(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)
(Présidence de M. Crombez, deuxième vice-présidentµ.)
(page 775) M. de Coninck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
Il présente ensuite l'analyse suivante, des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Vanloo prie la Chambre de décider que les militaires accusés de voies de fait envers des personnes civiles seront, à l'avenir, jugés par les tribunaux ordinaires. ».
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Leroux demande que les concessionnaires du chemin de fer des Plateaux de Herve soient obligés de construire une section de chemin de fer se reliant à l'ensemble des voies projetées et desservant les localités dont il fait mention. »
- Même renvoi.
« Les secrétaires communaux du canton de Beeringen prient la Chambre de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la position des secrétaires communaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions analogues.
« Par deux pétitions, des commerçants de Bruxelles présentent des observations sur le projet de loi relatif aux protêts. »
« Mêmes observations de négociants à Ixelles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des huissiers à Anvers, Bruxelles, Liège, Gand, Louvain, Tournai, Furnes, Malines, Ypres, Tongres, Termonde, Namur et Nivelles demandent que l'article premier du projet de loi sur les protêts, présenté par la commission soit remplacé par l'article 6, et qu'il leur soit alloué une augmentation pour les frais du protêt. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Par 17 messages, en date du 21 avril, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté autant de projets de loi de naturalisation ordinaire. »
- Pris pour notification.
« M. Ansiau, obligé de s'absenter pour affaires urgentes. Et M. Braconier, retenu chez l-i par une indisposition, demandent un congé. »
— Accordé.
M. Maghermanµ. - Je viens entretenir un instant la Chambre du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, dont il a déjà été question dans les séances précédentes.
Comme vous l'a dit, messieurs, l'honorable M. Jouret, la section de ce chemin de fer entre Renaix et Courtrai est exécutée et prête à être livrée à l'exploitation. On s'attendait à voir commencer un service régulier entre ces deux villes, d'abord le 1er, ensuite le 15 de ce mois. Il n'en a rien été, et j'ignore quand l'ouverture de cette ligne aura lieu. Il en résulte un grand préjudice pour les relations de la ville de Renaix avec la Flandre occidentale.
En effet, la Société générale d'exploitation, qui est appelée à desservir cette ligne, dans la prévision de sa prochaine ouverture, a réglé ses convois entre Courtrai et Audenarde, principalement en vue des rapports de la Flandre occidentale avec Denderleeuw et Bruxelles. Ces trains doivent nécessairement arriver à Denderleeuw avant le passage à cet endroit des trains de l'Etat partant de Gand pour Bruxelles. D'un autre côté, les convois partant de Gand vers Saint-Ghislain sont combinés de manière qu'arrivés à Leuze, les voyageurs puissent entrer dans les trains de l'Etat se dirigeant soit vers Tournai, soit vers Bruxelles. Cette double combinaison a pour effet que les trains de la première ligne, c'est-à-dire de la Flandre occidentale vers Denderleeuw passent à Audenarde le soir à 7 h. 40 m., soit 23 minutes après le passage à la station de cette ville du dernier train de Gand vers Saint-Ghislain.
Les voyageurs de la Flandre occidentale ne peuvent donc plus arriver a Renaix, ni dans aucune localité située sur la partie du chemin de fer Hainaut et Flandre au sud d'Audenarde, après le départ de Courtrai du train de 1 h. 20 m.
Il en est de même si l'on se dirige de Courtrai vers Renaix par Mouscron et Tournai ; en parlant de Courtrai à 5 heures 24 minutes du soir, on n'arrive à Leuze qu'à 7 heures 28 minutes, près d'une heure et demie après le passage du dernier train de Saint-Ghislain vers Gand.
Il résulte de cet état de choses que, quoique les villes de Renaix et de Courtrai ne soient distantes l'une de l'autre que de 25 kilomètres, il est cependant impossible pour un habitant de Renaix de se rendre à Courtrai, de s'y arrêter quelques heures pour ses affaires et de rentrer le soir chez lui.
L'ouverture de la ligne de Renaix à Courtrai est appelée à mettre un terme à cette fâcheuse situation. Je prie l'honorable ministre des travaux publics de la permettre le plus tôt possible, et de vouloir indiquer l'époque à laquelle elle aura lieu.
L'honorable M. Jouret a présenté une critique assez acerbe de la manière d'agir de la compagnie qui a entrepris la construction du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai.
A l'entendre, cette compagnie chercherait à éluder ses obligations. Si cela était, je serais des premiers à engager le gouvernement à tenir la main, même avec sévérité, à ce que la compagnie concessionnaire exécute loyalement son contrat.
Toutefois, je ne partage pas les appréhensions de l'honorable membre : les travaux sur la section de Courtrai à Renaix ont marché avec beaucoup de célérité et j'espère qu'il en sera de même pour le restant de la ligne.
A la vérité, la reprise des travaux sur la section de Renaix à Lessines éprouve quelque retard ; mais cela tient à des raisons que l'honorable membre a indiquées lui-même.
Les travaux sur cette section ont été entamés entre Renaix et Ellezelles, il y a deux ans : alors il s'agissait de construire un tunnel pour traverser la crête de partage qui sépare ces deux communes. Depuis lors, ce tunnel a été abandonné, et l'on a étudié un nouveau plan qui permet de franchir les hauteurs qui séparent ces deux localités au moyen d'une tranchée à ciel ouvert.
Si le retard que ce changement a nécessité permet d'éviter le tunnel projeté en premier lieu, nous n'aurons qu'à nous féliciter, car ces passages souterrains présentent toujours certains inconvénients. L'on sait qu'il a déjà été question à diverses reprises dans cette enceinte de la suppression du tunnel de Braine-le-Comte.
Un changement de direction amène toujours quelques réclamations de la part des localités qui se trouvent plus éloignées du nouveau tracé. Mais il faut avant tout considérer si l'intérêt général n'y trouve pas son compte.
L'honorable M. Jouret a vivement critiqué l'intention des concessionnaires de faire aboutir le chemin de fer de Courtrai vers Braine-le-Comte, à la station de Gammerages sur la ligne de Gand à Braine-le-Comte, au lieu d'aboutir à Bassilly sur la ligne d'Ath à Hal. Il voit là en quelque sorte une violation de l'acte de concession.
Je ne partage pas en cela l'avis de l'honorable membre ; l'acte de concession, qui remonte à 1856, n'indique comme passage obligé aucune des localités qu'il a citées.
Il y a plus : d'après le projet primitif de l'ingénieur Tarte, la ville de Lessines n'était pas même sur le passage de cette voie ferrée ; c'était aux Acren qu'elle devait franchir la Dendre, laissant la ville de Lessines assez loin à la droite.
Pour moi, j'ai été heureux de la modification qui a fixé le passage par Lessines ; à mon avis, c'eût été une faute de négliger un centre d'affaires de cette importance.
Je pense qu'au point de vue de l'intérêt général le changement d'aboutissant que je viens d'indiquer n'a pas de quoi nous émouvoir. Car des deux côtés, la distance à parcourir pour parvenir à Enghien est la même ; des deux côtés, il y a des populations qui méritent un égal intérêt, et quant à des droits acquis, il n'y en a d'aucun côté. Je sais bien que pour les populations qui ont un instant l'espoir d'être reliées au chemin de fer, la déception n'est pas agréable ; mais il ne suffit pas de la plantation d'un jalon ou d'un trait sur une carte, pour qu'elles puissent crier à la violation d'un droit acquis.
J'espère que le gouvernement examinera, avec beaucoup de soin et d'impartialité, la valeur des modifications qui lui sont soumises. J'engage l'honorable ministre à faire cet examen avec promptitude, afin que les travaux puissent être entamés bientôt sur la deuxième section, et si la compagnie concessionnaire exécute les travaux sur cette partie de la ligne (page 776) avec la même célérité que sur la première partie, je n'aurai que des félicitations à lui adresser.
Je pense, du reste, que l'honorable ministre des travaux publics ne devrait en aucun cas soumettre ces modifications à la législature, car la loi de concession du 28 mai 1856 n'indique d'autres points de passage obligé que la ville d'Enghien, et les plans soumis au gouvernement respectent parfaitement les prescriptions de la loi.
Saisir de nouveau la législature de cette question, ne pourrait qu'entraîner une perte de temps considérable, au détriment des populations qui sont appelées à jouir des bienfaits de cette nouvelle voie de communication.
J'ai entendu, à la séance d'hier, avec beaucoup de plaisir, l'honorable ministre des travaux publics définir le vrai but des chemins de fer vicinaux. C'est, a-t-il dit, de relier au réseau des grandes voies ferrées des localités importantes restées jusqu'à ce jour à l'écart.
L'arrondissement d'Audenarde, auquel je dois l'honneur de siéger dans cette enceinte, n'a pas dans sa circonscription un mètre de chemin de fer construit par l'Etat ; il a été longtemps privé de cet admirable moyen de locomotion. Aujourd'hui, grâce à sa situation avantageuse, à la densité de sa population et à sa richesse, l'industrie privée l'a doté de chemins de fer dans de nombreuses directions. Il y reste cependant deux chefs-lieux de canton importants qui ne jouissent pas encore d'un pareil avantage et qui souffrent considérablement de cet isolement : ce sont les communes de Cruyshautem et de Nederbrakel.
Un arrêté royal de date récente a accordé la concession d'un chemin de fer vicinal partant d'Audenarde par Deynze et Eecloo vers la frontière zélandaise. Ce chemin de fer rencontre naturellement sur son parcours la grande commune de Cruyshautem qui a une population qui dépasse 6,000 âmes, un aggloméré remarquable, et est le siège de plusieurs industries. Cette commune n'est cependant pas indiquée dans l'acte de concession comme passage obligé du chemin de fer vicinal que je viens de mentionner. La commune de Cruyshautem a déjà eu, à diverses reprises, des chances qu'elle croyait certaines de se voir rattachée à un chemin de fer et chaque fois elles les a vues disparaître comme une fumée.
Si cette dernière chance devait lui échapper encore, non seulement il ne resterait aucun espoir de s'y voir rattacher à l'avenir, mais de plus elle se verrait privée de l'avantage des messageries et des malles-poste qui circulent aujourd'hui sur les chaussées qui la traversent. Je prie donc instamment l'honorable ministre des travaux publics, conformément au principe qu'il a émis en matière de chemins de fer vicinaux, de veiller à ce que les plans du chemin de fer d'Audenarde vers la frontière zélandaise, lorsqu'ils lui seront soumis, en fixent le passage par Cruyshautem et y établissent une station à portée de l'aggloméré.
Quant à la commune de Nederbrakel, qui est aussi très importante par sa population et son industrie, j'espère que l'honorable ministre saisira l'occasion la plus favorable qui pourra se présenter pour la relier, par une combinaison quelconque, à l'un ou à l'autre des chemins de fer qui l'entourent.
M. de Coninckµ. - Messieurs, deux mots pour rappeler à l'attention de M. le ministre des travaux publics le mauvais état d'un passage d'eau de l'Yser à l'endroit dit : le Peereboom. Par suite de l'exhaussement des digues de l'Yser, ce passage qui se fait au moyen d'un bac, d'un ponton, est devenu complètement impraticable. Depuis le mois d'octobre dernier, il est même interrompu ; ce qui cause de graves inconvénients et même de sérieux accidents.
Les conducteurs de bestiaux les plus expérimentés redoutent le passage de l'Yser au moyen de ce bac pour le bétail et souvent sont forcés de faire passer leurs troupeaux à la nage ; les voyageurs sont obligés de descendre de voiture et de continuer la route à pied, et, cette année-ci même, la voiture du bourgmestre de Reninghe a sombré au beau milieu de la rivière. Ajoutez qu'on est encore obligé de payer pour se servir de ce méchant bac, perception d'autant plus injuste aujourd'hui que les barrières sont supprimées.
Voilà vingt ans que nous demandons la construction d'un pont sur l'Yser à l'endroit dit : le Peereboom, où les communications d'une rive à l'autre sont si considérables, que la location seule de ce bac rapporte six cents francs annuellement au gouvernement.
Je demande à M. le ministre des travaux publics de bien vouloir faire droit aux justes réclamations des habitants des arrondissements de Furnes, Ypres et Dixmude, en établissant un pont sur l'Yser à l'endroit dit : le Peereboom.
M. Woutersµ. - Depuis plusieurs années, nous n'avons cessé, mes honorables collègues et moi, de réclamer l'agrandissement de la station de Louvain.
Cette tâche est devenue aisée, aujourd'hui, que l'honorable ministre des travaux publics s'est déclaré convaincu, autant que nous, de l'utilité et de l'urgence de ce travail.
J'ai gardé bonne souvenance des paroles qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser l'an dernier, lors de la discussion générale du budget de son département.
Ne sachant, en effet, si je devais ou non me féliciter des améliorations qui étaient introduites dans l'aménagement du bâtiment des recettes, dans la crainte qu'elles n'eussent pour effet de prolonger encore le fâcheux état de choses dont nous nous plaignons, je fus tiré de peine et d'indécision par l'honorable ministre, dans des termes que je suis heureux de reproduire ici :
« N'hésitez pas, me dit-il, à vous féliciter, car ces travaux n'apporteront ni changement ni retard à l'exécution des projets arrêtés en principe, pour la station de Louvain, aussitôt que nous aurons à notre disposition les ressources nécessaires. »
Ces paroles si formelles et si rassurantes ne pouvaient manquer d'être accueillies avec faveur dans notre arrondissement. On y vit, dans un avenir rapproché, le gage d'une réparation complète de nos griefs. Je puis donc m'en autoriser aujourd'hui, pour demander à l'honorable ministre s'il ne croit pas que le moment soit venu de convertir les espérances en faits, et de faire enfin intervenir une solution définitive, sur la nécessité de laquelle le gouvernement est d'accord avec nous. Car chacun le reconnaît, la situation actuelle est tout à fait insuffisante, alors surtout que, par suite de l'établissement de lignes nouvelles, un mouvement considérable a été imprimé à la circulation des voyageurs et au trafic des marchandises.
Et pour ne citer qu'un fait, la seule ligne du Grand Central belge, dans ses rapports avec le railway de l'Etat, a amené en 1867 un nombre de 221,650 voyageurs dans la station de Louvain. Ce chiffre a même été dépassé, pour la période de 1868. L'ouverture de la ligne directe de Louvain sur Bruxelles, n'a pas peu contribué à étendre encore ce mouvement. Qu'en est-il résulté ? C'est que les installations sont devenues beaucoup trop étroites, les passages trop resserrés et les salles d'attente, malgré leur agrandissement, hors d'état de contenir l'affluence de monde qui s'y porte à certaines heures du jour.
Et, chose étrange, malgré nos vives et incessantes réclamations, les voyageurs sont encore obligés aujourd'hui, comme il y a trente ans, de traverser à découvert le long espace qui sépare les salles d'attente de l'endroit où se forment les trains. Car à Louvain, non seulement il n'y a pas de gare couverte, mais il n'y a pas même une tente, un auvent sous lequel on puisse s'abriter. Les annexes les plus indispensables font complètement défaut.
Je ne puis que répéter ce que j'ai dit à ce sujet, l'an dernier : notre ville est, à cet égard, plus pauvrement dotée que les localités les plus secondaires du pays.
Ces inconvénients, si préjudiciables aux intérêts de notre population, ne sont pas contestés ; le gouvernement lui-même en reconnaît toute la gravité ; il est disposé, dit-il, à y porter remède ; qu'il ne s'étonne donc pas de l'insistance que nous mettons à lui rappeler sa promesse.
Est-ce à dire que nous réclamions la construction immédiate d'une gare couverte ? Non ; nous comprenons que, dans les circonstances actuelles, cette construction isolée n'est pas possible, et qu'elle doit être le complément d'un plan général, qui comprendrait tout un ensemble de travaux, et notamment le déplacement des bureaux de la recette.
C'est là, sans doute, le motif qui jusqu'ici a empêché le gouvernement de remplir ses obligations envers la compagnie du Grand-Central et d'exécuter enfin ce travail pour lequel, dès 1862, cette compagnie a payé 160,000 fr., soit la moitié de sa quote-part dans la dépense.
Je dois supposer que l'Etat a eu des raisons sérieuses d'en agir ainsi, et qu'indépendamment de la question d'argent, qui eu égard aux ressources du trésor, ne saurait s'éterniser, il a été retenu par cette crainte de ne pouvoir mener à bonne fin un travail sur les conséquences et les proportions duquel on n'était pas fixé.
Mais aujourd'hui, qu'on est complètement édifié sur l'importance que la construction des lignes nouvelles a apportée à la station de Louvain et sur les exigences plus grandes qu'elle a entraînées pour le service, rien n'empêche de mettre la main à l'œuvre. Et alors que Louvain, plein de foi dans la parole ministérielle, s'impose des sacrifices considérables, pour relier par une voie directe et monumentale les bâtiments de la gare au centre même de la ville (car chacun aura pu lire un arrêté royal qui a paru hier au Moniteur, et qui autorise l'expropriation des derniers terrains), comment douter que le gouvernement ne se décide enfin à ériger un (page 777) édifice qui soit en rapport avec les besoins et les convenances de la situation ?
Je m'adresse donc de nouveau à l'honorable ministre des travaux publics. Qu'il me permette de le lui dire : il est engagé d'honneur à nous venir en aide ; dès lors notre cause ne saurait être en meilleures mains. Je la lui abandonne en toute confiance, lui demandant de confirmer l'espoir si légitime qui nous a été donné.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour demander à l'honorable ministre le retrait d'une mesure qui a été prise récemment et contre laquelle de nombreuses réclamations se sont élevées.
Chacun sait qu'antérieurement à l'établissement de la ligne directe de Bruxelles à Louvain, et alors que le parcours s'effectuait par Malines, le gouvernement, dans une pensée de justice et d'équité, tenait compte au voyageur du détour qui lui était imposé, et ne lui faisait payer qu'un prix égal à celui qu'il eût dû acquitter, si le railway avait suivi la ligne droite.
Ce principe si rationnel a été constamment appliqué depuis ; en ce sens que le Louvaniste se rendant à Bruxelles par Cortenbergh, et payant pour le prix du parcours 2 fr. 50 c. en première, 1 fr. 80 c. en seconde et 1 fr. 20 c. en troisième, pouvait, aux mêmes conditions, profiter des trains qui vont par Malines.
Il n'y avait en effet aucun motif de lui retirer cette facilité, qui, loin de porter le moindre préjudice aux recettes de l'Etat, ne tendait qu'à augmenter encore le nombre des voyages.
Or, voilà que le prix des places pour le parcours par Malines est subitement augmenté, et porté à 3 fr. 20 c. en première, 2 fr. 40 c. en seconde et 1 fr. 60 c. en troisième. De sorte que le Louvaniste paye en réalité davantage qu'on ne payait pour le même trajet, il y a quelques années, avant la réduction des tarifs.
Si les trains dont il se sert étaient organisés spécialement à son usage, je reconnais qu'il aurait mauvaise grâce de se plaindre, mais puisque ces trains sont à destination d'autres localités, et qu'en y prenant place, il n'impose aucune charge nouvelle au trésor, pourquoi lui imposer cette majoration du prix des tarifs ?
Serait-ce que l'on a eu en vue de prévenir la fraude qui se commettrait dans le cas où un voyageur, descendant à l'une des haltes échelonnées sur la voie, repartirait par un train subséquent pour Bruxelles, et profiterait ainsi indûment de la réduction de prix ? Mais, messieurs, cette supposition n'est pas admissible, car il suffit du simple contrôle exercé par les agents de l'administration sur les coupons qui, comme on le sait, constatent la date et l'heure du départ des trains, pour rendre ce genre de fraude impossible.
Remarquons, de plus, que la mesure n'est pas générale ; c'est ainsi qu'elle n'atteint pas le voyageur qui, d'une des stations du Grand-Central, prend un billet en destination de Bruxelles et effectue le parcours par Malines.
Je ne vois donc pas les raisons qui ont pu motiver l'adoption de cette mesure.
Quoi qu'il en soit, je soumets ces observations à l'honorable ministre des travaux publics, espérant qu'il les examinera avec sa bienveillance habituelle, et les accueillera dans ce qu'elles lui paraîtront avoir de fondé.
Et ce qui me fait bien augurer des dispositions du gouvernement, à notre égard, c'est l'intention, dont on le dit animé, d'établir prochainement un bureau de poste auxiliaire à la station de Louvain.
Si ce projet se réalise, l'honorable M. Jamar aura rendu un service réel à notre arrondissement, et je le prie d'agréer d'avance l'expression de notre gratitude.
M. Descamps, rapporteurµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur les amendements au budget des travaux publics pour l'exercice 1869-1870.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Delcourµ. - Je viens appuyer les observations qui viennent d'être présentées par mon honorable ami, M. Wouters, au sujet des différents travaux qui concernent l'arrondissement de Louvain.
J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra les prendre en sérieuse considération, et nous continuer la bienveillance dont il s'est toujours montré animé envers notre arrondissement.
Je désire, messieurs, appeler l'attention du gouvernement sur quelques autres points. Je veux parler d'abord des vols de charbon qui se commettent si souvent dans la station du Midi à Bruxelles. Ensuite, je dirai un mot d'une modification apportée au tarif du chemin de fer pour le transport du charbon par waggon de 3 tonnes ou de 3,000 kilog.
Des plaintes très graves s'élèvent sur des vols considérables de charbon qui auraient été commis dans la station du Midi à Bruxelles.
Il suffit de connaître les faits pour se convaincre de la nécessité de prendre les mesures de surveillance les plus efficaces.
Un honorable industriel de Bruxelles qui reçoit une grande quantité de charbon pour le gaz, m'écrivait qu'il a été victime à la gare du Midi de vols nombreux et considérables. Averti officieusement de ce qui se passait, il a fait faire un relevé exact du charbon qu'il avait reçu et consommé. Il est arrivé à ce résultat effrayant que sur 800,000 kilos reçus, 80,000, soit 10 p. c. avaient disparu sans laisser de trace.
10 p. c. de perte lors d'une première vérification, c'est énorme !
L'honorable industriel est certain que les vols ne se commettent pas dans le trajet de la station à l'usine ; car le transport est fait par ses propres agents, hommes de confiance.
Le 27 et le 28 février 1868, il reçoit une livraison de charbon de 20,000 kilogrammes ; et, sur ces 20,000 kilogrammes annoncés à l'arrivée, 5,500 manquaient à l'usine ; et le lendemain, sur 10,000 kilogrammes 400 faisaient défaut.
L'industriel dont je parle prit alors le parti de s'adresser au chef de station et le pria de prendre toutes les mesures de surveillance possibles. Le chef de station lui répondit le 7 mars 1868, chercha à le tranquilliser, et l'assura qu'on avait organisé à la station du Midi un système de balayage, que l'administration était décidée à redoubler de surveillance, et qu'il existe un service spécial d'employés chargés de cette besogne, et d'informer l'administration.
La chose n'en resta pas là. Mon honorable correspondant prit la résolution de faire peser les waggons à leur arrivée à Bruxelles, afin de constater si le détournement avait lieu avant ou après ce moment. L'administration exige 50 centimes par tonne pour frais de pesage, ce qui amène une surtaxe de cinq francs pour un waggon de 10 tonnes.
C'est beaucoup pour un tel service, qui intéresse l'administration autant que le destinataire.
Je sais que tout service rendu doit être payé.
Mais il faut reconnaître qu'une dépense de cinq francs est trop forte, qu'elle donne lieu à une rémunération exagérée.
J'appelle donc l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point. Je consens à ce que l'administration exige une rétribution particulière et modérée pour les frais de pesage ; mais il ne faut pas qu'elle puisse devenir une surtaxe onéreuse pour le destinataire.
L'administration des chemins de fer conseilla à l'industriel dont je parle, de faire chauler les waggons au départ. C'est ce qui fut fait.
Mais ce moyen est insuffisant. On constate par là que le waggon arrive avec poids primitif ; mais ce moyen ne peut prévenir les vols ni même les indiquer, une fois que le déchargement est commencé.
Malgré ces précautions, voici quel a été le résultat du dernier relevé exécuté par notre industriel :
Depuis le 15 mai 1868 jusqu'au commencement de l'année 1809, sur 1,028,684 kilog. de charbon livré, il s'est trouvé un déficit de 133,114 kilogrammes, soit 13 p. c.
Ces faits ont une gravité que personne ne niera.
Je n'entends incriminer personne. Je n'élève aucun soupçon contre l'administration du chemin de fer ; je prie le gouvernement de prendre toutes les mesures possibles, afin de maintenir la plus entière confiance dans un service aussi important que celui de nos stations.
On m'a cité un autre fait, je vous le livre tel qu'il m'a été rapporté. L'honorable ministre pourra prendre, à ce sujet, les informations jugées nécessaires. Un honorable industriel de la banlieue de Bruxelles l'a rapporté en ces termes :
Son voiturier avait chargé un camion de houille à la station du Midi. Le voiturier avait dételé le cheval, était allé dîner, laissant le camion dans la gare jusqu'à une heure. Lorsqu'il revint pour l'enlever, le camion était en place, mais entièrement vide. De tels faits, messieurs, ne devraient pas se passer dans nos stations.
Je désire dire un mot encore sur une autre question.
Je veux parler de la modification qui a été introduite dans le tarif intérieur pour le transport du charbon. Autrefois le prix était le même ; si le transport se faisait par waggon de 5 tonnes ou de 3,000 kil., ou par waggon de 10 tonnes ou de 10,000 kil. Aujourd'hui cela est changé, l'administration a augmenté considérablement le tarif des frais de transport lorsqu'il s'agit de waggons de 5,000 kil. ou de 3 tonnes.
La Chambre voudra bien m'accorder un instant encore sa bienveillante attention.
(page 778) Les résultats du tarif actuel sont affligeants.
J'ai reçu à cet égard une communication d'un honorable industriel de Liège, très à même de me renseigner exactement sur les faits.
La différence de prix, me dit-il, qui existe entre le waggon de 10 tonnes et le waggon de 3 tonnes est des plus considérables. En effet, les prix se répartissent de la manière suivante :
Pour la distance d'une lieue, on paye par waggon de 10 tonnes et pour le transport de 1,000 kil. de houille, 1 fr. 20 ; par waggon de 5 tonnes de 5,000 kil., le prix est de 1 fr. 30.
Pour deux lieues, le prix par waggon de 10 tonnes et pour 1,000 kil. encore est de 1 fr. 10 ; par waggon de 5 tonnes, ce prix est de 1 fr. 60.
La progression du tarif est de 20 centimes par lieue si le transport s'effectue avec des waggons de 10 tonnes, et de 50 centimes lorsqu'il s'effectue avec un waggon de 5 tonnes pour 1,000 kil.
Si je prends Liège pour point de départ et Louvain pour point d'arrivée, l'application du tarif présente le résultat suivant :
La distance entre ces deux villes est de 14 lieues.
Par waggon de 10 tonnes, on paye pour 1,000 kil., 3 fr. 80 ; et par waggon de 5 tonnes, 3 fr. 20.
En sorte que pour un waggon de 10 tonnes, il faut payer 38 fr. et pour un waggon de 5 tonnes 20 fr.
L'écart est par conséquent de 1 fr. 40 par mille kil.
Un tel état de choses ne peut-être maintenu sans injustice.
Je me demande, messieurs, quels peuvent être les motifs de cette mesure ? L'administration du chemin de fer s'appuie sur ce que la traction d'un waggon de cinq tonnes coûte proportionnellement beaucoup plus à l'Etat que celle d'un waggon de dix tonnes. Je veux bien admettre cette raison, mais on ne fera croire à personne que la différence que je viens de signaler soit en rapport avec cette augmentation des frais.
Je m'élève contre les bases du nouveau tarif par les considérations suivantes :
C'est surtout le petit commerçant, celui qui ne peut pas recevoir du charbon par grande quantité, le particulier que le tarif frappe. Autrefois, le particulier, le petit consommateur pouvait s'adresser directement aux fosses et obtenir une marchandise à un prix plus avantageux.
Aujourd'hui cela n'est plus possible : un waggon de dix tonnes ou de 10,000 kilog. n'est plus en rapport avec les besoins d'un particulier, et si ce dernier voulait passer par le waggon de cinq tonnes, les frais sont si élevés qu'il y renonce.
Aussi, messieurs, il ne se fait presque plus de transports par waggons de 5,000 kilog. La mesure, au lieu de procurer une augmentation de recette, doit être défavorable au trésor.
Il me reste, messieurs, à appeler l'attention de l'honorable ministre sur un autre grief qui m'a été signalé ; celui-ci est relatif au commerce de librairie.
A diverses reprises, les libraires ont signalé une étrange anomalie au sujet de l'expédition des livres reliés. On peut les envoyer par la poste en Angleterre et en France, tandis qu'on n'a pas la faculté de les faire parvenir de la même manière dans l'intérieur du royaume.
On expédie, je suppose, un livre relié de Paris ou de Londres à un libraire belge : celui-ci veut l'adresser par la poste au destinataire, le livre est impitoyablement refusé par la poste belge.
J'ai lu a ce sujet, dans le rapport de la chambre de commerce de Tournai, une observation qui met l'anomalie dans tout son jour.
Souvent, dit la chambre de commerce de Tournai, on demande à nos grands éditeurs de Tournai des livres reliés. Ne pouvant les adresser directement par la poste du pays aux destinataires, le libraire les expédie d'abord à Lille et charge son correspondant de les faire expédier de Lille en Belgique à l'adresse du destinataire.
Je vous demande, messieurs, un pareil état de choses peut-il être maintenu ?
De nouveau, j'engage l'honorable ministre des travaux publics à vouloir bien porter toute son attention sur ce point. Il faut éviter au commerce ces gênes, qui ne profitent à personne, qui sont, pour tout le monde, de véritables tracasseries.
M. Thibautµ. - Messieurs, j'ai souvent entretenu la Chambre de la canalisation de la Meuse en amont de Namur, jusqu'à la frontière française. Grâce à l'honorable ministre des travaux publics, M. Jamar, cette question est sortie de la période d'étude et de discussion. Deux barrages avec écluses ont été adjugés, et je pense que les travaux sont commencés.
Cependant lorsque nous échangeâmes, l'année dernière, quelques observations à ce sujet, M. le ministre nous apprit qu'un point important restait indécis. Etablira-t-on un tirant d'eau uniforme de 2 m. 10 c. entre Namur et Givet, ou bien le mouillage sera-t-il moindre en amont de Dinant que de Dinant à Namur ?
Cette question, sur laquelle les avis sont partagés, ne me paraît pas réclamer une solution immédiate ; elle ne doit, en aucun cas, préjudicier en rien à la prompte exécution des travaux entre Namur et Dinant.
J'ai donc l'honneur de prier M. le ministre, dans l'intérêt du commerce et de l'industrie en général et spécialement de l'industrie batelière, de vouloir bien indiquer, aussi approximativement que possible, l'époque a laquelle la canalisation sera terminée jusqu'à Dinant.
Quant à la section de Dinant à Givet, je suis porté à partager l'opinion de ceux qui pensent que les travaux doivent être dirigés en vue de procurer un mouillage calculé d'après la hauteur des eaux françaises. Mais j'espère que lorsqu'il s'agira de résoudre la question, les gouvernements des deux pays s'entendront facilement dans le but de convertir la Meuse en une grande voie navigable internationale à tirant d'eau uniforme depuis Liège jusqu'au canal des Ardennes, et même jusqu'à Verdun.
Messieurs, l'arrondissement de Dinant a pu croire, il y a quelques années, qu'il serait, comme d'autres parties du pays, sillonné de nombreux chemins de fer. Mais plusieurs concessions sont restées à l'état de lettre morte. Je fais allusion au réseau Forcade qui comprend des lignes très étendues, mesurant 340 kil. dans les provinces de Namur et de Luxembourg ; au chemin projeté de Tamines à Dinant, et de Dinant à Jemelle par la vallée de la Lesse. Je prie l'honorable ministre dû faire connaître à la Chambre la situation à cet égard.
Je lui demanderai aussi quel accueil il serait disposé à faire à des demandeurs en concession nouveaux et sérieux qui offriraient d'exécuter l'une ou l'autre des lignes ou certaines parties des lignes dont je viens de parler et pour préciser davantage, j'ai l'honneur de demander s'il consentirait à détacher du réseau Forcade la ligne de Hastières à Jemelle pour la concéder à d'autres ou s'il concéderait la ligne de Dinant à Jemelle.
Je prie M. le ministre de s'expliquer catégoriquement sur ce point. Il est temps d'écarter des concessionnaires téméraires ou impuissants qui ne sont rien autre chose qu'un obstacle à des demandeurs sérieux. Le pays souffre moralement de la situation que lui fait la patience excessive du gouvernement en face de certaines sociétés concessionnaires et il souffre aussi dans ses intérêts matériels.
Messieurs, les honorables députés de Huy et de Waremme ont tour à tour parlé du chemin de fer de Hesbaye-Condroz. Je désire qu'il s'exécute ; mais je dois dire que la nouvelle convention intervenue entre le gouvernement et les concessionnaires me laisse des doutes sérieux quant à la construction de la section de cette ligne qui doit traverser le Condroz. Il importe cependant qu'une communication directe soit établie entre Marche et Huy. Les communes qui se trouvent sur la partie de cette ligne comprise entre Marche et Havelange ont fait des dépenses considérables pour se relier entre elles par des chemins empierrés ; mais leurs ressources sont insuffisantes pour créer une véritable route. Il est donc désirable que l'Etat fasse pour elle ce qu'il a fait pour d'autres ; qu'il reprenne leurs travaux et qu'il les complète. Une pétition dans ce sens a été adressée à la Chambre au commencement de la semaine dernière. La commission en proposera sans doute le renvoi à M. le ministre des travaux publics, et dès maintenant je la recommande instamment à sa bienveillance.
Messieurs, dans la session dernière, j'ai demandé le rétablissement du service de malle-poste entre Dinant et Rochefort. J'ai fait remarquer à la Chambre qu'entre le chef-lieu administratif et judiciaire de Dinant et le canton de Rochefort il n'existe aucun service de voiture. Les voyageurs sont obligés, s'ils n'ont pas de moyens particuliers de locomotion, de faire un long détour par Namur. En outre, la distribution des lettres et des dépêches éprouve nécessairement, dans l'état de choses actuel, un retard excessivement fâcheux.
L'honorable ministre m'a répondu l'année dernière que le service de malle-poste entre Dinant et Rochefort avait été établi principalement pour l'échange des dépêches avec les bureaux de poste de la ligne de Jemelle à Arlon, et que depuis le mois d'août 1866 les dépêches sont acheminées par le chemin de fer. Mais, messieurs, cette observation est dépourvue de toute valeur.
Le service de malle-poste. entre Dinant et Rochefort avait aussi pour objet le transport de voyageurs et l'échange des dépêches entre Rochefort et les communes qui dépendent de ce bureau de poste d'une part, et d'autre part, tous les autres bureaux du pays, spécialement celui de Dinant.
Par le service de malle-poste, les dépêches arrivaient à Rochefort à 5 heures du matin ; elles étaient distribuées dans la matinée à Rochefort et aussi dans toutes les autres communes qui dépendent de son bureau de poste.
Par le chemin de fer, les dépêches arrivent à 10 h. 20 m., elles ne sont (page 779) distribuées a Rochefort que tard dans la journée, et, pour les communes qui dépendent du bureau de poste de Rochefort, la distribution n'est faite que le lendemain.
On doit reconnaître que cet état de choses est intolérable et qu'il y a là de très graves intérêts lésés.
J'avais proposé le dédoublement du service de malle-poste entre Dînant et Ardennes. L'honorable ministre des travaux publics assure que des considérations sérieuses en justifient l'organisation ; je sais quelles sont ces considérations ; l'importance qu'on leur attribue m'engage à solliciter du gouvernement la prolongation de ce double service jusqu'à Rochefort ; la dépense serait insignifiante.
L'honorable ministre nous l'apprenait l'année dernière : on paye à l'entrepreneur pour le double service de Dinant à Ardennes, une somme de 9 fr. par jour.
On pourrait donc satisfaire à tous les intérêts et prolonger ce double service jusqu'à Rochefort moyennant une dépense qui n'excéderait pas 18 à 20 francs par jour.
Je ne pense pas que M. le ministre puisse s'arrêter devant une si faible dépense.
Messieurs, en terminant, je déclare me rallier à l'opinion exprimée hier avec tant d'autorité par l'honorable M. Thonissen. J'engage avec lui M. le ministre des travaux publics à modifier le tarif des voyageurs sur les chemins de fer exploités par l'Etat. La perte que l'Etat subit chaque année depuis la réforme du tarif ancien est énorme.
Avec les millions que nous perdons, il serait possible d'activer de nombreux travaux, de favoriser des entreprises particulières et peut-être même de diminuer la taxe des lettres et de réduire l’affranchissement au taux uniforme de dix centimes.
Tout homme peut commettre des erreurs, les ministres y sont sujets comme les autres, les Chambres elles-mêmes peuvent en commettre ; l'erreur est donc excusable, mais l'obstination dans l'erreur, lorsqu'elle a été démontrée, ne serait pas pardonnable.
M. Visartµ. - Je viens appuyer les observations et les réclamations parfaitement fondées de mes honorables collègues MM. de Vrière et de Clercq. Je ne répéterai pas ce qu'ils ont si bien dit ; je me bornerai à insister sur un point qui est d'un intérêt capital pour l'arrondissement que nous représentons ici.
Je crois devoir prier instamment M. le ministre des travaux publics de nous dire,quelles sont les intentions définitives du gouvernement relativement à la station de Bruges.
Il y a quelques années, nous pensions connaître ces intentions. Nous avions lieu de croire qu'elles étaient conformes au vœu de la population, et que justice allait enfin être rendue à une ville qui a été trop souvent défavorisée et oubliée.
Après tant d'espérances données et tant de promesses faites, quand tous les terrains nécessaires étaient acquis, quand les plans avaient été communiqués à l'administration communale, nous avons été convaincus qu'on allait mettre la main à l'œuvre et que Bruges allait enfin posséder une gare convenable.
Etaient-ce là des illusions ? Sont-elles condamnées à être bientôt dissipées par l'évidence, des faits ?
Je n'en sais rien. Mais je dois dire à l'honorable ministre des travaux publics que mes compatriotes seront extrêmement désappointés et mécontents, s'il ne peut pas nous donner des explications satisfaisantes à cet égard.
La station actuelle de Bruges est aussi insuffisante pour le service qu'indigne d'une grande ville par son aspect misérable et mesquin. Au premier abord, elle donne au voyageur qui débarque à Bruges, l'idée d'une ville de dixième ordre.
Notre cité qui est la plus artistique et la plus curieuse du pays, qui est visitée chaque année par une multitude d'étrangers, ne devrait pas être déparée et déshonorée par une station de chemin de fer dont plus d'une bourgade du Hainaut ne se contenterait pas. Si on me disait que c'est là une question de sentiment, je répondrais que les Brugeois ont une histoire assez glorieuse et d'assez grands souvenirs pour justifier un peu de patriotisme de clocher. Rien que par son importance politique et historique, Bruges mériterait de ne pas être traité comme une petite ville.
Du reste, la station de Bruges n'est pas seulement pitoyable au point de vue architectural, elle est aussi incommode pour l'administration que pour le public. Elle est si exiguë et si mal située qu'à mon avis, elle n'est susceptible que d'une seule amélioration : la démolition complète. Les bâtiments sont placés de manière à rendre presque impossible le développement et le bon agencement des voies et excessivement périlleuse la manœuvre des trains. Tous les services sont littéralement entassés les uns sur les autres.
Le local du télégraphe, les bureaux, les salles d'attente sont absolument insuffisants et on a dû loger en ville le chef de station, ce qui n'est pas sans inconvénient.
Je n'insisterai pas ; l'honorable ministre des travaux publics sait tout cela mieux que moi, et il suffit de passer à Bruges pour en juger.
Je n'hésite pas à dire que le maintien d'un état de choses aussi défectueux serait à la fois une économie fort mal entendue et une injustice criante à l'égard d'une ville qui a eu jusqu'à présent des parts infiniment petites dans les faveurs du budget. Ce n'est pas une faveur que nous demandons aujourd'hui : c'est la justice, la stricte justice. Le gouvernement ne doit pas faire moins pour nous que pour Liège, Namur, Mons, Charleroi et Tournai.
Il est rationnel et équitable que vous construisiez à Bruges une gare couverte qui soit en rapport avec l'importance de la ville et avec le nombre des voyageurs qu'elle fournit au chemin de fer.
Bruges contribue largement aux bénéfices du chemin de fer de l'Etat.
Je vois dans le compte rendu officiel de 1806 que la recette provenant des voyageurs atteignait déjà alors à Bruges 237,602 fr., ce qui était supérieur à la recette de Namur et de Charleroi. De plus il aboutit à Bruges trois lignes concédées importantes pour le mouvement des voyageurs, ce qui cause, l'été surtout, un encombrement et un désordre perpétuel.
Si je suis bien informé, Bruges a donné en 1868 à l'Etat une recette globale de 550,000 fr. et on calcule que celle qui a été faite pour le compte des trois compagnies de Bruges à Gand, de Blankenberghe et de la Flandre occidentale n'est guère inférieure. La recette totale, dépasse probablement un million.
Dans ces conditions et en présence, d'un mouvement de voyageurs et de marchandises aussi considérable, je ne conçois pas que l'administration des travaux publics tarde plus longtemps à faire une dépense qui tôt ou tard sera indispensable et que la population ne cessera pas de réclamer.
Pourquoi ne pas utiliser les beaux et vastes terrains qui, évidemment, n'ont été acquis que pour exécuter les plans d'après lesquels Bruges doit être doté d'une gare couverte, spacieuse et bien conditionnée ? Ce sera un acte de bonne administration au point de vue de la sécurité et de la facilité du service ; pour Bruges, ce sera une notable amélioration et un embellissement ; et peu de chose cependant en comparaison de ce qu'ont obtenu Gand, Liège et Bruxelles. Aussi j'ai la confiance que l'honorable ministre nous fera une réponse favorable, que nous pourrons transmettre, avec plaisir, à nos commettants.
Mais il est très nécessaire qu'il nous fasse une réponse claire et qu'il nous donne des explications catégoriques. Les retards que cette affaire a subis commencent à inquiéter le public à Bruges. On s'imagine, à tort ou à raison, que les travaux que l'on fait actuellement à la station de Bruges ont un caractère définitif, que les plans sont modifiés et que nous sommes condamnés à un statu quo déplorable.
Même, certaines personnes prétendent que l'on va construire une espèce de gare à marchandise qui masquera complètement les terrains acquis entre le chemin de fer et la ville et en fera une véritable impasse. C'est là cependant que la nouvelle devait être placée. Dans ce cas, il serait évident que le gouvernement aurait renoncé aux plans primitifs et que le remplacement de la détestable station actuelle deviendrait impossible. Il est inutile de dire à l'honorable ministre la déception et le mécontentement qu'un pareil dénouement causerait à Bruges. Aussi j'espère qu'il dissipera nos craintes et rendra justice à un arrondissement qui ne demande pas autre chose.
Si la Chambre veut bien m'accorder encore un moment d'attention, je profiterai de cette occasion pour me faire l'organe de deux réclamations du commerce brugeois qui me paraissent justifiées.
On se plaint d'abord que Bruges, où beaucoup de marchandises sont embarquées directement pour les pays étrangers, ne soit pas considérée comme port d'exportation et ne jouisse d'aucune réduction de tarif pour les marchandises expédiées par le chemin de fer pour être exportées par mer. Si je ne me trompe, Anvers, Gand, Ostende et Nieuport jouissent de cette faveur, et je suis convaincu qu'il suffira d'exposer cette réclamation à M. le ministre pour qu'il y fasse droit.
Les négociants brugeois se plaignent aussi amèrement de la surtaxe qu'ils doivent payer pour le transport des marchandises de la station principale à la station du Bassin.
C'est là une anomalie, car je crois que partout ailleurs les différentes stations d'une même ville sont, quant aux tarifs, considérées comme un (page 780) seul et même point. A Bruges, le tronçon de chemin de fer qui relie le bassin a la station principale est exploitée par la compagnie de Blankenberghe ; mais il appartient à l'Etat. Je prie donc l'honorable ministre des travaux publics d'examiner s'il n'est pas en son pouvoir de faire disparaître une surtaxe peu justifiable et très gênante pour le commerce.
M. Vander Maesenµ. - Messieurs, comme beaucoup de mes honorables collègues, je désire devoir quelque chose à ce Dieu que l'on appelle le Dieu-Etat, dont M. le ministre des travaux publics est la personnification ; je pourrais, en cette circonstance, l'appeler le Dieu providence. Nous avons vu, en effet, l'honorable ministre des travaux publics animé du désir de faire droit à toutes les réclamations qui ont été faites ; cela me fait espérer que j'aurai à mon tour quelque succès.
Les vœux que j'ai à formuler sont relatifs à deux demandes qui ont été adressées au département des travaux publics par deux localités de mon arrondissement.
Il y a 5 ou 6 ans, la ville de Verviers s'est adressée au gouvernement pour obtenir l'établissement d'une station de marchandises et d'une halte de voyageurs dans la partie supérieure de la ville.
Pour qui connaît Verviers, la nécessité de cette station pour les marchandises est incontestable.
La ville de Verviers, comme on le sait, est établie dans le fond d'une vallée resserrée entre deux collines escarpées.
Elle a dû s'étendre le long de la rivière, et de nombreux établissements industriels se sont créés en amont sous l'empire de la nécessité de se procurer de l'eau, si indispensable à la fabrication.
Cependant, la station actuelle du chemin de fer se trouve à l'extrémité opposée et les industriels établis de l'autre côté sont obligés de parcourir plus de 2,000 mètres pour y arriver et y faire parvenir leurs produits ou en retirer leurs matières premières. On comprend qu'ils se trouvent par là dans des conditions d'infériorité notable vis-à-vis des autres plus favorisés. Rien que le transport des houilles grève considérablement leurs frais de production.
Lorsque la ville de Verviers a pétitionné, auprès de M. le ministre, celui-ci a reconnu en principe, que la réclamation était fondée, puisqu'il a bien voulu faire exécuter un projet par ses ingénieurs. Ce projet a été fait et transmis à l'administration communale, avec cette réponse que je crois pouvoir qualifier d'un peu singulière.
Le département des travaux publics reconnaissait l'utilité de la station, mais il disait : Nous n'avons pas d'argent et, faisant de son côté une proposition à la ville, il ajoutait : Faites la station, je ne m'y oppose pas.
Or, messieurs, il est incontestable, qu'une semblable réponse ne peut être faite, à une administration communale qui demande qu'on satisfasse à un besoin légitime.
Les chemins de fer ont été créés pour l'utilité des localités qu'ils desservent. C'est à l'Etat, qui perçoit les recettes, à subvenir aux dépenses nécessaires.
Du reste, il n'est pas nécessaire d'insister sur ce point. L'honorable ministre nous a annoncé hier une très bonne nouvelle. Il a dit qu'il se proposait de soumettre à la législature une demande de crédit pour établir de nouvelles stations.
Je prends acte de cette déclaration et je m'inscris en premier lieu pour la ville de Verviers afin d'obtenir une part de ce crédit pour l'exécution de cette station demandée. Il ne vous en proposera certainement aucune autre plus utile et plus importante.
L'Etat est d'ailleurs intéressé à la construction de cette station, celle-ci produira de grands avantages pour l'exploitation de l'ancienne station ; elle sera un grand débarras et permettra d'éviter les malheurs que l'état actuel produit ; car on ne saurait croire combien sa situation est dangereuse et donne naissance à de fréquents accidents.
Maintenant, passons de la ville à la campagne ; je viens également ici encore demander l'établissement d'une station.
Il s'agit cette fois du chemin de fer Guillaume-Luxembourg.
Quand cette ligne de chemin de fer a été décrétée, il y eut une grande joie pour cette partie de l'Ardenne qui est située entre Verviers, Limbourg et la frontière prussienne.
Vous savez, messieurs, combien cette partie de l'Ardenne est déshéritée à tous égards.
Cette contrée, remplie de ravins et de montagnes escarpées, devait considérer comme un bonheur l’établissement d'un chemin de fer qui parcourrait son territoire sur une distance de 25 kilomètres ; car il y a cette distance entre Stavelot et Spa. Eh bien, entre ces deux localités, aucune station n'est abordable ; cependant, dans le projet de chemin de-fer, se trouvait mentionnée une station au village de Sart. Sur le plan se trouvait un palier ; car à cet endroit le terrain est si fort en pente qu'il peut être considéré comme un plan incliné.
La commune de Sart, reconnaissante des avantages que cotte station allait lui procurer, voulut également participer, dans une large mesure, à la construction de ce chemin de fer et abandonna tous les terrains communaux qui devaient servir à cette ligne, au minime prix de 30 francs l'hectare.
Le chemin de fer se construisit, le palier fut établi, et chacun attendait s'attendait à voir créer la station qui figurait au plan.
Il n'en fut pas ainsi ; le palier fut établi, mais la station n'est pas encore créée à l'heure où je parle.
Des réclamations furent adressées à M. le ministre des travaux publics qui les accueillit avec sa bienveillance habituelle. Il a bien voulu reconnaître que ces réclamations étaient fondées.
Il écrivit immédiatement à la compagnie de Guillaume-Luxembourg pour l'obliger à remplir ses obligations. La compagnie fit comme beaucoup d'autres compagnies : elle tâcha de débarrasser ses épaules de ses obligations en les rejetant sur les épaules d'autrui. Elle a dit : « Ce n'est pas à moi de faire leurs stations ; cette obligation incombe à la compagnie du Nord de la Belgique ; adressez-vous à cette compagnie. »
M. le ministre des travaux publics répondit à la compagnie : « Cela ne nous regarde pas ; c'est à vous, concessionnaire, à accomplir les conditions qui vous sont imposées. »
La compagnie de Guillaume-Luxembourg ne répondit pas à cette dernière communication de M. le ministre des travaux publics. Après trois lettres de rappel et une mise en demeure, accompagnée d'une menace de poursuite judiciaire, la compagnie se décida à répondre, en faisant observer que la station serait très peu utile ; elle tâcha de faire ressortir en même temps les inconvénients que l'établissement d'une station à cet endroit présenterait au point de vue de l'exploitation.
Je prie M. le ministre des travaux publics, qui a bien voulu faire étudier la question par des ingénieurs, de vouloir faire preuve, dans la circonstance actuelle, de cette grande énergie avec laquelle, dans la séance d'hier, il a promis de veiller à l'accomplissement des engagements contractés par d'autres concessionnaires ; je le prie instamment de forcer la compagnie de Guillaume-Luxembourg de construire cette station ; et en cela l'honorable ministre rendra le plus grand service à ces pauvres localités dont je vous ai parlé.
Chose étrange ! lorsqu'il s'agit d'une halte ou d'une station pour les voyageurs, les produits agricoles, on prétend que la station a très peu d'importance. Et cependant il s'agit de fertiliser des terrains incultes ; il s'agit de donner un débouché aux nombreux produits forestiers de ces localités, et lorsqu'il s'agit de faire des routes, on procède précisément d'une façon tout à fait différente.
Ainsi, nous avons vu établir une route qui se rend à Sart, on lui a fait faire un détour d'une lieue à travers les landes des Ardennes, sous prétexte de les fertiliser.
Dans le cas actuel, qu'est-ce que je demande ? Je demande une station qui est promise et que le gouvernement a, dans tous les cas, le droit de créer en vertu du cahier des charges. On la réclame vainement depuis longtemps, ce n'est pas une faveur, c'est un droit ; mais il n'est pas toujours facile d'obtenir justice. Nous l'obtiendrons cependant, je n'en doute pas, et nous le devrons à l'attitude énergique que M. le ministre saura prendre vis-à-vis de la compagnie.
M. Descamps, rapporteurµ. - Messieurs, lorsque je me suis fait inscrire pour prendre la parole dans cette discussion, je voulais, en qualité de rapporteur de la section centrale, défendre l'opinion émise dans le rapport relativement à la direction à donner au chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath ; je voulais en même temps réduire à leur juste valeur les réclamations nombreuses auxquelles cette opinion a donné lieu. D'un autre côté, en qualité de mandataire de l'arrondissement d'Ath, je tenais à prouver à la Chambre que la ligne à construire, conformément à la loi du 28 mai 1856, pouvait très bien être une ligne parlant des Herbières et passant par Stambruges et la vallée de la Hunnelle ; que le tracé direct ne devait point, par conséquent, se diriger nécessairement par Baudour, et que dans tous les cas, en vertu des engagements pris et par le gouvernement, et par les concessionnaires, Belœil devait infailliblement être rattaché au réseau.
La déclaration faite hier par M. le ministre des travaux publics a singulièrement amoindri ma tâche ; l'honorable ministre nous a annoncé, en effet, qu'en face du refus que lui opposait la société d'exploitation de construire la ligne de Saint-Ghislain à Ath, en prenant pour point de départ les Herbières, il avait résolu de mettre immédiatement la compagnie de (page 781) Hainaut-Flandres en demeure d'exécuter en ligne droite le chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath. M. le ministre nous a formellement déclaré, en même remps, qu'il donnait l'ordre, dès maintenant, d'étudier le tracé d'une ligne qui rattachera au réseau de l'Etat les communes si importantes du canton de Quevaucamps, qui sont restées isolées jusqu'à ce jour.
Je prends acte de la déclaration formelle de l'honorable ministre ; je compte que les aspirations de ces communes seront enfin satisfaites et que les bonnes intentions que M. le ministre a manifestées à l'égard de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, recevront une prompte réalisation. Il doit être entendu, en effet, que le gouvernement, quoi qu'il arrive, ne pourra se borner à faire des études et que sa promesse se traduira par un fait, la construction de la ligne projetée ; car on ne peut pas vouloir que nous lâchions aujourd'hui la proie pour l'ombre.
M. le ministre se rappellera que les nombreuses populations complètement isolées, dont il a parlé, attendent depuis treize ans l'accomplissement de promesses qui leur ont été plusieurs fois solennellement faites. Je me repose, par conséquent, sur sa loyauté et sa franchise auxquelles je suis heureux de rendre hommage, et j'attendrai avec confiance l'exécution du tracé dont il promet de doter mon arrondissement.
Quoique la défense des assertions contenues dans le rapport de la section centrale n'ait plus maintenant, pour moi, la même importance qu'avant la déclaration de M. le ministre, je tiens cependant à prouver que la religion du rapporteur n'avait point été surprise comme on l'a insinué, que les renseignements et les considérations sur lesquels s'était appuyée la section centrale pour formuler son opinion, étaient exacts, et qu'enfin, il avait toujours été entendu que le chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath devait nécessairement passer par Belœil.
La section centrale n'avait point nié que la voie de Saint-Ghislain à Ath dût établir une communication directe entre ces deux localités, mais elle avait prétendu que cette communication directe ne devait et ne pouvait même point être une ligne droite comme MM. Delaveleye et Moucheron l'avaient proposé, et comme on semblait vouloir y revenir, ainsi que nous le prouverons tout à l'heure.
Cependant, la publication du rapport de la section centrale a suscité, dans un certain groupe de communes, une agitation plus ou moins factice, il est vrai, et qui s'est traduite par une avalanche de pétitions, de mémoires, de brochures, qui a fondu sur nous depuis quelques jours.
Chose singulière, messieurs, certaines de ces pétitions, celles par exemple que les communes de Siraut et de Villerot ont adressées à M. le ministre des travaux publics, prêtent au rapport de la section centrale de prétendus raisonnements que nous n'avons jamais tenus et nous attribuent, en les reproduisant, des arguments recueillis dans d'autres publications qui nous sont absolument étrangères. D'autres pétitions portent à leur tête la signature de personnes qui avaient fait auprès de nous les démarches les plus actives pour nous prier d'appuyer le tracé de Blaton, tracé que ces pétitions ont pour unique but de combattre si vaillamment aujourd'hui !
Une brochure dont le but final est de réclamer pour la ligne de Braine-le-Comte à Gand le trafic des charbons du Couchant de. Mons, interprète, d'un autre, côté, à sa manière la pensée qui a guidé la section centrale dans l'expression du vœu qu'elle a adressé au gouvernement ; elle suppose tout gratuitement au rapporteur l'intention de chercher à faire prévaloir sur la ligne directe de Saint-Ghislain, une ligne de Blaton ou d'Herchies à Ath, ligne qui ne serait, dit la brochure, qu'un chemin vicinal créé au profit de Grandglise et de Stambruges.
Mon intention n'était point de chercher à réfuter des assertions qui ont pour base une erreur, une fausse hypothèse, et qui, par conséquent, se réfutent suffisamment d'elles-mêmes.
Dans le système préconisé par la section centrale, le tracé, partant de Saint-Ghislain passait par les Herbières, Stambruges, Beloeil, Husseignies, Ladeuze, etc. Nos contradicteurs ne nieront point sans doute que ce tracé peut être considéré comme direct, car il n'est qu'une rectification de la ligne pratiquement irréalisable, à notre avis, qu'ils auraient proposée, et qui devait satisfaire en même temps d'après eux, nous ignorons, il est vrai, dû quelle manière possible, Baudour, Neufmaison, Belœil, Husseignies, Ladeuze, etc. ; à moins toutefois que cette ligne éminemment tortueuse ne se fût transformée en une ligne droite, touchant, ou à peu près, au territoire de chacune de ces communes sans en desservir réellement aucune. Mais à qui ce tracé eût-il été profitable ? A personne : Je me trompe, messieurs, il aurait servi les seuls intérêts du chemin de fer de Braine-le-Comte, qui réalisait, de cette manière, la plus courte distance de Saint-Ghislain à Gand.
Nous le répétons, messieurs, la section centrale, contrairement à l'opinion qu'on lui a tout gratuitement prêtée, n'a point avancé que la ligne vers Ath ne devait pas être directe ; elle s'est bornée à maintenir que le tracé ne pouvait être une ligne droite.
La ligne droite étant écartée, certains pétitionnaires prétendent que le tracé doit infléchir vers Baudour ; or, nous allons vous fournir la preuve, nous, qu'il avait été résolu, au moment de l'octroi de la concession, c'est-à-dire qu'il avait été dans les intentions du gouvernement et des concessionnaires, que la ligne passerait, au contraire, à gauche par Belœil, ce qui excluait toute possibilité d'un tracé par Baudour.
Cette preuve, nous la trouvons établie d'une manière irrécusable dans deux documents dont je vais avoir l'honneur de vous donner connaissance ; ce sont deux lettres, écrites avant la signature de l'acte de concession, l'une par MM. le prince Henri de Beauveau, et Guillaume de Bussière, vice-président de la compagnie Hainaut-FIandre, à Son Altesse le prince de Ligne ; l'autre, adressée, par le prince de Ligne, président du Sénat, au conseil communal de Belœil, pour lui annoncer que le chemin de fer traversera la localité.
Voici le contenu de ces lettres :
« Bruxelles, le 15 juillet 1856.
« Prince,
« La première réunion des concessionnaires et fondateurs de la compagnie Hainaut-Flandre, pour la construction et l'exploitation des chemins de fer de Saint-Ghislain à Gand, à Tournai et à Ath, vient d'avoir lieu à Bruxelles, et leur première pensée a été de nous déléguer l'honneur de prier votre Altesse de recevoir leurs remercîments de ce qu'elle a bien voulu accepter les fonctions de président du conseil d'administration de la compagnie.
« Le désir de votre Altesse recevra, du reste, son accomplissement. Le tracé de la ligne de Saint-Ghislain à Ath, indiqué par elle, a été accepté et reconnu vraiment utile, tant à la compagnie qu'aux populations que votre Altesse honore de sa bienveillante sollicitude.
« Nous avons l'honneur, etc.
« Les vice-présidents de la compagnie Hainaut-Flandre,
« (Signé) Prince Henri de Beauveau, Guillaume de Bussière. »
« A son Altesse Monseigneur le Prince de Ligne, président du Sénat et président de la compagnie Hainaut-Flandre, à son château de Belœil. »
« Belœil, le 15 juillet 1856.
« A Messieurs les membres du conseil communal de Beloeil,
« Messieurs,
« J'ai prié l'honorable bourgmestre de notre chère commune de Beloeil de vous communiquer la lettre que j'ai reçue, de MM. les vice-présidents du conseil d'administration du chemin de fer de Saint-Ghislain.
« Vous y verrez, messieurs, que nos efforts sont couronnés de succès et que nous pouvons considérer cette lettre comme un engagement pris à l'égard du tracé que nous avons réclamé et qui doit relier Belœil à cette nouvelle voie ferrée.
« Puissiez-vous trouver, dans la persistance que j'ai mise à défendre les intérêts des populations qui ont placé leur confiance dans leur sénateur, une preuve de plus de toute ma sollicitude pour les habitants de Belœil.
« Je vous prie de recevoir, etc.
« (Signé) Le prince de Ligne. »
Ces lettres étaient écrites, veuillez bien le remarquer, messieurs, plus d'un mois avant l'octroi de la concession ; il est donc prouvé, d'une manière évidente, que le gouvernement et les concessionnaires, en signant la convention du 30 août 1856, avaient formellement résolu que la ligne devait passer par Belœil.
Vous jugerez, après cela, messieurs, si les réclamations des nouveaux pétitionnaires étaient fondées et s'il était permis à la section centrale et au gouvernement de s'y arrêter un seul instant !
Je vous dirai maintenant quelques mots de questions qui avaient fait l'objet de l'examen de la section centrale, et qui ont été traitées pour quelques-uns de nos collègues dans le cours de la discussion.
La section centrale avait cru qu'il était préférable de réserver la discussion de la question si importante des réformes introduites au chemin de fer, jusqu'à l'époque du dépôt, par M. le ministre des travaux publics, du rapport qu'il nous a promis sur les résultats obtenus depuis l'inauguration de ces réformes, jusqu'au 31 décembre 1868.
La production de ce rapport a été réclamée par la section centrale, et nous croyons savoir que le gouvernement ne tardera pas à le déposer.
Toutefois, l'honorable M. Thonissen est entré hier au cœur de la question (page 782) dont il a fait une étude approfondie ; il s'est appuyé sur quelques-uns des arguments produits dans un travail des plus laborieux et des plus remarquables publié par l'honorable sénateur M. Malou, et il a cherché à démontrer que l'abaissement des tarifs pour le transport des voyageurs n'avait point réalise les promesses qu'on avait conçues de cette réforme.
Nous partageons l'opinion qu'il est nécessaire que cette question si épineuse et si controversée des tarifs soit bientôt élucidée, car nous ne sortons pas de ce dilemme avancé par la section centrale : Ou vos tarifs sont bons, ou ils sont mauvais ; s'ils sont reconnus bons, hâtez-vous d'en étendre l'application aux petites distances ; s'ils sont défectueux, au contraire, résignez-vous à faire un pas en arrière. Dans aucun cas, l'écart énorme provisoirement établi entre les transports à petites et à longues distances ne peut être maintenu. Son maintien, en effet, consacrerait la mesure la plus antidémocratique et la plus inéquitable.
Cependant, nous l'avons dit, nous reconnaissons que la question ne peut être discutée avec tout le fruit possible en l'absence des données d'expériences que le gouvernement nous a promises, et nous espérons qu'il se hâtera de nous soumettre son travail.
L'honorable M. de Moor a bien voulu intervenir en faveur d'une classe de fonctionnaires envers laquelle, il faut l'avouer, le gouvernement, quoi qu'il en dise, n'a point toujours été parfaitement juste. Je me réfère, sur cette question, aux observations contenues dans le rapport de la section centrale, et je suis prêt à appuyer toute proposition qui aurait pour but l'amélioration du sort des conducteurs des ponts et chaussées. M. le ministre ne viendra point argumenter de la diminution de la besogne actuelle imposée aux conducteurs. De deux choses l'une : si le nombre de ces fonctionnaires est trop grand, réduisez-le et améliorez la position de ceux que vous maintiendrez dans les cadres ; si, au contraire, les conducteurs sont réellement les chevilles ouvrières, pour ainsi dire, de l'administration des ponts et chaussées, faites au moins pour eux ce que vous avez fait pour leurs collègues, plus favorisés, de l'administration des chemins de fer.
Enfin, l'honorable baron de Vrière a cru devoir, en faisant l'éloge du ballast en pierres concassés, faire la critique de ce que le rapport de la section centrale avait dit relativement au ballast en laitier granulé.
Je n'ai pas, je l'avoue, la prédilection tonte particulière de MM. Jouret et de Vrière pour le ballast en pierrailles concassés de Lessines. Ce ballast est ordinairement très dur, très sonore, et par suite excessivement fatigant pour le voyageur. Vous avez pu en faire l'expérience, messieurs, sur la voie nouvellement construite de Bruxelles à Louvain.
L'honorable M. de Vrière nous a dit, en parlant du ballast en laitier granulé de M. Minary, préconisé par la section centrale : « Je prie M. le ministre de ne pas employer du tout cet abominable ballast, recommandé par la section centrale »
J'opposerai à l'opinion de M. le baron de Vrière, celle de l'un des ingénieurs les plus distingués de la France, M. Couche, ingénieur en chef du contrôle des chemins de fer, professeur du cours de construction et de chemin de fer à l'école des mines de Paris et qui, dans son dernier ouvrage, reconnaît que l'usage de ce ballast a donné des résultats très satisfaisants.
Je ferai observer à mon honorable collègue que ce qu'il a pris pour du laitier granulé n'était autre, sans doute, que des cendres ou du mâchefer concassé. En effet, une seul, voie, que je sache, est ballastée en laitier préparé par le procédé Minary, c'est un embranchement du chemin de fer de Paris a la Méditerranée, embranchement qui relie Rans et Fraisan à Labarre. Cet embranchement ne doit pas être fréquemment parcouru par nos compatriotes, et je doute énormément que son ballast ait pu incommoder l'honorable baron de Vrière au point qu'il nous a dit hier.
J'ajouterai que si j'ai préconisé le ballast en laitier granulé, c'est que mes renseignements particuliers me permettent d'affirmer qu'il remplit toutes les conditions que doit présenter un bon ballast, et que l'introduction de son usage dans notre pays où les hauts fourneaux sont nombreux et où le ballast de bonne qualité manque presque tout a fait, serait une amélioration réellement désirable. Ce ballast, en effet, ne peut être comparé au ballast en cendres ou en sable fin ; il a une densité telle, qu'il n'est point, comme ces derniers, soulevé par le vent ou par les tourbillons d'air que produit le passage des trains.
Avant de terminer, messieurs, je demanderai à M. le ministre s'il compte prendre des mesures pour modifier le système actuellement suivi pour les adjudications de rails, et si le système indiqué par la section centrale ne lui semble pas susceptible d'une application efficace.
M. Lippensµ. - Lorsque mon honorable collègue, M. Vleminckx, a soulevé la question de l'assainissement du littoral des Flandres dans la discussion du budget de la guerre, M. le ministre n'a pas donné et n'a pas pu donner de réponse satisfaisante pour les travaux qu'il faut exécuter sur la rive gauche de l'Escaut à Anvers.
Je n'en ai pas été surpris, parce que, a en juger par la lettre de M. le ministre des travaux publics à M. le ministre de l'intérieur, cette question me semble mal engagée ; elle n'a pas été étudiée dans les bureaux et ne peut arriver à solution telle qu'elle est présentée.
En effet elle est complexe, elle ne dépend pas d'un seul ministère ; il faut une entente entre plusieurs départements, surtout entre ceux de la guerre et des affaires étrangères.
En faisant relier les forts La Perle et Sainte-Marie, M. le ministre de la guerre s'est emparé, sans indemnité comme sans autorisation, des seules voies d'écoulement de tout le pays de Waes, d'une propriété particulière, des écluses Saint-Pierre et Saint-Paul. L'a-t-il fait dans la pensée de favoriser l'agriculture, d'assainir cette partie de notre pays ? Les manœuvres de ces écluses, appartenant dorénavant, de fait, à l'autorité militaire, puisqu'elles sont enclavées dans les nouvelles fortifications, seront-elles soumises à plus de soins et de sollicitude, plus de science et de précautions que si les mandataires directs et responsables d'intéressés, dont la vie et la fortune en dépendent, en avaient conservé la garde ?
Certes, non ! Le gouvernement, en exécutant ces travaux, a eu en vue la défense seule du pays.
Si l'Etat, par intérêt supérieur, doit, dans une certaine mesure, être le maître de nos voies d'écoulement, si, dans des circonstances données, à nos populations doivent ajouter le sacrifice de leur fortune, à ceux que le pays leur demandera, il faut d'autre part qu'on recherche, les moyens de sauvegarder tous les droits en temps de paix.
L'intérêt public peut s'accorder avec l'intérêt particulier. C'est sur la question d'assainissement, aussi avantageuse et aussi indispensable pour l'armée que pour nos populations, qu'un accord peut avoir lieu, et que je tiens à le signaler à M. le ministre de la guerre.
Par les nouveaux travaux à Anvers, il s'est ingéré dans l'administration du régime des eaux de cette partie du pays, et comme, il a aggravé la situation des propriétaires, il doit en subir les conséquences financières.
Toutes les eaux du pays de Waes convergent aujourd'hui sur un seul point, désigne sous le nom de Vliegestal à Vracene. Il résulte de cet état de choses que celles des communes qui sont situées sur les terrains élevés, à cinq ou six mètres au-dessus des polders, se précipitent vers le bas, entravent l'écoulement des eaux de ces terres, s'y répandent, les submergent, et, par les détritus qu'elles abandonnent en se retirant, engendrent des miasmes pestilentiels qui sont les vraies causes de ces fièvres paludéennes et pernicieuses qui s'étendent sur une contrée entière et la rendent inhabitable pour toute population étrangère. Or, c'est au milieu de ce pays que se trouvent les fortifications de la rive gauche de l'Escaut. C'est à cette situation qu'il faut porter un remède énergique et efficace.
Les moyens pratiques d'assainir consistent à diviser ce territoire en trois parties et à leur donner à chacune des voies d'écoulement particulières.
La première zone, celle des terres élevées, devrait se composer des communes de Saint-Nicolas, Saint-Gilles, Saint-Paul, Nieukerke et d'une partie de Vracene. Leurs eaux conserveraient leurs cours actuels, mais, à partir du Vliegestal, où elles se réunissent, elles devraient être dérivées au moyen d'un canal de 7,500 m. de longueur, sur 1 m. 50 de profondeur et 3 m. de largeur au plafond, à travers les polders de Beveren et de Melsele. Ce canal doit recueillir dans son cours les eaux de ces dernières communes et déboucher dans l'Escaut entre le Krankenloon et le Royal polder, au sud de Calloo.
Des études ont été faites à cet égard, en 1855 et 1856 par M. Wolters, ingénieur en chef de la Flandre orientale ; ce travail nécessite l'emprise de 15 hectares de terrain, un remblai et déblai de 82,000 mètres cubes de terre, la construction de six siphons : les frais s'élèvent à 205,000 fr.
Ce canai ne peut être exécuté que par le gouvernement, car il est à prévoir qu'il faudra exproprier certains terrains et que les polders de Beveren et de Melsele, libres de toute servitude de passage d'eaux étrangères, ne se soumettront pas volontiers à cette charge.
La seconde zone devrait se composer du polder de Saftingen (Hollande) dont l'écoulement d'eau a lieu, par tolérance, par notre territoire et des polders belges de Kieldrecht, Prosper, Arenberg. Ces eaux peuvent être reprises au Dansaertbrug et devraient être conduites par les polders Sainte-Anne, Keetenisse à l'Escaut, en aval du fort Liefkenshoek. Ce canal de 4,500 mètres de longueur, construit dans les mêmes conditions que le précédent, occasionnerait une dépense de 145,000 francs.
Les terres qui restent entre les deux zones que je cite conserveraient alors les voies d'écoulement qui existent aujourd'hui et qui sont suffisantes pour elles ; elles seraient assainies de fait, puisqu'elles disposeraient (page 783) seules des douze mètres d'ouverture des écluses de Saints-Pierre et Paul, et du débit de 45,000 mètres cubes par marée.
Lorsqu'un jour les nécessités du service exigeront la destruction de ces écluses, ce qu'il faut prévoir, les eaux de cette zone pourraient suivre les fossés de la nouvelle batterie qui relie les forts Sainte-Marie et la Perle, contourner les fortifications de ce dernier ouvrage de défense et être rejetées au nord, dans l'Escaut.
Si le département de la guerre se décide à exécuter ces travaux, il assainira toute cette zone, et rendra possible le campement d'une armée. Il aura soustrait 894 hectares de terre à des inondations, fait disparaître un immense foyer d'infection et tout en rendant justice à une population dont il a singulièrement aggravé les charges, par les nécessités des travaux de défense de notre pays, il aura sauvegardé les intérêts particuliers comme ceux du gouvernement, puisqu'il conservera sa position actuelle et que les écluses des trois voies d'écoulement continueront à dépendre de ces fortifications.
Il résulte des rapports fournis à M. le ministre des travaux publics, que l'assainissement de la plus grande partie des polders entre la mer du Nord et le pays de Waes peut avoir lieu. Il a réservé la solution de cette question à son département.
Je le félicite de cette décision, puisqu'il conserve l'unité de direction des mesures à employer, mais je crois qu'il se trompe étrangement dans le choix de quelques-uns des moyens dont il préconise l'emploi : tel est, entre autres, celui de combler les criques au moyen des terres des anciennes digues, qui sont inutiles aujourd'hui pour la défense des polders. Il me semble qu'on fait bon marché des lois et des droits des tiers. Pratiqué tel que le porte l'énoncé du rapport de M. le ministre, c'est tout simplement impossible ; en tout cas, ce n'est qu'un moyen local, exceptionnel, qui ne pourra pas être généralisé, puisqu'il présuppose que digue et criques appartiennent au même propriétaire ; je ne connais qu'un polder dans cettle situation, celui de Saint-Eloy, près de Wachtebeke.
Les bons conseils ne manquent cependant pas à l'administration. J'ai pu prendre communication au ministère d'une partie du rapport de M. Wolters, ingénieur des ponts et chaussés à Gand, et certes si l'on applique les mesures qu'il indique, la moitié des terrains le long de la frontière zélandaise sera encore assainie cette année.
Mais si, au lieu de mettre la main à l'œuvre, on s'ingénie à soulever des difficultés telles que la question, qui n'en est plus une, de savoir qui doit intervenir de la province, de la commune, des polders ou des particuliers, s'il faut déterminer à priori la part qui devrait plus ou moins équitablement incomber à chacun, ce n'est pas dans deux ans, dans cinq ni dans dix ans qu'on arrivera à une solution et qu'on sauvera ces populations ; vous aurez fait tout simplement de la théorie et une très mauvaise besogne.
Il n'y a pas de précédent que province ou commune aient jamais été appelées à concourir à de pareils travaux : nulle part on n'a réclamé une imposition aux particuliers dont les terres font partie d'un travail d'assainissement de ce genre, on ne leur a jamais imposé une taxe à part.
Quant aux polders, il ne faut pas perdre, de vue qu'ils n'ont une existence légale que par les décrets de janvier et de décembre 1811. Leurs droits et leurs devoirs y sont définis : ils se réduisent à la conservation du polder, à son administration intérieure, au simple entretien de ses routes et de ses canaux.
Les directions de ces polders, composées des mandataires de la majorité des adhérités qui sont présents aux comptes annuels, n'ont ni mission ni pouvoir pour s'entendre avec d'autres autorités ; elles ne peuvent ni exécuter, ni concourir à l'exécution de travaux étrangers qui exigent une association et des règlements particuliers, une direction et une administration à part, une mise de fonds et des impositions d'un tout autre caractère.
Il faudrait, dans ce cas, constituer ces propriétés en une espace particulière de wateringue, élaborer des règlements et demander aux pouvoirs une existence propre. Or, vous n'atteindrez jamais ce but, parce que les intérêts des communes et des polders diffèrent trop par leur situation, la valeur des terres, leurs besoins immédiats ; que l'assainissement importe principalement à la population et non au propriétaire du fonds ; que les frais dépasseront la valeur du sol dans la plupart des cas.
L'association cependant a été prévue pour les polders, mais exceptionnellement et en ce qui concerne seulement les travaux de défense à la mer.
En effet, sentinelles avancées, les privilèges qui leur sont accordés par la loi ont pour corollaire des devoirs, et parmi eux celui de garantir les arrière-terres d'inondations de la mer, par conséquent, des travaux à exécuter en avant et hors digue. Il peut arriver dans ce cas que deux polders voisins, dont les digues se touchent, doivent combiner leurs moyens de défense.
C'est ce que règle l'article 51 du décret de décembre 1811 qui porte : « Les polders qui auraient entre eux des intérêts communs seront formés en association pour leur défense mutuelle. » Leur intervention ne peut être étendue plus loin. Ils doivent entretenir et conserver tous leurs ouvrages de défense, leurs routes et les canaux d'assainissement dans leur circonscription propre ; ils ne peuvent aller au delà.
Du reste, à juger par ce que le gouvernement a fait pour les terres du sud de Bruges, pour les canaux de Heyst ou de Zelzaete et de Schipdonck, à la Meuse, en Campine, dans tout le pays, on peut conclure qu'il a abandonné ses prétentions de réclamer l'intervention pécuniaire des propriétaires, et que cette question est définitivement résolue.
M. l'ingénieur Wolters, tout en signalant, dans son rapport qui traite d'une partie de la Flandre orientale, certains travaux dont l'importance est très minime dans notre pays, insiste surtout sur des négociations à ouvrir avec un Etat voisin et ami, la Hollande, qui a en ce moment besoin de nos bons offices tout autant, pour le moins, et plus même que nous des siens.
Ces négociations doivent porter sur divers points ; je les indiquerai sommairement. Je les recommande à l'attention de M. le ministre des affaires étrangères. Il a été le premier à donner un corps à l'œuvre philanthropique d'assainissement ; j'espère qu'il ne l'abandonnera pas et qu'il continuera à lui accorder tous ses soins.
Pour obtenir satisfaction et s'entendre avec la Hollande, il ne faut pas, comme l'indique M. le ministre des travaux publics, confier les négociations aux ingénieurs en chef des provinces ; c'est à Bruxelles ou à La Haye qu'il faut négocier. MM. les ingénieurs en chef changent trop souvent de résidence ; en dix ans, il y en a eu quatre, en Zélande ; puis ils ne peuvent pas être munis de pouvoirs suffisants. Il ne s'agit plus, d'ailleurs, de constater une situation ou de faire des études, il faut viser plus haut et obtenir l'exécution franche, loyale, entière des traités du 19 avril 1839, du 5 novembre 1842 et de la convention du 20 mai 1843 qui ont tous rapport à l'écoulement des eaux des Flandres.
La Belgique y a droit.
C'est en 1844 que M. l'ingénieur en chef de la Flandre orientale, M. Wolters, père, et M. Beyerinck, ingénieur en chef de la Zélande, tous deux délégués par leur gouvernement, ont eu une dernière conférence à l'égard de ces traités. Il s'est agi de savoir si la Hollande avait satisfait à tous les engagements qui lui incombaient. M. Wolters constata l'insuffisance des travaux, leur exécution défectueuse. M. Beyerinck soutint le contraire, et. ne pouvant se mettre d'accord, ils en référèrent chacun à son gouvernement.
Or, depuis tout est resté dans le statu quo, et quoique nulle satisfaction ne nous ait été donnée, et que le gouvernement des Pays-Bas ne se soit pas acquitté des charges qu'il avait assumées par l'article 20 du traité de 1839, qui lui imposait l'établissement et l'entretien de nos voies d'écoulement sur son territoire, la Belgique lui a payé annuellement et continue à lui payer l'indemnité de 50,000 florins qu'elle avait reconnu lui devoir pour un travail parfait, tandis qu'elle n'eût dû lui donner que 26,000 florins aussi longtemps qu'elle jugeait que ces ouvrages n'étaient pas complètement en état de satisfaire à leur destination.
Je tiens à fixer ce point, parce que les faits ont justifié l'opinion de M. Wolters, et que le gouvernement belge devra reprendre les négociations à celle date.
Les terrains à assainir dans les communes de Bouchoute et d'Assenede comprennent une étendue d'environ 8,000 hectares.
Les écluses d'Isabelle, qui servent actuellement à déverser les eaux de cette vallée dans le Braekman, Hollande, sont condamnées. Leur chenal est envasé, et il suffira d'un hiver rigoureux, d'un mois de gelée pour que les atterrissements qui s'y sont formés depuis trois ans, avec une prodigieuse rapidité, soient relevés et ferment toute issue à nos eaux.
Le canal de Heyst, insuffisant pour dériver les eaux de Bouchoute à l'Oosterput, l'est à un degré bien autre pour Assenede, dont le sol est très bas : il faut donc renoncer à cette voie.
Exhaurer les eaux serait encore une mesure à prendre. Mais quand même on retirerait toute l'utilité possible de cette exhaure en en faisant servir les eaux pour alimenter le canal de Terneuzen, c'est un moyen très coûteux ; il est en tout cas insuffisant dans les mauvaises saisons, et lors des pluies ; il est condamné en agriculture par tout homme d'expérience ; (page 784) il n’a jamais réussi, ni au lac de Berlaere, ni au lac de Harlem, puisque ce sont de mauvaises spéculations financières ; on ne l'emploie qu'à défaut d'autres moyens et lorsqu'on en est réduit à cette dure extrémité.
Or, il est possible de sauver ces communes si le gouvernement peut obtenir que la Hollande se conforme aux traités.
Il existe, il est vrai, comme l'indiquent ces conventions, un canal de dérivation latéral au canal de Terneuzen, mais sa section est trop petite et son insuffisance a été constatée par M. Wolters en 1844, à l'époque de son creusement.
Depuis, cette mauvaise situation a encore été singulièrement aggravée, car plusieurs endiguements ont eu lieu dans le Braekman, en Hollande, et quelques écluses de divers autres polders de cette zone, ayant été envasées, il a fallu y modifier l'écoulement général.
Or, tous, nouveaux comme vieux polders emploient cette voie et s'en servent pour déverser leurs eaux en mer à Terneuzen. Ils le font, donc au détriment de nos terrains, dont ils refoulent et priment les eaux et n'en permettent l'écoulement que lors de l'assèchement complet des terres hollandaises.
En tout cas et de quelque manière qu'on envisage la question, il faudrait, pour satisfaire aux traités, que ce canal fût élargi et approfondi, que l'écluse de mer eût une section plus grande.
Mais le premier travail est impossible, la nature du terrain ne le permet pas. Les ingénieurs du Materstaat ont eu les plus grandes peines à l'établir tel qu'il est, ils ne font pas mystère de leur opinion.
Il faut donc creuser un nouveau canal : c'est le moyen le plus simple, le plus économique. On peut l'établir le long de la voie ferrée de Gand à Terneuzen. On reprendrait ainsi les eaux belges à la frontière, au polder Saint-Albert, on les mènerait à Sluiskille, et de là directement en mer. Il faudrait construire une nouvelle écluse à Terneuzen, avec un radier très bas, afin de permettre l'écoulement de la plus grande partie d'eau possible par marée ; de cette manière toute la zone belge serait complètement assainie. D'après les traités, ces travaux incombent à la Hollande.
A l'est de Terneuzen, depuis Zelzaete. jusqu'à Wachtebeke, les eaux belges s'écoulent par le polder de Canisvliet ; elles empruntent ou devraient plutôt emprunter les voies déterminées par les traités de 1839. Ces ouvrages ont été établis, mais ils sont dans un tel état d'abandon que le domaine les afferme et que le cultivateur s'en sert pour y faire paître le bétail.
Le creusement de ces canaux, leur entretien à profondeur en Hollande, permettraient d'assainir les terrains de cette vallée belge.
Il en serait de même pour la section entre Wachtebeke et Slekene si le gouvernement néerlandais, se conformant aux traités, faisait abaisser le radier de l'écluse du Waterhuis dans le Moerbeekepolder, et approfondir, en leur donnant une section en rapport avec la hauteur des berges, 500 mètres du canal en aval de cette écluse et 2,000 mètres en amont jusqu'à notre frontière au Moerbeekepolder, commune de Moerbeke.
Les eaux de cette section, comme celles de la zone Wachtebeke-Zelzaele, se déversent dans la grande crique près de la ville d'Axel et s'écoulent vers Terneuzen, par l'écluse de Buthpolder, dont la hauteur du radier détermine le degré d'assainissement possible pour les terrains de notre pays.
Or, il est à 1 m 64 plus bas que celui de la dernière écluse belge, la Roodesluis, tandis que le radier du Waterhuis, qui se trouve entre les deux, a 0 m 20 d'élévation en plus et forme barrage. Il résulte de cet état de choses qu'il existe une différence de niveau de 1 m 84 sur une distance de 4,000 mètres. Ces chiffres indiquent les travaux à exécuter en Hollande et prouvent, mieux que tout raisonnement, la possibilité d'assécher complètement les terres belges.
Il est à remarquer que communes et polders belges ont toujours eu soin de conduire rapidement leurs eaux vers le dernier débouché. Pour vous en donner une idée, et ce n'est pas un cas exceptionnel, je citerai l'assèchement de la commune de Moerbeke. Son étendue est de 3,800 hectares ; elle a 75 cours d'eaux reconnus par l'autorité ; ils ont 85,000 mètres de longueur ensemble, et communiquent par 7 aqueducs avec le Moerbeeke-polder, où les eaux doivent séjourner et croupir si les voies d'écoulement en Hollande sont insuffisantes, comme aujourd'hui, ou mal entretenues ; or c'est la situation que je signale et qu'on constatera dans toutes les communes limitrophes de nos frontières ; c'est ce qui explique le peu d'importance des travaux à exécuter dans nos Flandres. Il faut employer deux moyens pour assainir le territoire de Stekene. Le Rietpolder vers le Koewacht déverse ses eaux dans le crique de Saint-Andries, dont le niveau peut facilement être baissé si l'on approfondit et entretient les fossés en aval. Il suffira, j'en suis persuadé, d'appeler l'attention du gouvernement hollandais sur ce point, pour que les directions des polders s'empressent de sauvegarder les intérêts généraux des deux pays ceux de la population limitrophe.
Il faut recourir pour la partie nord-ouest de Stekene aux traités de 1839 et de 1842, ainsi qu'a une convention conclue le 10 novembre 1706 entre le sieur Ramoul, greffier du chef collège du pays de Waes et la baronnie de Sint-Jan-Steen. (Voir les archives de Stekene.) D'après ce contrat les eaux des Wildelanden peuvent s'écouler vers la commune de St-Jan-Steen à travers la rue dite Hellestraat et la digue Helledyk, sous condition de payer les frais de la construction des aqueducs, de les entretenir et de laisser l'écoulement libre aux eaux des Wildelanden du territoire hollandais.
L'un des aqueducs existe encore, l'autre a été détruit par les Hollandais en 1831.
En 1866 un échevin de Stekene, se fondant sur cet ancien droit, la convention, donna l'ordre de reconstruire ce dernier ouvrage, mais comme l'axe de la rue Hellestraet forme limite, le travail devait nécessairement se faire en partie sur le terrain hollandais.
Les autorités de ce pays s'opposèrent formellement aux travaux et portèrent plainte à notre gouvernement pour violation de territoire.
Si, par excès de zèle, et dans un intérêt public, cet échevin a pu avoir tort en se rendant justice à lui-même, il n'en est pas moins vrai que la Belgique a droit de réclamer cette voie d'écoulement et d'exiger de la Hollande la reconstruction de cet aqueduc. La différence de niveau des eaux de l'un à l'autre côté de la rue est suffisante pour assécher cette partie de Stekene.
II nous reste maintenant le nord de Bruges et le Zwyn. La rectification des limites au Zwyn permettra, je l'espère, de donner une prompte solution aux demandes d'endiguement de ces schorres et de satisfaire enfin aux vœux de la population du littoral et à ceux du conseil provincial de la Flandre occidentale.
Je ne dois pas cacher cependant que, dans mon opinion, cet assainissement sera plutôt obtenu par la force des choses, par les besoins de la Hollande, à qui cet endiguement international est devenu indispensable pour permettre l'assèchement de 14,000 hectares de son sol, qu'aux autorités belges, quoique sur 588 hectares que comportera cet endiguement, 507 sont situés sur notre territoire.
Les intéressés ont présenté leur première demande à M. le ministre des travaux publics en mars 1867 : elle comportait un endiguement international.
Le second projet, modifié par suite de difficultés dans nos relations avec la Hollande, n'a rapport qu'au sol belge ; il comporte 200 hectares ; il a été présenté en février 1868. L'un et l'autre reposent dans les cartons du ministère.
Le canal de Heyst a asséché tout le nord de Bruges, et une petite partie de la Flandre orientale, mais il a été poussé à l'est jusqu'à son point extrême, à la crique l'Oosterput, à Bouchoute.
Il ne faut pas songer à le prolonger pour assainir cette commune. En effet, dans le principe il communiquait librement avec l'Oosterput et loin d'en conduire les eaux en mer à Heyst, il y déversait, à la moindre crue, les eaux de l'aval et aggravait ainsi la situation des terres du Laureynen polder.
Pour obvier à ce mal et afin de retirer quelque utilité de ce canal, les jours que les eaux en sont plus basses que dans l'Oosterput, il a fallu fermer l'un des pertuis de l'écluse au Steeneschuur, à Bouchoute, condamner les portes de l'autre, les fixer et y établir des clapets qui ne s'ouvrent que du côté de la mer et se referment d'eux-mêmes lorsque la pression des eaux de l'aval est plus forte que celle d'amont.
L'élévation des eaux du canal de Heyst provient en partie du déversement des eaux de plusieurs polders hollandais dont l’étendue dépasse les 4,000 hectares.
Le canal que le gouvernement hollandais se propose de creuser au Zwyn et qui nécessite l'endiguement international, pourvoira à l'écoulement d'environ 5,000 hectares, mais les autres terres continueront à employer les voies belges et conserveront un écoulement privilégié sans être astreint à indemnité.
En Hollande comme en Belgique, tout travail général d'assainissement est impossible si l'Etat n'intervient et n'en dirige l'exécution. Tel est le cas en ce moment-ci.
Tous les polders d'une partie de la Flandre zélandaise, ceux qui entourent les villes de l'Ecluse, Ardenbourg et Oostbourg, ont perdu leurs voies d'écoulement par l'envasement du Zwyn et du Braekman ; 14,000 hectares de terres souffrent et parmi eux plus de mille ont dû être abandonnés par le cultivateur. Le gouvernement a toujours refusé d'intervenir.
En juillet 1865, il accorda cependant un subside de 200,000 fi., sur une dépense présumée de 320,000 fl., si les polders ou les communes voulaient exécuter les travaux nécessaires.
(page 783) Cette intervention n'a pas suffi. Et quoique les souffrances fussent immenses et l'avenir des plus sombres, puisque la Belgique peut fermer à chaque instant tonte issue pour l'écoulement de leurs eaux, ni les autorités des communes ou des polders, ni les habitants les plus notables du pays ne parvinrent à un compromis. Tous les efforts ont échoué devant la divergence des intérêts et l'ouvre si péniblement conduite pendant cinq ans, par quelques amis du progrès et de leur pays, a dû être abandonnée en 1868.
Aujourd'hui devant le péril qui menace les intérêts les plus vitaux de la Zélande, le gouvernement fait fléchir ses principes. Il exécutera lui-même les travaux et demandera des crédits dans la première session des chambres.
Cette décision a été reçue avec acclamation dans tout le pays ; les oppositions et les difficultés se sont évanouies, et polders comme communes formeront un waterschap et se chargeront de l'entretien des travaux que le gouvernement leur remettra après exécution.
Une situation analogue existe en Belgique, la wateringue du Hazegras sluis, au nord de Bruges ; cette écluse a été construite et appartient au gouvernement ; il en a confié l'administration et l'entretien, comme l'usage, à une direction composée d'un délégué de chaque polder ou wateringue intéressée.
Or, ce qui se passe en Hollande sous la pression des événements, ce que le gouvernement a fait pour certaines parties du pays, nous le réclamons, à notre tour, pour l'assainissement des polders.
L'Etat doit intervenir et agir : il doit négocier afin d'obtenir l'exécution des traités, il doit se charger du creusement des canaux dans le pays de Waes.
L'assainissement en Flandre comporte 15 lieues, 00,000 hectares, 30 communes.
Cent mille habitants demandent qu'on les délivre d'un fléau qui les décime depuis deux siècles.
Les études sont complètes pour la plus grande partie de notre frontière ; ingénieurs et administrations locales sont d'accord, tous les moyens d'exécution sont indiqués, rien n'empêche d'entrer résolument dans la voie, d'attaquer partout et en même temps le mal de front, de le couper dans sa racine.
L'intérêt général doit tout dominer : il ne permet pas de s'arrêter aux questions de détail qui trouveront leur solution plus tard.
Le passé nous l'a appris, le présent le confirme, communes, directions de polders, particuliers sont impuissants.
Le gouvernement doit donc cesser d'hésiter et de perdre un temps précieux.
Il a des obligations, des devoirs, il ne peut y faillir. Une situation aussi désastreuse pour nos populations et, dans un cas donné, pour l'armée, doit disparaître au plus tôt.
L'humanité, l'intérêt public, l'honneur du pays l'exigent.
M. Dewandreµ. - Messieurs, l'arrondissement de Charleroi ne demande guère au gouvernement que deux choses : des écoles et des voies de communication. Quant au premier objet, nous connaissons les intentions de l'honorable ministre de l'intérieur, et comme nous savons que chez lui les actes suivent de près les paroles, nous n'avons pas à nous plaindre.
.Malheureusement il n'en est pas de même pour les voies de communication.
Ici cependant nous devons encore rendre justice aux intentions du gouvernement : depuis quelques années il a présenté et fait adopter des projets de chemins de fer que l'on réclamait depuis longtemps dans l'arrondissement de Charleroi. Ainsi, ce sont le chemin de fer direct de Luttre à Bruxelles, le chemin de fer de ceinture de Charleroi, le chemin de fer de Luttre à Châtelineau.
Malheureusement, l'exécution n'a pas suivi le vote des lois, et la construction de ces chemins de fer est encore attendue.
Je ne doute pas du bon vouloir du gouvernement et de M. le ministre des travaux publics en particulier.
Ce bon vouloir, ii nous l'a encore manifesté dans la séance d'hier, mais malheureusement je trouve que ses bonnes intentions sont souvent paralysées par les lenteurs de son administration et spécialement par les lenteurs excessives des ponts et chaussées.
Je ne suis pas le seul, messieurs, qui exprime cette opinion. Déjà, l'année dernière, l'honorable M. Elias vous a fait un discours sur cet objet et plusieurs des orateurs qui ont pris la parole dans la discussion du budget des travaux publics cette année, se sont plaints précisément des retards apportés à l’exécution de certaines promesses du gouvernement.
L'honorable M. Elias disait l'année dernière que, pour les ponts et chaussées, l'examen de l'alignement que l'on doit donner a une voie dure quelquefois pendant toute une année.
S'il en est ainsi, messieurs, vous devez comprendre ce que doit être l'étude de projets un peu considérables. Je veux en citer seulement deux exemples.
Il y a à Charleroi un canal qui sépare la station de la ville.
Pour traverser ce canal, il existe un pont tournant.
La circulation est interrompue pour les voitures et pour les piétons chaque fois qu'un bateau doit passer, et les bateaux sont arrêtés à leur tour quand les voitures et les piétons traversent le pont.
Depuis longtemps la ville de Charleroi a réclamé l'établissement d'une passerelle à côté de ce pont, afin de permettre toujours le passage des piétons.
Cette demande a donné lieu à une longue instruction, et le 5 juillet 1867, l'ingénieur en chef directeur des ponts et chaussées dans la province de Hainaut, reconnaissait enfin qu'elle devait être accueillie. Il déclarait celle mesure très avantageuse et il regrettait de ne pouvoir la réaliser pendant le chômage de 1867.
Ce travail ne pouvait en effet être exécuté que pendant la baisse des eaux, c'est-à-dire au mois de juillet ou d'août.
Le 5 juillet 1867, l'ingénieur en chef donnait donc un avis favorable et dès le 11, c'est-à-dire 6 jours après, l'honorable ministre des travaux publics décidait la construction de la passerelle.
Il écrivait aussi à l'administration communale qu'il regrettait de devoir ajourner jusqu'en 1868 l'exécution d'un travail aussi utile. Aussi M. le ministre des travaux publics eût-il bien soin de faire voter à son budget de 1868 les fonds nécessaires pour la construction de cette passerelle. Donc rien ne manquait plus pour faire ce travail pendant le chômage de 1868. et remarquez, messieurs, qu'il s'agissait d'une construction très facile, parfaitement connue, et dont la dépense devait être de dix à douze mille francs seulement.
Eh bien, l'administration des ponts et chaussées, qui avait eu un an pour faire le plan et le cahier des charges de ce travail, n'a pas été prête au chômage de 1868.
Nous approchons du chômage de 1869, c'est-à-dire que deux ans se sont écoulés depuis que ce travail a été décidé. Je doute que malgré toutes les réclamations et les pressantes injonctions de l'honorable ministre des travaux publics, on arrive à exécuter ce travail pendant le chômage de 1869.
Messieurs, cette lenteur des ponts et chaussées se communique à tout ce qu'ils touchent. Ainsi le gouvernement a décidé en 1865 le démanteler ment de la place de Charleroi. Charleroi est une ville qui a été ruinée par ses fortifications. Elle aurait certainement une population quadruple ou quintuple de celle qu'elle a, si elle n'avait été resserrée dans un territoire extrêmement restreint par les fortifications d'abord, puis par le rayon dans lequel on ne pouvait pas bâtir à cause des servitudes militaires.
Mais enfin, en 1865, le gouvernement a décrété le démantèlement de la place. La ville était incapable de démolir par elle-même ses fortifications. Elle avait le droit cependant d'exiger du gouvernement que ses fortifications qui n'étaient plus utiles à la défense du pays, disparussent.
Elle s'est donc adressée à M. le ministre des finances pour lui demander cette démolition. Elle a fait cette demande en 1866, et M. le ministre des finances l'a accueillie. Il a répondu seulement que pour pouvoir démolir les fortifications et tirer parti des terrains en les vendant, il fallait un plan d'ensemble, indiquant quelles étaient les rues qu'on pouvait créer sur ces terrains et il a demandé à la ville de lui proposer un plan.
L'administration communale de Charleroi y a consenti. Elle a ouvert un concours pour la confection de ce plan. Ce concours a donné d'excellents résultats et la ville a soumis à M. le ministre des finances un plan d'appropriation de ces terrains.
M. le ministre des finances a nommé vers la fin de l'année 1867 une commission chargée d'examiner ce plan. Dans cette commission se trouvait un fonctionnaire des ponts et chaussées, très honorable, très savant, dit-on, mais qui malheureusement a les habitudes de son administration et qui a apporté ces malheureuses habitudes dans le travail dont il s'agit. Il a réuni la commission trois fois au commencement de l'année 1868, et depuis lors, pendant un an à peu près, il a étudié, il a examiné ; mais il n'a plus réuni la commission malgré les sollicitations les plus pressantes, malgré les demandes de M. le ministre des travaux publics lui-même ; malgré les réclamations de M. le ministre de l'intérieur, qui s'est rendu avec son collègue sur les lieux pour tâcher de presser ce travail ; rien n'y a fait. La commission est restée pendant plus d'un an sans être convoquée.
(page 786) Enfin, après neuf mois de gestation par l'administration des ponts et chaussées, l'honorable ministre des travaux publics a bien voulu m'écrire en octobre 1868, que dans quelques jours, la commission se réunirait et qu'elle pourrait arrêter le plan. M. le ministre des travaux publics évaluait donc à quelques jours le temps qu'il fallait encore aux ponts et chaussées pour achever leur travail. Eh bien, savez-vous combien ont duré ces quelques jours fixés par M. le ministre des travaux publics lui-même ? Ils ont duré six mois ! Six mois après, la commission n'était pas encore réunie.
Comme vous le voyez, M. le ministre des travaux publics propose et les ponts et chaussées disposent ; ils disposent en ne faisant rien.
Je sais que pour expliquer ces retards, on a. dit que l'examen très approfondi que ce savant ingénieur avait fait du plan permettrait de réaliser sur son exécution une économie considérable, économie qu'on a même évaluée à 500,000 fr.
Eh bien, ce fait, je le nie, je le nie de la manière la plus formelle. La ville avait naturellement proposé un plan dont les niveaux devaient donner aux rues le plus de régularité possible. Dès le premier examen fait par la commission, elle a reconnu que la ville achetait cette régularité au prix d'une dépense un peu trop considérable, et elle a demandé aux représentants de la ville dans la commission de modifier les niveaux de manière à avoir moins de déblais à faire.
Et dès la seconde réunion, c'est-à-dire depuis plus d'un an, les représentants de la ville ont acquiescé à cette demande et l'économie à réaliser à pu être obtenue immédiatement, à ce point qu'on a mis il y a dix mois en adjudication la démolition d'une partie des fortifications de la ville en adoptant ces niveaux qui devaient réaliser l'économie dont on a parlé.
Le temps employé ou perdu depuis lors par les ponts et chaussées ne se justifie donc pas par la réalisation de cette économie, puisqu'on s'était mis d'accord sur ce point dès le principe.
Je suis convaincu, messieurs, que le travail effectué depuis un an n'équivaut pas à huit jours de travail d'un ingénieur ordinaire, et qui n'aurait pas l'honneur d'appartenir aux ponts et chaussées.
On dit que si les ponts et chaussées font lentement, ils font bien ; l'honorable M. Elias a déjà cité, l'année dernière, des faits qui prouvent que cette administration ne fait pas toujours bien ; j'en citerai, à mon tour, un qui prouve qu'elle ne fait pas toujours avec économie.
Je viens de dire que quelques lots de démolition des fortifications avaient été adjugés. Sur la première adjudication, les soumissionnaires ont présenté un rabais de 29 1/2 pour cent, c'est-à-dire que l'ingénieur de l'Etat, qui évidemment ne doit pas, dans les devis qu'il soumet aux entrepreneurs, porter trop haut les évaluations, qui doit plutôt les amoindrir que les exagérer, s'était trompé de 29 1/2 pour cent sur la dépense d'un travail de déblai et de démolition, qui s'élevait à une vingtaine de mille francs. Le devis n'était donc pas bien difficile à faire.
Cette première erreur aurait dû mettre les ponts et chaussées en garde ; et pour la deuxième adjudication ils auraient dû présenter des prix plus réduits.
La solennité et la lenteur avec lesquelles les ponts et chaussées agissent ne leur ont pas permis d'opérer ainsi et à la deuxième adjudication, un mois plus tard le rabais s'est encore élevé à 20 3/5 p. c. pour un lot et à 21 p. c. pour le second lot adjugé. C'était un deuxième avertissement à l'administration des ponts et chaussées qu'elle devait diminuer ses évaluations ; eh bien, à la troisième adjudication, deux mois après, il y a eu encore sur les évaluations des ponts et chaussées, des rabais variant de 17 à 22 1/2 p. c.
Voilà donc trois adjudications successives ; la première indique que les ponts et chaussées se sont énormément trompés dans leurs évaluations et qu'il faut les diminuer ; la deuxième adjudication les avertit de nouveau et à la troisième les rabais vont encore jusqu'à 22 1/2 p. c.
Les ponts et chaussées ont aussi dans leurs attributions l'approbation des plans des chemins de fer concédés ; ils ont donc eu à examiner le chemin de ceinture de Charleroi et le chemin de fer de Luttre à Châtelineau ; eh bien, messieurs, les plans ont été remis au département des travaux publics, en janvier 1868 ; de nouvelles études ont démontré que quelques modifications devaient y être introduites et les plans rectificatifs ont été remis an ministère des travaux publics en août 1868.
Je reconnais que M. le ministre des travaux publics a fait personnellement tout ce qui était possible pour arriver dans le plus bref délai à l'approbation de ces plans ; du reste, les députés de Charleroi les lui ont rappelés assez souvent et à bien des reprises l'honorable ministre de l'intérieur, en sa qualité de député de Charleroi, s'est joint à nous pour demander la solution la plus prompte possible des questions que soulevaient ces plans.
Rien n'y a fait, messieurs. Et il y a six semaines, l'administration de la Société Générale d'exploitation se plaignait hautement elle-même dans son rapport à ses actionnaires, de la lenteur avec laquelle on procédait à l'examen et à l'approbation de ces plans.
Je sais bien que le gouvernement a répondu à cette plainte de la Société Générale d'exploitation qu'il y a eu, depuis lors, un échange de correspondance assez désagréable entre cette société et le département des travaux publics ; mais de l'examen de cette correspondance et de l'étude des faits il m'est resté cette conviction que, si la société ne s'est pas pressée, les ponts et chaussées se sont pressés encore moins, et cependant il y avait à se hâter. Etait-ce à la société ou aux ponts et chaussées à activer cette affaire ? C'était évidemment aux ponts et chaussées à presser la société, à la mettre en demeure, à l'obliger à déposer ses plans d'une manière complète. Et, en supposant la situation égale, en supposant qu'il y ait eu des retards des deux côtés, la grosse faute incombe sans aucun doute aux ponts et chaussées.
Messieurs, je résume cette affaire en deux mots et je dis que, si la société a sommeillé, les ponts et chaussées en ont profité pour dormir.
En examinant les pièces de ce débat j'ai encore constaté un vice indépendant de cette lenteur qu'on reproche avec raison aux ponts et chaussées. C'est le manque d'unité dans l'administration des travaux publics. Les ponts et chaussées examinent les plans sans tenir compte de ce qui a été fait par l'administration des chemins de fer ; l'administration des chemins de fer approuve un tracé, les ponts et chaussées le repoussent ; le tracé peut cependant être recommandé par des conditions d'exploitation ; mais les ponts et chaussées l'examinent uniquement au point de vue du constructeur, et ne combinant pas assez les conditions de la construction avec celles de l'exploitation, se mettent en contradiction avec l'administration des chemins de fer. De là des tiraillements et par suite encore des lenteurs.
Messieurs, je conclus : les excellentes intentions manifestées par l'honorable ministre des travaux publics ne. suffisent pas, loin de là, pour pouvoir satisfaire les populations qui ont affaire avec le département des travaux publics et tout spécialement l'arrondissement de Charleroi.
Je suis très convaincu qu'il est indispensable de réorganiser l'administration des ponts et chaussées pour donner à nos travaux publics l'impulsion, l'activité qui leur est indispensable. Cette administration est beaucoup trop compliquée, son personnel est trop nombreux ; elle comporte une hiérarchie qui n'en finit pas.
Lorsqu'un objet est mis à l'étude, il doit d'abord descendre du haut de cette hiérarchie jusqu'au bas ; un premier examen s'y fait ; le projet remonte ensuite, par tous les degrés, du conducteur des ponts et chaussées à l'ingénieur de district, de l'ingénieur de district à l'ingénieur en chef, de l'ingénieur en chef à l'inspecteur général, de l'inspecteur général au directeur général, du directeur général au ministre ; s'il y a des objections, ce. projet redescend par toute cette filière, et pour peu qu'il y ait deux ou trois objections il faut des années pour que l'étude du projet soit complétée.
Je le répète, il y a là une réorganisation à faire ; il y a lieu de simplifier l'administration des ponts et chaussées et surtout d'en changer les habitudes. Ces habitudes sont d'une lenteur désespérante et je crois qu'il ne sera pas trop de tout le bon vouloir et de toute l'énergie de l'honorable ministre des travaux publics pour obtenir ce changement.
- Voix nombreuses. - A demain !
La séance est levée à 5 heures.