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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 20 février 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de M. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 485) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction du procès-verbal est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants de Rupelmonde demandent que l'autorisation soit accordée aux pêcheurs de cette commune de faire usage du filet de pêche nommé ankerkuyl. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition relative au même objet.


« Le conseil communal de Gand prie la Chambre de transférer aux tribunaux la connaissance en dernier ressort des contestations en matière électorale. »

M. de Kerchoveµ. - La pétition qui vient d'être analysée présentant un certain caractère d'urgence, j'en demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


‘M. Dethuin, retenu par des affaires, demande un congé de quatre jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à l’organisation judiciaire

Rapport de la commission

M. Orts. - J'ai l'honneur de déposer un second rapport de la commission d'organisation judiciaire sur les chapitres XII et XIII du titre II et les titres III, IV et V du projet d'organisation judiciaire.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Thonissenµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur le projet de loi qui ouvre au département de l'intérieur un crédit de 150,000 francs, destiné à remboursera la caisse des veuves et orphelins des professeurs de l'enseignement supérieur des sommes payées par cette caisse.

- Ces rapports seront imprimés et distribués et les projets qu'ils concernent mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1867

Motion d’ordre

M. Jacobsµ. - Je ne sais si les émotions de la séance d'hier avaient troublé quelque peu la mémoire de M. le ministre des finances, mais j'ai trouvé dans sa bouche, en lisant, les Annales parlementaires, une relation assez inexacte d'un incident qui s'est produit à la séance de samedi. Voici ce que dit M. le ministre des finances : « L'honorable M. Jacobs avait dit qu'on ferait bien de joindre à cette correspondance un état des subsides alloués aux différentes villes du pays. Il n'a pas été répondu à cette observation et l'on aurait grand tort d'appliquer ici le dicton : Qui ne dit mot consent. »

J'en appelle à la mémoire de mes collègues de la Chambre : Lorsque cette proposition a été faite par moi, M. le ministre des finances y a répondu par le signe d'assentiment le plus complet.

- Voix à gauche. - Oh ! oh !

M. Bouvierµ. - C'est une erreur.

M. Jacobsµ. - Ce qui prouve que ce signe d'assentiment a été fait, c'est qu'il a été recueilli. Ce signe d'assentiment avait de l'importance, et bien qu'il n'ait pas fait trembler l'Olympe, annuit et totum nutu tremefecit Olympum, il est parvenu jusqu'à la tribune des journalistes.

Je lis dans le compte rendu de l’Indépendance :

« Le but de l'honorable ministre est de prouver qu'Anvers a reçu de l'Etat plus de subsides que n'importe quelle autre ville du pays. M. Jacobs lui ayant demandé de déposer en même temps le tableau des subsides accordés à chacune de ces villes, M. le ministre des finances y a consenti. »

Vous le voyez, messieurs, ce n'est pas uniquement l'impression d'un grand nombre de mes collègues que j'ai consultés, c'est celle aussi de MM. les journalistes.

Maintenant s'il ne convient pas à M. le ministre des finances de faire ce dépôt, s'il regrette le signe d'assentiment de samedi, je ne puis m'y opposer, sauf à trouver étrange qu'appelant la Chambre et le pays à se prononcer sur la question de savoir si la ville d'Anvers a été mieux ou moins bien partagée que les autres, on lui communique exclusivement les plaidoyers des avocats sans y joindre le dossier. Ce n'est pas le talent des avocats, ce sont les pièces qui doivent former la conviction.

Je n'insiste donc pas pour cette communication qui semble déplaire à M. le ministre des finances, mais chacun appréciera et chacun pensera que pour refuser cette communication il doit avoir ses raisons.

Une autre inexactitude que je tiens à relever concerne les dates de cette correspondance.

C'est le 31 décembre que la réponse de M. le ministre des finances aurait dû parvenir à l'administration communale d'Anvers. Distinguons ! C'est le 31 décembre que le ministre des finances a écrit à son collègue de l'intérieur. C'est seulement le 14 janvier que la dépêche a été expédiée à l'administration communale d'Anvers. Comme la lettre de cette administration est du 5 décembre, on a pris quarante jours pour y répondre ; or, depuis le 11 janvier il ne s'en est écoulé que trente-cinq ; L’administration communale d'Anvers qui dispose de bureaux nécessairement moins bien organisés que ceux de MM. les ministres ne peut donc être taxée de négligence et de tardivité dans sa réponse.

MfFOµ. - Messieurs, il est tout, à fait inexact de prétendre qu'à la séance de samedi dernier, sur la demande de l'honorable M. Jacobs, j'aurais répondu d'une façon quelconque, pas même par un signe d'assentiment, à la demande qu'il me faisait. J'ai, au contraire, dit à voix basse à mes côtés : Quand la publication aura eu lieu, on demandera ce que l'on voudra.

- Plusieurs membres. - C'est vrai.

MfFOµ. - J'ai vu, comme l'honorable membre qui s'en prévaut, qu'un journal, un seul, a énoncé que le ministre des finances avait consenti à la publication demandée ; et immédiatement j'ai fait remarquer aux honorables membres que j'ai rencontrés la complète inexactitude de cette assertion. De plus, craignant que la même erreur ne se fût glissée dans les Annales parlementaires, j'ai pris soin de m'assurer qu'en effet les sténographes officiels n'avaient absolument rien recueilli de semblable.

M. Jacobsµ. - Je reconnais qu'il n'y a pas eu un mot de prononcé.

MfFOµ. - Ah ! il n'y a pas eu un mot de prononcé.

M. Bouvierµ. - Voilà déjà un aveu.

MfFOµ. - Et vous avez interprété dans un sens affirmatif un prétendu geste d'assentiment de ma part.

M. Jacobsµ. - Signe très caractéristique et qui a été compris par dix de mes collègues de la droite comme par moi.

MfFOµ. - Eh bien, vos dix collègues se sont trompés comme vous . mon prétendu sigue a été diamétralement contraire à votre interprétation (Interruption.) Mais enfin, si j'avais pu consentir à la demande de l'honorable membre, je n'aurais assurément pas fait le dépôt annoncé par moi au jour que j'ai indiqué ; j'aurais nécessairement attendu, pour le faire, que le travail demandé par l'honorable membre pût y être annexé.

(page 486) Or, tout au contraire, j'ai effectué le dépôt ainsi que je l'avais promis.

Mais il y a une autre raison péremptoire qui démontre l'erreur de l'honorable membre et l'impossibilité pour moi d'avoir fait, même tacitement, la promesse qu'il m'attribue : c'est que je ne comprends même pas la question qu'il a faite. Je ne me rends pas compte de la nature du relevé qu'il a réclamé. De quoi s'agit-il, en effet ?

Des récriminations ont été formulées, comme d'ordinaire, au nom de la ville d'Anvers. On a dit, ici et ailleurs : la ville d'Anvers est toujours sacrifiée ; ses intérêts sont méconnus ; elle est maltraitée ; elle est laissée dans une sorte d'ilotisme par rapport aux autres parties du pays. On lui impose à elle les plus lourds sacrifices ; le gouvernement n'a de faveurs que pour les autres villes.

Voilà le langage que l'on tient, et c'est le langage habituel ; c'est celui que l'on fait entendre à la population anversoise et l'on cherche ainsi à lui persuader qu'en effet il y a, de la part du gouvernement, une véritable hostilité contre elle.

On a dit, dans des discussions publiques, on a répété à satiété : La ville d'Anvers a des embarras financiers ; c'est par la faute du gouvernement. C'est le gouvernement qui lui a imposé la reprise des terrains militaires et qui lui a occasionné ainsi de très graves embarras. La ville d'Anvers manque de ressources pour assurer ses services les plus essentiels ; c'est la faute du gouvernement. C'est le gouvernement qui a imposé à la ville d'Anvers des sacrifices sur les droits de navigation qu'elle percevait, et lui a fait ainsi payer, à elle seule, tous les avantages que devait retirer le pays de l'abolition du péage de l'Escaut. La ville d'Anvers n'a pas reçu la moindre part dans les subsides qui ont été votés pour l'assainissement des communes, et cela par suite de l'esprit malveillant qui anime le gouvernement contre cette grande cité. Voilà ce qui a été dit, voilà ce que l'on n'a cessé de répéter.

Eh bien, à mon tour, j'ai dit : Il existe une correspondance très intéressante, très instructive, dans laquelle nous avons examiné tous ces points,- tous ces prétendus griefs de la ville d'Anvers, et nous sommes prêts à la déposer ; nous sommes prêts à faire publiquement justice de toutes ces imputations, de toutes ces récriminations, qui sont absolument dénuées du moindre fondement. (Interruption.)

Oh ! je conçois parfaitement que cela fasse éprouver quelque embarras aux honorables représentants d’Anvers ; cela doit les gêner sans doute ; cela change quelque peu leur positon. Ils veulent absolument qu'Anvers soit victime du mauvais vouloir du gouvernement, et eux-mêmes veulent être des représentants victimes !

Or, nous voulons prouver à la ville d'Anvers et au pays que nous avons agi, à l'égard de cette prétendue victime, absolument comme nous avons agi a l'égard de toutes les autres villes du pays, nonobstant la position fort étrange que l'on avait prise vis-à-vis de nous.

Nous ne nous sommes pas le moins du monde préoccupés des injures qui nous ont été adressées, des calomnies de toute espèce auxquelles nous avons été en butte. Je le répète, le gouvernement s'est toujours montré animé, pour Anvers, du plus grand esprit de justice, de la plus parfaite impartialité.

Et chose singulière ! c'est que j'ai reçu, de la part de la ville d'Anvers elle-même, des remerciements à raison de la manière dont je m'étais conduit à son égard dans différentes circonstances.

Si l'honorable M. Jacobs a entendu réclamer un état des subsides locaux proprement dits qui auraient été attribués à certaines villes, eh bien, cet état est tout formé : la liste de ces subsides se trouve dans la correspondance déposée. Ces subsides sont à la vérité très peu importants ; mais enfin, quels qu'ils soient, c'est la ville d'Anvers qui occupe la tête de la liste. S'il s'agit des travaux publics en général, les lois qui les ont décrétés sont là ; rien n'est plus facile que d'en faire le relevé. Il est donc nécessaire de préciser la demande ; jusque-là elle est inintelligible.

Pour le surplus, la correspondance établit qu'indirectement la ville d'Anvers a reçu plus de subsides que toute autre ville du royaume ; qu'elle a fait une opération extrêmement avantageuse par la vente des terrains militaires ; qu'elle a réalisé, de ce chef, un bénéfice qui n'est pas inférieur à 5 1/2 millions de francs.

Voilà ce qui doit faire disparaître complètement les reproches que l'on adresse au gouvernement, de la manière la plus injuste, et qui ne sont pas de nature à faire naître ce calme et cette tranquillité que nous désirons voir régner dans la ville d'Anvers. Que l'on fasse trêve à de stériles récriminations ; c'est le meilleur moyen de défendre et de faire prévaloir les vrais intérêts de la ville d'Anvers.

Qu'Anvers demande ce qu'elle croit lui être nécessaire ; si ses demandes sont fondées, elles seront accueillies ; dans tous les cas, elles seront examinées avec l'impartialité et la bienveillance que le gouvernement a apportées jusqu'ici dans l'appréciation de toutes ses réclamations.

L'honorable M. Jacobs a relevé une prétendue erreur que j'aurais commise dans la séance de samedi dernier.

J'avais dis que la lettre adressée à l'administration communale d'Anvers était du 31 décembre 1866 ; l'honorable M. Jacobs répond que l'administration communale d'Anvers ne l'a reçue que le 14 janvier 1867. C'est possible ; mais il n'y a pas d'erreur dans ce que j'ai dit, et en admettant qu'il n'y en ait pas davantage dans ce qu'avance l'honorable M. Jacobs, la ville d'Anvers a donc reçu la lettre le 14 janvier. Mais depuis le 14 janvier jusqu'à présent, on eût pu répondre pour relever les erreurs qui auraient été commises ; si ces erreurs sont si évidentes, si palpables, rien de plus facile que leur réfutation, et il ne doit pas falloir grand temps pour cela. Or, depuis le 14 janvier, c'est à dire depuis 35 jours, on n'a pas répondu à la lettre du 31 décembre, comme on n'a pas répondu davantage à une autre lettre du 24 septembre I865, dont la Chambre a eu connaissance.

M. Jacobsµ. - Messieurs, j'aurais à remercier M. le ministre des finances des promesses de bienveillance et d'impartialité qu'il vient d'adresser à la ville d'Anvers, si elles ne contenaient pas une comparaison du passé et de l'avenir. Le passé n'est pas de nature à nous donner de grands gages d'espoir. Je veux espérer cependant que cette impartialité et cette bienveillance qu'on nous promet deviendront absolues de comparatives qu'elles sont. Leur réalisation vaudra à M. le ministre tous nos remerciements.

M. le ministre des finances nous a parlé de ce qu'il appelle les récriminations de la ville d'Anvers par rapport à l'abolition des octrois, à ses droits de navigation, à la reprise des terrains militaires, à une foule d'autres questions dont s'occupe la correspondance qu'on va imprimer, toutes choses cependant dont il n'avait pas été question à la Chambre et dont les honorables MM. d'Hane et Delaet n'avaient pas dit un mot. M. le ministre, satisfait de son plaidoyer contre l'administration communale d'Anvers, a tenu à nous en donner un avant-goût.

M. le ministre des finances a dit encore que ma question lui semblait inintelligible ; je m'étonne qu'il n'en ait pas fait l'observation lorsque je l'ai produite ; c'était le moment de m'engager à rendre intelligible ce qui lui paraissait inintelligible.

J'avais cru être parfaitement clair. De quoi s'agissait-il ? Comme le dit l'Indépendance, il s'agissait de savoir, parmi les villes du pays, quelles étaient celles qui avaient eu la plus grande part dans les faveurs gouvernementales, dans les subsides, dans les travaux publics, en un mot, dans toutes les interventions financières du gouvernement.

Ce tableau aurait permis de faire ce travail comparatif qui, s'il avait tourné contre nous, vous aurait permis de faire justice de ce qu'on appelle des récriminations, et qui nous aurait permis, s'il tournait en notre faveur, de faire justice de ce qu'on pourrait appeler presque vos apothéoses.

Ce que nous demandons, c'est le tableau de l'intervention financière du gouvernement en matière de travaux publics en faveur des villes, travaux publics d'assainissement, travaux de toute nature, chemins de fer, canaux et autres.

MfFOµ. - On ne peut fractionner cela par localités.

M. Jacobsµ. - Vous ne pouvez fractionner cela par localités ! Mais vous le pouvez si bien que toutes les fois qu'il y a un projet d'utilité publique, vous trouvez moyen de le fractionner de façon à donner à chaque ville, à chaque province, son contingent de travaux publics.

MfFOµ. - Aux provinces, oui.

M. Jacobsµ. - Aux provinces surtout, je le veux bien. Vous auriez donc fait la comparaison et nous aurions vu quelles sont les provinces et les villes qui ont eu la plus grande part à ces travaux.

Si, après avoir essayé de dresser ce tableau, M. le ministre des finances était venu nous déclarer son impuissance absolue ou relative, nous aurions eu à aviser autrement.

M. le ministre me pose ce dilemme : Ou vous n'avez égard qu'aux petits subsides locaux, et quant à ceux-là, j'en donne le chiffre ; ou bien vous avez égard aux travaux publics, et alors vous n'avez qu'à recourir aux lois. C'est très aisé ; nous n'avons qu'à recourir aux lois ! Mais ces relevés, ces tableaux généraux, chaque membre de cette Chambre n'a pas le loisir de les dresser, Nous n'avons pas des bureaux ministériels (page 487) bien garnis d'employés sous nos ordres, et ce qu'un ministre pour obtenir sans peine nous coûterait un long travail.

Si M. le ministre des finances avait un vif désir de prouver que la ville d'Anvers a été mieux traitée que les autres villes, ses rivales, il pouvait le plus aisément du monde nous en fournir la preuve en produisant le tableau que je réclame en vain.

MfFOµ. - L'honorable membre se trompe lorsqu'il suppose que le travail qu'il demande, en ce qui touche les travaux publics, peut être fait par le cabinet. C'est une chose absolument impossible. On ne peut pas dire que, dans l'ensemble des travaux de l'espèce qui ont été exécutés, telle part l'a été spécialement dans l'intérêt et au profit de telle ville. Et si même on parvenait à faire cette répartition par localité, ce qui, je le répète, est absolument impossible, il n'y aurait encore aucune espèce de conclusion à en tirer.

On exécute un chemin de fer d'Anvers à la frontière d'Allemagne. Est-ce qu'il faut dire : Voilà un chemin de fer exécuté spécialement dans l'intérêt d'Anvers ? Faut-il porter ce chemin de fer au compte d'Anvers ? Cela serait-il sérieux ? On exécute un chemin de fer dans une autre localité, dans les Flandres, par exemple, on l'exécute d'une manière très économique parce que la nature des terrains n'exige presque pas de travaux d'art. Mais, d'autre part, on construit également un chemin de fer dans le Hainaut, dans la province de Liège, dans des contrées accidentées où les travaux sont extrêmement difficiles et par conséquent très coûteux. Faut-il mettre au compte particulier de ces provinces le coût de ces chemins de fer, et comparer l'élévation des deux dépenses pour en tirer la conséquence que telle province, où le coût kilométrique a été le plus élevé, a été avantagée au détriment des autres ? Evidemment, cela ne serait pas raisonnable.

Il n'y a donc aucune espèce de conclusion à tirer du travail que demande l'honorable membre, et qu'il n'est d'ailleurs pas possible de faire. Cela revient à dire que, s'il s'agit uniquement de subsides locaux, l'état en a été donné dans la correspondance qui va être publiée. Ces subsides locaux, comme je l'ai déjà fait remarquer, sont très peu importants, et vous ne pouvez pas en citer d'autres.

« Mais, dit l'honorable membre, il n'est pas nécessaire de publier la correspondance à propos de discussions qui ont eu lieu dans la Chambre ; on avait parlé ici de certains travaux à exécuter à Anvers, et c'était là le seul objet dont on eût à s'occuper. »

Mais l'honorable membre omet toutes les considérations générales dont on a accompagné la demande.de ces travaux, et qui consistent toujours à répéter qu'Anvers est sacrifié, qu'on ne fait rien pour Anvers, tandis que l'on fait tant pour les autres localités ! C'est à cela que. répond la correspondance. Ces allégations plus ou moins vagues sont caractérisées dans la correspondance. Le mal, y est-il dit, vient de ce que l'on nous a imposé tels et tels sacrifices. Si nous avons dû établir des impôts très lourds, c'est par le fait du gouvernement ; le gouvernement nous a obligés à des réductions des taxes que nous percevions ; le gouvernement nous a imposé la reprise des terrains militaires, reprise onéreuse qui nous a plongés dans des embarras financiers inextricables.

Voilà ce que l'on dit dans la correspondance et voilà ce que l'on a dit publiquement à la population anversoise.

Eh bien, c'est à cela que nous voulons répondre ; si nous ne publions pas la correspondance, comment le public sera-t-il éclairé ? Nous ne pouvons que recourir à la publicité pour faire justice de toutes ces erreurs, de toutes ces exagérations, et vos récriminations persistantes nous ont forcé à cette publication.

Maintenant vous dites : « Nous répondrons. » Je me plais à croire que l'on a eu assez de temps pour répondre ; mais, enfin, si vous répondez, nous ne mettrons pas la lumière sous le boisseau, nous publierons votre réponse ; seulement, en attendant, permettez-nous de nous justifier. Voilà tout. Mais, quant à présent, la correspondance qui existe a été déposée, et elle sera publiée.

M. Jacobsµ. - Messieurs, à entendre M. le ministre des finances, il n'est pas possible d'établir qu'Anvers ail été sacrifié, il n'est pas plus possible de prouver qu'Anvers ail été privilégié ; il n'est pas possible de dresser le compte et le tableau que je demande par localités.

La conclusion serait que nous ne pouvons nous plaindre, mais aussi que nous ne pouvons pas nous vanter ; or la correspondance de MM. les ministres cherche à établir qu'Anvers, loin d'avoir été sacrifié, a plutôt été privilégié. J'en déduis à mon tour que s'il est impossible de dresser un compte minutieux et complet divisant par localités les subsides et travaux de toute nature, de chemin de fer par exemple, il est au moins possible de le faire pour un certain nombre, le plus grand nombre d'entre eux.

Ainsi, par exemple, M. le ministre des travaux publics a fourni un jour une liste des kilomètres de routes construites dans chaque province, la même chose pourrait se faire pour les canaux, les chemins de fer et autres travaux ; de cette manière, la comparaison serait faisable. Je ne demande pas l'impossible, je demande qu'on nous donne l'état de l'intervention du gouvernement dans les travaux publics, travaux d'assainissement et autres, à Anvers et dans les autres villes du pays.

MfFOµ. - Il n'y en a pas.

M. Jacobsµ. - Je vais citer à l'honorable ministre des finances un travail qui le touche de près et qui servira d'exemple, la dérivation de la Meuse à Liège.

Certainement il y avait là un intérêt qui s'étendait au delà de Liège, mais c'était toujours un intérêt liégeois.

L'assainissement de la Senne s'étend sans doute aussi au delà des limites de Bruxelles, mais c'est, avant tout, un travail bruxellois.

M. Bouvierµ. - Et le rachat du péage de l'Escaut ?

M. Jacobsµ. - Vous abondez dans mon sens, M. Bouvier. Votre interruption tend à prouver que le calcul est possible.

Si le rachat du péage de l'Escaut doit être mis au débit de notre localité, vous l'y mettrez, mais, au nom du ciel, dressez notre compte courant.

Ce que je demande, c'est un tableau des faveurs gouvernementales dans les limites du possible. Je ne songe pas à contester le droit du gouvernement de répondre aux meetings et aux journaux d'Anvers.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Dans votre lettre, oui ; mais la publicité que vous allez lui donner n'a pas pour but de répondre devant l'opinion publique à l'administration communale, attendu que sa lettre n'a pas été publiée, mais bien à des articles de journaux, à des discours des meetings, à des manifestations publiques.

Je ne me plains pas de ce que vous preniez à partie la presse, les meetings ou n'importe qui.

Je ne le trouve pas mauvais, mais je demande que, conviant la Chambre et le public à prononcer son jugement sur l'affaire, vous leur livriez autant que possible les pièces du procès. Quant à l'étendue dans laquelle, vous pouvez le faire, je suis l'homme le plus accommodant du monde, je la laisse complètement à votre discrétion.

MfFOµ. - Messieurs, l'honorable membre semble s'imaginer que nous voulons, par la publicité de cette correspondance, répondre aux meetings et même aux discussions qui ont eu lieu dans les journaux. Je m'en étonne, s'il a lu la correspondance, comme il paraît en effet l'avoir fait.

L'administration communale d'Anvers a consigné dans une lettre ce qui a été dit dans des débats publics, et votre prétention consiste en ceci : l'administration communale d'Anvers aura seule la parole pour incriminer le gouvernement, et le gouvernement n'aura pas le droit de se défendre,

M. Jacobsµ. - J'ai dit au contraire que c'était votre droit.

MfFOµ. - Oui ! mais, d'après vous, c'est aux meetings et aux journaux que nous sommes censés répondre. Non, messieurs, c'est à l'administration communale d’Anvers et aux représentants d'Anvers que nous répondons, aux représentants d'Anvers qui ont produit dans cette Chambre d'une manière, générale le même thème, les mêmes récriminations, les mêmes griefs. A toute cette fantasmagorie, nous répondons par des faits précis ; je suis fâché qu'ils vous gênent !

Vous essayez de jeter sur ces faits quelque doute, quelque obscurité, en demandant un état des travaux exécutés dans les villes pour compte de l'Etat ; vous le faites pour induire de l'impossibilité matérielle où l'on se trouve de vous satisfaire, que l'on n'a pas voulu vous fournir les moyens de vous défendre !

On aura refusé de publier le tableau réclamé, et c'est pour cela que l'administration communale d'Anvers se trouvera encore condamnée !

Voilà tout votre thème. Eh bien, d'avance je le détruis : je vous dis qu'il est impossible de fractionner les travaux publics par localité et vous ne sauriez contester cette impossibilité.

Cependant, dites-vous, M. le ministre des travaux publics nous a donné des indications sur des travaux publics exécutés dans chaque province.

(page 488) Cela est vrai ; et l’on pourrait encore vous fournir un pareil travail ; on pourrait certainement vous donner l'état général des travaux publics exécutés dans le pays, il suffirait pour cela de consulter les lois de crédit.

Mais quelle utilité en pourriez-vous tirer ?

Il vous faut tout autre chose : ce que vous demandez, c'est un travail indiquant les travaux effectués spécialement dans les grandes villes du pays aux frais du trésor public.

Je vous ai déjà objecté qu'il n'avait pas été exécuté de travaux aux frais du trésor, dans l'intérêt de localités. Sur quoi vous me répondez : Je vais vous citer un fait qui vous louche de près ; un grand travail, qui a bien été exécuté dans l'intérêt d'une localité : La dérivation de la Meuse. - La dérivation de la Meuse ! c'est une si vieille histoire ! c'est un si vieux cheval de bataille ! On en a tant abusé qu'il est fourbu ! (Interruption.)

M. Snoy. - Il a mangé bien de l'avoine ce cheval-là !

MfFOµ. - Messieurs, le jour où l'on a proposé de canaliser la Meuse, on s'est écrié : Mais c'est là un travail qui intéresse exclusivement la localité que représente M. le ministre des finances ! Et ce thème a été celui de toutes les oppositions pendant bien des années. Mais à peine ce travail était-il achevé, qu'est-il arrivé ? Eh bien, il est arrivé que tout le monde a voulu de ces travaux ; on les a réclamés à cor et à cri ; demandez donc à vos amis s'ils sont disposés à renoncer à l'exécution de travaux de ce genre.

M. Wasseige. - Au contraire.

MfFOµ. - Vous entendez ? On demande instamment la canalisation de toute la Meuse, et elle se fait ; demandez donc aussi à l'honorable M. Thibaut s'il serait disposé à renoncer à l'exécution de ces travaux en amont, jusqu'à Dinant et même jusqu'à Givet.

Il s'agissait donc bien là d'un travail d'utilité générale.

Mais, par malheur, la Meuse passait à Liège, et aussitôt de dire que ce travail était fait exclusivement dans l'intérêt de Liège. Ce travail procurait un avantage à la ville de Liège, c'est incontestable il avait, notamment, pour résultat de la préserver, dans une certaine mesure, des inondations ; mais qu'est-il arrivé ? C'est que, par une exception unique dans le pays, la ville de Liège et la province de Liège ont été amenées à subsidier l'Etat pour faire exécuter ce travail ; la ville de Liège a versé de ce chef un million dans le trésor public, et la province a contribué pour 370,000 francs.

M. Coomans. - Et la Nèthe ! Ses riverains payent à l'Etat.

M, Bouvierµ. - Vous oubliez le canal de la Campine.

MfFOµ. - La rivière dont vous parlez n'était pas dans le domaine de l'Etat.

M. Coomans. - Pardon.

MfFOµ. - Mais non.

M. Coomans. - Les deux Nèihes appartiennent à l'Etat.

MfFOµ. - Elles étaient provinciales lorsque la participation à certains travaux a été décrétée.

M. Coomans. - C'est une erreur.

MfFOµ. - Mais M. le ministre des travaux publics, qui a l'objet dans ses attributions, répond également que c'est ainsi. (Interruption.) Au surplus ne greffons pas ainsi un incident sur l'autre ; c'est déjà bien assez de tous ceux qui se sont produits.

Je dis donc que, par une exception unique, la ville de Liège est la seule qui ait jamais payé un subside à l'Etat pour exécuter un travail d'utilité générale. Voilà la vérité, et je ne pense pas que ceci soit précisément de nature à donner beaucoup de valeur aux récriminations de la ville d'Anvers.

- L'incident est clos.

Discussion générale

MpVµ. - Nous passons à la discussion des articles du budget des travaux publics.

M. de Brouckere. - La discussion générale est-elle close ?

M. le ministre a omis de répondre à quelques points.

MtpVSµ. - J'ai, en effet, omis de répondre à quelques points soulevés dans la discussion et, entre autres, à celui relatif au subside demandé par la ville de Mons pour le détournement de la Trouille. Je comptais y répondre à l'occasion des articles, mais puisque l'honorable M. de Brouckere m'y convie, je vais le faire immédiatement.

La ville de Mons veut détourner la Trouille, c'est un travail qui doit coûter assez cher et pour lequel on demande une subvention assez large à l'Etat.

L'honorable M. de Brouckere a demandé si le gouvernement était d'avis d'accorder cette subvention.

II se présente ici deux questions à examiner. Il s'agit d'un travail d'assainissement ; le département de l'intérieur a des allocations à son budget pour subsidier les travaux de cette nature, mon département n'en a pas.

Maintenant existe-t-il quelques circonstances spéciales en vertu desquelles mon département pourrait intervenir ? La ville de Mons le prétend ; elle prétend qu'en détournant la Trouille, elle exonère mon département de certains travaux qu'il devrait exécuter. Cela peut être vrai. C'est un point à examiner et ce n'est que pour le cas où il serait constant que mon département interviendrait. Le principe admis, il s'agira encore de déterminer la mesure de l'intervention du département des travaux publics. Ces deux points font l'objet de l'examen de l'administration et je crois qu'une décision pourra être prise prochainement.

M. Carlier. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire sur les observations de l'honorable ministre, c'est que le détournement de la Trouille est principalement dû à une prise d'eau considérable que le département des travaux publics fait à cette rivière, en amont de Mons, pour l'alimentation du Canal de Mons à Condé.

Cette prise d'eau met fréquemment la rivière à sec, et pendant une notable période de .l'année elle devient par là un véritable foyer d'infection.

Cette circonstance, qui ne peut être contestée, oblige évidemment le gouvernement à une forte intervention dans le payement des travaux de détournement, et j'ai voulu la rappeler à l'attention et à la bienveillance tant de l'honorable ministre des travaux publics que de l'honorable ministre de l'intérieur.

MtpVSµ. - C'est cette circonstance à laquelle je fais allusion.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 684,805. »

- Adopté.


« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et des employés de l'administration centrale : fr. 33,200. »

- Adopté.


« Art. 4. Traitements et salaires des huissiers, messagers, concierges et gens de service : fr. 61,000. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Matériel, fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 70,000. »

M. Coomans. - A propos de cet article, je présenterai à M. le ministre des travaux publics une observation sur laquelle il jugera probablement utile de nous donner quelques éclaircissements.

Vous connaissez tous, messieurs, les livrets officiels des chemins de fer, tant pour les voyageurs que pour les marchandises.

Si les renseignements que j'ai recueillis sont exacts, il paraît que la publication ou l'exploitation de ces deux livrets donne un très gros bénéfice, que certaines personnes vont jusqu'à évaluer à une trentaine de mille francs. Si je me trompe, on me rectifiera.

D'autre part, on m'assure que pas un sou de ce bénéfice n'entre dans les caisses de l'Etat et que le travail de rédaction se fait à ses frais.

Je prierai donc M. le ministre de nous dire : l° si l'Etat recueille sa pari de bénéfice de ce chef ; ou 2°, en cas de négative, s'il ne serait pas utile de créer là une source de revenus ; le produit ne fût-il pas aussi considérable qu'on me l'a dit, encore ne serait-il pas à dédaigner.

Dans tous les cas, il serait intéressant de savoir qui profite du bénéfice, quel qu'il soit, que procure cette publication.

Messieurs, ce bénéfice doit être considérable ; vous allez le reconnaître immédiatement.

Dans l'avis au public qui précède les annonces dont on a embarrassé le livret des voyageurs, je lis que 200,000 exemplaires se sont vendus (page 489) en 1865 et que la vente a dû être beaucoup plus considérable en 1866, à cause de l'augmentation du nombre des voyageurs. Eh bien, une brochure comme ce livret, tirée à 200,000 exemplaires, ne coûte pas plus de six centimes ; il reste donc un bénéfice de 14 centimes par livret.

J'admets que les frais de vente absorbent une partie de ce bénéfice ; mais le résultat net ne fût-il que de dix centimes, on arrive pour 200,000 exemplaires à un bénéfice net de 20,000 francs sur la vente du livret des voyageurs. Ceci est un calcul d'imprimerie et de librairie que beaucoup d'entre vous, messieurs, sont à même de vérifier. .

Mais il y a plus, messieurs, le gouvernement, ou tout au moins son fondé de pouvoir, le bienheureux éditeur qu'il favorise, a eu la singulière idée d'exploiter ce livret en y publiant des annonces.

Le principal mérite de tout livret de ce genre, c'est d'être concis, clair, facile à manier. Or, on perd beaucoup de temps à chercher les renseignements dont on a besoin parmi une foule d'annonces dont l'intérêt public me paraît très contestable. Et ces annonces, messieurs, coûtent assez cher. Je pourrais, à cet égard, entrer dans des détails ; mais je me borne à constater que la publication de ces annonces doit procurer encore quelques milliers de francs.

Maintenant, presque tout le monde croit que cette publication très fructueuse est faite par le gouvernement ou tout au moins sous les auspices du gouvernement ; et il est vraisemblable qu'on attache un peu plus d'intérêt aux annonces que fait le gouvernement qu'à d'autres annonces qui n'ont pas le même caractère officiel. Je ne dirai pas que certaines de ces annonces me choquent ; mais j'en vois beaucoup qui n'offrent aucun intérêt public.

Je trouve donc, messieurs, qu'on devrait simplifier le livret par la suppression des annonces et le mettre en adjudication. On m'a assuré que la mise en adjudication des deux livrets rapporterait une trentaine de mille francs par an. Mais, encore une fois, quel que soit le revenu net de cette publication, je désirerais savoir qui en profite et j'exprime le regret que ce ne soit pas le département des travaux publics.

J'attendrai les explications que j'ai demandées.

MtpVSµ. - La publication du livret dont parle l'honorable membre est une entreprise privée.

Quand j'ai pris la direction du département des travaux publics, j'ai trouvé cet état de choses établi ; il remonte, je pense, à l'établissement de notre chemin de fer.

L'honorable membre pense que ceux qui s'occupent, de cette publication gagnent des sommes considérables, qu'il n'estime pas à moins de 30,000 francs.

M. Coomans. - Oui, pour les deux livrets, car il y en a un également pour les marchandises.

MtpVSµ. - Ce dernier est de création toute récente.

Mon attention avait déjà porté sur cet objet. J'ai voulu examiner s'il n'y avait pas là une source de revenus, un bénéfice à réaliser par l'administration ; et je suis resté dans le doute sur la question de savoir si, pour le cas où l'administration se chargerait elle-même de cette publication, il n'y aurait pas pour elle plus à perdre qu'à gagner ; et en présence de ce doute, j'ai laissé, au moins provisoirement, les choses dans l'état où elles sont.

M. Coomans. - Eh bien, essayez de l'adjudication.

MtpVSµ. - Oui, mais c'est précisément l'adjudication qui m'effraye, car elle nécessiterait l'organisation d'un service spécial pour tenir le livret au courant des nombreux changements qui se produisent dans les heures de départ des trains. Ce service occasionnerait nécessairement une certaine dépense et c'est pourquoi je ne suis nullement convaincu qu'il n'y aurait pas plus à perdre qu'à gagner, pour l'administration, à une pareille opération.

Quant au bénéfice dont on parle, je crois que l'honorable membre serait beaucoup plus près de la vérité en retranchant un zéro du chiffre qu'il a indiqué et en réduisant ce chiffre à 3,000 francs.

La publication du livret se fait par un imprimeur avec l'aide d'un ou deux employés de l'administration qui s'occupent de ce travail en dehors des heures de bureau.

Messieurs, tout récemment, on a demandé au département l'autorisation d'insérer des annonces dans le livret qui est fourni au public. J'ai profité de l'occasion pour diminuer le prix de vente du livret ; eh bien, il se trouve qu'au bout de très peu de temps une réclamation m'est venue de la part des entrepreneurs de la publication, constatant qu'ils étaient constitués en perte.

M. Coomans. - Oh ! oh !

MtpVSµ. - C'est ainsi ; je vous dis les choses comme elles sont.

On imprime à un très grand nombre d'exemplaires, c'est vrai ; mais tous ces exemplaires ne se vendent pas, et néanmoins il faut les renouveler tous les mois ; de sorte que si l'entreprise présente quelques chances de bénéfices, elle offre aussi de grandes chances de pertes. Il n'y a pas de perte finale ; mais tout compte fait, et d'après ce que j'ai pu vérifier, le bénéfice net est infiniment moins considérable que ne le suppose l'honorable membre.

Ainsi, je le répète, dans l'état actuel des choses, je n'oserais pas, en vue d'une économie à réaliser, assumer la charge de cette publication aux frais de l'administration.

Du reste, comme la Chambre peut s'en convaincre, mon attention s'est déjà portée sur cet objet, et je veux bien la tenir à l'ordre du jour des questions à examiner par mon département ; mais je reste convaincu qu'on verserait dans une profonde erreur si l'on voyait, dans la publication dont il s'agit, un filon d'or que l'administration aurait tort de ne pas exploiter.

M. Coomans. - Messieurs, je ferai remarquer à l'honorable ministre des travaux publics qu'il a enfoncé une porte ouverte, eu rejetant une invitation que je ne lui ai pas faite ; je n'ai pas engagé le gouvernement à publier lui-même les livrets ; je l'ai engagé à les mettre en adjudication. J'ai désiré que le bénéfice certain que procure cette publication indispensable pût entrer en partie dans les caisses de l'Etat.

M. le ministre des travaux publics pense que le bénéfice s'élèverait à 3,000 fr. tout au plus. Eh bien, nous en aurons le cœur net. Qu'on mette les deux livrets, ensemble ou séparément, en adjudication, et nous verrons quel sera le résultat de cette opération.

Quant à moi, j'ai lien de croire que, d'après des confidences très sérieuses qui m'ont été faites, le prix de l'adjudication étonnerait fort M. le ministre des travaux publics.

Quoi qu'il en soit, le bénéfice ne fût-il que de 3,000 fr., j'aurais encore lieu de m'applaudir d'avoir fait mon observation.

MtpVSµ. - L'honorable M. Coomans semble oublier que le premier venu peut publier un livret du chemin de fer. Je ne puis pas empêcher cela, et un éditeur quelconque peut publier un livret avec autant de soin et d'exactitude que l'administration elle-même ; il lui suffira de prendre note, dans le Moniteur, des modifications qui sont apportées aux heures de départ et à l'organisation des trains.

Il y a quelques mois, un second livret a vu le jour ; il se vend en concurrence avec le premier.

Que voulez-vous que je mette en adjudication ?

Tout ce que je puis faire, c'est de faire imprimer directement ce qui dans le livret a trait à l'administration. Mais, je le répète, c'est une opération peut-être fort aléatoire.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 3 est adopté.

Article 6

« Art. 6. Honoraires des avocats du département : fr. 50,000 »

- Adopté.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section première. Ponts et chaussées
Article 7

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration des routes, construction de routes nouvelles et subsides : fr. 3,177, 422. »

M. Maghermanµ. - Nous sommes en jouissance, depuis le commencement de cette année, de la franchise de tout péage sur les routes de l'Etat.

Cette exemption de droit n'a pas encore été obtenue jusqu'ici, en ce qui concerne les routes provinciales et les routes communales.

De là résulte une grande inégalité entre les localités, selon qu'elles sont desservies par telles ou telles routes.

Plusieurs de nos conseils provinciaux ont déjà adopté en principe l'abolition du droit de barrière sur leurs routes provinciales ; d'autres conseils provinciaux, sans être allés aussi loin, ont manifesté les mêmes tendances.

Les députations permanentes de diverses provinces ont nommé des délégués qui se sont réunis, à l'effet d'arriver à une entente pour par venir à l'abolition de ces péages.

(page 490) Il est résulté de ces conférences un travail d'ensemble ; je pense que les conclusions et propositions auxquelles cette commission s'est arrêtée, sont soumises à l'approbation du gouvernement. Il serait nécessaire de savoir si ces propositions ont quelques chances d'aboutir.

Je prie M. le ministre des travaux publics et M. le ministre des finances, que la chose concerne spécialement, de donner quelques explications à cet égard.

M. Thibautµ. - Messieurs, je reproduirai ici quelques-unes des observations que j'ai eu l'honneur de présenter dans la discussion générale.

D'abord, j'ai l'honneur de demander à M. le ministre des travaux publics à quelle époque il sera procédé à la reconstruction du pont de Dinant. Je n'ai pas besoin d'insister sur la nécessité et l'urgence de ce travail.

Je demanderai, en second lieu, à M. le ministre des travaux publics si nous pouvons espérer que, dans un délai rapproché, le gouvernement fera construire d'autres ponts pour mettre en communication les deux rives de la Meuse, sur des points à désigner, entre Namur et Dinant et entre Dinant et la frontière française.

En troisième lieu, je demanderai si le gouvernement ne pourrait pas interposer ses bons offices pour obtenir l'achèvement, sur le territoire français, de la route de Gedinne à Horgnies. Cette route est destinée à établir une voie de communication pour nos Ardennes vers la Meuse et le réseau des chemins de fer à la station de Vireux.

M. de Woelmontµ. - Messieurs, dans une de nos dernières séances, les honorables MM. Thonissen et de Lexhy ont entretenu la Chambre d'une route devant relier la ville de Waremme à celle de Saint-Trond. Ce que je me borne à demander en ce moment à M. le ministre des travaux publics, c'est qu'il veuille bien ajourner la clôture de l'enquête qui est ouverte au sujet du tracé de la route. Aujourd'hui les intéressés ne peuvent pas se rendre au chef-lieu de la province, à cause de la peste bovine.

M. Bricoultµ. - Messieurs, au sujet de cet article, je crois devoir signaler à l'honorable ministre des travaux publics l’état déplorable dans lequel se trouve la voirie vicinale dans les environs d'Ath.

Le transport des matériaux nécessaires pour la construction du canal d'Ath à Blaton s'est exécuté par la route d'Alh à Belœil. Ce roulage a dû se faire en toutes saisons, et la route est littéralement défoncée ; le chemin parallèle d'Ath à Condé est également impraticable ; de sorte que les communes situées entre Ath et Belœil d'un côté, et Ath et Basècles de l'autre, se trouve comme dans une petite Sibérie. Elles n'ont plus de communications avec le chef-lieu d'arrondissement, avec les stations de chemin de fer que par des détours considérables, et elles ne sortiront de cet état qu'en se créant des charges écrasantes.

Pour se faire une idée de ces charges, il suffit de savoir que le montant des dépenses pour travaux d'entretien et d'amélioration à exécuter sur la route d'Ath à Belœil et incombant à la commune d'Husseignies, s'élève à 122,064 francs, et que d'autre part l’établissement d'un chemin de grande vicinalité destiné à relier des communes importantes des cantons de Chièvres et de Quevaucamps aux stations d'Ath, et de Basècles, occasionnera aux communes d'Ellignies Sainte-Anne, Irchonwelz et Ormeignies, une dépense de près de 300,000 francs.

Toutes les communes qui doivent supporter ces dépenses n'ont aucun revenu, et sont déjà fort obérées. Je prie donc instamment l'honorable ministre des travaux de ne pas les oublier lors de la répartition du crédit dont nous nous occupons en ce moment.

Les sacrifices considérables qu'elles vont s'imposer, leur malheureuse situation financière, la grande utilité des chemins qu'il s'agit de construire ou d'améliorer, tout les rend dignes de la bienveillante sollicitude de l'honorable ministre.

MtpVSµ. - Messieurs, en ce qui concerne l'objet dont a parlé l'honorable M. Magherman, je dois déclarer que je n'ai reçu aucune proposition de la part des députations permanentes des conseils provinciaux, pas plus, si je suis bien informé, que mon honorable collègue, M. le ministre des finances. Nous n'avons donc rien eu à examiner, rien à admettre ni à rejeter. Mais je dois dire que la solution qui consisterait, de la part des provinces, à s'emparer d'une partie des ressources de l'Etat, est par trop commode et n'a évidemment aucune chance d'être accueillie. Il s'agit de charges provinciales et communales ; c'est aux provinces et aux communes à y pourvoir à leurs propres dépens et non aux dépens du gouvernement.

En ce qui concerne les points spéciaux dont a parlé l'honorable M. Thibaut, je lui dirai que, quant au pont de Dinant, on s'occupe de la rédaction des plans ; que, quant au pont d'Hastières (je pense que c'est à ce travail qu'il a fait allusion), il y a plusieurs années que mon département en a proposé la construction à la province, aux communes et aux compagnies concessionnaires intéressées, le gouvernement offrant de prendre à sa charge la plus grosse part de la dépense.

Je regrette de constater que les autres parties qui auraient à intervenir ont refusé leur intervention ou ne l'ont offerte que dans une mesure tout à fait insuffisante. Si donc cet objet est resté en souffrance, c'est évidemment à tout le monde qu'on peut attribuer le retard, excepté au gouvernement.

L'honorable membre recommande une route qui est, je crois, une route provinciale.

M. Thibautµ. - Pardon.

MtpVSµ. - C'est une route de l'Etat ?

C'est un point à examiner ; il me serait impossible de répondre en ce moment.

En ce qui concerne la demande faite par l'honorable M. de Woelmont d'ajourner la clôture de l'enquête pour la route de Waremme à Saint-Trond, cette demande me paraît rationnelle et il y sera fait droit.

Enfin en ce qui touche la réclamation de l'honorable M. Bricoult, je crois qu'il a constaté lui-même qu'il s'agissait de voirie vicinale.

M. Bricoultµ. - Il s'agit de chemins destinés à relier des communes aux stations de chemins de fer.

MtpVSµ. - S'il s'agit de constructions nouvelles, ce sont des questions à examiner. Mais s'il s'agit de la réparation de routes existantes, mon département, non plus que le département de l'intérieur, n'interviennent dans ces travaux. Nous n'intervenons, de part et d'autre, que dans la construction de routes nouvelles.

L'article 7 est adopté.

Article 8

« Art. 8. Travaux de plantation de toute nature le long des routes, à l'exception de ceux compris dans les prix d'adjudication dès baux d'entretien des routes : fr. 41,000. »

- Adopté.

Section II. Bâtiments civils
Articles 9 à 12

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat, ainsi que des bâtiments dont les lois mettent l'entretien à la charge de l'Etat ; travaux d'amélioration, d'agrandissement, etc. : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Travaux extraordinaires à exécuter au palais de Tervueren et aux bâtiments des Musées, de la Cour des comptes et du Conservatoire royal de musique ; établissements de paratonnerres sur des bâtiments civils situés à Bruxelles et dans les provinces ; charge extraordinaire : fr. 112,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Achèvement des façades de l'hôtel de l'ancienne Prévôté à Bruges ; charge extraordinaire : fr. 14,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Placement de compteurs d'eau dans les bâtiments civils situés à Bruxelles (seconde moitié du crédit) ; charge extraordinaire : fr. 18,000. »

- Adopté.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Travaux d’entretien ordinaire et extraordinaire
Article 13

« Art. 13. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire, et dépenses d'exploitation des canaux et rivières : fr. 816,200.

« Charge extraordinaire : fr. 259,000. »

M. Nothomb. - Messieurs, à propos de la section que nous discutons maintenant, je désire présenter quelques observations à M. le ministre des travaux publics, relativement à l'arrondissement qui m'a envoyé ici.

Parmi les intérêts les plus considérables de l'arrondissement de Turnhout sont ceux qui se rattachent au cours d'eau de la Néthe. Il y en a trois principaux : celui d'empêcher les inondations ; celui d'assurer une bonne navigation, et en troisième lieu, l'intérêt des irrigations.

Il faut chercher à concilier, à satisfaire ces trois intérêts qui se lient, qui sont solidaires et suivant qu'ils sont satisfaits ou non, on peut dire (page 491) qu'il y a bien-être ou malaise chez les populations riveraines du cours d'eau. Si l'un de ces intérêts se trouvait sacrifié à l'autre, le but serait manqué.

Vous savez ce qu'on a fait, en vertu de la loi de 1858, pour préserver les abords de la Nèthe des inondations et pour établir une bonne voie de navigation. Les inondations sont à peu près empêchées. La navigation est améliorée tout en laissant encore à désirer. C'est donc au total, pour l'arrondissement de Turnhout, pour les régions que traverse cette rivière, une situation meilleure et dont je me plais à faire remonter en grande partie le mérite à M. le ministre des travaux publics.

Mais reste l'intérêt des irrigations. Ici, il y a, à l'heure qu'il est, une véritable souffrance dans l'arrondissement. Les travaux qui ont été faits en vue d'améliorer la navigation ont nécessité de rendre le cours plus rapide, d'enlever les entraves qui se trouvaient dans la rivière, de redresser les courbes et surtout de supprimer les petits canaux qui servaient aux propriétaires à faire les irrigations, de telle sorte qu'aujourd'hui elles sont devenues à peu près impossibles ; il en est résulté au très grand dommage pour toutes les propriétés riveraines. Ce dommage est si considérable que je ne crois pas exagérer en l'évaluant au moins à une perte des deux tiers de la valeur des propriétés.

Telle est la situation qui a été faite aux propriétaires de ces terrains ; il leur est tout à fait impossible de faire des irrigations. Aussi les plaintes sont nombreuses, légitimes et l'attention des autorités publiques y a été attirée. La députation permanente du conseil provincial d'Anvers a' eu, à ce sujet, une correspondance avec M. le ministre des travaux publics, et lui a signalé le fâcheux état de choses dont je me plains en ce moment. Sur une étendue de 40 kilomètres depuis Oosterloo jusqu'à Gheel, les irrigations nécessaires à la culture des prairies ne peuvent plus se faire. Des localités très importantes, telles que Westerloo, Westmeerbeek, Zoerle, Hesselst, Iteghem, Boisschot et d'autres en souffrent énormément.

Nous appelons sur ce point l'attention du gouvernement, particulièrement de M. le ministre des travaux publics, et nous demandons qu'il soit apporté remède à cet état de choses. L'honorable ministre lui-même, dans la correspondance qu'il a eue avec la députation provinciale d'Anvers n'a pas méconnu l'existence du mal que nous signalons.

Il a même indiqué le remède ; c'est d'établir de distance en distance, de Westerloo à Gheel, des ponts à barrage pour faire des retenues qui permettent aux propriétaires riverains de faire des prises d'eau pour la répandre sur leurs prairies. Cinq à six ponts-barrages suffiraient.

C'est, je le reconnais, une question de dépense. Mais cette dépense n'est pas considérable ; je crois qu'elle ne dépassera pas une somme de 160,000 à 180,000 fr. Or, si je suis bien informé, tout le crédit qui a été voté par la loi de 1858, pour améliorer la situation de la Nèthe, n'a pas été dépensé.

Il resterait une somme disponible, de ce chef, de 140,000 a 150,000 francs, qu'on pourrait appliquer à la construction successive de ces barrages.

Il y aurait d'ailleurs très probablement, et c'est l'honorable ministre des travaux publics qui a lui-même indiqué cette solution aux administrations intéressées, il y aurait un certain concours dans la dépense de la province, des communes et des propriétaires riverains, et sous ce rapport la province d'Anvers a déjà fait ses preuves. Elle n'a pas reculé devant les sacrifices, car elle a payé avec les communes et les riverains une somme qui s'élève à 222,350 fr. précisément pour faire ces travaux à la Nèthe.

Tout à l'heure l'honorable ministre des finances, dans l'incident au début de la séance, parlant de la ville de Liège, rappelait quels avaient été les sacrifices faits par sa ville natale en faveur de la navigation de la Meuse et, glorifiant le fait, il ajoutait qu'il était unique. Vous voyez, messieurs, que l'exemple n'est pas isolé, nous sommes deux à être uniques, car la province d'Anvers et les riverains ont pris une large part aux dépenses qui ont été faites.

Ils sont prêts à faire encore un certain sacrifice et en réunissant les ressources disponibles sur le crédit voté à celles que l'Etat ne peut se refuser à accorder, la dépense sera facilement couverte. Nous comptons donc sur une solution prompte et favorable de la situation dont nous nous plaignons.

Il y a encore un autre intérêt dont je désire entretenir M. le ministre, c'est l'achèvement du canal de Turnhout à Anvers. Cet objet intéresse également à un très haut degré et l'arrondissement que je représente et la province d'Anvers. Le canal de Turnhout à Anvers a été décrété par la loi du 2 juin 1861, avec un premier crédit d'un million, Un deuxième crédit d'un million a été voté le 14 août 1862, et un troisième de 1 million également, a été alloué par la loi du 8 juillet 1865.

Il a toujours été entendu que le canal irait de Turnhout à Anvers, qu'il ne s'arrêterait pas, comme aujourd'hui, dans son tracé pour constituer une véritable impasse ; l'honorable ministre des travaux publics lui-même l'a reconnu dans la discussion de 1865 ; il s'est exprimé en ces termes :

« Il a été annoncé à diverses reprises que le gouvernement estimait que le canal de Turnhout à Saint-Job in 't Goor serait utilement prolongé jusqu'à Anvers ; c'est dans cet ordre d'idées que la Chambre a déjà voté deux crédits ; il n'est pas besoin de dire qu'il importe d'achever ce qui a été commencé. »

Or, je viens précisément demander que le gouvernement veuille bien achever ce qui est commencé. La première section est achevée ; pour la deuxième section, de Saint-Trond à Saint-Job in 't Goor les terrains sont acquis et même déjà quelques-uns pour la troisième section, de Saint-Job à Anvers.

La loi de 1861 accorde le canal à l'arrondissement de Turnhout et à la province d'Anvers ; nous demandons l'exécution de cette loi ; le tronçon du canal tel qu'il est aujourd'hui serait une œuvre parfaitement inutile et personne ne peut vouloir le maintien de cette impasse.

Il reste, sur le crédit des 3 millions votés, une grosse somme disponible, plus d'un million, et nous demandons que le gouvernement l'applique à la continuation des travaux de canalisation.

Je sais qu'il a été question d'établir un chemin de fer sur le tracé à peu près du canal qui est décrété.

Je ne sais où en est ce projet ni quelles en sont les chances, mais on peut douter qu'il puisse autant que le canal servir les intérêts de l'agriculture ; ce canal est essentiellement agricole, il doit favoriser le défrichement, fournir à l'agriculture ses engrais, faciliter l'écoulement de ses produits ; à ce point de vue un chemin de fer ne remplirait peut-être pas le même but, car il y a bien des matières qui se transportent mieux par une voie navigable que par chemin de fer.

Cet objet a vivement éveillé l'attention des autorités de la province ; toutes ont demandé l'exécution du canal ; le conseil communal de Turnhout comme celui d'Anvers, le conseil provincial, le comice agricole, la chambre de commerce d'Anvers, tous sont d'accord.

Confiant dans la parole de M. le ministre et dans son intention déclarée de tenir la main à l'exécution de la loi votée en 1861, j'espère qu'il voudra bien nous rassurer sur la continuation du travail commencé et nous promettre le prompt achèvement du canal.

M. Notelteirsµ. - L'honorable M. Nothomb vient d'engager M. le ministre des travaux publics à employer une somme de 140,000 à 150,000 francs, économiste sur les travaux exécutés à Lierre ; l'honorable M. Nothomb engage le gouvernement à appliquer cette somme à des travaux supplémentaires à exécuter à la Grande-Nèthe. J'apprécie trop l'utilité des travaux préconisés par M. Nothomb pour m'opposer à l'emploi de ces 140,000 à 150,000 fr., qui paraissent être encore disponibles sur les crédits votés pour les Nèthes. Mais, messieurs, j'ai à faire des réserves expresses. Cette économie résulte de certains travaux qui ont été décrétés pour être exécutés à Lierre au confluent des deux Nèthes. Les travaux décrétés étaient de deux espèces ; une partie comprenait les travaux de dérivation des eaux, une autre partie consistait en l'isolement de la ville de Lierre. Les ingénieurs avaient trouvé la situation de la ville de Lierre tellement critique qu'ils croyaient ne pouvoir sauver cette ville des inondations qu'au moyen de travaux qui l'auraient complètement isolée. On a commencé par exécuter les travaux de dérivation. Ces travaux ont eu un excellent résultat, à tel point que les ingénieurs croient que les travaux d'isolement ne sont plus nécessaires.

Il est possible que le résultat des travaux de dérivation soit tel, mais il est possible aussi qu'il n'en soit pas ainsi ; l'expérience seule peut le démontrer.

Il faut remarquer maintenant que la somme de 140,000 à 150,000 fr. est celle de l'estimation des travaux d'isolement. Dans cettle somme, la ville de Lierre a contribué ; si, plus tard, des travaux supplémentaires sont nécessaires pour sauver la ville de Lierre, il est évident que celle-ci a un droit acquis à ce que ces travaux soient exécutés, quand même les 140,000 ou 150,000 fr. encore disponible sauraient été momentanément appliqués à autre chose.

J'apprécie hautement la nécessité des travaux réclamés par l'honorable M. Nothomb.

Ces travaux ne sont pas seulement nécessaires pour la partie de la Nèthe qui traverse l'arrondissement de Turnhout ; un grand nombre de (page 492) communes de l’arrondissement de Malines y ont un grand intérêt, notamment Berlaer, lseghem, Heyst-op-den-Berg, etc.

Je dis donc que, moyennant ces réserves, je ne m'oppose en aucune manière à ce que cette somme soit employée aux travaux des Nèthes.

M. Coomans. - Je remercie beaucoup mon honorable ami, M. Notelteirs, de l'adhésion qu'il vient de donner aux justes remarques qui vous ont été présentées par mon honorable ami, M. Nothomb.

Dans la bouche d'un homme aussi compétent que l'honorable M. Notelteirs, cette adhésion offre un caractère de vérité qu'aucun de nous ne contestera.

L'honorable M. Nothomb a parfaitement résumé la situation désastreuse où se trouvent depuis 2 ou 3 ans des centaines d'agriculteurs de la Campine anversoise.

Nous sommes tombés de Charybde en Scylla. Naguère, nous avions des inondations désordonnées. La navigation était très difficile, souvent impossible. Le gouvernement a pourvu à cet inconvénient dans la mesure de ce qu'il jugeait utile. Ses intentions étaient à coup sûr excellentes et, à un certain point de vue, elles ont répondu à notre attente ; mais le résultat a été la suppression complète des moyens d'irrigation, moyens indispensables, je le répète, a des centaines de cultivateurs qui malheureusement sont loin de pouvoir supporter des pertes de ce genre.

L'honorable M. Nothomb n'a rien exagéré en disant que la perte annuelle est de plus des deux tiers. Elle est telle, qu'on peut, dès à présent, prévoir le moment où les belles prairies de la vallée de la Nèthe, de Gheel à Hulshout, retourneront à l'état de bruyère d'où nos pères, il y a mille ans, ont eu tant de peine à les faire sortir.

Ces prairies étaient belles, il y a quelques années ; elles souffraient parfois d'un excès d'eau, mais l'eau étant la base de la culture des prés, mieux valait, certes, en avoir trop que de ne pas en avoir du tout.

On paraît assez d'accord, et je crois volontiers là-dessus M. le ministre et ses représentants, pour reconnaître qu'en construisant cinq ponts à barrage entre Gheel et Iteghem, soit à Oosterloo, à Zoerle-Parwys, à Westmeerbeek, à Boisschot et à Iteghem, on pourrait fournir l'eau suffisante aux terres dont nous parlons,

La dépense serait peu considérable. Très vraisemblablement, elle n'atteindrait pas la somme de 200,000 fr.

Mais dût-elle dépasser ce chiffre, ce serait encore une excellente opération à faire, tant par le gouvernement que par les intéressés. Une ou deux récoltes rembourseraient le capital.

Remarquez-le, messieurs, ici c'est moins un droit que nous faisons valoir qu'une prière adressée à la législature de remplir son devoir. Nous avons appauvri des centaines de citoyens belges. Nous devons, ne pouvant les indemniser, au moins les mettre à l'abri des désastres de l'avenir. Ce qu'on désirerait surtout, ce serait la possibilité de détourner, en temps utile, les eaux des Nèthes pour les répandre dans les terres où elles produisent d'excellents. résultats.

Il y aurait donc à construire les petits canaux dont l'honorable M. Nothomb nous a entretenus. Bientôt, l'intérêt commun étant manifeste, on verrait s'établir des wateringues et se concentrer tous les efforts de nos cultivateurs de la Campine pour tirer le meilleur parti possible des travaux que le gouvernement exécuterait. Mais avant de créer des wateringues, il faut de l'eau (water), base du mot et de l'entreprise.

Je dois me joindre à la réclamation formulée par mon honorable ami au sujet de l'exécution d'une loi qui a été votée par la législature sur l'initiative du gouvernement.

Vous avez décrété la construction du canal de Turnhout à Anvers. Il paraît que le gouvernement a réfléchi tant, tant réfléchi qu'il commence à décourager les nombreux intérêts qui se rattachent à l'exécution de ce travail d'utilité publique. On a fait espérer une compensation qui aux yeux de quelques personnes serait suffisante, ce serait la construction d'un chemin de fer direct d'Anvers à Turnhout ; mais, comme il ne s'agit que d'une éventualité douteuse et qui paraît même invraisemblable à quelques gens, nous avons le droit de demander l'exécution de la loi, c'est-à-dire l'achèvement du canal de Turnhout à Anvers par Saint-Léonard et Saint-Job in t'Goor.

A propos des Nèthes, je dois signaler aussi à M. le ministre le piteux état de la petite Nèthe entre Casterlé et Herenthals, et ici l'intervention de l'Etat est manifestement obligatoire.

La petite Nèthe a trop d'eau, beaucoup trop, et ce surplus d'eau vient du fait du gouvernement qui déverse les eaux du canal de la Campine dans la petite Nèthe pour faciliter le curage du canal. Cette opération se faisant justement à l'époque où les inondations sont désastreuses, il en résulte un dommage assez considérable pour un très grand nombre de personnes, et ici, il y a lieu, en stricte équité, à une indemnité de la part de l'Etat, indemnité que nous nous contenterions de mettre en compte sur l'avenir si le gouvernement voulait ou cesser immédiatement le jeu des déversoirs du canal de la Campine ou mettre d'autres moyens en œuvre pour faire cesser le dommage dont les populations de la vallée de la petite Nèthe se plaignent à juste titre.

Ainsi donc voilà trois intérêts essentiels de notre arrondissement que nous recommandons à l'attention sympathique et surtout à l'équité du gouvernement.

MtpVSµ. - Il a été créé un fonds pour l'amélioration de la Grande Nèthe, il y a quelques années. Ce fonds est formé partie par l'Etat, partie par la province, partie par les communes et partie par les propriétaires riverains.

Il s'agissait de deux choses seulement, je dis seulement, parce qu'aujourd'hui il vient s'en ajouter une troisième ; il s'agissait de faciliter l'écoulement des eaux et d'améliorer le régime de la navigation.

Un programme avait été arrêté entre les diverses parties intéressées, et c'était le gouvernement qui était chargé de l'exécution de ce programme.

Les travaux prévus ont été exécutés ; les crédits ont été dépensés, à l'exception d'une somme de 140,000 fr. réservée pour certains ouvrages à faire près de la ville de Lierre.

Le premier but, l'écoulement des eaux, a été complétement atteint, de l'aveu de tout le monde ; le second, l'amélioration de la navigation, n'a pas été atteint aussi complètement ; on a même prétendu que les travaux effectués avaient préjudicié à la navigation plutôt qu'ils ne l'avaient favorisée.

Il y a eu, à ce sujet, une longue discussion qui a eu son écho dans cette Chambre, mais je crois bien qu'on reconnaît aujourd'hui que si la navigation n'est pas aussi bonne qu'on pourrait le désirer, elle a cependant été améliorée.

On veut l'améliorer encore et, de plus, on se plaint aujourd'hui que les eaux s'écoulent avec une facilité trop grande, au point de nuire aux irrigations des prairies riveraines.

Il s'agirait donc, pour améliorer encore davantage la navigation et pour rendre l'eau aux prairies, de construire, d'espace en espace, des barrages. Je conviens, messieurs, que ce serait chose utile, mais comme il s'agit d'un cours d'eau provincial, la première question est de savoir qui donnera les fonds. Je veux bien que le gouvernement contribue à la dépense pour sa part, dans la proportion dans laquelle il contribue pour les autres travaux entrepris sur la Grande Nèthe.

J'ai donc demandé à la province si, en réclamant des ouvrages nouveaux, elle entendait aussi contribuer pour une part nouvelle dans la dépense qui devrait en résulter. Je n'ai pas encore reçu de réponse. Je l'attends ; mais il est évident qu'avant de rien arrêter il faut qu'on soit d'accord en principe sur une nouvelle intervention proportionnelle des diverses parties qui ont apporté leur contingent à l'exécution des premiers travaux.

L'honorable M. Nothomb dit qu'il y a encore une somme de 140,000 francs de libre. Fort bien, dit l'honorable M. Notelteirs, mais ils sont réservés à la ville de Lierre ; néanmoins, je consens bien volontiers, dit cet honorable membre, à ce qu'on leur donne une autre destination, à condition que le gouvernement reconstituera ces 140,000 francs, s'il est reconnu, plus tard, que la dépense aujourd'hui prévue pour Lierre doit être faite.

Dans ces conditions, il est bien certain que je n'emploierai pas les 140,000 fr. ; ce serait une singulière opération que je ne suis pas disposé à faire, elle consisterait à laisser tous les risques à charge du trésor public.

Je crois, au surplus, que la construction des barrages entraînerait à une dépense plus élevée que ne le pensent les honorables membres ; je doute, d'ailleurs, que les propriétaires aient fait dans leur propre intérêt tout ce qu'ils pouvaient faire (interruption) ; ils avaient à établir des wateringues.

M. de Mérodeµ. - Il n'y a pas de retenue.

MtpVSµ. - Non, sans doute, mais à certains moments les eaux sont fort élevées. Eh bien, c'est par l'établissement de wateringues qu'on devrait commencer ; au lieu de toujours se plaindre, on devrait un peu s'aider soi-même.

Il y a, même dans cette partie du pays, des propriétaires qui ont institué des wateringues et qui s'en sont bien trouvés. Mais il est plus commode (page 493) de se plaindre et de s'adresser au gouvernement ; seulement je trouve, quant à moi, que cela est trop commode ; si tout le monde suivait le même système en toutes choses, le gouvernement devrait se croiser les bras faute de ressources. (Interruption de M. Coomans.)

Je ne prêche pas contre vous seul : je trouve qu'en général on demande trop de l'Etat et je suis placé de façon à constater qu'il est impossible que l'Etat subvienne, même dans une mesure incomplète, à tout ce qu'on lui demande. Pour mon compte, j'ai pris la détermination de ne plus m'arrêter à toutes les demandes qui se présenteraient dans les mêmes conditions. Ainsi que je l'ai fait observer déjà dans une des dernières séances de la Chambre, nous faisons beaucoup trop de choses à la fois et de cette manière nous sommes conduits à tout laisser en souffrance, parce que les fonds nous manquent. C'est là un mauvais système

M. Coomans. Mais il ne s'agit pas ici d'un travail nouveau ; il s'agit simplement d'achever un travail commencé.

MtpVSµ. - Du tout, il s'agit d'un travail nouveau ; eh bien, je dis qu'avant d'entamer ce travail et de rien décréter en principe, il faut se mettre d'accord sur la part d'intervention de chacun. J'ai écrit dans ce sens à la province, j'attends sa réponse, mais je crois qu'en suite de ma demande elle se montrera un peu plus tiède.

Quant au canal de Turnhout à Saint-Job, ainsi qu'on l'a rappelé, un troisième crédit, s'élevant à un million de francs, a été voté en 1865.

Au moyen de ce crédit, j'ai fait acheter les terrains nécessaires à la nouvelle section de canal qu'il s'agit de construire ; ces acquisitions sont entièrement faites ; on pourrait donc mettre la main aux travaux de creusement.

Ici nous rentrons dans la règle commune. Ce travail se fera le plus tôt possible, pas avant toutefois que le trésor ait les ressources nécessaires à cet effet. Je ne conteste pas l'utilité du canal de Saint-Job, puisque j'ai moi-même demandé le premier crédit pour sa construction, mais je trouve que ce travail est susceptible d'ajournement et même plus susceptible que d'autres d'être remis à une époque favorable.

A l'origine, on n'avait prévu que la section du canal de Turnhout à Saint-Job ; aujourd'hui il s'agit de prolonger cette voie de navigation jusqu'à Anvers. (Interruption.) Certainement, moi-même je me suis déclaré partisan du canal jusqu'à Anvers.

Il y a donc un fonds de voté, et ce fonds sera affecté à la destination que la Chambre lui a donnée. Je réponds ainsi très nettement à la question de savoir si le gouvernement a l'intention de substituer, par une loi nouvelle, un chemin de fer au canal qui a été décrété.

Eh bien, le gouvernement s'est prononcé ; ce n'est qu'à la demande formelle des représentants légaux des intéressés que le gouvernement pourrait proposer d'affecter à un chemin de fer des fonds votés pour l'établissement d'un canal. Or, aucune demande de ce genre ne m'a été adressée. J'ai, il est vrai, entendu parler d'un chemin de fer que le gouvernement devrait subsidier ; mais personne, ayant qualité pour le faire, n'est venu me déclarer que, moyennant une subvention accordée à un chemin de fer, on ne réclamerait plus l'achèvement du canal.

Tant que cette déclaration ne m'aura pas été faite, je resterai dans l'impossibilité de soumettre à la Chambre une proposition tendante à remplacer le canal décrété par un chemin de fer, et j'ajoute qu'il me paraît peu probable que pareille déclaration me soit faite. Par conséquent, j'estime que le canal de Turnhout à Anvers doit s'achever, mais, encore une fois, en temps et lieu et quand les ressources du trésor le permettront.

M. Nothomb. - Nous acceptons les déclarations de M. le ministre des travaux publics, puisque, en principe, il affirme que le canal commencé sera achevé. Seulement, il semble reculer le moment où l'on continuera les travaux, se retranchant, pour expliquer celle attitude, derrière la situation du trésor. Toutefois, à cet égard, je dois faire remarquer encore une fois qu'une somme de 3 millions a été votée, et qu'elle est loin d'être dépensée. (Interruption.)

On m'objecte qu'il y a des travaux plus urgents ou plus importants. Je n'en sais rien et je ne l'admets pas, mais il y a au moins cette différence en notre faveur, différence assez importante entre les uns et les autres : c'est que le canal dont je parle a été décrété par une loi formelle et qu'avant tout le gouvernement doit respecter les lois dont la responsabilité et l'exécution lui incombent. C'est son premier devoir.

Il y a un autre motif encore de continuer le travail. M. le ministre reconnaît lui-même qu'aujourd'hui on est dans une impasse : le canal s'arrête à Saint-Léonard ; il n'est donc d'aucune utilité et il en sera ainsi aussi longtemps qu'il ne sera pas complétement achevé. Ce n'est qu'après (page 493) son achèvement que le canal deviendra productif et permettra la culture des milliers d'hectares dont la fertilisation dépend de son exécution.

Je reviens encore pour un instant à la question des barrages sur la Nèthe. M. le ministre se trompe quand il dit que la Grande-Nèthe n'est qu'un cours d'eau provincial.

Cette rivière a été reprise par l'Etat. (Interruption.) S'il n'en était pas ainsi, je ne m'expliquerais par l'intervention de l'Etat dans les frais d'exécution des travaux de navigabilité et de ceux qui ont eu pour objet d'empêcher le retour des inondations. La propriété de la Grande-Nèthe a été reconnue à l'Etat par la loi de 1858 ; et c'est à ce titre que le trésor public intervient et doit intervenir encore dans les dépenses qui s'y rattachent.

Il y a eu concours de la province, des communes et des propriétaires intéressés, je le reconnais ; mais c'est un sacrifice qu'ils se sont volontairement imposé, de même que la province et la ville de Liège ont pu payer une part des travaux de dérivation de la Meuse.

Maintenant M. le ministre nous dit : Quant on a commencé les travaux en vertu de la loi de 1858, on n'avait en vue que les intérêts de la navigation et les inondations ; mais aujourd'hui, ajoute-t-il, l'appétit venant en mangeant, on vient nous parler des irrigations.

Mais, je vous le demande, est-ce que ces trois intérêts ne sont pas intimement liés ? Navigation, inondation, irrigation, ces trois choses sont solidaires et il faut qu'elles obtiennent une égale protection. Les travaux ont été exécutés dans un intérêt général, cela est incontestable ; il n'a pu entrer dans la pensée de personne que les travaux exécutés à un cours d'eau de l'Etat pussent causer un préjudice notable aux propriétés riveraines sans que, le cas échéant, l'Etat dût intervenir pour aidera obvier à cet état de choses.

Je suis convaincu que l'honorable ministre accordera son attention à une situation dont il reconnaîtra certainement la gravité. Ce qui m'autorise à le croire, c'est le langage qu'il a tenu dans sa correspondance avec la députation permanente du conseil provincial d'Anvers.

II a reconnu, en effet, qu'il y avait quelque chose à faire, et il a indiqué comme moyen la construction de barrages. Maintenant il s'agit de fixer la part d'intervention de la province, des communes et des riverains. On ne s'y refuse pas en principe, et l'entente pourra s'établir sur une base proportionnelle, la part qui a déjà été consentie pour les gros travaux exécutés à la Nèthe depuis 1858.

L'honorable ministre nous dit encore : Pourquoi n'avez-vous pas organisé des wateringues ? Les propriétaires riverains y sont disposés, mais la première chose qu'il faut pour cela, c'est de l'eau et c'est précisément ce qui leur manque.

Donnez-leur cette eau et ils suivront immédiatement votre conseil ; et ainsi viendrait à cesser ce qui est une véritable calamité pour une portion considérable de notre arrondissement

M. Coomans. - Je suis véritablement étonné de la déclaration très importante que vient de faire M. le ministre des travaux publics que la Grande-Nèthe est une rivière provinciale qui n'a pas été reprise par l'Etat. C'est là une erreur manifeste, c'est une assertion contre laquelle protestent tous les actes officiels et parlementaires que j'ai pu constater depuis 1851 ; car maintes fois, j'ai exprimé l'étonnement que me causait cette circonstance que la Petite-Nèthe était une rivière de l'Etat, tandis que la Grande-Nèthe ne l'était pas, et c'est à la suite de longues réclamations que, par une disposition législative formelle, la Grande-Nèthe a été reprise par l'Etat.

Du reste, il ne s'agit pas ici d'un jeu de mots, mais d'une affaire très importante, car si la Grande-Nèthe n'appartient pas à l'Etat, nous avons bien mauvaise grâce à venir demander au gouvernement des fonds pour l'améliorer.

Je n'insisterai pas davantage sur les questions que mon honorable ami M. Nothomb vient d'élucider. Je ferai seulement remarquer que M. le ministre des travaux publics n'a rien répondu à la réclamation que j'ai faite an sujet des inondations que cause dans la vallée de la Haute-Nèthe, de Casterlé à Herenthals, le déversement inopportun des eaux du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut.

Ce déversement a lieu par ordre du gouvernement ; il s'opère le plus souvent en plein été à l'époque de la fenaison et il donne lieu à des inondations qui, dans ces conditions, occasionnent des dommages très considérables. M. le ministre ne me démentira pas ; j'en ai eu la preuve maintes fois depuis plusieurs années.

Le gouvernement fait bien d'ordonner le curage du canal de la Campine, mais la question est de savoir, et cette question est très grave, (page 494) s’il a le droit de déverser les eaux de ce canal sur des propriétés privées. Nous avons été spectateurs, mon honorable collègue de Turnhout et moi, des dommages ainsi causés par une mesure nécessaire, je le reconnais, mais ordonnée par l'Etat au détriment des populations inondées.

II me semble que cette objection, que je présente pour la troisième ou pour la quatrième fois, mérite d'être prise en très sérieuse considération.

M. de Mérodeµ. - Messieurs, je suis étonné de l'insistance que met M. le ministre des travaux publics à prétendre que l'administration de la Grande-Nèthe n'a pas été reprise par l'Etat.

Voici ce que je lis dans le compte rendu de la séance du 2 février 1858 :

« La présentation de ce projet de loi est la conséquence toute naturelle du vote législatif qui a mis à la charge de l'Etat l'administration de ces rivières et de ce canal. »

Ces paroles ont été prononcées par M. Partoes, qui était alors à la tête du département des travaux publics.

La reprise dont il s'agit a eu lieu par la loi du budget des travaux publics pour l'exercice 1854. Il serait facile de s'en assurer en prenant connaissance du texte du budget de 1854.

Maintenant, je ferai remarquer à l'honorable ministre que les nouveaux travaux qui seraient exécutés pour donner aux prairies qui longent la Grande-Nèthe, les inondations nécessaires en temps opportun rentrent complètement dans la catégorie de ceux qu'exige l'amélioration de la navigation ; ces travaux serviraient en même temps à donner à la rivière une navigation régulière.

C'est là uniquement ce que nous demandons. Les travaux qu'on a exécutés ont donné aux eaux de la rivière un cours plus rapide et rendu la navigation beaucoup plus difficile, surtout à la remonte.

Voilà ce que j'avais à ajouter aux objections qui ont été présentées par mes honorables collègues.,

MtpVSµ. - Messieurs, il y a une partie de la Pelite-Nèthe qui a été canalisée et reprise par l'Etat : au-dessus de cette partie canalisée, il en reste encore une qui n'a pas été reprise par l'Etat, et qui, par conséquent, demeure à la charge de la province.

M. Coomans. - Nous parlons de la Grande-Nèthe.

MtpVSµ. - Jusqu'à preuve du contraire, je persiste à penser que la Grande-Nèthe n'a pas été reprise par l'Etat.

Mais je suppose que je me trompe ; je suppose que la Grande-Nèthe ait été reprise par l'Etat. Quelle conclusion pratique en tirez-vous ? (Interruption.) Que ce serait à l'Etat à faire les nouveaux travaux dont vous parlez aujourd'hui ?

Eh bien, contrairement à ce qu'a indiqué tout à l'heure l'honorable M. Nothomb, je pense que les travaux qui sont réclamés coûteront plusieurs centaines de mille francs, et je dis qu'eu égard à l’état du trésor, et en présence des engagements innombrables qu'il a à remplir, Je gouvernement n'est pas disposé à faire seul cette dépense. Par conséquent, il serait prouvé qu'en principe, les travaux indiqués doivent être exécutés par l'Etat, que je déclinerais encore toute espèce d'engagement comme tout à fail inopportun. A ce point de vue donc, il importe peu que la Grande-Nèthe appartienne ou n'appartienne pas à l'Etat. En fait, quelle que soit l'importance des travaux à exécuter, il faudrait que ces travaux fussent faits aux frais communs de l'Etat, de la province, des communes et des particuliers comme les travaux décrétés en 1858. Est-on prêt à négocier sur la quote-part de chacun ? Je le veux bien.

L'honorable M. Coomans est revenu sur la question des inondations qui auraient lieu dans le bassin supérieur de la Pelite-Nèthe. L'honorable membre est un peu en retard.

M. Coomans. - J'ai reçu mes renseignements ce matin ! Voici les lettres qui me les ont apportés.

MtpVSµ. - Ah ! dans ce cas, c'est moi qui suis en retard. Mais le fait est que j'ai reçu, au sujet de ces inondations, des réclamations très vives et très persistantes jusque dans ces dernières années, mais que je n'en ai plus reçu ni en 1865 ni positivement en 1866.

Jusque il y a quelques années, des inondations étaient produites dans cette région par les infiltrations du canal de la Campine ou à la suite des baisses de ce canal, mais il faut ajouter que la province était en défaut de remplir ses obligations quant au curage des cours d'eau qui devaient livrer issue aux eaux du canal. Je dois supposer que, depuis ce temps-là, la province, sur les vives instances du département des travaux publics, s'est exécutée. Du reste, les infiltrations ont été prévenues par le renforcement des digues.

Quoi qu'il en soit, je répète que je n'ai reçu aucune espèce de réclamation depuis une année au moins et que le remède à apporter au mal incombe à la province et non au gouvernement.

- L'article 13 est mis aux voix et adopté.

Travaux d’amélioration des canaux et rivières. Bassin de la Meuse
Article 14

« Art. 14. Meuse, dans les provinces de Namur, de Liège et de Limbourg ; charge extraordinaire : fr. 61,000. »

M. Wasseige. - Je suis enchanté d'avoir une fois l'occasion de donner raison à M. le ministre des finances en prouvant qu'il disait vrai lorsqu'il annonçait que les députés de Namur insisteraient pour obtenir la canalisation de la Meuse. Je viens me joindre à mes honorables collègues de la province de Namur qui vous ont déjà entretenu de cet objet, parce que la réponse faite à leurs observations par l'honorable ministre des travaux publics me paraît un ajournement de ces travaux, ajournement qui n'est nullement expliqué ni justifié par les raisons qu'il a données.

En effet, que vous dit l'honorable ministre des travaux publics pour se dispenser de mettre immédiatement la main à l'œuvre et d'exécuter une loi votée dès 1865 ? Il dit que les travaux ne sont nullement urgents, parce que, à son avis, tant que la Meuse ne sera pas complètement canalisée, ces travaux seront improductifs.

Eh bien, ce sont précisément ces arguments que nous faisions valoir l'année dernière, quand nous demandions à la Chambre de voter les fonds nécessaires pour la canalisation complète de la Meuse jusqu'à Givet.

Ces raisons n'ont pas paru péremptoires : on a voté seulement les fonds nécessaires pour construire trois barrages ; précisément parce que M. le ministre déclarait qu'il était utile de commencer par ces barrages, et que chacun de ces barrages avait son utilité relative, et que ce serait, par conséquent, de l'argent bien employé.

Aujourd'hui je renvoie à M. le ministre des travaux publics l'argument qu'il nous opposait l'année dernière, et je déclare qu'il ne peut se dispenser, sans inconséquence, de mettre immédiatement la main à l'œuvre.

Je dirai qu'il y a une raison de plus pour qu'on active les travaux, attendu que, si l'honorable ministre dit vrai, les barrages construits depuis Liège jusqu'à Namur seront improductifs tant que la canalisation de la Meuse ne sera pas terminée jusqu'à Givet, attendu que tant que cette canalisation n'est pas achevée, les transports des houilles de Liège vers le département des Ardennes seront fortement entravés, ainsi que ceux de tous les charbonnages riverains de la Meuse et de la basse Sambre, ce qui forme les principaux produits qui s'exportent par la Meuse.

Je répète donc à l'honorable ministre : Si votre argument est vrai, si la Meuse ne sera utile que quand elle sera tout à fait canalisée, c'est un motif pour commencer le plus tôt possible et pour continuer le travail sans désemparer.

Quant au défaut de ressources, je ne comprends pas qu'on puisse prétendre qu'il n'y a pas d'argent disponible pour cet objet. La loi de 1865, en décrétant les travaux, y a appliqué les fonds nécessaires et cette loi n'était elle-même que l'application d'une autre loi, la loi d'emprunt de 60 millions. Les fonds de cet emprunt sont entrés dans les caisses des l'Etat avec une affectation spéciale. Il ne s'agissait ici ni de ressources aléatoires ni d'excédants de budgets. Sur ces 60 millions, 2 millions avaient été affectés aux travaux de la Meuse. Ces fonds doivent être disponibles, les travaux sont préparés ; les études sont terminées ; tout est prêt. Il n'y a plus qu'à mettre la main à l'œuvre.

Je réclame donc avec insistance auprès de M. le ministre la prompte, la très prompte exécution de ces travaux, et j'espère qu'ils seront commencés dans le courant de cette année.

Puisque j'ai la parole, je ferai à M. le ministre une autre recommandation que je n'ai pas eu occasion de faire dans la discussion générale, à propos d'un petit tronçon de chemin de fer. Je veux parler de la lacune qui existe entre Tamines et Fleurus pour le chemin de fer de Tamines à Landen. Ce petit tronçon a une excessive importance.

Il est destiné à relier au chemin de fer de famines à Landen, à l'Est Belge et au chemin de fer de l'Etat, les charbonnages de la basse Sambre. Il reste peu de chose à faire. Si les travaux ne sont pas interrompus, ils se poursuivent au moins avec peu d'ardeur. Je prierai M. le ministre d'user de son influence pour que ce travail soit terminé le plus tôt possible.

(page 495) M. Braconier. - Il me parait que le crédit que nous avons voté pour les travaux de canalisation de la Meuse en amont de Namur devrait être dépensé de manière à améliorer la navigation sur tout le parcours entre Namur et Givet. En effet, il y a sur ce parcours deux ou trois localités où la navigation est très difficile. Si au lieu de suivre l'ordre successif dans la construction de ces travaux, on établissait les trois barrages de manière à supprimer les passes les plus mauvaises, on rendrait un grand service à la navigation. Evidemment les forts bateaux qui voyagent sur la partie canalisée ne pourraient s'y rendre, mais les conditions actuelles seraient considérablement améliorées.

- L'article cet mis aux voix et adopté.

- Des membres. - A demain !

M. Wasseige. - Je demanderai à M. le ministre, lorsqu'il aura examiné la question de la Nèthe, de bien vouloir répondre deux mots aux observations que j'ai faites.

MtpVSµ. - L'honorable M. Wasseige insiste pour que je réponde aux observations qu'il a présentées quant à la construction de barrages sur la Meuse, en amont de Namur. J'y ai déjà répondu bien des fois et je ne puis absolument que me répéter : c'est que ce travail est un travail susceptible, avant tous autres, d'ajournement, et cela par la raison que lorsque les trois barrages pour lesquels les crédits ont été votés seront construits, vous ne serez pas plus avancés qu'aujourd'hui.

M. Braconier. - Si on les place convenablement..

MtpVSµ. - Pas même si on les place convenablement, attendu que, pour arriver à la frontière française, il en faudra encore six ou sept ; et que quand vous seriez même à la frontière française, vous ne seriez pas encore plus avancés qu'aujourd'hui.

Pourquoi ? Parce que le système de canalisation adopté en Belgique, s'il n'est pas continué en France, est condamné à la stérilité. Et si la France ne suit pas la Belgique, que ferez-vous de vos grands bateaux ? Vous arriverez à la frontière et là, vous devrez transborder ! Or, que vous transbordiez à la frontière, ou que vous transbordiez à Dinant ou à Namur, n'est-ce pas exactement la même chose ? Je me trompe, il y aura une différence : c'est que si vous transbordez à Givet, le pays (Dinant ou Namur) perdra la main-d'œuvre. Voilà la seule différence, et elle sera au détriment de l'une ou de l'autre de ces deux localités.

Messieurs, j'ai dit, dans une autre occasion, que je ne demanderai pas des fonds nouveaux pour la canalisation de la Meuse en amont de Namur, avant d'être informé des intentions du gouvernement français quant à la canalisation de la Meuse supérieure.

Puisque l'on insiste et que l'honorable M. Wasseige veut absolument une réponse, je dirai toute ma pensée. Il serait beaucoup plus logique de prendre ces informations aujourd'hui et avant d'entamer les trois barrages décrétés. Car si le gouvernement français était résolu (c'est une simple hypothèse) à ne pas canaliser la Meuse en France, la construction des trois barrages que nous établirions en amont de Namur,» et, à plus forte raison, celle des dix barrages qui devraient combler la distance entre Namur et la frontière entraîneraient une dépense fort élevée sans utilité appréciable. Puisque vous voulez une réponse, la voilà.

On me dit : Vous pouvez produire un très grand bien, si, au lieu d'établir les trois barrages dans l'ordre successif, en partant de Namur, vous les établissez aux endroits les plus calamiteux ; on améliorerait ainsi la navigation dans son ensemble.

Messieurs, c'est une erreur en fait. Lors même que vous placeriez les barrages aux endroits qui ont été indiqués par les bateliers eux-mêmes, vous n'amélioreriez pas la navigation générale de la Meuse, en amont de Namur, attendu qu'il resterait toujours plusieurs points où le mouillage serait notablement inférieur à celui qu'on obtiendrait immédiatement au-dessus des barrages établis. C'est la raison déterminante pour laquelle ces travaux ne sont pas projetés suivant les indications fournies par les bateliers.

Je dis donc que de tous les travaux pour lesquels nous sommes engagés, la construction des barrages de la Meuse comptent parmi ceux qui manifestement sont, sans préjudice sérieux pour personne, susceptibles d'ajournement.

L'honorable M. Wasseige dit : Vous avez des fonds, ils ont été votés !

Messieurs, de ce que des crédits sont votés, il n'en résulte pas que les fonds soient en caisse. Il y a loin de l'un à l'autre, c'est ce qu'il ne faut pas perdre de vue.

M. Wasseige. - J'ai dit qu'il y avait eu un emprunt dont une partie était consacrée à ce travail et que les fonds devaient se trouver en caisse.

MtpVSµ. - Je répondrai à l'honorable M. Wasseige que le trésor avait beaucoup d'engagements à remplir sur les excédants de recettes prévus ; ces excédants prévus font momentanément défaut et il résulte de cette circonstance une situation qui commande une grande prudence au gouvernement. C'est faire chose utile et patriotique, d'obéir à ce que commande cette situation et, quant à nous, nous sommes disposés, moi comme mes honorables collègues, à faire ce qu'exige l'intérêt du trésor public.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.