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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 21 mai 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 935) M. Reynaert, secrétaire, fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Saunais présente un projet de recrutement de l'armée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la milice.


« L'administration communale de Beverloo demande la construction d'un chemin de fer de Diest au camp de Beverloo. »

M. Thonissenµ. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.

M. Eliasµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée, d'examiner le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer des plateaux de Herve.

M. Crombez. - Comme la section centrale a terminé ses travaux, on pourrait ordonner le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

M. de Macarµ. - Je crois que la question soulevée par la pétition dont il s'agit est assez indépendante de la question relative à la concession du chemin de fer des plateaux de Herve, et que, pour entrer plus ou moins dans les idées de l'honorable M. Elias, il faudrait renvoyer la pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

M. Eliasµ. - La section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer des plateaux de Herve a déjà examiné des pétitions à peu près analogues à celle qui vient d'être analysée. Il suffirait d'ajouter un mot au rapport pour satisfaire au vœu des pétitionnaires.

M. Dupontµ. - Je crois que nous devons nous rallier à la proposition de M. Crombez. Si la pétition est déposée sur le bureau, il pourra en être tenu compte, et les membres que la chose intéresse pourront examiner les arguments que la pétition fait valoir.

M. de Macarµ. - Je me rallie volontiers à la proposition de l'honorable. M. Crombez. Ma proposition était une proposition de conciliation entre celle de l'honorable M. Elias et celle d'autres membres. On arrivait ainsi à l'examen immédiat de la pétition sans un nouveau travail de la section centrale qui s'est occupée d'une question assez étrangère à celle-là.

M. Eliasµ. - Je n'insiste pas.

- La pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer des plateaux de Herve.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, deux demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de loi sur la milice

Discussion générale

M. le président. - Hier, la discussion générale a été close.

M. Kervyn a demandé que la Chambre se prononçât d'abord sur une question de principe ainsi conçue :

« Y a-t-il lieu de supprimer le remplacement actuel, effectué par les miliciens, et d'établir un système d'exonération dont le produit servirait d'abord à encourager le service d'engagés volontaires et subsidiairement à recruter, par les soins du gouvernement, des engagés administratifs ? »

La Chambre autorise-t-elle le bureau à mettre aux voix cette question de principe ?

MfFOµ. - Il ne me paraît pas que l'on puisse procéder comme le demande l'honorable M. Kervyn.

Pour procéder par questions de principe, il faudrait, je crois, qu'il y eût assentiment unanime de la Chambre. D'après la Constitution, les Chambres ont le droit d'amender les articles d'un projet de loi et de les diviser. Aux termes d'un article du règlement, qui est l'application du principe constitutionnel, la discussion doit s'ouvrir sur les articles et sur les amendements qui s'y rattachent ; mais l'on ne peut y substituer des questions de principe.

D'ailleurs la proposition de l'honorable M. Kervyn n'a pas, en réalité, le caractère d'une question de principe, et, à ce titre encore, elle doit être écartée.

Cette proposition est complexe : d'une part, elle tend à la suppression du remplacement, d'autre part, elle établit un remplacement par voie d'exonération. De plus, elle n'est pas formulée en disposition législative ; elle n'est qu'indiquée, et l'on ne saurait se prononcer sur un système qui se trouve, si je puis m'exprimer ainsi, dans les nuages.

L'honorable M. Kervyn dit d'une manière abstraite : On supprimera le remplacement et l'on y substituera l'exonération. Mais il y a beaucoup de systèmes d'exonération, qui diffèrent singulièrement entre eux. Il se pourrait très bien que les partisans de l'un ou de l'autre système d'exonération se réunissent pour admettre la proposition vague et générale de l'honorable M. Kervyn ; mais une fois qu'il s'agirait d'en régler l'application, les opinions les plus divergentes se feraient jour, et il en résulterait que le remplacement se trouverait supprimé, que les dispositions du projet qui s'en occupent seraient écartées, mais qu'il n'y aurait rien à mettre à la place. C'est donc là une voie fort imprudente, dans laquelle la Chambre ne peut s'engager.

La marche indiquée par le règlement, et qui est essentielle à la bonne direction des débats, exige que l'honorable M. Kervyn formule un amendement. L'honorable membre peut formuler, pour le substituer aux dispositions relatives au remplacement qui se trouvent dans le projet de loi, un système d'exonération bien précis, bien défini, et alors seulement la Chambre pourra l'examiner et se prononcer en connaissance de cause. Mais il est impossible à la Chambre de déclarer qu'elle admet le principe de l'exonération, sans en connaître les moyens d'application.

Il faut donc, de toute nécessité, que l'honorable M. Kervyn commence par formuler son projet. Cela doit lui être d'autant plus facile, que l'honorable membre a déjà rédigé un pareil projet. Il existe ; il a été imprimé ; pourquoi ne pas le soumettre à la Chambre à titre d'amendement aux articles du projet de loi qui traitent du remplacement ? C'est la marche qui me semble devoir être absolument suivie.

M. Coomans. - Je ne veux pas me prononcer sur la doctrine réglementaire que l'honorable ministre vient de vous exposer. Je fais toutes réserves à cet égard, me bornant à dire qu'il est de notre droit et de notre devoir de maintenir le plus larges possible les prérogatives parlementaires. Mais voici pourquoi j'ai demandé la parole. II me semble qu'avant de nous prononcer sur la question de principe formulée par l'honorable représentant d'Eecloo, nous avons à vider une question de principe plus générale, c'est celle de savoir si la loterie militaire sera maintenue.

Dès à présent, il me serait impossible d'émettre un vote formel sur la proposition de l'honorable M. Kervyn, mais je pourrais l'accepter comme pis aller. Il est indispensable que la Chambre décide d'abord, au sujet de l'article premier, si elle veut que la conscription soit maintenue ou qu'elle soit abolie. C'est à cet effet que j'ai formulé un amendement à l'article premier amendement qui consiste à supprimer les mots : « par des appels annuels, » de manière que l'article premier serait ainsi conçu :

« Le recrutement de l'armée a lieu par des engagements volontaires. »

Ensuite nous pourrions aborder les questions de principe, si la Chambre le trouve bon, ou bien les articles du projet de loi.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, lorsque, il y a une année environ, le corps législatif français était saisi de la réforme de la loi militaire, le corps législatif et le gouvernement lui-même ont cru qu'il était dans l'intérêt de la discussion de poser d'abord certaines questions de principe semblables à celles que j'ai introduites moi-même dans la discussion actuelle.

Il n'y a eu d'opposition de la part de personne. On a compris que, dans l'intérêt même de la marche des débats, il était bon que certaines questions fussent d'abord vidées et M. le ministre des finances doit reconnaître qu'il n'est pas possible de renvoyer la question de principe que je pose aux articles qui traitent du remplacement, puisque l'article 2 du projet de loi contient déjà telle disposition qui suppose l'existence de miliciens et de (page 936) remplaçants. M. le ministre des finances trouverait-il plus convenable de rattacher ma proposition à l'article premier ?

Je ne demande pas mieux ; mais cela me paraît très illogique, car il n'y a, selon moi, rien dans l'article premier qui touche, ni de près ni de loin, à la question de principe que j'ai posée.

Il est un autre argument que m'oppose M. le ministre des finances. Il m'objecte que lors même que la question serait résolue affirmativement par la Chambre, nous ne nous trouverions devant aucun système complet.

C'est précisément pour ne pas abuser des moments de la Chambre et pour ne pas l'entretenir de détails accessoires que je n'ai pas reproduit un projet assez développé qui, comme l'a rappelé M. le ministre des finances, a obtenu, il y a déjà longtemps, les honneurs de l'impression.

La Chambre, a, du reste, sous les yeux un autre projet formulé par M. le général Greindl, qui organise le système de l'exonération.

Ce qui me paraît important, c'est que la question soit posée ; et je crois que la Chambre ferait chose très utile, dans l'intérêt du débat, en procédant d'abord par quelques larges questions de principe. J'avoue que, d'après moi, le système de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qui supprime d'une manière générale le recrutement obligatoire, devrait être examiné le premier.

M. de Macarµ. - Messieurs, avant de nous prononcer sur les diverses questions qui nous sont soumises, je crois qu'il serait utile de connaître les intentions du gouvernement au sujet du principe de la rémunération.

Le vote de beaucoup d'entre nous peut évidemment dépendre de la solution qui sera donnée à cette question.

En effet, si quelques-uns pensent comme moi que la conscription est inévitable, qu'il y a un service personnel à faire subir par les classes pauvres, beaucoup pensent aussi qu'il serait juste de n'imposer à ces classes que le service, dont on ne peut strictement les dispenser.

Je crois qu'il serait équitable de donner aux miliciens obligés de payer le service personnel une rémunération convenable qui serait prélevée sur la classe qui se trouve dégrevée de cet impôt. Quoi que nous en ait dit l'honorable ministre de la guerre, la conscription pèse lourdement sur les classes laborieuses.

le demanda donc au gouvernement une réponse catégorique à cet égard.

Je demanderai s'il entend rendre le principe de la rémunération solidaire de la question de la réserve.

Quelle que soit son intention sur ce point, je pense qu'en tout cas, ce principe doit être admis pour l'armée active.

En agissant ainsi, nous poserons un acte juste et utile ; juste, cela n'est pas contestable ; utile, car il diminuerait l'impopularité du budget de la guerre parmi les populations qu'il grève plus spécialement.

MfFOµ. - Messieurs, lorsque le gouvernement, en 1862 et en 1864, a déposé le projet de loi révisant la loi sur la milice, il a, pour la première fois, introduit le principe d'une rémunération au profit de ceux qui étaient appelés à servir l'Etal dans l'armée.

Depuis que ce projet a été déposé, les Chambres ont été appelées à se prononcer sur la nouvelle organisation de l'armée.

Cette organisation est complète, dès à présent, quant à l'armée permanente. Mais on n'a pas encore statué quant a la réserve.

C'est un principe nouveau qui a été mis en avant. Le gouvernement s'y est rallié et il a pris l'engagement de déposer un projet de loi sur la matière.

Avant que la Chambre se soit prononcée sur cette proposition, avant que l'on sache comment l'armée sera définitivement constituée, dans sa partie permanente comme dans sa réserve, on reconnaîtra qu'il serait impossible de se prononcer sur la rémunération.

En effet, sera-t-elle encore due, et dans quelle limite sera-t-il juste de l'allouer, lorsque tous seront appelés au service effectif y Si en réalité, d'une manière complète, absolue et égale, tout le monde devait le service militaire, il est clair qu'il n'y aurait lieu à indemnité pour personne.

M. Coomans. - Cela n'est pas clair du tout.

MfFOµ. - Que signifierait une indemnité dans ce cas-là ?

Il faut donc connaître avant tout quelle sera la nature du service imposé aux diverses classes de la société, pour savoir quelle est la somme des charges qui pèseront sur les uns et sur les autres, et pour apprécier s'il est juste et de quelle manière il est juste d'allouer une indemnité.

Dans cette situation, qu'a fait le gouvernement ? Il a annoncé à la section centrale qu'il retirait provisoirement le chapitre du projet de loi relatif à la rémunération ; mais il n'a pas abandonné le moins du monde son principe. Il aura à examiner ultérieurement, lorsque les Chambres se seront prononcées, ce qu'il y a à faire sous ce rapport.

Quant à présent, il serait impossible d'indiquer la juste meure de la rémunération.

Je pense que, dans ces conditions, l'honorable membre qui m'a interpellé sera complètement satisfait.

j'en viens maintenant aux observations présentées par l'honorable M. Kervyn.

Je recornais avec lui qu'il peut être utile, dans certaines circonstances, de poser des questions de principe. Cela peut avoir parfois pour résultat d’éclairer et de simplifier un débat. Je crois même que lorsqu’il s’est agi de l’organisation de l’armée, c’est ainsi qu’il a été procédé, de commun accord général. Mais dès qu’il y a opposition, je ne pense pas qu’on puisse procéder de la sorte. (Interruption./p>

C'est mon opinion. Mais sans vouloir actuellement rechercher si les questions de principe peuvent être admises lorsqu'il y a opposition, je dis à l'honorable M. Kervyn que sa motion n'est pas une question de principe. C'est un système qu'il propose : seulement c'est un système indéterminé, inconnu, dont les dispositions ne sont pas formulées, et que l'on ne peut ainsi ni apprécier ni voter.

Disons-nous à l'honorable M. Kervyn que l'on ne pourra pas délibérer sur ses propositions ? Nullement ! Nous lui disons seulement : Veuillez-les formuler conformément au règlement. Vous voulez la suppression du remplacement : eh bien, il y a une disposition dans la loi qui porte que tout individu peut se faire remplacer ; proposez à cette disposition un amendement portant qu'on ne pourra plus se faire remplacer ; vous proposerez ensuite, comme conséquence ultérieure, le système que vous aurez formulé ; la Chambre sera alors à même de décider.

Mais l’honorable membre ne répond pas à l'objection que je lui ai faite, à savoir qu'il n'y a pas qu'un seul système d'exonération ; il y en a plusieurs ; par conséquent il pourrait réunir en faveur du principe de sa proposition tous ceux qui admettent un système quelconque d'exonération, sans cependant que l'on puisse arriver à faire prévaloir l'une des nombreuses combinaisons qui existent sur cette matière, et cela parce que les divers membres qui auraient adopté le principe ne parviendraient pas à se mettre d'accord sur les moyens de l'appliquer.

L'adoption de la question de principe de l'honorable M. Kervyn aurait donc pour effet de renverser le projet sans y rien substituer. Il me semble dès lors qu'il est impossible de procéder comme le demande l'honorable membre.

M. Coomans annonce qu'il propose une autre question de principe : la suppression du tirage au sort.

M. Coomans. - C'est un simple amendement.

MfFOµ. - Ce n'est pas à l'article premier qu'il est question du tirage au sort. (Interruption.) La Chambre ne statuerait pas sur ce point en admettant la proposition qui lui est faite.

M. le président. - C’est un amendement à l'article premier.

MfFOµ. - L'honorable membre rattache cet amendement à l'article premier, parce qu'il supprime les appels annuels dont il est question dans ledit article.

En ce sens, c'est un amendement. Mais ce que je fais remarquer, c'est que c'est à l'article 13 qu'il faudrait faire statuer sur le principe du tirage au sort.

M. le président. - Me permettez-vous, M. le ministre, de vous rappeler l'article premier qui porte : « Le recrutement a lieu par des appels annuels et par des engagements volontaires. »

L'amendement de M. Coomans consiste à supprimer les mots « par des appels annuels » de manière qu'il ne maintient que les engagements volontaires.

MfFOµ. - J'ai reconnu que l'amendement peut, sous ce rapport, se rattacher à l'article premier ; mais j'ai ajouté qu'il ne résout pas la question que l'honorable membre a indiquée, celle de la suppression de ce qu'il nomme la loterie militaire, le tirage au sort. Lorsqu'on aurait admis le principe qu'il préconise, à défaut de volontaires ii faudrait bien trouver un moyen de remplir les cadres de l'armée.

M. Coomans. - Nous verrons.

MfFOµ. - Ah ! nous verrons ! Vous voyez donc bien que votre système est incomplet. Eh bien, je dis que vous ne devez soumettre à la Chambre que des propositions sérieuses, des amendements ayant une portée utile et déterminée, et non des propositions négatives que l'on ne sautait admettre sans détruire ce qui existe pour n'y rien subsister.

M. le président. - On pourrait, je pense, à propos de l'article premier, poser comme question de principe celle de savoir si le tirage au sort sera maintenu. Cette question résolue, la décision de la Chambre rayonnerait sur toute la loi.

(page 937) M. de Macarµ. - Je n'ai qu'un mot à dire. Si j'ai bien compris la réponse de M. le ministre des finances, le principe de la rémunération est maintenu par le gouvernement ; il ne s'agit que d'un ajournement. Dans cette situation, il est facile, je crois, a chacun de nous de voter avec la certitude que nous donne la parole de l'honorable ministre, que ce principe pourra être introduit très prochainement dans nos lois. Le gouvernement, du reste, a, plus éloquemment que je ne pourrais le faire, défendu ce système et je n'aurai à citer qu'un passage de l'exposé des motifs pour le démontrer.

Voici ce passage :

« Mais ce qui a fait surtout un devoir au gouvernement de s'occuper de cette révision, c'était la nécessité reconnue d'améliorer le sort des miliciens et d'assurer une juste compensation à ceux qui ont consacré au service de la patrie quelques-unes de leurs plus belles années. »

Dans les termes où la question se trouve, je crois donc que les partisans de la rémunération peuvent être satisfaits.

MfFOµ. - Je me suis, je crois, expliqué très clairement. J'ai dit : Il est impossible d'apprécier le système de la rémunération dans l'état actuel des choses ; il est impossible de savoir dans quelle mesure il est juste d'allouer une indemnité, avant de savoir quelle charge sera imposée à tout le monde.

La question reste donc entière ; et ce ne sont pas ceux qui, les premiers, ont introduit le principe de la rémunération qui seraient disposés à l'abandonner s'il était reconnu juste de le mettre en pratique.

M. Coomans. - L'honorable ministre va plus loin contre moi qu'il n'a été contre l'honorable M. Kervyn.

Vis-à-vis de l'honorable M. Kervyn, M. Frère se bornait à soutenir que nous n'avions pas le droit de poser des questions de principe. Vis-à-vis de moi, faisant un grand pas de plus, l'honorable ministre prétend que je n'ai pas même le droit de supprimer deux ou trois mots de l'article premier. Je. n'ai pas fait autre chose que de supprimer les mots : « par des appels annuels. » Si ce n'est pas là un amendement, il faut supprimer le droit d'amendement.

J'entrevois bien ce que veut l'honorable ministre ; c'est qu'on ne change rien du tout au projet de loi ; mais comme ce n'est pas pour cela que nous nous donnons la peine de venir ici, j'insiste sur l'exercice de mon droit.

J'ai présenté un amendement ; c'était mon droit. Votre devoir est de voter là-dessus par oui ou par non. Je m'attends à des non, je sais bien pourquoi ; mais il importe que nous avisions franchement. Je maintiens donc mon amendement.

Veuillez remarquer que l'adoption de mon amendement aurait pour résultat la suppression du système des enrôlements forcés ; mais vous auriez beaucoup de latitude pour examiner tous les autres modes de recrutement de l'armée ; il est très vraisemblable que, dans cette hypothèse-là, j'adopterais celui qui nous serait proposé par M. le ministre de la guerre.

Je regrette que l'honorable M. de Macar ait si vite abandonné les dispositions du projet de loi relatives à la rémunération.

M. de Macarµ. - Je n'ai rien abandonné.

M. Coomans. - J'ai été frappé de la promptitude avec laquelle il s'est déclaré satisfait.

Messieurs, c'est une question préalable de savoir s'il y aura une rémunération oui ou non. L'honorable membre a prié le gouvernement de s'expliquer, et le gouvernement refuse de s'expliquer ; je regrette que l'honorable membre se contente du maintien d'un principe. Ce n'est pas avec des principes vides qu'on nourrit les malheureux. Ce qu'il faut à nos miliciens, c'est une rémunération efficace, je ne dis pas une rémunération juste, vous vous êtes mis dans l'impossibilité d'être justes envers eux, mais un peu sérieuse.

Le gouvernement nous dit qu'il maintient le principe de la rémunération ; mais il refuse obstinément de s'expliquer sur ce point. Je lui ferai observer que ce silence est singulier et que la fin de non-recevoir sur laquelle il repose est complètement inexacte.

Le gouvernement qui nous a demandé de grands sacrifices en hommes et en argent pour assurer le salut de la patrie, a dû étudier, depuis plusieurs années, les conditions militaires où le pays doit se placer ; il a donc, je lui fais l'honneur de le croire, quelques idées arrêtées sur la formation de la réserve et sur le rôle à jouer par la garde civique ; il pourrait donc dès à présent nous dire à peu près quelles sont ses vues quant au principe de la rémunération ; il le peut d'autant plus que toute notre organisation militaire est établie ; la question quant au chiffre de l'effectif sous les armes, aussi bien que quant à la durée du service, est résolue. Nous savons combien de temps doivent servir les 100,000 hommes de l'armée active, quelle sera la composition de l'armée de réserve, ainsi que la durée de service dans cette armée.

Quant à la garde civique, il n'est pas sérieux de dire qu'il faut en attendre la reconstitution pour rémunérer les miliciens ; je pense qu'il n'est entré dans les idées de personne d'accorder une rémunération à la garde civique.

Il serait très inexact de prétendre que la question de la rémunération doit être ajournée, puisque vous vous trouvez devant des données certaines. Tous les termes de l'équation sont connus, vous n'avez plus un seul x à en dégager.

Soyez sincères, vous qui parlez de sincérité, et dites que voici les deux raisons pour lesquelles vous ajournez le problème de la rémunération ; la première, c'est que système, de l'honorable M. Frère a été rejeté à l'unanimité et que l'honorable M. Frère n'entend pas que la Chambre vote quoi que ce soit sans sa permission.

M. le président. - M. Coomans, ces paroles ne sont pas convenables.

M. Coomans. - C'est mon opinion.

M. le président. - Votre opinion n'est pas convenablement exprimée.

M. Coomans. - M. le président, si vous trouvez une autre manière d'exprimer cette pensée, je l'adopte.

M. le président. - Ce n'est pas à mol de trouver la manière dont vous devez vous exprimer pour être convenable.

M. Coomans. - Mais il me semble que je fais un grand honneur à M. Frère.

M. le président. - Et une injure à la Chambre.

M. Coomans. - Je crois donc que la première raison de l'ajournement du problème de la rémunération est la volonté de l'honorable ministre des finances.

Le système de l'honorable ministre des finances a été repoussé à l'unanimité. Dans un pays vraiment représentatif et libre, la première conséquence de ce vote serait l'adoption d'un autre système. Mais non ; la section centrale ne formulera rien et la Chambre ne discutera rien. Voilà, je pense, la volonté du chef du cabinet.

M. le président. - Vous avez le droit de présenter un système.

M. Coomans. - C'est ce que je fais, et je souhaite que j'aie le même succès que l'honorable M. Frère.

La seconde raison de l'ajournement, selon moi, est qu'on n'a pas sérieusement l'intention et qu'on ne l'a jamais eue, d'accorder une rémunération au milicien forcé.

Je pourrais alléguer beaucoup de motifs à l'appui de cette interprétation de la conduite du gouvernement. Je pourrais dire, ce que vous savez tous, que depuis trente-neuf ans une rémunération est refusée ; que depuis 1862, alors qu'elle a été reconnue juste et nécessaire, elle a été refusée encore, et qu'en 1869, alors que l'on ne peut plus reculer devant une réforme quelconque des lois de milice, on cherche encore à ajourner la rémunération.

Et, encore une fois, pourquoi ne pouvons-nous pas dès aujourd'hui évaluer à peu près la perte essuyée par le milicien forcé ? Vous savez au juste, le temps que vous lui demandez, les sacrifices que vous lui imposez ; eh bien, évaluez cela à peu près. Je ne vous demande pas un chiffre très élevé. Ne leur accordez que la moitié de ce qui leur est dû, et je me déclare satisfait. Cette moitié accordée, plus tard vous verrez ce que vous aurez à donner à la réserve et même à la garde civique.

Mais, dit l'honorable ministre, il peut se présenter une éventualité dans laquelle aucune rémunération ne serait due ; ce serait celle où le service militaire serait obligatoirement imposé à tous les Belges. Eh bien, quand cette éventualité se présentera, nous examinerons la question de savoir si la rémunération doit être maintenue ou si le chiffre doit en être modifié. Mais en attendant cette éventualité très invraisemblable, devant laquelle vous seriez les premiers à reculer, si elle devenait sérieuse, payez la moitié de votre dette et ne venez pas vous prévaloir d'une impossibilité pour vous maintenir à l'état de banqueroute inique.

Si une chose est démontrée de l'aveu de tous les ministres de la guerre, qui, je le reconnais, le savent mieux que nous ; si une chose est démontrée, c'est que des sacrifices réels sont imposés à nos miliciens. Je laisse de côté la grave question de savoir si la Constitution vous permet de maintenir le déni de justice dont je me plains, mais je dis qu'au point de vue de la simple équité l'indemnité est due à ceux dont vous expropriez non seulement la liberté et le travail, mais les droits naturels et civils.

Ce n'est point par des fins de non-recevoir que vous imposerez silence à ceux qui réclament cette indemnité au nom du bon sens et de la justice.

Je veux donc que nous nous expliquions aujourd'hui, ou plus tard dans le cours de la discussion, sur la rémunération et je désire qu'on me prévienne, si l'on a l'intention, quand nous serons arrivés à l'ex-chapitre (page 938) relatif à la rémunération, de nous faire taire sous prétexte que ce chapitre est retiré.

En effet, le gouvernement l'a retiré et la section centrale ne met rien à la place. Il faut donc une discussion sur la rémunération, soit aujourd'hui, soit plus tard.

Je regrette très vivement cette abstention de la section centrale qui avait longtemps soutenu, quant aux principes, des idées infiniment plus justes que celles du gouvernement.

Mais, messieurs, il est un point qui m'étonne plus particulièrement que ce que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer. Ce point, c'est le silence absolu du gouvernement sur ce qu'il appelle le principe de la rémunération.

Le gouvernement ne nous dit pas s'il maintient ce beau système, repoussé à l'unanimité par la section centrale et qui serait repoussé de même par la Chambre, j'aime à le croire, et par le pays, ce beau système qui consistait à rémunérer « peut-être » un très petit nombre de victimes, c'est-à-dire à donner une pension viagère de 150 francs au milicien qui aura atteint honnêtement, sans faire un faux pas, l'âge de 55 ans.

Le gouvernement ne nous dit pas s'il fait à la section centrale et à la Chambre la gracieuseté de retirer cette idée. Il devrait cependant avoir eu le temps d'y réfléchir ; s'il se tait, c'est que probablement il a l'intention de représenter ce système plus tard, le plus tard possible ; ce sera déjà très regrettable, mais enfin, de le représenter.

Est-ce là du régime parlementaire ? Est-il possible qu'une Chambre qui se respecte baisse la tête devant ce simple mot prononcé par un ministre : « Vous désirez cela, c'est impossible. - Pourquoi ? - Parce que ». Il n'y a que cela dans toute votre argumentation. Cela n'est ni parlementaire ni raisonnable.

.Maintenez-vous, oui ou non, votre système de 150 francs de pension à cinquante-cinq ans ? Etes-vous décidé à ne rien donner, non seulement aux miliciens qui n'auront pas atteint l'âge de cinquante-cinq ans, mais même à leurs familles ; c'est-à-dire : êtes-vous décidé à maintenir, sans indemnité aucune, la corvée ruineuse que vous imposez aujourd'hui à tant de milliers de nos compatriotes ?

Répondez-nous. Osez au moins dire à la section centrale que vous maintenez votre principe. Ce serait beaucoup plus courageux, plus logique. Présentez-nous votre système à titre de disposition provisoire ou transitoire, j'y consens encore. Mais vous vous conteniez de dire : Il est impossible que vous discutiez cela ! Mais vous ne nous donnez aucune raison sérieuse.

Je ne puis assez protester contre un pareil langage et contre une conduite aussi déraisonnable.

MfFOµ. - Messieurs, j'ai quelques observations à présenter sur ce qui vient d'être dit.,

L'honorable membre a commencé par affirmer que, relativement à l'amendement qu'il a soumis, j'avais été beaucoup plus loin que relativement à l'amendement de l'honorable M. Kervyn : je lui aurais contesté le droit de présenter un amendement à l'article premier.

J'en appelle à la Chambre. J'ai dit tout au contraire que la proposition formulée pouvait être considérée comme un amendement à l'article premier, mais j'ai fait remarquer que cela ne résolvait pas la question qui préoccupe avant tout l'honorable membre ; que lorsqu'il aurait fait disparaître les mots : « appels annuels » de l'article premier, il n'aurait rien fait pour l'armée, dans le cas où il ne se présenterait pas de volontaires en nombre suffisant.

L'honorable membre s'est borné à hausser les épaules ; mais ce n'est pas là une réponse. Quoi qu'il en soit, il peut parfaitement proposer la suppression de ces mots. Cela ne lui est pas contesté.

M. Coomans. - D'accord.

MfFOµ. - Maintenant, l'honorable, membre, se joignant à l'honorable M. de Macar, veut avoir des explications catégoriques sur le principe de la rémunération.

L'honorable membre s'est imaginé que c'est une question d'amour-propre qui se trouve ici engagée. Un système a été formulé et, comme il n'a pas reçu l'assentiment de la section centrale, l'honorable membre en conclut que nous ne voulons plus de rémunération, pour ne pas essuyer un échec sur ce point.

£h bien, je dois dire que je laisse cette petitesse à l'honorable membre.

La question me paraît bien plus haute, bien plus importante que celle de savoir si ce sera un système ou un autre qui sera admis pour la rémunération.

Quant à celui que nous avons eu l'honneur de formuler, qui est l'objet des dédains de l'honorable membre et qui, d'après lui, ne saurait réunir l'appui de trois membres de l'assemblée, je puis dire à l'honorable membre qu'il se trompe complètement, et que si ce système n'a pas été admis par la section centrale, il compte néanmoins de nombreux partisans dans cette Chambre, et il en comptera un plus grand nombre lorsqu'il aura été discuté ; il ne l'a pas été jusqu'à présent.

Pour l'honorable membre et pour un certain nombre de personnes, il vaudrait mieux donner une rémunération immédiate, de quelques centaines de francs, plutôt qu'une rémunération éloignée, il est vrai, mais du moins efficace.

Pour nous, comme pour beaucoup de nos amis, c'est là mal envisager la question. Une indemnité de quelques centaines de francs, ne fût-ce même qu'une somme de 300 fr., ce qui serait considéré comme dérisoire, et je vois que sur ce mot vous vous empressez de faire des signes d'assentiment ; donc une indemnité dérisoire de 300 francs seulement serait déjà une charge très lourde pour le trésor. Savez-vous où cela nous entraînerait ? A une dépense annuelle de plus de trois millions.

Et quel bien résulterait-il pour le pays d'un pareil sacrifice ? A quoi, en définitive, aurait-il servi ? A donner à des jeunes gens une certaine somme qui, dans la généralité des cas, sera bientôt complètement perdue et gaspillée.

Dans le système que nous avons proposé, il y a tout à la fois la rémunération actuelle, et les idées de prévoyance. Je dis que la rémunération est actuelle, car c'est exactement comme si la disposition était ainsi formulée : Chaque milicien obtiendra une somme de 400 à 500 francs, à la condition de l'employer à l'achat d'une rente viagère.

M. Coomans. - Et de ne pas mourir.

MfFOµ. - Tout cela paraît tout à fait insignifiant.

Je suppose cependant, sans vouloir entrer dans la discussion approfondie de la question, car cela me paraît un hors-d'œuvre, je suppose, dis-je, qu'un industriel inscrive sur la porte de son établissement : « Ceux qui viendront travailler chez moi pendant 2 ans, et qui pourront éventuellement encore y être appelés pendant 6 ans, à charge, bien entendu, de recevoir un salaire qui leur permettra d'être vêtus, nourris, logés et entretenus, ceux-là auront en outre, à 55 ans, une pension de 150 fr. ». Est-ce que vous croyez que les ouvriers ne se précipiteraient pas vers cet établissement ?

M. Coomans. - Du tout, il n'y viendrait personne,

MfFOµ. - Eh bien, j'estime, moi, que si nos ouvriers étaient tous assurés d'avoir, à l'âge de 55 ans, 150 fr. de pension, ils se considéreraient, avec raison, comme très heureux... (Interruption.)

Je n'en dis pas davantage pour le moment sur ce point ; j'ai tenu seulement à rectifier quelques idées fausses qui se sont produites sur cette question. Le moment n'est pas venu de la discuter ; nous le ferons lorsque l'ensemble de nos institutions militaires aura été admis par les Chambres, quand nous saurons quelles seront effectivement les charges imposées aux diverses classes de la société, et quand nous pourrons mesurer quelle est la compensation qui devra être accordée à ceux qui ont une charge plus lourde que d'autres.

C'est à ce moment-là que nous aurons à examiner le principe. La question est réservée.

J'oubliais de dire à M. Coomans que je ne comprends pas ses diverses récriminations à l'adresse du gouvernement ni à l'adresse des membres de la Chambre, ni les offenses qu'il croit devoir leur adresser, sous prétexte qu'ils devraient s'incliner sous une volonté qui s'oppose à ce qu'on s'occupe de la rémunération. Mais vous oubliez que vous avez le pouvoir de proposer votre système à la Chambre. Vous est-il interdit de proposer le principe de la rémunération par voie d'amendement ? Vous qui dites qu'il est dérisoire d'allouer 300 francs aux miliciens, mais dites-nous donc ce qu'il faudrait leur donner ? On saura alors ce que vous voulez. Mais il est bien entendu que vous ne pourrez pas vous contenter du rôle par trop facile de créer les charges sans indiquer les voies et moyens qu'il faudra créer pour les couvrir. Il faudra que vous disiez à l'aide de quelles ressources vous ferez face aux nouveaux engagements que vous voulez imposer au pays.

Je reviens maintenant à la question de principe de l'honorable M. Kervyn.

Ici encore, je dois prier l'honorable membre de formuler son système en articles que nous puissions discuter.

Je l'ai déjà dit, il y a bien des systèmes d'exonération. La Chambre ne peut donc pas se prononcer sur une pareille question sans que l'honorable membre ait indiqué clairement le système qu'il veut faire prévaloir.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je tiens à faire remarquer que l'ordre de discussion que je crois le seul rationnel est celui qui a été constamment suivi dans toutes les commissions qui ont été formées par le gouvernement et qui se composaient à la fois des membres les plus éminents de (page 939) cette Chambre et des officiera les plus distingués de notre armée. La question a toujours été formulée à peu près dans les mêmes termes que ceux dont j'ai fait usage.

Ainsi, dans la commission de 1867, la question fut posée en ces termes :

« La commission adopte-t-elle la suppression du remplacement actuel et, comme conséquence, l'introduction du système de l'exonération avant le tirage ? »

Les objections de M. le ministre des finances ne peuvent produire qu'un seul résultat ; c'est la suppression même du vote, c'est la suppression de toute décision de la Chambre sur cette question ; car ce n'est pas sérieusement que M. le ministre des finances m'engage à reporter au chapitre du remplacement la question de principe, puisque, je l'ai déjà dit, dès l'article 2 la Chambre sera amenée à voter une disposition où il est fait mention des remplaçants.

On ne saurait toutefois l'oublier, messieurs ; c'est une question qui a réuni la presque unanimité dans plusieurs commissions, qui a pour elle l'opinion de plusieurs anciens ministres et d'hommes éminents tant dans l'ordre civil que dans l'ordre militaire ; et on l'écarterait aujourd'hui sans même en faire l'objet d'un vote !

Je ne puis pas, messieurs, accepter cette position. Il dépend de la Chambre de décider que ma proposition sera repoussée par la question préalable ; mais si la question préalable est prononcée, j'aurai bien le droit de la considérer comme une décision négative, comme le rejet même du principe que j'ai développé.

Je demande à ajouter un seul mot sur une autre question introduite dans cette discussion par l'honorable M. de Macar.

Il y a près de huit années que ces paroles augustes ont été prononcées dans cette enceinte :

« Nos lois de milice appellent une réforme. Un projet vous sera soumis qui, en corrigeant, au point de vue administratif, les vices du système actuel, aura pour but d'assurer une équitable compensation à ceux qui consacrent une partie de leur jeunesse au noble métier des armes pour le service de l'Etat. »

L'ajournement de cet engagement solennel, descendu du trône, me paraît impossible.

M. de Macarµ. Entre l'opinion que j'eusse désiré voir professer par le gouvernement et celle qui vient d'être exprimée dans la réponse que m'a faite M. le ministre des finances, il y a évidemment une nuance. Je n'ai en effet pas la certitude absolue, je n'ai que la grande espérance que le principe de la rémunération sera consacré prochainement.

Mais l'honorable M. Frère nous dit que c'est lui-même qui le premier a cherché à introduire dans notre législation ce système qui n'existe dans aucune autre ; qu'en ayant pris l'initiative, il doit désirer plus que tout autre de le voir réussir.

Dans ces conditions, je crois que l'on peut avoir confiance dans les vues du gouvernement, et en présence des objections produites, je puis ne pas insister pour que la question soit immédiatement résolue.

En ce qui me concerne, la déclaration faite tout à l'heure par M. le ministre des finances est une garantie suffisante que le principe de la rémunération, dont je ne fais nullement l'abandon, recevra une solution dans un temps peu éloigné.

M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, je n'ai pas encore pris la parole dans ce débat, parce qu'il faut reconnaître que jusqu'ici les questions générales qui ont été traitées avaient été résolues l'année dernière et consacrées par une loi.

Je ne m'occuperai donc pas des questions du tirage au sort, d'une armée de volontaires, de la suppression de l'armée permanente ; la Chambre s'est prononcée à cet égard ; sans doute, elle a le droit de revenir sur les votes qu'elle a émis ; mais en tout cas, elle est assez éclairée pour pouvoir se prononcer sans un discours de plus.

Je tiens seulement à faire remarquer à la Chambre qu'au point où la discussion est arrivée, il faudrait au moins qu'il y eût un ordre précis de discussion. Ainsi, hier il avait été convenu que la question de l'exonération, soulevée par l'honorable M. Kervyn, serait examinée dans la séance de ce jour ; immédiatement après, l'honorable M. Coomans vient proposer la suppression des appels annuels et la constitution de l'armée au moyen d'engagements exclusivement volontaires.

L'honorable M. de Macar, de son côté, soulève la question de la rémunération, et M. Coomans, qui ne veut qu'une armée composés exclusivement de volontaires, prend la parole pour appuyer l'honorable M. de Macar, et demande, avec lui, que le service forcé des miliciens soit rémunéré.

Il serait désirable, je le répète, de procéder avec ordre. S'il est bien entendu que c'est la question de l'exonération, telle que l'a posée l'honorable M. Kervyn, qui va être mise dansée moment en discussion, j'aurai quelques observations à présenter,

Mais si l'on doit mêler à la fois tout ce qui concerne la rémunération, les appels annuels et l'exonération, si les discours relatifs à ces trois questions vont s'entrecroiser, nous ne pourrons guère discuter convenablement et sans confusion.

M. le président. - Je ferai remarquer que l'ordre de vote que j'avais indiqué hier était la conséquence nécessaire des diverses propositions dont la Chambre était saisie alors ; même celle de M. Le Hardy de Beaulieu qui maintient éventuellement, pour le cas de guerre, la possibilité du tirage au sort.

Aujourd'hui, M. Coomans présente un amendement qui fait disparaître le recrutement par appels forcés et aux termes duquel il n'y aura plus qu'une armée de volontaires. C'est donc un amendement à l'article premier ; cet amendement doit être mis aux voix le premier.

Si, donc, il y a un changement dans l'ordre que j'ai indiqué hier, c'est qu'un fait nouveau s'est produit aujourd'hui.

Discussion des articles

Chapitre premier. De la composition de l’armée

Article premier

M. le président. - Je mets maintenant en discussion l'article premier qui est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le recrutement de l'armée a lieu par des appels annuels et par des engagements volontaires. »

M. Coomans. - Je demande la parole pour faire une seule observation. M. le ministre des finances vient d'affirmer que si une fabrique, une usine promettait une pension viagère de 150 francs aux ouvriers qui auraient, atteint l'âge de 55 ans...

M. le président. - Nous allons rentrer dans la discussion du principe de la rémunération.

M. Coomans. - Vous allez voir, M. le président, que la fin de ma phrase justifiera ma remarque. Que si, dans la pensée de l'honorable ministre, un tel avantage était offert aux ouvriers, tous se précipiteraient, c'est son expression, dans les fabriques.

Or, si cela est vrai pour les ouvriers, a fortiori cela doit l'être dans sa pensée pour les volontaires. Donc je dis à l'honorable ministre : Si vous avez trouvé la pierre philosophale, si vous avez su trancher le nœud gordien, appliquez cette invention au service volontaire ; vous aurez, d'après vous, autant de volontaires que vous en désirez.

C'est tout ce que j'avais à dire.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'ai compris que la question posée par l'honorable M. Coomans et à peu près dans les mêmes termes par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, serait posée comme question de principe et non comme amendement à l'article premier.

M. le président. - Remarquez que la proposition de M. Coomans est un véritable amendement à l'article premier, puisqu'il en supprime quelques mots. Je ne puis en changer la nature.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je comprends très bien. Mais la question de l'exonération viendra-t-elle après ?

M. le président. - Votre motion viendra immédiatement après.

M. Kervyn de Lettenhove. - Très bien.

M. le président. - Voici l'article premier :

« Art. 1er. Le recrutement de l'armée a lieu par des appels annuels et par des engagements volontaires. »

M. Coomans propose de rédiger ainsi l'article : « Le recrutement de l'armée a lieu par des engagements volontaires. »

Je mets la proposition de M. Coomans aux voix.

- L'appel nominal est demandé.

La rédaction proposée par M. Coomans est mise aux voix par appel nominal.

93 membres sont présents.

21 votent l'adoption.

67 votent le rejet.

5 s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont voté l'adoption :

MM. Thienpont, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Verwilghen, Beeckman, Coomans, Coremans, de Clercq, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Montblanc, de Muelenaere, d'Hane-Steenhuyse, Gerrits, Hagemans, Rayez, Jacobs, Janssens, Le Hardy de Beaulieu, Mulle de Terschueren et Reynaert.

Ont voté le rejet :

MM. Schmitz, Tack, Tesch, Thibaut, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alp. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, (page 940) Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Bieswal, Bricoult, Brustin, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Haerne, Delcour, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, de Moor, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hymans, Jamar, Jouret, Julliot, Lambert, Lebeau, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier et Dolez.

Se sont abstenus :

MM. Couvreur, de Zerezo de Tejada, Kervyn de Lettenhove, Notelteirs et Nothomb.

M. Couvreurµ. - Je me suis abstenu, messieurs, pour les raisons que j'ai déjà indiquées dans les deux discours que j'ai prononcés au commencement de la discussion. Je ne puis pas m'engager à voter pour une armée de volontaires sans avoir la certitude que nous en aurons le contrepied dans une forte réserve nationale. Si l'on peut me donner ce contre-pied, je voterai des deux mains pour l'armée de volontaires.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Je me suis abstenu parce que, d'un côté, je ne suis pas partisan de la conscription, et que, de l'autre, je ne puis néanmoins voter son abolition complète et sans réserve, parce qu'il ne m'est pas démontré que notre armée, que je considère comme une nécessité sociale de premier ordre, puisse être maintenue, dans de bonnes conditions et sur un pied suffisant, rien qu'au seul moyen du recrutement par engagements volontaires, recrutement que je voudrais, du reste, voir favorisé le plus possible.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que. M. de Zerezo.

M. Notelteirsµ. - Je me suis également abstenu par les motifs qu'a indiqués M. de Zerezo.

M. Nothomb. - Dans mon opinion, il n'y a de juste et d'efficace, comme système défensif du pays, que celui qui repose sur l'obligation imposée à tous les citoyens de participer personnellement au service militaire. C'est celui que j'ai eu l'honneur de développer devant vous l'année dernière. Comme j'ai été empêché de le reproduire et d'y insister dans le cours de cette discussion ; que, d'un autre côté, je sais qu'il n'a pas de chance d'être adopté par cette Chambre ; que je reconnais même qu'il n'est pas encore accepté par l'opinion du pays, je n'ai pas d'autre parti à prendre que de m'abstenir sur les différents systèmes qui se produisent et dont aucun ne me paraît atteindre le but désirable.


M. le président. - Je crois que l'ordre logique appelle maintenant le vote sur l'amendement de M. Le Hardy de Beaulieu, qui porte :

« Art. 1er. En temps de paix, le recrutement de l'armée active a lieu exclusivement par des engagements volontaires.

« La conscription par voie de tirage au sort est et demeure abolie. »

La proposition de M. Kervyn viendra après le vote sur cet amendement.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je demande la parole.

M. le président. - La parole est à M. Le Hardy de Beaulieu sur la position de la question,

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'avais cru très sérieusement que lorsque mon amendement viendrait, il me serait permis de donner quelques explications.

M. le président. - M. Le Hardy, veuillez remarquer que la discussion de l'article premier est close ; je ne puis donc vous accorder la parole que sur la position de la question.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'avais réservé quelques explications, pour ne pas mêler des questions générales de principes à des questions toutes particulières.

Ainsi je voudrais pouvoir démontrer à la Chambre, par exemple, que le principe de la rémunération qui me paraît être, sinon quant à présent, au moins dans un avenir très prochain, la conséquence logique et inévitable du projet de loi, que ce principe entraîne forcément l'adoption du système que j'ai proposé à la Chambre.

M. le président. - M. Le Hardy, je ne puis pas vous laisser continuer, à moins que la Chambre ne rouvre la discussion.

M. Thibautµ. - Je crois, messieurs, qu'il y a lieu de diviser l'amendement de M. Le Hardy de Beaulieu ; la première partie de cet amendement ressemble beaucoup à la proposition que la Chambre vient de rejeter.

M. le président. - L'amendement de M. Coomans était absolu ; celui de M. Le Hardy de Beaulieu ne porte que sur le temps de paix.

M. Thibautµ. - C'est pour cela que j'ai dit qu'il lui ressemblait beaucoup, mais s'il n'est pas complètement le même, il y a si peu de différence que probablement cette partie de l'amendement aura le même sort que l'amendement de l'honorable M. Coomans.

Mais, quant à la seconde partie de l'amendement, je demande qu'il soit mis spécialement aux voix.

Ainsi, moi qui n'ai pas voté pour l'amendement de l'honorable M. Coomans, je voterai pour la seconde partie de l'amendement de M. Le Hardy de Beaulieu. Je voterai la suppression du tirage au sort.

M. le président. - La division est de droit, M. Thibaut, et c'est ainsi que nous allons procéder.

Voici le premier paragraphe :

« Art. 1er. En temps de paix, le recrutement de l'armée active a lieu exclusivement par des engagements volontaires. »

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le paragraphe n'est pas adopté.

M. le président. - Nous passons au deuxième paragraphe : « La conscription forcée par voie de tirage au sort est et demeure abolie. »

- Il est procédé au vote par appel nominal.

94 membres y prennent part.

68 répondent non.

22 répondent oui.

4 s'abstiennent.

En conséquence, le paragraphe n'est pas adopté.

Ont répondu non :

MM. Schmitz, Tack, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vilain XIIII, Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Bieswal, Bricoult, Broustin, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Haerne, Delcour, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, de Moor, de Naeyer, de. Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Hymans, Jamar, Jouret, Julliot, Lambert, Lebeau, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier et Dolez.

Ont répondu oui :

MM. Thibaut, Thienpont, Vander Donckt, Verwilghen, Beeckman, Coomans, Coremans, Couvreur, E. de Kerckhove, Delaet, de Montblanc, de Muelenaere, d'Hane-Steenhuyse, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Janssens, Le Hardy de Beaulieu, Mulle de Terschueren et Reynaert.

Se sont abstenus :

MM. de Zerezo de Tejada, Kervyn de Lettenhove, Notelteirs et Nothomb.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai indiqués tout à l'heure, lorsqu'on a voté sur une proposition à peu près semblable.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.

M. Notelteirsµ. - Pour les mêmes motifs.

M. Nothomb. - Pour les motifs que j'ai fait valoir précédemment.


M. le président. - Je crois que la Chambre doit statuer maintenant sur l'admissibilité de la question de principe posée par l'honorable M. Kervyn.

Cette question est ainsi conçue :

« Y a-t-il lieu de supprimer le remplacement actuel, effectué par les miliciens, et d'établir un système d'exonération dont le produit servirait d'abord à encourager le service, d'engagés volontaires et subsidiairement à recruter, par les soins du gouvernement, des engagés administratifs ? «

M. Rogierµ. - Il est impossible de voter la question dans les termes où elle est posée. Nous ne savons pas sur quoi nous votons.

Des discussions très longues et très intéressantes ont eu lieu à l'occasion du projet de loi. Mais, il faut le reconnaître, le débat n'a pas eu jusqu'ici un côté bien pratique.

Je suis d'avis d'accorder des compensations au service de la milice, au service forcé ; je suis partisan de la rémunération, si c'est là ce qu'on appelle l'exonération.

MfFOµ. - Non.

M. Rogierµ. - Si l'on entend seulement par exonération le fait de dispenser du service le milicien qui verserait une certaine somme dans la caisse de l'Etat, je demande que cette question soit reportée à l'article du remplacement. Nous examinerons là toutes les questions relatives aux remplaçants et aux substituants.

Je demanderai aussi qu'on ajourne le vote sur le paragraphe 2 de l'article 2.

(page 641) M. le président. - Nous ne sommes pas là, M. Rogier.

M. Rogierµ. - Je le sais, M. le président ; mais je présente que cette observation en ce moment pour ne pas devoir prendre la parole sur un détail.

M. le président. - Cela jette de la confusion dans le débat.

M. Rogierµ. - Je ne le crois pas, M. le président ; j'observe simplement qu'il est parlé, dans cet article, de remplaçants et de substituants, alors que la question de principe, en ce qui les concerne, n'est pas encore résolue.

MfFOµ. - Nous avons posé la question préalable.

MiPµ. - Je crois, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre des finances, que la proposition de M. Kervyn doit être formulée.

Je dois maintenant faire remarquer à M. Rogier que, pour satisfaire à son observation, nous n'avons pas besoin d'écarter tous les articles qui contiennent le mot « remplaçant ».

Si le remplacement n'est pas admis, il suffira de remplacer le mot.

M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.

MfFOµ. - Je voulais simplement rappeler que nous avions opposé la question préalable à la question dite de principe de M. Kervyn.

M. le président. - Jusqu'ici je n'avais pas entendu que la question préalable eût été posée.

Il est donc entendu qu'elle est posée.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'avais demandé la parole avant l'observation de M. le ministre des finances, et en présence de la déclaration beaucoup plus bienveillante de M. ministre de l'intérieur qui réservait la rédaction de tous les articles où se trouve le mot « remplaçant » en reportant la discussion au chapitre du remplacement.

J'étais disposé à accepter ce renvoi.

MfFOµ. - Vous êtes obligé de formuler votre système.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je ferais perdre le temps à la Chambre.

M. le président. - Retirez-vous votre proposition ?

M. Kervyn de Lettenhove. - Non, M. le président, je l'ajourne jusqu'au moment où nous serons arrivés à l'article du remplacement. Mais je me trouve dans une situation assez difficile.

Je n'ai pas voulu présenter d'observation sur l'article premier, parce qu'il me semblait que la question de l'exonération était une question de principe qui devait être résolue d'abord.

J'avais une observation essentielle à présenter : je voulais demander que dans l'article premier il y eût un changement de rédaction et qu'on mît : « Le recrutement de l'armée a lieu par des engagements volontaires et des appels annuels. »

Cela me paraissait important au point de vue des principes ; je. crois que la Chambre me permettra de dire pourquoi ce changement doit être introduit dans l'article.

MiPµ. - Nous sommes d'accord avec M. Kervyn qu'il n'y a rien de préjugé sur la question de la rémunération, et l'honorable membre serait dans son droit, s'il fait passer le principe de l'exonération, de faire revenir sur tous les articles qui ne seraient pas d'accord avec les articles qui auraient été adoptés par la Chambre. Mais je dois engager l'honorable membre à ne pas représenter une question de principe au titre du remplacement, mais à formuler un système en quelques articles que nous puissions discuter, dont il nous soit possible d'apprécier les avantages et les inconvénients.

M. Kervyn de Lettenhove. - La Chambre me permettra de m'expliquer à cet égard ; j'y attache une très grande importance.

M. le président. - Il paraît qu'il n'y a pas d'opposition à ce changement. Le gouvernement ne s'y oppose pas ; tout le monde paraît d'accord.

Mais je dois faire maintenant une observation, tant à l'honorable M. Kervyn qu'à la Chambre ; c'est que si nous postposons la question de principe qu'il a posée, nous nous trouverons immédiatement arrêtés à l'article 2 qui prévoit des remplaçants.

MiPµ. - Ce n'est qu'un mot ; si la Chambre décidait qu'il n'y aura plus de remplaçants, on supprimera ce mot au second vote ; de même qu'on introduirait, partout où il y a lieu, les mois « rengagés, exonérants », etc., si la Chambre admettait ces catégories de militaires.

M. Rogierµ. - Il en serait de même si l'on maintenait les substituants ?

MiPµ. - Evidemment.


M. le président. - Nous passons donc à la proposition de M. Thibaut.

M. Thibautµ. - J'espère que la Chambre s'associera à ma demande d'un rapport sur le point de savoir quel est, pendant la durée du service des miliciens, le temps consacré utilement à leur éducation militaire.

Quant à l’enquête parlementaire, je crois pouvoir y renoncer quant à présent. Je tiens à donner aussi à l'honorable général, qui dirige le département de la guerre, une preuve de confiance dans la sincérité des renseignements qu'il nous donnera. Je crois qu'en faisant procéder lui-même à cette enquête, M. le ministre acquerra la preuve que les anciens règlements dont il parlait hier devront cire modifiés à cause des perfectionnements apportés aux armes de guerre.

Du reste, je prends acte, dès maintenant, de la déclaration faite hier par M. le ministre de la guerre dans les termes suivants :

« On se trouve obligé de garder ces derniers (les miliciens) au moins deux ans sous les armes, afin que les anciens soldats puissent servir d'exemple, de conseils et de guides aux nouveaux arrivés. »

Il en résulte que les miliciens ont achevé leur éducation personnelle dans la première année. On ne les garde plus longtemps sous les armes que pour servir d'exemple et de guides aux autres.

MgRµ. - Le ministre de la guerre ne peut pas se refuser à ce que demande l'honorable membre ; il sera toujours prêt à donner à la Chambre tous les renseignements qu'elle pourrait désirer sur tout ce qui concerne son département.

Le rapport que l'honorable M. Thibaut m'a demandé sur la durée du temps de service nécessaire sera fait, et je le soumettrai à la Chambre.

M. Thibautµ. - J'abandonne donc ma proposition.

M. Vleminckxµ. - Il me semble qu'en attendant le rapport que M. le ministre de. la guerre nous promet, il pourrait dès à présent s'expliquer sur une question qui a également rapport au temps de service ; il s'agit des observations que l'honorable M. Couvreur a présentées dans ses deux discours.

M. le président. - Vous allez rentrer dans la discussion générale.

M. Vleminckxµ. - Il s'agit de la durée du service.

M. le président. - Je devrais mettre aux voix la. proposition de M. Thibaut puisqu'elle existait encore. Maintenant elle est retirée. Vous rentrez dans la discussion.

M. Vleminckxµ. - Je ne savais pas que la proposition fût retirée.

M. le président. - Il ne reste donc qu'à voter sur la proposition du gouvernement, amendée par M. Kervyn. Elle est ainsi conçue :

« Le recrutement de l'armée a lieu par des engagements volontaires et par des appels annuels. »

M. Muller, rapporteurµ. - C'est un amendement. Je demande à pouvoir m'expliquer.

M. le président. - Alors, la parole doit être donnée à M. Kervyn.. On était d'accord sur la rédaction.

M. Muller, rapporteurµ. - L'honorable M. Kervyn s'en expliqué à cet égard ; je voulais seulement dire quel motif avait déterminé la section centrale à rédiger l'article premier comme elle l'a fait.

- Des membres. - C'est dans le rapport.

M. Mullerµ. - M. le président, je n'insiste pas.

- L'article premier du gouvernement, tel qu'il est amendé par M. Kervyn de Lettenhove, est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je dois faire remarquer à la Chambre qu'hier il avait été entendu que pendant la dernière heure de la séance d'aujourd'hui, on s'occuperait de pétitions. La Chambre maintient-elle cette décision ou entend-elle continuer la discussion de la loi sur la milice ?

- Après une double épreuve par assis et levé, la Chambre décide que la discussion de. la loi sur la milice continue.

Article 2

M. le président. - On est arrivé à l'article 2.

« Art. 2. La durée du service des hommes appelés annuellement est fixée à huit années, qui prennent cours à dater du 1er octobre de l'année de l'incorporation.

« Toutefois, le compte des miliciens et des remplaçants à la masse d'habillement de leur corps ne sera apuré qu'à l'expiration des deux années qui suivront leur libération. »

M. Kervyn de Lettenhove. - Je désirerais savoir de M. le ministre de la guerre s'il est complètement impossible de faire apurer le compte des miliciens à l'époque même de leur libération, sans attendre l'expiration des deux années qui la suivent. Cette incertitude me paraît avoir beaucoup d'inconvénients.

(page 942) M. le président. - La parole est à M. Julliot pour développer l’amendement qu'il a déposé à l'article 2 et qui est ainsi conçu :

« A moins de motifs urgents, la réunion des troupes au camp ne peut avoir lieu du 15 juillet au 1er octobre. »

M. Julliot. - Messieurs, les nombreuses tentatives faîtes pour découvrir un système de recrutement irréprochable reposent toutes sur la même idée, fort répandue dans le pays, à savoir : que notre établissement militaire s'étend trop et devient trop lourd à supporter, eu égard à la mission inoffensive et neutre qui lui est dévolue ; ce n'est que cela et une réaction fâcheuse peut-être, tôt ou tard, est à craindre.

Moi, je n'invente rien, mais je cherche à modifier dans ce qui est, un emploi intempestif de notre milice, parce qu'il nous cause une perte inutile, mais très considérable.

Et comme partisan de l'armée, j'engage le gouvernement à céder sous ce rapport, parce que, quand on refuse les demandes nécessaires, raisonnables, on nuit au principe même ; car le public finit par confondre le nécessaire avec ce qui ne l'est pas ; ce que je veux éviter. Le gouvernement ne soutiendra pas, par exemple, que la réunion au camp est impossible au moins de juin, car la France réunit ses camps vers cette époque. Et j'espère que ce langage peut être admis au point de vue du gouvernement comme de l'armée et surtout des besoins de la société devant lesquels nous devons nous incliner quand nous le pouvons, sans affaiblir le maintien de l'ordre.

Voici la position.

Il y a un demi-siècle, un tiers de nos terres restait en friche, les autres exigeaient peu de travail ; la propriété était moins divisée qu'aujourd'hui ; les ouvriers à la journée étant nombreux, le travail était très offert, parce que ces hommes restaient dans leur village, et, dans ces conditions, l'appel au camp de quelques-uns ne nuisait en rien au travail des champs.

Aujourd'hui par le progrès en toutes choses, le nombre de propriétaires ayant doublé, les ouvriers disponibles ont diminué en proportion ; la terre demande trois fois autant de travail, et les industries extractives, métallurgiques et manufacturières ont enlevé de nos campagnes belges 30,000 ouvriers des plus forts, auxquels, en attendant, on enseigne la théorie de l'Internationale et l'exercice de la grève.

Voilà notre bilan.

Or, le gouvernement, qui aime l'agriculture au point de lui donner un million, doit se modifier d'après les faits nouveaux qui se produisent ; il doit s'arranger de manière à ne pas prélever l'impôt le plus lourd sur notre travail en nous retirant nos hommes au moment de notre travail le plus actif de l'année ; c'est presque de l'hostilité.

M. Jouretµ. - Mais voyez ce qui se fait en France.

M. Thonissenµ. - Eh bien, en France, il y a deux camps réunis en ce moment.

M. Julliot. - Assez comme cela, mais le mal cessera du moment que le gouvernement voudra examiner de près la situation qui nous est faite.

Le but de mon amendement est donc d'empêcher qu'on n'appelle nos travailleurs au camp, à l'époque de l'année où ils sont indispensables à la moisson et à la semaille. (Interruption.)

Je n'ai pas compris. Les développements entiers de cette proposition se trouvent dans mon discours sur le dernier budget de la guerre.

Mais alors M. le ministre de la guerre m'a répondu par une fin de non-recevoir.

Or, ma cause est trop juste et trop belle pour que je me tienne pour battu.

Je revendique le droit, non pas au travail, qui est de l'école socialiste, mais le droit du travail pour l'industrie la plus importante du pays.

Et je reviendrai à propos et hors propos à cette question, jusqu'à ce que justice s'ensuive.

Je ferai là-dessus un discours par semaine s'il le faut.

- Une voix. - Oh ! oh !

M. Julliot. - Vous les aurez. Je résumerai donc en peu de mots les développements de mon amendement, en veillant à mes expressions, pour que M. le ministre de l'intérieur, qui ne voit autour de lui que des socialistes, ne me traite pas, comme il l'a fait à tort pour mon ami M. Vermeire ; je dis à tort, car en menant ces deux économistes en balance, on pourrait juger d'après les apparences que c'est le plateau de M. le ministre qui s'élèverait.

Avant la loi de 1868, on appelait les miliciens de la dernière levée le 1er mai pour les conduire au camp fin d'août-septembre.

Donc au bout de trois à quatre mois, on les trouvait aptes à prendre part aux exercices du camp.

D'après le projet que nous discutons, l'appel sous les drapeaux se fera le 1er octobre.

Or, ces miliciens passeraient dix à onze mois au dépôt ou au régiment avant leur apparition au camp.

Et si l'exercice du camp est nécessaire pour préparer le soldat au métier des armes, ces hommes perdront inutilement plusieurs mois avant de se compléter.

Je me demande donc pourquoi, quand on modifie profondément l'époque de l'appel sous les drapeaux, on ne modifierait pas l'époque de la réunion au camp.

Car, en tenant compte du calcul de M. le ministre des mois nécessaires à l'instruction du soldat, la réunion au camp au 1er mai répond aux exigences de l'instruction.

Messieurs, quand on se borne à deviner, on n'est jamais indiscret, et je présume que les autorités civiles haut placées sont d'avis que cette loi, odieuse quoi qu'on en dise, doit être adoucie au lieu d'être aggravée quand on le peut sans nuire en réalité à notre établissement militaire.

Je devine encore que si un certain titulaire de ce portefeuille l'avait conservé plus longtemps, mon système serait en fonction au moment même où je vous en parle.

Toutes ces choses je les présume, mais ma présomption est si robuste qu'elle touche à la certitude.

Messieurs, en adoptant mon amendement, on laisse donc à M. le ministre de la guerre, neuf à dix mois pour réunir ses troupes au camp, et il me semble que cela suffit, car les mois de mai et juin sont les meilleurs de l'année ; mais je proteste contre le choix des mois d'août et de septembre.

Car, priver les champs des bras laborieux pendant l'époque la plus besogneuse de l'année, c'est impolitique, antiéconomique et vexatoire.

Que s'est-il passé l'année dernière ? C'est curieux, on a appelé les classes de six à sept ans, puis les représentants s'en sont mêlés, les autorités qui réclamaient haut et ferme ont gardé leurs miliciens et les timides ont vu marcher les leurs.

Je suis un complice, car à la suite d'une lettre de douloureuse et respectueuse. protestation que j'ai écrite, j'ai gardé les miens, et le voisin a dû lâcher les siens. Ils étaient de 1865.

Messieurs, j'ai de notre belle et grande armée une brillante idée, je crois à son dévouement et à sa bravoure, et je bénis le ciel de ce que jusqu'à ce jour elle ait pu se borner au maintien de l'ordre, à des inspections, des revues et des parades dans les cérémonies publiques.

J'espère même qu'elle conservera encore longtemps ce rôle inoffensif, très heureux pour le pays.

Je crois encore au talent et à l'esprit chevaleresque de M. le ministre de la guerre, mais ce que je ne pardonne pas à l'honorable général, c'est qu'à défaut d'ennemi rangé en bataille, il veut continuer à faire la guerre aux paysans.

Car, c'est nous faire la guerre que de nous enlever nos travailleurs au moment même où ils nous sont indispensables.

Ce procédé qui pèse sur tous les villages belges favorise les tendances au suffrage universel, c'est de l'huile dans la lampe de MM. Le Hardy et Coomans, dont la fumée incommodera tôt ou tard le gouvernement.

Ces deux millions de paysans qui ne sont pas la portion la moins honnête de notre population, ont des droits à être ménagés dans leur pénible travail ; ils ne demandent pas de faveur, mais ils sont en droit d'exiger qu'on leur épargne une vexation qui peut être évitée, car elle est inutile.

Je ne suis pas suspect de démagogie, car j'ai bravé l'impopularité du budget de la guerre à l'époque où il était le plus impopulaire, parce qu'il était battu en brèche par les hommes politiques les plus considérables du pays. Beaucoup d'entre vous doivent s'en souvenir avec moi.

D'ailleurs, un argument auquel il n'y a rien à répondre, c'est que la France militaire ménage le travail de la terre, car elle tient ses camps en dehors du temps de la moisson.

Le camp de Châlons est réuni en ce moment ; donc ce que l'on peut en France, on doit le pouvoir ici ; car le climat de Châlons ressemble au nôtre.

Un second camp est réuni en octobre, je le sais pour l'avoir vu il y a quelques années. Or, M. le ministre de la guerre ne dérogera pas à la science ni à l'esprit militaire, en imitant l'empereur, qui doit s'y connaître.

Il ne sera pas dit que la corvée militaire continuera à être plus lourde dans les campagnes de la Belgique neutre et pacifique, qu'elle ne l'est dans celles de la France militaire et souvent conquérante.

Je maintiens donc mon amendement et je fais appel à tous ceux qui représentent plus spécialement la terre et ses travailleurs.

(page 943) Cette question du travail agricole me semble capitale ; j'engage les paysans à sonder à cet égard les candidats aux élections futures, et je me mets à leur disposition pour démontrer que, si on veut les laisser au travail de la moisson, on le peut sans le moindre inconvénient. Cette question est bien plus importante pour eux que toutes celles dont on les amuse en subsidiant des agapes qui ne rapportent rien.

Messieurs, si je suis jusqu'à ce jour avec M. le ministre des finances, pour refuser le vote à ces masses, je suis avec M. Le Hardy de Beaulieu quand il dit que nous sommes les tuteurs de ces travailleurs, et que si nous leur refusons le soulagement dans la corvée militaire que nous pouvons, sans nuire, leur accorder, nous sommes indignes de la confiance dont nous sommes honorés.

Je demande donc qu'on réunisse le camp en mai ou juin et qu'on laisse le laboureur à son travail pour la moisson et les semailles.

- L'amendement de. M. Julliot est appuyé.

M. le président. - M. Mouton, rappelé chez lui pour une affaire très urgente, demande un congé de quelques jours.

- Ce congé est accordé.

MgRµ. - Je ne puis laisser sans réponse quelques-unes des observations de l'honorable M. Julliot.

L'honorable membre m'accuse d'avoir été d'une partialité extrême, lors du dernier rappel des miliciens pour le camp ; il prétend que les bourgmestres qui avaient mis de la ténacité dans leurs réclamations avaient conservé dans leurs foyers les miliciens de leur commune, que ceux qui n'avaient sollicité qu'avec mollesse s'étaient vu refuser pareille faveur. Or, voici la vérité.

Les deux plus anciennes classes de milice ont été rappelées ; elles renfermaient un assez grand nombre d'hommes mariés.

Ces classes devant être prochainement licenciées et les mariés ne pouvant plus être rappelés sous les drapeaux, j'ai cru faire acte de justice et d'équité en me montrant très large dans les concessions qu'on réclamait pour cette catégorie de miliciens, et je me suis empressé d'accorder les dispenses de rappel que les bourgmestres me demandaient pour eux.

M. Thibautµ. - Vous auriez dû prévenir par une circulaire tous les bourgmestres que. les hommes mariés pouvaient obtenir des exemptions.

MgRµ. - Je n'avais pas à provoquer des exemptions. Mon droit était de rappeler les classes sans distinction de personnes. Mais lorsqu'on m'a demandé des exemptions pour les hommes mariés, en les légitimant par de bonnes raisons, je n'ai pas cru devoir les refuser.

(erratum, page 944) Du reste, la sixième et la huitième classes seront rappelées cette année ; je suivrai encore la même voie et j'exempterai les hommes mariés puisque, six mois plus tard, ils seront exempts de tout service de par la loi.

L'honorable membre a parlé des camps en France. Il oublie, messieurs, que dans tous les pays, le campement se fait dans l'arrière-saison.

En France, les camps se prolongeaient jusque vers la fin de septembre et même, jusque, dans les premiers jours d'octobre. Ils duraient environ cinq mois et fatiguaient beaucoup l'armée. Pour éviter cet inconvénient, le gouvernement a résolu de faire deux périodes de campement distinctes, l'une du 15 mai au 15 juin et la seconde du 15 juillet au 15 septembre, c'est-à-dire en pleine moisson.

Les bataillons français n'ont pas besoin, comme les nôtres, d'être complétés par un rappel de miliciens lorsque arrive la période d'instruction. Ils ont un effectif régulier de 600 à 700 hommes, tandis que les bataillons belges ne renferment souvent que deux classes de milice, comptant de 350 à 400 hommes.

Voilà pourquoi la France ne rappelle pas les anciennes classes. Si l'honorable membre veut me donner les effectifs français, je consens volontiers à laisser chez eux les miliciens qui ont deux années de service.

Je ferai remarquer à l'honorable membre que, cette année surtout, il a tort de nous accuser de dépeupler les campagnes, attendu que la presque totalité du contingent a été renvoyée provisoirement dans ses foyers et qu'ainsi, au lieu d'avoir trois classes sous les armes, nous n'en avons que deux.

Les miliciens destinés à l'artillerie de siège ont seuls été maintenus sous les drapeaux parce que, cette arme ayant été doublée, il était nécessaire de consolider les cadres.

L'année prochaine, les miliciens de l'artillerie de siège seront incorporés, comme l'infanterie, le Ier octobre.

Les recrues passent 3 mois à l'école du soldat, 3 mois à l'école de compagnie ; puis on leur enseigne l'école de bataillon. (Interruption.)

Il leur reste à faire l'école de régiment, et c'est alors seulement qu'ils peuvent assister avec fruit aux manœuvres des camps.

Sera-t-il possible de fixer la période du campement du mois de juin au mois d'août ? C'est, ce que j'examinerai volontiers. Nous avons choisi le mois de septembre, parce que, généralement, la moisson est faite à cette époque.

Maintenant si, du 15 juin au 15 juillet... (Interruptions diverses.) Les honorables membres qui m'interrompent ne me paraissent pas d'accord sur le mois à choisir... (Nouvelle interruption,)

Il faudrait cependant s'entendre ; c'est, du reste, une question que j'examinerai et je ferai, messieurs, tout ce qui est en mon pouvoir pour que les intérêts de l'armée ne nuisent pas à ceux de l'agriculture.

M. le président. - M. le ministre, quelle est la date que vous proposez d'insérer dans l'article ?

MgRµ. - Le 1er octobre.

Je dois répondre encore à une observation de l'honorable M. Kervyn relativement au compte des hommes de la 8ème classe.

La loi dit que le compte des miliciens et remplaçants ne sera apuré que deux ans après l'expiration des huit ans de service. Cela oblige à conserver les effets de ces hommes pendant deux années et permet ainsi de rappeler, en cas d'événements graves, les neuvième et dixième classes de milice.

On avait espéré pouvoir par ce moyen porter l'effectif total de l'armée à 100,000 hommes, y compris les volontaires ; mais cette prévision ne s'est pas réalisée.

Nous avons été obligés, pour atteindre cet effectif de 100,000 hommes, de porter le contingent annuel à 12,000 hommes, et comme ce n'est que dans un certain nombre d'années que l'augmentation du contingent produira l'effet voulu, nous sommes obligés, en attendant, de maintenir la disposition de la loi d'organisation de 1853 qui permet de rappeler, en cas de danger, les hommes des classes libérées.

Quant aux 10,000 hommes de réserve qui servent 7 mois, ils sont destinés aux cinquièmes bataillons qui resteront à Anvers.

Or, comme en temps de guerre ces hommes doivent être rappelés, il faut bien conserver leurs habillements aussi longtemps qu'ils sont dans le cas d'être rappelés.

Quant aux hommes mariés, je ne vois aucun inconvénient à régler leur compte à l'époque même de leur libération.

M. Coomans. - Messieurs, les observations de l'honorable M. Julliot me paraissent très justes et très modérément présentées.

Je viens les appuyer et je regrette de voir que l'honorable ministre de la guerre ne se montre pas disposé, à y faire droit. Je ne veux pas entrer dans l'examen des détails relatifs à l'instruction et à la discipline.

Peut-être l'honorable ministre a-t-il raison au point de vue où il se place,, mais celui où nous nous mettons n'est pas à dédaigner.

Remarquons, messieurs, que les sept huitièmes de l'armée se composent de miliciens ruraux. Il est de notoriété publique et démontré par la statistique que la plupart des substituants et des remplaçants sont des habitants des campagnes.

Donc le dommage apporté à l'exercice du travail est supporté, dans une proportion énorme et ruineuse, par les campagnes.

Et à quelle époque enlevez-vous cette grande quantité de main-d'œuvre à la Belgique rurale ?

A l'époque de la moisson.

Les grands travaux de la moisson se font en juillet, août et septembre, et c'est ce moment que vous choisissez pour les manœuvres militaires.

Le dommage qui en résulte est considérable à tous les points de vue. Il l'est aussi à un point de vue où beaucoup d'entre vous ont aimé à se placer l'autre jour, au point de vue du travail des femmes.

Quand les hommes manquent à la campagne, c'est généralement le cas en toutes saisons, mais particulièrement pendant les mois de juillet, août et septembre, quand les hommes manquent, dis-je, les femmes sont bien forcées de les remplacer. C'est ainsi que j'ai vu souvent, avec une peine profonde, des femmes vouées à des labeurs au-dessus de leurs forces.

Cela est-il juste, moral ? En obligeant des femmes, que leur âge parfois rend impropres à de durs labeurs, à remplacer des hommes, vous froissez à la fois l'équité et l'hygiène.

Peut-être y aurait-il quelque inconvénient à supprimer les manœuvres pendant ces mois, mais cet inconvénient est bien moindre que celui que nous signalons.

Une remarque encore : elle est grave ; c'est que pendant ces trois mois où les bras sont si demandés, la main-d'œuvre vaut à peu près le double de ce qu'elle vaut en temps ordinaire ; c'est-à-dire que vous causez un (page 944) dommage double au milicien que vous rappelez sous les armes. Au lieu de lui faire perdre 1 fr. 50 c.,2 fr., vous lui faites perdre 3 fr. et jusqu'à 4 fr.

Il n'y a pas d'abus plus grave à mon sens que celui contre lequel nous protestons en ce moment. Si, en thèse générale, nous avons raison de flétrir la conscription, nous avons bien plus raison dans ce cas particulier. J'ai vu, l'année dernière encore, des soldats, qui avaient déjà largement payé ce qu'on appelle leur dette à la patrie, arrachés à une besogne qui leur rapportait 4 fr. par jour.

Et puis, messieurs, au point de vue de l'alimentation publique, n'est-il pas d'un grand intérêt de permettre de rentrer à temps les fruits de la terre et n'a-t-on pas constaté souvent qu'un jour de retard occasionne à nos cultivateurs un dommage considérable ?

En conséquence, messieurs, j'insiste pour que l'abus dont nous parlons vienne à cesser. S'il doit en résulter quelque inconvénient, qu'on tâche d'y parer d'une manière équitable.

M. Julliot. - En présence des bonnes intentions manifestées par M. le ministre de la guerre, intentions qui donneront par leur application, j'espère, les résultats que nous en attendons et espérant que M. le ministre comprendra qu'il est indispensable de nous laisser nos travailleurs depuis le 15 juillet au 15 septembre, je me réserve d'y revenir à la session prochaine si cette satisfaction ne nous était pas donnée et je retire mon amendement.

M. le président. - L'amendement de M. Julliot est retiré ; il n'y a donc plus d'amendement à l'article 2, qui reste ainsi conçu :

« La durée du service des hommes appelés annuellement est fixée à huit années, qui prennent cours à dater du 1er octobre de l'année de l'incorporation.

a Toutefois, le compte des miliciens et des remplaçants à la masse d'habillement de leur corps ne sera apuré qu'à l'expiration des deux années qui suivront leur libération. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. En cas de guerre ou lorsque le territoire est menacé, le Roi peut rappeler à l'activité tel nombre de classes congédiées qu'il juge utile, en commençant par la dernière.

« Il est immédiatement rendu compte de cette mesure aux Chambres. »

M. Van Humbeeck. - La loi de 1853 donnait au Roi la faculté de rappeler des classes congédiées en cas de guerre ou lorsque le territoire était menacé. Cette faculté était illimitée ; mais la loi de 1853 avait eu soin de dire que cette faculté n'était consacrée qu'en attendant la révision des lois de milice.

Aujourd'hui le projet de loi nous reporte textuellement à la disposition de la loi de 1853, niais en lui enlevant son caractère transitoire. Cependant, messieurs, dans l'intervalle, il s'est passé un fait dont vous avez gardé le souvenir, car il est encore récent.

Nous avons augmenté le contingent, parce qu'on a reconnu que l'expédient consacré par la loi de 1853 était à la fois peu juste et peu pratique. Peu juste, parce qu'il était d'une rigueur extrême, parce qu'il consacrait, en certain cas, le principe du service à vie, principe qui n'a reçu d'application qu'en Russie, et dont la Russie ne veut même plus aujourd'hui. Peu pratique, parce qu'il était difficile de trouver des classes libérées au delà des deux premières, de les recomposer et d'amener rapidement les hommes sous les drapeaux.

Ce système présentait donc des inconvénients sérieux, aujourd'hui surtout que la nécessité d'une prompte mobilisation est universellement reconnue.

On ne pouvait pas supprimer la faculté, immédiatement ; il fallait que le contingent augmenté, eût fonctionné pendant quelques années. C'est ce que j'ai reconnu moi-même dans mon rapport de l'année dernière sur l’une de nos lois militaires ; l'honorable rapporteur de la section centrale a bien voulu mentionner mes paroles sur ce point dans son travail. Mais, d'un autre côté, il me paraît impossible aussi de maintenir dans la loi, d'une manière illimitée et définitive, la faculté du rappel sous les armes, tandis que jusqu'à présent elle n'a jamais eu qu'un caractère provisoire.

Le contingent augmenté devra fonctionner pendant quelques années avant qu'on puisse supprimer la faculté du rappel, mais ce nombre d'années peut être facilement calculé.

On a toujours pensé que dix contingents de 10,000 hommes devaient nous donner cent mille hommes ; or, il a été reconnu que ces calculs étaient erronés, qu'il y avait des déchets considérables.

Mais dix contingents de 12,000 hommes nous donneront certainement l'effectif de 100,000 hommes et dès lors on ne méconnaîtrait en rien les exigences de la défense nationale, en donnant à l'article 3 du projet de loi un caractère transitoire, en ce sens qu'il cesserait d'être en vigueur au 1er janvier 1880.

J'ai l'honneur de soumettre à la Chambre un amendement rédigé dans ce sens.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Van Humbeeck :

« Ajouter à l'article 3 le paragraphe suivant :

« La disposition du présent article ne restera en vigueur que jusqu'au 1er janvier 1880. »

- L'amendement est appuyé.

M. Muller, rapporteurµ. - Il résulte des explications que j'ai données à la section centrale que sa pensée est exactement celle de l'honorable M. Van Humbeeck. Seulement nous n'avons pas proposé d'amendement dans ce sens parce que, quand cet article a été définitivement adopté, M. le ministre de la guerre était dans un état de maladie qui ne lui permettait pas de donner des explications à la section centrale.

MgRµ. - Le gouvernement n'a aucune raison de ne pas accepter l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck. Il est certain que les 12,000 hommes de contingent nous garantissent un effectif total de 100,000 mille hommes et que dès lors l'expédient introduit dans la loi de 1853 n'aura plus de raison d'être pour l'époque fixée par l'honorable membre.

- L'article 3, avec la disposition additionnelle proposé par M. Van Humbeeck et à laquelle le gouvernement s'est rallié, est mis aux voix et adopté dans son ensemble.

Article 4

« Art. 4. Dans les cas prévus par l'article précédent, sont dispensés du rappel :

« 1° Les hommes mariés ;

« 2° Ceux dont la première publication de mariage a été affichée avant l'ordre de rappel, pourvu que le mariage s'ensuive dans les vingt jours ;

« 3" Les veufs qui ont un ou plusieurs enfants de leur mariage. »

- Adopté.

Projet de loi d’organisation judiciaire

Rapport de la commission

M. Dupontµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale qui a examiné les amendements introduits par le Sénat dans le projet de loi sur l'organisation judiciaire.

- Impression, distribution, et mise à la suite de l'ordre du jour.

La suite de la discussion des articles du projet de loi sur la milice est remise à demain à une heure.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.