(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 819 M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réforme électorale.
« Des habitants de Bolange prient la Chambre de rejeter la disposition du projet de code pénal qui punit les combats de coqs.
« Même demande d'habitants de Mechelen, Pologne, Grand-Jaminc, Opheers, Heers, Basheers, Attenhoven et d'une commune non dénommée. »
- Renvoi à la commission de révision du code pénal.
« Le sieur Auguste Frumken, négociant à Liège, né à Dinnich (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission de la justice.
« Le sieur Benoît Contet, soldat au ie régiment de ligne, né à Sedan (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Spalbeek demande la construction d'une route de Spalbeek par Stevort à la station d'Alken. »
M. Thonissenµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Des constructeurs et propriétaires de bateaux demandent que la batellerie soit déchargée des droits d'enregistrement auxquels elle est soumise. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« MM. Bouvier, Snoy et Moncheur, obligés de s'absenter, demandent un congé. »
- Accordé.
M. Wasseige. - Ainsi que je l'ai dit hier à la fin de la séance, l'incident relatif à la fondation Jacquet de Rochefort n'est pas nouveau ; il avait déjà été introduit devant cette Chambre en 1857 par l'honorable M. Frère qui, à cette époque, avait déjà prétendu que les fonds de cette fondation avaient été détournés de leur destination pour fonder un couvent. Cette fois c'est l'honorable ministre de la justice qui prétend que les mêmes fonds ont été détournés de leur destination pour attirer à Rochefort et subsidier les frères de la doctrine chrétienne. Voici les paroles de M. le ministre de la justice :
« Dans la fondation Jacquet, les administrateurs, institués en 1838, par l'arrêté du rétablissement, avaient non seulement installé les petits frères dans l'école primaire créée par le fondateur, mais ils avaient laissé absorber par ces religieux tout le revenu des bourses d'étude moyennes et supérieures. »
Vous le voyez, messieurs, soit froc, soit guimpe, c'est toujours la même accusation ; ce sont toujours les mêmes corporations religieuses insatiables, voulant faire tourner à leur profit tous les dons destinés à l'instruction, ce sont toujours ces mêmes administrations spéciales faibles ou partiales, se rendant complices de ces convoitises et abandonnant les fonds dont la gestion leur est confiée.
Eh bien, messieurs, les fonds de la fondation Jacquet n'ont pas été détournés de leur destination, ils n'ont été employés ni à fonder un couvent, ni à attirer à Rochefort des petits frères, contrairement aux volontés du fondateur, ils ont, au contraire, été employés selon ses intentions, selon la lettre de l'acte de fondation et selon l'esprit qui ressorti l'évidence des actes passés par le vénérable évêque d'Hippone.
C'est ce que je me propose d'établir si la Chambre veut bien me prêter quelques moments de bienveillante attention.
Par actes des 15 et 19 juillet 1761 et 5 février 1763, Monseigneur Jacquet, évêque d'Hippone, fonda à Rochefort deux institutions. Le but de la première était ainsi indiqué :
« Enseigner gratis la jeunesse de l'un et de l'autre sexe de la paroisse de Rochefort, avec tout le zèle et charité à lire, écrire et un peu d'arithmétique à ceux et à celles qui voudraient l'apprendre, outre le catéchisme et leur inspirer la véritable crainte de Dieu. »
Il nomma pour exécuteurs de ses volontés son coadjuteur M. Jacquet Delveau, chanoine à Liège, l'abbé de Saint-Remy, le curé de l'endroit et le pater des religieuses carmélites de Rochefort.
Il ajoutait que l'enseignement dans l'école devait être donné par un ecclésiastique avec pouvoir de nommer le maître d'école qui soit un prêtre capable d'enseigner la jeunesse dans les conditions de la fondation.
Voilà une première fondation dont le caractère essentiellement religieux ne peut être nié.
Par une seconde disposition testamentaire, qui date de 1763, le vénérable évêque fonda des subsides ou bourses pour les études humanitaires et pour les hautes études ; il s'exprima en ces termes :
« Que personne ne soit capable des dites bourses avant d'avoir commencé la dixième année de son âge et n'en puisse jouir ni profiter après 25 ans complets ni autrement qu'en étudiant pendant ce temps-là, assidument, exactement et très diligemment dans quelque collège, séminaire ou du moins dans les écoles publiques de quelques villes où les études soient réellement florissantes et après ces humanités dans quelque université publique et fameuse où il s'appliquerait soigneusement à la philosophie, à la sainte théologie, aux deux droits, etc., menant principalement une vie parfaitement chrétienne. »
Voilà donc les fondations bien établies : une fondation pour l'enseignement primaire, enseignement qui devait être donné aux jeunes enfants de Rochefort par un prêtre et dans un bâtiment légué spécialement pour cet usage ; subsidiairement des bourses à donner à quelques jeunes gens de Rochefort qui se sentiraient la vocation de pousser plus loin leurs études soit au point de vue des humanités, soit au point de vue des études supérieures pour le droit, la théologie ou la médecine.
Voilà le caractère de ces deux fondations parfaitement défini ; mais il ajoutait à ces dispositions un certain article. 8, que ni l'honorable M. Frère en 1857, ni l'honorable ministre de la justice en 1866 ne paraissent avoir lu, et je prie la Chambre de vouloir bien me prêter ici toute son attention, attendu que cet article est tout le nœud de la question qui nous occupe et qu'il renverse complètement toutes les accusations de mes adversaires présents et passés.
Monseigneur Jacquet ajoutait donc à l'article 8 :
« Quoique dans la fondation ou dotation sus-énoncée par nous érigée, il ait été pourvu autant que possible à sa permanence, néanmoins, comme sa durée perpétuelle, avec la bénédiction de Dieu, nous tient fort à cœur étant l'objet de nos soins principaux, de là vient que, si jamais dans la suite des temps, il arrivait, par quelque accident inopiné, que la dot destinée au maître d'école se diminuât de façon qu'elle ne leur fût suffisante ou que les bâtiments quoique neufs, de ladite école, vinssent à crouler ou tellement ruinés qu'on ne pût y remédier avec la dot y destinée, dans ce cas et point autrement afin que l'école subsiste et persévère selon notre intention, nous voulons que les mambours subviennent à ces nécessités précises en prenant hors desdits subsides et bourses annuelles, sans toucher au capital, autant qu'il sera véritablement besoin et pas plus pour payer les dépenses nécessaires à ce sujet et cela privilégiement et avant tout, suspendant en cet entretemps la nomination auxdits subsides ou bourses et même leur payement à ceux qui seraient déjà nommés, s'il est tout à fait nécessaire, jusqu'à ce qu'on ait suffisamment pourvu et subvenu au prémis qui est une chose meilleure. »
(page 820) Ainsi, vous le voyez, messieurs, après avoir établi ces deux fondations, M. Jacquet déclare dans cet article. 8, il déclare comme la chose meilleure, celle qui a pour objet l'instruction primaire ; et telle était sa préférence qu'il voulait même qu'en faveur de l'instruction primaire on suspendît le payement des bourses accordées pour les études supérieures.
Il s'exprime à cet égard d'une manière tellement explicite, tellement catégorique, qu'il n'y a pas moyen de n'y pas voir le désir bien formel de l'honorable évêque de pourvoir tout d'abord à l'instruction primaire, dût-on y employer les ressources des deux fondations.
En 1838, ces fondations furent rétablies par un arrêté portant le contreseing de l'honorable comte de Theux.
Les administrateurs désignés par cet arrêté, après avoir sérieusement examiné et la lettre et l'esprit des actes de libéralité de Mgr Jacquet envers la ville de Rochefort, s'occupèrent avant tout d'y établir une bonne instruction primaire.
A cet effet, ils commencèrent à organiser une école de filles ; l'école de Rochefort avait beaucoup prospéré, la population de cette localité avait notablement augmenté depuis 1763, et il était impossible détenir dans le même local les filles et les garçons en âge d'école.
La première chose que firent donc les administrateurs pour se conformer aux intentions du vénérable fondateur, fut de séparer les sexes et de s'occuper de l'organisation d'une école de filles. Ils profitèrent de l'offre généreuse faite par un autre habitant de Rochefort, M. Delvaux, qui avait fait donation au bureau de bienfaisance d'une maison achetée de ses deniers, pour y établir une école de filles.
Le. local fut approprié à sa destination au moyen des fonds suivants :
Subside de l'Etat, 3,000 fr.
Subside de la province, 3,000 fr.
Subside de la commune, 7,000 fr.
Subside de la fondation des bourses, 3,000 fr.
Souscriptions volontaires, 3 000 fr.
Matériaux, 2,000 fr.
Total, 23,000 fr.
L’école fut instituée sous l'approbation, et avec le concours de toutes les autorités compétentes, sans qu'il vînt à l'esprit d'aucune d'elles de déclarer qu'on avait abusivement employé les fonds destinés aux bourses Jacquet pour établir une école, et voila l'école que l'honorable M. Frère appelait un couvent.
Ce couvent existe encore ; il a traversé toutes les vicissitudes qu’a eu à subir la fondation de Mgr Jacquet ; il a subsisté non seulement sous l’administration instituée par M. de Theux ; mais il a subsisté sous l’administration selon le cœur de M. le ministre de la justice, sous l'administration instituée par M. de Haussy, sous l'administration de l'autorité communale de Rochefort seule ; il subsiste encore, maintenant, que cette autorité a été changée, et que l'administration des bourses a été remise aux mains d'une autre administration ; il existe encore, à la satisfaction de tout le monde.
Ce couvent, puisque couvent il y a, contient, 140 élèves pauvres, recevant l'instruction gratuite, plus un pensionnat fréquenté par 40 élèves, et pour subvenir à l'instruction, l'éducation et l'entretien de 180 jeunes filles, il y a une sœur directrice, deux sœurs institutrices à l'école adoptée, deux sœurs au pensionnat, et trois sœurs servantes, et, il faut bien que l'honorable ministre des finances en prenne son parti, ce couvent vient encore d'être augmenté de deux sœurs, parce qu'à la demande de l'autorité communale, une école gardienne, fréquentée par 100 petits enfants, à été adjointe à l'école des filles.
Voilà pour le couvent. Arrivons maintenant à l'école des garçons.
L'école des filles ayant été instituée de la manière dont je viens d'avoir l’honneur de l'expliquer, l'administration communale de Rochefort prit l'initiative pour s'occuper de l'instruction des garçons ; c'est elle qui, à la majorité de 6 voix contre 2, demanda que cette instruction fût confiée aux frères de la doctrine chrétienne. C'est à la suite de cette décision qu'elle s'adressa aux administrateurs de la fondation des bourses de Mgr Jacquet et qu'elle leur fit la proposition d'installer les frères de la doctrine chrétienne dans les bâtiments de Mgr Jacquet, à la condition que l'école dirigée par eux serait soumise au régime de l'inspection établi par la loi, que la commune contribuerait au traitement des frères par un subside annuel de 600 francs et le payement d'une rente de 270 florins de Liège due à la fondation Jacquet et que le surplus de la dépense serait supporté par la fondation de l'école et bourses d'étude créées par Mgr Jacquet.
L'instruction devait être gratuite.
Cette proposition fut acceptée par l'administration de la fondation dans ces mêmes termes.
Ces administrateurs ajoutaient, dans la demande d'autorisation qu'ils adressaient à la députation du conseil provincial de Namur :
« En exécutant ce projet, nous croyons ne nous écarter en rien de la lettre et de l'esprit de l'acte de fondation, nous croyons même entrer parfaitement dans les vues et les instructions du fondateur. Eu effet, il résulte des actes de fondation de l'école et des bourses que Mgr Jacquet n'avait rien tant à cœur que la prospérité et la perpétuité de son école de Rochefort qu'il considérait comme chose meilleure. »
Celle autorisation, messieurs, fut donc demandée à la députation permanente de Namur dans les termes que vous venez d'entendre et accordée par ce collège ; ce qui constate encore à la dernière évidence que, de l'avis de toutes les autorités, l'instruction primaire devait primer tout et que les fonds destinés aux fondations de bourses devaient y être appliqués avant tout.
Est-ce clair, messieurs ? Je vous le demande, et la députation permanente, en autorisant cet arrangement, n'a-t-elle pas reconnu aussi, autant qu'il était en son pouvoir, l'interprétation donnée par les diverses administrations à l’article 8 ?
« Nous avons l'active conviction, ajoutaient les administrateurs des fondations, qu'en organisant une bonne instruction primaire qui réponde aux besoins de l'époque et aux instructions du fondateur, nous rendons le plus grand service à la jeunesse de Rochefort. »
Et ils avaient parfaitement raison ; aussi toutes ces résolutions ont été approuvées par toutes les autorités consultées. Tout le monde était parfaitement satisfait, et tellement satisfait que dans une lettre adressée au doyen, président de la fondation, par le bourgmestre de Rochefort, il lui disait, en lui annonçant que leurs conventions étaient ratifiées par l'autorité supérieure : « Je me fais un plaisir de porter cette résolution à votre connaissance, et de vous exprimer qu'elle est toute dans l'intérêt de la commune, vous assurant, ainsi que les autres membres de l'administration, que vous avez des droits à la reconnaissance des habitants. »
Vous le voyez, messieurs, tout avait été fait au grand jour ; tout avait été fait en se basant sur l’interprétation adoptée et par la province et par l'Etat dans les différentes circonstances.
Tout paraissait pour le mieux, lorsque la minorité du conseil communal, qui voyait avec peine que l'instruction fût donnée par les petits frères, chercha chicane, sous prétexte d'une lettre et d'un prospectus qui avaient été adressés à l'administration, et d'après lesquels les frères demandaient de nouvelles conditions, ce qui était inexact, aucune demande nouvelle ne pouvant prévaloir contre une convention adoptée.
Le conseil, à la majorité d'une voix, déclara que les frères ne seraient plus chargés de donner l'instruction à Rochefort.
Mais cette délibération ne put être sanctionnée par l'autorité supérieure, qui déclara qu'il ne dépendait pas de la commune de rompre un contrat synallagmatique, qu'il y avait eu contrat entre la commune, la fondation Jacquet et les frères et que ce contrat devait être respecté.
La commune insista et, à force d'instances, obtint l'autorisation de plaider pour faire déguerpir les frères de la maison Jacquet, qui était destinée à l'instruction primaire des enfants pauvres.
La commune perdit son procès devant le juge de paix. Elle en appela devant le tribunal de Dinant et elle perdit une seconde fois son procès devant le tribunal de Dinant, le 12 août 1850. La fondation fut maintenue en possession de la maison de monseigneur d'Hippone et les frères y restèrent.
Mais, messieurs, le jour même (remarquez cette coïncidence), le jour même où la fondation gagnait son procès judiciairement, elle le perdait administrativement et par arrêté de la même date, 12 août 1850. signé de Haussy, on instituait l'autorité communale seule comme administrateur des fondations de Mgr. Jacquet en faveur de l'instruction primaire. Les frères durent donc quitter l'école de Rochefort ; ils s'installèrent dans une maison particulière, où ils continuèrent à donner l'instruction et où ils furent suivis, comme nous le voyons presque toujours dans les mêmes circonstances, par la presque totalité de leurs élèves et, chose assez remarquable, quoique se voyant parfois encore, un échevin qui avait voté pour l'expulsion des frères, leur envoya son fils.
Voici donc l'administration communale de Rochefort en possession pleine et entière, et de la fondation de l'administration Jacquet pour l’instruction primaire, et de la fondation Jacquet, pour la collation de (page 821) bourses d'étude. Vous croyez sans doute, messieurs, qu'elle va immédiatement distribuer les bourses et faire autrement que sa devancière. Oui, messieurs, elle fit autrement ; savez-vous ce qu'elle fit ? Elle chassa d'abord les frères de l'école, puis elle sollicita du gouvernement l'érection d'une école moyenne à Rochefort, et elle l'installa dans la fondation laissée par Jacquet, à l'instruction primaire, avec ce petit correctif, consistant à dire que le directeur de l'école serait chargé de faire donner à ses frais l'instruction primaire dans une chambre de la maison.
Distribua-telle des bourses ? Non, messieurs, tous les fonds furent donnés en subsides à l'école moyenne, tant ceux destinés à l'instruction primaire que ceux destinés aux bourses pour les études supérieures ; tout était confondu, tout était faussé, il ne restait plus rien de ce qu'avait si clairement indiqué Mgr Jacquet. C'était le prélude de la loi de 1864, c'était la confiscation des bourses d'étude de Rochefort.
Cela était tellement exorbitant que, quelques années plus tard, à la suite d'un rapport adressé au ministre de la justice, après que l'administration Frère-de Haussy eut cédé la place à l'administration, quelque peu réparatrice, Piercot-Faider, on changea de nouveau cet état de choses.
Le comité consultatif ayant aussi déclaré que ce qui s'était passé était réellement exorbitant, une nouvelle commission fut installée et cette nouvelle commission existe encore actuellement. Elle a continué le subside accordé à l'école de filles, mais elle ne put pas faire donner l'instruction aux garçons, conformément aux intentions du vénérable fondateur, parce que, par une anomalie singulière, il n'a pas été possible jusqu'à présent d'organiser, à Rochefort, l'enseignement primaire, conformément à la loi de 1842.
Aucun instituteur nommé en vertu de cette loi n'y existait encore il y a un an. Je ne sais pas si depuis lors il est survenu quelque changement. De sorte que, ainsi que je viens de le dire, l'administration nouvelle ne put pas, quant à l'instruction des garçons, se conformer aux intentions de Mgr d'Hippone ; mais cette administration distribue des bourses et ces bourses sont données avec la loyauté et l'impartialité les plus complètes, à tel point qu'en ce moment, sur trois jeunes gens qui possèdent des bourses destinées à l'enseignement supérieur, l'un étudie à Liège, l'autre à Bruxelles et le troisième à Louvain.
Vous le voyez, messieurs, j'ai raison de dire que la collation des bourses se fait avec la plus grande impartialité.
Je vous laisse à apprécier, messieurs, si l'administration de 1850, celle de M. de Haussy et de M. Frère, a agi de même, si elle s'est conformée aux intentions du fondateur, si elle a rempli son mandat mieux que l'administration qui l'avait précédée et que celle qui l'a suivie.
Mais ce n'est pas le seul grief que j'aie à vous signaler contre cette malheureuse administration.
Les fondations de Mgr Jacquet, quant aux bourses, consistaient, messieurs, en 200 billets des monts sur une banque romaine.
Ces rentes furent, grâce à un parent de Mgr Jacquet, converties prudemment en immeubles.
C'est maintenant un palais Via del Croce, une vigne et une terre à San Martino.
Or, il arriva que vers 1850 survient à Rochefort un réfugié politique pontifical, le sieur Galieno.
Probablement que cette qualité de réfugié pontifical lui servit de lettre d'introduction et de bienvenue près de l'administration communale de Rochefort ; toujours est-il qu'ils entrèrent en négociations et que Galieno proposa de racheter tous les droits de la fondation sur les biens de Rome, moyennant une rente de 3,600 fr. remboursable par un capital de 72,000 fr. L'administration des bourses y consentit immédiatement. L'administration communale, qui était la même, y consentit par les mêmes raisons.
Il ne manquait plus que l'autorisation du saint-père.
Le sieur Galieno fit un modèle de requête la plus humble et la plus respectueuse possible, ce qui prouve que les réfugiés politiques, lorsque leurs intérêts sont en jeu, savent faire aussi la courbette. Tout allait être définitivement conclu, lorsque l'administration fut changée.
Le premier acte de l'administration nouvelle fut de rompre la négociation entamée, de destituer son agent à Rome et d'ouvrir de nouvelles négociations.
Il en est résulté que ces biens, que le sieur Galieno allait obtenir moyennant une rente de 3,600 fr., ont été vendus pour une rente de 7,000 fr. au capital de 210,000 fr.
Soit augmentation sur l'intérêt de 3,400 fr., augmentation sur le capital de 138,000 fr.
Voilà les faits de l'ancienne administration et voilà les faits de la nouvelle ; comparez et jugez !
Je vous le demande, messieurs, en présence des faits que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer, est-il possible de prétendre que les fonds de la fondation Jacquet ont été détournés de leur destination, soit pour établir un couvent, soit pour faire venir des frères de la doctrine chrétienne, contrairement aux intentions du fondateur ?
Je ne pense pas qu'après avoir écouté avec une bienveillance dont je, vous remercie, les explications que je viens de vous donner, il vous soit possible d’avoir un doute à cet égard.
Je m'attends à ce que M. le ministre me dise : Mais il y a une pièce que vous n'avez pas lue et qui prouve que toutes les autorités n'ont pas été de votre avis ; il y a une pièce du proviseur de la fondation, du commissaire d'arrondissement du Dinant, qui a déclaré que les choses ne se passaient pas comme vous le dites.
Cette pièce a déjà été produite par l'honorable M. Frère ; la voici :
« Dinant, 20 février 1845.
« Messieurs,
« La caisse de l'établissement dont l'administration vous est confiée présente depuis plusieurs aimées un actif de plus de mille francs. Cet actif avait, dès le 7 août 1844, atteint la somme de 2,920 fr. 00 c. ; cependant vous vous êtes bornés à faire, pour l'exercice 1843, une dépense de 405 fr. 14 c, en laissant le surplus improductif dans la caisse, et cela sans vous donner le moins du monde la peine de consulter ni le proviseur de la fondation, ni une autorité quelconque.
« Cette conduite, messieurs, ne dénote de votre part ni déférence envers l'autorité supérieure, ni exactitude dans l'exécution des volontés du testateur, ni zèle pour l'instruction des jeunes gens de la commune de Rochefort, dont plusieurs pourraient avoir été mis, depuis plus de deux ans, aux termes des actes constitutifs de la fondation, en possession de bourses d'étude qui leur sont destinées.
« En admettant, etc., etc.
« (Signé) De Monge. »
Eh bien, messieurs, cette lettre est le résultat d'une erreur et elle a reconnue et rectifiée par l'honorable M. De Monge avec la loyauté qui l'a toujours distingué dans tous les actes de sa longue administration.
M. De Monge avait été induit en erreur ; il n'avait à se plaindre que d'une chose, c'est que la production des comptes a été retardée ; mais quant à l'emploi des fonds, il était légal et il l'a reconnu dans une lettre que je tiens en mains et dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture.
Elle est datée de 1857.
« Vous remarquerez, messieurs, que c'est seulement à défaut d'avoir fait connaître à la députation la destination qu'ils avaient l'intention de donner aux fonds qu'ils réservaient alors en caisse, que les administrateurs de la fondation Jacquet se sont attiré, de la part de ce collège et de la mienne, une admonestation et je n'ai pas d'autres reproches à leur faire. »
Voilà donc cette lettre, qui a servi de cheval de bataille dans la discussion de 1857, expliquée par sou auteur de manière qu'il ne reste plus rien des griefs, si ce n'est le reproche de négligence dans la reddition des comptes.
Puisque j'ai la parole et que peut-être la Chambre n'a pas l'intention de continuer longtemps encore cette discussion, je vous dirai deux mots d'une autre fondation. Je veux parler de la fondation de la dame de La Motte, à Ypres.
Depuis quelques jours, nous avons vu de singulières révélations à propos des allégations de l'honorable ministre de la justice, dans plusieurs journaux ; celle qui concerne la fondation La Motte n'est pas une des moins curieuses. Je tire mes renseignements d'un excellent journal intitulé Journal d'Ypres.
Voici, messieurs, l'accusation telle qu'elle figure dans le discours de M. le ministre de la justice au Moniteur :
« La demoiselle Van Zuutpeene, dame de La Motte, avait crée une école-atelier où les jeunes filles pauvres recevaient l'instruction primaire et apprenaient à faire des dentelles.
« A la révolution, les biens furent confisqués.
« Plus tard on reconnut que ces biens étaient aux mains d'une corporation religieuse, et ce n'est qu'en 1840 qu'on parvint à obtenir les comptes de cette corporation.
« Et savez-vous et qui est arrivé ? L'institution a perdu presque entièrement son caractère d'école ; sur onze ou douze heures que les enfants (page 822) y passent chaque jour, ils ne reçoivent l'instruction que pendant une heure, et seulement de jour à autre.
« Il y a 25 sœurs pour 250 jeunes filles environ dans un établissement qui, d'après l'octroi primitif, ne pouvait avoir plus de 4 institutrices, sans une permission expresse du souverain. Le nombre des institutrices fut ensuite porté à 8, puis à dix. »
Eh bien, messieurs, s'il faut en croire les journaux, il y a là autant d'erreurs que de faits allégués. D'abord il n'y a pas eu création d'une école-atelier, mais d'un atelier-éeole. L'atelier était la chose principale et l'école n'était que l'accessoire, ainsi que cela résulte des articles 2 et 3 de l'acte de fondation approuvé par Marie-Thérèse.
« Art. 2. La principale fin de cette institution est d'assister dans leurs besoins corporels et spirituels un très grand nombre de filles pauvres de tout âge, auxquelles on apprendra la dentelle... »
Voilà la chose principale de l'institution.
« Art. 3. On leur enseignera journellement et principalement le dimanche et les jours de fête après les offices divins, les principes de la doctrine chrétienne ainsi que la lecture et l'écriture. »
Voilà l'accessoire et à tel point l'accessoire qu'il ne m'est pas démontré que cette fondation tombe sous l'application de votre loi de 1864, et que ce ne soit pas tout simplement une fondation de charité... (Interruption.) Et la preuve me dit-on, c'est qu'on lui fait payer la patente comme atelier de dentelles.
« Ces biens de la fondation furent confisqués à la révolution française, » ajoute le ministre. Cela est inexact ; jamais les biens n'ont été confisqués, ces biens sont toujours restés dans la possession des personnes auxquelles ils avaient été légués.
« Plus tard on reconnut que ces biens étaient dans les mains d'une corporation religieuse. »
Mais cela était reconnu depuis toujours ; depuis l'acte de fondation jusqu'aujourd'hui, c'est-à-dire pendant un espace de 100 ans, c'est toujours la même corporation religieuse qui a été à la tête de l'atelier ; la découverte n'était donc pas bien difficile.
Maintenant, dit-on, elle a perdu son caractère.
Pas du tout ; le caractère principal de cette institution a toujours été et est encore maintenant d'en faire un atelier d'apprentissage, mais néanmoins l'instruction s'y donne encore chaque jour et quand les parents veulent bien l’autoriser, elle se donne une et même deux heures par jour, mais la plupart des parents n'y consentiraient pas et retireraient plutôt leurs enfants de l'atelier.
D'ailleurs n'est-ce pas ce qui se produit dans les autres ateliers d'apprentissage ? Et l'honorable ministre peut s'assurer, dans l'un des derniers rapports officiels de la Flandre occidentale sur les ateliers d'apprentissage, que l'enseignement littéraire réglé sur le pied d'une heure par jour est déclaré suffisant.
Par conséquent l'école de Mlle La Motte fait plus que les ateliers d'apprentissage de l'Etat. De quoi se plaint donc M. le ministre ?
Mais, dit-on, il y a 25 sœurs pour 250 jeunes filles ; voyez quel abus ! Il ne pouvait y en avoir que quatre, à moins d'une autorisation du souverain. Eh bien, cette autorisation a été donnée. Joseph II, par décret impérial, a autorisé l'augmentation du nombre de religieuses proportionnellement au nombre d'enfants à enseigner.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Avec l'autorisation du magistral ; or, on n'a jamais demandé cette autorisation.
M. Wasseige. - L'interruption de l'honorable ministre me rappelle une chose, c'est que le magistrat d'Ypres ne s'occupait pas beaucoup de cette école ; en effet, on se plaint que les comptes n'avaient pas été rendus depuis 1840, c'est vrai ; mais pourquoi ? Parce que le magistrat d'Ypres, qui pouvait déléguer un fonctionnaire pour vérifier les comptes, ne l'a jamais fait avant 1842 ; à cette époque, il les réclama et depuis lors ces comptes ont été toujours produits d'une manière régulière.
25 sœurs pour 250 jeunes filles, dit-on, voyez un peu !
Mais d'abord ce n'est pas 250 élèves qu'il faut dire, mais au moins 500 jeunes filles ; ensuite ce n'est pas 25 sœurs, mais 22 sœurs ; et si vous avez d'autres chiffres à votre dossier, M. le ministre, c'est que vos renseignements remontent au moins à 1860.
Or, si vous déduisez de ce nombre les servantes, les infirmes ; si vous faites pour cet établissement ce que vous avez fait pour l'atelier Tceninck, vous ne trouverez peut-être pas une sœur pour vingt-cinq à trente élèves, auxquelles il faut enseigner la dentelle, la couture ou autres ouvrages de main, outre les éléments de l'instruction primaire.
Or, je le demande, une sœur pour vingt-cinq à trente élèves, cela constitue-t-il un couvent ? Les professeurs de l'Etat, dans bien des établissements, ont-ils plus d'élèves ? Ne pourrait-on pas citer certains ateliers d'apprentissage dans les Flandres où l'instituteur n'a que quatre élèves ? Si un établissement qui compte vingt-deux sœurs pour trois cents élèves est un couvent, l'instituteur préposé à l'enseignement de quatre élèves peut, à plus forte raison, être appelé un anachorète.
Voilà les faits qui ont été révélés par la presse sur cette école de La Motte. Je demanderai à M. le ministre de la justice ce qu'il en est et qu'il veuille bien rectifier les faits que j'ai produits s'ils sont inexacts. Je demanderai ensuite à M. le ministre de l'intérieur, ancien bourgmestre d'Ypres, ce qu'il pense des explications de son collègue.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je puis dire dès maintenant que tout ce que vous avez dit est inexact...
M. Wasseige. - J'espère que vous ne vous contenterez pas de cette allégation et que vous voudrez bien la prouver. Voilà les faits rectifiés pour la fondation de Rochefort et pour la fondation d'Ypres. Après les avoir scrupuleusement examinés, on s'aperçoit qu'il reste bien peu de chose des accusations qui font l'objet du réquisitoire de M. le ministre de la justice.
Oh ! je sais bien, messieurs, que M. le ministre de la justice va probablement nous répéter son imperturbable affirmation : « Vous n'avez rien détruit, vous n'avez rien démoli, toutes mes attestations restent parfaitement debout, » et tout cela en lisant certaines pièces que j'ai lues avant lui et que j'ai réfutées, mais sans tenir aucun compte de ma réfutation, M. le ministre nous répétera de nouveau : « Toutes mes accusations restent entières ; sauf l'affaire Colin, à propos de laquelle j'ai commis une erreur que j'ai immédiatement reconnue et réparée, vous n'avez rien détruit des abus que je vous ai signalés »
Mais, que M. le ministre me permette de le lui dire, ses affirmations ne produisent plus le moindre effet ; on n'y croit plus (Interruption) ; et si M. le ministre n'a rien de mieux à nous dire pour justifier la loi de 1864, il faut bien reconnaître que cette justification n'est guère concluante.
Cette loi est d'ailleurs injustifiable ; cette loi n'est pas ce qu'on prétend toujours, c'est-à-dire une loi de redressement d'innombrables abus. Chaque jour M. le ministre vient nous dire qu'il a signalé 150 faits abusifs ; tandis qu'en réalité il n'a parlé que d'une cinquantaine de faits que nous avons pour la plupart détruits ; je l'atteste, je l'affirme, il reste bien peu de chose de votre acte d'accusation.
Du reste, tous ces faits fussent-ils vrais, et y en eût-il dix fois davantage, je répéterais ce qui a été dit déjà, mais ce qu'il est bon de répéter encore parce que c'est là le véritable nœud de la question, je répéterais que la loi de 1864 n'en serait pas plus justifiée, parce qu'il n'est pas permis, pour réparer des abus, de confisquer la propriété d'autrui.
Mais, messieurs, si de tels principes étaient admis, toutes les sociétés particulières pourraient être menacées sous prétexte d'intérêt d'ordre public. Chaque jour le gouvernement pourrait dire : Telle administration spéciale de telle société anonyme ou autre se comporte de manière à compromettre les intérêts qui lui sont confiés ; en conséquence, je la supprime, je l'exproprie. Ainsi, par exemple, pourquoi M. le ministre des finances ne confisquerait-il pas un jour la Société Générale, sous prétexte que cette société, qui a une administration spéciale, est mal administrée ? (Interruption.)
- Un membre. - Sous le roi Guillaume, cela s'est fait.
M. Wasseige. - Pourquoi M. le ministre des travaux publics ne pourrait-il pas, sous prétexte de mauvaise gestion, d'accidents souvent répétés, confisquer le chemin de fer du Luxembourg (interruption), qui est aussi dirigé par une administration spéciale ? Mais cela serait absurde quoique rigoureusement conforme au principe admis dans la loi de 1864 ; et j'espère que, dans ce cas-ci, les administrateurs de la compagnie du Luxembourg seront de mon avis : une fois n'est pas coutume.
Mais, messieurs, le but de M. le ministre n'a pas été de justifier la loi de 1864 ; il avait deux autres motifs que je vais indiquer.
Le premier a été, à la veille des élections, de provoquer une agitation contre le clérical ; c'est une manœuvre électorale et rien que cela. Eh bien, ce premier but a été complètement manqué : l'agitation anticléricale ne s'est pas produite, l'émotion publique s'est tournée contre l'honorable ministre. (Interruption.)
Oui, cela est ainsi, je l'affirme, et j'espère qu'il en aura bientôt la preuve.
Le second motif de M. le ministre a été de trouver un dérivatif à la loi sur la réforme électorale.
- Voix à droite. - C'est cela. Très bien !
(page 823) M. Wasseige. - Quant à ce second but, franchement je crains fort qu'il ne soit atteint, malgré nos protestations énergiques et alors qu'il a déjà réussi une première fois, il y a quelques jours, quand, à défaut d'une voix seulement, il a été décidé que la discussion actuelle primerait la discussion de la réforme électorale.
Voilà ce qu'a produit et ce que produira probablement encore la complaisance de la majorité, complaisance d'autant plus naturelle que, pas plus que nous, la majorité ne veut de la réforme électorale proposée par le gouvernement.
J'ajoute, pour rendre toute ma pensée, que le gouvernement n'y tient guère lui-même et que son projet n'est autre chose qu'une machine de guerre contre les propositions des honorables MM. Guillery et Nothomb. Une fois ces propositions enterrées, on déclarera que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, et il ne sera plus question de réforme électorale. Voilà le but qu'on a poursuivi et celui-là, je le répète, je crains fort qu'on ne l'atteigne.
Je terminerai, messieurs, par une demande à laquelle je prie M. le ministre de vouloir bien répondre.
En 1857, alors que nous nous occupions déjà des fondations de bourses, l'honorable M. Frère-Orban, si je me rappelle bien, demanda à l'honorable M. Nothomb, alors ministre de la justice, la formation d'une commission pour publier les actes de fondation et tous les renseignements qu'elle jugerait utile de produire. L'honorable M. Nothomb obtempéra immédiatement à cette demande, ce qui prouve une fois de plus que quand nos amis sont au pouvoir, ils ne redoutent pas la lumière et sont prêts à faire faire toutes les publications que leur demandent leurs adversaires, ce que vous n'avez pas fait jusqu'à présent ; nous verrons si vous le ferez tout à l'heure.
Cette commission a été instituée ; elle était composée de MM. Faider, Gachard, Malou, Orts et Paquet ; mais je ne sache pas que cette commission ait fonctionné ; je demanderai à M. le ministre pourquoi ?
MfFOµ. - Vous vous trompez ; cette commission a fonctionné.
M. Wasseige. - Eh bien, alors je demanderai pourquoi on ne nous a pas fait connaître le résultat de ses travaux.
MfFOµ. - La commission a dit que ce travail était en quelque sorte impossible. Mais nous avons fait quelque chose de plus : on s'occupe en ce moment même précisément de l'impression des actes de fondation.
M. Wasseige. - Oui, mais cette publication est un peu tardive aujourd'hui que les bourses sont confisquées. Il eût été infiniment préférable de faire ce travail avant la loi de 1864, afin de pouvoir s'en servir pour l'examen et la discussion de votre loi.
M. Thonissenµ. - Il fallait commencer par là.
M. Wasseige. - Evidemment ; et, messieurs, si vous me permettez une expression très vulgaire, mais qui rend si parfaitement ma pensée que je me risque à l'employer, je dirai que ce sont des figues après Pâques.
Le ministère pouvait s'éclairer et améliorer ; il a préféré confisquer ; c'était plus court et plus facile.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La dernière observation qu'a présentée l'honorable M. Wasseige n'est évidemment pas fondée : si l'honorable M. Nothomb a nommé une commission, cette commission ne l'a guère servi, puisqu'elle a déclaré que la publication du travail dont on l'avait chargée était inutile et présentait de grandes difficultés qu'il n'était ni utile, ni nécessaire de chercher à vaincre. Mais il y a plus : nous nous occupons de l'œuvre que n'a pas entreprise la commission instituée par l'honorable M. Nothomb. Nous allons publier les actes de fondation et l'honorable M. Wasseige pourra se convaincre alors que, loin de redouter la lumière, nous faisons cette publication dans l'intérêt même des ayants droit.
Autrefois qu'arrivait-il ? Des familles s'adressaient à des administrateurs spéciaux et réclamaient copie des testaments pour faire valoir leur droit à l'obtention de bourses d'étude ; eh bien, les administrateurs leur refusaient ces documents. Voilà comment les administrateurs spéciaux traitaient les boursiers, et il y a au département de la justice des plaintes motivées sur ces refus.
Les administrations provinciales chargées de gérer les biens affectés aux bourses d'étude donneront tous les renseignements qu'on leur demandera. De telle manière que les intéressés seront désormais en position de faire valoir leurs droits. Mais le travail auquel on se livre en ce moment est extrêmement long, chacun le sait.
Je regrette, messieurs, pour répondre maintenant au discours de l'honorable M. Wasseige, de devoir lui répéter, au risque de lui déplaire, que je ne puis rien rétracter de tous les faits que j'ai avancés relativement à la fondation Jacquet.
M. Van Overloopµ. - C'est évident.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est évident, dit l'honorable M. Van Overloop. Est ce que, par hasard, pour lui être agréable il faudra que je déclare que tout ce qu'a dit l'honorable M. Wasseige est conforme à la vérité et que tout ce que j'ai avancé est erroné.
M. Van Overloopµ. - Vous ne direz pas autre chose que ce que vous avez déjà dit.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voici le singulier système de la droite : J'avance un fait ; la droite parle à côté ; elle vient par l'organe de l'honorable M. Jacobs, par exemple, plaider des circonstances atténuantes au profit de ses clients ; mais les faits allégués subsistent en entier, et l'honorable M. Van Overloop veut que je reconnaisse que ces faits sont inexacts. Mais je ne puis pas faire ce sacrifice à la droite ; je dois maintenir la vérité avant tout ; je ne puis pas rétracter ce qui est vrai ; je me suis empressé de rétracter le fait Colin, parce qu'on a établi que j'avais été dans l'erreur ; mais l'honorable membre veut que je rétracte des faits qui ne sont que l'expression de l'exacte vérité !
L'honorable membre a parlé en dernier lieu de la fondation Van Zuntpeene ; heureusement qu'il n'a pas pris sous son patronage les observations qu'il a présentées à la Chambre ; si, pour réfuter ce que je dis, l'honorable M. Wasseige va chercher ses arguments dans les journaux de l'opposition, mon Dieu ! je suis dans l'erreur la plus complète ; il n'y a pas un mot de vrai dans tout ce que j'ai affirmé ; mon discours est une diffamation d'un bout à l'autre, et c'est un tissu de calomnie. Mais l'honorable membre voudra bien croire qu'entre des pièces authentiques, émanées d'autorités publiques et l'allégation d'un journal catholique de je ne sais où, il y a une légère différence. (Interruption.)
Vous allez entendre les pièces authentiques ; si l'honorable M. Wasseige avait lu le rapport qui a été fait au consei1 communal sur cet objet, rapport qui se trouve dans les documents que j'ai fait imprimer, il se serait convaincu que l'article du journal dont il s'est servi ne pouvait infirmer mes déclarations.
Voici ce que je lis dans le rapport adressé, le 2 février 1860, au conseil communal d'Ypres :
« Nous voyons dans les lettres patentes d'octroi de 1766, qu'il est expressément stipulé, ce qui était d'ailleurs conforme aux intentions de la fondatrice, que le nombre des maîtresses ne pourrait excéder celui de quatre, sans une permission expresse de l'autorité souveraine ; et que la fondation ne pourrait jamais être érigée en clôture ou monastère.
a Par requête en date du 17 octobre 1774, le magistrat d'Ypres sollicita une augmentation du nombre des maîtresses, se basant sur la grande extension que prenait l'école de Sainte-Marie.
« En effet ledit magistrat y exposa, qu'outre les 91 élèves qui s'y trouvaient à la date susmentionnée, on pouvait encore y en admettre plus de 200.
« Sa Majesté I. et R. accueillit cette demande et fixa le nombre des maîtresses à huit. Cette permission est du 8 janvier 1776. »
Ainsi donc pour 291 élèves, en 1776, il ne fallait que 8 maîtresses, et nous allons voir qu'actuellement il y a 26 religieuses pour 250 élèves
« Plus tard une nouvelle augmentation fut demandée et par lettres patentes d'octroi en date du 30 mars 1786, l'empereur Joseph permit à Mme la directrice et aux maîtresses alors en fonctions, de s'adjoindre, de l'aveu du magistrat d'Ypres, autant de nouvelles maîtresses d'école qu'elles pouvaient démontrer leur être nécessaires pour l'instruction des enfants, en vérifiant, en même temps, que les revenus de la fondation permissent cette augmentation. »
Or, il est certain que quand Joseph II autorisait la direction à s'adjoindre, du consentement du magistrat, de nouvelles maîtresses, l'augmentation du nombre des maîtresses devait être proportionné aux besoins de l'institution.
Or, qu'a-t-on constaté dans l'école ?
« Mais nous savons pertinemment, dit le rapport, et cela résulte des déclarations de Mme la supérieure même, qu'il se trouve actuellement à l'établissement vingt-cinq sœurs, plus une novice. »
Voilà donc 25 sœurs pour 250 enfants : ce qui fait une sœur pour 10 élèves, alors que, d'après les intentions de la fondatrice et d'après le décret de 1774, il n'y avait que 8 maîtresses pour 291 élèves.
Voilà le nombre des maîtresses augmenté de 17. Je vous demande, messieurs, si ces 26 sœurs ne forment pas un véritable couvent.
(page 824) M. Wasseige. - Mais huit maîtresses supposent un certain nombre d'intermédiaires, de sœurs converses, de sœurs âgées, et puis d'ailleurs, qu'est-ce que cela prouve ? Les fonds attribués à la fondation n'ont pas varié, qu'est-ce que cela fait à l'intérêt public que ces fonds soient attribués à 25 religieuses au lieu de l'être à huit ? La fondation reste la même.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne sais pas ce que sont ces intermédiaires ; les élèves ne logent pas dans l'école ; elles n'y sont pas nourries ; il n'y a d'autre ménage à faire dans l'institution que celui des sœurs ; est-ce qu'il faut pour cela un personnel si nombreux ? Le personnel qu'exige l'entretien des classes est certainement insignifiant.
II est donc parfaitement établi que l'institution a été changée en couvent, contrairement aux intentions de la fondatrice.
Les jeunes filles devaient recevoir l'instruction primaire dans l'établissement. Le testament dit qu'on devait y enseigner journellement la doctrine chrétienne, la lecture et l'écriture.
Or, voulez-vous savoir comment, d'après le rapport fait à l'autorité communale, l'enseignement était donné dans l'école de la fondation Van Zuntpeene :
« Comme il est dit plus haut, les sœurs, dites de la Motte, sont au nombre de vingt-cinq, plus une novice.
« Elles tiennent une école gratuite de filles pauvres ou peu fortunées.
« Cette école est maintenant fréquentée par environ 250 enfants.
« Dès le mois d'avril, on se rend à l'établissement à six heures du matin jusqu'à midi, l'après-dîner de une à sept heures et demie.
« En hiver de sept heures et demie du matin jusqu'à midi, et l'après-dîner de une heure à sept et demie.
« L'on y enseigne la lecture, l'écriture et les quatre règles de l'arithmétique.
« Les enfants sont réparties en six classes, savoir :
« Trois classes qui apprennent, de jour à autre, une heure l'après-midi.
« Le reste du temps est consacré au travail manuel, consistant principalement dans la confection des dentelles. On y apprend également un peu la couture.
« Pour ce qui regarde le produit du travail des élèves, la supérieure affirme qu'il est vendu au profit des élèves, mais nous avons des affirmations contraires de la part d'anciennes élèves de l'école de La Motte, et qui prétendent que de fortes retenues sont faites sur le travail des enfants.
« Les biens immeubles de l'établissement figurent au cadastre sous le nom de Mme Modden, ancienne supérieure de la congrégation et qui est morte depuis l'année 1824. »
Voilà comment les intentions de la fondatrice sont réalisées. Tandis qu'elle impose l'obligation de tenir classe tous les jours, les jeunes filles ne reçoivent de leçons que de jour à autre, et chaque fois pendant une heure, soit pendant trois heures par semaine.
L'honorable M. Wasseige a repris le passage de mon discours où j'avais dit que les biens de la fondation de la Motte avaient été confisqués en 1789. C'est parfaitement exact ; seulement l'honorable membre a confondu le fait avec le droit ; les biens ont été confisqués, il est vrai ; mais les religieuses sont restées en possession.
La confiscation n'en a pas moins été décrétée.
M. Wasseige. - Si vous ne nous aviez confisqué les bourses que de cette manière, nous ne nous plaindrions pas autant.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voilà ce que j'ai dit : voilà la vérité quant à cette fondation : c'est qu'avec l'argent qui a été donné pour l'instruction des filles pauvres, on entretient 25 religieuses... (Interruption.)
Ces religieuses conservent toutes leurs autres ressources ; la loi actuelle n'a rien à y voir ; quant aux revenus affectés à l'enseignement, ils ne seront plus appliqués à nourrir 25 religieuses pour 250 filles pauvres ; avec cet argent, on aura une très bonne école et cela conformément aux intentions de la fondatrice. Donc, sous ce rapport, la loi de 1864, loi d'être une loi de spoliation, est, ainsi que j'ai eu déjà l'honneur de le dire, une loi de restitution et de réparation.
J'arrive à la fondation Jacquet.
L'honorable M. Wasseige fait l'histoire de toutes les péripéties de cette fondation.
Je ne le suivrai pas dans les développements dans lesquels il est entré. Je ne me fais pas fort de discuter devant cette Chambre tous les détails qui sont relatifs à une fondation. Mais j'ai avancé un point dans mon discours et c'est ce seul point que je doive soutenir.
J'ai dit que, dans la fondation Jacquet, ce qui avait été attribué par le fondateur aux bourses d'étude avait été détourné de sa destination et employé au profit d'un enseignement donné par les petits frères. Est-ce exact ?
M. Wasseige.- Conformément à l'acte de fondation.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous allez voir que non.
La loi de 1864 a pour but de faire respecter la volonté des testateurs ; cette volonté était méconnue ; et c'est pour qu'il n'en soit plus ainsi à l'avenir que la loi de 1864 a été faite. C’est un des motifs de la réforme qui a été opérée dans le régime des fondations.
Dans la fondation Jacquet, des bourses d'étude devaient être données pour faire des études supérieures. Ces bourses avaient pour revenu ordinaire d'après le rapport de la députation permanente : en 1840 4,000 fr., en 1842 2,525 fr., en 1843 2,286 fr., en 1844 2,411 fr. 63 c. et en 1845 3,291 fr. Environ donc un revenu annuel de 3,000 francs.
Eh bien, de 1835 à 1850, la commission selon le cœur de l'honorable M. Wasseige, d'après son propre langage, n'a conféré aucune bourse d’étude et a tout donné à la commune et aux petits frères pour l'enseignement primaire.
C'est conforme, prétendez-vous, au testament. Je dis que vous êtes dans l'erreur. J'admets que le testateur ait déclaré qu'en cas d'insuffisance de fonds pour l'instruction primaire, des prélèvements devaient être opérés sur les revenus affectés aux bourses d'étude. Mais se trouvait-on dans cette hypothèse ?
Si la commune de Rochefort avait rempli ses obligations comme les autres communes du pays, si elle avait établi une école primaire aux termes de la loi de 1842, on aurait pu continuer à conférer des bourses d'étude. Au lieu de cela, la commune de Rochefort ne dépense rien pour l'instruction primaire et elle emploie le revenu des bourses en faveur des frères de la doctrine chrétienne. Voilà ce qui a eu lieu et je dis que c'était la violation de la volonté du testateur.
Je n'approuve pas plus le conseil communal de Rochefort d'avoir consacré les revenus de la fondation Jacquet à payer les frais d'une école moyenne que je n'approuve la commission des bourses d'avoir remis les fonds des bourses aux petits frères.
C'est pour faire disparaître les abus, que ces abus proviennent des administrations communales ou d'administrations de fondations, que la loi de 1864 a été faite. Or, je le répète, dans l'espèce, si la commune avait rempli les obligations que la loi lui impose en matière d'instruction primaire, il est évident que le patrimoine des bourses n'eût pas été détourné de sa destination.
Vous voyez donc que vous n'avez aucune raison d'attaquer les faits que j'ai cités et que vous vous êtes placés à côté de la question pour défendre soit l'administration communale de Rochefort, soit tel fonctionnaire dont je n'ai pas à m'occuper. J'ai parlé d'un fait et c'est ce seul fait que j'ai voulu prouver.
Messieurs, hier l'honorable M. Thibaut et l'honorable M. Dumortier se sont beaucoup appesantis sur une question d'étendue de terrain. Vous savez que dans la fameuse fondation Wauthier, il n'y avait, selon l'honorable M. Dumortier, que 21 journels au lieu de 21 hectares de terre, et l'honorable M. Dumortier s'écrie : Dans la bouche accusatrice de M. le ministre de la justice, les journels deviennent des hectares.
Or, ce qu'il y a de curieux, c'est que l'honorable M. Dumortier avait en main la pièce dans laquelle se trouve la preuve que la députation permanente de Namur avait eu raison de dire que la fondation Wauthier se composait de 21 hectares. Je n'avais pas ce document dans mon dossier et je n'ai pu en donner lecture. Je me suis borné à faire observer à la Chambre que la question n'était pas dans le plus ou moins d'hectares, attendu que le principe était le même. Mais voici la pièce. Je vais vous en donner lecture :
« L'an vVIII de la république française une et indivisible, le 12 brumaire, par devant le notaire public au département du Nord, de résidence à Trelon, chef-lieu de canton, en présence de Laurent Fosset et Nicolas Waltier, demeurant à Eppe-Sauvage, témoins invités, furent présents : 1° Le C. François-Matthias Wauthier, propriétaire affermant, demeurant à Vierves, canton de Treignes, département des Ardennes, précédemment chanoine à Walcourt, connu desdits notaire et témoins, d'une part ;
(page 825)
« 2° Et le C. Nicolas-Gracien Carion, maître de forges, demeurant à Anor, canton de Trelon, propriétaire des biens de Macquenoise, lui échus par le trépas de Charles-Nicolas Carion, son père, aussi connu desdits notaire et témoins d'autre part. Lesquels pour éviter l'exécution rigoureuse de diverses décisions portées à la charge dudit Carion, prévenir toutes difficultés mues et à mouvoir entre eux, le tout à cause des capitaux et arrérages des rentes que ledit défunt Carion en affectant et hypothéquant les biens de Macquenoise, a constituées envers défunt Antoine Wauthier vivant aussi chanoine audit Walcourt, parent du premier comparant, celui-ci représentant pour 196/225èmes ès-dites rentes, sont convenus et en forme de transaction, ont accordé et statué les points et articles qui s'en suivent :
« 1° Ledit Carion, pour être entièrement libéré tant en principal qu'en arrérages envers ledit Wauthier pour ladite quotité de 196/225èmes desdites rentes, il a cédé, quitté et transporté et par le présent article il cède, quitte et transporte audit Wauthier pour lui ou pour command qu'il pourra nommer en détail, ce acceptant, les biens ci-après faisant partie de ses propriétés audit Macquenoise :
« l° Un héritage nommé le grand vieux pré situé entre la forêt de Saint-Michel et la fagne de Chimai, tenant à la queue de l'étang de la Lobiette ; cet héritage contenant dix journels environ compris les haies d'alentour, il a été estimé à 350 livres le journel. »
(Dix journels, M. Dumortier, veuillez avoir l'obligeance d'additionner.)
« 2° Un héritage contenant environ quatre journels, compris les haies d'alentour et quelques verges embosquées, nommé le petit Vieux pré, tenant aux mêmes bois et à la précédente. »
« 3° Un héritage nommé le pachis Nisot, contenant vingt deux journels environ, les haies vers Macquenoise et vers l'étang et faisant partie dudit héritage, situé vis-à-vis et au midi de la queue de l'étang dudit Macquenoise.
« 4° Un autre héritage nommé la masure la Jeunesse, contenant dix journels environ, situé au même lieu, tenant à la partie précédente.
« 5° Enfin, quatre journels d'autre héritage, situé au même lieu, tenant à la partie précédente ; lesquels héritages ledit Carion déclare lui appartenir disponiblement et conditionné quittes et libres de toutes dettes, charges, rentes, rapports et hypothèques du passé jusqu'à ce jour, condition de rigueur sans laquelle lediltWauthier n'aurait adhéré à la présente transaction ; pour d'iceux héritages en avoir par le premier comparant la propriété et jouissance dès le moment à toujours en vertu dudit transport qu'il accepte, savoir la partie derrière deux journels, faisant l'objet de l'article 3 ci-dessus pour représenter les arrérages qui lui étaient dus, et les autres parties pour représenter les capitaux desdites rentes, constituées par ledit défunt Charles-Nicolas Carion toujours pour ès-dites quotités de 196/225èmes.
« « Art. 2. Au moyen du transport ci-dessus et moyennant les garanties que ledit Carion promet, pour répondre de tous troubles et évictions qui pourraient arriver audit Wauthier à cause desdits biens, moyennant encore que ledit Carion fasse retirer les occupateurs desdits biens pour que l'entrée en jouissance de la part dudit Wauthier ne soit point litigieuse ni désagréable, moyennant encore que ledit Carion fît approuver ledit transport par la Ce Waroquier, sa mère, déjà autorisé par procuration du 17 fructidor, l'an VII, enregistré à Trelon le 25 suivant, pour ce qui peut lui compéter et appartenir auxdits biens, ledit citoyen Wauthier déclare que ladite quotité de 196/225èmes ès-dites rentes sera éteinte les autres biens dudit Macquenoise et ledit Carion même libérés entièrement à cet égard à toujours ; ces extinction et libération n'ayant de réalité qu'au moyen de la pleine propriété et de la paisible jouissance desdits biens en faveur dudit C. Wauthier, lequel dans le cas contraire entend qu'il pourra regarder la présente transaction comme non-avenue et rentrer dans tous les droits, privilèges et prérogatives qui constituent ladite quotité de 196/225èmes ès-dites rentes et consuivre comme il appartiendra l'effet et l'exécution des titres constitutifs.
« 3° Au moyen de ce que dessus, toutes procédures déjà jugées, toutes causes à mouvoir et généralement tous comptes relatifs à ladite quotité de rentes seront terminés à toujours et pour l'exécution parée de ce que dessus, les comparants ont consenti à toutes formalités d'enregistrement et d'inscription hypothécaire à s'ensuivre pour la réalisation dudit transport dont l'importance est à la valeur de douze mille francs, les frais des présents, ceux d'enregistrement et d'expédition étant à la charge du second comparant. Lecture faite ont signé à Eppe-Sauvage les jours mois et an que dessus, après que le C. Carion a déclaré consentir aux passages nécessaires sur les propriétés restantes pour fréquenter et cultiver les héritages cédés. I. F. M. J. Wauthier, ex-chanoine, Carion, Laurent Fosset, H. Walter, H.-T. Demortain.
« L'an huit de la république française une et indivisible le quinze du mois de brumaire, par devant le même notaire instrumentant en présence de Joachim Henry et Joseph Bourgeois, demeurant audit Trelon, témoins invités soussignés, fut présente la comtesse Marie-Catherine Wauquier, veuve Carion, douairière des biens de Macquenoise, laquelle pour l'exécution entière de l'acte ci-après a déclaré renoncer à tous droits qu'elle a et peut avoir sur les cinq parties de biens transportés et a signé dessus le terrain d'Anot. La veuve Carion, Henry Bourgeois, H.-T. Demortain. »
En tout, 50 journels ; ce qui ferait probablement, selon la mesure du pays, les 21 hectares 22 ares dont parlait la députation permanente.
M. Dumortier. - Il y a quatre journels par hectare.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela dépend des localités.
M. Dumortier. - Jamais, c'est là un faux calcul que fait la députation permanente.
M. Delcourµ. - Ne soutenez pas le contraire, M. le ministre. Il y a là une erreur matérielle.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne le crois pas, attendu que lorsque la députation permanente de Namur, lorsque l'avocat de la fondation, lorsque l'administration de là fondation mettent dans leurs actes qu'il y a 21 hectares, ils avaient examiné ce que valait le journel, et il ne suffit pas d'une allégation de l'honorable M. Dumortier pour qu'il faille quatre journels pour un hectare.
Je le répète, cela dépend des localités ; il se peut qu'au lieu de quatre journels pour un bonnier il n'en faille que trois. D'ailleurs, la contenance du bonnier varie selon les localités.
Il n'est donc pas démontré que l'assertion de la députation permanente de Namur, quant à l'étendue des terres cédées par M. Carion de Macquenoise à M. Mathias Wauthier, soit erronée.
M. Thibautµ. - J'ai l'honneur de faire remarquer à la Chambre que j'ai lu hier, dans son entier, le document dont M. le ministre de la justice vient de nous donner un extrait. Mais M. le ministre s'est arrêté trop tôt. S'il voulait continuer la lecture de ce document, il verrait vers la fin que l'immeuble désigné sous le n°3 contenant 22 journels, a été cédé à M. le curé Wauthier en acquit des arriérés de rentes ; restent donc pour remboursement des capitaux les immeubles compris sous les numéros 1, 2 et 4 contenant ensemble 28 journels.
Quant à l'étendue du journel, M. le ministre dit qu'elle varie suivant les localités. Cela est vrai. Je dois cependant faire remarquer que dans la localité dont il s'agit, dans le Hainaut comme dans la province de Namur, on compte 4 journels au bonnier, et le bonnier vaut, à peu de chose près, l'hectare.
Mais, dans le cas actuel, la question est résolue par des actes, et l'honorable ministre, s'il avait voulu consulter toutes les pièces de son dossier, aurait pu faire un calcul parfaitement exact. M. le ministre a suivi, dit-il, le calcul de la députation permanente et de l'avoué de l'administration. Ils ont pu commettre des erreurs. Pourquoi M. le ministre n'a-t-il pas consulté les actes de vente ? Je les ai tous cités dans mon discours ; j'ai indiqué les notaires qui les ont reçus, la date à laquelle ils ont été passés et ce qu'ils contiennent. Or, dans ces actes de vente, la contenance de chaque immeuble est désignée en hectares et en ares. Si M. le ministre veut se donner la peine de les lire, il trouvera que les immeubles faisant environ 28 journels, suivant les énonciations de la transaction de brumaire an VIII, représentent à peu près 8 hectares. Maintenant, qu'il y ait une légère erreur dans l’énonciation de la contenance, soit dans la transaction de l'an VIII, soit dans les actes de vente, c'est possible ; mais ce qui n'est pas possible, c'est que 28 journels fassent 21 hectares.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous avez compté 50 journels.
M. Dumortier. - Dont 22 en propreté privée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous avez v, au commencement, que ce M. Carion agissait pour éviter toute difficulté à cause des capitaux et arrérages de rentes constituées envers défunt Antoine Wauthier et non pas envers Mathias Wauthier, M. Dumortier... (Interruption.) M. Dumortier est un élève extrêmement récalcitrant : je lui explique un acte et il ne veut pas le comprendre.
Je dis donc que ce M. Carion agissait... (Interruption.) Voilà des personnes qui vont prétendre que c'était à Mathias Wauthier et non à (page 826) Antoine Wauthier que les rentes étaient dues ! Je veux bien que Mathias agissait en nom personnel pour conserver les biens de la fondation, mais il n'agissait pas comme propriétaire, car alors il aurait volé les biens. Eh bien, que dit-il ?
« Lesquels héritages ledit Carion déclare lui appartenir disponiblement et conditionne quittes et libres de toutes dettes, charges, rentes, rapports et hypothèques du passé jusqu'à ce jour, condition de rigueur sans laquelle ledit Wauthier n'aurait adhéré à la présente transaction. » (Interruption.)
Vous demandez la lecture de l'acte et vous ne me le laissez pas lire.
« Pour d'iceux héritages en avoir par le premier comparant, la propriété et jouissance dès ce moment à toujours ; en vertu dudit transport qu'il accepte, savoir la partie de vingt deux journels, faisant l'objet de l'article 3 ci-dessus pour représenter les arrérages qui lui étaient dus, et les autres parties pour représenter les capitaux desdites rentes, constituées par ledit défunt Charles-Nicolas Carion toujours pour lesdits 196/225èmes. »
Donc, messieurs, cela est clair ; il y a une partie de 22 journels pour les arrérages, qui appartenaient à la fondation, et 28 journels pour les capitaux, qui appartenaient également à la fondation.
Maintenant M. Thibaut dit : « Mais vous avez les actes de vente. » Je ferai observer que nous n'avons pas tous les actes de vente ; c est précisément ce que le curé Wauthier n'a pas voulu nous donner ; il a prétendu qu'ils étaient restés entre les mains du notaire Demartain qui était tombé en déconfiture. Nous avons vu qu'il avait vendu en son nom personnel, mais ce n'est pas dans des actes de vente, c'est dans l'acte transactionnel qu'il faut rechercher les contenances des propriétés cédées ; or, ces contenances y sont désignées, et en les additionnant, M. Dumortier voudra bien le reconnaître, on arrive au chiffre de 50 journels. M. Thibaut dit : « C'est 7 hectares ; » or, il résulterait de là que le journel serait un huitième d'hectare ; hier ce n'était que le quart ; je crois, moi, que le journel formait à peu près le tiers d'un hectare et que la députation permanente de Namur a eu parfaitement raison de porter à 21 hectares la contenance des terres que M. Wauthier avait obtenues par suite de la transaction faite avec M. Carion, de Macquenoise.
M. Thibautµ. - Messieurs, cette discussion devient véritablement ridicule. (Interruption.) M. le chanoine Wauthier a acquis en son nom les immeubles cédés par la transaction du 12 brumaire ; il les a acquis en son propre nom et non pas au nom de la fondation. Le cédant, M. Carion, était débiteur des rentes en vertu d'un acte de 1773 et non pas en vertu du testament de 1776, qui attribuait ces rentes à une fondation. Il traitait du remboursement avec l'héritier de son créancier, et dans l'acte, il n'est fait aucune allusion à la fondation. M. le chanoine Wauthier, devenu propriétaire de 50 journels, en a vendu 22 le lendemain par acte de M. Demartin. Il conserve les biens qui lui étaient donnés en remboursement des capitaux, c'est-à-dire 28 journels ; plus tard il les a vendus.
M. le ministre prétend qu'on n'a pas retrouvé les actes ; c'est une erreur : ils ont été produits dans le procès, et où les a-t-on trouvés ? Mais chez les dépositaires des minutes des notaires Demartin de Trelon, Deschamps de Maçon elBamblet de Beaumont, qui les avaient reçus.
Ces actes constatent que tous les immeubles cédés par l'acte de transaction en remboursement des capitaux, ont été vendus en l'an XII de la république et en l'année 1808. La contenance de ces divers immeubles, telle qu'elle est portée dans les actes de vente est de 8 hectares qui représentent les 28 journels, énoncés dans la transaction de brumaire an VII comme formant la valeur du capital des rentes.
Nier cela, c'est réellement nier la lumière en plein midi.
M. Dumortier. - Ce que vient de dire mon honorable ami M. Thibaut au sujet de la fondation Wauthier me dispense d'entrer dans beaucoup de considérations sur ce point, car il n'est pas possible de voir rien au monde de plus clair, de plus évident, que l'acte produit par mon honorable ami.
Comment, pour détruire les indignes accusations produites par le ministre, nous arrivons ici avec des actes authentiques renseignant tous les faits depuis le commencement, et l'acte de brumaire an VIII et les actes de vente, tous les actes originaux enfin, et il résulte de tous ces actes que les 21 hectares, volés par le chanoine Wauthier au dire du ministre, n'ont jamais existé. Et le ministre ose venir prétendre que les 28 journels cédés à la fondation en remboursement de son capital, plus les 22 autres qui avaient été cédés à M. Wauthier, en acquit de ses avances, que ces 30 journels forment 21 hectares ! Et il ose le soutenir alors que les pièces de son dossier fournisse la preuve authentique que ce 22 journels ne font que 8 hectares.
Tout cela ne prouve qu'une seule chose, c'est que M. Bara, qui me traite de singulier écolier, est un misérable maître d'école, qui veut toujours avoir raison et qui regarde le pays comme soumis à sa férule et à sa discipline.
Ce n'est point, messieurs, avec un tel magister qui vient, comme le fait M. Bara, enseigner à ses écoliers que 2 et 2 font 8, qu'on fera croire au pays que M. le ministre a raison. M. le ministre s'est grossièrement trompé ; il a audacieusement et contre toute vérité accusé le chanoine Wauthier d'avoir volé à la fondation 21 hectares de terre qui n'ont jamais existé, et ce fait seul, qu'il ne veut pas avouer qu'il a tort, en présence de l'évidence de son erreur, prouve la foi que le pays doit avoir dans cet immense acte d'accusation, dans ce dénigrement systématique des bourses de fondation, dont j'ai à vous parler et qui va faire l'objet de mon discours. J'abandonne donc l'incident Wauthier pour entrer en matière.
Messieurs, au point où en est arrivée cette longue discussion, je crois qu'il importe de résumer les débats et c'est ce résumé que je vais avoir l'honneur de vous présenter.
Comme mon travail sera considérable, je vous demanderai, messieurs, d'abord de l'indulgence, j'en ai toujours besoin devant vous, mes honorables collègues de la gauche ; quant à mes honorables collègues de la droite, ils sont trop bienveillants pour moi pour que j'aie à réclamer leur bienveillance. Je demanderai ensuite, s'il m'arrivait de me tromper dans l'un des faits nombreux que j'ai à citer, qu'on me rectifie, et en cela je ne ferai pas comme l'honorable ministre qui a prétendu qu'il était infaillible et impeccable, tout à fait comme l'encre de la Petite Vertu.
Quand j'examine ce long réquisitoire contre les hommes de bien, contre ces hommes de charité et d'amour de leur prochain qui ont géré, à titre d'administrateurs spéciaux des bourses d'étude, ces institutions pendant plus d'un demi-siècle, qui les ont fondées de leurs deniers et qui ont été très souvent les parents des, fondateurs, quand j'examine ce long réquisitoire qui excite, je dois le dire, au plus haut point mon indignation, je trouve que M. le ministre de la justice a divisé son travail en cinq catégories diverses.
La première comprend les irrégularités.
La seconde, les titres perdus par négligence.
La troisième est relative au mode de collation. M. le ministre accuse les administrateurs spéciaux de ne point avoir respecté la volonté des fondateurs que lui prétend respecter par la loi de spoliation des bourses d'étude.
La quatrième se rapporte à des faits de dissipation, de fraude ou de vol des fondations dont il s'agit.
Enfin la cinquième, in cauda venenum, c'est celle dans laquelle il prétend qu'on se sert des fondations de bourses d'étude pour en faire des couvents.
Oh des couvents ! quel crime abominable !
Voilà le grand mot lâché et vous savez qu'on espère soulever la Belgique entière avec ce mot pour se cramponner au pouvoir. (Interruption.)
Disséquons pour un instant cet immense travail. Soumettons-le au crible de la critique.
Débarrassons le bon grain du mauvais et voyons ce qui en reste par suite de la discussion à laquelle la Chambre s'est livrée depuis quelques séances.
Ici d'abord je dois remercier les honorables amis qui m'ont précédé dans la défense des dignes administrateurs qui ont géré ainsi les fondations de bourses d'avoir réfuté comme ils l'ont fait les accusations indignes de M. le ministre de la justice, et je vais vous prouver que toutes ces réfutations sont parfaitement fondées et exactes et qu'il n'est presque rien resté debout des accusations de M. le ministre de la justice. (Interruption.)
J'étais sûr d'avance de vos rires, mais croyez-le bien, la voix de la vérité n'expirera pas sur mes lèvres ; cela ne fera que me donner plus de courage comme à un soldat qui défend la justice et la vérité.
Voyons d'abord combien il y a de fondations de bourses d'étude en Belgique ?
Nous avons le tableau des fondations. J'ai pu me le procurer, et, en l'additionnant, j'ai vu qu'il y avait en Belgique, indépendamment des fondations qui ne sont pas sur le tableau et qu'on a retrouvées depuis, 769 fondations de bourses d'étude. Je vous prie, messieurs, de bien (page 827) tenir note de ce chiffre, parce que vous verrez ensuite tout cet échafaudage tomber devant vous.
Dans la première catégorie, relative aux irrégularités commises, combien M. le ministre de la justice signale-t-il de fondations qui ont accusé ces irrégularités ? Il en signale cinq ; ce sont les fondations Desorbais, Francq, de Martin, Grégoire et le fait du doyen de Saint-Pierre, à Louvain.
La seconde catégorie relative à certains capitaux perdus, à des fondations disparues, comprend 18 fondations, à savoir les fondations Connard à Ath, Libert de Froidmont, Huwart à Enghien, Guillaume Fauconnier, Gilsoux, Delvigne, Gilain, Pierre Recq à Mons, Nicolas de Bussignies, Bataille à Marchienne-au-Pont, Robert Molle à Louvain, Pierrot à Ransart, De Hautport à Ath, Jacques Lelièvre à Tournai. Duquesne à Tournai, Marcy de Chassepierre, De Lexhi à Liège et Collard à Ortho.
Cela fait 23 fondations pour ces deux premières catégories qui, dans le discours de. M. le ministre de la justice, sont souvent confondues. Or, comme il y a, en Belgique, 769 fondations.
M. Nothomb. - 785.
M. Dumortier. - J'entends qu'on me dit 785. Je crois que mon honorable ami qui me donne ce chiffre est plus exactement renseigné que moi.
Un membre : Conservez vos chiffres.
M. Dumortier. - Je conserverai mon chiffre, mais vous saurez que je suis en dessous d. la vérité Il est possible du reste que je me sois trompé dans le calcul.
Il en résulte donc que sur 769 fondations, 23 seulement ont pu être signalées comme en défaut et que 746 sont restées irréprochables quant à ces deux premiers griefs. Or, que sont ces deux premiers griefs ? Des irrégularités, rien que des irrégularités
Je demande maintenant s'il est possible de venir justifier la spoliation de ces bourses par ce fait que pendant une période de 50 à 100 ans il y aurait eu des irrégularités dans 23 fondations sur une masse de 769 institutions de ce genre.
Multipliez maintenant le chiffre total des fondations par les comptes annuels et vous verrez que M. le ministre a eu à sa disposition peut-être 40,000 à 50,000 actes. Et dans tout cela, il a trouvé pour les deux premiers griefs, 23 irrégularités !
Je vous demande si tout cet échafaudage ne tombe pas devant ce seul examen des chiffres et des faits énoncés par M. le ministre.
La troisième catégorie est, comme je vous l'ai dit, relative au mode de collation. C'est ici que se présentent les actes des administrateurs spéciaux qui ont manqué au respect de la volonté des fondateurs.
M. le ministre vient de vous dire encore tout à l'heure que c'est pour faire respecter la volonté des testateurs que la loi de 1864 a été faite.
Quels sont donc les faits énumérés dans la troisième catégorie ?
Ils sont au nombre de quatorze.
Ce sont les fondations Wansart, Jacques Martin d'Elouges, de Hautport, Gilles de Brabant, de Biseau, Colin, Thomassen, Deramaix, de Ghistelles, Dehoust, Van Tsestich, de Batty, Milius et Hayweghen.
C'est-à-dire 14 fondations. Il y a donc, d'après M. le ministre de la justice, 14 fondations qui ont manqué à la volonté des fondateurs. Eh bien, admettons un instant que ces faits soient prouvés, ce qui n'est pas, qu'en résulterait-il ? C'est que sur 769 fondations 755 seraient irréprochables du chef de violation de la volonté des fondateurs. Est c'est parce que 14 fondations ont manqué momentanément à la volonté des fondateurs qu'il faut renverser tout un édifice, et s'emparer des biens de toutes les fondations. Cela est-il juste ?
Maintenant vient la catégorie la plus sérieuse, celle des dilapidations et des vols. Il y a ici une accusation excessivement grave. Si quelqu'un a volé une fondation, il doit être puni suivant toute la rigueur de la loi ; si ce quelqu'un est un prêtre, appelé par sa profession à prêcher la morale, il doit être puni du maximum de la peine, parce qu'il a manqué non seulement comme citoyen, mais comme prêtre...
M. Coomans. - J'ai déjà dit cela.
M. Dumortier. - Or, je me demande où sont les condamnations ; je n'en vois pas une et cependant on signale des déprédations dans 18 fondations, savoir les fondations Breughel, Adriansens, Quewet, Wauthier, Meloz, Nizraumont, Beauvarlet, Van Hulle, Jean Ariens, Van der Ecken, Dumon, Franck, Hertzig, Marcy de Chassepierre, Thomassen, Van Rivieren, Capitte et Stevens Verdonck.
Ainsi sur un ensemble de 769 fondations fonctionnant pendant un laps de temps de 60 années, vous avez trouvé en tout 18 fondations dans lesquelles vous prétendez qu'il y a eu des vols. Et remarquez que je n'admets pas que cette prétention soit fondée. Je n'entends pas dire que jamais il n'y a eu d'abus, mais je dis que toutes vos allégations ne sont pas fondées ; je n'en veux pour preuve que les faits de la fondation Wauthier. Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que 752 fondations, c'est à-dire les quatre-vingt-dix-huit centièmes des fondations sont à l'abri de tout reproche, qui, je prie de le remarquer, est le seul reproche sérieux, car dans les trois premières catégories il ne s'agit, en réalité, que d'irrégularités que l'on élève à la hauteur de véritables abus.
La dernière catégorie est celle des établissements qui deviennent des couvents. M. le ministre de la justice, après bien des efforts, a pu citer 8 faits et ces faits, Dieu merci, sont parfaitement justifiables, la plupart au moins, car il s'agit le plus souvent d'écoles de métiers qui ont toujours été entre les mains de filles pieuses. De ces établissements dirigés par des filles pieuses, conformément à la volonté des fondateurs, on fait des couvents malgré la vérité, malgré les démentis donnés par MM. Jacobs et Delaet ; des institutrices on fait des religieuses, parce que les besoins de la cause exigent qu'on fasse intervenir des religieuses comme les besoins de la cause exigent que l'on représente les curés comme de voleurs.
Résumons ce premier aperçu. Vous remarquerez, messieurs, que sur les 769 fondations 59 seulement ont été signalées par M. le ministre de la justice comme présentant des abus, en sorte que de l'avis de l'accusateur lui-même 710 fondations sont irréprochables ; encore la plupart de ces prétendus abus ne sont que des irrégularités, et malgré cela on ose venir dire ici, dans un long réquisitoire, que la gestion des administrations spéciales est détestable, qu'elles ont dilapidé les bourses d'étude, montrant tous les administrateurs spéciaux comme des voleurs de bourses ; on ose venir ici vouer ces administrations à l'indignation publique, alors que les faits cités par l'honorable ministre lui-même sont la constatation de leur bonne gestion. Il m'est bien difficile de retenir mon indignation (page 828) quand je vois formuler de pareilles accusations pour un si petit nombre d'abus. En admettant que tous les faits indiques soient fondés, ce qui n'est pas, que prouveraient-ils ? C'est que partout où il y a des hommes il peut y avoir des abus ; mais ils prouveraient aussi que les abus commis dans les fondations privées sont bien moins considérables que ceux commis dans les administrations publiques.
N'oubliez pas ceci, c'est qu'à l'exception de 17 faits de quelque gravité tous les autres abus signalés par le ministre consistent en simples irrégularités. Or, qu’est-ce que des irrégularités en pareille matière ? N'en faites-vous pas tous les jours ? Est-ce que vos administrations provinciales et communales, vos bureaux de bienfaisance n'en font pas tous les jours ? Voyez les actes des différentes administrations publiques ; voyez les comptes rendus des députations permanentes : c'est l'acte d'accusation des irrégularités des administrations communales.
Voyez le cahier d'observations de la Cour des comptes. Pour ne parler que de ce dernier, n'est-il pas l'acte d'accusation des irrégularités annuelles des ministres ? Mais vous ne faites que des irrégularités et pour quelques irrégularités vous osez venir flétrir des gens honorables qui gèrent le bien des pauvres et parler de leurs dilapidations ! C'est par trop fort.
Passons maintenant à l'examen des faits incriminés, et ici force m'est bien de rencontrer tout le discours de M. le ministre de la justice. Vous aurez un peu de patience à prendre, mes chers collègues ; mais je tâcherai d'être aussi concis que possible.
Je vais prendre un à un tous les faits coupables signalés par M. le ministre ; nous allons voir en quoi consistent les griefs et si, oui ou non, il y a été répondu.
Le premier fait, messieurs, est relatif à la fondation Desorbais. Ah ! cette fondation est bien coupable ; on a commencé par là, parce qu'il fallait frapper les esprits dès le début, comme il fallait se réserver également une grosse affaire pour la fin.
Or, messieurs, en quoi consiste le crime des administrateurs de cette fondation, ce crime abominable, digne d'ouvrir la marche de ce long défilé de turpitudes ? C'est qu'ils ont pris des lettres de gage de Langrand-Dumouceau. Voilà le fait qui ouvre la marche, et il faut convenir qu'il le méritait bien par sa gravité. Cependant, il ne nous a pas été démontré jusqu'à présent que les valeurs du crédit foncier de Langrand-Dumonceau soient moins sérieuses, moins solides que beaucoup d'autres que les administrations publiques sont autorisées à prendre.
Voilà le grief ; personne n'y a répondu et franchement il n'en valait pas la peine.
Fondation Franck : Les administrateurs spéciaux sont en retard de fournir leurs comptes, et ils ont donné deux bourses à un même étudiant. Voilà les deux griefs.
Les administrateurs étaient en retard de fournir leurs comptes. Mais combien n'avez-vous pas d'administrations publiques, bureaux de bienfaisance, hospices, administrations communales qui, elles aussi, sont chaque année en retard de fournir leurs comptes ? Mais cela se voit tous les jours, et vous mêmes n'êtes-vous pas chaque année en retard de présenter vos budgets ?
Nous pourrions donc vous renvoyer votre grief, s'il n'était pas malséant de la part d'écoliers de donner une leçon à leur magister.
Mais il y a un second grief : les administrateurs donnent deux bourses au même étudiant. Je n'ai pas vérifié le fait, mais s'il est vrai, qu'est-ce autre chose, tout au plus, qu'une simple irrégularité ? Du reste, encore faudrait-il examiner si ce fait ne s'explique point parfaitement par le chiffre restreint des deux bourses ; il faudrait examiner si, dans l'intérêt même du bon emploi de la fondation, on n'a pas jugé utile et avec raison d'additionner deux petites fondations. Et l'on viendra ériger en grief un fait aussi simple, aussi naturel ! Vraiment, messieurs, cela n'est pas sérieux.
Fondation de Martin, à Lombise : « Les comptes annuels sont les mêmes que l'année précédente. » Voilà le plus grand grief et voilà un motif bien décisif en effet pour s'emparer de toutes les bourses ! Mais je voudrais bien savoir comment il serait possible que les comptes ne fussent pas les mêmes quand les collations n'ont pas varié.
Mais on ajoute : « Les capitaux ont été employés au nom de la fabrique. » Et là-dessus on dresse un immense échafaudage pour présenter cette fondation comme menacée dans son existence. Mais pourquoi M. le ministre n'a-t-il pas fait connaître une lettre qui se trouve au dossier et qui explique tout ! M. le gouverneur de la province par une lettre du 25 août 1839 a fait lui-même cette déclaration ; « Je suis persuadé qu'il n'y a, dans cette affaire, qu'un malentendu. »
Ainsi, il n'y a ici qu'un malentendu et on élève ce malentendu à la hauteur d'un véritable crime.
Je ne parlerai pas de l'affaire du doyen de Saint-Pierre à Louvain, car mon honorable ami M. Delcour a admirable réfuté tout ce qu'on en a dit et il ne lui a rien été répondu.
Fondation Grégoire. Oh ! en voilà une qui méritait les reproches les plus graves : il était impossible de réunir les administrateurs ; quand Xavier veut signer, Anselme est en voyage ; quand Anselme veut siéger, Xavier est au loin. Ainsi, messieurs, parce qu'il y a des administrateurs qui s'amusent à un véritable jeu d'enfant, c'est un crime impardonnable, il faut supprimer la fondation.
Franchement, messieurs, cela est trop puéril pour valoir la peine d'une réfutation, et si M. le ministre de la justice a voulu provoquer les rires de l'assemblée en nous signalant cette plaisanterie, ces rires se sont adressés à lui et nullement à Xavier ou à Anselme.
Fondation Connart à Ath : « Les hypothèques sont périmées. » Oui, messieurs, le fait est malheureusement vrai. Mais je vous le demande, quel est celui d'entre vous qui n'a été tout au moins exposé à voir périmer des hypothèques qui lui appartenaient ?
Mais, ici il y a une circonstance aggravante, très aggravante : la fondation était administrée par deux ecclésiastiques ; et voilà le crime. Ce sont des ecclésiastiques qui administraient cette fondation ; par conséquent ce sont des voleurs ; par conséquent, un fait tout naturel prend les proportions d'un véritable méfait. Mais ce que le ministre s'est bien gardé de vous dire, messieurs, c'est que le receveur de cette administration spéciale était un sieur Deramée, secrétaire du commissaire de district d Ath. C'était donc à lui de prendre les dispositions nécessaires pour empêcher que ces deux hypothèques ne fussent périmées. Voilà le coupable ; mais c'est votre propre agent et vous vous gardez bien de le citer ; il était bien plus beau de faire tomber la faute sur deux honorables ecclésiastiques qui en sont parfaitement innocents. Jugez de la loyauté de ces attaques.
Je passe à la fondation Libert de Froidmont. Ici le crime est plus grand encore : Sept hectares de terre, loués en 1855 au prix de 1,350 fr., n'ont plus été loués qu'à 200 francs de moins en 1864. Voilà la mauvaise administration des administrateurs spéciaux ! Mais, messieurs, notez qu'il s'agit de terres situées dans la commune de Froidmont près de Tournai. Or, M. le ministre, qui est Tournaisien comme moi, doit le savoir, à Froidmont, les terres n'ont jamais valu 200 francs l'hectare.
Ce sont des terres froides et qui n'ont jamais atteint le prix de location de 200 francs par hectare. Si elles ont atteint une fois ce prix, c'est que l'enchère les a fait exagérer ; mais l'enchère suivante les a fait baisser.
Et voilà un prétendu grief dont on s'arme pour supprimer les administrateurs spéciaux !
J'arrive à la fondation Huwart : « Les administrateurs perçoivent en honoraires 200 francs, et le receveur 67 fr. » On signale ce fait comme un énorme abus. Mais remarquez, messieurs, que cet abus se produit dans plusieurs fondations ; mais c'est le fait de la volonté du testateur. Dans un certain nombre de fondations, le testateur, pour être bien sûr de la bonne gestion de ses biens, avait voulu intéresser les administrateurs et le receveur à cette bonne gestion ; il a voulu les y intéresser, comme vous intéressez les bourgmestres et les échevins à la bonne gestion des affaires communales, comme vous vous intéressez vous-même à la bonne gestion des affaires publiques, par la jouissance d'une indemnité.
Maintenant je reconnais qu'il vaut beaucoup mieux que les administrateurs et les receveurs des fondations ne jouissent pas d'un honoraire ; nuis enfin c'est le fait de la volonté du fondateur ; et vous ne pouvez pas vous armer de cette circonstance pour en faire un grief aux administrateurs et aux receveurs des fondations ; c'est aux fondateurs eux-mêmes qu'il faut s'en prendre.
J'arrive à un autre ordre de griefs.
Voici la fondation Fauconnier ; elle est mentionnée comme ne possèdent aucun revenu. Je le crois bien ; quelle était cette fondation ? Elle n'avait aucun autre revenu que celui dû par les anciens Etats du Hainaut. Or, comme les anciens Etats du Hainaut ne payent plus rien à cette fondation, comment pourrait-il y avoir encore des revenus ? C'est une de ces fondations que la révolution française a supprimées, et voilà la loyauté de l'accusation !
Les fondations Gilsoux, Delvigne et Gelain sont considérées comme perdues. Cela est facile à dire, mais il faudrait faire connaître comment elles ont été perdues.
Il en est peut-être de ces fondations comme de la fondation (page 829) Fauconnier, elles touchaient peut-être des rentes qui ont cessé de leur être payées. Les biens n'ont-ils peut-être pas été confisqués à l'époque de la révolution française ? Voilà ce qu'il fallait éclaircir ; niais vous parlez de la perte de ces fondations comme si elles étaient le fait des administrateurs spéciaux... (Interruption.) Oui, voilà ce qui résulte de tout votre discours, et cependant pour agir avec loyauté vous auriez dû dire comment les fondations se sont perdues ou bien vous auriez dû vous abstenir des accusations que vous avez dirigées contre les fondateurs spéciaux de ces fondations.
Voici maintenant la fondation Pierre Recq, à Mons, qui est, dites-vous, aussi considérée comme perdue. Si je suis bien informé, cette fondation existe encore ; elle est administrée par des personnes qui appartiennent complètement à l'opinion de M. le ministre de la justice et qui sont fort mécontentes, et à bon droit, de se voir dénoncées au pays comme ayant dissipé une fondation qu'ils gèrent parfaitement bien.
La fondation Bataille, dit-on, est également une fondation perdue ; mais qu'est-ce qui prouve que cette fondation a jamais existé ? Si elle a existé, n'a-t elle pas été confisquée ? Il a existé une rente due aux héritiers Bataille et de cette rente vous faites une fondation. Celle rente a été remboursée le 22 février 1851, et quels étaient les liquidateurs ? C'étaient M. Biourge, bâtonnier de l'ordre des avocats de Charleroi, membre de l'Association libérale et M. de Haussy, ancien ministre de la justice. Ce sont deux de vos plus intimes amis. Croyez-vous que si cette prétendue fondation avait existé, M. de Haussy, ancien ministre de la justice, ne l'aurait pas rétablie ? Vous le voyez, ici encore c'est sur vos amis que vous tirez.
Encore une fois, c'est là une accusation sans preuves, comme toutes vos autres accusations.
J'en dirai autant de la fondation Robert Molle à Louvain et de la fondation Pierret à Ransart. Ce sont, dites-vous des fondations perdues ; mais comment ? A quelle époque ont-elles été confisquées ? Est-ce à l'époque de la révolution française ? Si nous faisions le relevé de toutes celles qui ont été soumises à la mainmise nationale, vous en trouveriez un grand nombre qui ont disparu de cette manière ; cependant il semble résulter du discours de M. le ministre de la, justice que cette disparition serait le fait des administrateurs spéciaux ; mais il n'en est rien ; cette disparition serait le fait de vos amis de 89, de 90, de 91, de 92 et de 93. Est-ce de la loyauté que d'imputer aux administrateurs spéciaux, dont vous dressez l'acte d'accusation, les faits de vos devanciers dans la spoliation des bourses d'étude ?
J'arrive à la fondation de Hautport à Ath.
« Les administrateurs ont refusé de rendre leurs comptes. »
Mon honorable ami, M. Tack, a exposé hier les faits d'une manière tellement lucide, tellement judicieuse, que je crois inutile de m'appesantir sur cette fondation. Les administrateurs ont refusé le contrôle ; pourquoi ? Parce que deux actes, celui de la fondation et un arrêté du roi Guillaume, les autorisaient à le refuser. Pour ma part, partisan du contrôle, je regrette qu'ils l'aient refusé : il ne peut pas y avoir assez de contrôle quand il s'agit du maniement de deniers publics.
Mais il faut reconnaître avec moi que si ces administrateurs se sont refusés au contrôle, il ne l'ont pas fait sans motifs ; ils y étaient' autorisés par l'acte de fondation et par un arrêté du roi Guillaume.
D'ailleurs, pouvez-vous leur reprocher d'avoir mal géré la fondation ? Au contraire, ils l’ont gérée admirablement, à tel point qu'ils ont augmenté considérablement les revenus de la fondation et qu'ils les ont augmentés conformément à la volonté du testateur.
Encore une fois, pourquoi venir accuser des hommes qui ont admirablement géré ; pourquoi venir les accuser de dilapidation, de mauvaise gestion, pourquoi les accuser de vouloir cacher les actes qu'ils ont posés ?
Quand on vient avancer dans cette enceinte, sans fournir aucune preuve, que tel ou tel administrateur a refusé de rendre ses comptes, le public est autorisé à voir dans ce fait des motifs d'intérêt privé ou de dilapidation ; et voilà ce qu'on a voulu exploiter, voilà ce qu'on a voulu faire accroire au public, tandis qu'en réalité si les administrateurs n'avaient pas rendu leurs comptes, c'était parce que les actes de fondation et l'arrêté du roi Guillaume leur disaient qu'ils ne devaient rendre compte à personne qu'à eux-mêmes. Je le répète : ont-ils mal géré ? Non ; et la preuve, c'est qu'ils ont amélioré les revenus de la fondation. Dès lors, loin de mériter votre blâme, ils ont mérité des éloges.
J'en viens à la fondation Jean Lemire.
« Les administrateurs, dit l'honorable M. Bara, refusent le contrôle. »
Mais encore une fois, c'est en vertu de l'acte de fondation. Même argument, même grief et même réponse.
Les administrateurs de la fondation Duquesne à Tournai refusent de rendre leurs comptes. Encore une fois, c'est en vertu de la volonté du fondateur.
Mais, dit M. Bara, le curé qui administrait cette fondation, l'a mal gérée : il a placé les fonds sur une seule tête.
C'est là, messieurs, une accusation inexacte, toute gratuite ; c'est le fondateur M. Duquesne lui-même qui a remis les fonds qu'il voulait affecter à la fondation, en partie entre les mains de M. Pollet, en partie entre les mains de M. Lefebvre-Meurel, tous les deux sénateurs, tous les deux hommes des plus honorables ; et certes ces deux personnes, si universellement estimées, valaient, sans doute, autant que beaucoup de papiers qu'on fait prendre aux administrations communales.
Et remarquez que le fait dont il s'agit est antérieur, de 20 à 30 ans, à l'administration du curé auquel vous faites un grief du fait du fondateur. L'on articule ce fait, pour reprocher au curé d'avoir mal géré ; et pourquoi lui fait-on ce reproche ? C'est parce que c'est un curé et que, pour vous, un curé est un homme hors la loi.
Mais il a commis un bien autre méfait. Il y a dans les pièces une quittance de 101 fr. donnée par la demoiselle qui dirigeait l'école des filles. Ah ! voilà un grief. L'école donnait des prix. Qu'étaient-ce que ces prix ? C'étaient de petits objets d'habillements. Le curé ne va pas acheter ces petits objets ; il ne va pas acheter de petits jupons, de petites camisoles, de petits bonnets. Il charge la directrice de l'école de faire ces acquisitions. La directrice connaît la dimension des corps et des têtes : elle sait ce qu'il faut à ses élèves. Eh bien, la directrice, après avoir fait ces acquisitions, s'en fait rembourser le prix et donne une quittance de 101 fr.
Voilà pourquoi le curé est signalé comme un voleur public, comme ayant donné 101 fr. de la fondation à la directrice de l'école.
Messieurs, cette manière de discuter est réellement intolérable ; elle ne devrait pas être permise dans un parlement. Je concevrais ce langage dans une presse qui veut ridiculiser une institution, mais on ne devrait pas la rencontrer dans la bouche d'un ministre.
Pour la fondation Marcy de Chassepierre, aucun compte, dit M. le ministre, n'a été rendu depuis 1853. Déjà mon honorable ami, M. Jacobs, a rencontré admirablement tout ce qu'a dit M. le ministre de la justice. Il a prouvé à l'évidence que si les comptes n'avaient pas été rendus, c'était à cause de l'architecte nommé par la députation provinciale. Et je demanderais volontiers au gouvernement qui pose ici ce grief, s'il prend sur lui les comptes de l'architecte qui a construit l'église de Laeken et de tous les architectes présents et futurs.
M. Coomans. - Voilà une mauvaise fondation. (Interruption.)
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce n'est pas une mauvaise fondation.
M. Dumortier. - Je le désire ; nous examinerons les faits. Mais le public prétend qu'il y a eu là non pas une, mais de mauvaises fondations.
Cette église de Laeken, qui devait d'abord être faite pour 800,000 fr. combien donc a-t-elle coûté ? Combien d'années sa construction a-t-elle prises ? Voilà des abus, et des abus scandaleux ! Il ne s'agit pas là, comme dans la fondation Marcy, d'un petit compte de la restauration d'une ferme, qui a été approuvée par la députation permanente et qui était un acte de conservation des propriétés de l'institution ; il s'agit de dépenses publiques qu'on pousse à des millions, malgré le vote formel de la législature.
Ce grief, vous ne l'avouerez pas, M. Bara. Et après cela vous monterez au Capitule, vous drapant dans votre robe triomphale et disant : Je suis vainqueur de tout, j'ai tout écrasé !
M. Coomans. -La volonté des fondateurs de l'église de Laeken a été méconnue.
M. Dumortier. - Nous voici à la fondation Deleixhe de Liège. Encore le reproche de comptes non rendus. Mais mon honorable ami M. Delcour a déjà traité cette question et il vous a rappelé, puisqu'il s'agit d'une fondation appartenant à la province de Liège, ce passage si remarquable du rapport de la députation permanente de Liège, qui déclare qu'elle ne peut trop se féliciter de la bonne gestion des fondations de bourses dans telle province.
La députation connaissait cependant ce fait puisqu'il avait passé par ses bureaux. Il y a eu retard dans les comptes ; nuis on reconnaît pourtant la bonne gestion des fondations, puisqu'on les proclame toutes bien gérées.
(page 830) Ainsi encore un grief d'une complète insignifiance.
Je puis en dire autant de la fondation Collard à Ortho, dont les comptes n'ont pas été rendus depuis 1858.
Tous ces griefs, je viens de vous les analyser, qu'est-ce que c'est en définitive. Des irrégularités ; rien que des irrégularités. Un retard dans l'apport des comptes, un retard dans l'apport des écritures.
Eh bien, est-ce le cas de venir faire de tout cela un échafaudage pour conspuer tous les administrateurs spéciaux, pour les déclarer, du haut de la tribune, incapables de gérer de pareilles administrations ? Est il loyal de venir accuser tous ces hommes honorables de dilapidation, lorsqu'on n'a à adresser qu'à quelques-uns d'entre eux le chétif reproche d'irrégularités ?
J'arrive à la troisième catégorie, celle qui est relative au mode de collation.
Les administrateurs spéciaux n'ont pas, dit le ministre, respecté la volonté des fondateurs. Mais M. le ministre prétend qu'il va, lui, respecter la volonté des testateurs. Il est vrai qu'il a un mode tout particulier pour respecter la volonté des testateurs, dont il a beaucoup parlé ; ce, mode, c'est, comme il l'a dit, de rajeunir les testaments.
En rajeunissant les testaments, en leur faisant dire le contraire de ce qu'ils disent, on respecte la volonté des testateurs. Voilà le beau système du gouvernement !
Voyons maintenant les reproches adressés à tous les administrateurs.
Dans la fondation Wansart, une bourse, affectée à la prêtrise, a été conférée pour des études industrielles.
Mon honorable ami, M. Jacobs, a aussi rencontré ce grief ; il vous a démontré quels étaient ceux qui avaient commis cet abus, si abus il y a.
Quels sont-ils ? Quels sont ceux qui, d'après vous, n'ont pas respecté la volonté des testateurs ? Mais c'étaient le bourgmestre et les échevins de Fontaine-l'Evêque. C'étaient de vos amis.
M. Jacobsµ. - Il n'y a pas eu d'abus.
M. Dumortier. - Mon honorable ami ajoute qu'il n'y a pas eu d'abus. Mais remarquez que, par vos accusations, ici encore vous tirez sur vos propres amis. Vous vouliez tirer sur nous et c'est sur vos amis que vous tirez, et c'est eux que je viens défendre.
Le testament parle des humanités et le cours professionnel, ainsi que l'a démontré mou honorable ami, est le cours préparatoire des humanités au collège dont il s'agit.
Pour la fondation Jacques Mahieu à Elouges, l'honorable M. Jacobs a rétorqué vos arguments. Il y avait deux bourses d'étude. L'une a été conférée ; l'autre a été employée, dites-vous, en œuvres charitables. Mais c'est justement en exécution du testament parce que le testament porte que, quand les bourses ne sont pas données, le montant en est dépensé en faveur des pauvres. Ainsi vous voyez que c'était l'exécution du testament qu'avait fait le fondateur. Dès lors votre grief, encore une fois, n'existe pas.
Dans la fondation de Hautport, l'honorable M. Tack vous l'a dit hier, c'est une question pure et simple d'interprétation de testament. Vous l'interprétez à votre manière ; les administrateurs l'interprètent à la leur ; c'est une question dans laquelle chacun peut avoir ses raisons ; mais ce n'est pas là un grief. Quand il y a lieu à interprétation, il n'y a pas abus et surtout il n'y a pas violation de la volonté des testateurs. Quand le legs est obscur, il faut l'interpréter, et par le fait seul qu'il est sujet à interprétation il n'y a pas là violation de la volonté des testateurs.
Dans la fondation Gilles de Brabant, à Tournai, des bourses ont été données, dites-vous, à d'autres qu'à ceux qui étaient indiqués par le testament. Mais j'ai déjà eu l'honneur de le dire, le chanoine Brabant qui vivait y a 200 ans, appela à la jouissance des bourses ses parents, puis les habitants du Tournaisis. Ensuite par un acte subséquent, il a apporté à son legs certaines modifications.
Qu'arrive-t-il ? Les parents ne se présentent plus. Le chanoine Brabant était de la Hesbaye. Depuis 200 ans, la filiation s'est perdue. Si des parents existent encore, ils l'ignorent eux-mêmes ; ils ne se présentent plus et ne peuvent fournir des preuves de parenté avec le fondateur. Il faudrait, dit M. le ministre, garder les revenus, les capitaliser. C'est une étrange manière de conférer des bourses d'étude.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il s'en est présenté.
M. Dumortier. - Quand il s'en est présenté, ou leur a donné des bourses.
Au reste, ici encore vous tirez sur vos amis. Qui était collateur ? Le bourgmestre de Tournai avec deux chanoines, et toutes les collations ont été faites d'accord avec lui, et comme il se trouve que la fondation est créée, après les parents, au profit des enfants de Tournai, les collateurs ont donné les bourses à des enfants de Tournai ! Eh bien, maintenant ces bourses s'en iront certainement aux enfants de Mons et M. Bara aura privé sa ville natale des bienfaits de cette fondation.
La fondation Biseau.
« La bourse a été donnée à une personne qui n'y avait pas droit. »
C'est une assertion qui ne repose sur aucune espèce de preuve et je
crois que la preuve serait très difficile à fournir. J'ai peine à croire que les collateurs aient donné une bourse à une personne qui n'y avait pas droit. Une telle accusation, pour être crue, aurait dû avoir d'autres preuves que d'entendre dire : C'est le ministre qui vous parle !
J'arrive à la fondation Colin. Le ministre a dû rectifier l'accusation d'avoir donné deux bourses à la même personne, mais l'honorable M. Jacobs lui a dit avec raison que cette accusation était le fait d'une extrême légèreté puisque les pièces du dossier prouvent le contraire.
Fondation Thomassen : Un élève touche une bourse de 600 francs et une autre de 650 francs. L'honorable M. Jacobs a déjà parfaitement répondu à ce grief.
De même à la fondation Deramais, un élève touche 400 francs et 650 de la fondation de Hautport. C'est, dit M. Bara, violer la volonté du fondateur.
Mais voici un autre fait.
La fondation de Ghistelles : Un élève touche 125 francs et une bourse de 650 francs sur la fondation de Hautport. Il est vrai qu'ici il y a une circonstance aggravante : c'est un élève du petit séminaire de Tournai qui touche ces bourses, dès lors le fait devient éminemment coupable.
Voici un autre élève qui touche 330 francs à la fondation de Housie et 650 à la fondation de Hautport, et cet élève est un élève du grand séminaire. Et voilà le crime !
Mais, mon Dieu, tout le monde sait bien que pour la plupart des étudiants peu fortunés, le même élève obtient deux bourses et que presque toujours c'est uniquement par le cumul de deux petites bourses que le boursier parvient à couvrir les frais de son instruction. Le système de M. le ministre est vraiment le système le plus antidémocratique qu'on puisse imaginer.
Avec l'interdiction de donner deux petites bourses au même boursier, aucun élève dépourvu de fortune ne pourrait jamais se livrer aux hautes études. Le cumul de deux bourses n'est donc pas une affaire de privilège, c'est une mesure éminemment démocratique et, veuillez-le remarquer, la même chose se passe pour les bourses provinciales et communales et pour les bourses de l'Etat.
Il y a plus, dans bien des cas l'Etat n'accorde la bourse à l'élève qu'après que la province et la commune ont fait la leur. Ainsi les actes que vous reprochez aux autres, tous les jours vous les commettez vous-mêmes. Ces actes, excellents entre vos mains, deviennent, entre les mains des administrateurs spéciaux, des crimes qu'il est impossible de pardonner.
Fondations Van Tsestich, de Batty, Milius et Haywegen. Là il a été commis un bien grand crime ; les collateurs ont témoigné le désir que les boursiers allassent étudier à l'université de Louvain. Mais, messieurs, si les collateurs des bourses fondées par M. Verhaegen, dont vous n'avez pas encore autorisé l'acceptation, comme vous auriez dû le faire, si ces collateurs avaient imposé aux boursiers l'obligation d'étudier à l'université de Bruxelles, leur en auriez-vous fait un crime ? Evidemment non. Et leur conduite eût été toute naturelle et parfaitement légitime, car ils se seraient conformés à la volonté du fondateur.
Quels sont donc ceux qui ont fondé ces bourses d'étude dont vous vous êtes emparés d'une manière si scandaleuse ? Mais ce sont tous des prêtres et des évêques qui ont agi dans une pensée toute chrétienne, dans le but de maintenir la foi catholique. Et ces hommes n'auraient pas eu le droit de dire : « Je fais ces actes de générosité dans l'intérêt de mes croyances. »
Vous parlez toujours de ce que vous appelez : « La liberté du boursier », mais que faites-vous de la liberté du fondateur ? La première de toutes les libertés est celle de celui qui donne et non de celui qui reçoit. Depuis quand celui qui donne n’a-t-il plus le droit de mettre des conditions à son don ? Votre système, c’est le renversement de toutes les idées.
Vous vous emparez des biens fondés pour des établissements d'instruction catholiques, et cela pour les donner à l'instruction solidaire, à l'instruction dépravée, à la pire de toutes les instructions. Je dis qu'une pareille manière de procéder ne saurait être assez flétrie. Et (page 831) vous osez parler de votre respect pour la volonté des fondateurs ! Et vous osez accuser ceux dont le crime est d'avoir respecté cette volonté !
Vous voyez, messieurs, quels sont les faits que l'on reproche aux administrateurs, et tous ces faits on peut les reprocher aux administrations publiques et au gouvernement lui-même. S'agit-il du retard de rendre compte, mais le gouvernement, les communes, les bureaux de bienfaisance, tout le monde est à chaque instant en retard de rendre compte. S'agit-il de la collation de deux bourses à un même titulaire, le gouvernement ne fait pas autre chose. S'agit-il de tel ou tel autre grief, vous retrouverez tous ces griefs dans la gestion des administrations publiques.
Dans les faits que je viens d'examiner et qui se rapportent à trente-six fondations, il n'y a rien qui constitue un abus sérieux ; il y a quelquefois des irrégularités, mais il n'y a pas d'abus véritables.
Maintenant j'arrive à des faits qui, s'ils sont exacts, constituent réellement des actes répréhensibles. Mais ici je répéterai ce que mes amis ont dit si souvent : Si vous aviez voulu empêcher les abus et fortifier le contrôle, vous auriez trouvé sur nos bancs des voix unanimes pour vous appuyer, mais vous n'avez pas le droit de vous emparer des fondations, sous prétexte de réprimer des abus.
Une fondation n'est pas autre chose qu'une transaction entre les pouvoirs publics et le fondateur ; c'est là un acte sacré ! eh bien, en donnant à votre loi un effet rétroactif, vous avez violé cette transaction sous prétexte d'abus, pour vous emparer des capitaux des fondations et les centraliser entre vos mains, sans respect aucun pour le droit de pro priété.
Mais nous allons voir, messieurs, quels sont, en définitive, les abus réels énumérés par le ministre. Fondation Breugel, à Louvain :
L'administrateur a reçu 2,500 fr. sur lesquels il n'a dépensé que 111 francs.
Mon honorable ami, M. Delcour, a déjà répondu à ce grief.
L'administrateur dont il s'agit a été nommé en 1822, et c'est le gouvernement qui l'a nommé. Ce fait prouve donc ce que valent en cette matière les nominations du gouvernement. Le fait est très coupable sans doute, mais il est le fait de l'agent du gouvernement.
Fondation Adriaenssens.
« L'administrateur avait gardé les intérêts arriérés d'un grand nombre d'années. »
Mon honorable ami, M. Jacobs, a répondu à ce grief. Les intérêts dont il s'agissait remontaient à 1810, c'est une affaire qui date de 56 ans ; mais, comme l'a dit mon honorable ami, rien n'a été perdu ; la fondation n'a donc pas eu à souffrir de ce fait.
La fondation Quewel a perdu sa dotation par la négligence des administrateurs et pourtant ceux-ci sont déclarés de bonne foi. Mais cette négligence quelle est-elle ? Est-ce encore une hypothèque périmée comme cela arrive souvent ? Nous ne le savons pas.
Puisqu'ils étaient de bonne foi, il n'y avait donc pas là de criminalité. Est-ce que dans les fonctions du gouvernement, on ne perd pas quelquefois des capitaux, souvent avec bonne foi, parfois autrement ?
Fondation Wauthier : « Le chanoine Wauthier a vendu 21 hectares de terre à son profit. » Messieurs, s'il y a un fait démontré comme la lumière du jour, c'est la fausseté de cette accusation.
Comment ! on vient vous dire que le chanoine Wauthier a vendu 21 hectares de terre appartenant à la fondation et les a légués à sa nièce ; on vient le représenter comme le voleur de la fondation qu'il a sauvée de la révolution française et qui n'existerait pas sans lui.
J'ai déjà répondu à cette affaire, et mon honorable ami M. Thibaut l'a fait également. Je crois que nous en avons dit assez pour prouver combien ce grief était dénué de toute espèce de fondement. Et voilà les prétendus voleurs au dire de M. le ministre de la justice.
Fondation Meloz : Le receveur tombe en déconfiture. Il y a un déficit de 2,500 francs. Mais on récupère des héritiers 1,720 francs. Qu'en résulte-t-il ? C'est que le déficit réel est de 510 francs.
C'est très malheureux sans doute, mais est-ce là encore un acte criminel ? un acte de vol. La déconfiture d'un receveur n'est pas toujours un acte de vol et si un jour un receveur de commission provinciale vient à tomber en déconfiture, ce ne sera pas 510 francs qu'on aura perdus, ce seront des milliers de francs, des sommes considérables.
Fondation Nizramont : « Le receveur est tombé en déconfiture, par suite de quoi, il y a une perte de 1,621 francs pour la fondation. » Mais, messieurs, ceci ressemble encore à l'affaire de Louvain, dont je parlais tout à l'heure.
L'honorable M. Jacobs a parfaitement exposé les faits d'après le dossier de l'affaire ; il vous a lu la lettre dans laquelle le président du tribunal de Marche, un de vos amis, déclarait dans les termes les plus exprès que la fondation est à l'abri de toute perte. Cette lettre, vous vous êtes bien gardé d'en donner lecture, pour faire croire à la ruine des fondations par le fait des administrateurs spéciaux. Est-ce là de la loyauté ? Donc encore une fondation à retirer de l’énumération de M. le ministre de la justice.
Fondation Beauvarlet : « Le receveur a été assigné en justice pour des reliquats de comptes. Son fils a payé. » Rien n'a donc été perdu. Qu'avez-vous à dire ?
C'est un homme qui a été malheureux. Vous devez encore retirer cette fondation de la catégorie des vols et des larcins.
Fondation Van Hulle : « Un administrateur est tombé en déconfiture ; le déficit était de 1,125 fr. » Je ne connais pas le fait, mais s'il est exact, il est malheureux et déplorable. Je ne sais si l'on a poursuivi l'affaire devant les tribunaux. Voilà donc une perte de 1,125 fr.
Fondation Ariens : « Un curé a joui pendant 44 ans d'une bourse d'étude. »
Mon honorable ami M. Thonissen a admirablement exposé les faits relatifs à cette fondation. (Interruption.)
Il vous a lu le testament. Il ne s'y agit pas d'une fondation de bourses, mais d'un office religieux pour dire des messes à la mémoire du défunt ; et le fondateur ajoute que si quelqu'un de la famille se disposait à l'état ecclésiastique, cette fondation d'office lui aurait servi, durant ses études, de bourse pour faire ses études et arriver à l'état ecclésiastique. Cela servait de titre presbytéral. L'office religieux est donc la règle de la fondation ; le titre presbytéral, l'exception. Mais dans la bouche accusatrice de M. Bara pour tout ce qui est prêtre, l'office religieux est disparu pour faire place à la bourse d'étude qui ne devait exister qu'exceptionnellement. et c'est ainsi qu'il est arrivé à dire qu'un prêtre avait joui pendant 44 ans d'une bourse d'étude. Je le demande encore, où est la bonne foi dans une telle accusation ?
Fondation Barthélémy Van der Ecken, à Grimmingen.
C'est une fondation pour l'instruction primaire. « L'administrateur abattait les arbres et s'appropriait les revenus de la fondation. »
Eh bien, c'était un très mauvais homme et je crois que, si l'on avait bien fait, on aurait dû le traduire devant les tribunaux, et lui faire rendre le prix des arbres abattus et des revenus perçus indûment.
Fondation Dumont.
« L'administrateur distribue 1,200 fr. de bourses et il prélève 1,950 fr. d'indemnité. »
L'honorable M. Jacobs a déjà admirablement exposé les faits, et M. le ministre de la justice n'a rien eu à lui répondre, quand il vous a dit que cela se faisait en exécution du testament, que les biens étaient situés en France et que l'administrateur était en France.
Et pourquoi ne faites-vous pas mettre à exécution, en France, votre loi de confiscation de bourses d'étude ? Je crois qu'aucun tribunal, en France, ne vous donnerait raison.
Dans ce pays, au moins, on respecte les droits acquis, et on s'indigne, avec raison, de votre loi de confiscation des bourses d'étude et des écoles libres.
Cette loi, messieurs, aurait dû être envoyée aux oubliettes d'où elle n'aurait jamais dû sortir.
Fondation Franck.
C'est ici que cela devient curieux : « Un curé, dit M. le ministre, est parti avec la caisse et les livres ; il ne reste plus rien de la fondation. »
Mais vous-même vous dites le contraire au commencement de votre discours ; vous dites que les administrateurs de la fondation Franck refusent de rendre leurs comptes. Mais s'ils refusent de rendre leurs comptes, c'est qu'il reste quelque chose.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce n'est pas la même fondation ; il y a deux fondations Franck.
M. Dumortier. - M. le ministre aurait dû mettre un prénom alors, ou une indication de ville. Quand je trouve deux fois le même nom, j'ai le droit de croire que c'est la même fondation.
M. Eliasµ. - Comme l'autre jour dans l'affaire Colin.
M. Dumortier. - Pardon, là il y avait un prénom, tandis qu'ici il n'y a rien pour faire la distinction. Je croyais déjà que l'honorable M. Coomans avait un chapitre à ajouter à son spirituel ouvrage sur la bourse de Fortunatus, quand j'ai vu que la bourse avait été retrouvée par M. Bara. Que vous a répondu l'honorable M. Jacobs ? Il a dit que cette (page 832) affaire remontait au siècle dernier, que rien dans ces assertions n'était prouvé et il nous a cité la phrase que vous avez omise dans la lettre du vicaire que vous avez cité, phrase qui dit que l'affaire est tellement vieille qu'on ne sait pas de quoi il s'agit. Cette phrase, la loyauté exigeait de la faire, mais vous vous êtes bien gardé de la citer, parce que vous voulez à tout prix trouver le curé voleur.
Le fait s'est peut-être produit, mais rien n'est prouvé, et votre accusation de vol manque de base.
« La fondation Hertzig (Luxembourg) ; elle était fondée au capital de 8,000 fr. Ce capital est perdu ; quant aux immeubles, le receveur en fit donation à sa famille. Un procès a été intenté, et le receveur condamné. » Les biens existent cependant, puisque M. le ministre ajoute qu'ils sont loués à bail.
Eh bien, voilà un receveur qu'on a bien poursuivi devant les tribunaux, mais on aurait dû le poursuivre criminellement. Comment ! mais vous avez des procureurs du roi chargés de poursuivre les voleurs, si vous ne les poursuivez pas...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - On les a poursuivis et un jugement a été rendu contre eux et ils ont rendu.
M. Dumortier. - S'ils ont rendu les biens, ils sont quittes. (Interruption.) Les bourses ne sont pas perdues alors.
M. Jacobsµ. - On les a poursuivis civilement.
M. Dumortier. - Ce n'est pas ainsi qu'il fallait les poursuivre, c'était criminellement. Si c'eût été un curé, vous n'auriez pas manqué de le faire.
Fondation Marcy de Chassepierre.
« Cette fondation a une dotation de 200,000 fr. pour l'enseignement primaire moyen et supérieur ; les biens en sont affectés au seul enseignement primaire. »
Vous n'attendez pas, messieurs, que je prenne la justification des principes émis dans la lettre dont il a été donné lecture ; je sais que beaucoup de personnes partagent cette opinion qu'un bon ouvrier industriel qui gère bien ses affaires, vaut mieux que de mauvais avocats qui dans leurs plaidoiries jettent de la boue aux autres.
Je suis convaincu que si l'administrateur de la fondation Marcy avait à refaire sa lettre après le discours de M. le ministre de la justice, il trouverait, dans le discours de ce maître d'école, un puissant argument à l'appui de son opinion. (Interruption.)
Je dois le dire, messieurs, je ne partage pas l'opinion de la lettre dont on vous a donné lecture. Selon moi, si la fondation a été instituée pour les études primaires, moyennes et supérieures, elle doit recevoir sa destination ; mais il ne peut s'agir ici que de détournement de fonds et c'est encore une fondation à déduire de la catégorie des vols.
Fondation Thomassen :
« Les administrateurs ont constitué une rente au profit d'une religieuse. » Constituer une rente au profi.t d'une religieuse, voilà certes un grand crime. Le fait, M. Jacobs vous l'a dit, s'est passé en 1817, et remarquez que le testament dit que le but de la fondation est de faciliter l'entrée en religion des membres de sa famille. Les administrateurs, en donnant les bourses à cette religieuse, n'ont donc fait qu'exécuter la volonté du testateur. Ce fait ne peut donc encore être classé dans la catégorie des vols. C'est le résultat d'une appréciation : vous appréciez le testament d'une manière, les administrateurs l'apprécient d'une autre et je crois que les administrateurs l'ont mieux compris que vous.
Fondation Van Rivieren : « Les parents des fondateurs ont retenu les biens ; la fondation est perdue. »
Cela est facile à dire, moi je serais curieux de voir quand et comment ils ont retenu les biens ; s'ils les ont retenus, il faut les poursuivre. C'est là u ne accusation sans preuve comme beaucoup d'autres.
Fondation Capille à Malines : « Cette fondation a été instituée pour deux bourses ; une seule a été donnée. » M. Jacobs a expliqué l'affaire de la manière la plus claire.
Le chiffre des bourses est fixé dans l'acte de fondation, mais la fondation a été réduite de moitié par le fait du gouvernement, qui n'autorise la donation que par moitié du capital et par conséquent du revenu. On ne peut donc continuer à donner les deux bourses au chiffre fixé, puisque ce chiffre a été réduit de moitié par le gouvernement. C'est ridicule. Pourtant, voilà le fait que l'on qualifie de vol. Il est vrai que c'est le séminaire de Malines qui est en cause.
Fondation Stevens-Verdonck.
« Les administrateurs ont vendu les immeubles à leur profit. Les rentes ont été également données. Plus tard on découvrit qu'un des parents avait conservé une rente de 67 francs. »
J'ignore si cet acte a été posé ; s'il l'a été, il y a lieu à blâme, mais n'est-ce pas encore un de ce» actes qui ont eu lieu il y a 40 ou 50 ans ? Avec le système qu'on a adopté de n'indiquer ni les personnes, ni les dates, ni les lieux, on peut faire croire au public que des faits qui se sont passés il y a longtemps ont eu lieu hier.
Qui sait s'il n'y a pas un siècle que cette fondation a été détournée, si ce n'est pas pendant la révolution française, alors que, par suite du désordre qui régnait dans toutes les administrations publiques, il était facile de s'emparer d'une fondation !
Ainsi, des 18 faits de malversation et de perte articulés par M. le ministre, il n'en reste au maximum que huit au plus qui paraissent fondés ; ce sont les fondations Breugel, Quewet, Meloz, Van Hulle, Franck, Hertzig, Van Rivieren et Stevens ; encore, dans plusieurs cas, la bonne foi des administrateurs est reconnue. Quant à la perte, les faits chiffrés de M. le ministre se bornent à une perte de 11,059 francs en 60 ans.
Sur 769 fondations, 761 sont, de ce chef, irréprochables, et l'on viendra accuser tous les administrateurs spéciaux et dire : Voilà les voleurs ! N’est-ce pas là, comme l'a dit l'honorable M. de Theux, de la diffamation en grand ?
J'arrive maintenant aux affaires les plus sérieuses au point de vue du gouvernement, celles qui ont rapport aux couvents et aux institutions religieuses. Et d'abord le séminaire de Tournai :
« L'économe du séminaire de Tournai a reçu des bourses pour les élèves. »
En vérité, c'est un scandaleux abus, car c'est à croire qu'il les a détournées ou volées. L'honorable M. Delcour vous l'a dit, l'économe du séminaire de Tournai a rendu service aux séminaristes en faisant recevoir pour eux. Quel crime abominable !
Mais, messieurs, je vous le demande, ce fait ne se passe-t-il pas partout tous les jours ? Comment ! d'un acte de complaisance vous faites un crime ! Mais combien n'y a-t-il pas de personnes qui, ayant une somme à recevoir, n'importe où, confient leur quittance à un ami ! Vous l'avez peut-être fait vous-même vingt fois. Mais le fait a été posé par le séminaire de Tournai et c'est un crime. Cela est-il sérieux ? Est-ce là une justification de votre loi ?
Quant à la fondation Jacquet, à Rochefort, mon honorable ami, M. Wasseige, vient de vous en parler. Il vous a démontré que s'il y a eu des abus, ce qui est très contestable, les abus sont bien autrement graves aujourd'hui que cette fondation est entre les mains de vos amis, puisqu'ils ont fait des écoles moyennes de ce qui devait être des écoles primaires au titre de la fondation.
Or, les administrateurs anciens, on vous l'a prouvé, étaient parfaitement dans leur droit en agissant comme ils l'ont fait ; mais encore une fois ce sont des ecclésiastiques qui sont ici en cause et cela suffit pour qu'un fait des plus louables revête le caractère d'un véritable crime.
Mais vos administrateurs à vous, qu'ont-ils fait' ? ils ont violé, manifestement violé la volonté des fondateurs, puisque d'une fondation d'instruction primaire ils ont fait une fondation d'instruction moyenne. Voilà la mesure de votre respect pour la volonté des fondateurs.
Fondation La Motte : Mon honorable ami M. Wasseige vient aussi d'en parler, et, Dieu merci ! il a parfaitement prouvé que cette fondation n'est pas une école primaire, mais tout simplement une école dentellière, un atelier d'apprentissage. Or, chacun sait que, pour enseigner l'art de la fabrication de la dentelle, il faut un grand nombre de maîtresses, qu'il faut au moins une maîtresse pour deux élèves. Dès lors, si vous voulez conserver à la ville d'Ypres cette industrie qui fait sa richesse et sa prospérité, souffrez au moins qu'une bonne instruction soit donnée aux jeunes filles qui étudient la fabrication de la dentelle et reconnaissez que cet enseignement n'est possible qu'à la condition d'être donnée par un nombre suffisant de maîtresses.
Et puis comment arrivez-vous à ce nombre de religieuses qui vous paraît si exorbitant ? En comprenant sous ce nom toutes les personnes attachées à l'établissement sous quelque litre que ce soit : domestiques, sœurs converses, etc. ; pour vous, tout cela ce sont des religieuses par cela seul qu'elles portent un vêtement particulier.
Encore une fois, messieurs, tout cet échafaudage croule devant les simples observations que je viens de présenter.
Fondation Verbessems : Mon honorable ami M. Tack vous a lu une lettre qui montre à la dernière évidence l'indignité de l'attaque dirigée contre cette institution. Comment ! il y a là pour tout revenu une somme annuelle de 200 fr., au moyen de laquelle on donne l'instruction à cent enfants, c'est-à-dire que chaque élève est instruite à raison de 2 fr. par an. Mais, dites-moi, où trouverez-vous encore une institution pareille où l'instruction se donne à si bon marché ? N'est-ce pas le summum de l'économie appliqué à l'instruction ? Mais ici encore on découvre des abus (page 833) parce qu'il s'agit de religieuses ; au lieu de reconnaître que c'est précisément parce que ce sont des religieuses qu'il est possible de donner l'instruction à ce prix et que par conséquent on devrait leur savoir gré de produire tant de bien à si bon marché.
Fondation Pottier à Rumes.
C'est la même chose. Les administrateurs, peut-être des administrations communales, ont préféré une petite congrégation pour donner l'instruction aux jeunes filles de la commune. Fait abominable ! Mais, mon Dieu ! changez donc les mœurs de nos populations qui veulent qu'il soit donné une éducation religieuse à nos filles et ce prétendu abus disparaîtra ; le peuple ne veut pas de vos écoles de filles, parce qu'il sait parfaitement qu'il n'y a que l'éducation religieuse qui puisse conserver la femme dans toute sa pureté. Au lieu de crier aux abus, réformez les mœurs du peuple, mais vous le tenteriez en vain, car ce que le peuple veut, c'est la femme pieuse, la femme religieuse, la femme ayant le sentiment de ses devoirs envers son père, sa mère et son mari, et non pas la femme libre, comme du temps de Saint-Simon.
Fondation Borgreeff. Elle a été instituée pour étudier la syntaxe, la philosophie et la théologie. Un décret de Napoléon a décidé qu'elle serait affectée uniquement à la théologie. Voilà le grief abominable qu'on impute aux administrateurs spéciaux : on n'a pas respecté la volonté du fondateur. Mais, comme on vous l'a dit, ce n'est pas aux administrateurs qu'il faut nous en prendre ; c'est à Napoléon Ier que vous devez vous adresser pour lui demander pourquoi il a changé la fondation.
Vous savez parfaitement que c'est Napoléon Ier qui a fait cela. La famille était parvenue à sauver la bourse à l'époque de la révolution française, et elle a dû accepter les conditions que l'empereur a attachées à sa décision. C'est lui qui en a fait une fondation de bourse d'étude de la théologie ; adressez-vous donc à l'empereur Napoléon Ier et non aux collateurs.
Restent donc les deux fondations de Hervé et de Liège citées par M. Bara.
L'honorable comte de Theux vous a expliqué ce qui s'est passé à propos de ces fondations et il vous a montré qu'il a agi conformément à l'avis de la commission centrale des fondations, qui était composée des plus éminents jurisconsultes.
Eh bien, qu'y a-t-il dans tout cela ? Une simple question d'appréciation. (Interruption.) Certainement, il n'y a pas autre chose ; vous trouvez que l'honorable M. de Theux a mal jugé ; il est, lui, d'un avis contraire et il a pour lui l'avis des plus éminents jurisconsultes du pays. Je le répète, c'est là une simple question d'appréciation et rien autre chose.
En résumé, messieurs, après avoir disséqué tout cet acte d'accusation dressé par M. le ministre de la justice contre les fondations de bourses, à quel résultat suis-je arrivé ? Sur 769 fondations gérant pendant plus d'un demi-siècle et ayant fourni quarante à cinquante milles comptes, M. le ministre a trouvé une cinquantaine d'irrégularités dont plusieurs n'offrent aucune espèce d'intérêt au point de vue de la chose publique.
Ce sont de ces irrégularités, rien que des irrégularités, comme il s'en commet tous les jours dans toutes les administrations publiques, sans en excepter nos propres ministères. A part cela, il reste trois ou quatre faits de détournements de fonds. Sur 769 fondations gérant pendant un demi-siècle, trois ou quatre faits de détournement, et vous osez venir dire : Voilà où sont les voleurs ! Or, que prétendez-vous justifier par là ? Prétendez-vous justifier votre loi parce que vous aurez découvert quelques abus de ce genre ? Mais y en eût-il vingt fois davantage, cela vous donne-t-il le droit de confisquer toutes les fondations de la Belgique ? cela vous donne-t-il le droit de vous emparer même des fondations auxquelles il n'y a pas le moindre reproche à faire ?
En résumé, vous n'avez pu constater que cinquante-neuf faits plus ou moins irréguliers sur 769 fondations ; il reste donc 710 fondations, c'est-à-dire les neuf dixièmes, à l'abri de tout reproche. Et les 59 incriminés ne constituent presque tous que des irrégularités sans aucun préjudice à la chose publique. Or, en supposant vos griefs fondés autant qu'ils le sont peu, auriez-vous par là le droit de vous en prévaloir pour justifier l'acte le plus injustifiable qu'aucun parlement ait jamais vu éclore dans son sein en temps de paix ? Savez-vous, messieurs, quand on fait des lois de ce genre, des lois de confiscation du bien d'autrui, d'attentat à la propriété ? En temps de révolution, comme en 93, quand la guillotine est sur la place publique. Mais en d'autres temps, cela ne s'est jamais vu dans aucun pays du monde, et il a fallu un ministère libéral et tyrannique pour faire peser sur le pays un tel attentat à la propriété.
Comment ! mais avec un pareil système, vous en viendriez à confisquer les biens du prince de Ligne, du duc d'Arenberg, etc., etc., sous prétexte qu'ils seraient mal gérés par leurs intendants. (Interruption.)
Voilà une des conséquences de votre système ; car, messieurs, il n'y a pas de droit contre le droit, et si vous avez raison ici, si votre loi de 1864 est juste, vous devez avoir raison également contre tous les particuliers. S'il y a des voleurs, mettez-les à la porte ; ce sont des ennemis de la morale, de la religion, de tous les principes sociaux. Mais votre confiscation des fondations de bourses d'étude et de fondations d'écoles catholiques est un attentat aux droits les plus sacrés de l'homme et du citoyen, un attentat dont l'histoire n'offre pas d'exemples.
Vous accusez les administrateurs spéciaux, mais si vous passiez en revue toutes les administrations publiques, comme vous avez passé en revue les 769 fondations de bourses d'étude ; si, parmi les administrations publiques, vous preniez au hasard 769 bureaux de bienfaisance, par exemple, pensez-vous que vous n'y trouveriez pas bien d'autres abus ? Allez dans tous les départements ministériels, partout vous trouverez des abus et des irrégularités ; allez au département de la justice, vous y en rencontrerez un grand nombre ; allez au département de l'intérieur, au département de la guerre, ce sera la même chose ; partout vous pourrez signaler des abus.
Le cahier annuel de la cour des comptes, qu'est-il autre chose que la révélation de vos irrégularités et de vos abus ?
Ne pourrions-nous pas, nous, révéler à la tribune une fouie de faits irréguliers qui se passent dans les divers ministères ? N'aurions-nous pas pu venir dire, par exemple, que tel général reçoit quatre rations de fourrages, bien qu'il n'ait que deux chevaux ; que tel colonel revoit deux rations de fourrages, bien qu'il n'ait qu'un cheval ? Mais nous nous sommes bien gardés d'apporter ces révélations à la tribune ; et pourquoi ? Parce que nous respectons l'armée, parce que nous la considérons comme une des forces sur lesquelles repose notre nationalité. Mais nous ne respectons pas moins le culte catholique que professe le pays et qui est l'autre pivot de la nationalité belge ; vous, vous foulez aux pieds tout ce qui touche à ce culte, les hommes et les institutions, les fondations catholiques, les bourses d'étude catholiques, les écoles catholiques, le temporel du culte catholique, et en le foulant aux pieds, vous posez un acte de mauvais citoyens, d'ennemis du pays.
Encore un mot, et je termine.
J'ai vu, dans le discours de M. le ministre de la justice, un fait de la plus extrême gravité, parce qu'il est la conséquence de la marche anticatholique de ce mauvais ministère. Ce fait, je dois le signaler aujourd'hui à la Chambre : il est relatif aux petits séminaires.
M. le ministre de la justice, voulant rencontrer une objection qui se trouve dans les lettres de NN. SS. les évêques, a prétendu que les petits séminaires n'avaient pas la personnification civile. (>Interruption.) Ah ! vous dites que cela est juste ; vous avez cité un arrêt de la cour de cassation ; eh bien, je proteste, au nom de la cour de cassation tout entière, contre la portée que vous voulez donner à cet arrêt. Il n'y a pas, j'en suis sûr, un seul membre de cette cour qui voulût accepter les conséquences qu'entraînerait votre système, s'il était jamais admis.
Quoi ! les petits séminaires n'ont pas la personnification civile ? Mais s'ils n'ont pas la personnification civile, qui est donc le propriétaire ? Vous ne répondez pas à cette question ; je vous la renouvelle. Qui donc en est le propriétaire ? Vous ne répondez pas encore.
Eh bien, si votre système est vrai, je vais vous dire qui est le propriétaire ; si les petits séminaires n'ont pas la personnalité civile, et à mes yeux ils l'ont incontestablement en vertu du concordat, s'ils n'ont pas la personnalité civile, ils tombent sous le coup de l'article 2 de la loi de 1864, et vous devez les confisquer au profit des communes ; car l'article 2 de votre loi de 1864 porte :
« Les libéralités faites en faveur de l'enseignement moyen dans une province sont réputées faites à la province. »
La même chose est décrétée pour les libéralités faites en faveur d'une commune et c'est au moyen de cette disposition que les communes s'emparent des écoles catholiques. Or, si vous ne poussez pas jusque-là les conséquences de votre système, vous reculez devant l'application de la loi que vous avez fait vorer, vous déclarez par là que votre principe est faux et que les petits séminaires ont la personnification civile. Et si vous voulez prétendre qu'ils n'ont pas la personnification civile, alors votre loi les a confisquées.
Les grands séminaires sont les propriétaires des petits séminaires, qui n'en sont qu'une dépendance. De quel droit intentez-vous à ceux-ci un procès, pour faire déclarer, au moyen d'un subterfuge, indigne d'un gouvernement, que ceux-ci n'ont pas la personnification civile, afin de (page 834) venir ensuite, sous le couvert d'un arrêt rendu dans une question purement fiscale, arrivera la confiscation des petits séminaires ?
Je le répète, si votre système est fondé, c’est la confiscation des petits séminaires. Ce serait un nouvel acte de la guerre incessante que vous faites à l’Eglise ; vous lui enlèveriez ses établissements d’instruction, comme vous lui avez enlevé les fondations de bourses d’étude, créées par des hommes religieux et pour un but religieux.
Un abîme appelle toujours un autre abîme. Prenez garde ! en suivant cette pente fatale, funeste au pays, vous marchez d'abîme en abîme, et vous ne vous arrêterez que lorsque se lèvera devant vous la catastrophe finale dont vous aurez été les malheureux instruments.
Mais le pays vous connaît ; il est fatigué de votre domination tyrannique, de votre violence, de votre conduite et il saura secouer un joug qui trop longtemps a pesé sur lui.
MfFOµ. - Messieurs, dans cette discussion, on a plusieurs lois prétendu que le débat actuel n'avait été suscité qu'au point de vue d'un tactique électorale, et pour échapper à une autre discussion, qui était considérée comme plus importante, particulièrement, à ce qu'il semble, par les honorables membres de la droite : je veux parler de la discussion de la réforme électorale.
Je dois déclarer, au nom du gouvernement, que rien n'est plus inexact que cette assertion. Nous aurions désiré très vivement, au contraire, que la discussion sur la réforme électorale pût avoir lieu en ce moment ; je le souhaitais, pour ma part, très ardemment ; mais, je tiens à le déclarer, je suis bien convaincu que, si cette discussion avait pu suivre son cours, les honorables membres auxquels je réponds nous eussent également accusés de ne l'avoir provoquée que comme une pure tactique électorale.
Je ne sais rien en effet qui soit de nature à mieux éclairer le pays sur les conséquences des idées de réforme que l'on a récemment agitées, que d'indiquer dans quelle voie on veut l'engager, en le poussant vers le suffrage universel. Nous aurions examiné s'il était dans les vœux du pays que les valets de ferme, les manouvriers devinssent les arbitres des administrations communales, et fussent chargés de régir les intérêts locaux. Nous aurions examiné s'il était de l'intérêt du pays que les classes les plus nombreuses et les moins éclairées, eussent une prépondérance absolue dans tous les collèges électoraux de la Belgique.
Nous avons donc tout lieu de regretter que le terme nécessairement prochain de la présente session ne nous ait pas permis de discuter une aussi importante question, et nous ne voulons pas assumer la responsabilité de son ajournement. C'est en effet uniquement pour pouvoir nous défendre des odieuses accusations que l'on a osé formuler contre nous, que nous avons été obligés d'accepter le débat qui vous a occupés pendant de nombreuses séances. Cette question de bourses d'étude avait d'ailleurs pour le pays une importance également très considérable. Il s'agissait d'établir de nouveau le véritable but que l'on avait en en vue, en proposant la loi de 1864.
Vous vous en souvenez, messieurs, les fondations de bourses étaient, en vertu des actes mêmes que l'on a invoqués, en vertu des arrêtés de 1818 et de 1823, la dotation de l'instruction publique.
A une certaine époque, la droite se trouvant accidentellement en majorité, a prétendu ravir aux établissements publies une faible et insignifiante dotation qui était allouée en leur faveur. Elle a dit : « Vous ne pouvez attribuer exclusivement aux établissements publics une dotation quelconque, à charge de l'Etat, sans créer à leur profit un privilège, un véritable monopole. Or, en vertu de la liberté de l’enseignement et de la liberté des études, les fonds que l'Etat consacre aux bourses d'étude doivent être répartis entre tous les boursiers, quels que soient les établissements dans lesquels ils entendent chercher l'enseignement. »
Eh bien qu'avons nous fait ? Nous avons appliqué d'une manière générale le principe même que la droite avait fait prévaloir ; c'est alors que nous avons dit à notre tour : « Si les fonds publics ne doivent pas être attribués exclusivement aux établissements publics, les fondations de bourses, qui sont aussi la dotation de l'instruction publique, doivent au même litre être distribués entre tous les établissements du pays. Tout au moins faut-il que ceux à qui les fonds sont attribues puissent étudier à leur gré dans un établissement de leur choix, soit public, soit privé. »
Or, messieurs, voilà la véritable question qui nous sépare. Voilà l'origine et la cause de la réforme que nous avons introduite. La liberté des boursiers, tel est le principe capital qui domine dans la législation de 1864. Ce principe de liberté que nous avons fait triompher, avait été complètement méconnu jusqu'alors. Sous le régime des administrations spéciales, et c'est là un grief qui a été négligé dans le débat actuel, on exerçait une pression inouïe sur les candidats, afin de les déterminer à se rendre exclusivement dans les établissements du clergé... (Interruption.) Oui, messieurs, et cette pression s'exerçait avec tant de violence, qu'on allait jusqu'à refuser les bourses à ceux qui avaient le droit incontestable d'en jouir, lorsqu'ils manifestaient l'intention de résister aux injonctions des collateurs. C'était là un abus intolérable que la loi nouvelle a eu pour but de faire disparaître. La loi de 1864 assure, d'une manière complète et absolue, la liberté des études, la liberté des boursiers.
Mais cette loi devait amener d'autres résultats non moins importants : d'abord c'était la restitution, conformément aux lois jusqu'alors méconnues, de la dotation de l'instruction publique et particulièrement de l'enseignement primaire, aux établissements communaux. On vous a fait connaître quels étaient les griefs sous ce rapport. Vous avez vu comment un grand nombre de dotations, et des plus riches, avaient été enlevées aux communes pour être distribuées à des corporations religieuses.
Le but que l'on s'est proposé encore à été la régularisation de l'existence d'une foule d'établissements d'instruction, qui étaient jusque-là sans existence légale qui, en droit et en fait, n'avaient ni protection ni garantie, et qui auraient disparu malgré toutes les précautions prises par les fondateurs, si une disposition législative n'était venue consacrer leur existence.
Enfin, on a voulu remédier aux vices d'une administration qui, comme on l'a parfaitement établi et démontré, était tout au moins très irrégulière, pour ne rien dire de plus, d'une administration qui a donné naissance à un grand nombre d'abus de tous genres, abus qu'il était certainement urgent de réprimer.
Ce sont ces graves irrégularités, ces abus et ces vices des anciennes administrations des bourses d'études, qui ont fait le principal objet de cette discussion.
Je ne veux pas, vous le comprenez, messieurs, rentrer dans le détail des faits qui vous ont si longtemps occupés déjà. Mais je dois exprimer mon étonnement du parallèle étrange que l'on a voulu établir entre les administrations publiques et ces administrations privées, ces administrations spéciales, qui sont les plus déplorables de toutes. (Interruption.) Je suis vraiment surpris que l'on ait poussé l'imprudence jusqu'à vous signaler des abus qui ont été constatés dans quelques-unes de ces administrations publiques, pour en déduire cette incroyable conséquence, que les administrations spéciales, les administrations particulières, méritaient une bien plus grande confiance.
Messieurs, on a déroulé devant vous, non pas seulement, comme on l'a dit, tout ce que l'on est parvenu à découvrir, mais en réalité tous les abus que l'on peut imputer aux administrations publiques, et particulièrement à l'administration des finances. Voyez, s'est-on écrié, dans l'administration des finances, il y a eu des comptables en déficit, et il y a eu des détournements de fonds.
Eh bien oui, messieurs, cela est parfaitement exact, et certes personne n'a jamais prétendu que dans une administration quelconque des abus de ce genre ne pussent exister. Mais ce que l'on ne vous a pas dit et ce que je vais vous démontrer, c'est que ces abus, eu égard à l'importance des administrations dont il s'agit, sont tellement insignifiants, que si l'on s'était ingénié à trouver un argument en faveur de l'administration publique contre l'administration spéciale, on n'en aurait pu trouver de plus concluant et de plus décisif. (Interruption.)
En effet, la Chambre sait qu'en 1849 des réformes importantes ont été introduites dans l'administration des finances. On a réussi à réaliser sur l'administration proprement dite, c'est à-dire sur le personnel, des économies qui ne s'élèvent guère à moins d'un million par an. A cette époque on a manifesté des craintes sur les conséquences que pourraient avoir ces réformes, au point de vue de la bonne gestion des finances de l'Etat. On redoutait un affaiblissement du contrôle qui doit nécessairement s'exercer sur la recette et sur la dépense des deniers publics, et plus d'une fois, j'ai eu à rendre compte à la Chambre des résultats de cette nouvelle organisation de l'administration financière.
Eh bien, messieurs, si je prends tous les faits accomplis depuis 1849, jusqu'en 1865, exercices clos, je trouve que les agents des diverses administrations de l'Etat ont opéré pendant cette période des recettes qui atteignent le chiffre énorme déplus de deux milliards de francs. et quelle est l'importance des abus, des déficits dont on vous a fait si complaisamment la longue énumération ? La somme de tous les déficits réunis s'élève à 53,600 francs, c'est-à-dire, à un chiffre absolument insignifiant, (page 835) puisque c'est à peu près 3 millièmes pour cent de celui de la recette. (Interruption.)
Vous le voyez, messieurs, c'était une entreprise des plus téméraires que de vouloir opposer à des administrations publiques organisées dans de si excellentes conditions, des administrations privées, c'est-à-dire sans contrôle sérieux, sans règles fixes, confiées à des agents irresponsables, en réalité inamovibles, qui prétendaient tenir leur mandat des testateurs, et considérant les pouvoirs publics, qui tentaient en vain d'exercer sur eux une surveillance efficace, comme se permettant une ingérence illégitime dans des matières qui leur étaient interdites.
D'ailleurs, messieurs, ne l'oubliez pas, dans tous les temps, dans tous les pays, ces administrations spéciales ont été jugées et appréciées ; dans tous les temps, dans tous les pays, elles ont été condamnées. C'est s'insurger contre l'histoire universelle que de vouloir en prendre la défense.
Au siècle passé, dans notre pays même, des enquêtes ont été ordonnées sur des administrations spéciales ayant le même caractère que les administrations des bourses, c'est-à-dire sur les administrations spéciales de bienfaisance. Et qu'a-t-on constaté ? (Interruption.) Ces enquêtes existent ; on peut y recourir. On a constaté absolument les mêmes faits que ceux que l'on vous révèle aujourd'hui.
Les enquêtes qui avaient été faites en France sur la même matière, à diverses époques, avaient également constaté exactement les mêmes abus. Ce sont des vices inhérents aux administrations spéciales. Ils tiennent à la nature même de ces administrations.
M. Nothomb. - Je demande la parole.
MfFOµ. - En Angleterre même enquête, mêmes faits constatés ; et je le dirai aussi, même défense de la part des avocats officieux ou des avocats d'office des administrations spéciales. Quand les faits les plus graves étaient révélés, on les prétendait fort insignifiants, il ne valait pas la peine d'en parler, comme vient de le dire encore l'honorable M. Dumortier. C'étaient des faits qui se rencontrent à peu près partout. Rien ne prouvait que l'on dût faire pour cela disparaître ces administrations, comme on le prétend également ici, et violer la volonté des testateurs en leur substituant une administration présentant un contrôle plus efficace et plus régulier.
Messieurs, dans le parlement anglais, des hommes les plus illustres, à commencer par sir Robert Peel et lord John Russell, n'ont pas dédaigné de s'occuper des abus de ces administrations spéciales, d'en poursuivre la répression, de se pourvoir devant le parlement, de faire partie des comités d'enquête, de rédiger des rapports, et ils auraient été fort étonnés si l'on était venu leur dire, pour les arrêter dans leurs recherches : Ecoutez les beaux discours que l'on prononce au delà du détroit plutôt que de vous occuper de ces administrations spéciales que vous voulez réformer. Ils n'ont pas regardé comme au-dessous d'eux, comme indigne d'eux, de rechercher tous ces abus qu'il importait de réprimer dans les administrations publiques. Et croyez-vous qu'ils aient échappé, plus que nous, aux injures, aux outrages que l'on déverse sur la loi de 1864 ?
Mais exactement tout ce que vous dites, messieurs, tout ce que vous répétez, a été dit et répété dans le parlement anglais, à l'occasion de chaque réforme que l'on a voulu introduire dans les administrations spéciales ; et si vous vous étiez donné la peine de lire un petit livre que vous possédez tous, qui vous a été distribué à tous, vous y auriez trouvé exactement, à propos des fondations anglaises, ce que vous dites à propos des fondations belges.
En 1854, il s'agissait de réformer les fondations des universités, et en particulier de l'université d'Oxford. il existait là un grand nombre de ce que les Anglais appellent fellowships, qui sont des fondations analogues à celles des bourses.
« Il y avait à Oxford, suivant la déposition d'un témoin dans l'enquête, 542 places de fellows (fellowships). C'est dans le corps des fellows que doit être choisi tout le pouvoir étudiant et enseignant de l'université, c'est parmi eux que se recrutent tous les professeurs, tous les tuteurs, tous ceux qui se consacrent à la science pour elle-même et en dehors des besoins de la vie pratique.
« De ces 342 places, 22 seulement sont accessibles au mérite et à l'activité. Les autres sont réservées : 1° à des personnes nées dans certaines localités ; 2° aux parents des fondateurs ; 3° à des personnes élevées dans des écoles particulières.
« Le système d'élection aux places de fellows est, de tous les défauts d'Oxford, celui auquel il importe d'apporter remède le plus tôt possible. Qu'on décide seulement que ces places seront données au concours, et toutes les autres réformes suivront spontanément. Un corps d'hommes choisis dans l'intérêt de la science ne manquerait pas, avec le temps, d'approprier chaque chose aux besoins de la science. »
Et que proposa-t-on pour remédier à une situation si évidemment contraire au progrès des études ? Vous allez voir si on recula devant les mesures les plus radicales.
En entrant en fonctions, les fellows faisaient le serment de ne pas permettre que l'on apportât le moindre changement aux statuts de la fondation ; on proposa en premier lieu de les relever de leur serment, et de les autoriser, contrairement aux actes de fondation, qui réservaient les bourses aux personnes nées dans certains localités, aux parents des fondateurs ou aux personnes élevées dans des écoles particulières, de disposer de ces bourses par voie de concours. Le projet primitif de lord John Russell allait même plus loin.
« Il stipulait pour les commissaires le droit absolu de réformer les statuts des collèges, sans tenir compte de l'opposition des fellows, et fixait à un cinquième la partie du revenu de chaque collège qui devait être affectée à la création de nouvelles chaires de professeurs et à une meilleure rétribution des chaires existantes. »
« Et alors s'éleva », dit l'écrivain que j'ai sous les yeux, et la parfaite exactitude des faits est d'ailleurs constatée dans les actes du parlement, « il s'éleva une violente opposition. On disait que le projet consacrait le principe de la spoliation » (l'honorable M. Dumortiecr vient de le répéter) « qu'il prouvait beaucoup de mépris pour la sainteté des fondations et beaucoup d'ingratitude envers les bienfaiteurs et les fondateurs » (toujours le langage de l'honorable M. Dumortier) « et que c'étaient là des choses que le parlement ne pouvait pas et ne devait pas sanctionner. » (Interruption.)
C'est encore exactement ce que l'honorable M. Dumortier vient de vous dire. (Nouvelle interruption.)
M. Dumortier. - Le parlement anglais s'est bien gardé de confisquer les bourses.
MfFOµ. - Ici, comme en Angleterre, les bourses sont maintenues ; mais le parlement a fait beaucoup plus que ce que nos Chambres ont sanctionné ; il a relevé les administrateurs de leur serment et il les a autorisés à mettre les bourses au concours, chose directement contraire aux actes de fondation.
M. Dumortier. - Ce n'est pas là la confiscation des bourses.
MfFOµ. - Les honorables membres qui défendaient notre opinion au Parlement anglais tenaient exactement le même langage que nous. Voici comment s'exprimait lord John Russell.
« Il y a deux choses entièrement distinctes, disait lord John Russell, à savoir, la forme particulière sous laquelle les desseins des fondateurs furent exécutés au temps passé et dans un état social différent, et la manière dont il est possible de les remplir aujourd'hui. Ainsi, par exemple, des places de fellows ont été attribuées à certaines écoles. Mais si l'école avait déchu, si, au lieu de compter deux cents élèves, elle n'en avait plus que vingt ou vingt-cinq, et si les jeunes gens qui se présentent pour les places de fellows étaient inférieurs aux étudiants de l'université, considérés dans leur ensemble, pourrait-on dire que le but du fondateur serait rempli ? Je reconnais la nécessité de maintenir le dessein principal des fondateurs, mais je ne pense pas qu'on puisse le faire en s'arrêtant à la lettre des statuts. »
Et, comme je viens de le dire déjà, les adversaires de la réforme adressaient au gouvernement anglais les mêmes reproches que la droite ne cesse de faire retentir contre nous : il y avait spoliation, violation des actes de fondation, en un mot tout ce que vous avez dit, et, enfin, il ne devait pas exister un parlement capable de sanctionner de pareilles iniquités. Néanmoins les mesures proposées furent parfaitement sanctionnées, et malgré tous les outrages déversés sur les hommes qui avaient eu le courage d'en prendre l’initiative, quelques années s'étaient à peine écoulées que toute récrimination avait cessé. Les réformes, plus sainement appréciées, parlèrent d'ailleurs par leurs résultats, et l'on trouva que les choses étaient infiniment mieux qu'auparavant. Les mesures si ardemment combattues d'abord finirent par obtenir, d'une manière incontestable et à peu près unanime, la sanction de l’opinion publique.
C'est aussi là, messieurs, le sort qui est assuré à la loi de 1864, attaquée aujourd'hui avec tant de violence et de passion. Ceux qui l'ont proposée et défendue, ceux qui l'ont justifiée par des raisons de justice et d’équité irréfutables, ont avant tout le témoignage de leur conscience pour les consoler des outrages et des indignités dont on les a comblés. Mais ils ont de plus, et dès maintenant, l'approbation du pays. Le (page 830) pays, en effet, a déjà été appelé à se prononcer et il les a approuvés. Aux élections prochaines, nous n'en doutons pas, le pays confirmera sa première semence, et nous attendons son verdict avec le calme et la confiance qu'inspire le sentiment d'un devoir courageusement accompli dans le grand intérêt de la liberté et du progrès de l'instruction publique.
M. Nothomb. - Messieurs, je veux, à l'instant même, répondre quelques mots à M. le ministre des finances, en le suivant dans l'ordre de ses observations.
En faisant le procès en règle aux administrations spéciales, il a cité l'exemple de l'Angleterre. Or, c'est cet exemple que je vais précisément lui opposer. Sans doute, en Angleterre, on a fait une grande enquête sur la situation de l'assistance publique, mais a-t-on, comme chez nous, sous prétexte de contrôle, attribué à l'Etat toutes les libéralités, toutes les fondations et tous les biens faisant partie des institutions charitables ? Non, messieurs, bien au contraire, on a maintenu le droit de la liberté d'avoir l'administration et la distribution du bien qu'elle fait. Et cependant cette enquête avait constaté des abus réels.
Le principe anglais, c'est la liberté de l'assistance, et l'Etat n'intervient qu'à titre de contrôle, tandis que vous, sous prétexte de surveillance, vous avez investi l'Etat d'une puissance entière et exclusive. A l'action de la liberté vous avez substitué le droit le plus absolu de la centralisation et du despotisme administratif.
Les administrations spéciales, dites-vous, sont condamnées dans le monde entier, sont livrées partout à la réprobation de l'opinion publique. Cela n'est pas exact. Savez-vous où les administrations spéciales sont proscrites ? Seulement dans la libre Belgique.
En Angleterre elles existent depuis des siècles et nul ne songe à les supprimer. Mettez donc le pied sur le sol anglais et que voyez-vous partout ? Des établissements issus de l'initiative privée, fondés par la liberté et administrés par la liberté. Dans les Pays-Bas, est-ce que le principe des administrations spéciales n'est pas la règle ? Y en a-t il une autre ? Et en Prusse, en Allemagne et dans presque tous les pays civilisés de l'ancien comme du nouveau monde, le principe des administrations spéciales est en vigueur. Elles sont surveillées sans doute, surveillées plus ou moins sévèrement, elles doivent l'être, mais elles sont maintenues, stimulées, encouragées, honorées !
Pourquoi ? C'est que ce principe des administrations spéciales répond au sentiment intime de l'homme. Elles sont l'expression de la liberté individuelle et civile comme elles sont la condition vitale de l'expansion de la charité ; et vous aurez beau faire, votre système peut bien triompher un jour, mais il ne prévaudra pas longtemps contré ce puissant sentiment qui a sa source dans l'indépendance et la dignité humaines.
Sans doute, il peut y avoir, il doit y avoir des abus ; ils sont inséparables de la liberté. Mais il y en a aussi dans la centralisation, et à tout prendre, j'aime mieux les écarts de la liberté que les bienfaits du despotisme.
Vous venez de faire une lecture, M. le ministre ; la Chambre me permettra aussi de citer quelques lignes au sujet de ce qui se pratique en Angleterre :
« Ces deux mots, assistance publique, au reste, ont en France et en Angleterre, il est à peine besoin de le rappeler, une signification entièrement différente. A Paris, ils représentent une importante administration qui a son budget spécial et comprend à peu près tout ce qui concerne la bienfaisance. Rien de pareil n'existe à Londres ; là tout absolument est dû à l'esprit d'association ; les œuvres parfaitement libres font le bien comme elles l'entendent ; nul n'y met l'œil ni la main ; elles créent les établissements qu'elles visitent et surveillent elles-mêmes ; l'existence légales qu'elles doivent parfois au bill du parlement qui a autorisé la fondation, les subventions mêmes qu'elles reçoivent ne portent en aucune façon atteinte à leur liberté. L'inspection générale, qui joue un rôle si considérable dans l'ensemble de nos institutions de bienfaisance, n'a point d'existence en Angleterre... Tout n'est pas avantage sans doute dans cette absence absolue de réglementation... mais un tel mode administratif est antipathique à la nation, qui ne croit pas payer trop cher, par un peu d'incohérence et de désordre, l'indépendance dont elle jouit en ce point comme en beaucoup d'autres. »
Telle est l'opinion d'un écrivain distingué consignée dans un article, que je vous engage beaucoup à lire, sur l'assistance publique en Angleterre et qui se trouve dans la Revue contemporaine de 1863.
II est donc bien constant qu'en Angleterre les administrations libres et indépendantes sont la règle et que, sous prétexte de contrôle et de surveillance, on ne les y a pas supprimées.
Maintenant vous dites que la loi de 1864 a eu pour but de régulariser la situation et qu'elle a été le seul moyen d'extirper les abus. Je vous réponds que les arrêtés du roi Guillaume vous mettaient entre les majis un pouvoir considérable qu'il fallait employer et renforcer, si la nécessité en était démontrée. Mais cessez d'invoquer l'impuissance administrative. Je vais vous montrer qu'elle n'existait pas.
Vous prétendez qu'il vous a fallu votre loi de 1864, pour enlever à des mains incapables ou infidèles une administration qu'elles compromettaient. Vous oubliez donc que le roi Guillaume vous avait donné les moyens de retirer cette gestion à ces mains négligentes ou coupables. L'arrêté du 26 décembre 1823, par son article 15, donnait au gouvernement le droit de suspendre et de révoquer les administrateurs négligents ou infidèles. Et puisqu'on semble oublier ce texte, je veux le rappeler :
« ... Notre ministre pourra, dans les cas de malversation, infidélité, insolvabilité ou de mauvaise gestion reconnue, suspendre provisoirement ou même prononcer la révocation ou la destitution des administrateurs et pouvoir provisoirement à leur remplacement, en suivant autant que possible l'intention des fondateurs. »
Voilà ce qu'il fallait faire ; je l'ai fait quand j'étais ministre. J'ai suspendu et révoqué des administrateurs spéciaux négligents ou indignes.
Mais vous, au lieu de révoquer les mauvais administrateurs, vous avez trouvé plus commode de les abattre tous.
Oui, je le répète, voilà ce que vous deviez faire, au lieu de consommer ce grand attentat légal par lequel, au nom d'un droit de surveillance et de contrôle que vous aviez en main, vous avez confisqué les fondations elles-mêmes.
D'après le même arrêté, le ministre de la justice avait le droit de faire inspecter, à son gré, toutes les fondations. Avez-vous usé de ce droit ?
Je regrette de ne pouvoir m'arrêter sur ce point, et la Chambre n'aurait pas la patience de m'entendre, mais il me serait facile de démontrer que par les arrêtés du roi Guillaume, le patrimoine des fondations, leur but, leur prospérité étaient grandement, sérieusement protégés. Il y avait abondance de précautions ; il suffisait d'en faire un énergique usage. Au besoin, vous pouviez les renforcer, les compléter, si vous ,’aviez d'autre but que la surveillance et le contrôle. Mais il était tout autre : vous avez voulu, dans un intérêt politique, absorber les fondations et, dès lors, vous êtes obligés, et d'inventer des abus et de dire que les arrêtés du roi Guillaume vous laissaient impuissants à les réprimer.
M. le ministre des finances nous reproche d'avoir opposé aux abus des administrations spéciales ceux qui se rencontrent dans les administrations publiques, et il s'écrie : « Je vous mets au défi de prouver qu'il y ait dans les administrations publiques des abus comparables à ceux qu'on trouve dans les administrations spéciales. »
M. Crombez. - Il n'a pas dit cela.
M. Nothomb. - J'avais même cru entendre un mot assez mal sonnant, je crois qu'il a dit : On a eu l'impudeur...
MfFOµ. - C'est une erreur, j'ai dit l'imprudence.
M. Nothomb.— Alors, pardon, vous dites : On a eu l'imprudence de mettre ici en parallèle les administrations publiques et les administrations spéciales.
Sommes-nous donc les seuls à avoir signalé les abus que l'on constate chez les administrations publiques ? Oh, non, et je vais vous rappeler ce qu'en disait un homme qui ne peut pas vous être suspect, auquel on a fait de magnifiques funérailles et auquel Bruxelles érige un monument grandiose, M. Charles de Brouckere. Voici son opinion.
M. Hymans. - Nous la connaissons.
M. Nothomb. - Vous la connaissez, c'est très bien pour vous, mais tout le monde ne la connaît pas et il est bon de la rappeler à ceux qui l'auraient oubliée :
« On veut prévenir les abus ! Oui, il y a eu autrefois beaucoup d'abus ; mais je demanderai à celui qui me signalera les abus des siècles derniers en matière de charité de vouloir bien compléter le parallèle de cette époque avec l'époque actuelle et de me dire s'il n'y avait pas des abus partout, en tout.
« Si nous avons remédié aux abus par la liberté, car la liberté est moderne ; si nous avons remédié aux abus dans tant de choses, pourquoi ne pas admettre qu'on pourrait les amoindrir, les empêcher dans un ordre particulier, dans la charité, et par la liberté et par la publicité ?
« J'admets cependant qu'il y aura des abus dans l'avenir, qu'on ne pourra ni les prévenir, ni les réprimer tous ; mais les administrations publiques, par leur nature même, sont sujettes à des abus considérables. Cela est inhérent à la chose même, indépendant des administrateurs... »
Je m'arrête un instant à ces mots :
(page 837) Tout à l'heure M, le ministre des finances disait précisément que les abus sont inhérents aux administrations spéciales. L'honorable M. de Brouckere qui s'y connaissait, qui avait passé sa vie dans la pratique de l'administration publique, proclame que les abus sont inhérents à la constitution même des administrations publiques de bienfaisance.
Je finis ma citation.
M. de Brouckere ajoute :
« Les administrateurs des biens des pauvres, de tous les hospices, s'acquittent avec un zèle, un dévouement extrêmes de leur mandat délicat. Leur désintéressement est admirable ; mais à côté d'eux il faut des états-majors très nombreux ; et l'administration publique des hospices et des bureaux de bienfaisance, dans la plupart des localités, coûte de 20 à 25 p. c. des revenus ! Or avec ces 20, ces 25 p. c, on couvrirait bien des abus qu'on redoute dans les administrations particulières, et, en l'absence d'abus, on pourrait venir en aide à plus d'infortunes, à plus de misères. Il y a d'ailleurs un luxe qui est inhérent aux administrations publiques. La vanité, l'ambition, l'orgueil des administrateurs s'en mêlent : je suis administrateur et je parle en praticien. On veut faire parler de soi, on veut laisser un nom, et l'on fait beaucoup de sottises pour arriver à ce but. »
Et l'honorable ministre de la justice indiquait, lui aussi, comme un des grands vices des administrations spéciales, ces prodigalités, ce défaut d'économie que l'honorable M. de Brouckere signale comme un vice des administrations publiques.
MfFOµ. - Il a été démontré que c'était erroné.
M. Nothomb. - Permettez-moi d'avoir plus de confiance dans l'opinion d'un homme pratique comme M. de Brouckere qui était bourgmestre de Bruxelles, et qui avait fait de ces questions l'étude de sa vie entière, que dans les dénégations que vous énoncez en ce moment.
Je demande maintenant si quelqu'un a jamais prononcé contre les administrations publiques une critique plus formelle et plus sévère !
Et nous, qu'avons-nous dit ? Simplement ceci : Vous ne devez pas être plus exigeants, plus rigides envers les administrations spéciales qu'envers les administrations publiques, qu'il y a naturellement dans les administrations spéciales comme ailleurs des irrégularités, des abus nécessaires... (interruption) inévitables, mais qu'il fallait s'appliquer à corriger, mais non pas, sous prétexte de les réformer, vous emparer des biens mêmes de ces administrations.
M. le ministre nous dit encore : Vous avez tort de comparer les abus de la comptabilité publique aux abus des administrations spéciales ; les comptables de l'administration publique manient des sommes énormes, et les abus sont minimes, insignifiants en comparaison. Ceci n'est pas sérieux, car si nous pouvions et voulions compulser les archives des départements, nous trouverions une quantité considérable d'abus.
MfFOµ. - J'ai cité les faits constatés par la cour des comptes.
M. Nothomb. - Si M. le ministre voulait nous donner les dossiers de tous les déficits, de toutes les malversations, de tous les abus et de toutes les négligences des comptables publics depuis 50 ans, nous en aurions une montagne.
MfFOµ. - 53,600 fr. en 17 ans.
M. Nothomb. - Mais comment ! n'avez-vous pas chaque année dans votre budget un chiffre de prévision pour les déficits des comptables ? Et cependant ils fournissent un cautionnement. Malgré toutes les précautions, bien que nous ayons une administration admirablement organisée, en dépit des inspecteurs et des contrôleurs, il y a encore des comptables qui dilapident et qui volent !
On les a condamnés, dites-vous. Oui, on les a condamnés, mais à cause de cela allez-vous supprimer l'administration de l'enregistrement, des recettes ou de la poste ? C'est ce que vous faites cependant ; sous prétexte d'administrateurs incapables ou infidèles, vous mettez la main sur les biens eux-mêmes et vous supprimez l'administration.
Bornez-vous donc, comme pour les comptables publics, à sévir contre les coupables.
Voilà ce que nous vous reprochons, et c'est là que nous voyons une atteinte aux principes les plus sacrés.
Vous avez, par votre loi, méconnu le droit de la propriété, vous y avez introduit le principe délétère de la rétroactivité, et vous avez violé la loyauté et la sainteté du contrat intervenu entre les fondateurs et la société représentée par les pouvoirs publics de l'époque.
Voilà ce que nous vous reprochons et voilà pourquoi nous appellerons toujours votre loi de 1864 un grand attentat légal. (Interruption.) La loi de 1864, nous l'avons combattue dans son principe et dans ses conséquences sociales. Qu'était-il besoin après cela de venir nous parler de ces abus vrais ou imaginaires, de ces misérables querelles dont vous ennuyez aujourd'hui le pays et qui ravalent la dignité de la Chambre comme celle du gouvernement.
Je le dis sans hésiter, j'ai dissuadé mes amis de vous suivre sur ce terrain, de vous donner la réplique, car votre but était par trop évident et la manœuvre trop transparente. Que vouliez-vous en réalit' ? A la veille des élections, faire une diversion, agiter le pays par le fantôme de la mainmorte et des couvents. (Interruption.)
Eh, mon Dieu, quand j'ai vu la curiosité de M Funck servie si bien par la complaisance de M. le ministre de la justice j'étais certain qu'au moment voulu la scène étant préparée : mainmorte, couvents, clergé, tout allait apparaître ; vous en aviez besoin, c'était un thème prévu, il vous fallait des moines, des religieuses, des prêtres, des jésuites à mettre en suspicion, à éreinter, pardonnez-moi l'expression, et comme il s'agit d'an grand jour, d'un jour solennel d'élection, vous y avez cette fois ajouté des évêques. L'effet est magnifique ! Vous vouliez aussi et peut-être cherchiez-vous surtout à esquiver la discussion de la réforme électorale. (Interruption.) Vous venez de dire que cette discussion vous aurait également servi de levier pour remuer le corps électoral, pour l'éclairer, qu'elle vous aurait fourni l'occasion d'examiner jusqu'à quel point il fallait engager le pays dans des dangers, le compromettre dans le suffrage universel et faire arriver aux comices la plèbe et les valets de ferme ! Ah ! je saisis à merveille cette nouvelle tactique : d'ailleurs personne ici n'a demandé le suffrage universel...
Voix à gauche. - Si, vous...
M. Nothomb. - On l'a discuté en théorie, c'est un droit que chacun de nous garde ; et de ce que je pense, et de ce que j'ai dit du suffrage universel, je ne renie rien : mais dans les propositions qui vous sont soumises aussi bien dans celle de M.. Guillery que dans la mienne, il n'est pas question du suffrage universel.
. C'est donc encore une manœuvre pour égarer l'opinion du pays : vous évoquez le spectre rouge après le spectre noir. Personne n'en sera le dupe.
Nous ne vous parlions pas du suffrage universel ; nous vous demandons une réforme électorale destinée à appeler à l'exercice de la vie publique un plus grand nombre de citoyens. Ceci est chose juste autant que nationale. Qu'est-ce qui nous manque ? Une plus large base à notre édifice constitutionnel ; eh bien, pour élargir cette base, pour la fortifier, pour prévenir les périls de l'avenir, nous voulons étendre le droit électoral. Et en cela, nous sommes dans la Constitution, nous sommes dans le progrès, nous sommes dans les idées de notre temps et nous sommés fidèles au principe fondamental de nos institutions qui fait émaner tous les pouvoirs de la nation.
Nous ne vous demandons pas le suffrage universel, mais l'extension du droit électoral dans les limites de la Constitution, afin de pouvoir le conférer non pas seulement à l'oligarchie qui en jouit aujourd'hui, mais à l'ouvrier d'élite, au chef-artisan, au petit cultivateur, au petit négociant, au vrai peuple en un mot. Ce que nous voulons, c'est doubler, tripler, quadrupler le nombre de nos électeurs provinciaux et communaux. Ce seront autant de soutiens nouveaux et dévoués pour nos institutions et notre patrie si elle venait à être menacée.
Nous sommes à la veille des élections. M. le ministre vient de le rappeler et il s'ajourne devant le corps électoral.
Eh bien, pour vous présenter devant le pays, il y avait deux voies à prendre : la première était de vous associer à nous pour chercher ensemble, loyalement, de bonne foi, à résoudre la question de la réforme électorale.
II fallait l'aborder résolument, avec nos divergences, nos goûts ou nos hésitations, mais l'aborder sincèrement pour la décider dans l'intérêt du pays. Cet intérêt réclamait encore d'autre solutions : celle de la question de la milice, la réduction ou la transformation de certains impôts, des économies à réaliser ; nous pouvions tous nous placer sur ce terrain, le rendre commun et nous présenter tous devant le pays.... (Interruption.)
La seconde voie conduisait à agiter le pays, à soulever les passions, à faire sortir le corps électoral de sa conscience calme et de son intelligence impartiale par des débats stériles et irritants, à fomenter les discordes, à les éterniser, à évoquer des souvenirs ridicules ou surannés !
En suivant la première de ces voies, vous faisiez de la politique honnête, élevée, nationale.
(page 838) Mais vous avez choisi la seconde. Comme toujours, vous avez préféré la politique de parti, mesquine et dissolvante.
Maintenant, entre les deux routes, c'est au pays de choisir.
- Voix nombreuses. - La clôture ! (Interruption.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - Il y a une proposition ainsi conçue : « La Chambre décide l'impression de toutes les pièces contenues dans les dossiers produits par le département de la justice à propos de l'incident relatif à la loi des bourses d'étude avec les inventaires des dossiers. »
MfFOµ. - Messieurs, toutes les pièces qui ont servi de base à la discussion à laquelle la Chambre vient de se livrer, ont été imprimées par les soins du département de la justice, et elles ont été distribuées. Y en a-t-il d'autres dont on désire l'impression ? qu'on nous les fasse connaître, non pas aujourd'hui seulement, mais demain, après-demain, ou plus tard, et nous ne mettrons nul obstacle à la satisfaction de ce désir. Mais, je le demande, est-il raisonnable de réclamer l'impression de ce mètre cube de pièces, dont les 9/10 sont complètement sans intérêt ? Ce serait imposer sans raison une grande dépense à la Chambre, et d'ailleurs le travail de l'impression pourrait se prolonger pendant 3 ou 4 mois...
M. Nothomb. - En vue de ces inconvénients, on avait fait une autre proposition.
MfFOµ. - Convenez de ceci : Les dossiers sont là : prenez votre temps, et indiquez-nous les pièces dont vous désirez l'impression ; elles seront imprimées sans aucune objection.
M. Allard. - Je tiens à confirmer ce que vient de dire M. le ministre des finances.
J'ai consulté des imprimeurs et tous ont été d'accord que le travail qu'on demande exigerait un temps très long et une grande dépense. (Interruption.) Je crois devoir prévenir la Chambre qu'en votant la proposition qui lui est soumise elle entraînera le pays dans une dépense considérable.
M. Nothomb. - Ne pourrait-on confier à une commission, à nommer par le bureau, le soin de désigner les pièces qui devraient être imprimées ?
MfFOµ. - J'entends faire la proposition de confier à une commission à nommer par le bureau le soin de désigner les pièces qu'il y aurait lieu d'imprimer, indépendamment de celles qui ont été publiées par le département de la justice.
M. Dumortier. - Ainsi que les réponses qui seraient adressées par des administrations spéciales.
MfFOµ. - Mais non ! cela est impossible. Il est bien évident que la Chambre ne peut pas ordonner l'impression de pièces qu'elle ne connaît pas, et qui pourraient lui être adressées n'importe par qui. Cela ne se peut pas. Les personnes dont parle l'honorable M. Dumortier trouveront d'ailleurs dans la presse toute la publicité désirable. Contentons-nous des documents que possède la Chambre ; ce sont des documents authentiques. Les dossiers ont été mis à la disposition de tous les membres de l'assemblée. On a imprimé et distribué toutes les pièces dont on a fait usage dans la discussion actuelle. Désire t-on qu'il en soit encore imprime d'autres ? Qu'on les indique et l'impression aura lieu sans difficulté.
MpVµ. - Une seconde proposition vient de parvenir au bureau ; elle est ainsi conçue :
« La Chambre charge son bureau de nommer une commission qui publiera les pièces principales des dossiers déposés par le gouvernement,
« (Signé) Jacobs.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Toutes les pièces qui sont relatives aux abus que j'ai signalés ont été publiées ; je ne pense pas qu'il en soit une seule un peu importante et relative à ces abus qui n'ait pas été publiée. Voilà un premier point que je tenais à constater.
Quant à la proposition de l'honorable M. Jacobs, elle me paraît inutile, puisque le gouvernement abandonne à la droite tout entière le soin de désigner les pièces dont elle désire la publication.
M. Van Overloopµ. - Nous acceptons.
M. Teschµ. - Que le bureau nomme une commission.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si le bureau veut nommer une commission, je ne m'y oppose pas ; mais ce que je tenais à constater, c'est que toutes les pièces que j'ai invoquées ont été publiées et que nous abandonnons à la droite le soin de désigner toutes autres pièces dont la publication lui paraîtra utile.
M. Dupontµ. - J'aurais une autre proposition à faire. Comme vient de le dire M. le ministre, il a fait publier les pièces sur lesquelles il s'est appuyé dans la discussion. Maintenant, il est question de publier d'autres pièces encore. Eh bien, je propose à la Chambre de décider l'impression de toutes ces pièces dans les Annales parlementaires, afin que le public puisse, à son tour, juger des faits dont il a été question.
MfFOµ. - On pourra en faire un tirage spécial.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La Chambre comprend qu'il n'est pas possible de livrer à l'imprimeur les pièces originales ; il faudra donc qu'elle se charge de les faire copier.
MpVµ. - Il est dans les usages de la Chambre de prendre à sa charge les copies de ce genre et les frais qui en résultent.
- La proposition de M. Jacobs est mise aux voix et adoptée.
M. Delaetµ. - Je demande que les pièces soient imprimées dans les deux langues.
MpVµ. - Il y a décision ; si vous avez une nouvelle proposition à présenter, vous la ferez demain.
- La séance est levée à 6 heures.