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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 avril 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 728) M. Dethuinµ fait l'appel nominal à 1 heure et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres des conseils communaux et des propriétaires d'Heyst-op-den-Berg, Itegem, Boisschot, Hulshout, Westmeerbeek, Oortenoyck, prient la Chambre de voter les crédits nécessaires pour la construction de ponts à barrages sur la Nèthe. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le conseil communal de Chièvres demande l'exécution de la loi du 28 mai 1856 concernant la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain sur Ath. »

« Même demande du conseil communal et d'habitants de Baudour. «

- Même décision.


« Le sieur Courrier demande que le décret du 25 prairial an XII, sur les inhumations, soit abrogé dans ses dispositions qui sont contraires à la Constitution. »

« Même demande d'habitants de Verviers et de Theux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de l'arrondissement de Verviers prient la Chambre de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que les membres des corporations religieuses qui sont expulsés de l'Espagne ne jouissent en Belgique des droits d'association et de réunion garantis aux Belges. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, plusieurs demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

« Par dépêche, du 15 avril 1869, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, en exécution de la loi du 7 juillet 1865, copie de quatre arrêts rendus par les chambres réunies de la cour de cassation. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1869

Discussion générale

M. de Vrièreµ. - Messieurs, nous avons entendu hier l'honorable M. d'Hane développer un système nouveau de représentation à l'étranger ; l'honorable membre veut supprimer les titres sous lesquels, dans tous les pays de l'Europe et de l'Amérique, sont désignés les agents diplomatiques, pour y substituer des titres consulaires.

Selon l'honorable membre, un consul ou un vice-consul est éminemment plus propre à soigner a la fois les intérêts politiques et les intérêts commerciaux qu'un ministre plénipotentiaire ou un secrétaire de légation. Dans l'opinion de l'honorable membre, un homme qui a été successivement vice-consul et consul aux Indes, en Amérique ou ailleurs, qui aura passé sa vie à soigner des intérêts maritimes dans un autre hémisphère, est le plus propre de tous à soigner nos intérêts politiques, par exemple, à Londres et à Paris.

L'honorable membre attache une si médiocre importance aux premiers postes diplomatiques, qu'il les abandonne aux invalides du corps consulaire . Ces postes seront, dans le système de l’honorable membre, le lot des vieux consuls généraux.

Mais il y a, messieurs, un obstacle à la mise en pratique de ce système ; l'honorable membre s'en aperçoit, mais il n'en est pas découragé. Cet obstacle, c'est le droit public européen, ce sont les traités généraux qui ont déterminé les titres sous lesquels seront dénommés et accrédités les agents politiques des divers grades, qui ont fixé leurs prérogatives, qui ont désigné l'autorité qui les envoie et l'autorité auprès de laquelle ils ont accrédités ; ce sont enfin les règles générales universellement acceptées dans les deux mondes.

L'honorable membre condamne ces règles, il condamne ces errements. Soit, je ne veux pas les discuter avec lui, mais enfin ces règles existent, ces règles sont acceptées partout depuis des siècles ; or, je ne pense pas que nous soyons de taille à les faire changer.

Si l'honorable ministre des affaires étrangères partageait les idées de l'honorable membre, cela ne suffirait pas ; ce n'est pas même un vote de la Chambre et un vote du Sénat qui pourraient les réaliser, c'est un congrès universel qui seul pourrait les faire adopter, de même que ce sont des congrès qui ont établi ce qui existe. Or, je ne pense pas que si l'honorable membre était un jour ministre des affaires étrangères, il osât essayer de faire convoquer un pareil congrès pour lui soumettre ses idées.

Je crois donc inutile, messieurs, d'entamer une discussion qui serait purement théorique sur le discours de l'honorable membre. Mais il y a deux autres points sur lesquels je désire dire quelques mots.

Une commission internationale a été chargée de déterminer la ligne de délimitation qui sépare le territoire néerlandais du nôtre dans le Swyn. Si je suis bien informé, le travail de cette commission internationale a été approuvé par les deux gouvernements intéressés.

Je ne pense pas que la convention résultant de l'approbation des protocoles de la commission,soit de la nature de celles qui doivent recevoir la sanction législative, par la raison que le thalweg du Swyn a été déclaré la limite entre les deux pays par la commission de délimitation générale du 8 août 1843, et que la mission de la commission internationale dont il s'agit ici n'a eu d'autre objet que de fixer la ligne correspondant à ce thalweg à travers les terres qui ont été abandonnées par les eaux, en d'autres termes, de rechercher, dans ce qui reste de cet ancien bras de mer, la ligne de ce thalweg et de la poursuivre à travers les terres d'alluvion.

Dans l'ignorance où je suis de l'opinion du gouvernement à ce sujet, j'ai cru devoir profiter de la discussion du budget des affaires étrangères pour féliciter l'honorable chef de ce département de la conclusion d'un arrangement qui, sous une forme très modeste, a une importance très sérieuse.

La mission dont la commission internationale a été chargée était difficile et délicate, et des deux côtés de la frontière, on était unanime à reconnaître que la plus parfaite équité et une appréciation très exacte des convenances respectives des deux pays avaient présidé aux opérations de la commission.

Cette approbation générale, j'aime à le dire, fait honneur aux membres de la commission.

Je disais, messieurs, que cet acte, sous une forme modeste, a une importance très sérieuse.

En effet, il aura pour résultat de livrer à la culture une étendue considérable de terres aujourd'hui incultes, qui sont d'une fécondité inépuisable. Il permettra d'établir des communications faciles entre le pays de Cadsand et la Flandre occidentale, et de créer des voies d'écoulement qui assainiront ce pays actuellement désolé par les fièvres paludéennes.

Mais, pour atteindre ce résultat, il y aura des travaux considérables à faire. Il devra être procédé à des endiguements et il devra, je pense, s'établir une nouvelle entente entre les deux gouvernements au sujet du mode d'exécution de ces travaux.

Les deux gouvernements les feront-ils à leurs frais ; les abandonneront-ils à l'industrie privée après la vente des terres qui appartiendront au domaine dans les deux pays ?

Ce sont là des questions que le département des affaires étrangères aura à examiner.

Si j'ai pris la parole sur cet objet, c'est dans le seul but de prier instamment M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien prendre sans aucun délai les mesures nécessaires pour que la convention dont je m'occupe puisse sortir tous ses effets utiles dans le temps le plus rapproché possible.

J'espère que M. le ministre des affaires étrangères voudra bien exaucer la prière que je lui fais à cet égard.

Je voudrais maintenant dire un mot sur un autre sujet également intéressant.

Je désirerais que M. le ministre des affaires étrangères voulût bien dire à la Chambre si le barrage de l'Escaut oriental a déjà produit des effets appréciables.

Je serais heureux d'apprendre qu'il est exact, comme on me l'a assuré, que non seulement les appréhensions qu'ont exprimées, à ce sujet, nos ingénieurs, ne se sont pas réalisées, mais que même il s'est produit dans le régime du fleuve des améliorations dont nous aurions a nous applaudir.

M. Jonetµ. - J'ai écouté attentivement les discours que l'honorable M. d'Hane-Steenhuyse a prononcé, et je suis d'accord avec lui sur plusieurs points qu'il a développés dans son important travail sur les consulats.

J'appuierai la demande qu'a faite le représentant d'Anvers d'une augmentation de crédit pour les consuls rétribués.

Les consuls rétribués, personne ne l'ignore dans cette enceinte, rendent plus de services que les autres, puisque tout leur temps est consacré à la défense des intérêts du pays qu'ils représentent. Ils ne peuvent pas (page 729) s'occuper d'affaires pour leur compte personnel et, par conséquent, ils sont plus indépendants et ils inspirent plus de confiance au commerce.

Il y a donc un grand intérêt pour la Belgique à augmenter le nombre de ces agents, qui n'est pas en rapport avec l'importance de nos affaires commerciale.

Faut-il pour cela que nous ayons partout des consuls payés ? Non.

Le gouvernement doit apprécier les villes où le trafic avec la Belgique a pris de grands développements, et là, il ne doit pas hésiter à faire les sacrifices nécessaires pour être convenablement représenté.

Le gouvernement doit ensuite étudier quels sont les pays, quelles sont les villes et surtout quels sont les ports de mer où nos relations sont encore restreintes, quoiqu'il y ait une presque certitude que, si nous avions des agents actifs et capables, notre commerce grandirait considérablement.

C'est donc le gouvernement qui doit étudier ces questions et je l'engage à ne pas craindre de demander les crédits nécessaires pour instituer des agents rétribués là où ils seraient reconnus indispensables.

Comme je viens d'avoir l'honneur de vous le dire, il n'est pas nécessaire qu'il y ait partout des consuls payés ; ce serait dépenser inutilement, dans bien des cas, des sommes importantes. En effet, de nombreux consulats sont établis dans des villes qui n'ont, avec la Belgique, que des rapports passagers, ou pour des circonstances exceptionnelles. Dans ces villes, on peut conserver les consuls-négociants, leur mission ne consistant le plus souvent qu'à donner annuellement quelques visas.

Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour attirer l'attention de l'honorable M. Vanderstichelen sur nos relations avec l'Espagne.

Depuis la transformation politique qui a eu lieu, un ministre intelligent, M. Figuerola, a été mis à la tête du département des finances et il a apporté, dans le système économique de ce pays, des changements considérables.

A une quasi-prohibition, il a substitué des droits modérés qui permettraient, sans doute, à beaucoup de nos produits d'entrer en Espagne, s'ils y étaient bien connus. Nos consuls, dans cette contrée, sont-ils à la hauteur de leur mission ?

J'engagerai M. le ministre à s'en enquérir, et si des changements dans le personnel sont reconnus nécessaires, il n'hésitera pas, j'en suis persuadé, à les effectuer.

L'honorable M. d'Hane-Steenhuyse nous a dit que les élèves de l'Institut commercial d'Anvers ont, en sortant, le titre d'élève consul, et il demande que dorénavant ils aient le titre de secrétaire chancelier.

J'apprécie le mérite de l'école commerciale d'Anvers, qui est une des meilleures qui existent ; néanmoins, je suis convaincu, par expérience, que les jeunes gens sortant de cet établissement ne sont pas à même de remplir ces fonctions, si, avant d'entrer dans les consulats, ils n'ont pas été occupés pendant quelques années dans des maisons de commerce pour apprendre à traiter sérieusement les affaires.

Comme les docteurs en droit doivent faire un stage pour conduire avec succès les causes qu'ils sont chargés de défendre, de même les élèves de l'Institut d'Anvers ont besoin de faire un stage assez long avant d'être capables de représenter utilement les intérêts belges dans les pays étrangers. Elles sont nombreuses à Anvers, les bonnes maisons de commerce où les jeunes gens pourront faire leur apprentissage.

L'honorable M. d'Hane-Steenhuyse a manifesté le désir que des instructions complètes fussent données à nos agents diplomatiques et à nos consuls sur la marche qu'ils devront suivre.

Je partage cette manière de voir et j'engage le gouvernement à choisir des représentants qui soient imbus des idées de la liberté commerciale ; il convient qu'il donne à tous ses agents des instructions dans ce sens.

La Belgique a adopté en principe les doctrines du libre échange, et l'application toujours plus générale qu'on en fera contribuera puissamment à augmenter la prospérité de tous.

La protection a quelque chose qui séduit à première vue, on signale volontiers quelques établissements qui paraissent prospérer à cause de ce système économique ; mais, lorsqu'on étudie à fond la question, on est bientôt certain que la liberté commerciale peut seule amener le bien-être général.

Il est donc désirable que l'honorable ministre des affaires étrangères choisisse des agents qui soient convaincus de la bonté de ces principes et qui puissent les défendre énergiquement à l'étranger.

Les questions économiques n'ont été que bien peu étudiées dans beaucoup de pays, où règnent encore certains préjugés exagérés, favorables aux idées protectionnistes ; des agents diplomatiques et des consuls instruits et capables pourraient y acquérir de l'influence sur les esprits et rendre ainsi de grands services à la liberté des étrangers.

Je terminerai, messieurs, en engageant l'honorable ministre des affaires étrangères, lorsqu'il s'agira de conclure de nouveaux traités de commerce, à agir, si c'est possible, avec plus d'énergie encore qu'il ne l'a fait jusqu'ici, afin d'amener les gouvernements étrangers à réduire leurs droits de douane. M. le ministre peut être convaincu que le pays le soutiendra dans la voie que je viens d'indiquer.

M. Julliot. - Messieurs, hier, l'honorable M. d'Hane-Steenhuyse, qui défend bien l'intérêt de ses commettants, même trop bien, à mon goût, a fait un discours savant et bien dit sur la diplomatie, mais l'honorable orateur n'y va pas de main morte ! Il nous a parlé de distraire cinq millions de francs du budget de la guerre pour les appliquer à des consulats rétribués. Je comprends la première partie de sa proposition, la réduction, et il n'est pas seul de son avis.

Mais il n'en est pas de même de celle du réappliquat qui trouve un appui dans M. Jonet. Il me semble que l'honorable membre intervertit les rôles ; il a pris le rôle du gouvernement.

En effet, messieurs, tout pouvoir est absorbant de sa nature et cherche à s'étendre et à se développer ; il est dans la nature du gouvernement d'augmenter le nombre et le traitement de ses fonctionnaires qui sont ses aides et qu'il représente.

Mais notre rôle y est en tout contraire. Nous avons pour mission d'arrêter le pouvoir dans ses tendances d'absorption, nous sommes les délégués des masses qui sont contribuables, et nous sortons de notre rôle chaque fois que nous voulons améliorer leur position, en poussant à l'augmentation des dépenses.

Aussi jamais je ne me suis permis de demander à la Chambre un fonctionnaire en plus ou une augmentation de cent sous de traitement ; ce n'est pas notre affaire.

Je comprends que les négociants d'Anvers désirent avoir partout sous la main des consuls bien rétribués, auxquels on pourrait réclamer beaucoup de complaisances, mais j'espère bien que l'honorable ministre des affaires étrangères ne versera pas dans cette erreur.

Il est possible qu'on en vînt à supprimer quelques légations et à les remplacer par des consuls rétribués dans des pays tels que la Turquie, la Grèce, dont nous n'avons rien à craindre ni à espérer ; mais j'engage l'honorable M. Vanderstichelen à ne pas augmenter son budget qui approche du double de ce qu'il était en 1849, et je crois être l'interprète de l'intérêt général en combattant les différents appétits spéciaux qui peuvent se révéler dans cette Chambre, quelle que soit l'élégance de la forme sous laquelle ils se produisent.

Ceci dit, messieurs, il me reste à prier l'honorable M. Van Iseghem, rapporteur sempiternel de ce budget, de ne pas tant grossir son rapport afin de ne pas nous dégoûter de le lire.

Car l'honorable membre a inséré dans ce factum une kyrielle de rim ram que nous connaissons depuis dix ans, et que le budget de la Chambre payera comme réimpression.

El pourquoi tout cela ? Pour nous faire accepter une erreur économique pour une vérité ; on veut nous démontrer que l'Etat doit continuer l'exploitation de la ligne d'Ostende à Douvres, c'est-à-dire que l'Etat exploite mieux l'industrie que ne le fait l'intérêt privé.

Aussi, quand j'ai vu ce volume du rapport je me suis dit qu'il devait être dans le faux, car la vérité se démontre en six lignes.

J'engage donc l'honorable ministre à ne pas grossir son budget et l'honorable M. Van Iseghem à restreindre ses rapports. C'est à cette condition qu'il peut être assuré de mon suffrage.

M. de Macarµ. - L'honorable M. d'Hane a prononcé hier un discours très remarquable préconisant le système des consuls payés, à l'exclusion, dans une certaine mesure, du système diplomatique.

Je partage, en grande partie, les idées du l'honorable membre ; je crois, comme lui, que c'est dans un but de propagation de nos intérêts commerciaux que la Belgique doit surtout chercher à se créer des rapports à l'extérieur.

La diplomatie a un double but, une double mission à remplir ; elle a des intérêts politiques à sauvegarder, elle a des intérêts commerciaux à servir. Chaque pays, à cet égard, se trouve dans des conditions spéciales.

Les grandes puissances, celles qui par leurs décisions créent la paix ou la guerre, doivent nécessairement avoir une représentation essentiellement politique ; les puissances moyennes (nous eussions été de celles-là, si la révolution de 1830 n'avait pas séparé la Belgique de la Hollande) doivent encore en avoir une, parce qu'à un certain moment leur intervention peut avoir quelque poids dans les décisions des conseils de l'Europe.

Mais, quant aux pays neutres, leur rôle doit être surtout un rôle industriel et commercial, c'est dans cette voie qui, elle aussi, assure l'amitié et la concorde entre les peuples, qu'il faut les diriger.

(page 730) Le devoir pour les neutres est de ne pas chercher à sortir de ce rôle, à ne pas faire étalage d'institutions en dehors de ce rôle, en un mot, d'accepter la position modeste que l'Europe leur a faite. Je crois que cette attitude leur commandera d'autant plus l'estime qu'elle est plus vraie. L'intervention diplomatique, en effet, implique comme ultima ratio l'emploi de la force ; or, messieurs, alors même que notre faiblesse ne nous interdirait pas ce moyen, notre devoir de neutre nous imposerait encore l'obligation formelle de ne pas y recourir.

Dans ces conditions, l'intervention d'une diplomatie essentiellement politique peut être non seulement inutile ; dans certains cas, elle pourrait être un danger.

Les objections qui ont été formulées ont très peu porté sur l'ordre d'idées que je viens d'exprimer ; on s'est surtout préoccupé de celles-ci : on a dit que la Belgique doit pouvoir sauvegarder ses nationaux à l'étranger ; on a ajouté que la Belgique doit, en outre, pouvoir servir ses intérêts commerciaux d'une manière sérieuse et que, pour atteindre ce double but, une diplomatie est indispensable.

Pour moi, messieurs, je crois précisément le contraire. Je crois qu'un consul respecté, honoré, jouissant d'un passé honorable, a autant d'autorité qu'un diplomate pour faire valoir les intérêts de nos nationaux à l'étranger.

Je suis parfaitement convaincu que M. le ministre des affaires étrangères ne ferait aucune distinction sous ce rapport et qu'il accueillerait aussi bien une réclamation fondée émanée d'un simple consul que si elle était appuyée par un diplomate.

Sous le rapport des intérêts commerciaux, la question ne saurait être douteuse. Il est certain que des consuls rétribués, des hommes qui, dès leur entrée dans la carrière, auraient acquis une connaissance particulière de nos intérêts commerciaux et industriels, interviendraient d'une manière beaucoup plus efficace que la plupart de nos diplomates, que ni leurs antécédents ni leur avenir ne portent à se familiariser avec ces sciences.

Je sais bien, messieurs, que, de nos jours, commercer n'est plus déroger ; mais peut-on attendre, doit-on espérer que les diplomates, en général, se livreront avec infiniment d'amour à l'étude approfondie des questions arides et toutes spéciales de tarifs de transport, de débouchés, des procédés de fabrication même ? Or, il est impossible de formuler convenablement un rapport sur l'une ou l'autre de ces matières, si l'on n'en a pas fait une étude spéciale. Des élèves-consuls qui, dès le début de leurs études, auraient pris pour objectif la carrière diplomatique ainsi comprise, auraient évidemment un avantage considérable quand il s'agirait de défendre des intérêts de cette nature a l'étranger.

Au surplus, les faits démontrent la vérité de mon assertion. Lorsqu'une difficulté quelconque surgit, qu'il s'agisse d'une convention postale, d'une convention de chemin de fer, voir même d'un traité, de commerce, que fait-on dans ce cas ? Est-ce qu'on n'adjoint pas presque toujours à nos diplomates des hommes qui ont fait une étude spéciale des questions à résoudre ?

Notez bien, messieurs, que je n'attaque nullement l'intelligence ni les capacités de notre diplomatie. Loin de là, je me déclare, parfaitement honoré de posséder l'estime de quelques-uns de ses membres ; mais ce sentiment-là ne m'empêche pas de croire que des hommes ayant dirigé toutes leurs études vers un but particulier seraient infiniment plus aptes qu'eux à les traiter.

Une autre preuve, messieurs, c'est le très petit nombre d'abonnés à notre Recueil consulaire... (Interruption.) Je vois M. le ministre des affaires étrangères sourire ; mais remarquez bien que les rapports émanant de nos consuls (car je le reconnais, tous ne viennent pas de nos agents diplomatiques) ne sont pas actuellement ce qu'ils seraient, n'ont pas l'autorité qu'on leur donnerait, si ces consuls payés avaient pour mission spéciale d'éclairer nos commerçants et nos industriels sur la situation respective des divers pays dans lesquels ils se trouvent.

Les consuls, tels qu'ils sont aujourd'hui, sont des personnes qui n'ont à attendre des gouvernements qu'un peu de bienveillance, laquelle se traduit parfois en une décoration ; je crois que ce mobile est insuffisant pour que l'on puisse espérer, dans ces conditions, des travaux considérables et toujours sérieux.

Messieurs, une grande objection, je le reconnais, a été formulée tout à l'heure par l'honorable M. de Vrière.

Les agents consulaires ne sont pas considérés comme faisant partie du corps diplomatique, et, selon l'honorable membre, il y aurait là un inconvénient sérieux. C'est une question controversée, messieurs, que celle de savoir si les agents consulaires peuvent avoir un caractère diplomatique. L'honorable M. d'Hane prétend qu'on doit le leur accorder ; d'autres sont d'une opinion contraire.

La question me paraît assez indifférente. Au pis aller, quel mal y aurait-il à ce que nos consuls ne fussent pas assimilés aux agents diplomatiques ?

Mais, messieurs, sur cette question même, des négociations ne me semblent pas impossibles. La Belgique a une situation toute particulière en Europe. Sa neutralité lui impose des obligations, peut-être pourrait-elle lui faire accorder ce privilège, et certes l'obtention de ce privilège par notre diplomatie serait une preuve excellente à donner par elle de son efficacité. Mais, dira-t-on, messieurs, diplomates ou consuls peu importe, les noms changent, les choses restent les mêmes.

J'ai déjà insisté sur la différence avantageuse devant résulter, au point de vue commercial, du changement proposé.

Il nous serait encore favorable à un autre point de vue : la Belgique ne devrait plus être forcément représentée comme aujourd'hui, à l'étranger, par des personnes appartenant à la classe la plus riche de la société. En effet, si les diplomates sont obligés à une représentation assez large et, dès lors, à des dépenses plus ou moins considérables, les consuls, n'étant pas tenus à cette représentation, pourraient être moins payés.

Je préconise cependant moins la mesure, au point de vue de l'économie qui en résulterait pour le pays, qu'au point de vue de l'utilité qu'il y aurait à ne pas laisser la Belgique n'être représentée à l'extérieur que par des personnes appartenant aux classes les plus riches. C'est ce qui existe, je voudrais rendre la carrière accessible à d'autres.

Messieurs, je viens d'exprimer très franchement mon opinion. Cependant, je conviens qu'on ne peut pas résoudre immédiatement et d'une manière complète la question qui a été soulevée. Je reconnais qu'il y a des positions acquises qu'il faut respecter, et je ne suis pas de ceux qui veulent démolir du jour au lendemain sans savoir d'une manière bien certaine ce qui remplacera ce qu'ils ont renversé.

Tout ce que je demande en ce moment à M. le ministre des affaires étrangères, c'est de prendre quelques mesures indiquant l'esprit qui, selon moi, devrait présider à la conduite de nos affaires extérieures. Je lui demande de chercher à donner le plus d'extension possible à notre corps consulaire et à réduire le plus qu'il pourra notre diplomatie, quand les circonstances le lui permettront. Je l'engage surtout à examiner cette question dégagée de toute prévention. L'honorable ministre des affaires étrangères ne peut avoir d'autre but que de prendre, les mesures qui peuvent être les plus utiles au pays. Je connais l'esprit élevé de l'honorable M. Vanderstichelen, et je suis convaincu qu'il ne me saura pas mauvais gré des observations que je viens de lui présenter.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, le budget que nous discutons en ce moment pourrait à plus juste titre être appelé le budget des affaires qui nous sont étrangères. En effet, dans les autres pays, on publie annuellement des livres bleus, des livres jaunes, des livres rouges ou verts qui donnent à la représentation nationale dans les pays qui sont représentés, qui donnent au public et aux contribuables dans les autres, l'état des négociations qui ont été entamées et la solution qu'elles ont reçue quand elles ont pris fin. Dans ces pays, on sait quels sont les services rendus par la diplomatie par les actes qui sont publiés.

Chez nous, nous ne savons rien. On nous propose tous les ans un budget, et menant en pratique la doctrine que nous a si bien développée l'honorable ministre de l'intérieur, lors de la discussion de son budget, que le gouvernement serait impossible si la Chambre ne votait pas toutes les propositions du gouvernement, nous votons annuellement le budget des affaires étrangères.

La question que l'honorable M. de Vrière vient de poser à l'honorable ministre des affaires étrangères est la preuve manifeste de ce que je viens de dire. Si nous avions été tenus au courant d'une négociation qui a été aussi longue que celle relative au barrage de l'Escaut, nous n'aurions pas de question à poser aujourd'hui à ce sujet.

Je m'associe donc complètement à la question que vient de poser l'honorable M. de Vrière.

Je désire seulement l'étendre un peu. J'espère que l'honorable ministre des affaires étrangères sera ou est en mesure de nous montrer que ces négociations ont abouti d'une façon satisfaisante pour les deux nations et que le léger nuage qui s'était élevé à cette occasion a entièrement disparu.

Je dois dire que, pour ma part, je suis heureux que nos voisins du Nord aient soutenu énergiquement leurs droits dans cette circonstance, qu'ils aient soutenu le droit du charbonnier d'être maître chez lui, droit que malheureusement, je dois le dire, nous semblions leur avoir un peu contesté.

J'aurai une autre question à faire à l'honorable ministre des affaires étrangères.

Il a été question dans divers parlements, dans toute la presse, pendant le courant de l'année dernière, de projet d’union douanière entre diverses (page 731) nations voisines dont la Belgique faisait partie. Je demande à l'honorable ministre des affaires étrangères de vouloir bien nous dire si ces bruits avaient quelque fondement. J'espère qu'il pourra nous prouver qu'ils n'en avaient aucun.

Pour moi, je ne désire qu'une seule union douanière, c'est l'union avec le monde entier.

Je serais tenté, messieurs, de poser une troisième question à l'honorable ministre des affaires étrangères, question d'une actualité plus pressante, mais comme je n'ai, pas plus que la Chambre, été consulté dans cette affaire, je ne veux en prendre aucune responsabilité. J'indique seulement cette question possible afin de me réserver plus tard le droit entier d'appréciation.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Messieurs, hier l'honorable M. d'Hane nous a communiqué un travail très important et très consciencieusement élaboré sur la réorganisation de notre corps diplomatique et de notre corps consulaire.

Je partage l'avis de l'honorable baron de Vrière, que les changements que l'honorable membre veut introduire dans le corps diplomatique sont contraires aux véritables intérêts du pays.

Si l'honorable M. d'Hane voulait provoquer des économies, je comprendrais qu'il voulût remplacer partout, excepté dans cinq cours, les diplomates par des consuls généraux, mais tel n'est pas le cas. Je pense que l'immense majorité de la Chambre sera convaincue que le gouvernement ne doit rien changer à ce qui existe aujourd'hui.

En dehors de leurs fonctions principales, les diplomates s'occupent beaucoup de questions commerciales et industrielles. Ils font des rapports très importants sur tout ce qui peut intéresser le pays ; souvent j'ai lu ces rapports dans le Recueil consulaire et je les ai trouvés intéressants.

Je crois donc que nos agents diplomatiques rendent au moins autant de services au commerce et à l'industrie que les consuls généraux. Je partage en partie les vues de l'honorable M. d'Hane sur l'augmentation des consuls généraux dans les pays d'outre-mer.

Je crois que les consuls rétribués peuvent rendre beaucoup plus de services dans les pays lointains que nos consuls-négociants.

Je pense aussi qu'il faut avoir des consuls rétribués, à poste fixe, et pas de consuls nomades.

J'appelle aussi l'attention du gouvernement sur la modicité des traitements de quelques-uns de nos consuls rétribués, récemment nommés, entre autres à New-York, à la Nouvelle-Orléans ; ces consuls n'ont que 10,000 fr., celui du Maroc que 8,000 fr.

Je demande seulement qu'ils soient à même de tenir une position digne du pays qui les envoie ; il faut donner à nos agents le moyen de tenir le même rang que leurs collègues. La section centrale a été unanime pour recommander cet objet à la sollicitude du ministre.

L'honorable M. Julliot m'a reproché d'avoir fait, au nom de la section centrale, un trop long rapport sur le budget des affaires étrangères pour l'exercice 1869.

Quand, il y a un an, la section centrale chargée de l'examen d'une demande de crédit pour la construction d'un nouveau steamer, s'est occupée de cet objet, elle a demandé que le gouvernement instituât une enquête sur ce service ; le gouvernement en a chargé une commission de fonctionnaires, qui a fait un rapport très intéressant et très important.

C'est ce travail qui a été imprimé à la suite des rapports de la section centrale, afin que la Chambre puisse examiner cette question. Du reste, le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter il y a quelques jours, sur le budget de 1870, ne contient que cinq pages d'impression.

L'honorable M. Julliot peut donc être assuré que je ne ferai jamais faire au pays des frais inutiles d'impression.

MaeVSµ. - Messieurs, je vais m'occuper, à mon tour, d'une manière aussi succincte que possible, du système de représentation diplomatique et consulaire qui a été produit hier par l'honorable M. d'Hane-Steenhuyse. Je m'en occuperai, non pas pour y adhérer, comme l'ont fait plusieurs honorables membres qui ont pris la parole dans la séance de ce jour, mais pour le combattre et pour le combattre très nettement.

Je dois cependant dire, au sujet d'une observation produite par l'honorable M. de Macar, que si je le combats, c'est de la manière la plus impartiale et l'esprit dégagé de toute espèce de préoccupation.

Je ferai, messieurs, un aveu à la Chambre.

Quand j'ai eu à étudier ces matières, je suis entré dans l'examen auquel je me suis livré, presque, pour dire le mot, avec certaines préventions non évidemment contre le corps diplomatique, mais contre certains postes diplomatiques.

C'est lentement, consciencieusement, que je suis arrivé à une conviction contraire. Je demande la permission a la Chambre de lui faire connaître brièvement les considérations sur lesquelles se fonde cette conviction de récente date.

L'honorable M. d'Hane pense que si les attaques qui ont été fréquemment dirigées contre notre institution diplomatique n'ont pas eu de succès jusqu'ici, c'est qu'on s'est borné à des critiques, à des attaques vagues, c'est qu'on a négligé, d'une manière fâcheuse pour le succès de la cause de l'opposition, de produire un contre-système formel.

Je crois, messieurs, que c'est là une erreur de la part de l'honorable membre.

Quand on attaque certaines choses, certaines institutions, ce qu'il y a évidemment de mieux à faire, c'est de se borner précisément à des accusations vagues, c'est de ne pas permettre qu'on établisse une comparaison entre ce qui est et ce que l'on voudrait y substituer.

C'est là, messieurs, une faute de stratégie de la part de l'honorable M. d'Hane. Au lieu de se borner à des critiques se tenant plus ou moins dans les nuages, il a produit un contre-projet de budget, ainsi qu'il l'appelle, et il m'a permis d'établir, comme je vais avoir l'honneur de le faire, une comparaison entre le système existant et celui qu'il préconise.

Quel est ce dernier système ? Il est très simple.

L'honorable membre conserve nos postes diplomatiques près des cinq grandes puissances, signataires des traités qui ont consacré notre indépendance et notre neutralité.

Près de toutes les autres cours de l'Europe, ainsi que près du gouvernement de Washington et de celui de Rio, il remplace les agents diplomatiques que nous y avons aujourd'hui, par des consuls généraux de première classe.

En dehors de ces cours et gouvernements, l'honorable membre établit, dans certaines résidences qu'il détermine, des consuls généraux de seconde classe et de simples consuls.

Enfin, quant à tous les consuls négociants non rétribués, il leur fait une guerre très dure, à mon sens très injuste, et il ne leur accorde plus que le titre de vice-consuls. Plus de consuls négociants, voilà sa règle absolue.

C'est ce système ainsi défini que je vais rencontrer rapidement.

Je fais d'abord une remarque générale.

De quoi se plaint l'honorable membre ? Il pense que notre corps diplomatique et notre corps consulaire n'exercent pas une influence assez grande au profit de la Belgique ; qu'ils ne rendent pas tous les services qu'on serait en droit d'en attendre.

Et que fait-il pour les amener à rendre de plus utiles, de plus grands services ?

II commence par décapiter les corps diplomatique et consulaire, Il fait descendre d'un degré dans la hiérarchie administrative tous nos agents de l'une et de l'autre catégorie, excepté les ministres accrédités près des cinq grandes puissances.

Il est persuadé, je le suppose du moins, qu'en diminuant leur position, il va augmenter leur influence. Je demande, messieurs, si c'est logique ?

Ainsi, le ministre plénipotentiaire ou le ministre résident devient consul général de première classe.

Les consuls généraux, uniquement agents commerciaux, qui aujourd'hui se trouvent tous dans la première classe, puisqu'il n'y a qu'une, il les fait descendre d'un cran et en fait des consuls généraux de seconde classe, ou même de simples consuls, et de tous les consuls il fait des vice-consuls.

Il fait donc descendre tous nos agents, cinq ministres exceptés, mais en même temps qu'il provoque ce mouvement en arrière, quant au rang hiérarchique, que fait-il quant au traitement ?

- Une voix. - Il augmente la dépense de 5 millions.

MaeVSµ. - Pour l'avenir, oui, mais, pour le présent, l'honorable membre augmente l'allocation budgétaire d'un demi-million ; il diminue la position et il augmente les traitements. Je demande encore si cela est logique ?

Il est vrai que l'honorable membre suppose que si l'on envoyait dans les cours secondaires de l'Europe ou aux Etats-Unis et au Brésil des consuls généraux de première classe au lieu d'agents diplomatiques, ces consuls pourraient jouir des mêmes prérogatives, des mêmes immunités que les agents diplomatiques qui s'y trouvent aujourd'hui. Il suffirait de le stipuler, dit-il ; entendez-vous avec les cours étrangères, promettez-leur la réciprocité, et tout sera dit.

Et l'honorable membre cherche a établir, en s'appuyant sur des autorités (page 732) plus ou moins contestables, que les consuls généraux doivent être rangés dans la catégorie de ce qu'il appelle les ministres publics.

On a déjà répondu à cet argument : ne recherchons pas ce qui devrait être, constatons ce qui est. Les consuls généraux, selon M. d'Hane, devraient, en théorie, être considérés comme des agents diplomatiques, ils devraient avoir le même rang. Mais en fait ils n'ont pas le même rang ; voilà qui est de pratique incontestée et universelle.

Ne nous plaçons pas dans un monde imaginaire ; plaçons-nous dans le monde réel ; or, dans le monde réel, les consuls généraux n'ont ni le rang ni les prérogatives d'agents diplomatiques. Il faut bien prendre le fait tel qu'il est.

Je suppose que la Belgique envoie à La Haye, par exemple, je prends le pays le plus voisin, un consul général en remplacement du ministre plénipotentiaire qui s'y trouve ; elle convient, suivant le conseil de l'honorable M. d'Hane, avec le cabinet de La Haye, que l'on remplacera de part et d'autre le ministre plénipotentiaire par un consul général et que ce consul aura les mêmes immunités que les agents diplomatiques ; eh bien, messieurs, la question, même dans cette hypothèse, n'est pas du tout résolue, car le consul général de Belgique accepté par le gouvernement des Pays-Bas, comme ayant rang d'agent diplomatique et admis à jouir ainsi des mêmes immunités qu'un ministre plénipotentiaire, va se trouver au milieu du corps diplomatique étranger et il ne suffira pas, de la part du cabinet de La Haye, de permettre que le consul belge jouisse des immunités des agents diplomatiques, il faudra encore que la chose soit acceptée sur ce pied par les représentants des autres pays.

Or, c'est ce qui ne sera pas, parce que la classification des représentants en pays étrangers a été réglée par des conventions successives, solennelles, intervenues entre la plupart des Etats de l'Europe, et qui ont été acceptées, dans la tradition, par tous les gouvernements du continent.

Ces conventions font suite aux traités des congrès de Vienne de 1815 et d'Aix-la-Chapelle de 1818 ; on ne pourrait donc modifier cette classification que par des conventions nouvelles ; mais, comme le disait l'honorable M. de Vrière, croyez-vous que nous pourrions nous promettre un grand succès d'ouvertures faites aux gouvernements étrangers en vue de changer cette même classification dans l'ordre d'idées indiqué par M. d'Hane ?

Quant à moi, je ne me charge pas d'une pareille négociation, qui me paraît tout à fait privée de chances de succès.

Sans doute vous pouvez n'envoyer que des consuls généraux près des cours étrangères, mais quoi que vous fassiez, vos consuls généraux ne seront que des consuls généraux ; c'est le point important que je voulais faire ressortir.

Or, messieurs, qu'est-ce qu'un consul général dans un pays où il y a un corps diplomatique ?

Je ne résiste pas à la tentation de faire voir ce que c'est que la position d'un consul général entouré d'agents diplomatiques, en donnant lecture à la Chambre d'une dépêche curieuse à cet égard, curieuse à côté de beaucoup d'autres, que j'ai trouvée dans les archives de mon département.

Elle pose et résout cette question d'une manière vraiment saisissante. C'est une dépêche de 1862, adressée au gouvernement belge par l'un de ses agents consulaires les plus distingués, aujourd'hui décédé. Je prie la Chambre de prêter un instant d'attention à la lecture que je vais avoir l'honneur de lui faire. La dépêche est de M. Derote, ancien consul général dans l'Amérique du Sud. Voici en quels termes il pose la question ; vous conviendrez qu'ils s'adaptent merveilleusement à la discussion à laquelle nous nous livrons en ce moment :

« Un consul général en résidence dans une capitale, chargé, en l'absence d'une légation, de protéger les intérêts belges et les Belges eux-mêmes, ayant des affaires à traiter avec les autorités supérieures, se trouve-t-il, par son rang, dans les conditions désirables pour remplir sa mission et pour faire respecter le gouvernement qu'il représente ? »

Voilà bien de quoi il s'agit, et voici la réponse. Je rappelle que la lettre est de 1862, elle n'a donc pas été écrite pour les besoins de la cause :

« Telle est la question générale que je vais traiter brièvement une dernière fois, à la fin de ma carrière, après avoir subi successivement de pénibles humiliations. »

J'ai dit que M. Derote était à cette époque dans une des républiques de l'Amérique du Sud ; ce serait bien pis en Europe.

« Dans les Etats secondaires, où les puissances de l'Europe n'ont pas accrédité encore d'agents diplomatiques, la position des consuls généraux est bonne ; ils se trouvent parmi leurs égaux et l'on est honoré de les recevoir.

« Il en était ainsi autrefois à Lima et à Santiago, même encore à l'époque où mon prédécesseur, M. Bosch, y fut envoyé en 1836 ou 1837. Il n'en est plus de même aujourd'hui, et dans les rapports que j'adressai au ministre des affaires étrangères, aux mois de mars et d'avril 1854, j'ai fait connaître la réception discourtoise et humiliante qui me fut faite à mon arrivée à Lima, malgré les assurances qui avaient été données à Bruxelles par l'envoyé du Chili, M. Zegarra.

« Une déconvenue analogue m'attendait à Santiago, et je crois avoir envoyé, avec le rapport relatif à ma réception, la réponse grossière, faite par le ministre chilien ; à M. Henry Cazotte, qui lui avait demandé s'il ne jugeait pas convenable de me présenter lui-même au président de la République. Cependant il était d'usage de faire une visite au président, après la réception de l'exequatur.

« Quoique Valparaiso ne soit pas une capitale, les consuls avaient cessé, pendant la période où j'y étais, d'assister aux réunions publiques, parce que l'on négligeait de leur assigner des places convenables.

« Un fait plus curieux s'était passé à Naples pendant la période où j'y exerçais les fonctions de consul général. Non seulement les consuls généraux et les consuls n'étaient pas invités aux cérémonies publiques, mais, lors de l'inauguration du bassin maritime, cérémonie à laquelle assistèrent les fonctionnaires publics et la famille royale, onze à douze mille cartes d'entrée furent distribuées jusque dans les hôtels, et les consuls ou consuls généraux n'en reçurent aucune. Quelques-uns en obtinrent par les agents diplomatiques et remarquèrent que la qualification de consul y était omise. Nous eûmes ensuite l'occasion de constater que l'omission avait eu lieu de propos délibéré. Plusieurs consuls indignés proposèrent d'adresser au ministre une réclamation collective, et leurs démarches n'aboutirent qu'à y faire renoncer.

« A Buenos-Ayres, qui était la capitale de la République, sous la domination de Rosas, les consuls et même les agents diplomatiques furent souvent bien malmenés. Depuis la chute de Rosas, en 1852, la capitale fut transférée au Parana, où les agents diplomatiques s'installèrent. Il n'y eut à Buenos-Ayres que des consuls et des consuls généraux, que les autorités invitaient et tenaient à voir figurer, pour faire nombre, aux cérémonies publiques ; ils ont eu un accès facile auprès des ministres et même auprès du président, très accessibles jusqu'à présent pour ltut le monde, mais ils ne sont jamais invités chez les fonctionnaires publics. Il y a de bonnes raisons pour ne pas les inviter en masse et on ne saurait faire d'exception. Quelques gouvernements, et notamment les petits Etats d'Allemagne ont prodigué le titre de consul général, que portent des jeunes gens, naguère encore commis négociants.

« D'ailleurs, la position des consuls n'est plus la même depuis que les agents diplomatiques sont venus s'établir à Buenos-Ayres, devenue la capitale des Etats confédérés, et un fonctionnaire,, très lié avec le président et avec ses ministres, me disait franchement il y a quelques jours : « Là où il existe un corps diplomatique, les consuls ne sont rien. »

« Dans cette catégorie, la plupart n'ont aucun souci d'accueillir un nouveau collègue, et sur vingt-sept consuls et consuls généraux, il y en a dix qui ne m'ont même pas rendu ma visite. Quant aux agents diplomatiques, ils considèrent les agents consulaires de toute classe comme trop au-dessous d'eux pour cultiver leur société.

« Il résulte de là qu'un consul général arrivant dans une capitale, se trouve, malgré ses avances, complètement isolé : ce n'est que par des dépenses réitérées, par un certain train de maison, qu'il parvient à voir, à la longue, quelques personnes, mais jamais les fonctionnaires publics, qui ne rendent aucune visite aux agents consulaires.

« Or, c'est par des relations nombreuses, surtout avec les fonctionnaires et le haut commerce, qu'un consul général de Belgique en mission peut recueillir tous les renseignements dont il a besoin, et rendre efficaces sa protection et ses démarches en faveur des Belges. »

Voilà, messieurs, ce qu'est un consul général dans une capitale où se trouve un corps diplomatique. Pour emprunter l'expression de M. Derole, il n'est rien ; et c'est à cet homme qui n'est rien que l'honorable M. d'Hane voudrait confier de préférence la défense des intérêts belges !

Je crois que le système de l'honorable membre s'appuie sur une erreur fondamentale. L'idée de faire descendre les agents diplomatiques au rang de consuls généraux est une idée malheureuse ; celle de faire descendre les consuls négociants au rang de simples vice-consuls ne l'est pas moins.

Messieurs, j'ai déjà assez d'expérience dans mon département pour pouvoir affirmer à la Chambre qu'il y a des consuls-négociants, c'est-à-dire des consuls non rétribués, étrangers le plus souvent, qui rendent au pays plus de services de toute nature, qui déploient plus de zèle, d'activité, de dévouement aux intérêts du pays que les agents rétribués et envoyés. Ce (page 733) sont ces honorables fonctionnaires qui servent le pays gratis, que l'honorable membre viendrait décourager, en leur refusant un titre simplement honorifique.

Il est beaucoup de ces fonctionnaires qui veulent bien servir le pays gratuitement avec le titre de consul, et qui n'y consentiraient pas, si on ne leur donnait que le titre de vice-consul. Puisque la chose ne coûte rien au pays, pourquoi leur refuser le titre de consul, pour ne leur attribuer que celui de vice-consul ?

Comparons de plus près les services que peuvent rendre les agents diplomatiques avec ceux qu'il serait permis d'attendre de simples consuls généraux.

Les agents diplomatiques ont une triple mission à remplir. Ils ont d'abord à remplir une mission politique proprement dite ; en second lieu, ils ont à défendre les intérêts privés de nos nationaux ; en troisième lieu, ils ont à remplir une mission commerciale.

A ces divers titres, à qui convient-il de donner la préférence : aux agents appelés diplomatiques ou aux agents appelés consulaires ?

Quant à la mission politique, cela ne peut former question. Il est évident que plus l'agent est haut placé, plus il pourra rendre de services au pays.

Mais, dit-on, nous n'avons pas de mission politique à remplir. Nous sommes une puissance neutre. Que voulez-vous que fasse une puissance neutre ?

Si l'honorable M. d'Hane croit devoir se placer à ce point de vue, je lui demanderai pourquoi il maintient des agents diplomatiques auprès des cinq cours qui ont signé aux traités constitutifs de notre nationalité ? (Interruption.)

Si c'est pour le plaisir d'avoir dans ces pays un représentant belge dans les cérémonies publiques, si la présence de nos agents diplomatiques ne doit pas avoir d'autre utilité, je déclare, quant à moi, que je ne défendrais pas l'institution comme ministre et que, comme membre delà Chambre, je ne voterais pas les fonds. (Nouvelle interruption.)

Si les agents politiques ne peuvent pas rendre politiquement des services, il faut les supprimer près des grandes cours comme ailleurs. Il faut être logique jusqu'au bout.

Nous sommes neutres, il est vrai ; cela veut dire que nous n'avons pas d'action à exercer à l'extérieur ; mais cela ne signifie pas que nous n'ayons pas à l'extérieur des intérêts politiques. N'avons-nous pas à veiller à notre défense, à la conservation de notre neutralité ? Je crois aux traités ; mais je crois aussi qu'il est prudent d'agir comme si l'on n'y avait pas une confiance entière. Nous devons donc commencer par nous enquérir de tout ce qui, à l'étranger, pourrait porter atteinte à notre indépendance.

Nous devons savoir ce qui se passe à l'étranger, et surveiller si ce qui formerait simplement aujourd'hui un point noir à l'horizon ne menace pas de grossir et de devenir une tempête.

Comment ! nous n'aurions aucun intérêt à être représentés diplomatiquement sur les points principaux de l'Europe, pour nous assurer s'il ne s'y agite ou s'il ne s'y prépare pas quelque grave difficulté de nature à compromettre la paix européenne ?

Au contraire, nous y avons un intérêt évident.

Je le répète : non certes nous n'avons pas à recueillir ces observations au point de vue de l'action que nous exerçons sur les autres, mais nous avons à organiser cette surveillance au point de vue de la défense de notre neutralité, de notre nationalité. Et cela suffit.

Et si nous avons un pareil intérêt, nous devons désirer avoir à l'étranger des agents assez haut placés pour pouvoir prendre leurs renseignements avec certitude, des agents placés dans le milieu où l'on connaît les affaires dans lesquelles notre existence même peut se trouver engagée.

La défense des intérêts privés, mais elle se présente tous les jours. Tous les jours, j'ai à écrire à nos agents diplomatiques pour recommander telle ou telle affaire d'intérêt purement privé.

Messieurs, encore ici, n'y a-t-il pas d'autant plus de chances pour nos nationaux d'être défendus à l'étranger avec succès, que l'agent à qui cette défense est confiée se trouve mieux placé ? Certains agents diplomatiques, les ministres plénipotentiaires, par exemple, sont reçus par les ministres des cours près desquelles ils sont accrédités à toute heure. Pouvez-vous en dire autant de simples consuls généraux ? Je ne le crois pas. (Interruption.)

Vous me demandez si, moi personnellement, je ferais une différence. Non, je n'en ferais pas. L'honorable M. de Brouckere dit oui ; je préfère dire non. Mais sans faire trop d'honneur à nos mœurs publiques, je crois sincèrement que les ministres belges sont plus accessibles que la plupart des ministres à l'étranger, et que ce qui se passe à Bruxelles ne détermine pas exactement ce qui se passe ailleurs. J'ai la conviction qu'un ministre plénipotentiaire a plus d'accès auprès de la plupart des ministres à l'étranger, qu'un simple consul général.

M. de Brouckere. - Et à Bruxelles aussi.

MaeVS.— Quant à la mission commerciale, on raisonne comme si les agents diplomatiques étaient incapables de s'occuper d'affaires commerciales. C'est une très grande erreur. Non seulement ils peuvent s'en occuper, mais ils peuvent s'en occuper aussi bien et peut-être mieux que les consuls généraux.

L'honorable M. d'IIane exclut des fonctions de consuls, les négociants. Il trouve que les négociants ne sont pas bien placés pour remplir les fonctions consulaires, et que non seulement le fait d'exercer le commerce soi-même n'est pas une condition indispensable pour être un bon consul, mais que c'est une raison pour dévier, en certaines circonstances, de la voie qu'il faudrait suivre pour servir utilement les intérêts du pays. Le négoce exercé personnellement est mauvais conseiller. Voilà la théorie de l'honorable membre.

Mais, messieurs, si cela est, si des connaissances théoriques peuvent suffire, je demande à l'honorable M. d'Hane comment les agents diplomatiques ne pourraient pas les posséder aussi bien que les agents commerciaux proprement dits, que les agents consulaires.

Ne sait-il pas que, pour entrer dans le corps diplomatique, il faut passer un examen, qui suppose entre autres des connaissances très variées en matière purement commerciale ? Une fois entrés dans la carrière, les agents du corps diplomatique peuvent compléter leur instruction commerciale comme les agents consulaires proprement dits. Les consuls de toutes les catégories sont en relation avec l'agent diplomatique dans la circonscription duquel ils se trouvent. L'agent diplomatique attire tout à lui, il prend connaissance de tous les renseignements commerciaux communiqués par les consuls et qui ne sont envoyés au gouvernement que lorsque l'agent diplomatique a eu parfaitement le temps de se les assimiler.

Il y a, messieurs, une autre observation que je crois indispensable de présenter aux honorables membres qui voudraient le remplacement général des agents diplomatiques près des cours secondaires, par des consuls généraux, même en Europe, et à commencer par l'Europe, et ce comme une mesure avantageuse à notre industrie et à notre commerce. Je demande à ces honorables membres comment le consul général placé, par exemple, à La Haye, pays le plus voisin, servira mieux les intérêts commerciaux de la Belgique qu'un agent diplomatique. Je demande à l'honorable M. d'Hane, en particulier, de me définir le rôle qu'un consul général jouera à La Haye ? Transmettra-t-il des renseignements sur telle ou telle opération spéciale à tenter, sur tel ou tel marché à faire ?

Mais il me semble que les Pays-Bas sont assez près pour que nos négociants aillent y faire eux-mêmes leurs affaires, et j'ai entendu attaquer assez souvent l’Etat-Providence ou le Dieu-Etat, pour pouvoir insister à mon tour sur ce qu'il y a de dangereux dans l'intervention exagérée de l'Etat. Je ne conçois pas cette intervention perpétuelle d'un agent officiel. Vous avez des marchandises à vendre, mais allez donc, de votre personne ou par votre propre représentant, allez donc faire la clientèle ; c'est à votre profit qu'il s'agit de la faire, donnez-vous donc quelque peine et persuadez-vous que si vous abandonnez le soin de vos affaires à un intermédiaire officiel, vos affaires seront beaucoup plus mal faites. Savez-vous ce que vous faites, messieurs, quand vous invoquez partout et toujours le secours du gouvernement ou de ses agents ? Vous tuez l'initiative privée. Or le grand mal pour la Belgique, au point de vue de son commerce extérieur, disons-le tout haut, afin que tout le monde le sache, c'est le manque d'initiative, c'est le manque d'esprit d'entreprise.

Il faut donc encourager l'énergie individuelle, et vous tendez au contraire à l'énerver ; c'est un reproche de plus et un reproche très grave que je fais à votre système.

Messieurs, jetons les yeux sur d'autres pays. Voici, par exemple, la Suisse. Il n'est pas de pays qui, proportion gardée quant à sa population et à son territoire, possède plus d'établissements commerciaux à l'étranger, et savez-vous quel est le budget diplomatique et consulaire de la Suisse ?

La Suisse a quatre postes diplomatiques, qui coûtent ensemble 132,000 fr. ; elle a douze consuls subsidiés, et il y a une différence entre subsidiés et rétribués ; car subsidiés implique qu'il s'agit d'une indemnité insuffisante pour que l'agent qui la reçoit fasse une carrière de ses fonctions consulaires. Ces douze consuls touchent ensemble 48,000 fr. soit 4,000 fr. chacun ; donc ils font autre chose qu'être consuls. Au total, ses institutions diplomatique et consulaire coûtent à la Suisse 180,000 fr. par an, et, je le répète, il n'est pas de nation qui, eu égard à son territoire et à sa population, ait plus d'établissements à l'étranger.

(page 734) Il est cependant encore un exemple plus frappant, c'est l'exemple de Hambourg. Tout le monde le sait, Hambourg est arrivé à l'apogée commercial et combien cette ville a-t-elle ou avait-elle d'agents diplomatiques ou seulement consulaires ? Pas un seul.

Il est donc suffisamment prouvé par l'expérience que, pour faire d'excellentes affaires à l'étranger, il n'est nullement indispensable d'avoir des agents intermédiaires officiels.

Je conclus, messieurs, sur ce point, que les services, que l'on pourrait attendre du système préconisé par l'honorable M. d'Hane seraient moindres que ceux que rend le corps diplomatique et consulaire actuel, accrédité soit près des cours secondaires de l'Europe, soit aux Etats-Unis ou au Brésil.

Mais il y a de plus, dans le système nouveau, une carte à payer et une grosse carte. Pour le même nombre d'agents, diminués en grade, il y aurait une augmentation de dépense de 74,000 fr. par an. Or, ce n'est pas pour aboutir à ce qu'on appelait en droit romain une « diminution de tête », qu'il faudrait courir au-devant de cette augmentation de charges.

Quant aux postes commerciaux proprement dits qui seraient remplis, dans le cadre de l'honorable membre, par des consuls généraux de seconde classe et de simples consuls, je n'ai pas d'observations à faire, si ce n'est qu'il n'y a plus ici de différence de système entre le gouvernement et lui. Nous avons à l'étranger des agents qui n'ont aucun caractère politique.

L'honorable membre les conserve. Seulement, il appelle ces agents consuls ou vice-consuls là où nous les appelons consuls généraux ou consuls ; simple différence d'étiquette.

Comme l'honorable membre n'a pas insisté sur la répartition des différents postes purement commerciaux, je n'y insisterai pas non plus, mais je ferai remarquer que l'honorable membre conserve ou rend plus importants des postes qui ont été jugés, expérience faite, parfaitement inutiles.

Une observation essentielle à faire à cet égard est celle-ci.

L'honorable membre a 17 postes consulaires proprement dits, d'un caractère purement commercial, 9 consuls généraux de deuxième classe, 8 simples consuls, total 17 postes.

Il y a au budget que nous discutons 13 postes de même nature.

Il y a donc entre l'organisation existante et celle de l'honorable membre une différence de 4 postes seulement ; mais il y a une différence d'allocations de 253,000 fr.

Ainsi 253,000 fr. pour 4 postes ; je trouve que c'est un peu cher et je crois que l'on pourrait créer quatre postes nouveaux purement commerciaux sans demander à la Chambre un pareil accroissement de dépense.

Messieurs, je n'irai pas plus loin dans cet examen. Je préfère résumer la discussion et je pense qu'on peut le faire parfaitement en disant que le système de l'honorable membre repose sur cette erreur fondamentale, qu'on peut fusionner sans inconvénient le service consulaire et commercial avec le service diplomatique.

Je dis que cette fusion est contraire à l'intérêt public, qu'elle n'a été faite nulle part, pas plus par les gouvernements républicains que par les gouvernements monarchiques. II n'y a pas d'exemple d'une pareille fusion, qui n'est qu'une confusion.

Je dis encore que les agents commerciaux ne sont pas en mesure de rendre les services politiques que l'honorable membre attend d'eux.

Je dis enfin, en sens inverse, que les agents politiques sont, eux, capables de rendre les services commerciaux qu'on attend de simples agents consulaires.

Je pourrais encore caractériser le système de l'honorable membre en ajoutant, comme je viens de le démontrer, je pense, qu'il demande plus d'argent pour moins de services rendus.

Je suis donc convaincu que la Chambre n'adhérera pas au système préconisé par l'honorable M. d'Hane.

Toutefois, je suis d'accord avec lui sur deux points. Je crois avec lui et avec un grand nombre de membres, avec la majorité des membres de cette Chambre, qu'il faut arriver à augmenter le traitement de presque tous nos agents consulaires.

Messieurs, j'ai pourvu dans une certaine mesure déjà à ce besoin que je reconnais, en proposant au budget de 1870 une première augmentation de 40,000 fr. à l'allocation consulaire, uniquement destinée à accroître les traitements.

Cette première augmentation, dans ma pensée, doit être suivie d'augmentations ultérieures. Il faut absolument que nous arrivions à rendre les traitements de nos consuls généraux suffisants, et ils sont loin de l'être aujourd'hui.

Seulement, je trouve que pour les agents nouveaux, avant de leur donner le traitement complet exigé pour leur créer à l'étranger une position leur permettant de rendre les services en vue desquels ils sont institués, il faut qu'ils commencent par faire eux-mêmes preuve d'aptitude, par montrer qu'ils sont capables, et ce n'est qu'alors que le gouvernement aura strictement l'obligation de leur attribuer un traitement plus en harmonie avec leur position officielle.

En ce qui me concerne, je suis décidé à faire ce que le gouvernement doit faire à cet égard, en temps opportun.

Il y a un autre point sur lequel je suis d'accord avec l'honorable membre. Je reconnais avec lui la nécessité de développer l'activité commerciale de nos agents diplomatiques près des cours secondaires. Il est utile, il est indispensable qu'ils fassent en matière commerciale le plus qu'ils peuvent ; ils sont parfaitement placés pour rendre des services, il faut qu'ils les rendent.

Je donnerai des instructions très catégoriques dans ce sens et j'ai déjà pris, par anticipation encore, même avant que cette question se trouvât soulevée ici, des mesures tendant à cette fin. Ainsi j'ai prescrit aux membres inférieurs du corps diplomatique d'adresser annuellement des mémoires au gouvernement, sur les questions intéressantes à l'ordre du jour dans les pays où ils se trouvent.

La plupart du temps, ce seront des questions commerciales qu'ils auront à traiter. Je crois que dans cette obligation d'avoir à fournir des mémoires il y aura, pour les jeunes membres du corps diplomatique une excellente préparation.

J'ai, messieurs, projeté une autre mesure qui a également reçu un commencement d'exécution, précisément pour permettre aux agents diplomatiques de compléter leur éducation commerciale, c'est de les faire passer par certains postes de consuls généraux. Ainsi j'ai nommé récemment un conseiller de légation consul général à Bucharest. Je propose dans le budget la création d'un consulat général en Egypte. Ce consulat général est réservé, dans ma pensée, à un membre du corps diplomatique. De plus, je n'hésite pas à dire qu'à mes yeux le fait d'avoir passé par un consulat général sera un titre de plus lorsqu'il s'agira d'une nomination à un poste diplomatique proprement dit, car il est bien entendu que ces jeunes diplomates conservent leur rang et leur ancienneté dans le corps. J'aurai ainsi, avec le temps, dans le corps diplomatique, un certain nombre de membres qui, ayant passé par des postes purement consulaires, seront, je le répète, complètement préparés à continuer, dans un poste nouveau, les services commerciaux qu'ils auront rendus dans les postes de consuls généraux qu'ils auront occupés.

Quelques questions d'un autre ordre m'ont été posées par d'honorables membres, auxquelles je vais répondre en deux mots.

L'honorable M. de Vrière a demandé quel était le résultat du barrage dans un bras de l'Escaut, quant au régime de ce fleuve ; il m'a demandé spécialement si l'on avait pu recueillir déjà certaines observations et quelle est la signification des faits qui se sont produits.

Jusqu'aujourd'hui cette signification, je suis heureux de le dire à la Chambre, est satisfaisante.

Il a été procédé à quatre sondages par l'ingénieur hydrographe de mon département ; ils ont donné les résultats que je vais avoir l'honneur de communiquer à la Chambre.

On se rappellera que le barrage a été achevé au mois de juin 1867. Lorsque je suis arrivé au département des affaires étrangères, un des premiers soins que j'aie pris a été de me concerter avec le gouvernement des Pays-Bas, à l'effet de faire procéder à des sondages en commun.

Nous étions entrés nécessairement dans une période d'observation, et j'ai pensé qu'il y aurait avantage à faire procéder à des sondages en commun par des agents des deux gouvernements. Le motif qui m'a fait agir ainsi, est celui-ci : en nous plaçant dans l'hypothèse la plus défavorable, celle où le barrage aurait eu de fâcheuses conséquences, les observations ayant été recueillies de concert, il n'y aurait eu aucune cause de retard du chef des contestations dont ces observations auraient pu être l'objet de la part du gouvernement néerlandais, quant aux réclamations que le gouvernement belge aurait eu à adresser à ce gouvernement, qui s'était reconnu, comme du reste les traités lui en faisaient une obligation, responsable des effets du barrage.

Le gouvernement néerlandais n'a pas hésité, je tiens à le déclarer, a accueillir cette proposition du gouvernement belge.

A la suite de cet accord, un premier sondage a été fait en commun au mois de septembre ou d'octobre dernier ; d'autres sondages ont été faits, ceux-ci, provisoirement, par le seul agent belge, le 23 novembre 1868, le 28 janvier et enfin le 13 avril 1869. Je pourrais, messieurs, vous donner lecture des passages des rapports (page 375) faits sur ces différents sondages, résumant les résultats exacts constatés ; mais je crois que ce serait un peu fastidieux pour la Chambre.

Il me suffira, je pense, d'indiquer que la situation, qui était déjà meilleure lors du premier sondage qu'avant la construction du barrage, a été s'améliorant sans cesse depuis. Voici comment l'ingénieur belge qui a procédé aux sondages résume lui-même les observations qu'il a recueillies en dernier lieu :

« La barre de Bath a disparu. Cette disparition n'a pas apporté, jusqu'à présent, de changements nuisibles dans les atterrissements voisins. »

La situation présente est donc bonne. En même temps que la barre de Bath, et c'est celle où la navigation rencontrait le plus de difficulté, s'améliorait progressivement jusqu'à disparaître complètement, le coude brusque formé par le fleuve à cet endroit s'arrondissait, de façon qu'aujourd'hui, loin d'être encore le plus mauvais, le passage de Bath ne présente plus d'entraves à la navigation.

Je dois, toutefois, faire des réserves formelles quant à l'avenir, et elles sont tellement naturelles, qu'il est à peine besoin de les formuler. Ce que je fais connaître en ce moment à la Chambre, c'est la situation présente, sans rien préjuger quant à la situation future. Lorsqu'il s'agit d'un fleuve comme l'Escaut, une situation satisfaisante aujourd'hui peut s'empirer demain, et par les causes mêmes qui y ont apporté une amélioration momentanée.

Je fais donc les réserves les plus catégoriques. Je ne désire qu'une chose, et la Chambre sera unanime à exprimer le même vœu, c'est que les ingénieurs belges qui ont pronostiqué de graves dangers par suite de la construction du barrage de l'Escaut, aient finalement tort, et je suis convaincu qu'ils seraient les premiers à s'en féliciter. Mais c'est une question qui n'est point vidée et qui ne saurait l'être de sitôt.

Pour le présent, la conclusion à tirer des faits qui ont été constatés, c'est qu'il n'y a pas autre chose à faire pour le gouvernement belge qu'à continuer ses observations.

Voilà ce que j'avais à dire en réponse à l'interpellation de l'honorable M. de Vrière, et je pense que la Chambre sera unanime, d'un côté, pour réserver, comme je le fais moi-même, la question quant à l'avenir et, de l'autre, pour se féliciter du résultat présent.

M. Delaetµ. - Je prie M. le ministre des affaires étrangères de me permettre de lui poser une question.

MaeVSµ. - Volontiers.

M. Delaetµ. - Je désire demander à M. le ministre des affaires étrangères s'il ne pourrait pas insérer aux Annales parlementaires les données les plus importantes des rapports des ingénieurs, et si, en même temps, il ne pourrait pas s'enquérir du degré d'envasement de la crique formée à la hauteur de Bath par le barrage. (Interruption.)

Le barrage est fait ; mais ce barrage doit se compléter par l'envasement de l'ancienne passe. Il se créera là un polder. Je désire savoir où en est la formation de ce nouveau terrain.

MaeVSµ. - Je ferai insérer aux Annales les parties les plus intéressantes des rapports des ingénieurs qui ont procédé aux sondages, celles notamment où sont relevées les modifications successives qui se sont introduites dans la passe de Bath. Ces observations constatent que la progression dans l'amélioration a été sensible et continue.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu m'a demandé enfin si les bruits qui ont circulé dans le courant de l'année dernière, au sujet d'une union douanière entre la Belgique et la France, ont eu quelque fondement.

Messieurs, non seulement aucune ouverture formelle n'a été faite sur ce point par le gouvernement français au gouvernement belge ; mais même il n'a été fait, entre les deux gouvernements, aucune allusion, soit directe, soit indirecte, à un semblable projet. Je pense que cette réponse paraîtra suffisamment catégorique à l'honorable membre.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, qu'il me soit permis tout d'abord de remercier les honorables membres qui ont bien voulu appuyer, dans plusieurs de ses parties, le projet que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre. Je vous avouerai franchement, qu'en déposant ce projet et en demandant qu'on l'annexât au rapport de la section centrale, je n'ai jamais eu l'espoir de le voir adopter immédiatement. J'ai eu plutôt pour but de poser un jalon qui pourra, dans un temps plus ou moins éloigné, mettre la Chambre à même de prendre une décision définitive sur la grave question qui nous occupe.

En effet, dans la situation où les adversaires de ma proposition et moi nous nous trouvons, il est impossible que nous discutions ce projet avec quelque chance de le voir agréer, en ce moment.

Mes honorables adversaires partent de ce principe, qu'il faut absolument à la Belgique un corps diplomatique ; moi, je pars du principe diamétralement opposé, à tel point que la concession que j'avais faite hier, de laisser un agent diplomatique dans chacune des cinq grandes cours qui garantissent notre neutralité, que cette concession, dis-je, je suis prêt à la retirer, et à demander avec M. le ministre des affaires étrangères qu'on supprime également ces postes.

Je ne les avais conservés qu'au point de vue du chef de l'Etat ; j'ai, du reste, expliqué mes motifs à ce sujet dans mon discours d'hier, et je supposais que ces motifs suffiraient pour justifier ma manière d'agir à cet égard. Je suis donc tout disposé, je le répète, à supprimer avec l'honorable ministre des affaires étrangères, ces cinq postes diplomatiques, comme tous les autres.

L'honorable M. de Vrière qui tient énormément à la conservation du corps diplomatique et qui, par conséquent, croit ne pas pouvoir discuter le principe même de la proposition que j'ai présentée, nous disait que mon intention était de faire de ces cinq légations une espèce de retraite d'Invalides pour nos agents diplomatiques.

Eh bien, messieurs, à vous dire vrai, l'honorable M. de Vrière a parfaitement rencontré ma pensée. En effet, dans mon projet, les agents consulaires commencent par le dernier des grades, celui de simple consul. Ils deviennent consuls de seconde classe, puis consuls de première classe. Arrivés à cette position qui sera pour beaucoup d'entre eux leur bâton de maréchal, les plus anciens et parfois les plus méritants pourront arriver à l'une des légations que je. conserve.

Mais il est évident que ce sont les agents qui ont déjà fourni une longue carrière qui doivent arriver là. Ce sont des positions qui donnent le moins de tracas, qui exigent le moins de démarches et qui causent le moins de fatigues.

Elles exigent des hommes d'un âge mûr et capables de traiter les questions diplomatiques, si toutefois il s'en présente. Il est évident que, pour s'occuper de questions peut-être importantes pour l'Etat, il faut employer des hommes qui ont vieilli sous le harnois, plutôt que des fonctionnaires encore jeunes qui sont moins longtemps dans la carrière, et qui possèdent l'énergie morale et physique indispensable à ceux qui doivent habiter des climats lointains et souvent malsains.

Je pense donc que, sous ce rapport, les cinq postes diplomatiques conservés seraient le couronnement de noire édifice diplomatico-consulaire.

L'honorable M. de Vrière prétend qu'il nous serait impossible de modifier la situation actuelle. Il existe un droit européen, dit-il, des traités internationaux, et, en supposant que nous voulussions changer quelque chose à ce qui existe, nous devrions, modeste petit pays, demander la réunion d'un congrès.

Je vais me permettre, messieurs, de poser une simple question à l'honorable M. de Vrière.

D'abord je ne pense pas qu'il existe dans n'importe quel traité entre la Belgique et d'autres pays une clause portant qu'elle sera représentée par tel ou tel envoyé.

Mais il y a par contre une observation bien plus sérieuse. Tous nos agents sont payés annuellement et chaque année nous votons le budget contenant les allocations destinées à solder leurs traitements.

Or, si aujourd'hui, demain, dans un an, il prenait envie à la Chambre de biffer tous les traitements du corps diplomatique, et elle en a parfaitement le droit, je serais très curieux de savoir sur quels traités s’appuierait l'honorable M. de Vrière pour maintenir nos agents de l'extérieur, et où il trouverait les sommes nécessaires pour les payer. Y a-t-il un droit public international, un droit public européen assez puissant pour forcer la Belgique à avoir des agents à l'étranger et à voter les sommes nécessaires pour les entretenir ?

Messieurs, je crois que cette question est beaucoup plus facile à résoudre que ne semblent le croire mes honorables adversaires.

Il y a, en fait de droit public, des dispositions qui règlent les relations officielles entre les différents pays, et lorsque le gouvernement veut nommer un agent quelque part, il est d'usage qu'un agent du même grade soit envoyé en Belgique ; voilà ce qui se fait généralement ; les gouvernements se mettent d'accord.

Il est donc évident, pour moi, que si nous nous mettions d'accord avec les pays étrangers pour avoir des envoyés consulaires n'ayant, en fait d’immunités diplomatiques, que celles qui conviennent strictement à la situation politique de la Belgique, les choses s'arrangeraient parfaitement sans que nous fussions obligés de recourir à un congrès.

L'honorable M. Julliot s'est trompé en disant que je demandais une augmentation de budget de cinq millions. Dans mon discours d'hier, j'ai proposé une augmentation de 430,000 fr., nécessaires pour mettre mon projet à exécution, en émettant l'espoir que si, un jour, le budget de la guerre était (page 736) diminué, on pût affecter cinq des millions retranchés, au service consulaire.

Parlant de l'Institut de commerce d'Anvers, l'honorable M. Jonet nous a dit qu'il désirerait que les élèves qui se destinent aux consulats pussent faire un stage.

Effectivement, messieurs, ce serait excessivement désirable ; mais tous les élèves de l'Institut ne deviennent pas consuls ; ceux qui, après avoir obtenu un diplôme, avec distinction, expriment le désir de recevoir le titre d'élève-consul, s'adressent a cet effet au gouvernement.

Je dois déclarer que l'Institut commercial forme théoriquement d'excellents élèves.

Il est évident que l'on y étudie infiniment mieux qu'on ne pourrait le faire dans un bureau ; mais je reconnais, avec l'honorable M. Jonet, que lorsque les études sont terminées, un stage dans une maison de commerce pour les élèves-consuls, ne peut qu'être avantageux et pour eux, et pour les intérêts belges qu'ils auront un jour à défendre et à favoriser.

Cependant, le corps consulaire tel que je le propose, devenant un corps exclusivement commercial, les secrétaires-chanceliers envoyés dans les consulats, pourront profiter de leurs relations avec les négociants de leur résidence, pour faire ainsi un stage sans être astreints en même temps au travail régulier d'un bureau.

Je le répète, messieurs, les études à l'Institut commercial sont excellentes, et si le gouvernement veut donner de l'extension au corps consulaire, il trouvera là une précieuse pépinière d'agents commerciaux.

L'honorable M. Van Iseghem, qui s'est élevé aussi contre l'abolition du corps diplomatique, a signalé une contradiction apparente que renfermerait, selon lui, mon projet.

Vous voulez, me dit-il, faire disparaître les missions purement politiques, et cependant vous augmentez les traitements des agents qui les composent aujourd'hui et vous conservez leurs positions, en y ajoutant, il est vrai, une nouvelle dénomination.

Je pense, messieurs, qu'il suffit d'une simple lecture de mon projet pour expliquer ce point. Il y a ici, pour moi, une double question : question de principe et question de justice.

Mon système est un ; je ne veux que cinq diplomates et puis le corps consulaire composé de consuls généraux de première et de deuxième classe, de consuls, de secrétaires chanceliers et d'agents consulaires portant le titre de vice-consul.

S'il s'agissait de créer, je ne voudrais certainement aucun des diplomates auxquels a fait allusion l'honorable député d'Ostende, mais je me trouve aujourd'hui devant un corps diplomatique existant.

Les agents qui le composent sont depuis longtemps dans la carrière, et si l'on devait immédiatement mettre mon projet à exécution, d'une manière rigoureuse et absolue, ils auraient évidemment une position moindre que celle qu'ils occupent actuellement.

Or, j'ai voulu, avant tout être juste, c'est-à-dire : j'ai voulu maintenir les positions acquises et c'est ce qui fait que, pour le moment, je conserve les diplomates là où ils se trouvent, sauf à donner leurs successeurs le titre de consul général seul.

Il est évident qu'il ne peut entrer dans mes idées de maintenir ces postes ; aussi, à la mise à la pension ou au décès de chacun des titulaires actuels, le gouvernement fera des propositions à la Chambre dans le but de les remplacer par des consuls généraux qui iront au loin remplir leurs fonctions, désormais exclusivement commerciales.

Nous arriverions ainsi, après un certain nombre d'années, à n'avoir plus que cinq diplomates et à posséder un nombre respectable d'envoyés consulaires sur tous les points du globe.

Je veux être utile à la Belgique au point de vue commercial, tout en respectant les positions acquises.

Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères s'est efforcé d'indiquer à son tour certaines contradictions qu'il a, selon lui, rencontrées dans mon projet.

M. d'Hane, dit-il, trouve que les agents ne sont pas assez considérés à l'étranger et cependant, bien loin d'augmenter leur prestige, il y porte atteinte. Il fait descendre les envoyés extraordinaires et les ministres résidents au grade de consul général de première classe et les consuls généraux au grade de consul ; il les fait tous descendre d'un degré.

Messieurs, c'est là une grande erreur de la part de M. le ministre. Mon système ne porte nullement atteinte au prestige de ces fonctionnaires. Que la Belgique déclare franchement qu'elle ne veut plus de corps diplomatique ; qu'elle cesse d'avoir des agents exclusivement politiques à l'étranger ; qu'elle prenne résolument le rôle modeste qui lui convient en ne conservant plus que des envoyés commerciaux, et le prestige dont est entourée notre diplomatie ne tardera pas à entourer également notre corps consulaire.

Le gouvernement négociera avec les pays étrangers pour que, par réciprocité, ils accordent à nos agents toutes les immunités, tous les privilèges que peuvent avoir, par exemple, les chargés d'affaires. Mais il est un autre élément, que contient mon projet, et qui leur donnera plus de prestige à l'étranger, c'est l'augmentation des traitements. Donnez à un simple consul un traitement suffisant et il sera respecté. Ce n'est pas avec les traitements dérisoires que l'on accorde aujourd'hui à nos envoyés qu'ils pourront jamais acquérir l'influence à laquelle ils ont droit.

Ainsi, pour ne vous citer qu'un exemple, à Lima où vient de se rendre un consul général, avec un traitement de 12,000 fr., il faut payer 6,000 fr. pour le loyer seul d'une maison.

Il ne lui reste donc que 6,000 francs pour vivre et représenter.

Il en est de même à Washington et à la Nouvelle-Orléans, dont a parlé tout à l'heure l'honorable M. Van Iseghem. La vie y est excessivement chère et les dépenses de luxe absorbent la plus grande partie des ressources dont jouissent les agents étrangers.

L'honorable ministre, pour défendre sa thèse, nous a cité l'exemple de M. Derote, mort il y a quelque temps et qui était, en dernier lieu, notre-consul général à Buenos-Ayres. C'était certainement un des hommes les plus respectables du corps consulaire, un homme que beaucoup d'entre nous ont connu, un savant, et qui remplissait ses fonctions avec un tact parfait et un dévouement sans égal.

Mais ce fonctionnaire se trouvait précisément dans le cas dont je viens de parler ; il avait un traitement dérisoire.

Je ne pense pas que M. Derote possédât une grande fortune personnelle ; or, je comprends que dans un pays où la fortune est tout, où l'on ne considère que les apparences, et où le plus ou moins de luxe détermine la valeur d'un individu, je comprends, dis-je, que, dans un pareil pays, M. Derote ait dû se trouver souvent dans une position réellement pénible et parfois même humiliante.

Je vous citerai encore un autre fait, fait dont j'ai été témoin ; et il ne s'agissait pas alors d'un consul général, mais bien d'un ministre résident qui, dans l'esprit de l'honorable ministre, doit avoir beaucoup plus d'influence, beaucoup plus de considération.

En 1853, je me trouvais dans la Plala, à Montevideo. M. Lannoy, qui ne possédait, m'a-t-on dit, aucune fortune, et qui était notre ministre à Rio, avait été charge par le gouvernement de prendre des renseignements sur la situation politique et commerciale des provinces argentines. Il devait même les parcourir ; eh bien, l'exiguïté de son traitement l'a forcé de limiter son voyage.

Il n'avait pas assez pour représenter dignement son pays, alors que les frais de déplacement absorbaient déjà une forte partie de ses ressources. C'est depuis cette époque que j'ai compris qu'il était nécessaire d'augmenter les traitements de nos agents à l'étranger, précisément afin d'augmenter leur prestige et leur influence.

Il est un autre point que j'ai déjà signalé hier et sur lequel j'appelle la sérieuse attention de la Chambre.

La France, l'Angleterre et toutes les puissances maritimes ont des escadres et des stations navales. Leurs envoyés, loin d'être isolés comme les nôtres, ont, pour les entourer et pour les appuyer au besoin, ces forces maritimes que commandent en général des officiers généraux ayant sous leurs ordres un état-major considérable. La Belgique n'a rien de tout cela, nos consuls généraux se trouvent complètement abandonnés, et si, à de rares intervalles, le pavillon belge apparaît dans ces résidences, c'est uniquement à la corne de l'un ou l'autre navire marchand qui vient y faire des opérations commerciales et alors, au lieu de trouver un élément d'influence dans la présence de ce navire, ce sont eux, au contraire, qui doivent s'efforcer de lui donner aide et protection.

M. le ministre nous a dit encore que notre diplomatie nous est excessivement utile. Nos diplomates n'ont pas, il est vrai, à s'occuper des affaires des autres pays mais ils doivent nous tenir au courant de la situation générale dans ce qu'elle peut avoir d'intéressant pour nous.

Peut-on prétendre que, même chez les puissances plus grandes que la Belgique, la diplomatie rend toujours les services qu'on attend d'elle ; est-elle toujours si bien informée, et les ministres belges sont-ils réellement en position de parvenir là où ne parviennent souvent pas les ministres des grands pays ?

Voici, messieurs, comment l'Etoile belge appréciait dernièrement le rôle de la diplomatie européenne.

Il s'agissait du conflit gréco-turc :

« 18 décembre 1868

« La question d’Orient n’a surgi et n’existe que par suite de toutes les (page 737) marches et contre-marches de la diplomatie européenne. D'une part, on fait sonner bien haut l'entente intime de toutes les puissances en faveur de la paix, et, d'autre part, chacune des puissances poursuit, à côté de sa politique ordinaire, une politique occulte. Quelle impression pourraient produire, par exemple, sur la Grèce, les conseils officiels de la Prusse, lorsque en même temps, on semble incriminer, ainsi que le fait la Correspondance provinciale, l'initiative tardivement prise par la Turquie ? Il s'en faut de peu que l'organe officieux n'intervertisse les rôles et n'accuse le Divan d'être le trouble-paix de l'Europe.

« Il est vrai que cet article se termine par l'assurance, ne varietur, que les conseils de la diplomatie européenne seront écoutés à Athènes, et que la paix ne sera pas troublée.

« En attendant, on n'en joue pas moins avec le feu, et tandis que l'on se passe le malin plaisir de pousser indirectement une pointe contre l'Autriche, les choses s'enveniment extrêmement à Constantinople.

« Les dernières nouvelles que l'on trouvera plus loin annoncent le refus définitif de l'ultimatum et le départ de Photiades-Bey. Evidemment si l'action des chancelleries européennes est assez forte pour déterminer la Turquie à s'en tenir à la rupture des relations diplomatiques et à ne pas faire dégénérer le conflit en lutte ouverte, elles auraient pu prévenir également cette fâcheuse extrémité du départ des ministres respectifs d'Athènes et de Constantinople.

« Il est vrai qu'en ce cas-là elles n'eussent pas eu l'honneur de servir d'arbitres suprêmes et d'utiliser le conflit à leur guise. »,

« Londres, 22 décembre.

« L'Europe est-elle à la veille de prendre feu ?

« La question d'Orient, cette moderne boîte de Pandore, va-t-elle, plus réelle, hélas ! que celle de la mythologie, laisser échapper sur le monde les maux que depuis si longtemps on la soupçonne de contenir ?

« L'affaire de l’Enosis doit-elle être considérée comme l'étincelle sur la traînée de poudre ?

« Qui a pu souffler au Turc, si patient et si résigné d'ordinaire, la tentation de s'essayer à l'énergie ?

« Qui a pu pousser les Grecs à affronter les périls d'une lutte effroyablement inégale ?

« La Porte a-t-elle été piquée au jeu par le discours que lord Stanley prononça le 13 novembre à Lynn, et a-t-elle voulu réfuter, en faisant acte de vie, cet imprudent discours tombé d'une bouche prudente, ou bien, a-t-elle été encouragée tout bas par la France ?

« De son côté, la Grèce a-t-elle été secrètement assurée de l'appui ultérieur de la Russie, ou bien a-t-elle compté sur la protection que lui réservaient, en cas de revers, les puissances chrétiennes de l'Occident ?

« Voilà ce que, naturellement, on se demande, ici comme en Autriche, comme en France, comme en Belgique, comme partout.

« Au moment ou je vous écris, on a, pour se rassurer quelque peu, le langage du Moniteur français, annonçant la probabilité d'une solution pacifique et l'accord des grandes puissances. Mais pas plus ici qu'en Autriche, en France, en Belgique et ailleurs, on n'a foi dans les déclarations officielles en matière de diplomatie. Moniteur universel et menteur universel sont des synonymes qu'a depuis longtemps consacrés, en Angleterre, la sagesse des esprits soupçonneux.

« Interrogez-les : ils vous diront qu'il n'y a presque pas d'exemple d'une guerre que la diplomatie n'ait fait précéder d'assurances pacifiques et même ultra-pacifiques. En 1835, un régiment français avait déjà passé la frontière, que le comte Walewski en était encore à croire à la continuation du règne d'Astrée, et cette bénigne conviction était partagée par lord Cowley, alors ambassadeur d'Angleterre à Paris. »

Ainsi, messieurs, voilà l'un des faits les plus importants de notre époque, et le lendemain du passage de la frontière par un régiment français, la diplomatie en était encore à croire qu'on était en pleine paix. Avouons-le, si les représentants des grandes puissances sont si bien informés, qu'on veuille donc nous dire ce que pourrait faire un diplomate belge dans une pareille circonstance !

M. le ministre des affaires étrangères nous a parlé aussi de la position qu'ont les consuls généraux dans les républiques d'Amérique ; je vous déclare, messieurs, que ce qu'en a dit M. Vanderstichelen ne m'a nullement surpris.

Pour que les résidents étrangers aient du prestige dans la plupart de ces pays, que j'ai vus de près, il faut encore attendre que les gouvernements de ces Etats soient plus faits aux affaires. L'honorable ministre a cité le nom de Rosas ; mais il faut savoir que ce dictateur a constitué l'une des plus étranges et malheureusement des plus cruelles personnalités de ce siècle.

Je pourrais, messieurs, vous raconter, à son sujet, des épisodes extrêmement curieux, dont les uns vous feraient frémir et dont d'autres vous feraient rire aux larmes ; vous auriez peine à croire aux mauvais tours de toute espèce qu'il faisait aux envoyés des plus grandes puissances. lI lui arrivait souvent de les inviter à venir chez lui et après leur avoir fait faire antichambre pendant trois ou quatre heures, il les renvoyait sans autre cérémonie et parfois même sans les avoir vus. Quel prestige peut avoir, dans de pareilles circonstances, un diplomate ?

Quant au double rôle politique et commercial que devraient jouer, d'après mon projet, les envoyés belges, je ferai remarquer à M. le ministre qu'il en est ainsi en Orient et je ne sache pas que l'on ait jamais eu lieu de s'en plaindre.

M. le ministre des affaires étrangères trouve cependant que les traitements sont trop faibles ; il songe à les augmenter peu à peu. Mais il veut d'abord que les agents donnent des preuves d'aptitude ; je crois, moi, pour agir sagement, qu'il faudrait fixer immédiatement les traitements à un taux convenable, et alors, il se trouvera beaucoup plus facilement des personnes qui seront disposées à remplir ces fonctions.

Il ne faut pas être avare des deniers publics quand il s'agit d'établir de bons rapports commerciaux avec l'étranger, et, je le déclare franchement, si la situation actuelle devait être maintenue, je serais le premier à demander qu'on biffât du budget la somme qui y figure pour les consulats. Si le gouvernement ne se décide pas à rétribuer convenablement nos agents commerciaux à l'étranger, autant vaudrait n'en pas avoir.

Loin de faire du bien à notre commerce et à notre industrie, ils doivent leur nuire ; et dans les conditions actuelles, ils n'ont ni le prestige, ni l'influence nécessaire pour être utiles.

J'ai dit que je n'avais pas l'espoir de voir adopter immédiatement mon projet par la Chambre. Mais, maintenant qu'il a pris place aux Annales parlementaires, après vous avoir été développé, et après que d'honorables membres ont bien voulu l'appuyer, j'ai la profonde conviction que l'idée que j'ai eu l'honneur de vous soumettre fera son chemin, et que bientôt la Chambre se décidera à voter le projet qui en a été le résultat.

M. de Vrièreµ. - Messieurs, je ne veux pas rentrer dans la discussion ; je ne veux répondre qu'un mot à une observation que m'a faite l'honorable M. d'Hane.

Je n'ai nullement prétendu, comme semble me le faire dire l'honorable membre, qu'il y eût un traité quelconque qui nous obligeât à envoyer des ministres à l'étranger ; mais ce que j'ai dit, c'est que nous n'étions pas libres d'envoyer des consuls à l'étranger en prétendant leur donner des attributions qui ne leur appartiennent pas, mais qui appartiennent, d'après les traités généraux, aux agents diplomatiques,

La Belgique est parfaitement libre d'envoyer ou de ne pas envoyer des ministres à l'étranger ; c'est là son droit ; mais la Belgique, en présence des principes du droit public européen, en présence des traités de Vienne et d'Aix-la-Chapelle, la Belgique ne peut envoyer à l'étranger un agent quelconque qui ait d'autres attributions, d'autres prérogatives et un autre titre que ceux qui sont adoptés généralement par tous les Etats européens.

Voilà ce que j'ai dit.

(page 739) M. E. de Kerckhoveµ. - J'ai été frappé d'un passage du discours de l'honorable ministre des affaires étrangères, relatif à nos agents consulaires. Je demande la permission de lui adresser une observation à ce sujet.

L'honorable ministre a reconnu qu'il convient d'améliorer la position de ces agents ; il a reconnu également qu'il importe de donner un caractère plus commercial à notre diplomatie ; et pour y parvenir, il a, nous dit-il, résolu de confier certains postes consulaires importants à de jeunes diplomates, afin de forcer ceux-ci à entrer dans la voie des études commerciales. L'intention est excellente, je le veux bien, mais il y a là, selon moi, un sérieux inconvénient, un danger réel, c'est de décourager nos agents consulaires.

Mon honorable ami, M. d'Hane, me paraît pousser à un autre inconvénient. Il nous propose de donner plus d'importance à la carrière des consulats, afin d'y appeler les hommes les plus distingués ; je suis d'accord avec lui sur le principe, mais sans aller aussi loin que lui dans l'application, sans vouloir aller surtout jusqu'à la confusion des deux carrières, de la diplomatie et des consulats.

L'honorable ministre des affaires étrangères combat aussi cette confusion en principe ; mais, en fait, des nominations comme celles qu'il nous annonce, c'est la confiscation des meilleurs postes consulaires au profit de la jeune diplomatie ; c'est encore la confusion des deux carrières.

Quant à moi, je ne veux pas de cette confusion, de quelque côté qu'elle vienne ; je crois, comme l'honorable M. d'Hane, qu'il faut augmenter le nombre et améliorer le sort de nos consuls ; mais aussi je m'empresse d'ajouter que je ne veux pas affaiblir notre diplomatie.

Sous ce rapport, je. diffère d'opinion, je le sais, avec plusieurs de mes collègues qui seraient disposés à supprimer certaines légations.

Je suis d'un avis tout opposé et j'ai pour cela des motifs très sérieux ; mais je ne me permettrai pas d'entrer dans des détails ; l'heure est trop avancée, et comme je n'aurai probablement pas l'occasion de traiter la question cette année, je demanderai la permission de remettre mes observations à une autre session.

En attendant, j'insiste sur ce point que le corps consulaire ne doit pas être mêlé, u corps diplomatique, et sous ce rapport, je suis en opposition avec mon honorable ami, M. d'Hane, aussi bien qu'avec M. le ministre, des affaires étrangères.

Je tiens essentiellement à ne pas décourager nos agents consulaires qui déjà ont très peu de perspective, très peu d'avenir, et qui souvent, après des années de travail et de dévouement, se trouvent dans une position fort pénible. Si, au bout de leur carrière, ils sont encore menacés de se voir enlever les postes les plus importants par de jeunes diplomates, que leur restera-t-il ? Certes, il y a là de quoi décourager tous nos agents.

J'engage donc M. le ministre, qu'il me permette cet avis, je l'engage vivement à laisser parfaitement distinctes les deux carrières, et à organiser le corps consulaire de façon à assurer aux jeunes gens qui ont fait de sérieuses études, prouvées par de sérieux examens, à leur assurer, dis-je, la possibilité, d'arriver aux positions les plus élevées.

Quant au corps diplomatique, je le répète, je ne. veux nullement en diminuer l'importance. Je voudrais, au contraire, voir améliorer sa position. Je me bornerai, sur ce point, à rappeler une observation qui a déjà été présentée, à plusieurs reprises, dans cette Chambre, c'est que, chose singulière, dans un pays qui a des traditions démocratiques comme, le nôtre, on réserve, en fait, toutes les positions diplomatiques aux hommes qui ont de la fortune.

M. de Brouckere. - Mais non !

M. E. de Kerckhoveµ. - Comment, non ! Je demanderai à l'honorable M. de Brouckere comment il trouvera moyen de faire vivre, dans les positions diplomatiques, avec un traitement insuffisant, des hommes qui n'ont pas de fortune personnelle, à moins de les mettre dans une situation humiliante, ce qui n'arrive que trop souvent ?

Je ne veux faire aucune allusion blessante. Je connais trop bien la diplomatie belge ; j'ai pu trop souvent constater combien notre corps diplomatique, est dévoué, instruit, et mérite à tous égards la confiance du gouvernement et du pays, pour que je ne lui rende pas pleine justice. Mais je voudrais que les hommes de n'importe quelle classe de la société pussent, moyennant de bonnes et fortes études, y faire leur carrière, et c'est malheureusement ce qui n'arrive pas, ce qui est impossible chez nous, à cause de l'insuffisance des traitements.

Je n’insiste pas ; comme la thèse demanderait des développements et que l'heure est trop avancée, je remets à une autre occasion mes observations à ce sujet.

(page 737) - La discussion générale est close.

La séance est levée à quatre heures et un quart.