(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 497) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Mont demandent que le chemin de grande communication de la route au-dessus de Taverneux passant par Sommerain vers la halte de Courtil, soit repris par l'Etat, dans les parties qui seront abandonnées par le nouveau tracé. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Bovigny demandent que la halte à Courlil soit transférée au centre de la commune. »
M. Bouvierµ. - Cette pétition présentant un caractère d'urgence, je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Ce renvoi est ordonné.
« Les membres de l'administration communale et des habitants d'Orgy demandent l'établissement d'une station dans la traverse de leur commune par le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai. »
M. Jouretµ. - Messieurs, les travaux du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai étant sur le point de commencer, il y a également urgence. Je demanderai que la Chambre veuille ordonner un prompt rapport.
- Adopté.
« M. le ministre de la guerre fait parvenir à la Chambre deux exemplaires de l'annuaire militaire officiel de 1867. »
M. Coomans. - J'aimerais mieux le rapport.
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Hagemans, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
MpVµ. - M. Thibaut ne s'était pas aperçu hier que la discussion sur l'article 14 avait été close. Il a demandé à présenter quelques courtes observations sur cet article.
M. Thibautµ. - Messieurs, je regrette vivement d'être en quelque sorte forcé, par position, de prolonger de quelques instants le débat qui s'est élevé à la fin de la séance d'hier entre l'honorable ministre des travaux publics et l'honorable M. Wasseige.
Il ne s'agit plus maintenant, comme en 1865, de savoir si l'on exécutera immédiatement tous les travaux de canalisation de la Meuse, depuis Namur jusqu'à la frontière française ou une partie de ces travaux seulement.
L'honorable ministre des travaux publics a déplacé la question. Il l'a portée sur un autre terrain. Il vous a donné hier lieu de craindre un ajournement indéfini des travaux de canalisation de la Meuse.
MtpVSµ. - Je n'ai pas dit cela.
M. Jacobsµ. - A long terme.
M. Thibautµ. - Vous n'avez pas dit : ajournement indéfini ; mais j'aurai l'honneur de vous faire remarquer que dans une séance de la semaine dernière, répondant à l'honorable M. Lambert, vous avez émis l'avis que ces travaux pouvaient supporter un certain ajournement, et, dans la séance d'hier, vous avez insisté sur l'ajournement sans atténuation.
Je crains donc qu'au fond votre pensée ne comporte un ajournement indéfini.
Franchement, messieurs, en écoutant les paroles de l'honorable ministre, je me demandais si je me trouvais en présence du même ministre qui avait présenté à la Chambre en 1865 le grand projet de travaux d'utilité publique, qui l'avait défendu de sa parole convaincue et avait fini par obtenir l'assentiment unanime des deux Chambre pour ses propositions.
Messieurs, je dois montrer en peu de mots combien l'opinion que M. le ministre a exprimée hier diffère de celle qu'il a défendue devant la Chambre en 1865.
L'exposé des motifs du projet de loi contient le passage dont je vais donner lecture :
«... Alors qu'on se rappelle que le plus grand obstacle au développement des relations commerciales entre les provinces belges riveraines de la Meuse et les Ardennes françaises, a été jusqu'à présent l’état fâcheux dans lequel s'est trouvée la navigation sur ce fleuve, on demeure convaincu qu'il reste quelque chose à faire et que la belle œuvre entreprise et poursuivie avec persévérance par le gouvernement restera incomplète tant que la Meuse n'aura pas été canalisée dans sa partie comprise entre l'embouchure de la Sambre à Namur, et la frontière française.
« C'est à l'effet de pouvoir donner un commencement d'exécution à ce travail estimé à 5,500,000 francs par la construction immédiate (j'appelle l'attention de la Chambre sur ces mots écrits en 1865), par la construction immédiate de deux barrages au moins... que le gouvernement, demande un crédit de 2,000,000 de francs. »
Il s'agit là, messieurs, je le répète, d'une exécution « immédiate ».
Pendant la discussion, l'honorable ministre ne s'est pas exprimé d'une manière moins claire, moins catégorique.
L'honorable M. Moncheur avait défendu un amendement tendant à décréter l'exécution simultanée de tous les travaux de canalisation, travaux dont la dépense pourra s'élever, d'après les calculs de l'honorable ministre lui-même, à quatre millions environ. L'honorable M. Moncheur proposait d'imputer une partie de la dépense sur les excédants probables des budgets. Que répondait l'honorable ministre des travaux publics ?
Il disait :
« S'il y avait des excédants, que voulez-vous que le gouvernement en fasse ?
« Il vous en proposera, cela va de soi, l'emploi, probablement, suivant vos propres indications. Ainsi pour la Meuse, le gouvernement est d'avis que ce travail doit se faire le plus tôt possible ; si donc il y a des excédants de ressources ordinaires, le gouvernement viendra proposer d'achever les travaux de la Meuse. »
Voilà, messieurs, quelle était l'opinion de M. le ministre, en 1865. Il proposait d'affecter immédiatement un crédit de 1,600,000 francs à la construction de deux barrages au moins, en amont de Namur.
Aujourd'hui on nous parle d'ajournement. Et quels sont les motifs que l'honorable ministre invoque pour justifier ce revirement ?
L'honorable ministre nous dit qu'aussi longtemps que les travaux de canalisation ne seront pas complets en France, ceux que nous pourrions faire en Belgique entre Namur et la frontière n'offriraient aucune utilité Eh bien, je réponds à cet argument par les paroles que l'honorable ministre a prononcées en 1865. Il disait en 1865 : « A la différence de beaucoup de travaux publics, à la différence, par exemple, des chemins de fer de raccordement et de ceinture que l'honorable membre a cités pour les critiquer, chaque barrage établi sur la Meuse a son utilité, même avant que la circulation soit complète. »
(page 498) Eh bien, c'est ce que nous disons aujourd'hui. Nous partageons l'opinion que M. le ministre exprimait en 1865 et nous disons : Chacun des barrages aura son utilité propre, même avant que la canalisation soit complète. Nous réclamons donc instamment l'exécution de la loi de 1865.
L'honorable ministre a dit, dans une des séances précédentes, que tout était prêt, sauf les fonds. Nous ne pouvons pas accepter cette déclaration.
Comment les fonds pourraient-ils faire défaut ? En 1865, lorsque nous avons voté des travaux publics emportant une dépense de 60 millions, nous avons en même temps voté un emprunt de pareille somme. Si l'emprunt a été réalisé, il doit donc y avoir des fonds pour chacun des travaux compris dans la loi de 1865, à moins, ce que je ne puis supposer, qu'on n'ait employé pour d'autres travaux les fonds destinés à la Meuse ; mais je ne pourrai le croire, aussi longtemps que M. le ministre n'aura déclaré lui-même à quels travaux ils ont été consacrés.
Messieurs, je ne veux pas abuser de la permission que la Chambre m'a donnée de revenir sur l'article 14 et je bornerai là mes observations.
Je me résume en disant que nous nous opposons énergiquement à tout ajournement et que nous demandons l'exécution de la loi de 1865.
M. Wasseige. - Je demande la parole.
MpVµ. - Je dois faire remarquer à M. Wasseige que l'article 14 a été voté hier et que M. Thibaut n'a eu la parole que sur sa déclaration qu'il ignorait que la discussion eut été close hier.
M. Wasseige. - Je n'ai que quelques mots à dire.
MpVµ. - Je consulte la Chambre.
- Des voix. - Parlez !
MpVµ. - La parole est à M. Wasseige.
M. Wasseige. - Réellement, messieurs, j'ai pris hier l'honorable ministre des travaux publics dans un bien mauvais moment : la question des Nèthes l'avait quelque peu tracassé ; il était occupé à l'éclaircir avec les défenseurs de ces rivières, lorsque je l'ai malencontreusement interpellé, et je crois que cette préoccupation l'a empêché de me répondre avec sa bienveillance habituelle. Puisse cet instant d'un peu de mauvaise humeur retomber sur moi seul et ne pas réagir sur la Meuse ! C'est tout ce que je demande.
Messieurs, nous sommes vraiment dans une singulière situation. Il y a deux ans, l'honorable M. Moncheur et moi avons présenté un amendement tendant à obtenir le prompt et complet achèvement de tous les travaux à la Meuse, parce que, disions-nous, sans ce prompt et complet achèvement, les travaux ne produiront pas tous les avantages que l'on est en droit d'en attendre.
M. le ministre nous disait alors : Mais c'est impossible ; nous ne pouvons pas tout faire à la fois. D'ailleurs, votre raisonnement n'est pas juste et votre prétention est exagérée ; les travaux exécutés auront tous leur utilité, au fur et à mesure de leur achèvement ; et il le disait d'une manière catégorique, par des paroles que j'avais notées moi-même et que l'honorable M. Thibaut vient de nous rapporter.
Bien plus il ajoutait ceci, qui est bien plus péremptoire encore : « Il s'agit d'appliquer un nouveau système de barrages, il est donc nécessaire que nous expérimentions ce système avant de l'étendre à la canalisation sur toute la partie supérieure de la Meuse. »
Cette année-ci, lorsque, beaucoup plus modestes, nous disons : « Au moins, accordez-nous ce que vous nous avez promis il y a deux ans, ce que la Chambre a ordonné que vous fassiez ! », que nous répond-on ? « C'est possible, mais ce n'est pas urgent, parce que cela ne sera pas utile tant que tous les travaux à faire à la Meuse ne seront pas complétement terminés. »
Convenez, messieurs, qu'il serait difficile d'être, à propos de barrages, plus nettement rembarré que nous le sommes.
On se sert encore d'un autre argument. Nous disons : la Meuse française est canalisée en partie ; la navigation s'y trouve dans des conditions bien supérieures à celles qui existent dans la Meuse belge, mais aussi longtemps que la partie entre Namur et Givet n'est pas approfondie, la Meuse française ne peut être d'aucune utilité à nos bateliers. Et maintenant on nous répond : « Pas du tout ; certaine partie de la Meuse française n'est pas canalisée, et tant que celle lacune n'est pas comblée, vous n'avez aucun intérêt à réclamer des travaux en Belgique. »
Or, messieurs, c'est un fait incontestable et reconnu par l'honorable ministre lui-même, que la Meuse est canalisée d'une façon convenable entre Charleville et Sedan ; elle l'est également entre Charleville et la frontière belge, mais pas aussi complètement, il n'y a qu'un tirant d'eau de 60 centimètres environ.
Eh bien, qu'on nous mette seulement à même de tirer parti de ce tirant d'eau pendant toute l'année, et je suis bien convaincu que les bateliers de la Meuse voteront une médaille à M. le ministre des travaux publics.
M. Bouvierµ. - Une médaille d'encouragement.
M. Wasseige. - Une médaille d'encouragement, comme le dit l'honorable M. Bouvier, et je suis persuadé que cette première récompense engagerait M. le ministre des travaux publics à persévérer et à poursuivre activement ce qui resterait à faire. Mais que M. le ministre se rassure sur les travaux qui restent encore à exécuter en France.
Vous comprenez, messieurs, que la Meuse étant déjà convenablement canalisée entre Charleville et Sedan, si les travaux sur la partie belge étaient également terminés jusqu'à Givet, il n'est pas possible de douter un instant que le gouvernement français, si soigneux des intérêts de ses administrés, ne s'empresse de mettre, de son côté, la main à l'œuvre.
Quoi ! le gouvernement français verrait la Meuse canalisée sur toute la partie belge et il ne s'empresserait pas de combler la lacune qui existe entre Charleville et la frontière belge ! Cela n'est pas soutenable, cela n'est pas possible !
Ainsi, messieurs, quand l'honorable ministre des travaux publics nous a dit qu'il exprimait exactement sa pensée, je dois dire que je ne l'ai pas cru. (Interruption.) Son expression a trahi sa pensée et je suis convaincu qu'il pense comme nous que le gouvernement français s'empresserait de combler toutes les lacunes qui s'opposeraient à une navigation régulière.
Car enfin, messieurs, si l'honorable ministre n'avait pas cette conviction, comment a-t-il pu, en 1865, proposer la construction de trois barrages ? Mais cela eût été une véritable inconséquence, et je me garderai bien d'en accuser l'honorable ministre.
J'irai plus loin et je demanderai pourquoi, avec une telle conviction, M. le ministre a pu faire canaliser la Meuse entre Namur et Liège. Car s'il est vrai que ces travaux offrent déjà une certaine utilité à cause de la canalisation de la Sambre, cependant, il est également vrai que la grande utilité de la canalisation de la Meuse n'est pas de la mettre seulement en communication avec la Sambre, mais surtout de la mettre en communication avec la Meuse française, et les grands marchés des Ardennes.
Et si réellement il y avait eu le moindre doute sur les intentions du gouvernement français, le gouvernement belge aurait commis une grande imprudence en demandant à la Chambre 10 millions qui sont déjà dépensés en partie entre Liège et Namur. Messieurs, la Meuse sera canalisée sur le territoire français ; la lacune sera comblée et le gouvernement n'a pas commis la moindre imprudence. Je le vois déjà, aujourd'hui que l'honorable ministre des travaux publics, dégagé de ses préoccupations d'hier et au milieu desquelles j'avais eu la maladresse de venir le troubler, sera, j'en suis convaincu, beaucoup plus gracieux qu'il ne l'a été hier, car j'espère qu'il nous annoncera que les millions votés en 1865 seront appliqués le plus tôt possible et même en 1867.
MtpVSµ. - Messieurs, les observations qu'on vient de présenter me paraissent assez inutiles. Je me suis borné à dire que les travaux de la Meuse devaient subir le sort général, celui d'un certain ajournement. On prétend que j'aurais annoncé un ajournement indéfini. Il n'en est absolument rien.
J'ai dit que tous les travaux doivent être ajournés, en commençant par les moins urgents. Parmi les moins urgents, j'ai cité notamment les barrages de la Meuse. Je le maintiens. Mais il ne s'agit pas là d'un ajournement indéfini ; j'espère qu'il sera de courte durée pour les travaux votés en 1865 et antérieurement.
On me dit : « Vous devez exécuter la loi. » Oui, messieurs, mais la loi ne dispose pas que les travaux doivent être commencés dans un délai déterminé. La loi de 1865 a mis à la disposition du gouvernement 60 millions ; le gouvernement voudrait les dépenser en deux ou trois ans, qu'il ne le pourrait pas ; il doit faire d'abord les études préliminaires nécessaires. On a alloué des fonds au gouvernement pour qu'il les dépensât à mesure que les plans seraient dressés et que les études seraient achevées.
J'avais donné à l'affaire de la Meuse des soins particuliers ; et c'est ainsi que les plans sont faits parce que je me suis occupé de l'affaire antérieurement à l'époque où j'ai demandé des crédits à la Chambre.
Les plans sont donc faits ; eh bien, je demande en quoi le travail pourrait être compromis, s'il s'exécutait en 1868, au lieu de s'exécuter en 1867 ?
(page 499) En 1865, j'ai déclaré, dit-on, que chaque barrage produisait son utilité. Oui, chaque barrage produit une somme d'utilité relative. Maïs pour qu'il ait son utilité complète, non seulement il faudra que la Meuse soit entièrement canalisée, mais il faudra encore que la canalisation soit exécutée sur le même pied en France.
Mais, dit l'honorable M. Wasseige, la France fera exécuter ce travail. Je n'en sais rien. Si j'avais à formuler une prévision, ce serait plutôt une prévision contraire ; pourquoi ? Parce que la France a canalisé la Meuse sur son territoire, mais à un certain tirant d'eau, et que je ne crois pas qu'elle soit disposée à détruire immédiatement ce qu'elle a fait à grands frais et à travailler à nouveau.
M. Moncheurµ. - Les Français veulent relever le niveau de leurs barrages.
MtpVSµ. – J’ai recueilli, à cet égard, les informations nécessaires, et je prends l'engagement de terminer les travaux sur le territoire belge, avant qu'ils puissent être achevés sur le territoire français. Etes-vous satisfaits ?
M. Wasseige. - C'est déjà quelque chose.
MtpVSµ. - Si je suis appelé à présenter encore un budget des travaux publics, j'aurai l'honneur de renseigner la Chambre sur la réponse qui m'aura été donnée par le gouvernement français, et j'autorise l'honorable M. Thibaut, ainsi que l'honorable M. Wasseige, à prendre acte de la déclaration que je fais que les fonds seront demandés à la Chambre belge pour que le travail soit terminé en Belgique plus tôt qu'en France.
Mais, dit l'honorable M. Wasseige, la Meuse française a un tirant d'eau de 60 centimètres et le batelage belge voterait une médaille d'encouragement au ministre des travaux publics, s'il voulait faire en sorte que la Meuse belge ait le même mouillage.
Mais le mouillage est supérieur en Belgique sans aucune espèce de travaux. Nous avons un mouillage dépassant 60 centimètres avant d'avoir rien dépensé pour la Meuse.
M. Thibautµ. - Un mouillage de 45 centimètres.
MtpVSµ. - Pendant quinze jours de l'année.
M. Wasseige. - Pendant trois mois.
MtpVSµ. - Mais sur l'Escaut, au-dessus de Gand, on passe quelquefois à gué ; est-ce une raison pour consacrer immédiatement des millions à relever, en toute saison, le niveau des eaux de l'Escaut ? Cela ne serait pas raisonnable.
Vous parlez d'un niveau de 45 centimètres. Ce niveau, je le répète, ne descend à cette cote que pendant 15 jours à trois semaines dans les années de sécheresse. Actuellement il est en général de plus de 60 centimètres, et il s'agit de le relever jusqu'à 2 mètres 10. Voilà pourquoi nous dépensons une somme énorme.
Je déclare donc, une fois de plus, qu'il ne s'agit pas, dans ma pensée, d'un ajournement indéfini, ni même à long terme, comme le disait l'honorable M, Jacobs, encore moins de l'abandon du travail. Il s'agit de subordonner ce travail, comme les autres travaux décrétés, aux ressources du trésor.
Quant à cette observation qu'un emprunt de 00 millions a été fait avec affectation spéciale, j'y ai déjà répondu hier. Sans doute, un emprunt a été fait pour être consacré à des travaux déterminés. Mais en dehors des travaux votés en 1865, il y avait une foule d'engagements contractés antérieurement, auxquels nous devons satisfaire avec les ressources ordinaires. Ces ressources font défaut momentanément, attendez qu'elles reviennent. J'espère qu'elles reviendront, peut-être cette année, tout au moins l'année prochaine. Il ne s'agit donc pas d'un ajournement indéfini.
Je pense que ces renseignements contenteront les honorables membres, et qu'ils se déclareront satisfaits.
MpVµ. - Nous revenons à l'article 15.
« Art. 15. Ourthe ; charge extraordinaire : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Canal de Liège à Maestricht ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Canal de jonction de la Meuse à l'Escaut ; charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 19. Canal d'embranchement vers le camp de Beveroo ; charge extraordinaire : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 20. Canal d'embranchement vers Hasselt ; charge extraordinaire= fr. 57,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Canal d'embranchement vers Turnhout ; charge extraordinaire : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Art. 22. Sambre canalisée ; charge extraordinaire : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 25. Canal de Charleroi à Bruxelles ; charge extraordinaire : fr. 25,000. »
- Adopté.
M. de Maere. - Messieurs, personne de nous, dans cette enceinte, ne peut avoir perdu le souvenir de l'épidémie cholérique qui a affligé nos provinces l'été dernier. Je ne dois dès lors pas insister sur les terribles ravages que le fléau asiatique a causés de toutes parts, ni faire ressortir les dévouements de toute sorte qui, d'un bout à l'autre du pays, se sont manifestés.
Mais je crois de mon devoir de rappeler qu'ici même, dès l'ouverture, du parlement, une bouche auguste eut une parole de reconnaissance pour ceux qui s'étaient dévoués, et que la Chambre, s'associant à la pensée du souverain, répondit :
« Un fléau inexorable a frappé l'Europe sans épargner nos contrées. Grandes ont été les souffrances, mais grands aussi ont été les dévouements. La reconnaissance du pays et des pouvoirs publics ne faillira pas à ceux qui se sont dévoués. »
Eh bien, messieurs, c'est au sujet de cette solennelle promesse, faite il y a plus de trois mois à la face du pays, que je voudrais obtenir, de M. le ministre de l'intérieur, un seul renseignement.
Je désirerais savoir si tous les rapports des administrations locales, qui évidemment doivent servir de base à un travail d'ensemble, sont déjà, à cette heure, rentrés au département de l'intérieur, et si M. le ministre croit pouvoir, dans un avenir prochain, être en mesure de s'acquitter de la dette que le Sénat et la Chambre lui ont léguée.
Je crois qu'il y aurait quelque convenance à ne pas tarder davantage. Partout le sacrifice a été spontané, l'abnégation complète, le service rendu parfois si éclatant, que l'opinion publique n'a pas eu de peine à désigner le plus méritant.
Il ne faut pas que la récompense promise se fasse attendre outre mesure ; d'ailleurs, il est consolant pour notre époque, qu'on n'accuse que trop d'un grossier matérialisme, de pouvoir constater que les purs sentiments de. charité et de fraternité ne sont pas éteints dans le cœur de l'homme, à quelque catégorie sociale qu'il appartienne, et il doit être doux pour le gouvernement d'un peuple civilisé de pouvoir honorer le vainqueur d'un champ de bataille où l'on meurt pour avoir voulu sauver son semblable.
J'espère donc que M. le ministre de l'intérieur voudra bien me donner un mot de réponse qui soit de nature à calmer les légitimes impatiences qui se sont produites ; impatiences qui se sont manifestées, j'ai hâte de le dire, ailleurs que chez ceux que l'opinion juge dignes de la reconnaissance publique.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je crois, comme l'honorable M. de Maere, qu'une récompense donnée promptement a une valeur plus grande et par conséquent qu'il convient de décerner sans retard les récompenses à accorder pour actes de dévouement à l'époque où le choléra a sévi, mais je ne puis faire un travail d'ensemble qu'après avoir reçu tous les rapports.
Si j'ai bonne mémoire, deux ou trois administrations provinciales seulement m'ont jusqu'ici transmis des propositions ; mais j'ai donné, ce matin même, des instructions pour que l'on donnât suite aux propositions arrivées de ces provinces, si les autres administrations provinciales ne me transmettent pas leurs rapports dans un bref délai.
M. Coomans. – Il n'y aura pas de crédits supplémentaires ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je n'en sais rien.
(page 500) M. Coomans. - Alors je proteste.
M. Maghermanµ. - Messieurs, depuis nombre d'années déjà, il a été question, dans cette enceinte, de pisciculture et de repeuplement artificiel de nos canaux et rivières. Je ne voudrais pas engager le gouvernement dans cette voie, mais, d'un autre côté, puisque nos fleuves et rivières (erratum, page 500) navigables, de même que la plupart de nos canaux, sont la propriété de l'Etat et que d'ailleurs le gouvernement a la police et la surveillance de nos voies navigables, je demande qu'il empêche que l'invasion d'eaux infectes et corrompues ne soit un obstacle à la reproduction naturelle du poisson dans nos rivières et canaux. C'est à ce point de vue que j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce qui se passe dans l'Escaut supérieur, notamment entre Tournai et Audenarde.
Depuis un certain nombre d'années, au printemps et pendant l'été l'invasion d'eaux noirâtres et impures est une cause d'insalubrité pour les eaux de l'Escaut et y met obstacle à la reproduction du poisson. Lorsque ces eaux arrivent, le poisson devient malade et inerte, à tel point qu'il vient à la surface de l'eau se laisser prendre en masse au moyen de paniers, de cuvelles et même à la main. L'on sent que dans ces conditions le poisson devient absolument impropre à l'alimentation de l'homme. Si cette situation doit durer encore quelques années, l'Escaut, si abondant en poisson d'excellente qualité, sera absolument dépeuplé.
On assigne diverses causes à cet état de choses ; les uns l'attribuent aux eaux industrielles de la ville de Roubaix qui arrivent dans l'Escaut par le canal de l'Espierre. Je ne sais si cette cause est bien la seule, car la ville de Roubaix a pris un développement industriel considérable depuis nombre d'années et cependant ce n'est que depuis quelques années que l'altération des eaux de l'Escaut se fait remarquer. Il est possible cependant que l'industrie de Roubaix ait changé récemment ses procédés de fabrication, ou que ses eaux industrielles (erratum, page 500) prissent autrefois une autre direction. D'autres attribuent l'altération des eaux de notre fleuve au lavage des minerais qui s'y fait aux environs de Tournai. Peut-être chacune de ces causes contribue-t-elle pour une part à la corruption des eaux de l'Escaut. Quoi qu'il en soit, j'appelle l'attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics sur cet état de choses ; il a tous les moyens nécessaires pour en découvrir la véritable cause et y porter remède.
Puisque nous sommes à parler de l'Escaut, je demanderai à M. le ministre s'il n'y aurait pas moyen d'établir un deuxième pont carrossable sur ce fleuve, dans la ville d'Audenarde.
Il n'existe dans cette ville qu'un seul pont pour livrer passage aux voitures, et il n'en existe pas aux environs de cette ville, à moins de deux lieues en amont et en aval.
Quand le pont d'Audenarde exige des réparations, la circulation est forcément interrompue, et le roulage est astreint à un détour considérable.
La chose est arrivée tout récemment par le fait d'un bateau qui est allé se heurter contre ce pont ; la circulation a été interrompue alors pendant plusieurs jours.
On sent combien les inconvénients de cette situation peuvent être considérables.
Il est, selon moi, urgent d'établir un second pont sur l'Escaut dans la ville d'Audenarde et je crois que sa construction pourrait être comprise dans les travaux d'amélioration du régime de l'Escaut pour lesquels des fonds sont votés.
M. Dumortier. - Je ne puis laisser passer l'article en discussion relatif à l'Escaut sans entretenir la Chambre d'un objet très sérieux sur lequel j'appelle l'attention du gouvernement.
Depuis longtemps le défaut d'eau dans l'Escaut durant les chaleurs de l'été interrompant parfois la navigation et la rendant très inégale avait fait concevoir la pensée de créer dans les environs de Tournai un bassin qui servît à la fois à l'accumulation de la rame descendante et à une réserve pour avoir une écluse de chasse dans les chaleurs de l'été.
Plusieurs fois il a été question à la Chambre, et la ville de Tournai avait exprimé le désir, que le gouvernement employât à cet effet la petite rivière et que la canalisation de ce bras du fleuve vînt servir de bassin pour les nécessités de l'Escaut, comme cela s'est fait dans plusieurs villes.
Celte idée me paraissait rentrer complètement dans la pensée de M. le ministre des travaux publics et je me plais à lui rendre justice parce que c'est ma conviction, Cependant le corps des ponts et chaussées paraît ne pas en avoir jugé ainsi, et qu'a-t-on fait ? Au lieu de faire ce canal de ceinture, ce bassin contre la ville de Tournai, on a été transporter le bassin qu'on veut faire pour l'Escaut à trois quarts de lieue de Tournai dans la commune de Kain.
J'ai visité lundi dernier le terrain pour être sur de ne pas me tromper.
D'abord, je dois émettre le regret le plus profond de ce déplacement. Il est certain que là où l'on creuse un bassin on appelle l'industrie et le commerce, car c'est là que l'on trouve l'eau et le charbon.
N'est-ce pas à Tournai, la 5ème ville manufacturière de Belgique, que cela devait se faire ?
Ce que l'on fait est d'autant plus regrettable que c'est à la suite d'un oubli de la loi.
Je ne veux pas faire un reproche à l'honorable ministre des travaux publics de l'inexécution de la loi dont je viens de parler.
Comme il l'a dit hier avec justesse, le ministre ne peut avoir présentes à la mémoire toutes les lois qui ont été portées avant sa présence aux affaires ; mais il doit y avoir dans les bureaux des traditions qui reposent sur le respect et l'exécution des lois.
Eh bien, messieurs, l'article premier de la loi du 14 juin 1846 porte ceci :
« Le gouvernement ne pourra établir de nouvelles écluses sur l'Escaut qu'après avoir entendu les administrations communales de Tournai et d'Audenarde. »
Ne doutez pas un seul instant que si cet article avait été exécuté, si le gouvernement avait demandé l'avis de l'administration communale de Tournai, il n'y eût eu qu'une seule voix pour protester contre le déplacement du bassin qui jusqu'ici a toujours été dans la ville.
Ainsi c'est l'inexécution de la loi qui est cause du grief dont je me plains et qui aura plus tard de fâcheuses conséquences pour la ville de Tournai.
On a donc adjugé le bassin et deux écluses, dans la commune de Kain, mais quand on a commencé les travaux, qu'est-il arrivé ?
On a trouvé ce qu'on a soupçonné, une couche de tourbe de 8 m 50 d'épaisseur, c'est-à-dire 30 pieds, et il a été impossible d'y piloter.
Déjà, sur les bords de ce bassin, on a fait construire une baraque pour un pontonnier, une espèce de cabaret pour les ouvriers et une maison à l'usage du service.
Tout cela s'est écroulé immédiatement et il a fallu démolir jusqu'à fleur de terre, tant le terrain est mauvais.
J'avais entendu dire qu'à la suite de cette trouvaille d'une couche de tourbe si puissante on aurait renoncé à cette malheureuse idée des ingénieurs et qu'on serait revenu au projet primitif de la canalisation de la petite rivière.
Tout au moins si l'on ne veut pas canaliser la petite rivière, qu'on fasse le bassin contre la ville de Tournai, comme on l'a fait à Ath, à Mons, à Audenarde, à Ypres ; mais n'allez pas porter ce bassin à 3/4 de lieue de distance, alors qu'il est évident que c'est là l'élément le plus indispensable pour les fabriques et pour la prospérité industrielle d'une cité.
J'ai été très surpris, en allant lundi dernier visiter ces travaux, de voir qu'on y transportait encore des pierres et l'on m'a dit (il est vrai que c'étaient des ouvriers) qu'on allait déplacer le bassin de 20 ou 30 mètres espérant ainsi éviter la couche de tourbe dans laquelle il est impossible de faire le moindre travail.
Je désire, pour mon compte, puisque les choses sont en cet état, que le gouvernement veuille bien dire à ses ingénieurs de renoncer à cette impossibilité.
Puisque aucun travail n'est commencé, puisque aucun pilot n'est enfoncé, puisque aucune brique n'est placée, je demande pourquoi on enlèverait à Tournai le bénéfice de ce bassin pour le donner à une commune voisine ?
Je demande si c'est ainsi qu'on doit entendre le progrès des villes ? Voyez ce que vous avez fait à Liège. Vous avez créé des bassins et des canaux tout près de la ville. A Tournai, au contraire vous envoyez à l'extérieur tous les établissements qui doivent faire sa prospérité. Cela n'est pas raisonnable. Faites pour nous ce que vous avez fait pour les autres.
Encore une fois, si la loi de 1846 que je viens de citer avait été exécutée, il n'est pas douteux que le conseil communal tout entier n'eût demandé qu'on exécutât les bassins dans la ville de Tournai, qui les a toujours eus jusqu'ici.
J'adjure l'honorable ministre de prendre en grande considération ce que je viens de dire, car il n'est pas possible que la ville de Tournai, qui a le rare avantage d'avoir deux de ses représentants dans le cabinet, soit ainsi dépouillée de tout ce qui pourrait faire sa prospérité. (page 501) J'espère que M. Bara, qui a plusieurs fois réclamé avec moi la canalisation de la petite rivière, voudra bien se faire l'interprète de ce sentiment. Ce ne serait pas la peine, pour la ville de Tournai, d'avoir parmi ses représentants deux ministres, un vice-président et un questeur de la Chambre...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Et un secrétaire du Sénat.
M. Dumortier. - ... et un secrétaire du Sénat, pour se voir enlever tout ce qui fait sa prospérité.
Je le répète, j'engage M. le ministre des travaux publics, tandis qu'il en est temps encore, puisque le travail n'est pas commencé (il n'y a guère de fait jusqu'à présent que quelques travaux de terrassement), j'engage M. le ministre à bien vouloir demander l'avis de la ville de Tournai, afin que celle-ci soit mise à même de faire opposition au déplacement de son bassin, qui est, en définitive, sa principale source de richesse.
Voyez ce qui se passe ! D'un côté, on veut enlever à Tournai son bassin pour le transporter à 3/4 de lieue et on veut lui enlever sa station. Mais que lui restera-t-il donc ? On lui donnera de belles promenades mais les belles promenades ne suffisent pas à sa prospérité, c'est l'industrie qu'il faut protéger. Or, l'industrie ne peut se développer si vous lui enlevez tout ce qui peut favoriser son développement. J'ai connu dans ma jeunesse la ville de Roubaix n'ayant que 15,000 habitants, or, Roubaix a maintenant près de 100,000 âmes. Et pourquoi ? Parce que l'on a tout fait, non pour les promeneurs, mais pour l'industrie. Que se passe-t-il à Gand, à Liège ? On y travaille pour l'industrie ; eh bien, faites de même pour Tournai.
M. Van Overloopµ. - L'année dernière, j'ai appelé l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur la Durme qui fait partie du bassin de l'Escaut. Je crois avoir fait ressortir alors la nécessité de rectifier cette rivière au point de vue de l'intérêt de la navigation, du commerce, de l'industrie et surtout de l'agriculture.
L'honorable ministre a commencé par exprimer un doute sur le point de savoir si la Durme fait partie du domaine de l'Etat. Mais je crois lui avoir démontré que cela est incontestable. Du reste, le gouvernement a, depuis lors, posé des actes qui m'ont convaincu qu'il partage aujourd'hui complètement ma manière de voir à cet égard.
Ainsi il y a quelques jours, j'ai vu annoncer l'adjudication, par l'Etat, de la pêche dans la Durme. Si le gouvernement n'avait pas considéré ce cours d'eau comme étant la propriété de l'Etat, il n'eût pas mis en adjudication la pêche dans ce cours d'eau, qui est navigable et flottable et qui, à ce titre seul, fait partie du domaine de l'Etat.
Aujourd'hui, je pose simplement deux questions à M. le ministre des travaux publics : A-t-il ordonné des études sur la rectification de la Durme et, en cas d'affirmative, à quel point ces études sont-elles arrivées ? Ou bien l'honorable ministre n'a-t-il pas encore pu charger le corps des ponts et chaussées de faire ces études, et, dans ce cas, se propose-t-il d'ordonner ces études dans un bref délai ?
Je sais que notre excellent corps des ponts et chaussées est accablé de besogne, mais le département des travaux publics ne pourrait-il pas utiliser nos officiers de l'état-major et du génie ? On pourrait, en procédant de cette manière, donner une grande impulsion aux travaux publics. A coup sûr, on réaliserait une grande économie. Je ne vois pas pourquoi chacun de nos départements ministériels se considère toujours comme un Etat à part dans l'Etat. Le département des travaux publics ne pourrait-il, je le répète, utiliser les connaissances de nos officiers d'état-major et du génie pour exécuter certains travaux ?
Ainsi, pour citer un exemple, nos polders dans les environs d'Anvers sont parfaitement connus de nos officiers du génie et de l'état-major, surtout de nos officiers du génie qui ont été appelés à diriger l'exécution des travaux au fort Sainte-Marie.
Pourquoi n'utiliserait-on pas ces messieurs en les chargeant d'étudier quels seraient les travaux les plus utiles en vue d'arriver à l'assainissement des polders du pays de Waes ? Je présume que les travaux d'Anvers étant achevés, ils ont des loisirs qu'ils seraient heureux de faire cesser.
Puisque j'ai la parole, j'entretiendrai encore l'honorable ministre d'un autre point.
Je désirerais savoir si bientôt le chemin de fer de Lokeren à Zelzaete sera mis en exploitation. Ce chemin de fer est construit ; je sais qu'il existe une difficulté relativement à un pont à Zelzaete, mais ce n'est pas une raison, me semble-t-il, pour empêcher que les populations qui sont en deçà de ce pont, Exaerde, Moerbeke, Wachtebeke ne profitent pas dès à présent de l’établissement de ce chemin de fer dont, depuis plus d'un (page 501) mois, on a célébré l'ouverture à Wachtebeke, par suite d'une annonce mystificatoire qui avait paru dans les journaux.
Je pourrais encore, au sujet du bassin de l'Escaut, soulever quelques questions relatives aux droits de navigation dans le Moervaert, questions qui intéressent entre autres les communes de Sinay et de Stekene ; mais comme je sais que mon honorable collègue M. Lippens se propose d'examiner ces questions, je m'abstiendrai pour ne pas prolonger la discussion.
M. Jacquemynsµ. - L'année dernière, à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, j'ai entretenu la Chambre de l’état du halage sur la Lys et sur l'Escaut.
Déjà, la commission des péages avait émis le vœu que le halage pût se faire sur toutes nos rivières au moyen de chevaux.
Jusqu'à présent le halage se fait sur la Lys et sur l'Escaut à bras d'homme.
On est obligé d'employer jusqu'à dix et parfois même jusqu'à vingt hommes, tirant à une corde pour faire avancer les bateaux tant sur la Lys que sur l'Escaut. C'est là, il faut le reconnaître, un état sauvage, un état réellement barbare, résultant uniquement de ce que les bords de la Lys et de l'Escaut ne sont pas praticables pour les chevaux. L'honorable ministre des travaux publics m'a répondu qu'il avait chargé des ingénieurs de le renseigner sur la dépense qu'il faudrait pour que le halage pût se faire par des chevaux. Je viens donc demander à M. le ministre des travaux publics quels sont les renseignements qu'il a recueillis à cet égard et s'il est permis d'espérer que ces travaux seront bientôt entrepris.
L’état de choses que je signale n'est vraiment pas tolérable. Qu'on se figure des groupes de 10, 15, 20 hommes attelés à un bateau, et obligés souvent, pour accomplir leur pénible tâche, de faire des lieues de chemin dans l'eau jusqu'aux genoux, par 'moment même jusqu'à la taille ; car, c'est précisément quand les eaux ont le plus d'élévation, quand elles sortent de leur lit, que le courant est le plus fort, et qu'on est obligé d'employer le plus grand nombre d'hommes. Si le travail se faisait dans ces conditions au moyen de chevaux, je suis bien convaincu que la société protectrice de animaux aurait déjà protesté contre un pareil état de choses, et n'aurait pas manqué de prouver combien il est contraire à la dignité de l'homme de soumettre les chevaux à un régime aussi rigoureux. Mais, parce que, à cause de l'état des rives de la Lys et de l'Escaut, ce travail ne peut pas être effectué par des chevaux, on charge des hommes de le faire.
Et, messieurs, à part la question d’humanité, ce mode de travail offre une foule d'inconvénients. D'abord, il est évident que la moralité a beaucoup à en souffrir, car les hommes chargés de ce travail ne sont employés qu'à des intervalles plus ou moins longs. Or, comme je l'ai dit l'année dernière, ils sont condamnés pendant ces intervalles à une oisiveté complète, en attendant le passage d'un nouveau bateau ; et je n'ai pas besoin de dire que ces moments d'oisiveté sont passés dans un cabaret.
Ensuite, il est aisé de comprendre qu'un travail excessif entraîne nécessairement des excès de régime. Lorsqu'un homme a été obligé pendant deux à trois heures de haler un bateau, en marchant dans l'eau pendant la mauvaise saison, il faut nécessairement qu'il se livre à quelque excès de boissons ; ce n'est pas au moyen d'un verre d'eau froide qu'un homme peut relever ses forces épuisées par un travail aussi rigoureux ; c'est donc aux boissons spiritueuses qu'il recourt et l'usage de ces boissons, commandé d'abord par les plus pressantes nécessités, finit presque toujours par devenir habituel.
La navigation fluviale serait magnifique dans nos Flandres, si le mode actuel de halage pouvait être modifié ! Mais les frais qu'occasionne ce mode de halage dépassent, à eux seuls, les frais de transport par chemin de fer.
J'ai montré, l'année dernière, à la Chambre que pour haler un bateau de 200 tonneaux à une distance de 40 kilomètres à vol d'oiseau, il en coûte 190 à 200 francs ; de sorte que les seuls frais de halage s'élèvent à 2 1/2 centimes par tonne-kilomètre ; c'est plus que les frais de transport par chemin de fer dans un certain rayon, et pourtant ce chiffre ne comprend rien pour les dépenses d'entretien du bateau, l'intérêt du capital, le salaire du batelier, etc. Il faut évidemment réduire les frais de halage pour que la navigation fluviale lutte contre la concurrence du chemin de fer, et ces frais seraient réduits au quart, au sixième peut-être si les bords des rivières étaient modifiées de manière à permettre le halage au moyen de chevaux.
Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous faire connaître les renseignements qu'il aura pu recueillir (page 502) et de nous dire si nous pouvons espérer que la transformation du chemin de halage de la Lys et de l'Escaut aura lieu dans un avenir plus on moins prochain.
M. de Maere. - Je désire signaler à M. le ministre des travaux publics l'utilité qu'il y aurait de faire construire un mur de quai ou tout au moins un revêtement en bois le long de la rive droite de l'Escaut dans la traverse de Garni, depuis le pont Marcellis jusqu'à la ruelle dite Avenue de l'Escaut.
La rivière, à l'endroit dont je parle, tend à se déplacer au détriment du chemin de halage qui la longe. Le travail en question aurait évidemment pour premier résultat de maintenir les eaux dans leur lit naturel ; il aurait pour second effet de rendre plus facile le déchargement des bateaux, lequel déchargement se fait aujourd'hui sur une berge à peine accessible aux piétons.
Une autre conséquence du travail que je sollicite serait l'élargissement et l'exhaussement du chemin de halage de manière que ce chemin pourrait être rendu carrossable. Enfin, si l'administration communale voulait bien procéder à l'élargissement de la ruelle dont je parle, on aurait, par cela même, créé un nouvel accès vers la station du chemin de fer de l'Etat. Cette station, quelque importante qu'elle soit, ne communique avec la ville qu'au moyen de deux artères : la rue de la Station et la rue de l'Agneau. Or, la voie dont je parle est précisément située entre les deux rues que je viens de citer.
Par ces derniers motifs, j'espère que l'honorable ministre des travaux publics voudra bien tenir bonne note des observations que je viens de présenter.
MtpVSµ. - Messieurs, l'honorable M. Magherman a recommandé au gouvernement de rechercher la cause de la corruption des eaux de l'Escaut ; je répondrai à l'honorable membre que je me suis déjà préoccupé de cet objet, et qu'il a été constaté que la corruption provient de l'invasion des eaux salines de France. Il ne dépend pas du gouvernement belge d'apporter un remède complet au mal ; il devra entrer en négociation avec un gouvernement voisin.
En ce qui touche la construction d'un nouveau pont à Audenarde, je ferai observer que si la circulation est entravée par les travaux qui s'effectuent, il en est de même partout où il n'existe qu'un seul pont sur un fleuve ou sur une rivière.
Je ne conteste pas l'utilité de l'établissement d'un second pont à Audenarde ; mais c'est à la ville qu'il appartient de réaliser cette amélioration ; elle devrait au moins se charger de la plus forte partie de la dépense ; le gouvernement pourrait alors intervenir par l'allocation d'un subside.
En ce qui concerne la réclamation de l'honorable M. Dumortier contre l'établissement d'un barrage écluse à Kain, je pense que peu d'explications suffiront pour lui faire comprendre que l'établissement de ce barrage ne présente pas pour la ville de Tournai les inconvénients qu'il signale. L'honorable membre prétend qu'on prive la ville de Tournai du bassin qu'elle possède actuellement ; c'est une très grande erreur.
Voici de quoi il s'agit : il est question d'établir, au-dessous de la ville de Tournai, un barrage écluse, comme celui qui est établi à Antoing, au-dessus de la même ville ; entre le barrage existant et le barrage nouveau, il y aura ce qu'on appelle, en termes techniques, un bief ; ce travail doit avoir pour effet de maintenir un mouillage constant de 2 m 10 à 2 m 20 dans le bief.
Il est tout à fait indifférent pour la ville de Tournai que le nouveau barrage soit établi à quelque distance de cette localité, puisque pour elle le tirant d'eau doit, en toute hypothèse, être le même dans la traverse de la ville. Mais la chose n'est pas du tout indifférente au point de vue de la dépense à résulter de l'amélioration de l'Escaut. Plus cette distance sera grande, moins les frais seront considérables, parce que le nombre des barrages à établir diminuera.
Voilà pourquoi l'administration des ponts et chaussées a cherché, avec infiniment de raison, le point le plus éloigné pour l'établissement du barrage. Eh bien, le point le plus éloigné, c'est le village de Kain, à 5 ou 6 kilomètres au-dessous de la ville de Tournai.
En quoi cela peut-il nuire à la ville ? Elle aura un niveau constant d'eau dans sa traverse ; elle sera donc placée dans une position excellente,
Mais l'honorable M. Dumortier ne dit pas ce qui est au fond de sa pensée ; sa pensée est celle-ci : les bateliers, lorsque le nouveau barrage sera établi à une certaine distance de Tournai, iront stationner devant ce barrage ; par conséquent, ils quitteront la ville de Tournai pour aller faire des dépenses dans le village voisin.
C'est là, messieurs, une idée erronée. Comme les bateliers auront à Tournai un mouillage suffisant pour y séjourner, et comme ils trouveront, dans cette ville, beaucoup mieux que dans le village de Kain, toutes les facilités et les ressources nécessaires pour satisfaire à tous les besoins de la vie, c'est évidemment à Tournai qu'ils s'arrêteront de préférence. Celle ville ne sera donc pas privée du lucre que lui procure le batelage.
L'honorable M. Van Overloop m'a demandé où en étaient les études des améliorations à apporter au régime de la Deurme.
Messieurs, ces études n'ont pas été faites, par la raison que la Deurme est un cours d'eau provincial ; par conséquent, les travaux à y faire doivent être exécutés aux frais de la province. (Interruption.)
C'est à l'honorable M. Van Overloop à prouver en vertu de quelle loi la reprise de la Deurme aurait été effectuée par l'Etat.
L'honorable membre s'appuie sur cette circonstance, que le domaine a mis en adjudication le droit de pêche sur la Deurme. Cet objet n'est pas dans les attributions du département des travaux publics ; à mon avis, si le domaine a mis en adjudication le droit de pêche sur la Deurme, c'est à tort qu'il l'a fait.
Messieurs, je n'entrerai pas plus avant dans la discussion du point de savoir si la Deurme est un cours d'eau provincial.
La Chambre sait qu'un arrêté royal du 17 décembre 1819 a mis certains cours d'eau à charge des provinces ; donc, pour que l'administration de ces cours d'eau rentre dans les attributions de l'Etat, il faut une disposition législative formelle ; il n'y en a aucune ; s'il y en a une, je convie l'honorable membre à vouloir bien nous la faire connaître.
L'honorable membre m'a demandé incidemment pourquoi la mise en exploitation du chemin de fer de Lokeren à Zelzaele n'avait pas encore eu lieu. Si l'exploitation de cette ligne n'a pas encore été autorisée, c'est qu'il existe sur la ligne un pont qui a été reconnu ne pas offrir les garanties voulues de solidité. Du reste, je pense que l'ouverture du chemin de fer dont il s'agit aura lieu prochainement.
L'honorable M. Jacquemyns a parlé de l’état des chemins de halage le long de l'Escaut et de la Lys. Ainsi que l'a rappelé l'honorable membre, je m'étais chargé de faire procéder à des études ; ces études sont assez longues ; aussi, bien que je les aie ordonnées en temps opportun, elles ne sont pas encore terminées. Je ne pourrais donc fournir, quant à présent, des indications précises sur la dépense qu'occasionnerait l'établissement de ces chemins de halage.
Je reconnais que l'intérêt défendu par l'honorable membre est très sérieux et très considérable. La question est de savoir si le chiffre de la dépense n'est pas trop élevé pour que le gouvernement fasse une proposition. J'achèverai de rechercher les éléments nécessaires pour arriver à une évaluation du coût des travaux qu'il y aurait lieu d'exécuter.
Je me réserve d'examiner la question soulevée par l'honorable M. de Maere.
M. Dumortier. - M. le ministre des travaux publics, dans la réponse qu'il vient de me faire, s'est mis à côté de la question que j'ai traitée. Il me dit qu'il faut retenir les eaux à un certain niveau à Tournai, que par conséquent il faut placer une écluse en aval de Tournay, que plus loin on placera cette écluse, plus cela est avantageux pour le gouvernement. Je n'ai pas dit un mot de cette écluse ni des travaux qu'on fait à l'Escaut. Mais ce dont j'ai parlé, c'est du bassin de navigation qu'on veut faire sur le territoire de Kain. C'est la création de cet immense bassin de navigation que j'ai vu de mes yeux dimanche dernier, que je désapprouve, parce que si vous déplacez le bassin de navigation, vous déplacez en même temps l'industrie.
Que diraient les honorables députés de Liège, que diraient les honorables députés des autres villes qui oui un bassin, si l'on transportait ce bassin à une lieue de là ? Il n'y aurait qu'une seule réclamation dans cette Chambre.
La question est donc toute différente et, encore une fois, M. le ministre s'est mis à côté de la question. Il ne s'agit pas de savoir si les bateliers s'arrêteront dans la ville de Tournai ou hors de la ville de Tournai. J'aurais beaucoup de choses à dire sur ce point, mais ce n'est pas là (page 503) la question que j'ai traitée ; et puisque M. le ministre a dit : Il faut jouer cartes sur table et je vais dire toute la pensée de l'honorable M. Dumortier, je regrette qu'il se soit mis à côté des paroles que j'ai prononcées et qui exprimaient toute ma pensée.
Je crois que M. le ministre, accablé de travaux comme il l'est, ne sait même pas qu'on veut déplacer le bassin de navigation de Tournai. Car s'il le savait, il m'aurait répondu sur ce point. Eh bien, je demande une chose. Puisqu'il a été démontré qu'il n'est possible de faire aucun travail sur le point indiqué à cause de cette couche de tourbe dont j'ai parlé, qui a 8 m 50, c'est à dire 30 pieds d'épaisseur, et qui a fait crouler immédiatement toutes les petites constructions qu'on avait établies, je demande qu'on gratifie nos industriels du bassin que l'on veut faire à Kain. Si vous voulez le développement d'une ville industrielle comme Tournai, il faut lui donner de quoi établir des manufactures.
Pour établir des manufactures, il faut deux choses : de l'eau et du feu. Là où vous avez le charbon à bon marché, il s'élève des manufactures. Mais si vous transportez ce moyen d'action dans une ville voisine, vous portez préjudice à la ville manufacturière au profit d'une localité qui ne l'est pas, mais qui le deviendra aux dépens de l'autre. Que s'est-il passé entre Lille et Roubaix ? Pourquoi la ville de Roubaix a-t-elle aujourd'hui 100,000 habitants ? C'est parce que Lille était enfermée dans ses fortifications, et que l'on ne pouvait plus y établir des manufactures ; dès lors on a construit ces manufactures ailleurs. Eh bien, il ne faut pas chercher à déplacer des centres industriels qui ont pour eux l'antériorité et l'âge.
Je supplie donc M. le ministre des travaux publics d'en revenir à l'idée qu'il paraissait d'abord avoir acceptée. La seule chose utile, réellement utile, c'est la construction de l'écluse. Etablissez-la où vous voulez, cela m'est indifférent. Mais ne faites pas de bassin de navigation ailleurs que dans la ville de Tournai ou à côté de la ville de Tournai ; et puisque la petite rivière est la propriété de l'Etat et qu'il est facile de la canaliser avec une somme qui n'excédera probablement pas celle que vous allez dépenser, je crois qu'il vaudrait mieux donner à Tournai ce moyen d'action comme on l'a donné à Ath, comme on l'a donné à Mons.
Pour mon compte, je vois avec infiniment de regret que l'on agit de manière à empêcher la ville de Tournai de se développer en manufactures.
Si je sors de chez moi, si je vais à Courtrai, je vois que des manufactures s'y élèvent tous les jours ; l'industrie y est en progrès. Je vois cela aussi dans d'autres villes. Dans ma ville, je ne vois pas ce progrès, non pas que ses habitants manquent du génie, de l'aptitude, de l'activité nécessaire, et les députés que Tournai compte au banc ministériel vous disent assez que ce n'est pas le génie qui y fait défaut, mais c'est que le gouvernement, au lieu de combiner les intérêts de l'Etat de manière à servir en même temps ceux de la ville, dessert au contraire ceux-ci par des choses malheureuses. Je ne désire qu'une chose, c'est que le développement industriel de Tournai ne soit pas compromis et je crois qu'il le sera fortement par les travaux qu'on exécute.
MtpVSµ. - L'honorable M. Dumortier veut bien supposer que je me suis placé à côté de la question, parce que, comme il le dit, il soupçonne que je ne sais pas quels travaux l'on exécute à Kain, et il veut bien excuser cette ignorance par la multiplicité des travaux dont a à s'occuper mon département. Eh bien, si je me suis placé à côté de la question, c'est par un tout autre motif :' 'est qu'il m'est absolument impossible de comprendre ce que veut dire l'honorable membre. Vous établissez, dit-il, un bassin de navigation à Kain, et vous allez supprimer celui qui existe à Tournai.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dis que vous alliez supprimer celui qui existe à Tournai.
MtpVSµ. - Alors expliquez plus clairement ce que vous avez voulu dire, je vous répondrai. Mais j'ai l'honneur de vous répéter que je ne comprends pas le premier mot de ce que vous réclamez.
On établit un barrage écluse à Kain, c'est-à-dire qu'on établit à Kain, à trois kilomètres au-dessous de Tournai, un certain ouvrage hydraulique dont l'effet sera de maintenir d'une manière constante, entre ce même ouvrage et l'ouvrage de même nature établi à Antoing, c'est-à-dire dans la partie comprenant la traverse de Tournai, un mouillage constant de 2 m. 10 à 2 m. 20. Voilà tout ce qu'on fait.
M. Dumortier. - Non, on fait autre chose.
MtpVSµ. - Qu'est-ce qu'on fait ?
M. Dumortier. - On fait un bassin de navigation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais non.
MtpVSµ. - Vous êtes dans l'erreur.
Voici de quoi se compose, pour ceux qui ne le sauraient pas, un barrage écluse : c'est un barrage destiné à retenir les eaux, à côté duquel on établit une écluse destinée à livrer passage aux bateaux sans que le niveau en amont vienne à descendre.
M. Dumortier. - Nous savons cela.
MtpVSµ. - Vous savez cela ? Eh bien, je ne fais absolument pas autre chose.
Je viens d'expliquer ce que c'est qu'un barrage écluse. Ayez la bonté de m'expliquer ce que c'est qu'un bassin de navigation, et nous verrons si nous sommes d'accord, si ce que vous appelez bassin de navigation se fait à Kain ou ne s'y fait pas. Mais comme je ne fais que l'ouvrage que je viens d'indiquer, je vous prie de nouveau de me dire ce que vous entendez par un bassin de navigation.
M. Dumortier. - C'est bien simple.
Il y a, de la part de M. le ministre, confusion complète d'idées. Evidemment, je n'ai pas parlé du barrage écluse. Je regrette qu'on le fasse aussi loin de Tournai ; j'aurais préféré qu'on le fît plus près de la ville et je crois que c'est là qu'il fallait le faire ; je crois qu'il eût été plus sage de l'établir à l'écluse de mer, où l'on avait un terrain solide et toutes les conditions désirables pour faire un pareil travail. Mais ce n'est pas de cela que j'ai parlé. A côté du barrage écluse entre l'Escaut et l'ancienne route d'Audenarde, on a fait un immense bassin de navigation. J'avais entendu dire depuis longtemps qu'il s'agissait de ce travail ; j'ai été lundi dernier sur les lieux et j'ai constaté qu'on m'avait dit la vérité.
Je comprends un bassin pour avoir une réserve d'eau, pendant l'été lorsque le fleuve ne fournit plus assez d'eau pour chasser la rame. Mais, je ne crois pas que ce soit là la seule destination du travail qui se fait entre l'Escaut et la route d'Audenarde. Il y a là un immense bassin et ce bassin est construit sur 7 mètres de tourbe ; on a voulu piloter, on n’a pas réussi.
Je dis que si le gouvernement a l'intention d'établir un bassin, il ne doit pas l'envoyer en dehors de la ville. Pourquoi ? Parce que là où vous ferez le bassin, là s'établiront les fabriques, et au lieu d'avoir une ville de Tournai industrielle, vous aurez un village industriel.
MtpVSµ. - Je regrette de ne pas plus comprendre ce que l'honorable membre veut dire, après ses explications qu'avant. Je soupçonne que ce qu'il prend pour un bassin de navigation, ce sont des ouvrages qui, d'après l'expression admise, sont des ouvrages établis en dérivation.
Pour certains travaux hydrauliques, comme il serait trop difficile de les établir dans le fleuve, on les établit à côté du fleuve ; lorsque l'ouvrage est fait, on le relie au fleuve par deux tranchées et l'ancien bras est abandonné. Je soupçonne que c'est là ce que l'honorable membre prend pour un bassin de navigation.
M. Van Overloopµ. - L'année dernière, l'honorable ministre doutait si la Durme fait partie du domaine public ; celle année-ci, il déclare qu'il n'a pas ordonné d'études relativement à ce cours d'eau, par le motif qu'il est provincial. C'est une réponse nette. Elle me plaît, j'aime la franchise avant tout. L'honorable ministre me convie ensuite à justifier que la Durme appartient au domaine public. Mais l'honorable ministre est docteur en droit, qu'il prenne l'article 358 du Code civil qui porte in terminis expressis :
« Les fleuves et rivières navigables ou flottables..... sont considérés comme des dépendances du domaine public » ; et il sera convaincu que la justification qu'il demande est toute faite par la loi.
L'honorable ministre me dira peut-être que les mots : « domaine public » sont applicables aux propriétés provinciales et communales comme aux propriétés de l'Etat proprement dit ; mais l'article 539 porte : « Tous les biens vacants et sans maître, et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, appartiennent au domaine public. »
Par domaine public, l'article 538 entend donc exclusivement les propriétés de l'Etat, car je ne sache pas que l'honorable ministre des finances ait jamais consenti à ce qu'une province ou une commune s'emparât, en vertu de l'article 359 du Code civil, des biens vacants et sans maîtres, ni de succession en déshérence ? Que fait l'honorable ministre des travaux publics ? Nous lui disons :
« La Durme vous appartient, vous devez la faire rectifier, s'il y a utilité bien entendue à la faire ; nous vous demandons en conséquence de faire (page 504) faire les études nécessaires. » - « Non, dit M. le ministre,lîa Durme ne m'appartient pas ; elle appartient à la province. » Je réplique : « C'est une erreur, vous avez reconnu que la Durme appartient à l'Etat, puisque vous avez mis la pêche en adjudication. »-— « Cela ne me regarde pas, dit l'honorable ministre, cela regarde le ministre des finances. » On dirait vraiment que chaque ministère forme un Etat à part ! Je ne connais, moi, qu'un seul Etat belge, dont les intérêts sont confiés à divers ministères et je suis persuadé que telle est l'opinion de tous les membres de la Chambre, y compris messieurs les ministres.
Je passe, messieurs, à l'arrêté de 1819 que M. le ministre a invoqué.
D'abord, je conteste que le roi Guillaume ait eu le droit d'aliéner une dépendance du domaine public ; mais qu'a fait l'arrêté de 1819 ? A-t-il aliéné les cours d'eau navigables et flottables ? Je ne le pense pas. Il a tout bonnement chargé les provinces de l'administration et de l'entretien des cours d'eau, mais il n'en a nullement aliéné la propriété.
Depuis quelques années le gouvernement a repris successivement l'administration et s'est chargé, par suite, de l'entretien de la plupart des cours d'eau, et je doute qu'il y en ait encore beaucoup, deux peut-être dont l'administration appartient encore aux provinces. Dans cette situation, je crois pouvoir dire à l'honorable ministre : « Comme cours d'eau navigable et flottable, la Durme appartient à l'Etat et, par conséquent, il vous incombe plutôt à vous de prouver qu'elle n'appartient pas à l'Etat qu'à moi de prouver qu'elle n'appartient pas à la province. »
Mais en supposant même que l'arrêté de 1819 eût la portée que lui attribue l'honorable ministre des travaux publics, quelle en serait la conséquence ? C'est tout simplement que j'invoquerais toutes les lois de budgets d'après lesquelles l'Etat a successivement repris tous les cours d'eau, même des eaux dont la navigabilité et la flottabilité est contestable, pour exiger l'égalité devant le budget en faveur de la pauvre Durme.
Voici la situation perplexe dans laquelle la Durme se trouve : en amont vous avez le canal le Moorvaert qui appartient incontestablement à l'Etat ; en aval, la Durme se jette dans l'Escaut qui appartient encore une fois à l'Etat ; de manière que la Durme se trouverait, si l'honorable ministre avait raison, comme propriété de la province, entre deux propriétés de l'Etat, dont l'une lui donnerait la vie et l'autre la mort.
Remarquez bien, messieurs, que si M. le ministre des travaux publics avait raison, M. le ministre des finances aurait commis un grand abus en mettant en adjudication la pêche dans la Durme. Lui qui, il n'y a qu'un instant, prêtait une si grande attention lorsque je disais qu'il mettait la main sur les biens vacants et sans maîtres, il se serait emparé, non pas de tels biens, mais du bien d'autrui !
Je pense, messieurs, qu'après avoir mûrement examiné la situation véritable dc la Durme et surtout après avoir mis en balance tout ce que l'Etat a fait pour les autres cours d'eau navigables et flottables, M. le ministre des travaux publics changera de manière de voir, traitera la Durme comme une dépendance du domaine public et la fera jouir des avantages attachés à cette qualité.
J'appellerai, en finissant, l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur la nécessité d'activer les études relatives à l'assainissement des polders. Les polders sont actuellement inondés sur une étendue considérable dans le pays de Waes, ce qui constitue une grave atteinte à la salubrité publique. Je recommande donc cet objet à la vive sollicitude de M. le ministre des travaux publics.
M. Allard. - Messieurs, je prends la parole pour expliquer à la Chambre que si j'ai gardé lé silence jusqu'à présent sur la question du barrage et de l'écluse, ce n'est pas par indifférence pour les intérêts de Tournai.
Il y a plusieurs années, M. le ministre des travaux publics nous avait annoncé qu'un grand travail se ferait en aval de Tournai.
Il était alors question d'accoler une écluse à sas à l'écluse de mer actuelle, qui est réellement un barrage.
Lorsqu'il s'est agi des travaux qui sont actuellement en voie d'exécution, je me suis enquis pourquoi on avait changé l'emplacement de l'écluse et du barrage. Il m'a été répondu qu'il fallait, pour avoir un volume d'eau assez considérable et une navigation régulière pendant les mois de sécheresse, porter le barrage au delà de la petite rivière, et l'on m'a fait observer en même temps que si l'on faisait l'écluse et le barrage à l'écluse de mer, le pont du chemin de fer sur l'Escaut étant à quelques centaines de mètres de là, il y aurait danger pour les digues de cette rivière, contre lesquelles l'eau irait se précipiter.
Messieurs, on fait à Kain un travail très considérable. C'est un accouplement d'une écluse à sas et d'un barrage, Le barrage servira l'hiver pendant les grandes eaux et l'écluse servira pendant les mois de sécheresse.
L'honorable M. Dumortier disait tout à l'heure que l'on a fait un bassin.
On ne peut, messieurs, exécuter une écluse et un barrage dans le lit de l'Escaut actuel. On fait donc à côté de l'Escaut l'écluse d'abord ; quand elle sera terminée, les bateaux y passeront pendant la construction du barrage.
Lorsque ces travaux ont été décidés, les députés de l'arrondissement de Tournai n'ont reçu de protestation contre ces travaux ni du conseil communal de Tournai ni d'aucun particulier. Il n'y a cependant dans le conseil communal que des hommes qui ont toujours porté le plus vif intérêt à cette ville. Que pouvions-nous faire, nous représentants ? Il me semble que ce sont les administrations communales et les citoyens qui, lorsqu'ils prévoient que certains travaux peuvent nuire à leurs intérêts, doivent s'adresser à leurs députés pour les éclairer afin qu'ils puissent agir pour qu'ils ne s'exécutent pas.
Voilà, messieurs, pourquoi je me suis occupé ainsi que mes honorables 'collègues du barrage que l'on construit actuellement à Kain.
- La discussion est close.
L'article est adopté.
« Art. 24. Escaut ; charge extraordinaire : fr. 7,700. »
- Adopté.
« Art. 25. Canal de Mons à Condé ; charge extraordinaire : fr. 78,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Canal de Pommerœul à Antoing ; charge extraordinaire : fr. 38,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Lys ; charge extraordinaire : fr. 700. »
M. de Maere. - Messieurs, la Lys en amont de la ville de Gand, dans les prairies de Tronchiennes, se divise en deux branches principales. L'une se dirige vers le nord ; elle passe entre deux établissements industriels fort importants : la Linière et le Phénix, et se jette enfin dans le canal de la Coupure. A la jonction de ces deux cours d'eau, se trouve établi un pont qui, comme tous les anciens ponts de Gand, est en même temps une écluse. Il en résulte que la communication entre les deux voies navigables est interrompue.
Tant que le quartier que le bras de rivière traverse était peu populeux, cette absence de communication importait peu.
Mais aujourd'hui, que depuis l'abolition des octrois il s'est établi dans cet endroit comme une ville nouvelle et que de nombreux établissements industriels se sont élevés le long de la rive gauche de la Lys, il n'en est plus ainsi et il serait vivement désirable de voir établir une communication directe et facile par eau entre le quartier dont je parle, le canal de la Coupure d'un côté et le canal de Bruges d'autre part.
A cette fin il suffirait de faire quelques menus travaux de restauration au pont dont il s'agit.
Si à ces menus travaux l'honorable ministre voulait en joindre un autre qui consisterait dans la construction d'un revêtement en bois le long de la rive gauche de la Lys sur une longueur de 200 mètres, il aurait rendu un nouveau service aux usines riveraines, car ce revêtement permettrait l'élargissement du chemin de halage, lequel serait facilement transformé en chemin carrossable.
Moyennant donc une dépense qui à coup sûr ne grèverait pas son budget d'une charge bien considérable, M. le ministre aurait donné satisfaction à des besoins sérieux qui se sont manifestés depuis quatre à cinq années.
- L'article 27 est adopté.
« Art. 28.. Canal de dérivation de la Lys, de Deynze vers la mer du Nord ; charge extraordinaire : fr. 15,100. »
- Adopté.
« Art. 29. Canal de Gand à Ostende ; charge extraordinaire : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 30. Canal d'écoulement des eaux du Sud de Bruges ; charge extraordinaire : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 31. Canal de Plasschendaele, par Nieuport et Furnes, vers la frontière de France ; charge extraordinaire : fr. 14,050. »
- Adopté.
(page 505) « Art. 32. Canal de Gand à Terneuzen ; charge extraordinaire : fr. 5,500. »
- Adopte.
« Art. 33. Canal de Zelzaete à la mer du Nord ; charge extraordinaire : fr. 500. »
- Adopté
« Art. 34. Moervaert ; charge extraordinaire : fr. 400. »
M. Lippensµ. - Lorsque j'ai signalé, l'année dernière, que les droits prélevés à l'écluse de Roodenhuize, entre le canal de Terneuzen et le Moervaert, étaient exorbitants, comparés à ceux que l'Etat prélève aux autres écluses en Belgique, M. le ministre des travaux publics a bien voulu faire examiner la question. Ma réclamation en a été trouvée fondée et les tarifs ont été abaissés.
Mais en dégrevant la navigation d'une partie des droits à cette écluse, l'administration des finances a soumis le canal entier à un péage et y a établi une taxe par tonne kilométrique. Il a créé un bureau de perception, en aval du canal, au pont de Dacknam, en fixant arbitrairement ce point comme terme du Moervaert et commencement de la rivière la Durme.
Cette taxe qu'on peut tout au plus justifier comme droit de passage lorsqu'on la prélève à l'écluse de Roodenhuize, sur les bateaux qui se rendent en aval, ne peut être admise, sous aucun rapport, pour la navigation qui se dirige par la Durme, vers l'amont.
En effet, toute taxe représente la rémunération d'un service, et qu'a fait l'Etat pour le Moervaert ? Il ne l'a pas créé, il n'est intervenu pour rien dans le redressement de son cours, je le prouve par pièces officielles déposées aux archives.
Des lettres patentes, accordées à la commune de Moerbeke le 11 août 1733, portent :
« Que la commune de Moerbeke se serait encore vue, en cette nécessité, l'an 1731, de lever, en vertu de nos lettres d'octroi, un nouveau capital pour la construction et la réparation de la digue qu'ils avaient dû faire faire... et, qu'en outre, ils se trouveraient encore en nécessité de faire, au premier temps favorable de la saison, approfondir, nettoyer et rendre navigables deux de leurs canaux, savoir celui venant de la paroisse de Wachtebeke, appelé le Moervaert... »
Un décret du 11 avril 1773, adressé au chef collège du pays de Waes et au métier d'Assenode, porte :
« Etant informé du mauvais état où se trouve le canal nommé le Moervaert depuis Roodenhuise jusqu'à Splettersput, ainsi que des inconvénients qui résultent de la manière dont sont construits les ponts établis sur ledit canal... C'est notre intention et nous entendons absolument que, sans perte de temps, vous fassiez établir audit canal du Moervaert les ouvrages suivants :
« 1° Nous déterminons la profondeur générale du canal le Moervaert depuis Roodenhuize jusqu'à l'endroit nommé Splettersput à ...
« 5° L'on démolira les cinq ponts construits en maçonnerie qui se trouvent actuellement sur le canal le Moervaert, et l'on y substituera cinq ponts à construire en charpente de la manière que le directeur des ouvrages le trouvera le plus convenable... Au surplus, nous vous prévenons que... nous vous autoriserons... à percevoir trois sous sur chaque bateau passant à chacun des mêmes ponts sur le même pied que cela se perçoit au passage du pont de Roodenhuize.
« 7° Nous vous autorisons à vous servir de tels fonds et terrains que le susdit directeur trouvera nécessaire d'incorporer et d'employer dans les ouvrages dont il s'agit, soit pour couper de petites sinuosités, ou à raison de l'élargissement dudit canal, le tout moyennant d'indemniser au dire d'experts les propriétaires desdits fonds et terrains....
« 8° L'administration générale du métier d'Assenede (les communes de Wynckel, Wachtebeke, sur le cours du Moervaert, faisaient partie de ce métier, tandis que Moerbeke, Sinay, ressortaient du pays de Waes) avancera pour l'ensemble de ces ouvrages une somme de 25,000 florins que ceux du chef collège pourront lever... Le reste des deniers nécessaires pour l'exécution entière de l'ensemble de ces mêmes ouvrages sera avancé par l'administration générale du pays de Waes, et ceux du chef collège dudit pays de Waes pourront lever à cet effet, et au besoin, jusqu'à concurrence de la somme de 75,000 florins. »
Puis une ordonnance du 26 août 1779 porte :
« Ceux du magistrat et de la Keure dc notre ville de Gand, et plusieurs bateliers s'étant plaints de ce que la navigation du canal du Sas devient pour ainsi dire impraticable parce que les eaux audit canal se perdent rapidement par le canal le Moervaert, de sorte qu'il n'en reste pas assez dans le canal du Sas pour le passage des bateaux qui est d'ailleurs retardé par le courant violent des eaux vers le susdit canal, le Moervaert, nous vous faisons le présent pour vous dire que c'est notre intention que sous peu de temps vous chargiez le directeur de ne rien négliger pour obvier à ces inconvénient, au moyen d'une manœuvre combinée de poutrelles et vannes aux ponts... »
Il résulte de ces pièces, que le gouvernement n'est pas intervenu dans l'établissement du Moervaert ; que ce canal a été creusé par et aux frais des communes riveraines, puis redressé aux frais des parties de la Flandre orientale qui y avaient un intérêt direct.
Ce canal est donc revenu à l'Etat sans charge aucune, le commerce n'a pas de capital à rembourser ni d'intérêts à servir.
Il en résulte encore que l'écluse de Roodenhuize, reconstruite en 1827 lors du creusement du canal de Terneuzen, n'a pas été établie en vue et dans le but d'améliorer la navigation du Moervaert, mais bien contre elle, puisque en certaines circonstances elle prive ce canal de ses eaux d'alimentation.
Cet état de choses ressort plus clairement encore des termes de la convention intervenue pour le règlement des eaux dans les deux Flandres ; le déversement des eaux dans le Moervaert y est formellement défendu en été.
Quoi qu'il en soit, et quoique ce travail n'ait pas été fait pour la navigation du Moervaert, les bateliers ne se plaignent plus du péage exigé à l'écluse de Roodenhuize, parce qu'il est justifié par une manœuvre, et réduit au taux qu'on prélève ailleurs.
Mais il n'en est pas de même pour le droit perçu en aval.
Le Moervaert communique directement et sans entrave aucune avec l'Escaut : lorsqu'il n'est pas alimenté par l'amont, la navigation ne peut y avoir lieu qu'au moyen des eaux fournies par les marées, or, c'est la situation qui lui est créée pendant quatre mois de l'année, et comme à défaut d'écluse en aval, l'étiage ne peut être maintenu à un niveau déterminé, la navigation y est capricieuse, toujours incertaine, et les industriels par prudence ne peuvent charger les bateaux qu'à soixante centimètres d'enfoncement ce qui augmente considérablement les frais. Ce canal ne se trouve donc pas dans les conditions des autres canaux du pays, il ne peut pas leur être assimilé et le tarif de navigation par tonne kilométrique lui est faussement appliqué.
Le Moervaert doit être comparé àl a partie de l'Escaut en aval de Gand, ou du moins à tout autre canal alimenté par les marées seules : le tarif par tonne kilométrique n'est appliqué à aucun d'eux, le Moervaert doit donc être affranchi de ce péage.
Je m'explique cependant l'erreur commise. Le gouvernement a établi à Dacknam des portes de flot qu'on emploie lorsque des crues d'eau nous viennent de la France, ou lorsqu'il y a danger d'inondation. Cet ouvrage a été improprement désigné sous le nom d'écluse. Lors de l'examen de ma réclamation, le mot aura induit l'administration en erreur, et le fisc, y ayant découvert une nouvelle recette, se sera empressé de classer le Moervaert dans la catégorie des canaux auxquels le tarif par tonne kilométrique pouvait être appliqué.
Sous le rapport fiscal, ses vues étaient justes, puisque en ce moment les produits de ce canal sont considérablement augmentés ; ils doivent être doublés.
Il est évident que la question n'a pas été sérieusement étudiée.
En effet, une seconde erreur a encore été commise. Les documents cités établissent que le Moervaert se termine à l'endroit nommé Splettersput, à trois kilomètres environ en amont des portes de flot, dans la commune de Dacknam, qui se trouve sur la Durme et non sur le Moervaert ; or, le calcul de la navigation, tonne kilométrique, est fait jusqu'à cet endroit ; l'Etat exige donc des droits trop élevés et qui ne lui reviennent pas, de quelque manière qu'il envisage la question.
Le batelage allègue encore d'autres griefs :
S'il doit payer par tonne kilométrique, il est équitable qu'il soit affranchi des droits de pont. Le gouvernement ne peut exiger deux fois le prix pour un et même service, ceci n'existe nulle part, l'un péage exemple toujours de l'autre.
Cinq ponts ont été établis sur le Moervaert, conformément au décret de 1778, qui ordonnait le recreusement de ce canal, et cependant un particulier perçoit actuellement de son autorité privée et à son profit à l'un de ces ponts le même droit de passage que demande l'Etat. Cette rétribution est illégalement exigée, elle ne résulte d'aucune loi ni d'aucun acte du gouvernement.
Plusieurs nouveaux ponts ont été établis depuis peu de temps sur le Moervaert et sur la Durme ; parmi ces derniers, quatre entre autres pour le service de divers chemins de fer. Plusieurs de ces ponts restent fermés la nuit ; or, comme la Durme et une grande partie du Moervaert (page 506) ne sont navigables qu'aux marées, cet état de choses porte un grand préjudice aux bateliers, il prolonge la durée des voyages de dix à douze heures et rend la navigation plus coûteuse, puisqu'il oblige souvent cette industrie à supporter des frais de halage dont elle était toujours affranchie. Y aurait-il inconvénient à tenir ces ponts ouverts la nuit ? Je ne le pense pas, car il n'existe aucun service de nuit sur ces lignes. Je me résume.
Au lieu d'être améliorée par le redressement d'un grief que le gouvernement a dû reconnaître fondé, la situation du batelage est tellement aggravée par les mesures prises par l'administration supérieure, que cette industrie est frappé de ruine si on les maintient. 52 bateliers, un matériel de transport de plus de 2,500 tonnes, 9 communes sont intéressés dans la question.
Le droit prélevé par tonne kilométrique est mal établi, puisqu'il est perçu sur une partie de la Durmc, rivière que l'Etat ne veut pas reconnaître comme lui appartenant, lorsqu'il s'agit d'une dépense afin d'en améliorer le cours, mais dont il s'empresse cependant de percevoir tous les revenus possibles, les droits de navigation comme le produit des roseaux et de la pêche.
Ces griefs acquièrent une importance immense pour le batelage, en ce moment surtout où il est à la veille de soutenir la lutte contre le chemin de fer Lokeren-Zelzaete, dont l'exploitation est très prochaine. Il est de mon devoir de signaler cette situation au gouvernement. Je le prie de vouloir examiner de nouveau la question du péage, et je réclame toute sa bienveillance pour une industrie qui succombera infailliblement si elle ne parvient à obtenir son ancienne situation, la liberté de navigation à l'aval du Moervaert.
M. Jouretµ. - Comme vous le pensez bien, messieurs, je n'ai pas la plus petite observation à faire sur le Moervaert, article 34, ni sur le Rupel, article 35, auxquels je n'ai aucune raison de porter un intérêt particulier. (Interruption.)
MpVµ. - Nous sommes à l'article 54.
M Jouretµ. - Vous m'avez donné la parole, M. le présidents et je vais expliquer pourquoi je tiens à parler. Il y a entre les article 34 et 35, aux développements du budget, un petit article qui, quoique porté comme néant pour cet exercice, concerne la Dendre.
La Dendre est mentionnée pour mémoire et je saisis l'occasion de cet article pour rappeler à l'honorable ministre une légère omission, bien involontaire, j'en suis convaincu, dans la réponse qu'il a faite à chacun de nous. Je lui ai demandé des renseignements au sujet d'un pont indispensable à exécuter sur un bras de la Dendre, dans l'intérieur de la ville de Lessines.
J'ai quelques raisons de croire que cet objet n'a pas été perdu de vue par l'administration, et je serais enchanté que M. le ministre voulût bien m'en donner l'assurance.
MtpVSµ. - Il est compris au budget.
M. Jouretµ. - Alors je n'ai que des remerciements à vous adresser.
- Adopté.
« Art. 35. Rupel ; charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Dyle et Demer ; charge extraordinaire : fr. 5,000 »
M. Beeckman. - Je saisis l'occasion de la discussion de cet article pour demander à M. le ministre des travaux publics, s'il n'aurait pas un mot à répondre à mes honorables collègues et à moi, au sujet des renseignements que nous avons demandés dans l'intérêt de la navigation et des irrigations de la vallée du Demer.
Dans la séance d'hier, M. Nothomb a présenté quelques considérations relatives au système de la Nèthe.
Ces considérations s'appliquent au Demer ; en effet, beaucoup de rectifications ont été construites sur le cours de cette rivière ; par suite de ces rectifications, les eaux s'écoulent plus rapidement et il s'ensuit que les prairies du Demer sont,tout à fait dépourvues d'eau et cela à une époque où elles en ont le plus besoin.
J'avais donc demandé à M. le ministre des travaux publics si les études qu'il avait ordonnées pour la construction de barrages sur le Demer étaient terminées, et si nous pouvions espérer voir réaliser bientôt ces travaux, attendus avec tant d'impatience.
D'un autre coté, une pétition des communes de Boortmeerbeek, de Rymenen et de Stever a été adressée à la Chambre il y a quelques jours. Par cette pétition datée du 1er février, ces communes demandent que des rectifications soient faites sur leur territoire, rectifications qui n'auraient qu'une longueur de 200 mètres pour un détour que fait aujourd'hui la Dyle.
Aujourd'hui, par suite des rectifications construites en amont, les eaux arrivent avec rapidité vers l'aval, et les communes qui se trouvent sur ce point sont inondées pendant les crues d'eau. Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien examiner avec sa bienveillance habituelle la pétition de ces communes et d'ordonner les rectifications demandées dans le cours de la Dyle. Ces rectifications, d'après les pétitionnaires, ne coûteraient que 35,000 francs, et, d'après moi, cette dépense est exagérée. Ce serait donc une petite affaire, surtout en présence de cette considération que ces communes sont régulièrement inondées par suite des travaux construits en aval.
MtpVSµ. - Les études concernant les rectifications à faire au Demer sont trop récentes pour que je puisse en connaître moi-même et en préciser les résultats.
Quant au nouveau canal dont a parlé l'honorable M. Beeckman, il y aurait d'abord à s'assurer s'il convient de l'établir et lors même que la question se résoudrait dans le sens de l'affirmative, comme le travail exigerait évidemment une dépense considérable, le moment de l'entamer ne serait pas venu.
M. Beeckman. - Les barrages sont plus indispensables que le canal.
M. Delcourµ. - Je pense, messieurs, que l'honorable ministre des travaux publics a confondu deux choses.
Il y a quelques années, nous avons demandé la construction d'un canal destiné à relier le canal de Louvain au Demer et le Demer au canal de la Campine ; mais pour réaliser ce projet il faudrait faire de grands travaux. Mes honorables collègues et moi, avons surtout insisté sur l'utilité de ce canal de jonction lors de la discussion du dernier projet de loi décrétant un ensemble de travaux publics. M. le ministre a combattu notre demande ; il nous a donné peu d'espoir sur la réalisation d'un travail réclamé cependant depuis longtemps et avec instance par la population de l'arrondissement de Louvain et par les autorités de la province.
Il s'agit, maintenant d'un travail tout différent. Nous engageons le gouvernement à faire construire des barrages sur le Demer, afin de relever le niveau des eaux et de ramener les irrigations dans les belles prairies du Demer, autrefois si fertiles, et aujourd'hui dans un triste état. Remettre la vallée du Demer dans son état normal, ce serait, messieurs, améliorer notre agriculture.
Telle est la seule question que nous ayons adressée à M. le ministre. Sans doute, messieurs, il y a une étude à faire ; mais je tiens à dire, dès à présent, que la dépense ne serait pas aussi considérable que le pense l'honorable ministre.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que les barrages qu'il faudrait construire entraîneraient une dépense qui ne s'élèverait pas à plus de 3 à 4 cent mille francs. (Interruption.)
C'est le maximum de la dépense, me dit un de mes collègues. En effet, les renseignements que j'ai pris moi-même auprès des ingénieurs de l'Etat s'accordent avec le chiffre que j'ai l'honneur de vous indiquer.
Il me reste à vous entretenir des inondations auxquelles sont exposées les communes de Boort-Meerbeek, Rymenam et Hever, inondations auxquelles se rapporte la pétition dont vient de vous entretenir mon honorable collègue, M. Beeckman. Cette question n'est pas nouvelle ; moi-même j'en ai entretenu la Chambre à deux reprises différentes, et j'ai prié M. le ministre de vouloir faire examiner la question.
Messieurs, les communes qui se plaignent sont victimes des travaux que le gouvernement a fait exécuter en amont ; il y a un ensemble de travaux à exécuter ; après avoir rectifié le cours de la Dyle en amont, il fallait aussi rectifier le cours de la rivière en aval, et c'est ce qui n'a pas eu lieu. Les crues qui arrivent d'en amont avec rapidité et abondance sont arrêtées dans les communes réclamantes, et les exposent à des inondations qui se renouvellent à chaque grande crue des eaux. Cette situation est intolérable ; il faut bien qu'on y remédie. N'cst-il pas manifeste que le gouvernement, qui a fait exécuter en amont de la Dyle des travaux de rectification, expose à des dangers permanents les communes situées en aval, si l'écoulement des eaux n'est point facilité dans ces communes ?
Eh bien, messieurs, il paraît qu'au moyen de quelques ouvrages de rectifications à faire à la barrière n°14, et sur un parcours de peu d'étendue, dépense qui ne s'élèverait pas à plus de 35,000 fr., on (page 507) soustrairait plus de 1,000 hectares de prairies aux inondations qui les menacent.
Mais, messieurs, j'irai plus loin et je me demanderai si, en bonne et loyale justice, l'Etat n'est point obligé, après avoir fait exécuter, en amont de ces communes, des ouvrages qui ont augmenté le danger des inondations, si l'Etat, dis-je, n'est point obligé de faire en aval des travaux indispensables pour protéger ces communes ?
Telle est, messieurs, l'observation que j'avais à faire ; je prie l'honorable ministre de vouloir bien l'examiner avec sa bienveillance ordinaire.
MtpVSµ. - C'est sur ce dernier travail que je viens d'avoir l'honneur de dire que les études sont ordonnées ; mais elles le sont depuis trop peu de temps pour que je puisse encore fournir aucun renseignement à la Chambre
- L'article 36 est adopté.
« Art. 37. Yser ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 38. Plantations nouvelles : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 39. Établissement éventuel de nouveaux passages d'eau, entretien et amélioration des bacs et bateaux de passage, existants et de leurs dépendances : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Art. 40. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire et dépenses d'administration des ports, côtes, phares et fanaux : fr. 195,150.
« Charge extraordinaire : fr. 18,000. »
- Adopté.
« Art. 41. Côte de Blankenberghe ; charge extraordinaire : fr. 86,500. »
« Art. 42. Phares et fanaux ; charge extraordinaire : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Art. 43. Etudes de projets ; frais de levée de plans ; achats d'instruments, de cartes et de livres ; matériel, impressions, etc. ; frais d'adjudication : fr. 28,000. »
- Adopté.
« Art. 44. Traitements des ingénieurs et conducteurs, des ponts et chaussées, frais de bureau et de déplacements : fr. 678,270.
« Charge extraordinaire : fr.10,000. »
- Adopté.
« Art. 45. Traitements et indemnités des chefs de bureau et commis, des éclusiers, pontonniers, sergents d'eau, gardes-canal et autres agents subalternes des ponts et chaussées : fr. 671,793.
« Charge extraordinaire : fr. 13,000. »
- Adopté.
« Art. 46. Frais des jurys d'examen et des conseils de perfectionnement ; missions des élèves ingénieurs et conducteurs de l'école spéciale du génie civil : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Personnel du conseil des mines. Traitements : fr. 40,310. »
- Adopté.
« Art. 48. Personnel du conseil des mines. Frais de route : fr. 600. »
- Adopté.
« Art. 49. Personnel du conseil des mines. Matériel : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 50. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines et traitements des expéditionnaires employés par les ingénieurs : fr. 201,120. »
- Adopté.
« Art. 51. Frais des jurys d'examen, des conseils de perfectionnement et missions des élèves ingénieurs de l'école spéciale des mines : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 52. Confection de la carie générale des mines ; charge extraordinaire : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 53. Subsides aux caisses de prévoyance et récompenses aux personnes qui se distinguent par des actes de dévouement : fr. 45,000. »
M. Moncheurµ. - Je me permettrai de demander à M. le ministre des travaux publics ce qui a pu l'empêcher de tenir la promesse qu'il nous a faite à plusieurs reprises, de déposer un projet de loi accordant la personnification civile aux caisses de prévoyance.
Vous savez, messieurs, que ces caisses sont de la plus grande utilité, mais une chose leur manque pour qu'elles puissent atteindre réellement leur but, qui est de venir efficacement au secours des ouvriers mineurs malades ou blessés, ou de leurs veuves ou orphelins, c'est la faculté de recevoir et de posséder.
Je suis persuadé que M. le ministre des travaux publics doit avoir oublié cet objet, qui est cependant très important ; sans cela, il aurait déjà saisi la Chambre d'un projet de loi accordant la personnification civile aux caisses de prévoyance, personnification qui existe déjà pour les caisses de secours mutuels.
MtpVSµ. - Ce sont certaines difficultés d'instruction de ce projet de loi qui en ont retardé le dépôt ; mais je prends très volontiers l'engagement d'opérer ce dépôt au plus tard après les vacances de Pâques, de façon que le projet de loi puisse être facilement discuté et voté dans le cours de cette session.
-L'article 53 est adopté.
« Art. 54. Impressions, achats de livres, de cartes et d'instruments ; publications de documents statistiques : encouragements et subventions ; essais et expériences : fr. 7,000 »
-Adopté.
M. T'Serstevensµ. - Dans une précédente séance, l'honorable M. Lambert a prié M. le ministre des travaux publics de surveiller l'organisation des trains, tant sur les lignes de l'Etat que sur les lignes"concédées, de manière que, dans certaines stations, les voyageurs n'arrivent pas juste à temps pour voir partir sous leurs yeux le train qu'ils devraient prendre.
Cette observation s'applique tout spécialement à l'arrondissement de Thuin, et plus spécialement encore au canton de Beaumont, et je prie M. le ministre d'en faire également l'objet de sa sérieuse attention.
Voici, messieurs, ce qui se passe actuellement : Beaumont a deux services de diligence parlant entre 5 et 7 heures du matin pour aller, l'un vers la station de Silenricex, l'autre vers la station de Thuin et correspondant avec deux trains qui arrivent, vers 9 heures et demie du matin, à Charleroi. Le train de l'Etat de Charleroi à Braine étant supprimé, nous n'avons plus de correspondance pour arriver à Mons et à Braine-le-Comte.
Il nous restait un autre moyen ; c'était d'aller par Erquelinnes, où. nous avions à 10 h. 45 une correspondance avec le chemin de fer du Centre.
Or, le Centre vient d'avancer de dix minutes le départ de son train ; de sorte que nous arrivons maintenant tout juste pour assister au départ du train de Binche.
Je crois devoir prier M. le ministre des travaux publics de vouloir bien me dire si les populations du canton de Beaumont ont tort de se (page 508) plaindre, si les populations de l'Entre-Sambre et Meuse ne peuvent pas réclamer des correspondances pour se rendre dans le centre et au chef-lieu de la province de Hainaut.
M. de Theuxµ. - M. le ministre des travaux publics nous a annoncé récemment qu'il avait ordonné une enquête sur les accidents qui ont eu lieu sur le chemin de fer Liégeois-Limbourgeois. Je désirerais savoir s'il est en mesure de nous faire connaître le résultat de cette enquête.
M. Vleminckxµ. - Dans le cours de la discussion générale, il a été souvent question des passages à niveau. La députation de Bruxelles a bien aussi quelques observations à faire à ce sujet.
Je ne parlerai pas des divers passages à niveau situés sur le boulevard entre la station de l'Allée-Verte et la station,du Midi, puisqu'il est question de déplacer cette voie de raccordement ; mais je crois devoir faire observer à M. le ministre des travaux publics, qu'à la sortie de la gare du Nord, il existe un passage à niveau extrêmement dangereux. Ce passage sert de voie de communication entre deux rues très populeuses, et ce n'est qu'à l'aide des plus grandes précautions qu'on parvient à éviter les plus fâcheux accidents.
Je demanderai à l'honorable ministre s'il ne croit pas qu'il y aurait quelque mesure à prendre pour faire disparaître ce passage, tout en conservant une communication, qui est indispensable, entre les communes de Schaerbeek et de Laeken que sépare le chemin de fer.
M. Vilain XIIIIµ. - Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner à la Chambre quelques explications sur le retard qu'éprouve la concession du chemin de fer de Hasselt à Maeseyck. Il y a trois mois que la loi autorisant la concession a été votée et jusqu'à présent rien n'a été fait. Je sais que les raisons de ce retard sont excellentes et qu'on ne peut pas accuser de négligence l'honorable ministre des travaux publics. Mais la Chambre pourrait croire qu'il ne se présente pas de compagnie concessionnaire et il importe, par conséquent, que les causes du retard soient connues.
M. Coomans. - Si j'ai bien compris, l'honorable M. Vleminckx vient de proposer la suppression du passage à niveau de la rue Allard (interruption), ou tout au moins de signaler les graves inconvénients, que présente ce passage.
Je suppose que l'honorable membre a tenu ce langage dans un but qui ne peut être que la suppression du passage en question, ou l'exécution de travaux qui empêcheraient certains accidents de s'y produire.
A ce propos, je ferai une observation essentielle qui intéresse une très grande partie de l'agglomération bruxelloise. Le gouvernement s'est préoccupé de cette situation et, si je suis bien informé, il a fait faire des études dont le résultat a effrayé maints habitants des populeuses communes de Saint-Josse-ten-Noode et Schaerbeek. Le gouvernement a reculé devant l'exécution des divers plans qui lui avaient été soumis et je crois qu'il a parfaitement bien fait.
A coup sûr, un passage à niveau si fréquenté offre des dangers. Mais dans le public, on les a singulièrement exagérés. Je demeure à deux pas de là, et je puis affirmer que depuis de longues années, il n'y est survenu qu'un seul accident suivi de mort.
Messieurs, un inconvénient bien plus grave, ce serait la suppression de ce passage. La chose est impossible ; l'exécution des travaux conseillés au gouvernement provoquerait un remue-ménage dans le beau faubourg de Cologne. Il faudrait supprimer une centaine de maisons. (Interruption.)
J'ai vu les plans ; il s'agissait d'élever de 2 ou de 3 mètres le niveau de certaines rues. Je vous le demande, pouvez-vous imposer un pareil supplément de dépense à une foule de propriétaires ? Pour que vous ne preniez pas le change sur la portée de mes objections, je déclare que je ne suis le propriétaire d'aucune des maisons menacées. Mais enfin des centaines de propriétaires si sont réunis à diverses reprises et ont protesté énergiquement, unanimement, contre les plans élaborés par l'ordre du gouvernement ; mais j'espère qu'il ne les approuvera pas.
Je crois devoir engager le gouvernement à ne toucher à cette situation qu'en pleine connaissance de cause, et après avoir procédé à une enquête très sérieuse de commodo et incommodo.
Messieurs, on se récrie sur les dangers que présentent les passages à niveau ; mais il y a peu de passages à niveau qui soient aussi dangereux que beaucoup de rues à Paris, à Londres et même à Bruxelles.
Je vais plus loin : tout en rendant hommage à la sollicitude que le gouvernement témoigne pour la vie des citoyens, je crois que cette sollicitude va parfois trop loin, qu'elle se traduit même en mesures vexatoires qui ne laissent pas d'offrir du danger.
J'ai remarqué, assez, souvent qu'à certains moments le passage ne présentait rien de périlleux et que, par excès de sollicitude, les employés préposés à la garde du passage empêchaient les citoyens de traverser la voie ; un peu après, 150 personnes franchissent le passage à la fois, et le tumulte qui en résulte fait naître des inconvénients qui ne se produiraient pas, si on laissait le passage un peu plus longtemps ouvert, avant l'arrivée ou le départ des convois.
Je ne veux certes pas blâmer le zèle que vous montrez à protéger la vie des citoyens ; mais je pense que vous avez tort d'empêcher la traversée trois à quatre minutes avant l'apparition d'un train ou d'une voiture. Cela n'est pas raisonnable.
Encore une fois, laissons un peu les citoyens avoir soin de ce qu'ils on de plus cher, de leur vie, de leurs membres ; et supprimons quelques-unes des mesures excessives que nous prenons en leur faveur. Prenons des précautions, je le veux bien, elles sont nécessaires ; mais ne les exagérons pas ; et ne consacrons pas encore une fois de très fortes sommes d'argent à remplacer certains inconvénients par d'autres inconvénients qui pourraient être bien plus graves.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, l'honorable M. Coomans ne nie ni les inconvénients, ni les dangers que j'ai signalés ; il cherche seulement à les amoindrir.
Je ne crois pas qu'on puisse soutenir sérieusement que le passage à niveau établi à l'endroit que j'ai indiqué, n'est pas un danger permanent.
Je n'ai pas vu les plans dont parle l'honorable M. Coomans, et dont, d'après lui, l'exécution donnerait lieu à une dépense considérable ; mais ce que je me suis borné à demander à M. le ministre des travaux publics, c'est qu'il veuille bien examiner quelles mesures il y aurait à prendre pour arriver à la suppression de ce passage à niveau.
M. Coomans. - Nous ne voulons pas la suppression de ce passage.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, ce qui m'étonne, c'est que l'honorable M. Coomans vienne aujourd'hui en quelque sorte recommander au gouvernement de ne pas s'occuper d'un sujet aussi important, alors qu'il a réclamé énergiquement le détournement du chemin de fer ) Anvers, uniquement pour délivrer cette ville du danger que présentent les passages à niveau ; et dans ce but l'honorable membre ne se ferait pas scrupule d'accorder un grand nombre de millions. Pour nous, nous ne convions pas le gouvernement à faire de grandes dépenses ; nous l'engageons purement et simplement à examiner s'il n'y aurait pas moyen du supprimer, dans l'intérêt d'une très nombreuse population, cette voie que nous considérons comme très dangereuse.
M. Coomans. - Messieurs, je vais démontrer en deux mots, clair comme le jour, que le reproche de contradiction dont je suis l'objet de la part de l'honorable M. Vleminckx tombe complètement à faux.
Je n'ai pas demandé la suppression du passage à niveau à Borgerhout ; au contraire, je me suis séparé, dans cette occasion, de quelques-uns de mes amis d'Anvers, Quand il a été question de cela dans cette Chambre, il y a deux ou trois ans, j'ai tenu le même langage qu'aujourd'hui ; j'ai soutenu que les passages à niveau sont moins dangereux qu'on ne le suppose, et qu'on devait maintenir celui de Borgerhout.
J'ai ajouté, et j'y persiste, que l'accroissement du trafic dans la ville d'Anvers nécessiterait bientôt le déplacement ou l'agrandissement de la station actuelle, ainsi que l'exécution de travaux devenus dès à présent indispensables.
Je ne nie pas qu'il n'y ait lieu de faire des travaux à la station du Nord à Bruxelles ; mais je nie qu'il soit possible de supprimer le passage de la rue Allard. C'est le seul que nous ayons pour relier une grande partie des faubourgs de Molenbeek et de Saint-Josse-ten-Noode à celui de Schaerbeek, à moins que vous ne vous contentiez du passage que vous trouvez au bout du faubourg de Schaerbeek, dans la rue Rogier. Près de la ville, il n'y a que le passage de la rue Allard ; il n'y a pas moyen d'en faire un autre.
Oui, il est impossible de supprimer le passage à niveau actuellement existant, à moins de condamner à l'isolement des milliers d'habitants de l'agglomération bruxelloise, et de contrarier leurs relations de famille et d'affaires.
Je sais qu'on a mis en avant le projet d'exhausser plusieurs rues, j'espère que ce projet sera reconnu impraticable par M. le ministre des travaux publics ; on a préconisé la construction d'un pont au-dessus du chemin de fer, pont qui ne servirait qu'aux piétons. (Interruption.) Certes il ne pourrait servir aux chevaux, aux voitures ni même à des brouettes ; eh bien, ce projet, très joli sur le papier, a été reconnu impraticable.
Je voudrais que l'on pût indiquer des moyens pratiques sérieux. Ce n'en est pas un que la suppression du passage, Ce serait condamner un (page 509) homme à l'immobilité, ce serait lui couper la tête de crainte qu'il ne perde son petit doigt.
M, Vleminckxµ. - Je n'ai pas demandé la suppression du passage.
M. Coomans. - Il m'a semblé que vous aviez demandé cette suppression.
M. Vleminckxµ. - Non ! non !
M. Coomans. - Eh bien, si vous ne demandez pas la suppression du passage, nous sommes d'accord. Vous voulez maintenir le passage, nous voulons tous le maintenir. Il restera à savoir quel moyen existe de prévenir les inconvénients de ce passage. Ce moyen nouveau, je ne le connais pas. Celui que l'on emploie aujourd'hui me semble suffisant. Restent ou l'abaissement de la voie, ce que l'honorable ministre refuse, ou l'exhaussement des rues, ce que nous refusons, ou la construction de ponts, ce qui nous semble absurde. Si l'on trouve quelque autre moyen plus pratique, je l'accueillerai avec plaisir.
MtpVSµ. - L'honorable M. T'Serstevens a renouvelé certaines critiques qu'avait déjà présentées l'honorable M. Lambert, dans une séance précédente, sur le défaut de coïncidence entre les trains des compagnies concessionnaires et les trains du réseau de l'Etat. Je suis tout disposé à croire que ces critiques sont parfaitement fondées. Mais je dois conseiller à ces honorables membres, comme à tous les membres de cette Chambre qui auraient des réclamations de même nature à faire, de bien vouloir les adresser par écrit à mon département. C'est le meilleur moyen d'aboutir sérieusement et promptement.
Je n'ai pas besoin de dire que mon département fera tout ce qui est possible pour que les coïncidences soient établies dans de bonnes conditions.
L'honorable comte de Theux a demandé si je puis faire connaître les résultats de l'enquête que j'ai instituée au sujet des accidents arrivés sur la ligne liégeoise-limbourgeoise.
J'ai commencé par prendre connaissance de la lettre que la société exploitante avait adressée à l'honorable M. Vander Donckt, rapporteur de la commission des pétitions. Il suffit de lire cette lettre pour reconnaître que la société exploitante est en aveu, que ces accidents, tout au moins deux sur trois, sont dus à l'impéritie de la société elle-même. L'aveu y est formulé en toutes lettres.
Restait un troisième point ; la recherche de la cause de l'accident qui s'était produit dans la station de Liers. On prétendait qu'il était la conséquence de la mauvaise disposition de cette station. J'ai envoyé sur les lieu un fonctionnaire élevé de l'administration des ponts et chaussées. Il a fait sa visite avant-hier ; il n'a donc pu encore me remettre son rapport.
Mais nous devons constater que l'ancienne société, celle qui administrait la ligne avant la société hollandaise, a exploité, pendant des mois, sans qu'aucun accident se soit produit. J'ai, du reste, les rapports des fonctionnaires ordinaires du chemin de fer, d'où il résulte, de la manière la plus évidente, que même cet accident provient d'un manque de toute précaution de la part de la société exploitante.
J'aurai, ainsi que j'en ai pris l'engagement, l'honneur de déposer, sur le bureau de la Chambre, tous les renseignements que j'aurai recueillis. J'espère pouvoir faire très prochainement ce dépôt.
L'honorable vicomte Vilain XIIII a demandé s'il y avait une cause spéciale de retard, quant à la concession de la ligne de Maeseyck à Hasselt. La Chambre se rappelle qu'elle a voté récemment la garantie d'un minimum d'intérêt pour cette ligne.
Il n'y a pas d'autre cause de ce retard, si ce n'est que la société de Tamines à Landen a un droit de préférence pour la ligne de Hasselt à Maeseyck et qu'elle a un délai de trois mois pour se prononcer. Immédiatement après le vote de la loi, j'ai interpellé cette société sur le point de savoir si elle entendait exercer son droit. Comme le délai de trois mois n'est pas expiré, je dois attendre sa réponse.
M. Coomans. - N'est-ce pas la société qui est expirée ?
MtpVSµ. - L'interruption de l'honorable M. Coomans suggère une observation qui n'est pas sans valeur : c'est une question sérieuse, en effet, si, ne remplissant pas ses propres obligations, la société peut demander certains privilèges que lui assure son contrat ; avant de prendre la part avantageuse de ce contrat, elle doit évidemment en remplir les conditions onéreuses.
Mais, pour la bonne procédure, j'ai cru devoir commencer par interpeller la société et j'attends sa réponse.
Je n'ai pas besoin de dire que, le délai de trois mois expiré, mon administration étant en mesure de prendre une décision, le succès de la ligne de Hasselt à Maeseyck n'est pas douteux ; on peut construire toute espèce de chemin de fer avec la garantie d'un minimum d'intérêt, et comme ce chemin de fer en jouit, le succès, je le répète, est parfaitement assuré.
Enfin, deux mois quant aux passages à niveau dont ont parlé l'honorable M. Vleminckx et l'honorable M. Coomans.
Il y a, à proximité de la station du Nord, trois passages à niveau : celui de la rue Allard, celui de la rue Rogier et celui de la rue des Palais. II est évident que ces passages à niveau, à la sortie d'une station aussi importante que celle du Nord à Bruxelles, présentent beaucoup de dangers et pour le public et pour l'exploitation elle-même. J'ai donc fait mettre à l'étude la question de savoir s'il ne serait pas possible, non de supprimer ces passages, car j'estime qu'on ne peut pas le faire, mais de les remplacer, d'arriver, en d'autres termes, à une disposition des lieux substituant des passages nouveaux aux passages à niveau qui existent. On le peut dans de plus ou moins bonnes conditions ; mais il en coûterait très cher et je ne puis songer, en ce moment, à exécuter un plan quelconque remplaçant les passages de la rue Allard et de la rue Rogier.
Quant au passage de la rue des Palais, l'état de choses est différent. La Chambre sait probablement que l'on fait une voie nouvelle, commencée déjà depuis quelques années, entre la place Liedts et l'avenue de l'église de Laeken.
D'après le projet primitif, cette voie devait également constituer un passage à niveau. Mais depuis que cette jonction nouvelle est décrétée, il est survenu dans la situation une modification consistant en ceci : cette communication nouvelle, à l'époque où elle a été décrétée, ne devait traverser que deux voies de chemin de fer. Elle devrait aujourd'hui en traverser six, parce que l'on a, depuis cette époque, établir diverses voies de manœuvre. Tout le monde comprendra qu'établir un passage à niveau sur six voies de chemins de fer, c'est stériliser d'avance une pareille communication. On ne pourrait parcourir une telle route, surtout en voiture, sans s'exposer à des dangers de tous les instants.
Il a donc fallu modifier le projet primitif, et quant à cette route, elle sera établie au-dessus du chemin de fer.
Un premier plan a été arrêté, qui a été soumis à l'enquête, et l'enquête a constaté qu'il y avait une vive opposition de la part de certains habitants de rues qui devraient être exhaussées. Je ne désespère pas (et ce n'est pas un espoir vague que j'exprime, c'est un espoir fondé sur des faits) d'arriver à une combinaison qui satisferait tout le monde.
M. Coomans. - Cela serait superbe.
MtpVSµ. - Cela serait superbe et rare ; mais enfin je crois que cela est possible.
Le passage au-dessus du chemin de fer remplacerait avec avantage le passage à niveau de la rue des Palais.
Voilà l’état de la question, et je pense que ces explications satisferont les honorables membres.
M. Coomans. - Vous ne supprimez pas le passage de la rue Allard ?
MtpVSµ. - Je ne supprime rien du tout. J'ai commencé par déclarer que je ne croyais pas cette suppression possible.
- L'article est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à cinq heures.