(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)
(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)
(page 493) M. de Vrintsµ fait l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Dethuinµ lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Vrintsµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Chaumont-Gistoux prie la Chambre d'accorder au sieur Rosar la concession d'un chemin de fer de Hal à Maestricht, passant par Chaumont-Gistoux. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Mathy prie la Chambre d'examiner si les administrations communales ne sont pas obligées de donner connaissance au public du jour ct de l'heure des séances du conseil. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Aiseau demandent une modification à l'article 20 de la loi communale pour qu'il soit procédé dans les quarante jours au remplacement d'un conseiller décédé ou dont la démission est acceptée. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui apporte des modifications à la loi communale.
« Le sieur Brunin transmet plusieurs listes d'adhésions à la pétition ayant pour objet des mesures répressives en faveur des pigeons voyageurs. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi qui modifie la loi sur la chasse.
« Le sieur Thiteux, ancien militaire et ancien instituteur communal de Rienne, demande une augmentation du secours annuel qui lui est accordé. »
M. Thibautµ. - Je propose le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Par message, en date du 16 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de lois :
« 1° Portant érection de la commune d'Hofstade ;
« 2° Qui modifie les limites séparatives entre les provinces de Brabant et de Flandre orientale et entre des communes de ces provinces. »
- Pris pour notification.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 44 et les amendements qui s’y rapportent.
M. Guillery.µ. - Messieurs, la question soulevée par l'article et les amendements proposés est extrêmement grave,
Tout le monde reconnaît qu'il y a quelque chose à faire, quelques modifications à apporter à la législation et je vois qu'en réalité on n'est pas d'accord sur la formule à employer.
Je demande que cet article et les amendements soient renvoyés à la commission et que les auteurs des amendements soient invités à assister à ses délibérations.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je sais pas pourquoi l'on voudrait plutôt renvoyer cet article que les autres à la commission, Les opinions sont parfaitement formulées ; les uns veulent l'autorisation de l'assemblée générale, les autres n'en veulent pas, c'est-à-dire que c'est oui ou non. Il n'est pas d'article sur lequel les opinions se soient plus nettement exprimées ; si l'on veut renvoyer cet article à la commission, il faut les renvoyer tous et la discussion recommencera.
Je crois qu'il vaut mieux savoir dès à présent quelle est la volonté de la Chambre pour que nous puissions, au second vote, rédiger les articles conformément à cette volonté.
M. Teschµ. - Comme le disait hier M. Sainctelette, cet article est, sans contredit, un des plus importants de la loi. D'une part, nous devons chercher à garer les sociétés et leurs actionnaires contre les intérêts personnels d'administrateurs ; mais, d'autre part, nous devons éviter aussi de rendre impossible la fondation de sociétés par d'autres sociétés, le patronage d'une société par d’autres sociétés. Eh bien, je crains que, si vous admettez l'article tel qu'il est rédigé, vous rendiez impossible le patronage d'une société par une autre, la fondation d’une société par une autre, parce qu'une société, quand elle fondera une autre société ou qu'elle en patronnera une autre, quand elle lui accordera un crédit, voudra toujours avoir dans l'administration de cette société une certaine quotité d'administrateurs qui soit pour elle une garantie.
Je regarde donc l'article comme créant un obstacle très sérieux. Cet article a un inconvénient, à mon avis, c'est de proscrire toutes les conventions qui peuvent intervenir entre les administrateurs d'une société et une autre société dans laquelle ils auront un intérêt soit particulier, soit comme administrateurs.
La loi établit une défense générale et absolue, sans distinction des actes. que l'acte soit profitable, qu’il ne soit pas profitable, qu'il soit loyal, qu'il soit blâmable.
Pour mon compte, je suis depuis longtemps dans plusieurs sociétés ; eh bien, je dis qu'un grand nombre d'actes que vous proscrivez sont de tous les jours.
Je ne crois donc pas que l'on puisse procéder par un système de défense générale s'appliquant à tous les cas, je crois qu'il faut plutôt substituer le principe da la responsabilité pour les actes dommageables, laissant à chaque administrateur le soin d'apprécier si l'acte qu'il pose ne va pas l'exposer à des dommages-intérêts. Ce principe de la responsabilité pour les actes dommageables et de la publicité vaudrait mieux que la défense absolue.
Dans cet ordre d'idées, je proposerai un amendement dont je demanderai le renvoi à la commission. Toutes ces questions sont si délicates et si difficiles, que je désire que les dispositions que je propose soient mûrement examinées.
Voici cet amendement :
« L'administrateur d'une société, qui interviendra en cette qualité dans une entreprise ou dans un marché dans lequel il aura un intérêt opposé à celui de la société, sera passible des dommages-intérêts que cette entreprise ou ce marché occasionnera la société.
« La même responsabilité existera vis-à-vis de l'administrateur qui, sans intervenir dans la convention, n'aura pas prévenu le conseil d'administration de l'intérêt qu'il a dans l'entreprise ou dans le marché avant sa conclusion et n'en aura pas fait mention au procès-verbal.
« Cette responsabilité n'aura pas lien si l’entreprise ou le marché a été conclu avec publicité et concurrence ou si l'assemblée générale, informée de la position de l'administrateur, a autorisé la convention. »
Voici, messieurs, quel serait le mécanisme de mon amendement : tout individu qui aurait un intérêt opposé à celui de la société ne pourrait pas intervenir dans un marché, sans être exposé des dommages-intérêts. (page 494) Il en serait de même si l'administrateur ne fait pas connaître à ses collègues qu’il a un intérêt et ne le fait pas consigner au procès-verbal ; de cette manière, l’administration est prévenue qu’elle a à se méfier de ses conseils.
Ainsi dune, s’il intervient sans rien dire, il est responsable du dommage qui résulte de son intervention ; si même, sans intervenir, il ne fait pas connaître sa situation, il devient aussi responsable.
De celle manière, nous éviterons à la fois d'entraver les affaires et d'exposer les sociétés et les actionnaires à souffrir des actes de leurs administrateurs.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il Importe de bien fixer le débat.
L'article que je défends en ce moment est, comme l’a dit l'honorable M. Tesch, celui du gouvernement. Il a été proposé par mon honorable prédécesseur, M. Tesch.
Cet article a été pris dans la loi française de 1863.
Il a été voté à l'unanimité par le corps législatif. Il repose sur le principe incontestable de droit qui se trouve inscrit, je crois, dans l'article 1596 du code civil : « Nul ne peut être à la fois vendeur et acheteur. »
Il a été voté en vue de mettre obstacle à de grands abus.
Des personnes intéressées dans d'autres sociétés ou dans d'autres affaires se faisaient livranciers de certaines fournitures aux sociétés dont elles étaient administrateurs. Leur position leur fournissait des moyens de pression pour forcer la société à traiter avec elles.
Personne, en effet, ne peut contester que l’administrateur n'ait de puissants avantages pour se faire préférer à un concurrent.
La loi a été en vigueur en France pendant quatre ans.
Une nouvelle loi a été faite en 1867 et sans que rien démontre que l'on ait donné à l'article l'interprétation que le gouvernement lui a donnée en présentant la loi de 1867, on l'a modifié.
Le gouvernement prétend, dans son exposé des motifs, que les mots : « pour certaines opérations spécialement déterminées » signifient chaque opération. chaque contrat.
Rien de semblable n'était dit dans la loi de 1863. Il devait y avoir évidemment une réaction contre une pareille interprétation si elle était parvenue s'imposer.
On comprend qu'un pareil système n'est pas possible.
Qu'a fait la loi française ? A-t-elle abandonné le système de 1863, qui défendait à l’administrateur d'être la fois et acheteur ?
En aucune façon. Elle l'a maintenu dans toute sa rigueur.
M. Thonissenµ. - Elle l'a restreint à deux espèces d'actes.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Elle l'a maintenu dans toute sa rigueur. Tous les commentaires de la loi le disent. Mais conformément à l'exposé des motifs, elle a fait une exception pour les opérations de banque.
Elle a maintenu la défense quant aux marchés et aux entreprises, et les auteurs qui ont interprété la loi de 1867, disent très nettement que les opérations de banque peuvent se faire sans autorisation de rassemblée.
Donc, d'après la loi de 1867, la société ne pourrait faire un marché de rails sans l'autorisation de l’assemblée générale.
Comment cette modification a-t-elle été introduite ? Sur l'observation de quelques tribunaux de commerce, et notamment de celui du département de la Seine qui l'a demandé pour les maisons de banque.
Toutes les autres opérations qui sont les plus importantes sont empêchées par la loi française sans une autorisation préalable de l'assemblée générale.
Eh bien, messieurs, qu'allons-nous faire ? La question me paraît très claire.
Elle est sérieuse, je le veux bien ; mais il y a évidemment deux courants ; nous voulons, nous, maintenir le principe entièrement et nous disons qu'il n'y a point d'inconvénient à faire les affaires loyalement. (Interruption.) Cela n'a rien de personnel ; mon opinion est qu'on peut faire les affaires loyalement de la façon que j'indique ; vous me permettrez bien de l'établir.
Supposons un administrateur qui est en même temps banquier ; je demande quelle espèce d'inconvénient vous trouverez à ce qu'en assemblée générale on demande l’autorisation de pouvoir faire les affaires d’escompte avec ce banquier : quelle gêne cela peut-il produire ? En quoi les opérations de la société seront-elles entravées ?
Je crois, messieurs, que personne ne saurait me répondre.
Si j'exigeais l'autorisation de l'assemblée générale pour chaque opération, je comprendrais l'opposition qu'on fait à ma proposition, mais je ne demande l'autorisation de l'assemblée générale qu'une seule fois par année.
Je dis que quand un administrateur, banquier ou marchand de rails, de charbon, etc., voudra faire des opérations avec la société, il faut qu'il le fasse de l'assentiment de l'assemblée générale.
Mais, messieurs, ce sont les actionnaires, le pouvoir populaire qui doit décider dans ce cas et dans un intérêt aussi considérable, quand il s'agit de savoir si cet administrateur va pouvoir user de son influence sur ses coadministrateurs, est-ce trop que d’exiger le vote de l'assemblée générale ?
Vous dites que ce sera une superfluité, que ce sera de style.
Je dis que non.
D'abord les administrateurs redouteront de faire cette demande à l'assemblée générale. Ensuite, quand une pareille demande sera faite, elle sera suivie d'interpellations de la part des actionnaires, On demandera à quelles conditions se feront les affaires. Puis à la seconde assemblée générale, on pourra faire des observations sur les opérations si l'on croit qu'elles n'ont pas été faites d'une manière convenable, et comme cette autorisation doit revenir chaque année. on aura là une garantie.
Maintenant, M. Tesch propose un amendement. Mais, messieurs, nous disons que la responsabilité qu'il indique est de plein droit.
M. Teschµ. - Mais vous n'avez pas autre chose dans votre loi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est évident que si frauduleusement vous allez faire un contrat avec un administrateur, je n'ai pas besoin de votre disposition ; je fais casser le contrat s'il n'est pas exécuté ; s’il est exécuté, Je demanderai des dommages-intérêts.
Mais je suppose que vous fassiez un contrat à des conditions onéreuses mais de très bonne foi, pouvez-vous exiger des dommages-intérêts ?
M. Teschµ. - Certainement.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Comment, certainement ! Mais alors l'amendement de l'honorable M. Tesch, avec l'étendue qu'il lui donne en ce moment, exposera les administrateurs à de très graves conséquences.
Je suppose un marché très honnête, mais il se trouve qu'il y a une différence entre le prix du traité et celui d'autres marchés. S'il n'y a pas de fraude de la part de l'administrateur, je ne puis comprendre qu'il y ait lieu, dans ce cas, à des dommages-intérêts• ; s'il y a fraude. il y a des dommages-intérêts de plein droit. L'amendement de l'honorable Tesch ne me donne absolument rien. C'est mon opinion.
Maintenant, d'après le système de l'honorable M. Dupont, il est interdit aux administrateurs de conclure un marché ou un contrat quelconque avec la société, à moins d'en donner connaissance à la plus prochaine assemblée générale. Mais si le contrat est exécuté, cette formalité ne sert absolument à rien.
Voilà donc les deux systèmes.
Le troisième système est le système du gouvernement. Chaque fois que vous voudrez faire un genre d'opérations déterminé, vous demanderez l'autorisation préalable à générale. Voilà le système du gouvernement. Il n'y a rien de plus simple. Si vous voulez faire quelque chose de sérieux, si vous voulez un système qui offre des garanties, c'est la proposition du gouvernement que vous devez voter ; quant aux autres systèmes, mieux vaut n'avoir rien du tout. Les actionnaires prendront, dans ce cas, les précautions qu'ils jugeront convenables.
M. Saincteletteµ. - Messieurs, l'honorable ministre de la justice a commencé son discours en déclarant que l'article été textuellement emprunté à la loi française. A mes yeux, c'est précisément là un grief très sérieux à formuler contre ce projet. Le système général de nos lois est beaucoup plus libéral que le système général des lois françaises. Les lois françaises sont essentiellement préventives ; les nôtres, au contraire, ont ces deux principes : la responsabilité, mais aussi la liberté.
Personne ici ne s'oppose à ce que la responsabilité des administrateurs soit organisée avec rigueur, à ce que la procédure destinée à mettre cette responsabilité en œuvre soit rendue aussi simple et aussi facile qu'il est possible.
Je me permettrai de rappeler à la Chambre que si j'ai demandé la modification de l'article 44, je lui ai, du même coup, soumis un article nouveau. destiné à faciliter la preuve des malversations qui pourraient être commises par des administrateurs.
Or, il n'y a pas de disposition semblable dans la loi française. M. le ministre de la justice l’y chercherait vainement.
Nous sommes donc évidemment sous l'empire d'autres idées générales que ne l'était, en 1863, le corps législatif. Il est plus exact de dire que, dans la Chambre, il y a deux opinions distinctes.
Du coté du gouvernement, il y a le désir d'empêcher le mal par tout un système de dispositions préventives. Nous, au contraire, nous désirons laisser aux sociétés commerciales toute la liberté dont elles ont besoin, mais en les soumettant à une répression très sévère. Car, messieurs, (page 495) permettez-moi de le dire en passant, s'il est quelques faits regrettables que l'on puisse reprocher à certains administrateurs et à certaines sociétés anonymes, cependant, en somme, on peut dire qu'e Belgique la société les anonyme a réussi. La société anonyme a doté le pays de grandes industries qui, sans elle, ne seraient pas nées, ne se seraient pas développées et n'auraient pas donné à notre pays la prospérité dont il jouit aujourd'hui.
Je citerai l'exploitation des mines, les concessions de chemins de fer, les industries métallurgiques. J'ajoute que si quelque jour votre commerce d'exportation se développe et prend les proportions que nous lui souhaitons, ce sera grâce à l'intervention des grandes sociétés anonymes. Tant que les grandes associations de capitaux ne prendront point part à l'exportation de nos produits, nous n'arriverons pas au but que nous poursuivons.
Il faut donc encourager l'esprit d'association. Il faut encourager les sociétés anonymes. Voilà quel est le grand intérêt public, et il ne faut pas, pour prévenir quelques malheurs isolés, qui sont non pas justifiés, mais souvent expliqués par l'incurie des intéressés, il faut pas, dis-je, prendre de ces mesures restrictives qui ne peuvent avoir d'autre résultat pratique que d'arrêter l'essor de l'esprit d'association lui-même.
Il faut donc écarter du débat et le texte de la loi française et les mobiles qui l'ont dictée.
M. le ministre de la justice a invoqué un autre principe. Selon lui, l'article 44 n'est qu'une application de la règle écrite dans le code civil, article 1596. Cette disposition défend au tuteur de se rendre acquéreur, par lui-même ou par personne interposée, des biens du mineur, son pupille.
Je crois qu'on ne peut sérieusement assimiler ces deux situations. Le tuteur est seul administrateur des biens du mineur.
Dans la société anonyme, au contraire, il y a toujours plusieurs administrateurs. Celui d'entre eux qui peut avoir quelque intérêt, par voie d'exaction, à ce qu’un marché soit conclu avec une usine déterminée, trouve dans le conseil d'administration lui-même des contradicteurs, à moins qu'on ne suppose qu'à côté d'un coquin, il ne se trouve que des niais.
Le tuteur ne rencontre pas en face de lui un adversaire capable de se défendre. Le mineur n'a pas qualité pour faire personnellement valoir ses droits. Il ne peut résister à son tuteur, Dans la société anonyme, au contraire, il y a, et d'autres administrateurs, et un conseil de surveillance, et une assemblée générale. Car l'assemblée générale interviendra toujours, même en l'absence de votre article, lorsqu'elle aura de sérieuses raisons de suspicion.
La question, pour moi, se réduit à ceci : Exceptionnellement, il peut se présenter des opérations blâmables, des faits répréhensibles. A quelles conditions ? A la condition d'abord qu'il y ait préjudice causé ; en second lieu, qu'il y ait fraude.
Je ne comprendras pas que l'on pût rendre les administrateurs des sociétés anonymes responsables de marchés ou d'entreprises conclus par eux sous l'empire des circonstances du moment sans qu'il y ait fraude de leur part.
Ainsi, si les administrateurs d’une forge ont vendu à une entreprise de chemin de fer dans laquelle un d'entre eux est intéressé, s'ils ont vendu des rails, des machines, etc., il faut voir quel était le prix courant des rails, des machines, etc., sur le marché, à l'époque où la vente a été faite et ne pas tenir compte des événements postérieurs. S'il s'agit de charbon vendu, il faut prendre garde aux conditions d'extraction au moment où l'affaire a été conclue. Il se peut qu'une opération soit excellente, eu égard au moment où elle est conclue, parce qu'alors le prix de la main-d'œuvre et les autres frais de production sont favorables et qu'elle devienne onéreuse six mois plus tard parce que la main-d'œuvre aura haussé.
Il faut donc tenir essentiellement compte des intentions des administrateurs et des circonstances au milieu desquelles l'opération se conclut. Dès lors on ne peut rendre les administrateurs responsables que des conséquences de leurs actes frauduleux.
Cela étant posé et l'assemblée paraissant être unanime cet égard, il ne reste plus à examiner que la question suivante :
Faut-il se borner rendre les administrateurs responsables des actes M. frauduleux posés par eux, ou bien faut-il en outre proscrire tous les actes de l'espèce, qu'ils soient honnêtes ou malhonnêtes, profitables ou dommageables ?
Le texte du projet a cet inconvénient de mettre les administrateurs qui se respectent dans l’impossibilité de poser ou de laisser poser par leurs
collègues aucun des actes interdits. Les hommes qui se respectent (et je prie M. le ministre de la justice de remarquer qu’il en est beaucoup dans les sociétés anonymes) ne voudront pas enfreindre la toi, alors même que l'infraction n'engagerait aucunement leur responsabilité.
La rédaction de l'amendement de l'honorable M. Tesch concilie ces deux idées : la responsabilité la plus sévère ; mais aussi la liberté la plus entière.
L'honorable ministre de la justice vous a dit que la disposition française n'a été modifiée en 1867 que parce qu'on avait reconnu la difficulté l'exécuter en ce qui concernait les opérations d'escompte. Eh bien, messieurs, l'exposé des motifs prouve que l'on avait constaté cependant une autre difficulté à laisser en vigueur la règle de l'interdiction absolue. Et cette difficulté est considérable à mes yeux.
Voici comment s'exprime cet exposé des motifs :
« Mais la loi de 1863 n'avait-elle pas dépassé le but ? On a vu des sociétés de crédit trouver difficilement des administrateurs parmi ceux qui auraient été les plus capables de les bien diriger, parce qu'en présence de la prohibition de faire une opération quelconque avec la société, aucun associé n'était disposé à accepter une mission qui l'empêchait de participer aux avantages offerts à tous les autres. »
Or, cet inconvénient est applicable à toutes les industries, et les autorisations de l'assemblée générale, qu'elles soient conçues en termes généraux ou en termes spéciaux, qu'elles précèdent les opérations ou qu'elles les suivent et constituent des ratifications, auront toujours ce très grave inconvénient qu'elles ne feront pas la part des cas imprévus.
Je faisais hier allusion aux événements de février 1848.
Si, à cette époque, la plupart des sociétés industrielles avaient dû trouver des secours chez leurs banquiers, elles auraient succombé. mais elles en ont trouvé chez leurs propres administrateurs. A ce moment il était impossible de convoquer des assemblées générales.
En terminant, voici une idée que je soumets à la Chambre. Si l’on veut à tout prix maintenir l'interdiction, sauf autorisation, je préférerais l'intervention du conseil de surveillance à celle de l'assemblée générale.
Le conseil de surveillance est facile à réunir et son approbation ou son autorisation préalable présente à mes yeux tout autant de garantie que l'intervention d'actionnaires souvent étrangers aux affaires.
Je conclus en demandant le renvoi de tous les amendements à la commission. C’est une des questions les plus graves que nous puissions discuter. La solution qui lui sera donnée peut donner lieu aux plus grands inconvénients, peut arrêter l'essor des associations industrielles et commerciales de la Belgique, peut avoir pour la prospérité matérielle du pays les plus funestes conséquences.
Je demande qu'on y réfléchisse, que l'on examine où nous conduisent les divers textes proposés et que l'on ne vote pas, séance tenante, des amendements improvisés.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je ne m'oppose nullement à ce que la commission examine de nouveau cet article. Mais je puis m'empêcher de m'expliquer sur les dernières observations de l'honorable membre.
Il veut faire croire que nous voulons entraver les sociétés anonymes.
Nous protestons de la manière la plus énergique contre une pareille allégation, et nous allons même plus loin : nous prétendons que ce que nous demandons de voter n'a pour but que de les mieux asseoir, de leur donner une force plus grande.
L'honorable membre nous dit : Donnez-nous la liberté absolue.
Mais nous ne pouvons vous donner la liberté absolue, parce que vous demandez des privilèges.
Vous avez des actions qui ne vous obligent que jusqu'à concurrence de votre part dans la société. Vous constituez une personne distincte des associés,
Si le principe de l'honorable M. Sainctelette était admis, et sa parole a évidemment excédé sa pensée, où en serions-nous en matière de personnification civile ? Nous serions d'accord avec les honorables membres de droite, qui demandent la liberté de faire des mainmortes.
Nous vous disons : Si vous voulez faire des actes spéciaux, vous subirez des restrictions et des lisières.
M. de Macarµ. - Là, c'est pour les tiers que vous ayez cette préoccupation ; ici, il s'agit d'actionnaires.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les actionnaires sont des citoyens dont nous devons défendre les intérêts.
L'honorable M. Sainctelette prétend que toute espèce d’opération par les administrateurs est prohibée.
Nous ne disons pas cela du tout. Nous disons : Tonte espèce d'opération est permise ; seulement, vous demanderez l'autorisation. (Interruption.)
(page 496) Est-ce que les établissements publics, est-ce que les mineurs, une foule administrations sont privées du droit d'acquérir parce qu'ils doivent passer par une autorisation ? Mais en aucune manière... (Interruption.) Il faut pas crier. Je comprends que vous vous éleviez contre l'autorisation spéciale, mais quant à l’autorisation générale, vous ne m’avez pas démontré en quoi elle peut vous gêner.
M. Saincteletteµ. - Voulez-vous me permettre un mot.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Volontiers.
M. Saincteletteµ. - Je suppose une résolution de l'assemblée générale autorisant l'administration d'une société industrielle à escompter le papier de cette société chez un banquier, administrateur.
Une crise financière éclate, beaucoup de banquiers sont gênés, le banquier administrateur suspend ses payements. Un autre administrateur qui n'est pas banquier, mais qui a une réserve métallique disponible, dit, et cela s'est fait en 1848 : Vous avez du papier à escompter, je le prends. Il sauve la société ; il empêche sa faillite. Eh bien, avec votre système, cela est impossible. Il faut convoquer une assemblée générale à quinze jours de délai. Avant que cette assemblée générale ait donné l'autorisation, il y déclaration de faillite.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce sont là des cas de force majeure pour lesquels il y a des dispositions dans le code civil. (Interruption.)
Certainement, tous les jours, en cas de crise, les tribunaux autorisent à prendre certaines dispositions d'urgence et si un conseil d'administration avait posé, dans l'intérêt da la société, des actes reconnus nécessaires, il n'encourrait aucune responsabilité. Il ne faut donc pas venir effrayer l'assemblée avec de pareils arguments qui n'ont aucune espèce de valeur.
Je dis donc que notre disposition ne gêne en rien les sociétés. (Interruption.)
Du moment que nous autorisons la société à faire des contrats avec les administrateurs moyennant autorisation préalable, les administrateurs ne sont pas gênés.
L'honorable membre, en parlant de l'amendement de M. Tesch, a dit qu'il ne pouvait y avoir responsabilité qu'en cas de fraude et j'ajouterai de faute. C'est aussi mon avis. En effet, l'article 46 est ainsi conçu :
« Les administrateurs sont responsables. conformément au droit commun, de l'exécution du mandat qu'ils ont reçu et des fautes commises dans leur gestion. »
Il est évident que si les administrateurs commettent une faute ou une fraude dont la société subit un préjudice, ils doivent être responsables. Mais je suppose un contrat où il n'y a pas de faute, où il y a simplement une différence avec le prix courant, allez-vous rendre l'administrateur responsable ? Non, vous ne le rendrez pas responsable. M. Tesch ne le ferait pas.
M. Teschµ. - Pardon, je le rendrais responsable.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Alors il sera responsable en l'absence de faute et de fraude.
M. Teschµ. On a dit plusieurs fois que la disposition que nous discutons est empruntée à la loi française ; il faut cependant faire une différence entre la situation de la France et celle de la Belgique, au point de vue des sociétés anonymes.
En France, sociétés anonymes pourront encore être autorisées par décret du gouvernement. On aura donc, en France, outre les sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes autorisées par le gouvernement, de sorte que vous pourrez avoir là des sociétés anonymes qui ne sont pas assujetties aux règles sévères de la loi de 1863 et de celle de 1867, tandis que, dans notre pays, je crois qu'il est dans l'intention de tout le monde de supprimer l'intervention du gouvernement du moment que les règles des sociétés responsabilité limitée auront été fixées par la loi .
L'honorable ministre nous a dit que de 1863 à 1867 cette loi n'avait donné lieu à aucun inconvénient. Si mes souvenirs sont exacts, au contraire, les règles tracées par la loi de 1863 ont paru beaucoup trop sévères à bien des personnes et presque aucune société à responsabilité limitée ne s'est établie pendant la période de 1863 à 1867 ; et c’est précisément parce que cette loi ne produisait pas les effets qu'on en attendait qu'il a fallu la modifier. On s'adressait au gouvernement pour obtenir l'autorisation et le gouvernement accordait cette autorisation à des conditions beaucoup moins sévères que celles qui étaient inscrites dans la loi elle-même.
Messieurs, l'honorable ministre la justice nous dit que le projet n'avait aucune espèce d’inconvénient, parce qu'il ne voyait pas, lui, d'inconvénient à ce que les affaires se fassent loyalement.
Messieurs. si l'article que nous discutons n'avait d'autre inconvénient que d'empêcher de faire des affaires déloyalement, je le voterais des deux mains et je crois qu'il n'est pas un membre de la Chambre qui n’en fasse autant.
Je l'ai dit tantôt à l'honorable ministre de la justice, il n'est pas un acte qui ne puisse être crié sur les toits. Je suis dans beaucoup de sociétés et il n'est pas un écrit qui ne puisse être mis sons les yeux de tout le monde et autant que qui que ce soit, je désire que les affaires se fassent loyalement. Mais l'article a beaucoup d'inconvénients que l'honorable ministre de la justice n'aperçoit pas.
M. le ministre nous a parlé d’un administrateur de société faisant la banque pour son compte personnel et il s'est demandé où était la difficulté que cet administrateur-banquier se fît autoriser par l'assemblée générale à faire le service financier de la société ?
S'il ne se présentait que des cas de l'espèce, je voterais l'article ; mais dans la vie commerciale, dans la vie industrielle, dans la vie des sociétés, il y a tous les jours des actes qu'on ne prévoit pas et pour lesquels l'autorisation préalable des assemblées générales est radicalement impossible.
Si vous interprétez la loi comme vous faites, il n'y a pas un jour où vous n'aurez besoin d'une assemblée générale. Je suppose que la Société Générale veuille acheter un tapis de la Société des Tapis de Tournai, il faudra que la Société Générale et la société de Tournai convoquent une assemblée générale pour faire autoriser cette opération.
Supposons que la Société Générale ait à acheter des houilles pour son chauffage, il faudra qu'elle convoque ses actionnaires et les actionnaires des sociétés houillères du Levant, des Produits, pour demander l'autorisation d'acheter sa houille à ces sociétés.
Supposons qu'une société, la société des Charbonnages Réunis, par exemple, ait besoin d'une machine, il faudra réunir les actionnaires pour autoriser l'achat de cette machine à Couillet, à Sclessin ou aux Produits. (Interruption.)
Il n'y a pas d'inconvénient, me dit M. le ministre de la justice ; c'est l'expérience qui me fait parler.
Il y a une foule d'autres faits du même genre qui se passent tous les jours et qui me démontrent qu’une interdiction absolue est radicalement impossible.
Il faut certainement offrir toutes garanties aux actionnaires ; mais il ne faut pas empêcher le développement industriel, en prescrivant la fondation de sociétés par d'autres sociétés.
Il s'agit de chercher une autre formule que celle du projet du gouvernement. Je le répète, la défense générale est absolument impossible.
Maintenant, M. le ministre de la justice dit que son système donne quelque chose et que le mien ne donne rien ; M. le ministre de la justice n'y a pas suffisamment réfléchi ; son système ne donne pas plus que le nôtre. Quelle est la sanction de la défense générale, formulée par M. le ministre de la justice ?
Est-ce une pénalité ? Non. Toute la sanction du projet défendu par M. le ministre de la justice, quant à ce point, consiste à rendre l'administration passible des dommages-intérêts, et pas autre chose ; mais est-ce qu'il y aura des dommages-intérêts prononcés quand il n'y aura pas de dommage ? Non sans doute. Eh bien, si mon amendement est adopté, il y aura identiquement la même sanction.
La différence entre la formule du projet de loi et la mienne, c'est que je ne veux pas une défense générale absolue, mais dans mon système comme dans celui du gouvernement, dès qu'il y a dommage il y a lieu à réparation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a un autre système.
M. Teschµ. - Il n'y a pas d'autre système.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je vous l'expliquerai tout à l'heure.
M. Teschµ. - En définitive, lorsqu'un administrateur sera intervenu par lui-même ou par personne interposée, sans avoir fait connaître sa situation, il sera passible de dommages-intérêts, si dommage il y a. Je prends votre système, seulement je n’entends pas la défense d'une manière aussi générale. Quand l'acte est frauduleux, il n'y a pas de doute; mais la simple réticence et le fait d'avoir posé un acte dommageable exposeront l'administrateur à un recours de la part des actionnaires.
Je l'ai dit tantôt, je ne voudrais pas assurer d'une manière absolue que la formule que je propose est la meilleure qu'on puisse trouver ; c’est pour cela que je demande le renvoi des diverses propositions à la commission. L'étude de la question amènera peut-être quelque chose de mieux.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Tesch a beaucoup critiqué mon système en pratique.
Evidemment je ne suis pas au courant de toutes les affaires, Je ne veux pas revendiquer une compétence que je n'ai pas en ces matières. Mais j'ai une observation à faire ; c'est que la loi de 1863 a fonctionné en France jusqu’en 1867 et que, quand on l’a révisée, on a maintenu la défense (page 497) précisément pour toutes les opérations que l'honorable M. Tesch vient d'indiquer ; et cela sans aucune opposition du corps législatif ni des tribunaux de commerce.
L'honorable M. Tesch dit qu'il ne s'opposerait pas à notre proposition, s'il s'agissait uniquement d’autoriser la société à traiter avec un banquier administrateur, qu'il n'y verrait pas d'inconvénient. Mais il parle de l'acquisition que la société pourrait faire chez un administrateur, d'un objet déterminé, d'une machine, par exemple.
Eh bien, la prohibition pour ces sortes de marchés a été maintenue dans la loi française.
La loi française est ainsi conçue : « Il est interdit aux administrateurs de prendre ou de conserver un intérêt direct ou indirect dans une entreprise ou dans un marché fait avec la société ou pour son compte, à moins qu'ils n'y soient autorisés par l'assemblée générale.
« Il est chaque année rendu à l'assemblée générale un compte spécial de l'exécution des marchés ou entreprises qu'elle a autorisés, aux termes du paragraphe précédent. »
Et que faut-il entendre par « marchés ou entreprises » ? Le voici : « Aucune équivoque ne peut exister sur ce que la loi entend ici par une entreprise ou un marché. Il s'agit des engagements, soit de la société à l'égard des tiers, soit de ceux-ci au profit de celle-là, pour la fourniture seulement, ou, tout à la fois, pour la fabrication et la fourniture de matières premières, d'objets manufacturés, de denrées, etc. Il s'agit encore de conventions intervenues entre la société et des tiers, ayant pour objet des transports, des travaux, des ouvrages, etc. Ce sont là les conventions d'une importance notable et d'une durée assez longue dans leurs effets, desquelles il est question dans l'exposé des motifs et que la loi a implicitement en vue. »
En France, l'épreuve du système complet admis en 1863 a été faite pendant plusieurs années, et bien que l'attention publique eût été éveillée, bien que les réclamations des sociétés eussent pu se produire, lorsque, en 1867, il s'est agi de réviser la loi de 1863, le corps législatif a maintenu la défense absolue de passer des marchés ou entreprises avec les administrateurs. C'est un résultat qui, au point de vue pratique, a certainement une grande importance. Lorsqu'un système fonctionne pendant plusieurs années et lorsque, la loi étant remise sur le métier, nous voyons maintenir le même principe, nous ne pouvons méconnaître qu'il y a là un fait dont il faut tenir compte.
L'honorable M. Tesch dit : Votre système ne diffère pas du mien. Que faites-vous ? Vous commencez par prohiber. Moi je ne prohibe pas. Mais quelle est la sanction de votre prohibition ? Ce sont les dommages intérêts. Eh bien, je vous accorde les dommages-intérêts. Oui, mais avec une petite différence ; c'est que vous laissez commettre les actes qui constituent une infraction aux statuts si l'assemblée ne les a pas autorisés, et l'article stipule que tous les administrateurs sont solidairement responsables soit envers la société, soit envers les tiers, de tous dommages intérêts résultant d'infractions aux statuts sociaux.
Il en résulte, messieurs, que l'administrateur, soit qu'il ait fait connaître d'avance qu'il était intéressé dans l'affaire, soit qu'il ne l'ait pas fait connaître, est, dans le système que je défends, responsable de dommages intérêts, à moins qu'il n'ait été autorisé par l'assemblée générale. Au contraire, il n'est pas responsable d'après M. Tesch, s'il fait connaître sa position et s'il ne prend pas part au vote.
Notre système dit à tous les administrateurs : Vous ne pouvez pas traiter sans l'autorisation de l'assemblée générale, et si vous enfreignez cette défense, vous commettrez une faute. Il me semble, messieurs, que cette disposition, qui a subi l'épreuve de deux débats et de plusieurs années d'exécution dans un grand pays voisin, que cette disposition peut être admise par la Chambre.
- Le renvoi la commission est mis aux voix et prononcé.
« Art. 45. Les administrateurs ne contractent aucune obligation personnelle relativement aux engagements de la société. »
- Adopté.
« Art. 46. Les administrateurs responsables, conformément nu droit commun, de l'exécution du mandat qu'ils ont reçu, et des fautes commises dans leur gestion.
« Ils sont solidairement responsables, soit envers la société, soit envers les tiers, de tous dommages et intérêts résultant d'infractions aux dispositions du présent titre, ou des statuts sociaux. Ils ne seront déchargés de cette responsabilité, quant aux infractions auxquelles ils n'ont pas pris part, que si aucune faute ne leur est imputable et s'ils ont dénoncé ces infractions à l'assemblée générale la plus prochaine après qu'ils en auront connaissance. »
- Adopté.
« Art. 47. La gestion journalière des affaires de la société, ainsi que la représentation de la société en ce qui concerne cette gestion, peuvent être déléguées à des directeurs-gérants et autres agents. associés ou non associés, dont la nomination, la révocation et les attributions sont réglées par les statuts.
« La responsabilité de ces agents, à raison de leur gestion, se détermine conformément aux règles générales du mandat. »
- Adopté.
« Art. 48. La surveillance de la société est confiée à un ou plusieurs commissaires pris parmi les actionnaires.
« Les commissaires sont nommés, pour la première rois, par l'acte qui constitue définitivement la société.
« Chaque année l'assemblée générale ordinaire, après l'approbation du bilan et la nomination des administrateurs, fixe le nombre des commissaires. détermine leurs émoluments qui ne peuvent excéder le tiers de ceux du conseil d'administration, et procède à leur nomination.
« Les administrateurs ne peuvent prendre part au vote dans cette délibération.
« Les commissaires sont toujours révocables.
« Si le nombre des commissaires est réduit, par suite de décès ou autrement, de plus de moitié, le conseil d'administration doit convoquer immédiatement l'assemblée générale. »
M. de Macarµ. - Messieurs, j'ai déclaré, au commencement de la discussion, que je pouvais accepter la disposition qui empêche les administrateurs de prendre part au vote de l'assemblée générale pour la nomination des commissaires. Cette disposition pourrait créer à la société des embarras assez graves.
Vous pourriez avoir deux conseils, nommés tous les deux par les actionnaires, nommés tous les deux légalement et qui pourront se trouver en opposition permanente.
Les administrateurs pouvant voter pour eux-mêmes et ayant un certain nombre de voix parviendront à se faire élire ; mais, comme il leur sera interdit d'intervenir dans la nomination du conseil, il pourra se faire que le collège des commissaires soit nommé par une minorité hostile.
L'on crée ainsi une scission permanente.
Rien n'est plus déplorable dans les affaires que cet antagonisme perpétuel entre deux parties de la société.
Que demande le projet de loi ? Que la surveillance soit sérieuse et réelle.
On a dit que jusqu'ici les commissaires n'avaient pu exercer leurs fonctions convenablement. Il y a là exagération. Mais en tout cas, aujourd'hui, ils auront un droit d'inspection plus large ; par là même ils seront obligés d'exercer leurs fonctions d'une manière plus complète.
Vous n'ajoutez aucune force nouvelle à votre projet de loi, croyez-le bien, par votre disposition.
Autre objection, il y a des sociétés, et ce ne sont pas les plus mauvaises, où les assemblées générales se composent de trois ou quatre mauvaises administrateurs et de deux ou trois commissaires. J'en connais une où, pendant nombre d'années, il s'est trouvé à l'assemblée générale qu’un seul actionnaire.
On le choyait le plus que l'on pouvait, on l'invitait à dîner, on lui faisait force politesses pour l'engager à revenir.
Eh bien, l'ingrat, lui aussi, il a fini par ne plus se présenter, et l'assemblée générale a manqué complètement d'actionnaires. Qui procédera, dans ce cas, à l'élection ?
Je crois, messieurs, que tout ce que l'on pourrait faire, ce serait de laisser aux sociétés le droit d'inscrire cet article dans leurs statuts si elles le désirent ; mais il ne faut pas rendre cette stipulation obligatoire. C'est là encore de la réglementation inutile.
M. le président. - L'honorable N. de Macar demande la suppression du quatrième paragraphe, ainsi conçu : « Les administrateurs ne peuvent prendre part au vote dans cette délibération. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis pas me passionner pour le maintien de ce paragraphe ; mais je dois dire pourquoi il a été introduit.
Il est certain qu'un conseil de surveillance doit surveiller, et que, pour cela, il doit être indépendant.
Dans le système de l'honorable membre, voici comment la chose doit se passer.
Les administrateurs doivent toujours avoir un conseil de surveillance au point de vue social.
Je ne pas, messieurs, que des actionnaires nomment un conseil dans le but de créer des embarras aux administrateurs.
(page 498) L'honorable membre a parlé de difficultés qui peuvent se présenter. Il a cité une société unique.
M. de Macarµ. - Elle pas unique. J'en connais plusieurs et ce sont les meilleures.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est possible ; mais c’est toujours un phénomène, et je crois que des sociétés pareilles pourraient se passer de la forme anonyme.
S'il n'y a que trois administrateurs, il n'y a pas d'autres intérêts que ceux qui sont entre les mains du conseil d'administration. (Interruption.) Le cas où les actionnaires ne viennent pas ! Nais si aucun actionnaire ne voulait accepter les fonctions de membre da conseil de surveillance, que feriez-vous ? On ne peut raisonner sur de pareilles hypothèses. Il est évident que si aucun électeur ne se présentait dans un arrondissement, cet arrondissement n'aurait pas de représentant. Mais la loi ne peut prévoir de pareils cas.
M. de Macarµ. - Je sais bien que la pensée qui a dicté l'article est de donner aux commissaires une indépendance complète vis-à-vis de l'administration. Mais je crois que l'article ne répond pas aux intentions qui l'ont dicté et qu'en réalité il aboutira à un résultat opposé celai que l'on poursuit.
Il est que le conseil d'administration pèse beaucoup plus dans une assemblée générale par son prestige et par son influence que par le nombre de voix dont il dispose.
Or, vous faites décider chaque année quels sont les émoluments des commissaires. Ne voyez-vous pas qu'il y a là, pour le conseil d'administration, un moyen d'action considérable ?
Messieurs, je ne sais s'il existe en fait beaucoup de commissaires capables de se laisser influencer par des questions de ce genre. Je ne connais pas de sociétés ainsi composées, mais si cela était, le conseil ne pourrait-il pas se rendre les commissaires favorables en faisant augmenter ou diminuer leurs émoluments à leur gré ? Je sais que les émoluments des commissaires ne peuvent dépasser le tiers de ceux des administrateurs. Mais il n'en est pas moins vrai qu’entre ce maximum et un chiffre quelconque il y a de la latitude, il y a pour le conseil d'administration un moyen d’influence. Quant à moi, je crois qu'il vaudrait mieux laisser les actionnaires voter tous pour les commissaires, y compris les administrateurs.
Je vous ai fait une concession et ce que je propose répond parfaitement au but que vous poursuivez.
J'admets que les actionnaires décident dans les statuts si les administrateurs pourront prendre part au vote lorsqu'il s'agit de nommer des commissaires. (Interruption.)
Votre article donnerait une trop grande influence au conseil d'administration, il n'atteindra pas le but que se propose l'honorable ministre. N'insistez pas pour le maintenir.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il importe de réfuter une erreur de l'honorable membre.
Il dit que l'article offre cet inconvénient que le conseil d'administration, grâce à son influence, pourra faire augmenter ou diminuer les émoluments des commissaires.
Ou le conseil aura une influence prépondérante et alors l'assemblée générale fera nommer les commissaires qui lui plairont, augmentera, s'il le désire, les émoluments des commissaires ; ou il n'aura pas d'influence prépondérante, et alors l’assemblée générale ne se laissera guider que par l'intérêt de la société, tant dans la nomination des commissaires que dans la fixation de leurs émoluments.
M. Teschµ. Le projet primitif consacrait un tout autre système que celui admis par la commission ; il consacrait la disposition qui se trouve dans les statuts de presque toutes les sociétés en Belgique ; le nombre des commissaires était fixé par les statuts ; le soin de fixer ce nombre n'était pas abandonné à l'assemblée générale.
Les commissaires étaient nommés et révoqués conformément aux règles établies pour les administrateurs. Ce système suivi en Belgique et, je le répète, admis presque partout n'a pas donné lieu à des inconvénients ; il présentait même cet avantage que les commissaires étant nommés d’une manière permanente pouvaient s'initier aux affaires de la société, apprendre à les et devenaient souvent ultérieurement des administrateurs très utiles.
D'après le système actuel les commissaires seront renvoyés, ou du moins pourront être renvoyés tous les ans et les traditions des affaires sociales, les connaissances qu'on peut avoir acquises pendant les exercices antérieurs seront complètement perdues.
Je ne pense pas que le système adopté par la commission ait des avantages sur celui qui a été suivi jusqu'à présent.
Et je suis d'avis qu'il vaudrait mieux en revenir à ce qui était proposé par le projet primitif que de suivre le projet adopté par commission.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre se trompe ; le système du projet primitif est le même que celui que nous proposons maintenant ; seulement la rédaction est changée. L'article primitif renvoyait à l’article 30, qui disait que la nomination des administrateurs se fait par l’assemblée générale des associés pour un temps qui ne peut excéder six ans, et dans la forme déterminée par les statuts.
Voici, en effet, ce que portait l’article 36 du premier projet : « Les mandataires (les commissaires) sont nommés et révoqués conformément aux règles établies pour la nomination et la révocation des administrateurs. »
Ainsi les commissaires ne devaient pas être nommés d’une manière permanente ; les assemblées générales les nommaient tous les ans. Il en est de même, je crois, de la disposition que nous proposons. (Interruption.) L'article ne dit pas qu'on doit procéder à la nomination de tous, toutes les années, il dit : « Chaque année l'assemblée générale ordinaire, après l'approbation du bilan..., procède à leur nomination. »
Si vous voulez maintenant qu'ils sortent comme les administrateurs dans le délai de six ans, c'est un système qui peut admis. On pourrait, messieurs, voter l'article aujourd'hui ; d'ici au second vote, je m'engage à proposer une solution dans le sens qui est indiqué. J'avais compris d'ailleurs que les nominations des commissaires étaient faites conformément aux règles admises pour les administrateurs.
M. Teschµ. - C'était précisément le contraire.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L’article peut être interprété autrement.
M. Hymans. - La rédaction de l'article me paraît vicieuse.
Il est dit que l'assemblée détermine les émoluments des commissaires, qui ne peuvent excéder le tiers de ceux du conseil d'administration, etc.
Or, d'après le projet, il peut n'y avoir qu'un seul commissaire et un nombre indéterminé d'administrateurs, de sorte qu'un seul commissaire pourrait jouir du tiers du traitement de tous les administrateurs réunis. Ce n'est pas là ce qu'on a voulu dire.
Il faudrait, je crois, modifier la rédaction de l'article et dire : « Les émoluments d'un commissaire ne peuvent être supérieurs au tiers de ceux d'un administrateur. »
M. Dupontµ. - Le premier paragraphe de l'article 48 porte que la surveillance de la société est confiée à un ou plusieurs commissaires pris parmi les actionnaires.
Pour pouvoir remplir les fonctions de commissaire, il faut des connaissances spéciales en matière de comptabilité ; Or, il peut arriver que parmi les actionnaires, il ne se trouve pas des personnes ayant ces connaissances spéciales.
J'ai, en conséquence, l'honneur de proposer à la Chambre l'amendement suivant conforme à l'article 32 de la loi française de 1867.
Il consiste à substituer les mots : « les associés ou non », aux mots : « les actionnaires » dans le premier paragraphe.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai prié les membres de Chambre qui auraient des amendements à présenter sur les divers articles du projet de loi, de les faire parvenir sans retard au bureau, pour qu’ils puissent être imprimés et que le gouvernement ait le temps de les examiner. Je me permets de renouveler cette recommandation dans l'intérêt des travaux de la Chambre.
Il s'agit d'une matière très délicate, et il n'est pas possible de se prononcer immédiatement sur les amendements qu'on n'a pas eu le temps d'examiner.
M. le président. - J’engage de nouveau les membres de la Chambre qui auraient encore à présenter des amendements, à les faire parvenir au bureau.
M. Moncheurµ. - Il vaudrait mieux ne pas voter l'article maintenant puisqu'il est entendu qu'on pourra y revenir plus tard et discuter alors les amendements qui sont annoncés. Il serait donc préférable de réserver entièrement l'article, mais si l'on veut voter aujourd'hui sur l'article et les amendements qui s'y rattachent, je modifierai comme suit celui qui a été annoncé par l'honorable M. de Macar.
Cette rédaction atteint le même but que la suppression du paragraphe demandée par M. de Macar, mais elle me semble avoir plus de chance d'être adoptée par la Chambre.
« Les statuts peuvent établir qu'il sera interdit aux administrateurs de prendre part au vote pour les commissaires. »
Il est inutile, je pense, que je développe davantage cet amendement, M. de Macar l’ayant déjà développé lui-même.
(page 499) - L'amendement de M. Moncheur est appuyé. Il fera partie de la discussion.
M. de Macarµ. - Je me rallie complètement à la rédaction proposée par l’honorable M. Moncheur, qui est, en réalité, l'expression formulée de ma pensée.
Quant à l'amendement de l'honorable M. Dupont, je le crois un peu trop général. Je ne voudrais pas étendre la permission de nommer les commissaires en dehors des associés. Mais, si l'honorable membre voulait modifier sa proposition en ce sens que les obligataires pourraient être appelés faire partie du conseil de surveillance, je l'accepterais volontiers.
Les porteurs d'obligations peuvent avoir un intérêt direct à savoir ce qui se passe dans la société, et on éviterait le retour d'abus sérieux en le leur accordant.
M. Dupontµ. - La Chambre remarquera qu'il s'agit de savoir si l'on insérera dans la loi une disposition impérative.
Je propose de laisser une liberté complète aux actionnaires. Je crois que tout le monde doit se rallier à cette manière de voir. Je ne pense pas qu'une disposition impérative puisse produire des résultats avantageux.
M. de Macarµ. - Je n'avais pas saisi l'amendement de l'honorable M. Dupont à une première lecture et je crois qu'il peut être adopté. Mais ne devrait-on pas indiquer comme une nécessité la nomination dans le conseil de surveillance d'un obligataire d'établir à cet égard un droit pour eux.
M. Mullerµ. - Il n'est pas question d'obligataires dans la loi. .
M. de Macarµ. - Il y a cependant pour porteurs les d'obligations un véritable intérêt à savoir ce qui se passe dans les affaires de la société. Pourquoi les exclure complètement ?
- Un membre. - On ne les exclut pas.
M. de Macarµ. - Vous les excluez en fait, car il est peu probable que les votes des actionnaires se portent sur un obligataire. En donnant le droit aux obligataires d'être représentés dans le conseil de surveillance, vous remédieriez à un mal sérieux.
Les obligataires représentent des intérêts considérables dans une société et il serait de toute justice que, dans certains cas, ils pussent intervenir dans la société, non à titre de gérants, mais à titre de surveillants.
Je ne veux point formuler actuellement d'amendement, mais je crois qu'il a quelque chose de très utile à faire en ce sens.
- La discussion est close.
M. le président. - Je mets aux voix l'article par paragraphe.
Le paragraphe premier modifié par M. Dupont, est ainsi :
« La surveillance de la société est confiée un ou plusieurs commissaires associés ou non. »
- Ce paragraphe est adopté.
« Paragraphe 2. Les commissaires sont nommés, pour la première fois, par l'acte qui constitue définitivement la société. »
- Adopté.
« Paragraphe 3. Chaque année l'assemblée générale ordinaire, après l’approbation du bilan et la nomination des administrateurs, fixe le nombre des commissaires et détermine leurs émoluments qui ne peuvent excéder le tiers de ceux du conseil d'administration, et procède à leur nomination. »
MpMOreauµ. - M. Hymans a proposé de modifier ce paragraphe comme suit :
« Chaque année l'assemblée générale ordinaire, après l'approbation du bilan et la nomination des administrateurs, fixe le nombre des commissaires et détermine leurs émoluments. Les émoluments d'un commissaire ne peuvent excéder le tiers de ceux d'un administrateur. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce paragraphe doit être corrigé, nous sommes d'accord à cet égard avec M. Hymans. La correction sera faite au second vote.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 4 est adopté avec l'amendement de M. Moncheur.
Les paragraphes 5 et 6 sont également adoptés.
L'ensemble de l'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 49. Les commissaires sont investis du droit de prendre communication des livres, d'examiner les opérations de la société, de contrôler les comptes, les inventaires et les bilans.
« Il leur remis chaque trimestre, par l'administration, un état résumant la situation active et passive.
« Les commissaires doivent soumettre à l'assemblée générale les résultats de leur mission, avec les propositions qu’ils croient convenables.
« L’étendue et les effets de leur responsabilité sont déterminés d'après les règles générales du mandat. »
M. le président. -M. Dewandre a proposé l'amendement suivant :
« Les commissaires sont investis du droit de prendre communication de toutes les pièces et écritures de la société, d'examiner ses opérations et de contrôler ses comptes, Ses inventaires et ses bilans.
« Il leur est remis..., etc. (comme au projet). »
M. Dewandreµ. - Messieurs, j'ai déjà indiqué les motifs de cet amendement. Je crois que nous sommes d'accord pour donner aux commissaires le droit de contrôler toutes les opérations de la société. Cela étant, il me paraît évident que le texte du projet est trop restrictif ; il indique seulement certaines pièces qui doivent être communiquées aux commissaires ; il faut qu’ils aient le droit de voir toutes les pièces. C'est dans ce but que j’ai proposé mon amendement.
- Le paragraphe premier, tel qu'il est modifié par Dewandre, est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 2 est adopté.
« Paragraphe 3. Les commissaires doivent soumettre à l'assemblée générale les résultats de leur mission avec les propositions qu'ils croient convenables. »
Adopté.
Le paragraphe 4 est adopté.
L'ensemble de l'article 49 est mis aux voix et adopté.
« Art. 50. Les administrateurs et les commissaires forment des collèges qui délibèrent suivant le mode établi par les statuts, et, à défaut de dispositions à cet égard, suivant les règles ordinaires des assemblées délibérantes. »
- Adopté.
« Art. 51. L'assemblée générale des actionnaires a les pouvoirs les plus étendus pour faire ou ratifier les actes qui intéressent la société.
« Elle a le droit d'apporter des modifications aux statuts, mais sans pouvoir changer l'objet essentiel de la société.
« Lorsqu'il s'agit de délibérer sur les modifications aux statuts, l’assemblée n'est valablement constituée que si les convocations ont mis cet objet à l'ordre du jour et si ceux qui assistent à la réunion représentent la moitié, au moins, du capital social.
« Si l’assemblée ne réunit pas ce nombre, une nouvelle convocation sera la nouvelle assemblée délibérera valablement, quelle que soit la portion du capital représentée par les actionnaires présents.
« Une modification n'est adoptée que si elle réunit les trois quarts des voix. »
M. Bruneau. - Je désire savoir de M. le ministre de la justice, si, pour les assemblées ordinaires, il faut également que la moitié, au moins, du capital social soit représentée.
Je crois qu'en vertu de l'article 53, il n’en est pas ainsi, mais cela n'est pas spécialement exprimé.
L'article 51 est aussi muet sur la composition de l'assemblée générale ordinaire. Il prescrit seulement la moitié au moins des actions pour le cas de modifications aux statuts. J'en conclus que cela ne s'applique pas aux assemblées ordinaire.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'exception prouve la règle.
M. Jacquemynsµ. - Il y a une petite modification à faire à l'avant-dernier paragraphe. Il y est dit : « Si l'assemblée ne réunit pas ce nombre. » La moitié n'est pas un nombre.
M. Jacobsµ. - Il faudrait dire : « ne réunit pas ces conditions.
M. Jacquemynsµ. - Je propose de dire : « Si l'assemblée ne réunit pas le nombre de voix exigé. »
- L'amendement est adopté.
M. Delcourµ. - Je voudrais, à mon tour, poser une question à M. le ministre de la justice. Je désire savoir quel sens il attribue aux mots du paragraphe 2 : « sans pouvoir changer l'objet essentiel de la société. »
Nous sommes tous d'accord que cette partie de l'article doit être maintenue ; cela résulte des discussions que nous avons eues déjà à ce sujet ; mais il peut arriver que les statuts aient conféré un droit définitif à un certain nombre de personnes. Ainsi, par exemple, ils attribuent une prime aux propriétaires d'un certain nombre d'actions. Cela constitue un droit acquis.
L'assemblée générale pourra-t-elle modifier les statuts sur ce point ?
Il me semble que non. Il y a, du reste, une jurisprudence conforme à l'opinion que j'émets. Il existe un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui dit que quand il y a droit acquis, les statuts n'y peuvent rien changer.
Je prie l’honorable ministre de vouloir bien me dire dans quel sens il entend les mots que je viens de citer.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il est évident que donner une prime à quelqu'un ne peut faire l'objet essentiel de statuts, à moins qu'il ne s'agisse d'une société constituée uniquement pour donner des primes.
M. Delcourµ. - Il s'agit des avantages particuliers qui peuvent avoir été conférés à l'un ou l'autre fondateur. Je demande s'ils constituent des droits acquis.
(page 500) Si vous décidez qu'ils nr constituent pas des droits acquis, vous allez à l'encontre de la jurisprudence de la cour d'appel de Bruxelles.
Voilà le point délicat.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous faites votre interpellation au sujet du deuxième paragraphe de l'article 51, qui est ainsi conçu :
« Elle le droit d'apporter des modifications aux statuts, en tant que ccs modifications ne changent pas l'objet essentiel de la société. »
Or, je dis que le fait d'accorder une prime à quelqu'un ne peut être considéré comme l'objet essentiel d'une société.
Quant à la question de droit acquis, elle est indépendante de celle-là ; il est évident que si une société accorde une prime, elle ne peut pas la retirer ; de même que lorsqu'une société traite avec un tiers, l'assemblée, le contrat parfait, ne peut revenir sur ce contrat.
M. Mullerµ. - Je crois qu'une explication était d'autant plus nécessaire que le texte proposé par le gouvernement et que j'ai sous les yeux, ajoutait, après les mots : « mais sans pouvoir changer l'objet essentiel de la société », ceux-ci : « ni enlever un droit définitivement acquis à certains actionnaires. »
M. Delcourµ. - Cela tranchait la question.
M. Dumortier. - Si l'on reconnaît que les mots indiqués par M. Muller et qui ont été retranchés représentent la pensée réelle du projet, il serait bon de les reprendre.
Il faut que les droits acquis soient respectés. En entrant dans une société, j'y apporte un établissement ; cet établissement est accepté par tous les actionnaires pour une valeur déterminée, et un an après on pourrait venir contester la valeur de cet établissement ! Cola n'est pas possible.
Et je dis qu'il ne faut pas, en pareille matière, avoir à recourir aux discussions des Chambres pour établir ses droits ; il faut que les droits soient consacrés dans la loi.
Je propose donc le rétablissement des mots supprimés qu'a indiqués M. Muller.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je demande qu'on ne mette pas dans la loi des choses inutiles. Quand on a, par un traité, accordé une chose à quelqu'un, on ne peut pas la lui retirer.
On ne peut pas prévoir, dans la loi, des choses contraires, je ne dirai pas au droit, mais au bon sens.
M. le président. - Proposez-vous un amendement, monsieur Dumortier ?
M. Dumortier. - Je demande le rétablissement des mots supprimés qui ont été indiqués par M. Muller. (Interruption.)
Un bon code de commerce devrait se borner à quelques larges principes et ne pas établir d'entraves. L'industrie a besoin de liberté ; c'est à cause de la liberté dont elle a joui jusqu'ici que l'industrie a pris en Belgique un si puissant et si remarquable essor.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous avez-vous-même proposé des restrictions.
M. Dumortier. - Il y a eu des abus, mais pensez-vous que vous les aurez proscrits quand vous aurez introduit dans la loi ces petites dispositions tracassières ; pensez-vous qu'avec votre nouveau code vous allez fermer les mailles à travers lesquelles passent les fripons ? Il n'en sera rien.
A mon avis, votre loi est beaucoup trop longue ; les deux tiers au moins de ses dispositions pourraient disparaître.
Un de ces faits disparaît, c'est celui que vient d'indiquer l'honorable M. Muller, en ce qu'on a retranché maladroitement du projet primitif du gouvernement les mots qu'a rappelés l'honorable membre.
Il faut que la loi soit claire ; il ne faut pas que toutes ces formules nouvelles puissent donner matière à discussion et à contestation ; il ne faut pas qu'on doive recourir aux Annales parlementaires pour connaître le sens de la loi. Vous dites que ce sont des droits acquis, mais votre texte, dans sa forme actuelle, ne signifie rien à cet égard sans vos explications. Je demande que les mots retranchés du projet primitif soient rétablis dans la loi.
M. Mullerµ. - Messieurs, je n'ai nullement proposé de rétablir dans la loi, les mots : « ni des droits définitivement acquis à certains actionnaires. »
Je me suis borné à compléter l'explication qu'avait donnée M. le ministre de la justice.
Si les mots dont il s'agit ont été retranchés de la loi, c'est que la disposition qui y était contenue résultait du droit commun. Cette explication doit suffire à l'honorable M. Dumortier, comme à tous les membres de la Chambre.
Si les mots dont il s'agit n'avaient pas été insérés dans le projet primitif du gouvernement, il n’y aurait eu aucune espèce de doute ; mais, les mots ayant été insérés dans le projet primitif et supprimés depuis, le doute que cette suppression pouvait faire naître vient à disparaître en présence des explications de M. ministre de la justice.
M. Dumortier. - Si cela est bien entendu ainsi, je retire mon amendement.
- La discussion est close sur l'article 51 est les amendements y relatifs.
L'article est mis aux voix par paragraphes.
« Paragraphe premier. L'assemblée générale des actionnaires a les pouvoirs les plus étendus pour faire ou ratifier les actes qui intéressent la société. »
- Adopté.
« Paragraphe 2. Elle a le droit d'apporter des modifications aux statuts, mais sans pouvoir changer l'objet essentiel de la société. »
- Adopté.
« Paragraphe 3. Lorsqu'il s'agit de délibérer sur les modifications aux statuts, l'assemblée n'est valablement constituée que si les convocations ont mis cet objet à l'ordre du jour, et si ceux qui assistent à la réunion représentent la moitié, au moins, du capital social. »
- Adopté.
« Paragraphe 4. Si l'assemblée ne réunit pas ce nombre, une nouvelle convocation sera nécessaire, et la nouvelle assemblée délibérera valablement, quelle que soit la portion du capital représentée par les actionnaires présents. »
M. le président. - M. Jacquemyns a proposé de remplacer, dans le paragraphe 4 les mots « ce nombre » par ceux-ci : « le nombre de voix exigé. »
M. Tack. - Messieurs, il me semble que la correction que, sous forme d'amendement, l'honorable M. Jacquemyns propose d'apporter au texte du paragraphe pénultième de l'article 51 ne correspond pas au sens de cet article. Il s'agit uniquement, dans la pensée de l'honorable membre lui-même, de modifier la rédaction da l'article sans en altérer la portée.
D'après le troisième paragraphe de l'article 51, l'assemblée n'est valablement constituée que si ceux qui assistent à la réunion représentent la moitié au moins du capital social ; or, l'honorable M. Jacquemyns parle dans son amendement de la moitié des voix, ce qui est tout autre chose.
Je crois qu'il faudrait dire : « Si l'assemblée ne remplit pas cette dernière condition », le reste comme à l'article.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - On pourrait dire : « Si l'assemblée ne représente pas cette moitié ».
M. Guillery. - Je propose de dire : « Si cette dernière condition n'est pas remplie. »
- Le paragraphe, modifié comme le propose M. Guillery, est adopté.
« Paragraphe 5. Une modification n'est adoptée que si elle réunit les trois quarts des voix. »
M. Guillery. - Je propose de rédiger ce paragraphe comme suit : « Aucune modification n'est admise que si elle réunit les trois quarts des voix. »
- Ce paragraphe ainsi rédigé est adopté.
« Art. 52. Il doit être tenu, chaque année, au moins une assemblée générale dans la commune où se trouve le siège social, aux jour et heure indiqués aux statuts.
« Le conseil d'administration et les commissaires peuvent convoquer l'assemblée générale. Ils doivent la convoquer sur la demande d'actionnaires représentant le cinquième du capital social.
« Les convocations pour toute assemblée générale contiennent l'ordre du jour et sont faites par des annonces insérées deux fois, à huit jours d’intervalle au moins, et huit jours avant l'assemblée, dans le Moniteur belge, dans un journal de Bruxelles et dans un journal de la province de l'arrondissement où se trouve le siège de la société.
« Des lettres missives seront adressées huit jours avant l'assemblée aux actionnaires en nom, mais sans qu'il doive être justifié de l'accomplissement de cette formalité.
« Quand toutes les actions sont nominatives, les convocations peuvent être faites uniquement par lettres dont la réception est constatée. »
M. de Macarµ. - J'ai deux observations à faire sur cet article.
Je crois qu'il faut en revenir à la rédaction du gouvernement. Je ne vois pas de raison pour obliger la société à tenir les assemblées annuelles dans la commune où se trouve le siège sociale. Ce siège peut trouver assez loin d'un chemin de fer, ce qui peut arriver, et assez loin du lieu où se trouve le groupe des actionnaires.
(page 501) Dans l'intérêt même de la publicité des affaires de la société, il vaut mieux que l'on désigne une ville où devront se tenir les réunions. Plusieurs sociétés assez considérables dans notre province ont leurs réunions annuelles dans la ville qui se trouve à proximité du siège social. Je ne vois aucune raison pour leur imposer une obligation gênante.
Ma seconde observation est relative à cette disposition de l'article qui dit que les convocations pour toute assemblée générale sont faites par des annonces insérées deux fois, à huit jours d'intervalle au moins, et huit jours avant l'assemblée, dans le Moniteur belge, dans un journal de Bruxelles et dans un journal de la province et de l'arrondissement où se trouve le siège de la société.
Je crois qu'il est inutile de mettre un journal de Bruxelles. Il est inutile de donner des primes aux journaux de Bruxelles, surtout qu'avec le projet que nous allons voter il est probable qu'il se formera de petites sociétés anonymes auxquelles il importe de n'imposer aucune dépense superflue.
Je propose donc le rétablissement du texte du gouvernement, c'est-à-dire l'obligation de l'insertion dans le Moniteur et dans le journal de la province ou de l'arrondissement.
M. Vander Maesenµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner la demande relative à la réunion de la commune de Bolland au canton judiciaire de Herve.
M. Jacobµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant délimitation des deux cantons de justice de paix d'Anvers.
- Ces rapports seront imprimés, distribués et leurs objets mis à l'ordre du jour.
MpMOreauµ. - M. de Macar propose de modifier le paragraphe premier de l'article de la manière suivante : « Il doit tenu chaque année au moins une assemblée générale à l'endroit désigné par les statuts. »
Au paragraphe 3, au lieu de : « dans le Moniteur belge, dans un journal de Bruxelles et dans un journal de la province ou de l'arrondissement, » il propose de dire : « Dans le Moniteur belge et dans un journal de la province ou de l'arrondissement. »
Cet amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il suffit de mettre que l’assemblée générale doit avoir lieu « dans la commune aux jour et heure indiqués par les statuts. »
Le mot « endroit » me paraît restrictif. L'assemblée générale ne doit pas absolument avoir lieu au siège social ; elle peut avoir lieu dans un autre local.
MpMOreauµ. - M. le ministre de la justice propose de rédiger le paragraphe premier de la manière suivante : « Il doit être tenu chaque année au moins une assemblée générale dans la commune, aux jour et heure indiqués par les statuts. »
M. de Macar se rallie-t-il à cet amendement ?
M. de Macarµ. - Oui, M. le président.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre a demandé la suppression des mots : « un journal de Bruxelles. » Ces mots n'ont pas pour but, comme paraît le croire l'honorable membre, de favoriser les journaux de Bruxelles. Les journaux de province ont beaucoup d'abonnés dans leur province, tandis que les journaux de la capitale, il faut bien le reconnaître, vont dans tout le pays. On peut répondre que le Moniteur belge satisfait suffisamment au besoin de publicité ; mais il faut se placer devant la réalité des faits', le Moniteur belge n'est pas entre les mains des particuliers, il ne se trouve généralement que dans les mains des administrations.
M. Jacobsµ. - Messieurs, la conséquence du langage que vient de tenir M. le ministre de la justice serait la suppression des mots : le Moniteur belge, car si, par la voie du Moniteur belge, on ne s'adresse à aucun de ceux qui ont intérêt à connaître la communication, l'obligation de faire insérer l'avis dans ce journal n'est plus qu'un impôt indirect prélevé sur les sociétés anonymes.
M. de Macarµ. - Je crois que l'objection de l'honorable ministre de la justice n'est pas fondée.
Dans tous les cas, ce que je demande, ce n'est pas l'interdiction d'insérer dans un journal de Bruxelles, c'est la non-obligation... (Interruption.) Laissez les sociétés juges de l'utilité de la mesure.
M. Guillery. - Le but de cette disposition, comme le but de tout le projet, c'est d'avoir une publicité complète. Si la publicité pouvait, au gré des administrateurs, se renfermer dans un seul arrondissement, il pourrait y avoir des surprises. On donne le Moniteur belge pour avoir un journal où l'on soit certain de trouver toutes les convocations, puis un journal de Bruxelles, et enfin un journal de l'arrondissement. Je vois là des garanties de publicité qui sont de l'essence du projet de loi.
MpMOreauµ. - M. Jacobs propose de supprimer les mots : le Moniteur belge.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela n'est pas possible ; le Moniteur belge doit publier la collection complète de tous les actes relatifs aux sociétés anonymes.
M. Jacobsµ. - Je n'insisterai pas pour la suppression de l'insertion au Moniteur belge ; mais je la considère, je le répète, comme un impôt établi sur les sociétés anonymes.
M. le président. - Le paragraphe premier est ainsi :
« Il doit être tenu chaque année au moins une assemblée générale dans la commune où se trouve le siège social, aux jours et heures indiqués par les statuts. »
M. de Macar propose de supprimer les mots ; « où se trouve le siège social » et de dire : « dans la commune, aux jours et heures indiqués par les statuts. » (Interruption.)
M. Teschµ. - Qu'on dise : la localité.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'y a que des communes.
M. Teschµ. - Il semblerait que les statuts ne peuvent indiquer qu'une commune.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ils peuvent évidemment en indiquer plusieurs.
M. Teschµ. - Il arrive très souvent que le siège social est dans une ville et que les établissements importants sont ailleurs. Il est alors utile que les assemblées générales aient lieu dans ces établissements.
Du moment qu'il est entendu que les statuts peuvent indiquer plusieurs localités, tout est bien.
- Une voix. - Qu'on dise : « les lieux ».
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les lieux est une expression qui ne convient nullement, car on peut convoquer aujourd'hui dans un lieu qui n'existera plus demain. Il faut dire : « dans la commune ». Cela ne met pas obstacle à ce que l'on détermine, dans les statuts, plusieurs communes.
Le paragraphe premier est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 2 est également mis aux voix et adopté.
M. le président. - Au paragraphe 3, M. de Macar propose la suppression des mots : « dans un journal de Bruxelles. »
- La proposition n'est pas adoptée.
Le paragraphe 3 est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 4 est également adopté.
M. Saincteletteµ. - J'ai une petite modification de rédaction à proposer à la fin du paragraphe 5. Je demande qu'on dise « par lettres recommandées » et qu'on supprime les mots : « et dont la réception est constatée. »
-Le paragraphe ainsi rédigé est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous arrivons à l'article 53.
- Plusieurs membres. - A demain !
M. de Macarµ. - C'est un article très important.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - On me dit que l'article 53 est important. Je demande que les honorables membres qui ont des modifications à proposer déposent leurs amendements, ce sera autant de fait.
M. Bruneau. - J'ai un amendement à déposer sur cet article et je demande que l'assemblée veuille bien continuer la délibération.
Il est dit au paragraphe 2 : « Nul ne peut prendre part au vote pour un nombre d'actions dépassant la cinquième partie du nombre d'actions émises ou les deux cinquièmes des actions représentées. »
Dans les sociétés anonymes, il y a des actions et non des personnes. Chaque action devrait avoir sa représentation et son droit de voter. Or, ici, on interdit ce droit à un certain nombre d'actions parce qu'elles sont concentrées dans la même main. On le fait, je le sais bien, pour protéger les petits actionnaires, mais il ne faut pas, sous prétexte de protéger les petits, leur donner le moyen d'écraser les gros. Or, c'est ce qui peut arriver. Un actionnaire qui serait propriétaire de la moitié ou plus des actions de la société pourrait voir ses intérêts compromis par quelques actionnaires qui n'ont qu'un intérêt restreint et voudraient lui nuire puisqu'il ne peut voter que pour les deux cinquièmes, c'est-à-dire qu'il est condamné à n'avoir que la minorité des voix, bien qu’ayant la majorité des actions.
(page 502) Je demande qu'au moins il y ait égalité et que la minorité ne puisse pas imposer sa volonté à la majorité des intérêts dans la société, et qu’en cas de dissentiment, l'actionnaire qui possède la majorité des actions puisse au mois, par la parité du vote, empêcher une résolution qui est nuisible à la majorité des intérêts de la société.
Je propose donc de substituer le chiffre de la moitié des actions à celui du cinquième, ou des deux cinquièmes pour l'émission des votes.
L'article en discussion dit également que les propriétaires d'actions ont le droit de voter par eux-mêmes on par mandataire.
La limitation de l'article comprend-elle les actions dont le votant est propriétaire et celles dont il est le mandataire ?
Je demande aussi à l'honorable ministre de la justice si l’actionnaire peut se faire représenter par une personne étrangère à la société. Les statuts l’interdisent ordinairement.
Le projet de loi actuel maintient-il aux statuts la faculté de régler cet objet.
M. Teschµ. - Le projet primitif laissait aux statuts le soin de déterminer le nombre d'actions qu'il était nécessaire de posséder, soit à titre de propriétaire, soit à titre de mandataire pour titre de mandataires pour être admis à l'assemblée générale ; cette question devrait être décidée par les fondateurs des sociétés.
Je reprendrai demain la rédaction primitive du gouvernement.
- Des voix. - A demain !
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.