononcées sans appel par le bureau administratif, soit sur le rapport du préfet des études, soit d'office, le préfet des études entendu.
M. Pirmez. - Pas contre le directeur.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - L'arrêté de 1853 détermine les peines disciplinaires et nous voyons que le gouvernement en 1853 ne considérait pas les bureaux administratifs comme incompétents pour infliger un blâme aux professeurs.
(page 705) - Des voix à gauche. - Aux professeurs.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. -Tel est le principe écrit dans le règlement précité, principe qui prouve bien qu'à cette époque, le gouvernement n'avait pas de défiance à l'égard des bureaux administratifs.
Il est vrai que la disposition de l’arrêté de 1853 n'est pas reproduite dans le règlement relatif aux écoles moyennes ; c'est pourquoi on prétend que la règle que je viens de citer n'est pas applicable à ces établissements. Vous jugerez, messieurs, de la valeur de cet argument. Mais il y a une autre considération puisée dans la discussion même de la loi de 1850, sur l'enseignement moyen.
L'opposition voulait faire consacrer le principe que le bureau administratif est une émanation du pouvoir communal et elle allait même jusqu'à réclamer que les nominations ne pussent se faire qu'avec l'agréation du bureau.
Cette proposition a été rejetée ; mais si le législateur n'a pas voulu investir les bureaux administratifs d'un pouvoir aussi étendu, pouvoir qui aurait pu leur permettre d'éloigner de l'établissement un professeur que le gouvernement y aurait cru nécessaire, il ressort au moins de toute la discussion que, dans la pensée des Chambres à cette époque, le bureau administratif, tout en restant un corps consultatif, devait avoir des attributions de surveillance sérieuses et efficaces.
Du reste, l'arrêté de 1853, relatif aux athénées, prouve bien que tel était le vœu du gouvernement puisqu'il autorise le bureau administratif à appliquer aux professeurs certaines peines disciplinaires.
M. de Rossius. - Mais pas aux préfets ni aux directeurs.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Vous connaissez, messieurs, les éléments du débat. J'ai eu l'honneur de vous dire tantôt qu'il n'y a pas dans les règlements organiques de disposition spéciale conférant expressément aux bureaux d'administration des écoles moyennes les mêmes pouvoirs qu'aux bureaux administratifs des athénées, et c'est là pour moi une raison sérieuse de douter du droit qu'ils auraient d'infliger un blâme dans une circonstance pareille.
Cependant, en tenant compte de l'ensemble des règlements, on s'explique parfaitement comment le bureau administratif de l'école de Gosselies a pu se croire de bonne foi autorisé à infliger le blâme dont il s'agit.
M. Pirmez. - L'acte est illégal. Nous sommes d'accord.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je viens de dire que si ce blâme avait été infligé dans un athénée, il ne serait pas illégal.
J'ai ajouté que la même disposition ne se trouvait pas dans le règlement des écoles moyennes.
Mais plaçons un instant la question sur le terrain de la pure raison.
Je demande si, après avoir conféré un pouvoir de cette nature aux bureaux administratifs d'un athénée, il n'y a pas les mêmes motifs de le reconnaître aux bureaux administratifs des écoles moyennes. (Interruption.)
Je n'ai pas à me prononcer sur ce que j'aurais fait.
M. Pirmez. - Mais il ne s'agit pas de vous ; il s'agit de la loi.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Ne trouvez-vous pas, messieurs, que rationnellement parlant, si un professeur d'athénée peut être censuré par le bureau administratif, il y a des motifs de reconnaître la même règle au sujet des écoles moyennes ?
- Voix à gauche. - Mais il s'agit du directeur. (Interruption.)
M. De Lehaye. - Question de parti et pas autre chose.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - De ma part, du moins, il n'y a aucune idée de parti dans cette affaire.
Je suis étranger à l'acte qui a été posé. Je vous ai rendu compte des faits tels que je les ai trouvés dans le dossier ; et ma conviction a été formée par le témoignage d'un fonctionnaire très honorable, à la loyauté duquel je me plais à rendre hommage. Eh bien, s'il en est ainsi...
M. Pirmez. - Mais vos faits ne signifient rien du tout.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il est très aisé, quand on veut porter une question de ce genre sur le terrain politique, de faire dévier la discussion ; et je crois, qu'on me permette de le dire, que mes honorables contradicteurs n'ont pas d'autre but en ce moment.
On ne peut nier, messieurs, en présence du rapport de l'inspecteur, qu'il n'existât à Gosselies une situation très tendue entre le directeur de l'école et le bureau administratif, une situation telle, que M. le directeur ne pouvait pas continuer à remplir convenablement ses fonctions dans cette école.
Aussi l'inspecteur, sans vouloir affaiblir aucunement le mérite du directeur, mais dans l'intérêt de la bonne entente qui doit régner toujours entre les professeurs et l'administration, exprime-t-il l'idée d'un déplacement. (Interruption.)
Et pour qu'on ne puisse rien exagérer, je vais vous donner lecture des termes mêmes du rapport.
« Comme il est peu probable que ses relations (du directeur) avec le bureau puissent notablement s'améliorer et que des tiraillements existent même au sein du bureau à cause de M. Kinet, il est à craindre que l'école ne finisse par en souffrir.
« Dans cette prévision, il serait peut-être prudent de déplacer M. Kinet pendant les grandes vacances, si l'occasion s'en présentait, mais sans rien lui faire perdre de son traitement. »
M. Bouvier. - Et il a été mis en disponibilité.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - La question commence à se simplifier.
D'abord, c'était une question politique : l'honorable M. Kervyn avait voulu affaiblir le corps professoral. Maintenant, grâce à l'interruption de l'honorable M, Bouvier, ce n'est plus qu'une question d'argent.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Pirmez (pour une motion d’ordre). - Evidemment le débat continuera demain. Je demande, par motion d'ordre, que la pièce dont M, le ministre de l'intérieur vient de faire la lecture soit déposée sur le bureau.
- Plusieurs voix. - Non, non !
M. Frère-Orban. - Comment ! vous refusez de déposer sur le bureau une pièce qu'on vient de lire ?
M. Bouvier. - Elle appartient à la Chambre.
M. Pirmez. - Messieurs, de deux choses l'une : ou bien M. le ministre de l'intérieur a lu intégralement la pièce et je m'en rapporterai à sa déclaration s'il déclare qu'il l'a lue en entier. S'il ne l'a pas lue en entier, je demande qu'elle soit reproduite intégralement aux Annales pour que nous ne devions pas discuter sur des morceaux de pièces.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - M. le président, j'ai donné lecture de presque toute la pièce.
M. Bergé. - Presque !
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il n'y a, dans la partie que j'ai omise, rien qui puisse être considéré comme de nature à changer la situation établie.
M. Bara. - Communiquez donc la pièce.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je suis, messieurs, en présence d'une question de principe ; un haut fonctionnaire, a remis son rapport au ministre, avec une pleine et entière confiance ; quant à moi, j'ai eu l'honneur de vous présenter toutes les explications nécessaires (interruption) et je ne crois pas devoir communiquer la pièce même à la Chambre.
- Voix à droite. - La clôture !
M. Pirmez. - Je comprends parfaitement la thèse qui consiste à dire : Je ne suis pas obligé de produire des pièces, mais je ne comprends pas la thèse qui consiste à dire : Je produirai la moitié d'une pièce et je passerai l'autre moitié sous silence. M. le ministre de l'intérieur avait donc le droit de refuser la communication des pièces, mais il ne peut pas, aujourd'hui qu'il a invoqué une certaine partie d'un document, se refuser à nous faire connaître l'autre partie de ce document.
- Voix à droite. - La clôture !
M. le président. - La parole est à M. de Rossius contre la clôture.
M. de Liedekerke (à M. le ministre de l'intérieur). - L'acte qu'on pose contre vous est un acte de défiance.
M. de Rossius. - Si M. de Liedekerke veut parler, je lui céderai la parole.
M. de Liedekerke. - Je dis à M. le ministre de l'intérieur que l'acte qu'on pose contre lui est un acte de défiance, que sans une confiance réciproque des uns envers les autres nos débats deviennent impossibles et que cela est déshonorant pour les membres de la Chambre. (Interruption.)
M. Pirmez. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Je ne comprends réellement pas ce que vient faire l'honorable M. de Liedekerke dans ce débat pour l'envenimer.
M. le ministre de l'intérieur a produit une pièce. Je demande à la voir en entier et je proteste que je n'ai pas la moindre défiance contre ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur. Je lui en fais la déclaration la plus (page 706) formelle. Seulement, je maintiens mon droit et je crois que j'ai raison de le maintenir. Je dis que M. le ministre de l'intérieur ayant invoqué une partie de pièce, j'ai le droit de voir la pièce entière.
Je le répète, je n'ai pas de défiance pour la déclaration de l'honorable ministre de l'intérieur. Mais M. le ministre peut apprécier d'une façon certains passages que j'apprécierai d'une autre façon.
Il peut considérer comme sans importance des choses qui, pour nous, en ont beaucoup, et je crois que M. le ministre comprend que c'est la situation qui se présente à propos d'une communication.
M. de Liedekerke. - L'honorable M. Pirmez vient de dire qu'il ne comprend pas pourquoi j'entre dans ce débat pour l'envenimer. Je n'y suis pas entré de mon plein gré. C'est l'honorable M. de Rossius qui m'a provoqué et m'a demandé de prendre la parole.
M. de Rossius. - Du tout.
M. de Liedekerke. - Vous m'avez dit : Si M. de Liedekerke veut parler, je lui cède la parole. J'ai répondu à votre invitation et j'ai pris la parole.
Maintenant, je n'ai qu'un mot à ajouter : je dis que les débats dans le parlement deviendront impossibles, si nous n'avons pas une confiance réciproque dans la loyauté, dans la probité, dans l'honneur et la véracité de chacun de ses membres.
Si nous devons faire preuve d'une mutuelle défiance et de suspicion réciproque, il n'y a plus de débat parlementaire honorable qui puisse se maintenir dans cette enceinte.
M. de Rossius. - Je n'ai pas convié M. de Liedekerke à prendre la parole. (Interruption.) Pourquoi donc êtes-vous si impatient ?
L'honorable président m'avait donné la parole contre la clôture, je voulais combattre la clôture. Dans ce moment, M. de Liedekerke parlait et m'empêchait d'user de mon droit. (Interruption.)
La théorie de M. de Liedekerke, chacun comprendra qu'elle n'est pas acceptable. Que demande-t-il ? Que la clôture soit prononcée. Il repousse le dépôt de la pièce lue partiellement par M. le ministre de l'intérieur. M. de Liedekerke fait appel à la confiance réciproque qui doit exister dit-il, entre les membres de l'assemblée pour encourager le gouvernement dans le refus de déposer la pièce !
Ainsi, moi qui ai pris la parole dans la discussion, je suis obligé de m'incliner devant les déclarations du membre du bureau administratif de l'école moyenne de Gosselies qui siège dans cette enceinte et m'a répondu. (Interruption.) Vous trouvez qu'il a raison ? Eh bien, quoique je ne sois pas aussi fort en droit que l'honorable ministre de l'intérieur, ni même que l'honorable M. De Lehaye... (Interruption.)
L'honorable ministre de l'intérieur vient de nous donner une haute opinion de son talent de jurisconsulte ; il a cru m'enterrer. Moi qui me sens très vivant, je demande que la clôture ne soit pas prononcée, pour que je puisse lui répondre.
Il m'a posé un défi. Je l'ai accepté. Je crois pouvoir lui apprendre, et de plus, lui démontrer qu'un bourgmestre n'a pas d'ordre à donner à un directeur d'école moyenne de l'Etat. Je crois pouvoir lui démontrer encore que les règlements organiques des écoles moyennes ne permettent pas au bureau administratif d'infliger un blâme à ce directeur, ni, à plus forte raison, de charger ce directeur de porter à la connaissance de ses inférieurs le blâme illégal qui le frappe. D'où je conclurai que l'honorable M. Drion et ses collègues ont violé la loi.
Je demande donc à être entendu demain. Je persiste à réclamer le dépôt sur le bureau de l'enquête dont M. le ministre de l'intérieur a lu des extraits. Je répondrai aussi aux allégations de l'honorable M. Drion, en donnant connaissance a la Chambre des protestations qui ont été adressées au bureau administratif et par M. Kinet et par ses professeurs. (Interruption.)
Mais pourquoi ne pas nous communiquer l'enquête ?
Qu'y a-t-il donc dans cette enquête ? Nous commençons à croire qu'elle renferme des choses qu'il serait, pour mes adversaires, dangereux de révéler. (Interruption.)
Messieurs, je ne comprends point que lorsqu'il y, a de notre part une protestation aussi énergique contre une mesure prise par un ancien ministre, cet ancien ministre ne s'associe pas à nous pour demander la communication des pièces.
Je ne comprends point que l'honorable M. Drion n'en réclame pas aussi la production.
- Des membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Bara. - On ne peut pas clore après le discours d'un ministre.
- Des membres. - Aux voix !
- D'autres membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal.
54 membres seulement y prennent part, la Chambre n'est plus en nombre.
Ont répondu à l'appel :
MM. Bara, Beeckman, Bergé, Biebuyck, Bouvier-Evenepoel, Cornesse, Crombez, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, Drion, Dumortier, Frère-Orban, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jottrand, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Lescarts, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Schollaert, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbrugghen, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige et Wouters.
Etaient absents sans congé :
MM. Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Berten, Boucquéau, Boulenger, Brasseur, Bricoult, Coomans, Coremans, Couvreur, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baets, de Baillet-Latour, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, de Lexhy, de Lhoneux, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, Descamps, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Houtart, Jamar, Janssens, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Mascart, Mouton, Nothomb, Orts, Rembry, Royer de Behr, Sainctelette, Santkin, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Amédée Visart, Vleminckx et Warocqué.
Etaient absents par congé :
MM. Dupont, Kervyn de Volkaersbeke, Puissant, Julliot, Hermant, d'Hane-Steenhuyse, de Macar et Simonis.
- La séance est levée à 6 heures.