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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 juin 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1129) M. Dethuin, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dethuinµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Bruxelles demandent le vote définitif du projet de loi sur la milice. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Le sieur Vande Casteele demande que le gouvernement l'aide à établir une usine modèle où les brasseurs pourraient se renseigner sur les meilleurs procédés pour la fabrication de la bière. »

M. Vleminckxµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission d'industrie.

- Adopté.


« Des brasseurs à Anvers demandent qu'il soit permis aux brasseurs qui le réclameront, de payer le droit d'après la quantité de farine employée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Tweepennickx demande le remboursement de la partie, dont il lui a été fait remise, d'une amende à laquelle il a été condamné le 11 juin 1868. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


«D es habitants de Schuyffers-Kappelle demandent le redressement d'une erreur dans la délimitation de cette commune. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Merckem demande la prompte exécution des travaux d'amélioration du régime de l'Yser. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Le conseil communal d'Achel demande que le chemin de fer projeté d'Anvers à Gladbach passe par Lommel, Achel, etc. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par message du 13 juin, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le budget des travaux publics pour 1869. »

- Pris pour notification.


« M. J. Jouret, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Adopté.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics pour un chemin de fer de Blaton à Ath

Rapport de la section centrale

M. Deschampsµ dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant au département des travaux publics un crédit de 1,500,000 francs pour la construction d'un chemin de fer de Blaton à Ath.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le met à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

MfFOµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le Sénat étant sur le point de se séparer, il serait très désirable que la Chambre voulût bien voter certains projets de loi qui sont à l'ordre du jour, et qui ne paraissent pas de nature à donner lieu à de longues discussions. Je veux parier des objets suivants :

Budget des dotations pour 1870.

Crédits à concurrence de 2,200,000 francs au département de l'intérieur.

Crédit de 20,001 fr. 80 c. au département des affaires étrangères.

Crédit de 1,500,000 francs au département de la guerre.

Crédit supplémentaire au département des travaux publics.

Crédits supplémentaires et extraordinaires au département de l’intérieur.

M. le président. - Le budget des dotations est voté, moins l'article qui concerne la Chambre ; il faudrait donc procéder d'abord au vote du budget de la Chambre.

M. Allard, questeur. - Messieurs, le budget de la Chambre pour l'exercice, prochain est absolument le même que celui qui a été voté il y a quelques mois, pour l'exercice courant ; je demande qu'il soit voté, sauf, à la rentrée, à avoir une séance pour entendre, s'il y a lieu,, les plaintes que l'on adresse ordinairement aux questeurs sur les différents services de la Chambre lors de la discussion du budget.

M. Coomans. - Je comprends la proposition de l'honorable ministre des finances s'il s'agit d'ajourner la discussion du projet de loi sur la milice. Quant à moi, je ne tiens pas à la continuation immédiate de cette discussion pour deux raisons que je vais dire : d'abord je crains que la Chambre, fatiguée, ne donne pas aux questions qui sont soulevées toute l'attention qu'elles méritent. En second lieu, les principes déjà admis par la Chambre sont tels, que je ne tiens pas au vote immédiat de la loi. Cependant je me conformerai aux intentions de la Chambre.

Mais, messieurs, à quoi bon intervertir encore une fois l'ordre du jour, si l'intention du gouvernement est de continuer la discussion du projet de loi sur la milice ? Nous voterons, après, les projets de lois que M. le ministre des finances vient d'indiquer.

- Plusieurs membres. - Le Sénat va s'ajourner.

M. Coomans. - Je n'en savais rien. Si vous en savez plus que moi sur les intentions du Sénat, soit. Du reste M. le ministre de la justice doit bien les connaître.

M. le président. - M. le ministre des finances a dit qu'il faisait si proposition parce que le Sénat est sur le point de se séparer.

M. Coomans. - Alors je n'insiste pas.

MfFOµ. - Je dois faire remarquer à l'honorable membre que rien ne s'opposera à ce que l'on continue la discussion du projet de loi sur la milice après ces votes, car il ne s'agit que de simples votes. La Chambres pourra aussi, si elle le juge convenable, remettre le second vote à la session prochaine.

Je donne ces indications pour montrer qu'il n'y a pas de difficulté et que l'on pourra s'arranger selon les convenances des uns et des autres.

M. Coomans. - Messieurs, si nous ne devons pas en finir définitivement dans cette session avec le projet de loi sur la milice, je crois qu'il serait plus sage d'ajourner la continuation de la discussion.

- Plusieurs voix. - C'est cela.

M. Coomans. - Vous m'apprenez que le Sénat cessera aujourd'hui ses travaux. Si donc il ne doit pas examiner le projet de loi dans cette session, pourquoi nous infliger le surcroît de besogne dont on nous occupe aujourd'hui ?

Que l'on ne s'étonne pas de me voir si peu désireux de continuer ce débat. Ce serait le contraire qui devrait étonner.

Je déclare que la loi est devenue, à mon sens, tellement mauvaise, que je n'y tiens plus du tout.

J'aimerais mieux attendre la session prochaine pour continuer cet examen.

M. le président. - La Chambre me paraît disposée à procéder au vote des projets de lois que vient d'indiquer l'honorable ministre des finances.

- De toutes parts. - Oui ! oui !

M. Maghermanµ (pour une motion d’ordre). - Je demande que la Chambre ait des séances du soir jusqu'à ce que ses travaux soient terminés.

- Voix nombreuses. - Non, non, pas de séances du soir !

M. le président. - Je constate que la Chambre n'est pas désireuse d'avoir des séances du soir.

MfFOµ. - Nous verrons tantôt.

- Plusieurs membres. - Si, si, réunissons-nous le soir.

M. le président. - Je vais consulter la Chambre.

(page 1130) - Il est procédé au vote par assis et levé.

Le résultat étant douteux, il est procédé à une nouvelle épreuve.

La proposition de M. Magherman n'est pas adoptée.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1870

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chambre des représentants

Article 4

M. le président. - Il restait à voter l'article 4 de ce budget.

- On procède à ce vote.

« Art. 4. Chambre des représentants : fr. 642,047 25. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé, au vote par appel nominal sur l'article unique du budget des ;dotations qui est ainsi conçu :

« Le budget des dotations est fixé, pour l'exercice 1870, à la somme de 4,390,897 fr. 25 c, conformément au tableau ci-annexé. » -

70 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence, la Chambre adopte.

Le. projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. Allard, Bara, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, Coomans, Couvreur, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Clercq, de Coninck, de Haerne, de Kerckhove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, Delcour, De Lexhy, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Terbecq, de Thuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu. Lesoinne, Liénart, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Visart, Vleminckx, Wasseige et Dolez.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère de l’intérieur

Discussion générale

La discussion générale est ouverte,

M. Wasseige. - A propos de la discussion de ce projet, je dirai d’|abord que je regrette vivement de voir des projets de cette importance soumis à la Chambre dans les derniers moments d'une session et alors qu'une discussion sérieuse et complète est pour ainsi dire impossible. . Cette réserve faite, j'aurai l'honneur de présenter quelques observations le chiffre de 500,000 francs, demandé pour l'érection de quatre écoles normales nouvelles.

Lorsque la création de ces écoles a été décrétée, j'ai dû me borner à faire quelques observations pour prouver qu'elles ne me paraissaient pas nécessaires, parce que, comme aujourd'hui, on était à la veille de clore la session ; il avait. té décidé que mes observations auraient été reprises et çomplétées, lorsque les sommes nécessaires à l'exécution de la loi seraient demandées à la Chambre.

Voici ce moment arrivé ; mais nous sommes encore dans les mêmes conditions d'impossibilité qu'alors. Je suis donc encore forcé d'être bref et succinct, sous peine de n'être pas écouté. Une de mes principales objections, c'était que je ne pensais pas que les besoins de l'instruction primaire fussent assez nombreux pour exiger l'érection de nouvelles écoles normales ; que l'on pouvait très facilement rendre celles qui existaient suffisantes, et que par conséquent la dépense demandée au pays était inutile et frustratoire.

Je voyais, d'autre pari, dans l'érection de ces quatre écoles, une concurrence peu loyale et peu conforme à la loi de 1842, dirigée contre les établissements libres.

Cette opinion est encore la mienne, cependant depuis lors il s'est passé différents faits nouveaux. Le prédécesseur de l'honorable ministre actuel, l'honorable M. Vandenpeereboom, était à peu près décidé a adopter, en même temps qu'il érigerait ces écoles normales laïques, d'autres écoles normales, sous le patronage du clergé et qui auraient pu servir à former des institutrices communales religieuses.

Si l'honorable ministre actuel est dans les mêmes dispositions, si, après avoir érigé les écoles dont il est question dans le projet, il est disposé a- adopter dans la mesure des besoins, des écoles normales sous le patronage du clergé de façon à y former des institutrices religieuses pour les administrations communales qui les préféreraient aux institutrices laïques, je suis disposé à cesser mon opposition, dans la certitude où je suis de ne pouvoir obtenir davantage du gouvernement et de la majorité actuelle.

MiPµ. - Messieurs,.jc ferai remarquer à la Chambre qu'il ne s'agit pas de décider le principe de la loi.

La loi qui décrète l’érection des écoles normales est votée. Elle a décidé qu'on créerait quatre écoles normales nouvelles dans un délai aussi rapproché que possible.

Diverses circonstances, comme la Chambre le sait, ont fait différer l'exécution de celle loi. Nous venons donc demander en ce moment à la Chambre les moyens d'exécution de cette loi.

Lors de la discussion de la loi de 1842, on avait calculé que les établissements de l'Etat fourniraient les deux tiers des instituteurs.

Dans le premier rapport qui a été fait sur la loi de 1842, par l'honorable M. de Theux, nous voyons que déjà à cette époque la moitié des instituteurs sortaient des établissements adoptés.

L'honorable M. de Theux disait : « La proportion indiquée par le ministre (M. Nothomb) pour le partage des élèves entre les diverses institutions a été suivie autant que possible. Les établissements privés n'ont pointa se plaindre ; au lieu de n'avoir à fournir que le tiers des instituteurs qu'ils auraient dû partager avec les cours normaux et les autres instituteurs, ils ont été mis sur le pied d'égalité avec les écoles de l'Etat. »

Ainsi, dès lors, malgré les prévisions de. la loi de 1842, les établissements privés ont formé la moitié des instituteurs au lieu du tiers qu'ils devaient fournir.

Il résulte de la statistique des nominations qui ont été faites depuis lors que la même proportion a été maintenue, c'est-à-dire qu'à l'heure qu'il est les établissements privés forment la moitié des instituteurs et les établissement normaux de l'Etat l'autre moitié.

Nous ne sommes donc pas dans la proportion de la loi de 1842 ; et c'est pour revenir à cette proportion qu'a été proposée la loi que nous vous demandons les moyens d'exécuter.

Je sais, messieurs, que plusieurs demandes ont été faites pour faire adopter des écoles privées. Mais mon honorable prédécesseur a pensé, et je pense comme lui, qu'on ne peut pas en ce moment adopter de nouvelles écoles par la raison très simple que nous ne sommes pas arrivés au point prévu par la loi de 1842.

Par la création des. nouvelles écoles que nous vous proposons, les prévisions de la loi de 1842 pourront être réalisées et l'objection fondamentale, radicale, qui existe contre l'adoption des écoles privées cessera d'être.

M. Guillery. - Je désirerais, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, recommander à la bienveillance de l'honorable ministre de l'intérieur les instituteurs primaires.

D'après les renseignements que nous donnent les journaux, il paraît que plusieurs de ces utiles fonctionnaires ont à subir un très long retard dans le payement d'une partie de leurs appointements.

Je suis convaincu que M. le ministre a fait à cet égard tout ce qu'il lui a été possible de faire, mais il n'a sans doute pas eu connaissance des faits auxquels je fais allusion.

MiPµ. - J'ai effectivement été informé que des plaintes s'étaient élevées sur l'objet que M. Guillery vient de signaler à l'attention de la Chambre.

J'ai fait examiner les deux ou trois faits qui ont été cités et l'enquête a démontré que ces plaintes n'étaient pas fondées.

Mais je saisirai cette occasion pour donner les instructions les plus formelles pour que le payement des instituteurs se fasse à temps et je prends devant la Chambre l'engagement que si des abus dépendant des fonctionnaires de mon département me sont signalés, je saurai les réprimer de la manière la plus complète.

M. Wasseige. - Si j'ai bien compris la réponse de l'honorable ministre de l'intérieur, il est bien entendu que les écoles normales dont il s'agit dans la loi une fois établies, il est disposé pour l'avenir à adopter, dans la mesure des besoins, les établissements privés qui lui en feront la demande, et j'en prends acte.

M. Guillery. - Je remercie l'honorable ministre de l'intérieur des explications qu'il a bien voulu nous donner.

Je n'ai jamais douté de ses sentiments de bienveillance et d'équité à l'égard des instituteurs et je suis heureux de lui avoir fourni l'occasion de réfuter les accusations qui ont eu cours dans la presse et qui sont réellement très graves,

- La discussion générale est close. On passe aux articles.

Discussion des articles

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Un septième crédit extraordinaire, d'un million de francs (1,000,000 de francs) est ouvert au département de l'intérieur, pour aider les communes à subvenir aux frais de construction et d'ameublement de maisons d'école. »

- Adopté.


« Art. 2 Un premier crédit extraordinaire de cinq cent mille francs (page 1131) (500,000 francs) est ouvert au même département, pour l'organisation de quatre nouvelles écoles normales de l'Etat, conformément à la loi du 20 mai 1866. »

— Adopté.


« Art. 3. Un crédit spécial de sept cent mille francs (700.000 francs) est ouvert au même département, pour la continuation des travaux d'agrandissement et d'appropriation du palais royal.

« Sur ce crédit, une somme de 400,000 francs sera spécialement réservée pour les dépenses d'ameublement. »

- Adopté.


« Art. 4. Les différents crédits susmentionnés seront couverts au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat.

69 membres sont présents.

59 répondent oui.

8 répondent non.

2 (MM. Hayez et Jacobs) s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Allard, Bara, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, Couvreur, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Clercq, de Coninck, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Lexhy, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Rongé, de Rossius, de Terbecq, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Mulle de Terschueren, N'élis, Pirmez, Preud'homme, R0gier, Sabatier, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Wasseige, Watteeu et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Coomans, Eugène de Kerckhove, de Naeyer, Magherman, Notelteirs, Thibaut, Vander Donckt et Visart.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Hayezµ. - L'ameublement des palais royaux étant une charge de la liste civile, je n'ai pu voter un projet de loi qui impose à l'Etat une charge de 400,000 fr. de ce chef.

M. Jacobsµ. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.

MfFOµ - Ce motif d'abstention repose sur une erreur.

M. le président. - Ne faisons pas d'incident.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des affaires étrangères

Discussion des articles

Articles 1 et 2

Personne ne demandant la parole, on passe aux articles.

« Art. 1er. Un crédit de vingt mille quatre francs quatre-vingts centimes (fr. 20,004-80) est mis à la disposition du ministre des affaires étrangères, pour indemniser, à titre de transaction, le propriétaire du navire anglais Antagonist, coulé par le steamer de l'Etat Rubis, dans la nuit du 20 au 24 novembre 1860, et pour couvrir les frais du procès auquel cet accident à donné lieu. »

- Adopté.


« Art. 2. Ge crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires, et formera l'article 40bis du budget du département des affaires étrangères, exercice 1869. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

II est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à' l'unanimité des 70 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Etaient présents :

MM. Allard, Bara, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, Coomans, Couvreur, de Baillet-Latour, de Borchghrave, de Brouckere, de Clercq, De Coninck, de Kerchove de Denterghem, E. de Kerckhove, Delcour, de Macar, de' Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Visart, Vleminckx, Wasseige, Watteeu et Dolez.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Coomans. - Je ne puis réellement laisser passer ce crédit sans une nouvelle protestation.

Presque tous les membres de la Chambre se rappellent que lors du vote de la loi des fortifications d'Anvers, en 1860, il a été promis itérativement et solennellement par plusieurs ministres, et cette promesse a été acceptée avec plaisir par les deux Chambres, qu'aucun crédit nouveau ne serait demandé.

Peu de temps après, nous avons eu encore a payer quelques millions supplémentaires ; mais on n'est parvenu à nous les arracher qu’en nous promettant derechef que ce serait les tout derniers.

D'honorables membres de cette Chambre, dont plusieurs des plus éminents, M. le président Dolez en tête, ont dit et redit qu'ils ne voteraient plus rien pour ce qu'on pourrait appeler un jour l'achèvement des fortifications d'Anvers.

Il a été ajouté, j'en fais la remarque pour prévenir une objection qui serait très mal fondée, que pas un sou ne serait demandé ni pour une marine militaire votée par une commission officielle, ni pour fortifier les positions inférieures de l'Escaut.

Et voila, messieurs, qu'on nous demande encore une fois trois millions et demi. (Interruption.) Trois millions et demi, je dis bien. On commence par 1,500,000 francs. On nous fera avaler cette nouvelle drogue en trois fois, comme la plus mauvaise pilule. (Interruption.)

C'est trois millions et demi qu'on nous demande, et ce n'est pas le dernier mot. On nous en demandera bien davantage encore, plus tard.

Jamais on n'a cru sérieusement à la parole que l'on prononçait soi-même.

En vérité, j'ai de la peine à contenir mon indignation, c'est le mot, lorsque je vois les mêmes ministres qui ont multiplié les promesses que je viens de caractériser, venir se démentir eux-mêmes et nous arracher encore une fois des millions aussi inutilement dépensés.

En vain objectera-t-on les nouveaux progrès de l'artillerie, les progrès de l'art des fortifications.

Cette excuse sera mauvaise. Car elle pourra nous être représentée tous les trimestres. L'art militaire est constamment en progrès ; c'est malheureusement celui qui fait le plus de progrès. Je voudrais que. la science politique en fît autant. Celle-là rétrograde.

Quant à l'art militaire, il faut toujours des progrès dans un sens que je n'admets pas, mais enfin dans le sens martial. Eh bien-, messieurs, nous aurons à nous tenir au courant de tous ces progrès.

Je le répète, si l'on n'était pas sûr en 1860 de ce que l'on disait, on n'en est pas sûr aujourd'hui ; on n'en sera pas sûr demain.

Je repousse tous les subsides de ce genre.

Quand nous disions, il y a 8 ou 9 ans, que tout l'appareil militaire si luxueusement édifié autour d'Anvers coûterait une centaine de millions, on avait l'audace de rire, de nous qualifier d'inventeurs malveillants ; eh bien, messieurs, cette somme de 100 millions est bien près d'être atteinte, si elle n'est pas dépassée, car j'ai bien le droit d'y ajouter tout ce que votes avez demandé de millions pour l'artillerie. Et puisque j'en suis à des souvenirs rétrospectifs, en voici un encore. Quand nous votions, c'est-à-dire quand vous votiez les fortifications d'Anvers, vous nous disiez avec une parfaite assurance, dont vous ne vous êtes jamais départis, vous nous disiez qu’il n'y avait pas un sou à dépenser pour l'artillerie, que notre artillerie était excellente et qu'elle serait excellente plus fard ; or, Messieurs, un an après on nous demandait 15 millions pour l'artillerie.

A cette époque on nous disait aussi, les preuves officielles en sont dans les Annales parlementaires, on nous disait aussi que ces grandes dépenses que nous faisions pour Anvers étaient dans l'intérêt de, nos miliciens, attendu qu'il serait possible alors de diminuer l'effectif de notre armée. On affirmait qu'en embastillant Anvers, on servirait l'armée, qu'on la fortifierait et qu'on pourrait la diminuer. Or, messieurs, toutes ces promesses étalent illusoires, je me sers du mot le plus poli que je puisse trouver.

On a augmenté d'un cinquième les charges odieuses qui pèsent sur nos (page 1132) populations. On a accru le contingent. On s'est engagé à faire marcher sérieusement la garde civique ; 30,000 gardes civiques, à réorganiser, et aussi l'autre garde civique, qui n'est pas sérieuse du tout en ce moment. Eh bien, messieurs, voilà autant de promesses qui ont été violées. On n'a pas diminué la charge de la milice, on l'a augmentée d'un cinquième. On n'a pas diminué les autres charges militaires, on les a toujours accrues. Eh, messieurs, vous êtes sur la pente glissante du mensonge.

M. le président. - M. Coomans, je ne puis pas laisser passer de pareilles expressions.

M. Coomans. - Elles ne s'appliquent pas aux hommes. Vous êtes sur la pente glissante d'un système mensonger.

- Un membre. - Ce n'est pas parlementaire.

M. Coomans. - Mais vous y êtes ; vous ne pouvez pas le nier et plus vous vous laisserez aller à ce mouvement rétrograde, plus vous aurez à vous en repentir un jour.

Et, messieurs, qu'est-ce qui vous empêcherait dans quelques mois, dans quelques années, de venir dire que les fortifications sont devenues insuffisantes et qu'est-ce qui vous empêchera demain de venir solliciter de nous 10 ou 12 millions de premier subside pour fabriquer une marine militaire ? (Interruption.)

Mais oubliez-vous donc qu'une commission à laquelle Son Altesse royale le comte de Flandre a assisté pendant 15 ou 16 séances avec moi indigne, a décidé à l'unanimité des voix moins deux, celle de l'honorable M. Orts et la mienne, qu'il y allait de la sécurité nationale, du salut de l'indépendance belge, et qu'il fallait construire immédiatement une marine militaire ?

Messieurs, pourquoi nommer des commissions si vous faites fi de leurs travaux ?

Je suis convaincu que ces conclusions vous agréent, que vous en êtes très satisfaits, si vous ne les avez inspirées vous-mêmes.

Eh bien, quand vous jugerez l'occasion favorable, quand vous serez encore un peu plus sûrs que vous ne l'êtes de la majorité et c'est déjà bien comme cela, vous viendrez nous demander une marine militaire.

C'est encore, une prédiction qui se réalisera pleinement, je le dis pour le malheur de mon pays.

MfFOµ. - Messieurs, l'honorable membre vient de vous dire qu'on lui avait arraché successivement de nombreux millions pour les fortifications d'Anvers.

M. Coomans. - Pas à moi, je ne vous ai rien donné, mais à la Chambre.

M. le président. - M. Coomans, n'interrompez pas

M. Coomans. - M. le président, je relève une inexactitude.

M. le président. - Ce que dit M. le ministre s'adresse à vous, M. Coomans, comme s'adressant à la Chambre.

M. Coomans. - Cela n'est flatteur ni pour la Chambre ni pour moi.

M. le président. - C'est là une question d'appréciation, M. Coomans. D'autres peuvent se prononcer autrement que vous, avec conscience et avec honneur comme vous.

M. Coomans. - Merci !

MfFOµ. - On aurait donc, selon l'honorable préopinant, arraché successivement des millions à la Chambre pour les fortifications d'Anvers. Comme il vient de le dire, on n'a rien arraché à l'honorable membre ; il a voté invariablement contre toutes les propositions qui ont été faites. Mais, en fait de souvenirs rétrospectifs, comme il les a nommés, bien que je ne connaisse guère les souvenirs de l'avenir, il en est un qui ne lui est pas venu et qui aurait pu, qui même aurait bien dû lui inspirer quelques réflexions.

Les fortifications d'Anvers ont été décrétées, la grande enceinte a été votée, principalement par suite des vives et pressantes instances de l'honorable membre. (Interruption.) Il a oublié cela !

M. Coomans. - Non, non, c'est parfaitement vrai, je demande la parole.

MfFOµ. - Eh bien, si vous vous en étiez souvenu, vous auriez dû commencer par vous frapper trois fois la poitrine en vous accusant d'être un peu coupable de ces grandes dépenses, faites si inutilement d'après les déclarations qu'il vous plaît de faire aujourd'hui ; car si, au lieu de cette grande enceinte, on avait exécuté la petite enceinte, qui avait d'abord été proposée par le gouvernement et qu'il déclarait suffisante pour les besoins de la défense nationale, on aurait dépensé beaucoup moins d'argent.

Voilà la réflexion que vous auriez dû faire avant de vous livrer aux critiques que vous venez encore de renouveler une fois de plus.

Mais ce qui indigne si vivement M. Coomans, c'est que l’établissement de la grande enceinte ayant été résolu, le gouvernement soit venu mentir à la Chambre pour lui arracher successivement des crédits dont il avait nié d'abord la nécessité. Pour parler son langage, le gouvernement aurait accumulé mensonges sur mensonges. (Interruption.)

Pour employer, à mon grand regret, les expressions de M. Coomans, je dirai que je ne connais en fait de mensonges en cette affaire, que ceux qui sont édités par l'honorable membre.

M. Coomans. Nous vérifierons cela.

MfFOµ. - Vérifiez ! Je vous y engage beaucoup.

Dois-je vous rappeler, messieurs, que les travaux si considérables qui ont été exécutés à Anvers, et qui constituent une. œuvre que l'on peut appeler colossale, l'ont été dans les conditions qui avaient été d'abord annoncées ? On a, à la vérité, éprouvé quelques mécomptes de peu d'importance proportionnellement à la grandeur de cette vaste entreprise. Eh bien, ces mécomptes se sont produits, non pas sur les travaux eux-mêmes, mais, presque en totalité sur une dépense qu'il est toujours très difficile d'évaluer à l'avance, c'est-à-dire sur le prix des terrains qu'il a fallu exproprier, si ma mémoire ne me. trompe pas.

C'est de ce chef, je pense, qu'un crédit supplémentaire a été demandé. C'est le seul qui ait été voté par la Chambre en dehors des dépenses qui avaient été prévues.

M. Coomans. - Une bagatelle de six millions !

MfFOµ. - Je crois même qu'il ne s'est agi que de cinq millions.

Voilà ce qui s'est passé. Depuis lors, messieurs, a-t-on demandé un centime pour les fortifications d'Anvers ? A-t-on réclamé quelque nouveau crédit ? Rien, absolument rien.

Mais l'honorable membre trouve avantageux pour son argumentation de mettre au compte des fortifications d'Anvers les crédits qui ont été alloués pour le matériel de l'artillerie. Peu de temps avant que vous soyez venus demander les sommes nécessaires pour fortifier Anvers, nous dit-il, le ministre de la guerre avait déclaré à la Chambre que l'artillerie était bonne et que moyennant quelques modifications et une dépense relativement minime, elle serait en état de répondre à toutes les exigences.

Messieurs, quand le ministre de la guerre a dit cela, il a dit la vérité. Est-ce qu'il pouvait prévoir dès cette époque les inventions qui se sont produites depuis ? Et ces inventions étant venues démontrer qu'il fallait une artillerie nouvelle, devions-nous conserver un armement dont il eût été impossible de tirer parti au moment du danger ?

Mais il y a bien plus : nous avions des fusils comme en avaient alors toutes les autres nations ; on leur avait fait subir quelques modifications qui consistaient à en rayer le canon, et l'on croyait que, moyennant ce perfectionnement, on se trouvait en possession d'armes convenables, équivalentes à celles dont on se contentait dans les autres pays. Tout le monde croyait cela.

Survint la guerre de 1866, où l'on fit pour la première fois usage de fusils à aiguille. Elle fit constater que les fusils qui étaient alors aux mains des soldats de toutes les nations, sauf une, étaient défectueux, et que partout où l'on s'obstinerait à les conserver, on constituerait l'armée dans un état d'infériorité manifeste. Eh bien, parce que l'on a pu croire, avec beaucoup de raison pendant un certain temps, que les fusils rayés suffisaient, fallait-il conserver ces mêmes fusils, qui devaient évidemment constituer notre armée dans un état d'infériorité tel, qu'elle n'aurait pas pu se présenter en ligne ? Personne n'oserait le soutenir. Il a donc fallu satisfaire à cette nécessité impérieuse, et après avoir dépensé d'abord une certaine somme pour la transformation des fusils lisses en fusils rayés, il a fallu plus tard arriver à adopter une arme nouvelle, le fusil Albini.

Il n'y a donc pas de griefs à articuler de ce chef contre le gouvernement, qui n'a fait que remplir son devoir le plus impérieux, en cherchant à donner à l'armée les moyens de défendre, efficacement notre nationalité ; et il n'y a surtout pas lieu de porter au compte des fortifications d'Anvers les dépenses qui ont été faites dans ce but.

J'arrive maintenant au crédit qui vous est soumis.

Est-ce que jamais on a compris la défense du bas Escaut dans le plan des fortifications d'Anvers ?

M. Coomans. - Oui.

MfFOµ. - Prenez garde ; n'affirmez pas de ces choses-là. (Interruption.) Vous n'avez rien vérifié ! Je n'ai aucun souvenir qu'il ait été question de ces travaux quand on a soumis le plan des fortifications d'Anvers. Les défenses du bas Escaut ont été établies ou fortifiées en 1855. C'est en vertu d'une loi de 1855 que des travaux y ont été exécutés, et jamais, à aucune époque, elles n'ont été comprises dans les travaux des fortifications de la place d'Anvers.

Dans diverses circonstances, d'ailleurs, le gouvernement a signalé que (page 1133) la défense actuelle du bas Escaut devait être renforcée ; il l’a fait connaître notamment à la Chambre dans une discussion qui a eu lieu, si ma mémoire ne me trompe pas, il y a dix-huit mois ou deux ans environ ; des indications spéciales ont été demandées de ce chef au gouvernement, et il existe un document parlementaire imprimé qui contient ces renseignements. La nécessité d'accroître la valeur défensive des forts du bas Escaut est indiquée dans ce document. Nous n'avons jamais dissimulé que cela dût être, mais jamais non plus ces travaux spéciaux n'ont été rattachés à ceux que pouvait nécessiter la place d'Anvers.

Pourquoi ces défenses du bas Escaut doivent-elles être renforcées ? C'est ce que l'honorable ministre de la guerre vous expliquera beaucoup mieux que moi. Je n'en donne qu'un seul motif : c'est que la transformation qui s'est opérée dans la marine militaire exige que les défenses permanentes de terre aient une force plus considérable. Or, vous avez décrété ces défenses du bas Escaut ; elles ont été établies ; elles existent, mais elles sont devenues insuffisantes. Il faut bien les mettre en état de remplir le but en vue duquel elles ont été créées, et qui est d'empêcher les flottes ennemies de se présenter devant Anvers. (Interruption,)

J'imagine que c'est bien pour cela qu'on a construit les défendes du bas Escaut.

Eh bien, messieurs, dans l'état actuel de la marine, pour résister aux vaisseaux cuirassés et aux puissants canons dont ils sont armés, il faut des défenses beaucoup plus considérables. Voilà pourquoi ce qui a été fait en 1855 se trouve, insuffisant à l'époque où nous vivons.

Par conséquent il y a une impérieuse nécessité, si l'on ne veut pas perdre tout le fruit de ce qu'on a fait, de renforcer les défenses du bas Escaut.

M. Hayezµ. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour expliquer, le plus brièvement possible, le motif de mon vote négatif sur le projet de loi soumis à vos discussions.

Il est une observation qui ne doit échapper à personne ; de toutes nos frontières, c'est la moins menacée que le gouvernement semble avoir le plus de souci de préserver d'une invasion. En effet, si une invasion est à craindre pour nous, ce n'est certes pas du côté de l'Escaut ; on l'a dit à satiété : c'est de là que nous espérons du secours, si toutefois il nous en vient, ce dont je me permets de douter.

Le gouvernement demande des crédits pour relever les forts la Perle et Saint-Philippe ; je ferai remarquer à la Chambre que, déjà en 1855, on a alloué 500,000 francs pour relever ce dernier fort ; rien n'a été construit, mais l'on n'en a pas moins disposé du crédit.

On veut élever des tours dans ces forts et les munir de coupoles en fer, tout comme le font l'Angleterre et la Russie.

Mais, messieurs, ces constructions si voisines de l'Escaut s'affaisseront probablement par leur propre poids, à cause de la nature du terrain sur lequel elles seront assises ; les remparts du fort Sainte-Marie se sont déjà affaissés, et s'affaisseront probablement encore ; la caserne bâtie à la Tête de Flandre menaçait d'avoir son rez-de-chaussée transformé en cave ; un fort bâti sur la route d'Anvers à Beveren, le fort Isabelle, je crois, s'est renversé par son propre poids ; et bien d'autres exemples se produiront sans doute encore.

D'un antre côté, ces tourelles couvertes de fer, dont parle l'exposé des motifs, ont-elles fait leurs preuves ? Je ne le crois pas, et avant d'avoir acquis une certitude sur leur efficacité, irons-nous consacrer de fortes sommes à l'acquisition de ces engins qui nous ménagent probablement une nouvelle déception ?

Ne serait-il pas plus sage de laisser, enfin, les nations qui doivent nécessairement entretenir un état militaire considérable, se livrer à des expériences n'aboutissant très souvent qu'à des résultats malheureux ; n'avons-nous pas commis assez de telles erreurs ? Que l'expérience nous soit enfin de quelque, utilité.

L'intention du département de la guerre était de revêtir d'une coupole, en fer les réduits des huit forts construits en avant d'Anvers ; je pense que cette intention est heureusement restée à l'état de projet. ; une seule coupole a été commandée ; et son prix énorme a arrêté les plus entreprenants et c'est sans doute pour utiliser un fond de magasin assez embarrassant, que l'on parle aujourd'hui d'en doter le nouveau fort projeté.

Je ne crois pas, messieurs, que la ville d'Anvers soit menacée d'un siège, si l'on attaque notre pays ; ce n'est pas de ce côté que se dirigeront les coups de nos ennemis probables ; ils savent trop bien que là n'est pas le nœud de la question ; ils savent trop bien que la possession d'Anvers sera la conséquence forcée d'événements dont le théâtre sera bien loin de là. C’est la diplomatie que nous devons le plus rechercher, c'est elle qui tuera notre nationalité. Si notre nationalité doit périr, et tous les appareils militaires que nous créons, à notre grand détriment, ne la sauveront pas ; ils nous font jouer un rôle assez triste, celui de tirer du feu des marrons que d'autres viendront manger.

En n'envisageant la question qu'au point de vue scientifique, on peut se demander s'il est rationnel de songer à entraver, à quelques lieues de la ville d'Anvers, la route qui peut y conduire une flotte, tandis que l'on ne fait rien pour préserver la ville même d'une attaque immédiate et relativement facile par la rive gauche. Je l'ai prouvé suffisamment, je pense, il y a quelques années ; je ne fatiguerai pas la Chambre en répétant ma démonstration.

Ce que j'en dis ici n'est du reste que sous le rapport de l'art de l'ingénieur, car mon opinion n'a pas varié depuis que je l'ai formulée d'une manière catégorique. Anvers, comme forteresse, ne nous servira jamais à rien et tous les millions que nous avons la simplicité d'y enfouir en fortifications, sont des millions fort mal employés, et qui deviendraient bien autrement utiles s'ils étaient consacrés à combler le déficit de nos finances.

Le. gouvernement prouve, du reste, qu'il est de mon avis relativement à la valeur militaire d'Anvers ; s'il en était autrement, il s'empresserait d'exécuter les travaux reconnus indispensables sur la rive gauche.

Le travail que vous propose aujourd'hui le département de la guerre coûtera, d'après ses promesses, 3,500,000 fr., et probablement le double ou le triple suivant l'usage reçu ; sera-t-il utile ?

Non, je ne crains pas de le dire, et le but qu'on s'est proposé peut être atteint d'une manière beaucoup plus économique et plus sûre ; voici comment : si l'horizon politique' se rembrunit et fait craindre une attaque par l'Escaut, dont la navigation, facilitée comme elle l'est actuellement, n'est pas exempte de danger ,ôtez d'abord toutes les bouées ; préparez à proximité des passes les plus dangereuses, des bateaux pesamment chargés, destinés à y être coulés au moment opportun ; multipliez, par tout le cours du fleuve, ces mines sous-marines dont il a été fait trop de bruit quand elles ont été expérimentées, il y a quelques années, pour qu'elles n'aient pas une certaine valeur ; enfin, préparez sur les digues, aux endroits les plus favorables, des emplacements propres à recevoir quelques pièces.

Le feu bien dirigé de ces pièces sera tout aussi efficace que celui des tours proposées ; car il serait par trop simple de supposer qu'une flotte, remontant au plus vite le fleuve avec le projet d'aller jusqu'à la ville, s'arrêtât pour canonner et détruire un fort, condamné d'avance à tomber si ce projet réussit.

Tous ces moyens sont peu dispendieux et je les crois plus efficaces que des forts qui se démoliront d'eux-mêmes. Mais je suis assuré que leur simplicité et la modicité de leur prix contribueront puissamment à les faire rejeter.

Je ferai de nouveau l'observation que j'ai déjà soumise plusieurs fois à la Chambre, sans aucun espoir toutefois d'obtenir un meilleur succès : le projet présenté se réduit à un chiffre qui n'est justifié par aucun plan, aucun devis.

Il arrivera nécessairement ce qui est arrivé jusqu'ici en pareille circonstance ; les crédits seront dépensés, le travail ne sera qu'ébauché ; on demandera de nouveaux subsides pour le terminer et, comme toujours, la Chambre les accordera, parce que, dira-t-elle, le travail commencé doit être achevé. L'établissement des fortifications et des armements en Belgique est un véritable laminoir ; le bras y est engagé, tout le corps y passera.

Tels sont, messieurs, les motifs qui me font un devoir de rejeter le projet du gouvernement ; je les ai exposés de la manière la plus concise pour être agréable à la Chambre et parce que j'ai la conviction que son siège est fait.

Un dernier mot, messieurs.

A différentes reprises, des projets, dus à l'initiative parlementaire, ont été repoussés par le gouvernement, parce que, disait-il, les ressources de l'Etat ne permettaient pas les dépenses que leur exécution entraînerait. Il paraît qu'aujourd'hui le trésor est dans de meilleures conditions, puisque, au moyen de ses ressources ordinaires, il peut faire face à une dépense d'un million et demi dont l'utilité est au moins contestable.

Eh bien, messieurs, au lieu de donner suite au projet qui lui est soumis, je pense que la Chambre agirait beaucoup plus sagement en employant de la manière suivante le crédit qu'on lui demande : le tiers serait consacré aux travaux qui préviendraient les inondations dont un de nos honorables collègues a entretenu la Chambre, il y a quelques jours seulement ; un (page 1134) second tiers à l'amélioration des chemins vicinaux, dont il a été également question ici, et le troisième, enfin, à l'assainissement des polders qui environnent la place que l'on a décorée du nom de refuge de notre nationalité.

M. Coomans. - L'honorable ministre des finances vient de dire qu'en fait de mensonges (militaires, je suppose) il ne connaît que ceux édités par moi. Ii est vrai que j'en suis l'éditeur, mais l'honorable ministre des finances en est l'auteur responsable.

Je n'ai, moi, cité que des faits, et je défie l'honorable ministre de me prouver que j'ai commis la moindre inexactitude.

J'ai dit et montré sommairement que les promesses du gouvernement, au point de vue financier et militaire, ont été complètement violées.

Je suis prêt à discuter là-dessus aussi longtemps qu'on voudra, avec des pièces officielles.

Il y a eu donc mensonge dans les faits, et ces faits ce n'est pas moi qui les ai avancés ou posés. La plupart l'ont été ou par M. le ministre des finances ou bien par ses collègues avec son assentiment indispensable.

M. le ministre voudrait bien me rendre responsable des fortifications d'Anvers, pour continuer la plaisanterie un peu usée de son honorable collègue de l'intérieur.

Ah ! je suis responsable des fortifications d'Anvers et de la centaine de millions qu'elles coûteront. Pourquoi ? Parce que j'ai, en 1856, demandé la grande enceinte, demande très appuyée par MM. Rogier, de Naeyer, Goblet et d'autres encore, et pour laquelle nous avons tous reçu une médaille (interruption), oui, une médaille, la seule que j'ai reçue de ma vie ; j'avoue qu'à coup sûr, c'est la mieux méritée.

J'ai demandé la grande enceinte d'Anvers, cela est parfaitement vrai ; mais ce que M. le ministre des finances ne dit pas, c'est que cette grande enceinte ne devait rien coûter au trésor. Nous avons appuyé le projet de M. Keller, qui offrait d'exécuter la grande enceinte avec des travaux de terre, sans frais pour le trésor, et moyennant l'abandon des domaines militaires de l'Etat.

Les honorables membres qui ont fait partie avec moi de la section centrale, et notamment les honorables MM. Rogier, de Naeyer et Van Iseghem, savent que ce qui me souriait plus particulièrement dans le projet de M. Keller, c'était la gratuité.

Oui, j'ai demandé la grande enceinte d'Anvers, mais dans les conditions où je l'ai proposée ; or, ces conditions ne sont point celles dans lesquelles ou a exécuté, depuis, la grande enceinte de M. le général Chazal, et je ne sais pourquoi M. Frère vient m'en parler aujourd'hui.

Qu'est-ce que j'ai toujours voulu ? D'abord, pas de fortifications du tout ; on sait bien que c'a été ma thèse ; ensuite, les fortifications qui coûteraient le moins, et pour être aussi franc que possible, je vous dirai que j'aurais voulu les fortifications les moins fortes autour d'Anvers, parce que je me préoccupais, avant tout, des affreuses conséquences d'un bombardement.

Ainsi donc, si j'ai demandé la grande enceinte, c'était pour libérer Anvers de l'enceinte trop étroite dont elle était affligée depuis des siècles.

Vous voyez que cette objection ne tient pas.

D'après l'honorable ministre, le premier devis présenté (erratum, page 1147) par lui et ses collègues pour l'embastillement d'Anvers n'a pas été dépassé, et le gouvernement a vu se vérifier toutes ses prévisions. Mais peu après, le ministre a dit qu'il y a eu quelques mécomptes, de petits mécomptes ! Eh pas si petits, ils ont été chiffrés par une somme de 6 millions de francs environ. Ce n'est pas une bagatelle.

Ai-je dit que nous avons voté d'autres millions pour Anvers ? Non ; j'ai dit qu'il en faudrait encore ; l'avenir confirmera mes prévisions.

Mais les petits mécomptes dont parle M. le ministre des finances ne sont pas les seuls qui ont atteint les finances publiques, je veux dire les finances du public.

M. Frère voudrait bien nous faire oublier les mécomptes éprouvés par la compagnie des Matériels de chemins de fer ; vous avez, par les fortifications d'Anvers, ruiné cette grande compagnie et une foule de vos concitoyens ; et au point de vue de l'économie sociale, ne puis-je pas placer à votre passif la débâcle de la compagnie des Matériels des chemins de fer, débâcle dont vous êtes la cause ?

Il est impossible que tes consciencieux et savants ingénieurs du département de la guerre ne sussent pas que le devis serait dépassé.

Ils savaient, j'ai le témoignage de l'un d'eux, honnête et savant homme, que la compagnie se ruinerait en entreprenant cette œuvre au prix convenu. Eh bien, je porte la ruine de cette compagnie et de ses actionnaires à votre passif.

Quant à l'artillerie, aux canons grands et petits, M. le ministre dis finances à l'air d'insinuer que le gouvernement ne s'est pas trompé du tout et que toutes ses prévisions se sont réalisées.

Mais, messieurs, remarquez-le bien, c'est avant et après le vote et longtemps après le vote des fortifications d'Anvers, que M. le ministre de la guerre est venu nous donner l'assurance formelle que la transformation de l'artillerie ne coûterait presque rien. Le ministre de la guerre, appuyé par le gouvernement, nous a déclaré que la transformation de toute notre artillerie, la grosse, la moyenne, la petite, ne coûterait tout au plus que 5 francs par pièce de canon. Cette affirmation a été répétée ici.

- Un membre. - Six francs.

M. Coomans. - Cinq ou six francs par canon ; j'en aurais bien accordé six.

Or, peu de temps après, l'on nous demandait (erratum, page 1147) 15 millions, soit de l'argent pour trois millions de canons !

Est-il vraisemblable que des gens instruits, payés pour l'être, dont la position leur impose le devoir de l'être, ignorassent, à la fin de 1860, que l'artillerie devrait être complètement refondue au commencement de 1861 ?

(erratum, page 1147) Je conçois, à la rigueur, que l'on se trompe à quelques années de distance ; mais à quelques mois, l'erreur devient tellement invraisemblable que je ne l'excuse plus.

M. le ministre des finances affirme, avec son assurance accoutumée, que les fortifications du bas Escaut ont été jugées suffisantes en 1855, alors qu'elles furent exécutées ou qu'elles auraient dû l'être. Car, l'honorable M. Hayez vient de nous faire, à ce sujet, une révélation très intéressante.

M. le ministre des finances affirme que les fortifications du bas Escaut ont été jugées suffisantes en 1855, mais que, depuis 1855, il y a quatorze longues années écoulées et que l'état des choses a pu changer notablement depuis lors. Je fais observer à l'honorable ministre qu'il se trompe au profit de son argumentation.

Ce n'est pas en 1855 seulement que ces fortifications ont été jugées suffisantes- ; c'est en 1859 ; c'est en 1860 ; c'est en 1861 ; c'est en 1863. A toutes ces époques, le gouvernement dont l'honorable M. Frère faisait partie a déclaré que ces fortifications étaient suffisantes et (erratum, page 1147) qu'aucun nouveau subside ne serait demandé pour les améliorer.

Voilà, messieurs, la vérité, la vérité pure. (Interruption.)

Mais, comment ! à diverses reprises le gouvernement nous a déclaré que non seulement le bas Escaut était bien fortifié, mais qu'il pouvait donner sa parole d'honneur qu'il était impossible à un ennemi, quelque cuirassé qu'il fût, d'arriver sous les murs d'Anvers.

Mais avez-vous oublié les déclarations si encourageantes pour les contribuables qui nous ont été faites, notamment que le premier navire cuirassé commandé ou envoyé par n'importe qui serait coulé avant d'arriver sous les murs d'Anvers ? Il n'y a eu de coulé dans cette affaire que le gouvernement.

Ainsi M. le ministre des finances a grand tort de prétendre que son gouvernement n'a jamais nié la nécessité qu'il proclame aujourd'hui de fortifier le bas Escaut. Le gouvernement a nié la nécessité de fortifier le bas Escaut, il l'a niée depuis 1863.Ah ! je sais bien que depuis lors on est venu sournoisement insinuer que dans un certain délai .il y aurait peut-être encore quelques dépenses à faire ; mais ce que je puis dire, c'est que l'ensemble des fortifications d'Anvers, celles du bas Escaut comprises, était déclaré suffisant. Ce qu'il y a eu de plus suffisant là dedans, c'a été le ministère.

On nous a fait une autre déclaration, c'est que la rive droite était parfaitement défendue, c'est qu'il n'était plus question du tout d'y construire des fortifications nouvelles ; et on nous annonce aujourd'hui que l'on va y construire des fortifications nouvelles. Sur la rive droite vous annoncez la nécessité de construire un fort. Ainsi à droite comme à gauche jamais la vérité ne nous a été dite sur les fortifications d'Anvers. C'est plus qu'il ne m'en faut pour vous opposer un non des plus énergiques.

- Plusieurs membres. - Aux voix.

M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.

- Plusieurs membres. - Non ! non ! Ne répondez pas.

MfFOµ. - Je conçois parfaitement le sentiment qui se manifeste au sein de la Chambre. Je n'ai que quelques mots à dire. La Chambre comprendra que je ne veuille pas me commettre dans une discussion du genre de celles auxquelles se livre M. Coomans. Quand on se permet des assertions comme celles qu'il vient d'avancer, on devrait du moins les appuyer sur quelque preuve, sur un indice quelconque. L'honorable membre ne s'en préoccupe pas. Il affirme, et c'est tout. Il a pensé sans doute qu'on le croirait sur parole : il se trompe. (Interruption. J'attache à tout ce que vous dites exactement la même importance (page 1135) qu'y attachent les membres de la Chambre et le pays. {Interruption.)

Messieurs, je ne veux relever qu'un mot du discours de l'honorable M. Hayez. Il vous a dit que les fonds qui sont demandés pour renforcer les défenses du bas Escaut devraient bien plutôt être employés à combler le déficit. Je prie l'honorable membre de vouloir bien nous dire où il a découvert ce déficit ?

M. Jacobsµ. - Huit millions avant l'expédient.

MfFOµ. - Ah ! 8 millions avant l'expédient ! C'est très joli ! Mais vous oubliez une chose : c'est que, grâce à notre crédit, que vous voudriez sans doute bien ébranler en parlant de situation déplorable et de déficit, à quoi le public ne croit pas, je vous en préviens, depuis fort longtemps les fonds de l'Etat sont au-dessus du pair. Aux termes de la loi, les fonds d'amortissement n'ont donc pu être utilisés, et il se trouve qu'ainsi neuf millions sont actuellement disponibles dans les caisses du trésor. Suivant les propositions de la section centrale, auxquelles le gouvernement s'est rallié, et qui ont été admises par la Chambre, ces neuf millions seront employés à éteindre ce qui reste de la dette de 30 millions à 4 p. c.

Le déficit imaginaire dont vous vous préoccupez n'existe donc pas. Les huit millions dont vous parlez sont le prix de travaux extraordinaires, qui doivent être payés au moyen des excédants de nos ressources ordinaires. Nous avons obtenu, grâce à la proposition qui a été sanctionnée à la presque unanimité par la Chambre et le Sénat, beaucoup plus qu'il n'est nécessaire pour faire face à toutes les nécessités actuelles, et l'on peut même, dès à présent, décréter encore d'autres travaux.

Vous voyez donc qu'il n'y a pas là même l'apparence d'un déficit ; et puisque l'honorable M. Jacobs est si bien au courant de la situation, il aurait dû avertir charitablement son honorable voisin et ami et l'empêcher d'avancer de pareilles inexactitudes.

MgRµ. - Je désire répondre en quelques mots à l'honorable M. Hayez.

Après avoir construit, à grands frais, des fortifications pour défendre notre métropole commerciale du côté de terre, il serait illogique de laisser ouverte la véritable route du port d'Anvers, l'Escaut.

Ce fleuve, messieurs, a toujours eu sur les destinées d'Anvers une très grande influence. Or, dans l'état actuel des choses, cette influence pourrait être désastreuse, car notre armée se trouverait impuissante contre une escadre cuirassée.

Une nation de très peu d'importance, la Hollande, par exemple, qui a des navires cuirassés, pourrait compromettre la sécurité de nos établissements maritimes.

Il suffirait à ces navires de s'embosser hors de la portée utile des canons de la place pour incendier les ports, les entrepôts et la ville.

Il est donc impossible que nous laissions le fleuve sans défense.

A toutes les époques où Anvers a été assiégé, on a cherché à se rendre maître du cours du fleuve et de ses digues. C'est en fermant l'Escaut à la flotte des confédérés que le prince de Parme est parvenu à faire tomber Anvers en son pouvoir.

En 1839, messieurs, on ne pouvait prévoir le développement qu'a pris la marine cuirassée. Il est vrai que devant Kinburn on avait des batteries flottantes couvertes de quelques plaques de fer, mais on était loin de penser que le même système aurait pu être appliqué aux grands navires de mer. Depuis cette, époque, l'Angleterre et la France, ces nations si justement fières de leurs belles marines, ont complètement transformé leurs flottes.

Les beaux navires qui portaient 120 canons de 30 et de 68 livres sont aujourd'hui rasés presque à fleur d'eau et ne portent plus que 4, 5 ou 6 canons de 500 à 600 livres.

Et c'est au moment où cette transformation s'opère en Europe, au prix de plusieurs milliards, que nous resterions impassibles ! Non, messieurs, nous sommes obligés de tenir l'Escaut et pour donner à Anvers la sécurité nécessaire, nous devons établir à Sainte-Marie des forts capables de résister au tir des navires cuirassés.

Autrefois, de simples batteries de terre armées de 5 ou 6 canons pouvaient lutter avec avantage contre un vaisseau de 120. Vous en comprendrez facilement la raison.

Les canons à terre peuvent être parfaitement pointés, tandis que l'artillerie de mer suit les oscillations du navire ; d'autre part le but qu'offre un vaisseau de ligne est infiniment plus étendu que celui d'une batterie de terre ; enfin, dans un combat de mer, dont la durée est nécessairement limitée, les épaulements en terre auront à peine souffert, alors que les murailles en bois des navires seront complètement disloquées.

La question des navires cuirassés et des forts cuirassés vient seulement d'être résolue. C'est l'année dernière que l'on s'est définitivement arrêté en Prusse, en Russie, en France, en Angleterre sur la force du cuirassement des navires et sur le calibre des canons destinés à les combattre. C'est aussi l'année dernière seulement que l'on a pu, en Prusse, en Russie et en Angleterre, mettre en adjudication les forts qui doivent défendre les côtes.

Nous avons donc eu parfaitement raison d'attendre que ces questions fussent résolues par les grandes puissances qui ont les moyens de faire des expériences, avant de nous lancer dans des constructions onéreuses. Aujourd'hui, nous avons une solution acquise...

M. Coomans. - Provisoire.

MgRµ. - Provisoire, certainement, mais comme toutes les choses de ce monde.

M. Coomans. - Attendons dix ans.

MgRµ. - Les navires cuirassés ne peuvent être combattus que par des canons du plus fort calibre. Et c'est au coude de Sainte-Marie qu'il faut établir ces canons si nous voulons assurer la complète sécurité d'Anvers. En effet, ce n'est pas à Anvers même qu'on peut lutter contre une flotte cuirassée.

En voici les raisons : un boulet qui perce un navire cuirassé à 300 mètres n'a plus assez de force pour le percer à 700 ou 800 ou à 1,000 mètres ; mais ce boulet pourra détruire des maisons et des entrepôts à 6,000 mètres.

Ainsi vous pourriez avoir sur les murs d'Anvers des canons assez forts pour percer à petite distance un navire cuirassé, que cela ne suffirait pas ; le navire se mettrait hors de la portée utile des canons, à 1,000 mètres, par exemple, et il lui serait alors facile de braver tous les coups et d'incendier Anvers.

C'est pourquoi nous devons maintenir l'escadre ennemie à une telle distance de la ville qu'il lui soit impossible de l'atteindre par des tirs à longue portée.

Les attaques peuvent être soudaines, imprévues, car je dois le faire remarquer, nous ne sommes plus au temps où l'Angleterre disait : Je puis rester tranquille dans mon île.

Il est prouvé qu'aujourd'hui, avec la vapeur, l'Angleterre elle-même n'est plus à l'abri d'une attaque. C'est la raison pour laquelle lord Elcho et d'autres militaires ont songé à donner à l'Angleterre un état militaire conforme à celui des autres Etats européens.

M. Coomans. Le ministre de la guerre d'Angleterre.

MgRµ. - Les opinions sont encore timides en ce moment, mais si une grande guerre surgissait, je suis persuadé que vous verriez la conscription en Angleterre.

Je reprends ma thèse.

Pour mettre les ports à l'abri d'un bombardement, il faut que les navires ennemis soient maintenus à une distance telle, que leurs boulets ne puissent les atteindre.

Eh bien, c'est au point même où le prince de Parme avait établi son pont lors du siège d'Anvers, en 1585, c'est-à-dire au coude de Sainte-Marie, que nous devons défendre l'Escaut.

Cette position, bien fortifiée est admirable ; elle garantit la complète sécurité d'Anvers.

Je rencontrerai quelques objections de détail de M. Hayez.

L'honorable membre dit, par exemple, que ce n'est pas du côté de l'Escaut que viendra le danger. Qui peut en répondre ?

On parle souvent d'attaques fortuites. Qu'est-ce qui empêche les puissances étrangères de faire entrer des navires dans l'Escaut et de les envoyer vis-à-vis d'Anvers ?

Pour ne parler que de la Hollande, ne pouvons-nous pas avoir avec cette puissance une querelle et une guerre ? (Interruption.) Ce n'est qu’une hypothèse que je fais, mais convenez qu'elle n'est pas impossible. Eh bien, en admettant cette hypothèse, les navires cuirassés hollandais pourraient venir s'embosser dans l'Escaut et brûler Anvers sans que les cent mille hommes qui s'y trouveraient pussent y mettre obstacle.

M. Coomans. - La Hollande est incapable de cela.

MgRµ. - Si vous n'avez pas de canons parfaitement établis dans des forts capables de résister aux navires cuirassés, il est incontestable que ces navires pourront venir bombarder Anvers tout à leur aise.

On dit que les constructions établies sur les rives de l'Escaut s'affaissent et qu'il en sera de même de celles que nous établirons.

(page 113) Mais, messieurs, nos officiers du génie ont acquis dans les travaux des fortifications d'Anvers une très grande expérience et ils ne manqueront pas de prendre toutes les précautions nécessaires.

On a fait en Hollande des travaux analogues à ceux que nous voulons entreprendre. On a établi le long de la ligne d'Utrecht des constructions hydrauliques dans des polders comme les nôtres.

Ces travaux résistent parfaitement, et s'ils s'affaissaient chez nous, c'est qu'ils seraient mal construits. Or, j'espère que cela n'arrivera pas.

L'honorable M. Hayez a un moyen singulier de mettre Anvers à l'abri des flottes ennemies : c'est de placer quelques canons sur les digues.

Des pièces sur les digues. Mais quelles pièces ? Sont-ce de nos canons ordinaires de 48 ou de 24 ? Mais le plus petit navire cuirassé de la Hollande s'en moquera. C'est à peine si les boulets envoyés par ces pièces marqueront leur trace sur ce navire.

Il faudrait donc, placer sur les digues des canons de 600 ou de 500.

Mais comment fera-t-on pour les y établir ? Il faut des plates-formes en maçonnerie pour supporter ces pièces, qui pèsent 25 tonnes. On ne saurait pas, d'ailleurs, transporter de pareilles masses sur les digues,

L'honorable membre a encore parlé des mines sous-marines. Mais, messieurs, ces mines ne font d'effet que pour autant qu'elles soient parfaitement soutenues.

Si, possédant des mines, on n'a pas en même temps à droite et à gauche du fleuve des forts pour empêcher l'ennemi de venir les éventer, il est évident qu'elles ne serviront à rien.

Les mines sous-marines ont pour objet d'empêcher les navires de passer devant les forts à toute vapeur.

La crainte de sauter oblige ces navires d'avancer avec précaution et lenteur, de sorte qu'ils sont exposés pendant un temps assez long à l'artillerie des forts.

L'honorable membre conseille de couler des vaisseaux dans les passes ; j'avoue que c'est un triste moyen. Si vous coulez des navires dans les passes de l'Escaut, Dieu sait si ces passes pourront encore se rétablir. Et puis, que deviendraient les secours que, selon l'honorable membre, nous sommes en droit d'attendre de nos alliés éventuels ?

Comment arriveraient-ils jusqu'à Anvers si vous barrez le fleuve ?

Il faut donc reconnaître qu'il est indispensable d'établir au coude de Sainte-Marie une défense sérieuse pour mettre Anvers à l'abri des coups des navires cuirassés.

Il est impossible de ne pas reconnaître également que les forts projetés sont le complément obligé des fortifications d'Anvers.

Il s'agit, je le répète, de mettre la ville, les ports et les entrepôts à l'abri du bombardement. On aurait beau prendre, toutes les précautions du côté de terre, si on ne ferme pas l'Escaut, Anvers ne sera pas en sécurité.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je motiverai en quelques mots le vote négatif que j'ai l'intention d'émettre sur le projet de loi soumis à nos délibérations.

Je ne sais pas si l'honorable ministre de la guerre, qui vient de se rasseoir, est au courant de la discussion qui a précisément lieu dans ce moment en Angleterre, au sujet des fortifications.

En 1859, on a créé en Angleterre, comme en Belgique, une panique militaire à l'aide de laquelle on a fait voter de nombreuses fortifications, notamment celles qui protègent les arsenaux de Spithead et de Southampton qui ont coûté 153 millions.

Des autorités militaires très compétentes soutiennent, à l'heure qu'il est, que ces fortifications n'ont désormais plus aucune valeur ; qu'autant aurait valu jeter les 175 millions à la mer, que de les employer comme on l'a fait.

Or, il sera admis, je pense, par la Chambre, que les Anglais, qui ne reculent pas devant les grandes dépenses d'expérience, ont établi ces fortifications dans les meilleures conditions que la science militaire a pu offrir en 1859 et depuis cette époque. Mais depuis lors, l'artillerie a fait des projets incessants, et des progrès tels, paraît-il, et je dois déclarer que je ne suis pas compétent dans cette question, je ne fais que rapporter ici ce que je lis ; des progrès tels, que les fortifications établies depuis 1859 sont incapables de résister à cette artillerie, à des distances qui n'étaient pas prévues à cette époque-là.

En présence de cette situation, je me demande d'abord si le corps même de la place d'Anvers est en état de soutenir un siège contre une pareille artillerie ; s'il est reconnu que les fortifications ne sont pas susceptibles de résistance contre cette artillerie, je me demande s'il est bien utile d'enfouir de nouveaux capitaux dans des fortifications éloignées du corps de la place et qui probablement dans dix ans ne seront plus à la hauteur de la science progressive militaire.

Je pense, messieurs, que ces simples raisons que je ne veux pas développer davantage, vu l'heure avancée, justifieront pleinement le vote négatif que j'émettrai sur le projet de loi.

M. Lippensµ. - Messieurs, j'aurais voulu répondre quelques mois à la lettre de M. le ministre de la guerre sur l'assainissement de la rive gauche de l'Escaut ; toutefois, comme la Chambre désire avancer ses travaux, je me réserve de présenter mes observations lors de la discussion du budget.

Je me borne à déclarer, quant à présent, que je n'accepte aucune des assertions contenues dans les quatre derniers paragraphes de cette lettre et qui sont complètement erronées.

M. Hayez.µ. - Messieurs, je me garderai bien d'engager une discussion financière avec M. le ministre des finances, j'aurais affaire à trop forte partie ; je me rapporte, pour justifier mon opinion sur l'état du trésor, à ce que l'honorable ministre a dit dans cette Chambre, et à ce qu'il a écrit dans les comptes rendus.

A diverses reprises, il a déclaré que les ressources du trésor sont de huit millions inférieures aux engagements pris, et que les excédants qui pourront être obtenus pendant les années suivantes sont très problématiques.

J'en ai conclu tout naturellement que les fonds du trésor n'étaient pas au niveau des charges qu'il s'était imposées. A tout faible financier de ma sorte, ces assertions ministérielles écrites suffisaient pour lui faire croire que nos dépenses avaient excédé nos revenus.

Les paroles de l'honorable ministre ont confirmé ses déclarations écrites. A différentes reprises, il est convenu lui-même que les pensions militaires sont trop faibles et qu'il y a quelque chose à faire ; mais chaque fois que je suis revenu à la charge, sur cet objet, il a répondu que les ressources du trésor ne permettaient pas d'augmenter les pensions des officiers. Après ces déclarations, je puis bien m'étonner qu'on dépense trois millions et demi d'une manière fort peu utile, à mon sens.

Maintenant quelques mois de réponse à M. le ministre de la guerre.

Je ne viens pas contredire ce qu'il vous a dit relativement aux vaisseaux cuirassés et au rôle qu'ils joueront peut-être un jour.

Mais tout cela peut-il s'appliquer à notre pays ? Je ne le crois pas. Je n'ai pas encore une conviction bien profonde de l'utilité et des mérites de cette nouvelle marine tant vantée. Je suis même disposé à croire que l'on s'est trop hâté et que, d'ici à quelques années, l'expérience prouvera que les navires cuirassées ne sont pas aussi efficaces qu'on se l'était imaginé.

Quant à la supposition que fait M. le ministre de la guerre d'une attaque, de la part de la Hollande, vous conviendrez qu'elle est un peu fantastique et que je puis me dispenser d'y répondre.

On ne peut raisonnablement s'attendre à voir Anvers attaqué du côté de l'Escaut que par une marine anglaise ou française.

Mais, je le demande à M. le ministre de la guerre, une marine française entrerait-elle dans l'Escaut sans un accord préalable avec le gouvernement anglais ? Je ne puis le supposer, et, dans ce cas, notre sort serait parfaitement décidé. (Interruption.)

Messieurs, quand on ne risque que ses propres os, on peut en être prodigue ; qu'on se dise alors : J'aime mieux me faire tuer que de céder ; mais quand il s'agit de l'existence de beaucoup d'autres, il me semble qu'il est convenable d'y regarder de plus près.

Je dis donc que si les Anglais et les Français sont d'accord pour entrer dans l'Escaut, et ce ne sera que de cette manière que la chose aura lieu, toute résistance de notre part ne peut offrir qu'une satisfaction d'amour-propre, et notre fort projeté ne nous sera d'aucune utilité.

M. le. ministre de la guerre fait aujourd'hui très bon marché des mines sous-marines. Il me paraît que ses paroles ne sont nullement d'accord avec les articles pompeux que j'ai lus dans les journaux, dans l'Echo du Parlement entre autres. C'étaient alors des engins propres à bouleverser toute l'Escaut, à envoyer dans les polders tontes les eaux d'une marée.

Par contre, M. le minislre.de la guerre fait un grand éloge des tours revêtues d'une coupole. Je ne sais pas où l'on en a fait une expérience sérieuse. Mais j'ai lu quelque pari, dans un livre dont l’auteur était l'adversaire du système des fortifications que nous avons adopté pour Anvers, qu'on avait construit une de ces tours pour en faire l’essai et qu'un petit nombre de coups de canon l'avaient rendue complètement inhabitable.

Un peu incrédule de ma nature, je voudrais qu'avant de nous engager dans une dépense aussi considérable que celle qu'on nous demande d'approuver, nous eussions au moins quelques données certaines sur l'utilité des constructions réclamées au nom de noire sécurité.

M. le ministre parle de l'état militaire de l'Angleterre, de la France, de la Russie. Messieurs, si nous voulons nous comparer à ces trois (page 1137) puissances-là, il me semble que, comme l'a dit un honorable collègue, nous jouons le rôle de la grenouille et que nous courons grand risque de finir comme elle.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un premier crédit d'un million cinq cent mille francs, destiné à renforcer et à compléter les défenses de l'Escaut sous Anvers. »

- Adopté.


« Art. 2 La dépense sera imputée sur les ressources ordinaires de l'Etat. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

II est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

70 membres sont présents.

44 adoptent.

23 rejettent.

3 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption :

MM. Allard, Bara, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, de Macar, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de. Terbecq, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Elias, Frère-Orban, Jacquemyns, Jamar, Lambert, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Watteeu et Dolez.

Ont voté le rejet :

MM. Coomans, Couvreur, de Clercq, de Coninck, E. de Kerckhove, de Montblanc, de Muelenaere, Dumortier, Guillery, Hayez, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Thibaut, Thienpont, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Wambeke et Wasseige.

Se sont abstenus :

MM. de Borchgrave, Funck et Nélis.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Borchgraveµ. - Je me suis abstenu parce que je suis loin d'être convaincu de l'utilité des travaux qui entraînent de si grandes dépenses.

M. Funckµ. - Je n'ai pas voté pour le projet de loi, parce que j'ai toujours été hostile au système de défense qui consiste à fortifier Anvers et que les travaux proposés constituent un complément de ce système. Je n'ai pas voulu voter contre le crédit, parce que je ne veux pas empêcher l'achèvement de travaux qui sont, en définitive, destinés à défendre le pays.

M. Nélisµ. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

Projet de loi accordant des crédits au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. Eugène de Kerckhoveµ. - Je n'ai pas d'observations à faire sur le crédit sollicité par le département des travaux publics, mais je demanderai à la Chambre la permission de profiter de l'occasion pour recommander à l'honorable ministre une pétition qui vient de lui être adressée par les ouvriers de l'arsenal de Malines.

Cette pétition s'occupe de deux points très importants :

D'abord le mode de payement des salaires des ouvriers de l'arsenal.

Pendant quelque temps, ce payement s'était fait au mois.

Il y a deux ans environ, j'ai eu l'honneur de présenter quelques observations à la Chambre et à l'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre des travaux publics, sur les inconvénients de ce mode de payement.

J'avais proposé le payement à la semaine, qui me paraissait le plus favorable, ou, au moins, le payement par quinzaine.

J'ai été heureux de voir l'honorable M. Vanderstichelen faire droit aux justes réclamations des ouvriers de l'arsenal, en renonçant à l'ancien mode de payement pour le remplacer par un autre moins désavantageux, mais que pourtant, je l'avoue, je ne sais comment appeler ni comment expliquer. En effet, ce n'est pas le payement par quinzaine. C'est encore moins le payement à la semaine.

Voici comment on procède.

On fait deux payements par mois. Le mois est divisé en deux parties inégales : l'une de 10 ou 12 jours, l'autre de 18 ou 20 jours.

Je ne sais pourquoi cette division a été adoptée, mais enfin elle existe, et les ouvriers étaient relativement satisfaits de ce système. Mais voilà que, depuis quelques jours, le bruit a couru, à tort ou à raison, parmi les ouvriers de l'arsenal, que l'administration centrale avait l'intention de reprendre l'ancien mode de payement.

Pour ma part, je suis convaincu, je m'empresse de le dire, que l'honorable ministre des travaux publics n'a nullement l'intention de revenir sur la réforme, la petite réforme, qui avait été opérée, et que ce bruit n'a rien de fondé.

Mais enfin, l'alarme des ouvriers est naturelle et je serais heureux d'entendre l'honorable ministre des travaux publics déclarer qu'il n'entre pas dans ses projets de faire le moindre changement à ce qui se pratique aujourd'hui, à moins pourtant qu'il ne veuille remplacer le mode de payement actuel par le payement à la semaine. Dans ce cas, je lui devrais, et je m'empresserais de lui adresser mes plus sincères félicitations.

Il est un autre, point dont traite la pétition et qui est, à mes yeux, beaucoup plus important encore que le premier.

Au commencement de l'exploitation de nos chemins de fer, un arrêté royal avait déterminé le nombre d'heures de travail dans les ateliers de l'arsenal de Malines.

Le maximum de la durée de ce travail était fixé à dix heures.

Peu à peu, je ne sais comment, l'usage s'est introduit de retenir les ouvriers à la besogne au delà de l'heure réglementaire, sous prétexte de rattraper le temps perdu, à l'entrée et à la sortie des ateliers, par ce que j'appellerai la toilette de l'ouvrier : celui-ci, en arrivant, a besoin de changer de vêtements, de disposer ses outils, de se disposer lui-même ; au départ, c'est, à peu près, la même opération. C'est, du reste, ce. qui arrive plus ou moins partout où l'on travaille. Mais, à Malines, on a jugé convenable, pour regagner ce temps perdu, de retenir les ouvriers au delà de l'heure réglementaire. Or, il en est arrivé de cet usage comme de beaucoup d'autres : il a dégénéré en abus.

Aujourd'hui, les ouvriers sont retenus trois quarts d'heure au delà du temps réglementaire : or, c'est là pour eux une sorte de pénalité, puisque ce surcroit de travail ne leur vaut aucun salaire.

A plusieurs reprises déjà les ouvriers ont voulu réclamer, mais on leur a fait des promesses en les engageant à prendre patience.

Je viens aujourd'hui attirer tout particulièrement l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur cette question, car il s'agit d'un véritable, et lourd impôt prélevé sur les ouvriers. Au bout de quelques années, en 12 ou 13 ans, c'est toute une année de travail qu'on enlève à chacun d'eux. J'ai bien le droit d'appeler cela un impôt ; ou pour mieux dire, c'est une dîme perçue par l'Etat sur le salaire de ses ouvriers.

Je me plais à espérer que l'honorable ministre des travaux publics, qui n'aime pas plus les dîmes que moi, s'empressera de renoncer à celle-là.

Eu effet, ii y a là une question de justice et d'humanité, ou tout au moins de prudence. Il n'est pas bon, messieurs, dans les circonstances où nous vivons, de fournir des occasions de plainte à l'ouvrier : il est assez malheureux sans cela. Il n'est pas bon que l'ouvrier puisse, avec une apparence de raison, reprocher à ses patrons, quels qu'ils soient, une iniquité ou une rigueur exagérée ; qu'il puisse enfin se croire exploité. C'est mauvais et c'est dangereux.

MtpJµ. - S'il est une cause qui n'a pas besoin d'avocats vis-à-vis du gouvernement, c'est celle, des ouvriers de l'arsenal. La sollicitude du gouvernement pour tout ce qui touche au bien-être matériel et moral de ces ouvriers n'a pas eu besoin d'être éveillée.

Quant à la déclaration que demande M. de Kerckhove, elle a été faite depuis longtemps aux ouvriers de l'arsenal. Leurs préoccupations s'étaient éveillées sans raison ; ils supposaient que des modifications devaient être introduites dans le mode de payement, et le directeur de l'arsenal s'est empressé de les rassurer à cet égard.

Quant à la question du travail accessoire sur laquelle l'honorable membre appelle mon attention, je l'examinerai ; c'est une question de règlement d'ordre intérieur de nos ateliers.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

L'assemblée passe aux articles.

« Art. 1er. Des dépenses se rapportant à des exercices clos (1867 et antérieurs) pourront être imputées à charge du budget des travaux publics pour l'exercice 1868, jusqu'à concurrence de 93,049 fr. 49 c. et y formeront un chapitre X, subdivisé comme suit :

« Paragraphe premier. Administration centrale.

« Art. 91. Fourniture extraordinaire de gaz d'éclairage (exercice 1867) : fr. 1,278 37.

(page 1138) « Paragraphe 2. Ponts et chaussées.

« Canaux et rivières.

« Art. 92. Travaux d'entretien. Ex. 1865 : fr. 66 28 ; ex. 1867 : fr. 1,276 04.

« Travaux d'amélioration.

« Art. 93. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Ex. 1867 : fr. 328 74.

« Art. 94. Escaut. Ex. 1867 : fr. 129 19.

« Art. 95. Dyle et Demer. Ex. 1867 : fr. 348 67.

« Ports et côtes.

« Art. 96. Travaux d'amélioration à la côte de Blankenberghe. Ex. 1867 : fr. 3,592 86.

« Frais d'études et d'adjudications.

« Art. 97. Frais d'impression, etc. Ex. 1865 : fr. 98 74, ex. 1866 : fr. 30 06 ; ex. 1867 : fr. 261 60.

« Personnel.

« Art. 98. Frais de mission. Ex. 1867 : fr. 150 fr.

« Paragraphe 3. Chemins de fer, postes et télégraphes.

« Art. 99. Voies et travaux. Travaux divers : Ex. 1866 : fr. 5,879 08, ex. 1867 : fr. 63 29.

« Art. 100. Traction et matériel. Salaires. Ex. 1867 : fr. 10 80.

« Art. 101. Traction et matériel. Fourniture d'eau. Ex. 1867 : fr. 2,754 13.

« Art. 102. Traction et matériel. Entretien du matériel. Ex 1866 : fr. 607 55, ex. 1867 : fr. 25,502 57.

« Art. 103. Transports. Travaux et fournitures. Ex. 1866 : fr. 353 10.

« Art. 104. Transports. Frais de camionnage. Ex. 1866 : fr. 9,949 66, ex. 1867 : fr. 7,354 51.

« Art. 105. Transports. Pertes et avaries : Ex. 1864 : fr. 1,317 65, ex. 1865 : fr. 136 48, ex. 1866 : fr. 14,317 10, ex. 1867 : fr. 15,927.

« Art. 106. Postes. Matériel, etc. Ex. 1865 : fr. 419,82, ex. 1866, fr. 20, ex. 1867 : fr. 20.

« Art. 107. Télégraphes. Salaires. Ex. 1867 : fr. 33 20.

« Art. 108. Télégraphes. Entretien. Ex. 1866 : fr. 324,34.

« Paragraphe 4. Dépenses imprévues.

« Art. 109. Dépense non spécifiée au budget. Ex. 1866 : fr. 5 35.

« Total : fr. 93,049 49. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Des crédits supplémentaires, à concurrence de 329,519 fr. 24 c., sont alloués au département des travaux publics pour couvrir les insuffisances que présentent certaines allocations du budget de 1868 ; ils se répartissent comme suit entre les divers articles de ce budget auxquels ils sont rattachés :

« Chapitre premier. Administration centrale.

« Art. 3. Frais de déplacements : fr. 5,364 60.

« Art. 6. Honoraires des avocats : fr. 6,752 50

« Chapitre II. Ponts et chaussées.

« Routes

« Art. 7. Travaux en dehors des baux d'entretien : fr. 42,000 »

« Bâtiments civils.

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, etc. : fr. 6,700.

« Art. 10. Travaux extraordinaires à certains édifices : fr. 38,000.

« Art. 11. Travaux à l'hôtel du gouvernement provincial à Bruges : fr. 4,170. »

« Rivières et canaux.

« Art. 12. Entretien ordinaire et extraordinaire : fr. 33,604 82

« Art. 13. Travaux d'amélioration à la Meuse : fr. 15,220 84

« Art. 15. Travaux d'amélioration au canal de Liège à Maestricht : fr. 1,298 44

« Art. 23. Travaux d'amélioration au canal de Mons à Condé : fr. 5 491 90

« Art. 27. Travaux d'amélioration au canal de Gand à Ostende : fr. 1,035 73

« Art. 30. Travaux d'amélioration au canal de Plasschendaele à la frontière française : fr. 503 45

« Ports et côtes.

« Art. 40. Travaux d'entretien des ports et côtes : fr. 16,245 09

« Frais d'études et d'adjudications.

« Art. 44. Frais d'études, d'impressions, etc. : fr. 9,133 89

« Chapitre IV. Chemins de fer, postes et télégraphes.

« Art. 68. Camionnage : fr. 44,000.

« Art. 69. Pertes et avaries : fr. 100,000.

« Total : fr. 329,519 24. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1868. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.

Ont voté le projet :

MM. Allard, Bara, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Cartier, Coomans, Couvreur, de Borchgrave, de Clercq, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, de Lexhy, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de. Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hayez, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Lefebvre, Le. Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Wasseige, Watteeu et Dolez.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Projet de loi ouvrant des crédits au budget du ministère de l’intérieur

Discussion des articles

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

Article premier

« Art. 1er. Le budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1868, fixé par la loi du 6 juin 1868, Moniteur, n°139, est augmenté de la somme de soixante-quatre mille trente-quatre francs cinquante-huit centimes (fr. 74,034-58) pour payer les dépenses suivantes :

« 1° Frais d'exploits en matière de listes électorales. Trois cents francs pour payer des frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office en vertu de l'article 7 de la loi du er avril 1843, restant dus pour l'exercice 1865 : fr. 300.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 41 du budget de 1808.

« 2° Milice. Quatre mille deux cent cinquante-huit francs quatre-vingt-quinze centimes, pour payer des frais de milice restant dus pour les exercices 18 : fr. 4,258 95.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 42 du budget de 1868.

« 3° Service vétérinaire et police sanitaire. Neuf mille francs pour payer des dépenses relatives au service vétérinaire et (page 1139) à la police sanitaire, restant ducs pour l'exercice 1868 : fr. 9,000.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 55 de l'exercice 1868.

« 4° Ecole de médecine vétérinaire. Huit mille six cent quatre-vingt-quinze francs vingt-quatre centimes, pour payer des dépenses de matériel de l'école de médecine vétérinaire de 1 Etat : fr. 8,695 24.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 60 du budget de 1868.

« 5° Matériel des universités de l'Etat. Onze mille cinq cent quarante francs cinq centimes, pour payer des dépenses faites pour le service du cours de chimie générale de l'université de Gand : fr. 11,540 05.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 76 du budget de 1868.

« 6° Publication d'une collection des grands écrivains du pays. Sept cent vingt-six francs vingt centimes, pour payer une somme due à la commission de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique : fr. 726 20.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 103 du budget de 1868.

« 7° Musée royal de peinture et de sculpture. Quatre mille sept cent vingt francs quarante-huit centimes, pour payer des dépenses de matériel et d'acquisitions du musée royal de peinture et de sculpture : fr. 4,720 48.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 121 du budget de 1868.

« 8° Musée royal d'armures et d'antiquités. Mille cent quatre-vingt-un francs soixante-onze centimes, pour payer les frais de matériel et d'acquisition du musée royal d'armures et d'antiquités : fr. 1,181 71

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 124 du budget de 1868.

« 9° Travaux d'entretien et de réparation aux propriétés qui ont un intérêt historique. Six mille six cent trente-deux francs cinq centimes, pour payer des travaux d'entretien, de réparation, de contrôle et de surveillance aux ruines du château de La Roche : fr. 6,632 05.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 127 du budget de 1868.

« 10° Commission d'art et d'archéologie. Cinq mille quarante-deux francs trente et un centimes, pour payer les frais d'impression et de publication du Bulletin d'art et d'archéologie : fr. 5,042 31.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 129 du budget de 1868.

« 11° Commissions médicales provinciales. Trois mille quatre-vingt-trois francs quatre-vingts centimes, pour payer des frais restant dus des commissions médicales provinciales : fr. 3,083 80.

« Cette somme doit être ajoutée à l'article 131 du budget de 1868.

« 12° Caisse des veuves et orphelins des professeurs de renseignement supérieur. Quinze mille trois cent quatre-vingt-quinze francs quatre-vingt-trois centimes, pour rembourser, à la caisse susdite, les parts des pensions payées en 1868 à la décharge de l'Etat : fr. 15,35 83.

« Cette somme formera l'article 139 du budget de 1868.

« 13° Frais relatifs à un recours en cassation en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. Trois mille quatre cent cinquante-sept francs quatre-vingt-seize centimes, pour frais relatifs à un recours en cassation exercé par la commune de Schaerbeek, avec l'autorisation du gouvernement : fr. 3,457 96.

« Cette somme formera l'article 140 du budget de 1868.

« Total : fr. 74,034 58. »

- Adopté.

Articles 2 à 4

« Art. 2. 11 est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit spécial de cent cinquante-cinq mille francs (fr. 155,000), pour couvrir le complément des frais du recensement général effectué au 31 décembre 1866. »

- Adopté.


« Art. 3. Il est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit spécial de quarante mille francs (fr. 10,000), pour payer ce qui reste dû au conseil de fabrique de la cathédrale de Saint-Bavon, à Gand, pour l'acquisition de deux volets représentant Adam et Eve, peints par Hubert Van Eyck. »

- Adopté.


« Art. 4. Les crédits mentionnés dans la présente loi seront couverts au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi :

65 membres répondent à l'appel nominal :

64 votent pour le projet.

1 (M. Hayez) s'abstient.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Wouters, Allard, Bara, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Carlier, Coomans, Couvreur, de Borchgrave, de Clercq, de Kerchove de Denterghem, Eugène de Kerckhove, De Lexhy, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Mulle de Terschueren, N'élis, Notelteirs, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Wasseige, Watteeu et Dolez.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Hayezµ. - Je me suis abstenu parce que je ne puis voter un projet de loi avant d'avoir pris connaissance du rapport, qui n'est pas encore distribué.

MPDµ. - M. Schmitz, rappelé chez lui par la maladie grave d'un de ses enfants, demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Ordre des travaux de la chambre

M. Dumortier. - L'ordre du jour est épuisé.

MfFOµ. - Mais non.

M. Dumortier. - Il ne reste plus que la loi sur la milice ; elle est tellement longue qu'il est impossible d'en achever la discussion dans cette session.

Je demande donc que la Chambre s'ajourne jusqu'à convocation de M. le président.

MfFO. - Il est inexact de dire que l'ordre du jour est épuisé. Il y a encore plusieurs projets à voter.

M. Wasseige. - Mais qui ne sont pas urgents.

MfFOµ. - Il y a un projet de séparation de commune, et l'on a déposé encore des rapports aujourd'hui. .

Ensuite, au point où en est arrivée la discussion du projet de loi sur la milice, après avoir discuté la question de l'exonération, il ne restera plus à examiner que des dispositions de détail n'ayant pas une grande importance.

M. Coomans. - Il y a la question de la rémunération.

MfFOµ. - Eh bien, vous la discuterez. Mais dès que l'on aura discuté cela, le projet pourra être voté.

A voir ce qui s'est passé dans les dernières séances, on peut conclure qu'avec un peu de bonne volonté, en une séance ou deux, on terminerait la discussion de ce projet de loi.

M. Wasseige. - Je crois que l'honorable ministre des finances se fait une illusion complète, s'il pense qu'on peut terminer la discussion de la loi sur la milice en une ou deux séances. Nous n'avons voté que la moitié des articles. Plusieurs questions importantes restent encore à examiner. A moins d'étouffer ou d'écourter la discussion, il est impossible qu'elle ne prenne pas encore un grand nombre de séances.

Il y a encore une. autre raison. L'honorable rapporteur du projet de loi de milice n'est pas présent, il ne peut pas être présent ; il me semble qu'il serait convenable d'attendre qu'il puisse défendre son rapport.

D'ailleurs, messieurs, le Sénat va se séparer et il ne pourra s'occuper du projet que dans la session prochaine.

Je pense donc, messieurs, que nous devons nous ajourner et, à la rentrée, nous reprendrons avec un nouvel élan et une nouvelle vigueur la discussion du projet de loi sur la milice.

MiPµ. - Ce que je crains précisément, c'est qu'on ne reprenne la discussion avec une nouvelle vigueur, car cette nouvelle vigueur se traduirait en une nouvelle édition de tous les discoure que nous avons entendus.

(page 1140) Je trouve, messieurs, qu'il est de la dignité de la Chambre de montrer qu'elle peut faire une loi sérieuse. Voilà trois semaines que nous discutons et la loi devrait être votée. Je m'engage à parler demain pendant un quart d'heure, et à laisser MM. Kervyn et Thibaut me répondre sans leur répliquer. (Interruption.)

Messieurs, il est extrêmement important que le Sénat puisse avoir cette loi au commencement de la session et qu'elle puisse fonctionner pour le prochain tirage.

M. Rogierµ. - Je ne viens pas demander l'ajournement de la discussion de la loi de milice, mais je ne voudrais pas, d'un autre côté, que cette discussion fût en quelque sorte étranglée dans ses parties essentielles.

Je ne partage pas l'opinion de l'honorable ministre de l'intérieur qui semble considérer comme épuisée la question du remplacement et celle de la rémunération-, ce sont là les deux questions les plus importantes de toute la loi.

Si la Chambre veut continuer de siéger et donner à ces questions toute l'attention qu'elles méritent, elle fera très bien, mais ce n'est pas, je le crains, en une ou deux séances écourtées, qu'il sera possible de les résoudre.

Si l'on ajourne le chapitre du projet de loi relatif à la rémunération, il est certain qu'on simplifiera la discussion, mais, quant à moi, je compte m'opposer à cet ajournement.

La rémunération a été proposée, en 1861 comme motif principal du projet de loi et je ne crois pas dès lors qu'on puisse l'ajourner. Je suis prêt à rester ici aussi longtemps que les besoins de la discussion l'exigeront, mais je désire beaucoup qu'on ne précipite pas une discussion aussi importante.

M. Coomans. - L'honorable préopinant a parfaitement raison, les deux questions les plus importantes qui restent à discuter, ce sont celles du mode de remplacement et de la rémunération.

Je tiens pour impossible que cette nouvelle loi de milice, qui empire si considérablement les mauvaises conditions où se trouvent déjà nos classes laborieuses, soit exécutée sans le chapitre de la rémunération.

C'est au point de vue de la non-rémunération que la plupart des adversaires de la loterie militaire se sont placés.

Je déclare que c'est là aussi mon principal point de vue, car je cesserais demain de demander l'abolition de la conscription si une rémunération raisonnable était accordée aux miliciens forcés. (Interruption.)

Ce serait contraire à mon principe absolu, puisque je ne veux pas d'enrôlements forcés, mais, faute du bien j'accepte ce qui est le moins mal.

Or, quand vous avez tant empiré la position de vos miliciens, en leur refusant, par continuation depuis trente-neuf ans, la rémunération à laquelle vous reconnaissez vous-mêmes qu'ils ont droit, vous commettez un déni de justice, une. iniquité révoltante.

Je suppose que l'insistance que. mettent les honorables ministres à obtenir la continuation de la discussion du projet de loi sur la milice provient du désir bien naturel qu'ils éprouvent, de nous saisir encore une fois de l'éternelle question de la contrainte par corps.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Et quand cela serait !

M. Coomans. - Faisons cela alors et ajournons la continuation du débat sur la loi de milice qui sera moins mauvaise, je l'espère, l'année prochaine que cette année-ci.

MiPµ. - Nous sommes, l'honorable M. Coomans et moi, dans des idées complètement opposées. L'honorable membre cherche ici, comme partout, les solutions négatives. Il a déclaré an commencement de la séance qu'il demandait qu'on ne discutât plus pour ne pas avoir la loi sur la milice.

Je désire, moi, avoir cette loi.

L'honorable M. Coomans, avec son système de démolition générale, désire voir la Chambre impuissante à faire quelque chose. Je tiens, au contraire, à ce que le parlement montre qu'il sait mener à fin une loi importante.

Je rappellerai qu'en Angleterre on a voté en deux on trois séances la loi sur l'abolition de l'Eglise d'Irlande. Je crois que ce n'est pas trop demander que de demander de terminer la loi sur la milice en un temps dix fois aussi long.

Messieurs, la saison n'est pas avancée. Je demande que la Chambre ne laisse pas inachevée cette loi. Je suis aussi fatigué que mes honorables collègues de la Chambre.

M. Coomans. - Et moi je suis malade.

MiPµ. - La maladie de l'honorable membre ne l'empêche pas de discuter.

Je trouve, moi, que l'on doit avoir assez de dévouement pour continuer une œuvre commencée. Il y a pour nous un devoir. Je demande que nous l'accomplissions.

Si l'on veut se séparer avant la fin de cette semaine, ayons des séances du soir.

M. Coomans. - Non.

MiPµ. - L'honorable membre dit encore non. Il veut discuter longuement cependant.

Je propose formellement des séances du soir, à commencer d'aujourd'hui, si l'on veut.

M. Guillery. - Messieurs, je crois qu'il est impossible à la Chambre de ne pas déférer à l'invitation que. lui fait le gouvernement de discuter une loi. Il est impossible de déclarer que l'on s'en va sans même que l'on ait un motif pour partir.

Sur deux années il en est une dans laquelle la session est forcément close de très bonne heure et où nos travaux sont limités. Et pendant une de ces années où nous avons le temps de discuter librement les projets de lois qui nous sont soumis, lorsque la partie principale du projet de loi qui nous occupe a été discutée, nous nous séparerions sans que nous pussions donner un seul motif ?

Messieurs, tous les précédents de la Chambre s'opposent à ce que nous agissions ainsi. La Chambre a souvent siégé plus tard que le mois de juin et je crois qu'il n'y a pas d'exemple qu'elle se soit séparée alors qu'elle avait un projet en discussion et uniquement parce qu'elle était fatiguée. (Interruption.) Le projet de loi sur la milice est le projet le plus important de la session et nous nous séparerions sans l'avoir discuté, alors que nous savons que la session prochaine sera forcément limitée ! Cela ne serait pas digne de la Chambre.

Il y a une autre raison pour ne pas nous séparer, c'est que la question de la contrainte par corps n'est pas résolue. La Chambre et le Sénat sont d'accord sur ce point que tous les détenus pour dettes doivent sortir de prison, n'est-il pas de notre dignité de prendre des mesures pour les rendre à la liberté ? (Interruption.) Je ne résous pas la question ; je demande que la Chambre l'examine et qu'elle ne se sépare pas avant de l'avoir résolue.

M. Rogierµ. - Je tiens à constater que je ne demande pas l'ajournement de la Chambre ; au contraire, je demande que la Chambre achève son travail ; qu'elle y mette huit jours s'il le faut, et si elle est pressée de quitter Bruxelles qu'elle tienne des séances du soir.

M. Van Humbeeck. - Il est impossible de prendre en ce moment aucune décision ; la Chambre n'est plus en nombre, la séance doit donc être de plein droit remise à demain.

- La séance est levée à 5 heures et demie.