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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 mai 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 803) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Fraire prient la Chambre d'annuler l'ordonnance de police en date du 16 avril 1865 qui a été prise par le conseil de cette commune. »

M. Lelièvreµ. - Cette requête est importante ; elle est relative au droit d'association, et l'affaire qu'elle concerne a été portée devant la cour de cassation. Je demande le renvoi de la réclamation à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Louis, colonel honoraire pensionné, demande une augmentation de pension.

M. Vleminckxµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière d'en faire l'objet d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Grimberghs réclame contre une décision de la députation permanente du conseil provincial du Brabant qui a désigné son fils Charles pour le service. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

« Le sieur Van Santen propose des mesures pour augmenter le nombre d'électeurs capables et assurer le secret du vote et la liberté de l'électeur. »

- Même dépôt.


« Des habitants de Cumptich prient la Chambre de rejeter la disposition du projet de code pénal qui punit les combats de coqs. »

« Même demande d'habitant de Vissenaeken, Liedekerke, Bruxelles, Alost et Borgt-Lombeek. »

- Renvoi à la commission de révision du code pénal.


« Des habitants de Sosoye demandent une modification à l'article 5 de la loi communale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Van Doren demande : 1° que des boîtes à lettres soient placées à toutes les halles des chemins de fer et levées quelques minutes avant l'arrivée du convoi ; 2° que les instituteurs communaux donnent annuellement, après le tirage au sort, quelques leçons d'exercice militaire, en langue flamande, aux jeunes conscrits qui ne comprennent pas le français. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Meerpoel, ancien soldat congédié pour infirmités, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Alexandre Mabille, fabricant de bouchons à Saint-Gilles, né à Leuze, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission de la justice.


« Le sieur Cuvelle demande qu'il soit donné suite à ses réclamations relatives à son brevet de perfectionnement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande du sieur Knops, en obtention de la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur E. J. Van Hoorebeke transmet à la Chambre quelques exemplaires de sa réponse aux conclusions de la commission des pétitions sur sa réclamation en date du 1er mars dernier. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. de Liedekerke, empêché par un deuil de famille d'assister aux séances de la Chambre, demande un congé. »

- Accordé.

Suite de la discussion relative aux fondations de bourses d’études

MpVµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, samedi dernier, à l'issue de la séance, je demandai à M. le greffier de me faire un rapport écrit sur l'affaire du dossier n°14, lorsque, vers huit heures du soir, j'eus la satisfaction de recevoir le billet suivant du greffe :

« Le dossier n°14 se trouvait dans le dossier n°12, au greffe. »

Le rapport suivant de M. le greffier vous fera connaître comment le dossier a été découvert.

« M. le président,

« Après la séance de samedi dernier, vous m'avez chargé de faire une enquête sur la disparition du dossier de Borggreeff ; avant d'y procéder, j'ai voulu examiner tous les cartons du greffe, déjà visités par l'employé qui avait en vain cherché ce dossier dans les pièces transmises par M. le ministre de la justice. Ne l'y trouvant pas, je me suis fait produire les dossiers du ministère, deux fois déjà vérifiés avant moi ; il semblait difficile qu'un dossier pût se confondre avec l'autre, parce que les pièces dont il est composé sont liées par un cordon ; en désespoir de cause, cependant, je les ai parcourus feuille par feuille. Arrivé au dossier n°12, j'y ai vu des pièces qui ne me semblaient pas lui appartenir ; c'était le dossier de Borggreeff ! Le membre de la Chambre qui l'avait consulté au greffe avait en même temps entre les mains le dossier n°12 ; en se retirant, il avait laissé les pièces sur le bureau d'un des employés et par une erreur fort regrettable, soit en relevant les pièces, soit en les mettant de côté, l'un des dossiers a été glissé dans l'autre. Aussitôt la découverte des pièces de Borggreeff, je vous en ai fait informer ainsi que M. Delcour et M. le ministre de la justice.

« Je vous prie, monsieur le président, d'agréer l'assurance de mes sentiments respectueux.

« Baron Emile Huyttens.

« Mardi, 15 mai 1866. »

La vue seule du dossier explique comment cette méprise a pu avoir lieu.

M. Coomans. - Nous avons le dos scié de cette affaire. (Interruption.)

MpVµ. - Je dois ajouter un mot.

Après avoir été officiellement averti qu'un dossier ne se retrouvait plus, je me fis renseigner sur le nom des membres qui avaient eu ce dossier.

Le seul membre qui en avait pris connaissance était M. Delcour. J'eus un entretien à cet égard avec cet honorable collègue, et M. Delcour est trop loyal pour ne pas déclarer que cette intervention de ma part a été de telle nature qu'elle ne pouvait blesser la susceptibilité la plus délicate. Dès que M. Delcour m'eut répondu que ce dossier ne s'était pas glissé par mégarde dans ses papiers, mais qu'il l'avait laissé au greffe avec les autres dossiers qu'il avait consultés, je n'insistai pas près de lui, mais je donnai des ordres pour faire de nouvelles recherches au greffe lui-même.

La vérité est donc que M. Delcour a strictement observé l'invitation signée que j'avais faite, de ne point déplacer les dossiers hors du palais de la Nation, et qu'il ne l'avait pas même emporté du greffe. Ainsi donc, le dépôt que nous avons reçu du gouvernement, nous pouvons le lui rendre intact, sans qu'il y ait le moindre reproche à faire, ou le moindre soupçon à soulever, à l'égard d'aucun honorable membre de cette assemblée.

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M. Thibautµ. - Messieurs, je vais parler de la fondation Wauthier.

Voici en quels termes, dans la séance du 3 mai, M. le ministre de la justice a exposé les abus auxquels, selon lui, cette fondation a donné lieu.

« M. Bara, ministre de la justice. - Un curé, qui était administrateur de la fondation Wauth,er, vendit successivement, en son propre nom, les propriétés immobilières de la fondation, consistant en 21 hectares de terre ; il laissa sa nièce comme héritière.

« M. Delcour. - En quelle année ?

« M. Bara, ministre de la justice. - Je vous marquerai l'année si vous voulez.

« En 1834 on découvrit la fraude et on assigna la nièce en justice pour lui faire rendre ce qu'elle avait hérité de son parent.

« On plaida pendant plusieurs années et par arrêt de la cour de Liège du 14 juillet 1841, l'héritière fut condamnée à rendre ses comptes.

« Mais des prescriptions avaient été acquises, et après une longue procédure, on dut passer par les exigences de l’héritière ; en 1851, on transigea pour une somme de 10,000 fr.

« Ce fut donc au détriment de l'intérêt public, de l'intérêt des boursiers que tous ces faits furent posés. »

Messieurs, il est impossible de s'y méprendre : M. le ministre de la justice formule ici une accusation de vol, qui n'a manqué ses effets que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur. (Interruption.)

Selon M. le ministre, le curé administrateur de la fondation Wauthier a volé toute la dotation de cette fondation, et il est mort voleur. Sa nièce a recueilli le produit de cet acte coupable, et ce n'est que contrainte par les tribunaux qu'elle en a restitué une partie.

M. le ministre fait un signe d'assentiment ; j'ai donc rendu fidèlement sa pensée.

Cette accusation est certainement la plus grave qui soit tombée de la bouche de M. le ministre.

Cependant lorsque, à la fin de la séance du 11 mai, je lus une protestation adressée à la Chambre par le neveu du prêtre inculpé, M. le ministre a-t-il éprouvé le moindre doute ? Non. Il a opposé triomphalement un avis émis, au nom de la députation permanente de la province de Namur, sur un projet de transaction. La majorité a paru satisfaite, les journaux libéraux ont publié des bulletins de victoire, bulletins dans lesquels ils représentent M. le ministre de la justice, armé de pied en cap, louent ses profondes connaissances et s'égayent aux dépens de celui qui a l'honneur de vous parler.

Supposons, si vous le voulez, messieurs, que les faits soient exposés dans la lettre de la députation permanente de Namur sous un jour défavorable à l'administrateur de la fondation : ce qui même n'est pas exact ; vous avez pu vous en convaincre par la lecture de cette pièce qui a paru dans les Annales ; mais enfin supposons que les faits soient présentés d'une manière défavorable, je demande si c'est sur une seule pièce d'un dossier volumineux qu'il convient d'asseoir un jugement sur une affaire si grave.

M. le ministre de la justice nous a prouvé, il est vrai, dans toute cette discussion, qu'il a cette mauvaise habitude ; il choisit un document dans un dossier et condamne un homme qui ne peut se défendre ; il prend comme type cet homme qu'il a déshonoré et il flétrit tous les administrateurs spéciaux. Voilà son système.

Cette manie de trouver des coupables partout ne peut avoir de longs succès. Jusqu'à présent, M. le ministre, vos adversaires politiques doutaient de votre impartialité ; aujourd'hui leur conviction est faite, et vous avez même perdu la confiance d'une partie de vos propres amis.

En dehors de cette enceinte, combien d'hommes sur l'appui desquels vous avez compté jusqu'ici, diront, comme cet honnête libéral limbourgeois dont a parlé mon éloquent ami M. Thonissen : « Ce n'est pas ainsi que nous entendons le libéralisme ! »

J'aborde, messieurs, l'histoire de la fondation Wauthier.

Par testament du 14 octobre 1776, Antoine Wauthier, chanoine de Walcourt, institua deux bourses d'étude en faveur de ses parents et une troisième en faveur des enfants de chœur de la collégiale de Walcourt ; il affecta à la dotation des deux pensions une rente de 100 couronnes et à la dotation de la troisième une rente de 100 florins argent courant ; toutes deux reconnues à son profit, en 1773, par un M. Carion, seigneur de Macquenoise, et hypothéquées sur le fief de ce nom et sur les droits féodaux qui en dépendaient.

Messieurs, il n'est pas inutile de vous faire connaître quelle était la valeur de ce gage. Un relevé authentique, dressé par les mayeur et échevins de Macquenoise le 22 juin 1771, constate que le fief de Macquenoîse pouvait rapporter 2,600 livres de revenus, et qu'il était grevé, à cette époque, en faveur de la principauté de Chimay, d'environ 1,000 livres de rente annuelle.

Antoine Wauthier mourut en 1779. Mathias Wauthier, aussi chanoine de Walcourt, neveu du fondateur, institué par lui collateur-receveur des bourses, entra dès lors en fonctions.

Les bourses furent conférées selon les prescriptions du fondateur ; le, collateur devait en faire l'avance, et le seigneur de Macquenoise ne payait pas exactement les rentes.

J'ai entre les mains la preuve que dès 1786 des poursuites étaient exercées, au nom de la fondation, contre lui.

En 1792, on transigeait devant les hommes du fief de Chimay sur les arriérés, et Carion payait alors le canon de 1785.

Un relevé, dressé le 24 août 1794, porte la somme des arriérés à 4,868 livres pour la rente de 100 couronnes, et à 1,656 livres pour l'autre renie ; total, 6,524 livres.

Sous la date du 20 septembre 1795, fut signée une transaction par laquelle Nicolas Carion, fils aîné de Charles Carion, mort à cette époque, s'obligeait à céder au chanoine Wauthier des immeubles pour solder une somme de 7,200 fr., qu'il devait pour arriéré des rentes et une autre somme de 13,500 fr. pour extinction et parfait remboursement du résidu desdites rentes.

Ce sont les termes de l'acte de transaction ; le prix des immeubles devait être fixé à dire d'experts à la première réquisition dudit Wauthier., et la propriété des biens lui dévolue huit jours après.

Cette transaction ne fut pas exécutée. On se remit à plaider.

La dernière pièce du dossier qui se rapporte à cette époque est une lettre de M. Hubert Wauthier, avocat au parlement des Flandres, puis juge au tribunal d'Avesnes, lettre adressée à son frère le chanoine. Elle est d'une importance telle, elle jette sur toute cette affaire une lumière si vive, que je dois vous en donner lecture.

Cette lettre est datée d'Avesnes, le 18 août 1796, an IV de la république :

« Très cher frère,

« J'arrive de Chimai où je n'ai rien pu obtenir de favorable, pas même une promesse de payement d'un seul canon des rentes dont s'agit, quelque chose que j'aie faite et de quelque manière que j'aie tourné et retourné mes propositions depuis dix heures du matin jusqu'à six heures du soir. En conséquence il a été donné acte de non-conciliation.

« J'avais cru d'abord que la proposition qui avait été faite par le fils et dont je vous ai parlé par une de mes précédentes était de céder en payement des arrérages des immeubles à concurrence de leur hauteur par évaluation d'experts. J'ai accepté sa proposition en ce sens et j'aurais consommé la chose à l'heure même, mais il a refusé la vente ou cession partiaire et ne l'a voulu consentir que dans les termes de l'acte ci-joint que je ne pouvais accepter ni refuser sans vous consulter.

« Voici les observations que j'ai à y faire :

« 1° Il est impossible par la loi de faire cette acquisition d'immeubles au profit de la fondation ou des mainmortes ; il faudrait donc acquérir en votre nom particulier, puis vous constituer débiteur de la rente dont vous auriez donné décharge et y affecter les immeubles acquis, si vous le trouvez convenir.

« 2° Cette opération ne donnerait pas le même produit annuel sans blesser votre propre intérêt, puisque le revenu annuel des immeubles n'égale pas le produit ou l'intérêt d'une constitution de rente ; mais on pourrait parer à cela en prenant le consentement de tous les intéressés aux fondations de se contenter chaque année du produit des immeubles pour parfait payement de la nouvelle constitution.

«Vous pourriez, dans la suite, revendre les biens acquis et prendre de nouvelles mesures.

« L'avocat Henri, Prudhomme, Docquière, le doyen de Binche, le chanoine De Houst, MM. Depret et Garnier, en un mot tous ceux à qui j'ai exposé les faits et circonstances, conseillent de terminer à quelque prix que ce soit avec ces gens-là de la manière proposée. Et quoique je serai l'un des plus prochainement lésés, puisque les bourses sont occupées par mes deux fils, je ne balance pas à me ranger de leur avis, parce qu'il est à craindre de perdre les capitaux où qu'on n'essuie de grandes tracasseries de la part des agents du gouvernement actuel si on traîne et (page 805) si l’on fait connaître la chose en justice ; parce qu'enfin il faut subir un nouveau procès relativement aux arrérages, le fils prétendant que la rente étant personnelle, le fief rapporté n'est tenu qu'à trois années des cours, et que la mère doit le surplus mais qu'elle est insolvable.

« ...Voyez, pesez et envoyez-moi incessamment votre résolution, je. l'exécuterai.

« Votre, etc.

« Wauthier. »

Vous l'avez entendu, messieurs, la famille et les hommes de loin les plus estimés s'accordaient pour tracer à M. le chanoine Wauthier la conduite à tenir dans les circonstances difficiles où il se trouvait. Il est probable que le chanoine Wauthier aurait dès lors suivi ces conseils si les circonstances n'y avaient mis obstacle.

En 1797, les revenus considérables attachés à sa prébende furent confisqués ; sa demeure, à Walcourt, fut pillée et lui-même dut se réfugier au milieu des bois.

Quant aux revenus de la fondation, ils étaient sous le coup de la mainmise nationale.

En résumé, messieurs, il résulte de tous ces détails d'abord, que le chanoine Wauthier n'avait reçu de 1779 à 1797 qu'une très faible partie du revenu ; 2° qu'il avait fait des avances considérables aux boursiers ; 3° que la fondation était sur le point de périr.

A dater de cette époque, c'est-à-dire par la promulgation en 1797 de la loi de confiscation des 25 octobre 5 novembre 1790, M. le chanoine Wauthier fut dessaisi de la qualité d'administrateur et de receveur, qu'il tenait du titre de la fondation.

En l'an VIII on voit reparaître le chanoine Wauthier. II sort de sa retraite pour exécuter les conseils qui lui avaient été donnés par son frère en 1796. Il vient pour sauver des ruines accumulées par la révolution et arracher à la mainmise nationale quelques rentes de la fondation de son oncle.

Le 12 brumaire an VIII fut signé l'acte dont je vais donner lecture :

« L'an VIII de la république française une et indivisible, le douze brumaire, le notaire public du département du Nord, de résidence à Trélon, chef-lieu de canton, en présence de Laurent Fosset et Nicolas Wattier, demeurant à Eppe-Sauvage, témoins invités, furent présents :

« 1° Le citoyen François-Mathias Wauthier, propriétaire affermant, demeurant à Vierves, canton de Treignes, département des Ardennes, précédemment chanoine à Walcourt, connu desdits notaire et témoins d'une part ;

« 2° et le citoyen Nicolas-Gracien Carion, maître de forges, demeurant à Anor, canton de Trélon, propriétaire des biens de Macquenoise, lui échus par le trépas de Charles-Nicolas Carion, son père, aussi connu desdits notaire et témoins d'autre part ;

« Lesquels pour éviter l'exécution rigoureuse de diverses décisions portées à la charge dudit Carion, prévenir toutes difficultés mues et à mouvoir entre eux, le tout à cause des capitaux et arrérages des rentes que ledit défunt Carion, en affectant et hypothéquant les biens de Macquenoise, a constituées envers défunt Antoine Wauthier, vivant aussi chanoine audit Walcourt, parent du premier comparant, celui-ci représentant ledit défunt pour 196/225 desdites renies, sont convenus et en forme de transaction, ont accordé et statué les points et articles qui s'ensuivent :

« Art. 1er. Ledit Carion, pour être entièrement libéré, tant en principal qu'en arrérages envers ledit Wauthier, pour ladite quotité de 196/225 desdites rentes, il a cédé, quitté et transporté audit Wauthier, pour lui ou pour command qu'il pourra nommer en détail, en acceptant, les biens ci-après faisant partie de ses propriétés audit Macquenoise.

« 1° Un héritage nommé le Grand Vieux Pré, situé entre la forêt de Saint-Michel et la fagne de Chimai, tenant à la queue de l'étang de la Labiette, cet héritage contenant dix journels environ, compris les haies d'alentour ; 2° un héritage contenant environ quatre journels compris les haies d’alentour et quelques verges embusquées, nommé le Petit Vieux Pré, tenant au même bois et à la partie précédente ; 3" un héritage nommé le Pachi Nisot, contenant vingt-deux journels environ, les haies vers Macquenoise et vers l'étang, faisant partie dudit héritage, situé vis-à-vis et au midi de la queue de l'étang dudit Macquenoise ; 4° Un autre héritage nommé la pâture Lajeunesse, contenant dix journels environ, situé au même lieu, tenant à la partie précédente ; 5° enfin, quatre journels d'autre héritage situé an même lieu tenant à la partie précédente. Lesquels héritages ledit Carion déclare lui appartenir disponiblement et conditionne quittes et libres de toutes dettes, charges, rentes, rapports et hypothèques du passé jusqu'à ce jour, condition de rigueur sans laquelle ledit Wauthier n'aurait adhéré à la présente transaction ; pour d'iceux héritages en avoir le premier comparant la propriété et jouissance dès ce moment à toujours, en vertu dudit transport qu'il accepte, savoir : la partie de vingt-deux journels, faisant l'objet de l'article 3 ci-dessus pour représenter les arrérages qui lui étaient dus et les autres parties pour représenter les capitaux desdites rentes, constituées par ledit défunt Charles-Nicolas Carion, toujours pour lesdits 196/225.

« Art. 3... (garantie en cas d'éviction). Au moyen de ce que dessus, toutes procédures déjà jugées, toutes causes à mouvoir et généralement tous comptes relatifs à ladite quotité des rentes seront terminés à toujours et pour l'exécution parée de ce que dessus les comparants ont consenti à toutes formalités d'enregistrement et d'inscription hypothécaire à s'ensuivre pour la réalisation dudit transport, dont l'importance est à la valeur de douze mille francs. Les frais des présentes, etc.

« Lecture faite, ont signé, à Eppe-Sauvage, les jours, mois et an que dessus : (Signé) A.-J.-M. Wauthier, ex-chanoine, Carion, Laurent Fosset, N. Wattier et M. Demartain, notaire. »

La mère de M. Carion a passé acte de ratification devant le même notaire.

Cette transaction, messieurs, est l'exécution fidèle de la première partie du plan de conduite tracé au chanoine Wauthier par son frère le juge d'Avesnes.

Le chanoine Wauthier acquiert donc, en son nom, des immeubles qui lui sont cédés pour éteindre deux rentes, les mêmes qui formaient la dotation des bourses créées par son oncle, et solder les arriérés de ces rentes. Ces arriérés montaient, je l'ai dit tantôt, à 7,200 livres en 1795 et il est probable que rien n'avait été payé depuis lors.

Cet acte était-il immoral, lésait-il les boursiers, constituait-il un vol ; une fraude, comme le prétend M. le ministre de la justice ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'ai pas prétendu cela.

M. Thibautµ. - Vous avez prétendu qu'il y avait eu fraude.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Lisez le passage de mon discours.

M. Thibautµ. - Je l'ai lu. J'ai dit que vous aviez accusé le chanoine Wauthier de vol et sa nièce d'avoir recueilli le produit d'un vol.

M. le ministre de la justice (M. Bara) ; - Quand ils ont vendu les 21 hectares, oui ; mais pas quand ils ont fait la transaction.

M. Thibautµ. - Ce sont deux faits qui ont une connexion nécessaire.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Pas le moins du monde.

M. Thibautµ. - Si le chanoine a posé un acte malhonnête, c'est lorsqu'il a acquis en son nom des immeubles en remboursement des rentes qui ne lui appartenaient pas.

Je dis donc que c'est la transaction du 18 brumaire dont il faut apprécier le caractère. Si c'est un acte attentatoire aux droits des boursiers, comment a-t-il pu être conseillé par la famille ? S'il constitue une fraude, un détournement, un vol, comment a-t-il pu être recommandé par les jurisconsultes dont je vous ai cité tantôt les noms ; par M. Despret, avocat renommé à la cour de Douai ; par M. Garnier qui plus tard devint conseiller à la cour de cassation ?

Si cet acte est malhonnête, les gens les plus honnêtes de cette époque malheureuse ne trouveront pas grâce devant vous et vous devrez réformer le jugement du genre humain. Combien de receveurs fidèles, d'anciens fermiers, de serviteurs même ont acheté en leur nom des biens de famille qu'un gouvernement odieux avait confisqués ?

On me dira : Ils les ont rendus. Sans doute, c'est là ce qui imprime sur leur conduite le sceau de l'honneur.

Mais le chanoine Wauthier a fait plus. Il a offert trois fois la valeur de ces biens pour rétablir la fondation et le gouvernement hollandais n'a pas accepté. Mais n'anticipons pas.

(page 806) Par la transaction du brumaire an VIII, le chanoine Wauthier devin propriétaire de 30 journels de terre à Macquenoise. le lendemain, le 13 brumaire an VIII il revendit pour 3,000 fl. les 22 journels affectés aux arriérés de rentes. Quant aux immeubles acquis en remboursement de capitaux et contenant ensemble non pas 21 hectares comme l'a dit l'honorable ministre de la justice, mais 28 journels, ce qui fait environ 7 hectares, il ne les vendit pas immédiatement.

Il les céda d'abord à bail, par acte du notaire Demartain de Trélon, en date du 4 floréal de la même année. Le notaire perçut les fermages et tomba en déconfiture avant d'en avoir rendu compte.

Ainsi, M. Wauthier ne touchait rien et, comme à l'époque où il était collateur légal, il conférait les bourses et les payait de ses propres deniers. Cependant, messieurs, à cause, sans doute, de ces mésaventures, il se décida à exécuter la seconde partie des conseils qui lui avaient été donnés par son frère en 1796 ; il revendit tous les immeubles compris dans la transaction de brumaire an VIII.

Le 10 prairial an XII par acte du notaire Deschamps de Maçon, il vendit à la veuve Desnos pour 900 fr. les Petits Vieux Prés, contenant 1 h. 26 ares environ. Le même jour et par acte passé devant le même notaire il vendit la pâture la Jeunesse, contenant 2 hect. 10 ares environ à M. Alex. Carion pour 1,350 fr.

Enfin, par acte du 22 mars 1808, reçu par le notaire Bamblet de Beaumont, il vendit à M. Poschet de Chimai, les Grands Vieux Prés contenant environ 4 hectares 70 ares, pour 1,200 francs. Total 3,450 francs.

Voilà donc la dotation des bourses réduite à ce chiffre. Néanmoins le chanoine continua à conférer les bourses ; et il ne les réduisit pas aux intérêts légaux des capitaux : il les fixa généreusement à 400 francs.

Aussi aucune réclamation des ayants droit aux bourses ne s'éleva contre lui pendant une période de 52 ans.

Le chanoine Wauthier mourut en 1852 à l'âge de 93 ans, sans que ses actes d'administration officieuse aient soulevé la plus légère critique.

Cependant le roi Guillaume avait porté les arrêtés de 1818 et de 1825. Comment se fait-il que la fondation n'ait pas été reconstitué à cette époque ? Cette question s'est sans doute posée devant M. le ministre ; et il y a probablement dans son cabinet répondu ce qu'il dit ici : La fraude n'était pas découverte.

La fraude n'était pas découverte ! Mais vous avez dans votre dossier, M. le ministre, la preuve qu'il n'y avait ni secret, ni fraude. Le gouvernement hollandais n'a pas rétabli la fondation, savez-vous pourquoi ? Parce que le gouvernement savait que M. le curé de Walcourt, après avoir sauvé une partie du patrimoine de la fondation, conférait des bourses plus considérables que le revenu dont cette fondation pouvait disposer.

Je vais en fournir la preuve et en même temps démontrer à M. le ministre qu'il a mal étudié son dossier. En 1825 et 1826 une correspondance fut échangée entre le gouverneur de la province de Namur et M. le. chanoine Wauthier.

Voici d'abord une lettre du 30 mars 1825 adressée à M. le curé de Walcourt.

« Namur, le 30 mars 1823.

« Monsieur le curé,

« J'ai reçu de la part de M. l'administrateur de l'instruction publique, des sciences et des arts, un état dont j'ai l'honneur de vous envoyer un extrait concernant diverses fondations de bourses qui sont connues de l'administration centrale et que l'on voudrait rétablir afin de faire jouir ceux qui y ont droit des bienfaits de l'arrêté royal du 26 décembre 1818 ; mais pour atteindre ce but on a besoin encore de plusieurs pièces des anciens comptes et de renseignements sur l'institution de ces fondations et sur l'existence des revenus qui y servaient de dotation, pour être à même de les rétablir.

« Il m'a paru, M. le curé, que vous pourriez seconder les vues du gouvernement à cet égard et je viens, en conséquence, vous prier de me procurer tons les documents qui seraient à votre connaissance ou en votre pouvoir concernant la fondation nationale dont l'extrait ci joint.

« Recevez, etc.

« Le gouverneur de la province de Namur, d’Omalius. »

L'extrait dont parle la lettre est ainsi conçu :

« État des fondations non encore établies conformément à l’arrêté royal du 26 décembre 1818, n°48.

« Nom des fondateurs : Antoine Wauthoer, 1776.

« Lieu d’administration : Walcourt

« Administrateurs et collateurs : Les receveur et collateur étaient le curé et des chanoines de la collégiale de Walcourt.

« Institués : 1° Les parents ; 2° Les enfants de chœur de ladite église de Walcourt. »

Que répond M. le curé de Walcourt ?

Va-t-il nier qu'il fût détenteur du restant de la dotation des bourses fondées par Antoine Wauth er et débiteur du revenu ? Du tout : il expose franchement, honnêtement, tout ce qui s'est passé ; il déclare qu'il est prêt à revivifier, à ravitailler, selon ses expressions énergiques, cette même fondation.

Je vais vous donner lecture, messieurs, de la lettre écrite par ce vieillard de 85 ans à M. le gouverneur :

« Walcourt, le 24 juin 1825.

« Monseigneur,

« Daignez m'excuser du délai que j'ai mis à répondre à la demande, que vous me faites par votre honorée du 30 mai dernier.

« Les causes principales ont été la multiplicité des devoirs pastoraux qui se sont succédé depuis six semaines et principalement la difficulté qui se trouve à rendre un compte précis et bien exact touchant ces bourses, qui sont aujourd'hui bien diminuées et en grande partie perdues à cause :

« 1° Que ces bourses étaient fondées sur des rentes affectant des biens féodaux possédés par M. Carion, de Macquenoise, mauvais payeur, mauvaise hypothèque, tellement qu'on a dû plaider quantité d'années pour obtenir peu de payements.

« 2° La révolution, les guerres sont survenues ; on n'a plus osé parler de ces bourses de crainte que la nation ne s'en emparât, comme elle s'est emparée des bourses de l'université de Louvain et d'autres de famille.

« Plus de collèges, plus d'étudiants, impossibilité de recevoir aucun payement, d'où s'ensuivit nécessairement une infinité d'arriérés irrécupérables ;

« 3° Cependant, le temps plus calme étant arrivé, ayant deux frères établis à Trélon, l'un médecin, ayant un fils avocat, l’autre avocat, mort juge à Avesnes, non éloignés dudit Macquenoise et dont les enfants devaient jouir de ces bourses, je les ai sollicités à employer tous les moyens possibles pour tâcher d'obtenir du moins la plus grande portion possible desdites bourses.

« Ils ont, en conséquence, poursuivi parl es voies de justice madame veuve et enfants dudit Carion. Procès à la cour féodale de Chimai ; procès à Mons, pièces à Douai qui ont duré quantité d'années et à grands frais, jusqu'au moment que, pour échapper le plus possible, j'ai dû, de l'avis de mesdits frères, transiger avec le fils aîné du dit Carion de Macquenoise, qui a cédé des parties de biens dont la valeur serait estimée par deux arbitres, qui les ont estimés à si haut prix, que le produit de la location qu'on en a faite était une perte plus que de moitié, tellement que, de l'avis de mes frères, j’ai cru devoir les vendre à grande perte. Je ne pourrais vous en dire le prix, les actes étaient demeurés à Trélon et ne les ayant jamais eus chez moi.

« Mais il est à noter que le notaire, un nommé Demorlain, qui a reçu et négligé de faire enregistrer l'acte (la transaction), est mort redevable d'une grande partie de la somme reçue. En un mot, ayant mûrement et équitablement bien compté, j'ai cru et je crois qu'il ne restait en faveur de ces b ourses qu'environ quarante couronnes de rente annuelle pour une bourse dont jouissent et ont toujours joui depuis qu'ils ont commencé leurs humanités les trois fils de. M. Poirson, enfants de ma nièce Louise Wauthier, fille de mondit frère le médecin, sœur à défunt son frère l'avocat qui a été le principal acteur dans toutes ces affaires.

«Vous voyez, monseigneur, un vrai labyrinthe de circonstances malheureuses pour moi, âgé de quatre-vingt-cinq ans, et pour mes parents ; elles ne me doivent pas être imputées. Daignez me croire, je ne désire (page 807) rien tant que le bien-être de mes parents. Il est connu de tout le monde que j'ai toujours été le père de ma famille, et que, pour son bien-être, j'ai sacrifié plus qu'il ne me reste. Je ne le regrette aucunement, au contraire, je veux en ce moment ravitailler et renforcer les deux bourses susdites en faveur de mes mêmes parents dénommés dans ladite fondation, en m'obligeant de suppléer à la défectuosité de ces deux bourses jusqu'à la concurrence de quatre cents francs, c'est-à-dire de deux cents francs pour chaque bourse, que je conférerai au mois d'octobre prochain à deux de mes arrière-neveux qui s'appliquent et se conduisent très bien, payables l'année écoulée.

« Quant à la troisième bourse de cent florins, fondée en faveur des enfants de chœur de notre ci-devant chapitre ou collégiale, je crois qu'il n'en peut plus être question, puisqu'il n'existe plus ni chapitre, ni collégiale, ni choraux ; du moins ces trois bourses étant fondées sur les mêmes rentes, il paraît que cette troisième doit en souffrir la perte, puisque l'intention interprétative du fondateur est en faveur de ses parents.

« Je regrette, M..., que mon grand âge me rende le voyage de Namur impossible ; je brûle du désir de pouvoir m'expliquer de vive voix et vous instruire de bien des circonstances qui ont causé le malheur de cette fondation. J'espère que vous serez satisfait et que vous ne douterez aucunement de ma véracité, non plus que du profond respect avec lequel je ne cesserai d'être, M... votre très humble et obéissant serviteur.

« F.-M.-J. Wauthier, curé de Walcourt. »

A la suite de cette lettre, M. le gouverneur de Namur écrivit de nouveau à M. le curé de Walcourt et lui dit qu'il était chargé de l'inviter à rédiger par devant notaire l'acte de donation de la rente de 400 fr. qu'il offrait pour établir deux bourses. Voici la dépêche :

« Namur, le 26 décembre 1825,

« Monsieur le curé,

« D'après ce que vous avez bien voulu me communiquer touchant votre intention de fonder deux bourses chacune de 94 florins 50 centimes, je suis chargé de vous engager à faire de cette fondation le sujet d'un acte devant notaire et dans lequel vous stipulerez que c'est sauf l'approbation du Roi.

« Vous me ferez ensuite parvenir cet acte pour qu'il soit soumis à Sa Majesté avec l'avis de la députation des Etats.

« Recevez, monsieur le curé, l'assurance de. ma considération très distinguée.

« Le gouverneur de la province de Namur.

« D'Omalius. »

L'administration provinciale avait mal compris les intentions du doyen de Walcourt, et celui-ci les expliqua une seconde fois dans une lettre du 28 mars 1826, que voici :

« Walcourt, le 28 mars 1826.

« Monsieur,

« Daignez, je vous supplie, ne m'accuser ni de négligence ni de défaut de soumission à vos bons conseils : aussitôt votre honorée lettre du 26 décembre reçue, qui me conseillait de passer acte par-devant notaire et témoins touchant la restauration des bourses fondées par le testament de défunt Antoine Wauthier, en son vivant chanoine en la collégiale de cette ville, qui m'a institué son héritier universel, ainsi que collateur et receveur desdites bourses, je me suis occupé, en cassant ma vieille tête, à faire la minute de l'acte que vous m'indiquez, pour ensuite vous l'envoyer et le soumettre à votre jugement, mais enfin mes propres lumières ne m'inspiraient pas toutes les clauses qui me paraissaient nécessaires dans cet acte, pour que je sois, et mes héritiers, à l'abri de tout trouble et molestation à cet égard, que je suis bien éloigné de mériter. C'est sur ces motifs que je me suis finalement déterminé de me rendre à Namur vers la fin d'avril ou commencement de mai, dans l'espoir que Son Excellence daignera m'assister de ses bons avis et conseils. Je la supplie de noter que mon intention n'est pas de fonder deux bourses nouvelles moi-même, mais de restaurer et révivifier celles fondées par mondit parent en faveur de ses parents qui ont été détériorées et diminuées, comme j'ai eu l'honneur de vous en informer, dans ma première lettre, plus que de la moitié par les procès, défaut d'hypothèque, guerres, révolution, etc., etc.

« P. S. J'oubliais d'informer Son Excellence, que le sieur H. P..., mon arrière-neveu, étudiant en théologie au séminaire de Namur, profite de ces bourses depuis un an en entier. »

Messieurs, vous voyez par ces lettres, dont les originaux ou minutes se trouvent dans le dossier du ministère, vous voyez, dis-je, que la fondation existait, qu'elle était connue du gouvernement, qu'elle était exécutée ; le détenteur des biens de la fondation le déclarait très haut, il offrait de la fortifier, de la ravitailler, de la tripler. Mais l'autorité, qui avait alors de la considération pour des hommes tels que le digne doyen de Walcourt, ne voulut pas lui faire partager avec d'autres l'administration de cette fondation ; l'irrégularité de la position où on le laissait était justifiée par sa générosité.

En 1852, le chanoine Wauthier mourut, instituant une nièce comme légataire universelle. Inde irae. Un parent mécontent s'adressa à la députation permanente de Namur et envoya une copie du testament de 1776. Dans sa lettre d'envoi, il accuse M. le curé Wauthier d'avoir voulu se dégager tout doucement des charges de la fondation ; il prétend que cette fondation est riche, qu'elle possède de grosses rentes et un bois de 43 hectares, etc. Voilà, selon M. le ministre de la justice, comment on découvrit la fraude.

Un arrêté royal du 20 novembre 1833, contresigné par M. Rogier, rétablit la fondation. Le parent dont je viens de parler fut nommé administrateur-collateur.

Bientôt la nouvelle administration, armée de l'autorisation d'attraire en justice l'héritière du chanoine Wauthier, lui fit signifier ses prétentions.

Les divers chefs de demande forment une répétition de plus de 150,000 francs. L'héritière se défend, M. le ministre de la justice lui en fait un crime. On plaide. Le procès dure plusieurs années, et c'est encore la faute de l'héritière.

Enfin un arrêt de la cour de Liège décida

« 1° Que la dotation des bourses fondées par Antoine Wauthier avait été nationalisée.

« 2° Qu'à partir de 1797 le chanoine Mathias Wauthier avait été dessaisi de sa qualité d'administrateur et receveur de la fondation.

« 3° Que ledit chanoine (ou son héritier) n'était tenu qu'à rendre compte des actes qu'il avait posés comme negotiorum gestor depuis le 24 août 1797 jusqu'en 1826. »

Quant à la prescription dont la cour adjugea le profit à l'héritière, ce n'était pas une prescription acquisitive comme l'a insinué M. le ministre de la justice ; elle ne s'appliquait qu'au compte de gestion antérieure à 1797 ; on pouvait donc l'invoquer consciencieusement, et M. le ministre de la justice, s'il avait été à la place de l'héritière, l'eût certainement invoquée.

L'héritière mourut avant la fin du procès. On ne dut donc point passer par ses exigences.

En 1851 on transigea à peu près sur les bases proposées par le doyen de Walcourt, l'ex-chanoine Wauthier, dans des lettres adressées en 1825 et en 1826 à M. le gouverneur de la province de Namur.

Les successeurs de mademoiselle Wauthier offrirent 10,000 francs. Ils se décidaient à un sacrifice avec d'autant moins de regret qu'ils étaient les premiers ayants droit aux bourses. Mais ils durent, subissant, eux, les exigences d'une administration rancunière, ajouter à ces 10,000 fr. une somme de 1,500 fr. pour frais de procédure au profit de l'avoué de la fondation.

M. Dumortier. - M. Wala.

M. Thibautµ. - Et cependant l'administration des bourses avait, je pense, le droit de plaider gratis !

Ces 1,500 francs constituent donc une perte réelle pour la fondation.

Messieurs, voilà l’histoire exacte de la fondation Wauthier. (Interruption.)

Je défie quiconque a vu toutes les pièces du dossier de me contredire. Que reste-l-il donc de l'accusation de M. le ministre de la justice ? Absolument rien.

Je n'ai certes pas la prétention d'opérer la conversion de M. le ministre de la justice ; mais tout homme impartial et non prévenu refusera dorénavant d'ajouter foi à ses paroles, s'il reproduit, contre le vénérable doyen de Walcourt, l'accusation de fraude et de vol.

Je termine, messieurs, en émettant le vœu de voir à l'avenir nos débats purgés de ces misérables querelles. M. le ministre de la justice avait élevé, comme on l'a dit, une montagne de griefs pour cacher aux regards de la nation les vices de la loi de 1864. Cette montagne s'est affaissée, et par dessus les quelques débris qui en restent, votre loi de 1864 apparaît, devant l'Europe, comme la digne sœur de la loi révolutionnaire de 1790.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, certainement l'affaire dont l'honorable M. Thibaut vient de s'occuper est une (page 808) des plus tristes de toutes celles que j'ai signalées à l'attention de la Chambre.

Si jamais un fait a nécessité la loi de 1864, c'est bien toute l'histoire des bourses dont M. le curé Wauthier a eu l'administration.

Sachant que l'honorable membre devait parler sur cette question, et croyant cependant que la lettre dont j'avais donné lecture l'aurait engagé à ne plus revenir sur un sujet malheureusement trop affligeant pour ceux que M. Thibaut défend, je me suis procuré le complément des renseignements, et vous allez voir si la députation permanente de Namur, qui a fait en 1851 un rapport impartial pour arriver à une transaction, a accusé à tort le curé Wauthier.

Les bourses avaient été fondées par Antoine Wauthier, chanoine doyen, pour sa famille et pour les choraux de la collégiale de Walcourt ; il avait chargé de l'administration et de la collation de ces bourses son neveu Mathias Wauthier.

Il était dit dans le testament que celui-ci était chargé de faire prospérer les biens de la fondation, de veiller à leur maintien, et, au besoin, de refaire la dotation de la fondation si elle venait à disparaître. Et c'est avec raison que dans son rapport la députation permanente dit : « Vous allez voir comment il a travaillé à la prospérité des bourses et au maintien de leur patrimoine ! »

Messieurs, je me suis bien gardé de toucher à ce qui avait eu lieu avant l'époque où M. le curé Wauthier est entré en possession de 21 hectares de terres ; je n'ai rien dit de l'époque révolutionnaire. Je n'ai pris l'affaire qu'au moment où les 21 hectares sont passés aux mains de M. Wauthier.

Voici les faits. Il y avait un M. Carion, de Macquenoise, qui devait des rentes qui étaient affectées au payement des bourses et ces rentes étaient hypothéquées sur des biens féodaux. Divers procès eurent lieu au sujet de ces rentes que M. Carion ne voulait pas payer. On fait une transaction et M. Carion donne au curé de Walcourt 21 hectares de terre ; moyennant cette cession M. Carion était libéré de tout ce qu'il devait.

Ai-je attaque cette transaction ? L'honorable M. Thibaut se met à l'aise ; il dit : Et c'est cet acte transactionnel que l'on attaque ! Mais je n'en ai pas parlé, je ne me suis occupé que des faits postérieurs à la transaction.

M. Thibautµ. - C'est le tort que vous avez eu.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ne dites donc pas que j'ai eu tort de l'attaquer. Vous prétendez que je l'ai attaquée et je n'en ai pas parlé.

Donc M. Carion de Macquenoise donne 21 hectares. Qui dit cela ? Mais c'est la députation permanente.

M. Dumortier. - Elle se trompe.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Elle dit : que ce terrain fut livré le 12 frimaire an VIII, et consistait en 21 hectares 22 ares de prés et terres.

Et qui avait donné ces renseignements à la députation permanente ? Mais c'est l'administration des bourses dans laquelle se trouvait le curé de Walcourt ; et ce renseignement se trouve dans l'exploit par lequel on réclamait les biens à la demoiselle Emerentine Wauthier.

M. Dumortier. - Fournissez la preuve de ce fait.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - M. Dumortier, n'interrompez pas. Vous êtes inscrit.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je demanderai d'abord à l'honorable M. Dumortier, qui se fâche si fort contre cette erreur si erreur il y a, de la députation permanente, quelle importance cela peut avoir. Eu supposant qu'il n'y eût que sept hectares, qu'est-ce que cela ferait ? Qu'il s'agisse de vingt et un hectares ou de sept hectares, le fait n'est-il pas le même ? L'honorable M. Dumortier a donc tort de se fâcher et de demander la parole pour exprimer son mécontentement.

Jusque-là tout est parfaitement régulier. Le curé Wauthier avait raison de transiger.

Mais voici ce qui se passe :

Le curé Wauthier a les 21 hectares ; que va-t-il en faire ? Voilà la question. Il vend les 21 hectares en son nom. J'ai des actes de vente.

M. Delcourµ. - On ne l'a pas nié.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - On ne l'a pas nié, mais c'est tout ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il avait vendu les 21 hectares en son nom et qu'il avait institué sa nièce pour son héritière universelle.

Nous allons voir si ce n'est pas exact.

Voilà donc un administrateur spécial, un homme honorable, d'après l'honorable M. Thibaut, un homme respectable ; à la mémoire duquel j'ai insulté ; l'on ne me croira plus désormais ; je ne dis pas la vérité, et je constaté qu'il avait reçu pour la fondation de bourses 21 hectares, et que, plus tard, il les vend en son nom ; puisqu'il dispose de tous ses biens en faveur de sa nièce, sans faire la moindre mention des bourses.

Si tous les administrateurs agissaient de même, si les membres des administrations des hospices léguaient les biens des hospices à des parents, à des nièces à des neveux sans leur léguer les charges, diriez-vous que c'est là de la bonne administration ?

M. Thibautµ. - Cela est complètement inexact.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cela est complètement inexact ? C'est très bien ; mais attendons. M. Delcour venait cependant de reconnaître que j'étais dans le vrai.

M. Delcourµ. - Je n'ai rien reconnu, si ce n'est la vente. Elle est claire.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Acte du 10 prairial an XII. Vente par Mathias Wauthier d'un hectare 26 ares et de deux hectares 10 ares. J'ai ces actes entre les mains. M. Wauthier vend en son nom personnel.

Voilà l'inexactitude dont m'accuse l'honorable M. Thibaut.

M. Wasseige. - Il a lu lui-même les actes de vente.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il a pu les citer, mais il ne les a pas lus. Vous n'êtes pas aussi au courant que moi de l'affaire et vous avez pu confondre un acte avec un autre. Peut-être, M. Thibaut n'a-t-il pas les actes dans son dossier.

M. Wasseige. - Vous n'avez peut-être pas entendu, M. le ministre. Mais M. Thibaut a lu les actes.

M. Thibautµ. - Je ne crois pas que nous soyons ici devant un tribunal, mais si la Chambre veut se transformer en tribunal, je lui remettrai les pièces ; elle trouvera toutes celles que j'ai citées et notamment une copie des actes de vente. (Interruption.)

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cette manière de discuter est tout à fait singulière.

Je dis à l'honorable M Thibaut : le curé Wauthier a vendu en son nom. Il me répond : C'est inexact. Je lui dis : Voilà les actes de vente. M. Wasseige me répond que M. Thibaut les a lus. Qu'est-ce que cela fait ? Mais je déclare que je n'ai pas commis d'inexactitude lorsque j'ai dit que le curé Wauthier avait vendu les biens en son nom sans déclarer que les biens étaient affectés aux bourses et que la personne devenue propriétaire de ces immeubles n'était nullement chargée de payer les bourses. Il a vendu ces hectares comme sa propriété personnelle, comme des biens à lui... (Interruption de M. Dumortier.)

M. Teschµ. - C'est un système de ne pas laisser parler.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Dumortier a beau m'interrompre, les faits sont là, ils sont malheureusement trop clairs et je le regrette.

Qu'arrive-t-il donc ? Le curé Wauthier vend en son nom personnel, mais la famille était toujours là venant sonner à la porte de M. le curé Wauthier, comme le prouvent les pièces, et réclamant le payement des bourses.

L'honorable M. Thibaut dit : Voyez quel homme généreux, il payait plus que le produit des biens ; il était le père de la famille, et il nous lit la lettre dans laquelle le curé Wauthier prétend dépenser en payement de bourses le revenu des biens qui étaient affectés à la fondation.

Nous verrons cela ; nous entendrons les plaintes de la famille et nous verrons comment elle a eu à se louer des dispositions du curé Wauthier.

Je poursuis mon récit :

Par suite des plaintes de la famille, l'autorité publique s'occupe de cette affaire et on s'adresse au curé Wauthier pour le prier de rendre compte des bourses. C'est alors qu'il écrivit au gouverneur de Namur les deux curieuses lettres que M. Thibaut vous a lues et que je demande la permission à la Chambre de lire de nouveau.

On dit au curé Vautier : Vous avez des fondations ; veuillez-en rendre compte. Vous allez entendre ce qu'il répond :

« Walcourt, 24 juin 1826.

« Monseigneur,

« Daignez m'excuser du délai que j'ai mis à répondre à la demande que vous me faites par votre honorée du 30 mai dernier, de vous donner des renseignements touchant trois bourses fondées par défunt Antoine Wauthier.... »

Il prétend qu'il n'a pu s'occuper de cette affaire, parce qu'il a eu trop de besogne ; ensuite il indique les causes pour lesquelles les bourses n'ont pas été bien gérées :

« Ces bourses étaient fondées sur des rentes affectant des biens féodaux possédés par M. Carion de Macquenoise, mauvais payeur, (page 809) mauvaise hypothèque, tellement qu'on a dû plaider une quantité d'années pour obtenir peu de payements.

« La révolution, les guerres sont survenues ; on n'a plus osé parler de ces bourses de crainte que la nation ne s'en emparât, comme elle s'est emparée des bourses de l'université de Louvain et d'autres de famille. Plus de collèges, plus d'étudiants, impossibilité de recevoir aucun payement, d'où s'ensuivit nécessairement une infinité d'arriérés irrécupérables.

« Cependant, le temps plus calme étant arrivé, ayant deux frères établis à Trelon, l'un médecin ayant un fils avocat, l'autre avocat mort juge à Avesnes, non éloignés dudit Macquenoise, et dont les enfants devaient jouir de ces bourses, je les ai sollicités à employer tous les moyens possibles pour tâcher d'obtenir du moins la plus grande portion possible desdites bourses. Ils ont, en conséquence, poursuivi par les voies de justice Mme veuve et enfants dudit M. Carion ; procès à la cour féodale de Chimai, procès à Mons, procès à Douai qui ont duré quantité d'années et à grands frais, jusqu'au moment que, pour échapper le plus possible, j'ai dû, de l'avis de mesdits frères, transiger avec le fils aîné dudit Carion de Macquenoise, qui a cédé des parties de biens dont la valeur serait estimée par deux arbitres qui les ont estimés à si haut prix, que le produit de la location qu'on en a faite était une perte plus que de moitié. »

Jusque-là rien à dire. Mais voici l'important :

« Tellement que, de l'avis de mes frères, j'ai cru devoir les vendre à grande perte. Je ne pourrais vous en dire le prix, les actes étant demeurés à Trélon et ne les ayant jamais eus chez moi. Mais il est à noter que le notaire, un nommé Demorlain, qui a reçu et négligé de faire enregistrer l'acte, est mort redevable d'une grande partie de la somme reçue. »

Il prétend donc qu'il a vendu les biens.

Il les a vendus à un prix qu'il ne peut pas même indiquer. Il a laissé l'argent chez le notaire et, d'après lui, il ne reste plus rien de la fondation.

« En un mot, ayant mûrement et équitablement bien compté, j'ai cru et je crois qu'il ne restait en faveur de ces bourses qu'environ quarante couronnes de rente annuelle. »

II ne sait pas même le prix des immeubles vendus et puis il déclare que la fondation ne possède plus qu'environ quarante couronnes de rente.

« Je crois qu'il ne restait en faveur de ces bourses qu'environ quarante couronnes de rente annuelle pour une bourse dont jouissent et ont toujours joui depuis qu'ils ont commencé leurs humanités les trois fils de M. Poirson, enfants de ma nièce Louise Wauthier, fille de mondit frère le médecin, sœur à défunt son frère l'avocat, qui a été le principal acteur dans toutes ces affaires. Vous voyez, monseigneur, un vrai labyrinthe de circonstances malheureuses pour moi, âgé de 85 ans, et pour mes parents ; elles ne me doivent pas être imputées. Daignez me croire, je ne désire rien tant que le bien-être de mes parents. Il est connu de tout le monde que j'ai toujours été le père de ma famille, et que pour son bien-être j'ai sacrifié plus qu'il ne me reste. Je ne le regrette aucunement, au contraire, je veux en ce moment ravitailler et renforcer les deux bourses susdites en faveur de mes mêmes parents dénommés dans ladite fondation, en m'obligeant de suppléer à la défectuosité de ces deux bourses jusqu'à la concurrence de quatre cents francs, c'est-à-dire de deux cents francs pour chaque bourse, que je conférerai au mois d'octobre prochain à deux de mes arrière-neveux qui s'appliquent et se conduisent très bien, payables l'année écoulée. Quant à la troisième bourse de cent florins fondée en faveur des enfants de chœur de notre ci-devant chapitre ou collégiale, je crois qu'il n'en peut plus être question, puisqu'il n'existe plus ni chapitre, ni collégiale, ni choraux ; du moins ces trois bourses étant fondées sur les mêmes rentes, il paraît que cette troisième doit en souffrir la perte puisque l'intention interprétative du fondateur est en faveur de ses parents.

« Je regrette, Monseigneur, que mon grand âge me rende le voyage de Namur impossible ; je brûle du désir de pouvoir m'expliquer de vive voix et vous instruire de bien des circonstances qui ont causé le malheur de cette fondation. J'espère que vous serez satisfait et que vous ne douterez aucunement de ma véracité, non plus que du profond respect avec lequel je ne cesserai d'être,

« Monseigneur,

« Votre très humble, etc.

(Signé) F.-M.-J. Wauthier, curé de Walcourt. »

Mathias Wauthier annonce, messieurs, le projet de rétablir deux bourses de 200 francs en faveur de sa famille dont il se dit le bienfaiteur. Ceci se passe en 1825. Vous allez voir que jamais il n'a réalisé cette intention.

Sous peu donc, il va se rendre chez le notaire pour passer l'acte de ravitaillement. Il n'en fait rien.

La famille continue à se plaindre ; elle dit qu'il est impossible de rien obtenir : « Quand nous allons chez le curé Wauthier, il nous met à la porte. » Le gouverneur écrit de nouveau au curé Wauthier et voici ce qu'il répond :

« Walcourt, 28 mars 1826.

« Monseigneur,

« Daignez, je vous supplie, ne m'accuser ni de négligence ni de défaut de soumission à vos bons conseils : aussitôt votre honorée lettre du 26 décembre reçue, qui me conseillait de passer un acte par devant notaire et témoins touchant la restauration des bourses fondées par le testament du défunt Antoine Wauthier en son vivant chanoine en la collégiale de cette ville, qui m'a institué son héritier universel, ainsi que collateur et receveur desdites bourses, je me suis occupé, en cassant ma vieille tête, à faire la minute de l'acte que vous m'indiquiez pour ensuite vous l'envoyer et le soumettre à votre jugement. Mais enfin mes propres lumières ne m'inspiraient pas toutes les clauses qui me paraissaient nécessaires dans cet acte, pour que je sois, et mes héritiers, à l'abri de tout trouble et molestations à cet égard que je suis bien éloigné de mériter : c'est sur ces motifs que je me suis finalement déterminé de me rendre à Namur, vers la fin d'avril ou commencement de mai. Dans l'espoir que Son Excellence daignera m'assister de ses bons avis et conseils ; je la supplie de noter que mon intention n'est pas de fonder deux bourses nouvelles moi-même ; mais de restaurer et revivifier celles fondées par mon dit parent, en faveur de ses parents, qui ont été détériorées et diminuées comme j'ai eu l'honneur de vous en informer dans ma première lettre plus que de la moitié par les procès, défaut d'hypothèques, guerres, révolution ; de sorte donc que ces deux bourses existeront d'un revenu de deux cents francs chaque et seront soumises aux mêmes clauses et conditions et dans le même sens exprimé par l'ancien fondateur ; je supplie Son Excellence de vouloir m'assister à cet égard et de me croire pour la vie.

« Monseigneur, votre très humble, etc.

« (Signé), F.-M.-J. Wauthier, curé de Walcourt.

« P. S. J'oubliais d'informer Son Excellence que le sieur Hippolyte Poirson, mon arrière-neveu, étudiant en théologie au séminaire de Namur, profile de ces bourses depuis un an entier. »

C'était en 1826. Il allait venir chez le notaire, il allait passer l'acte ; eh bien, il est mort en 1832, 6 années après, et il fait un testament où il donne tout à sa nièce et il ne dit pas un mot des bourses. Comment donc ! S'il avait eu l'intention d'agir comme vous le prétendez, aurait-il attendu 6 ans pour le faire ?

Il avait promis lui-même de se rendre au commencement du mois de mai de l'année 1826 pour passer un acte qui n'était, en définitive, comme il le dit lui-même, que le rétablissement des bourses du chanoine Wauthier : eh bien, que fait-il ? En supposant qu'il n'ait pas pu réaliser cet acte, il aurait du tout au moins, dans son testament, imposera sa nièce l'obligation de servir les bourses. Or, vous allez voir comment sa nièce s'est comportée devant les tribunaux.

Mais, avant cela, un mot sur ce qu'a dit M. Thibaut. M. Thibaut a prétendu que la famille Wauthier avait été excessivement bien traitée par le vieux chanoine, qu'il avait payé les bourses, qu'il avait exécuté lui-même la volonté du testateur.

Eh bien, messieurs, voici les plaintes qui ont été adressées par la famille à la députation des Etats.

- Un membre. - Après sa mort.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Sans doute, après sa mort.

Lettre de M. Jean-Joseph Poncelet au commissaire du district de Philippeville, du 25 juin 1832 :

« J'ai l'honneur de vous exposer que d'après les renseignements que j'ai obtenus de plusieurs membres de la famille qui ont des droits aux bourses dont je sollicite le rétablissement, il résulte que François-M-thias Wauthier a constamment mis tous ses soins à s'approprier les intérêts et capitaux des bourses qui étaient à sa charge, attendu que les parents appelés à en jouir n'ont jamais pu parvenir à avoir un entretien suivi, tant sur le fond que sur les intérêts échus. Jouissant d'une fortune considérable, il menaçait de déshériter ceux qui se présentaient pour réclamer la jouissance des bourses. C'est ce qui m'est arrivé (page 810) personnellement deux ans avant sa mort, et j'ai dû me résigner, ne pouvant agir à défaut de titre. »

Ici le sieur Poncelet énumère quelques personnes qui autrefois ont joui des bourses, et il continue :

« Postérieurement à notre réunion à la Hollande, les enfants du sieur Poirson ont été dans le cas de jouir de deux premières bourses (bourses de la famille), se trouvant au collège de Thuin. Ledit curé Wauthicr n'a jamais voulu leur conférer la collation ; il donnait selon son caprice, quelquefois peu et quelquefois un peu plus d'un tiers de la somme due annuellement. L'héritière de feu Mathias Wauthier possède les quittances, ainsi que celle de la somme de 1,200 francs donnée aux mêmes pour trois années de séminaire desdits enfants du sieur Poirson.

« Vous remarquerez, monsieur, comme j'ai eu l'honneur de l'exposer dans ma requête, que ledit Mathias Wauthier, oubliant les intentions du fondateur, payait aux uns ce qu'il refusait aux autres. M'étant présenté en 1829 pour réclamer la jouissance en faveur de mon fils, il m'allégua qu'il n'en percevait plus une obole, et je ne pus obtenir d'autre satisfaction qu'un refus formel.

« Il n'est pas exact que ledit Mathias Wauthier ait dissipé une partie de sa fortune en favorisant ses parents. De mon côté, je puis assurer qu'il a détourné à son profit une partie des legs faits à ma grand'mère qui était sa sœur, et qu'il a agi de même envers Mme... qui était appelée à recueillir quelques propriétés après son décès ; eh bien, il les a vendues de son vivant, quoiqu'il n'en eût que l'usufruit.

« Il est constant aussi que ledit Mathias Wauthier a cru que les titres de la fondation étaient à jamais perdus pour sa famille, et que par sa correspondance avec M. d’Omalius (gouverneur de la province de Namur) il a cherché à l’induire en erreur, le séduire par des plaintes équivoques et des paroles fallacieuses sur de prétendues pertes ; tandis qu’il n’y a pas à douter qu’il a joui au moins pendant plus de 25 ans des intérêts et du capital de la dite fondation. Et enfin toutes ses vue n’ont eu d’autre but que de détruire l’édifice philanthropique du fondateur ; tandis que, s’il eût été ministre sincèrement religieux, croyant à la parole de l’Evangile et à l’existence d’un Dieu, comment n’eût-il pas, dans ses dernières années, donné des marques de repentir (comme il a paru, d’après ses lettres, y être pour un moment disposé) et faire revivre l’édifice de bienfaisance du père de famille, dont son bienfaiteur lui avait fait une obligation imprescriptible ? »

Lettre du sieur Poirson aux Etats députés de Namur (entrée le 27 mai 1833.)

« M. Poncelet, mon parent, m'ayant communiqué copie de la lettre dc laj demoiselle Emerentine Wauthier, du 3 de ce mois, en réponse à la pétition qui vous a été présentée le 6 juin 1832, j'ai cru devoir, dans les intérêts de toute la famille, vous faire mes observations sur une partie de son contenu, surtout que ladite demoiselle allègue que mes enfants ont joui de 400 francs annuellement pour faire leurs études.

« Le seul de mes enfants qui a pu jouir de ce bienfait, d'après le testament d'Antoine Wauthier, pendant son séjour au séminaire à Namur, se nomme Hippolyte Poirson, devenu prêtre, présentement chez M. le comte d'Espiennes, à Soy.

« Lui seul vous dira s'il a reçu les 400 francs pendant ses cours de théologie ; en mon particulier, je n'ai jamais donné quittance, et ce ne fut que d'après une plainte que j'avi s adressée à Mgr Pisani de la Gaude, laquelle peut encore exister dans les archives de l'épiscopat. Cette somme n'équivalant pas à une rente de 100 couronnes, j'en fis des reproches au curé défunt. Il me répondit qu'il n'avait pas suffisamment pour vivre ; que la famille trouverait cela après lui. Si M. le gouverneur d'Omalius n'eût pas eu trop de faiblesse et de condescendance pour le curé Wauthier, il y a longtemps que cette affaire serait terminée à l'avantage de ma famille, ainsi qu’elle doit encore l'être aujourd'hui. .

« Ladite demoiselle et le curé défunt, son bienfaiteur, peuvent-ils être considérés comme de bonne foi, seulement d'après un fait personnel que je vais vous citer ? Le curé Mathias Wauthier avait fait donation d'une rente de 30 couronnes à mon épouse et à ma belle-sœur, pour en jouir après sa mort. Cette donation, dont copie ci-jointe, n'a pas été passée devant notaire, ne voulant pas, disait-il, la rendre publique, à cause des autres parents, disant que ses héritiers respecteraient sa signature et écriture. Aujourd'hui ladite demoiselle rejette cette donation, n'étant pas en forme.

« Dire que M. Carion de Micquenoise (le débiteur des rentes de la fondation) était un mauvais payeur, qu'on a transigé avec lui pour une mauvaise partis de biens, je ne le crois pas : le curé n'était pas un homme à accepter le quart de la valeur d'un revenu de 130 couronnes. D'ailleurs M. Carion est encore aujourd'hui un grand propriétaire vivant dans l'aisance, comme de tout temps. Où sont les actes de ces transactions ? Que sont devenus les actes de rente desdits biens, qu'on aurait dû laisser sans les vendre, pour prouver qu'on n'entendait pas toucher aux revenus des bourses de fondation, ni vouloir les anéantir contre la volonté du bienfaiteur, du curé Wauthier ? Où est le rapplicat de la vente des biens desdites bourses ? Par le testament d'Antoine Wauthier, les biens du curé Wauthier étaient grevés de charges ; lesdits biens passant aux mains d'Emérentine Wauthier sont grevés de même. C'est aux actes que l'on doit se rapporter, et ne pas s'attacher aux doléances mensongères.

« Je nie que le curé ait jamais passé pour charitable. Je nie qu'il ait fait du bien à sa famille de son vivant. Le public a connaissance qu'il m'a fait tort de près de 15,000 francs, sur des retenues qu'il exerçait sur des rentes qu'il me devait, sans motif de retenue.

« Et n'ai-je pas droit de réclamer le revenu des bourses, pour le temps que mes enfants ont fait leurs études ? Est-il permis à un curé de retenir ou d'avoir retenu pendant vingt-cinq ans au moins le produit desdites bourses ? Est-il permis à ladite Emérentine Wauthier de vous mentir et d'employer des moyens obliques pour se soustraire aux charges d'une succession qui lui donne 5,000 francs de revenu ?... »

Lettre de Jean-Joseph Poncelet, petit-neveu de Mathias Wauthier, à la députation des Etats de Namur, en date du 26 mai 1833 :

« J'ai l'honneur de vous exposer que, pour recueillir tout éclaircissement au sujet des bourses de famille, legs pieux et dons aux pauvres de Walcourt, je pense que vous pourriez vous adresser au curé actuel de ladite commune, que je crois à même de vous donner avec exactitude connaissance de toutes les intrigues que feu Mathias Wauthier et sa nièce Mlle Emérentine n'ont cessé d'employer pour anéantir ou se soustrar e aux vues bienfaisantes du fondateur desdites bourses, legs et dons.

« A mon particulier, je ne vois, dans la lettre du 3 mai de ladite demoiselle, que les phrases rajeunies des lettres que feu Mathias Wauthier écrivait à ce sujet à M. l'ex-gouverneur d'Omalius en 1825 et 1826, que toutes me paraissent peu de bonne foi et contradictoires avec le langage personnel que m'ont tenu l'un et l'autre à diverses occasions et en présence de témoins. En septembre 1830, je demandai à feu Mathias Wauthier la collation d'une bourse en faveur d'un de mes enfants qui se trouvait en âge d'en jouir. Il répondit qu'il n'en existait plus rien ; que si, danis le moment, il payait 200 fr. pour le fils d'Antoine Wauthier qui se trouvait au collège de Dinant, c'était de sa propre volonté, et que si je voulais attendre la fin des études de celui-ci, il se pourrait que par la suite il accordât la même faveur pour le mien. Cette réponse est donc peu conforme avec sa correspondance mentionnée ci-contre.

« Je ne croirai jamais que feu Mathias Wauthier ait dit à sa nièce qu'il voulait seconder les vues du bienfaiteur ; car il est constant qu'il a employé toutes les ruses, voies et moyens, pour détruire et anéantir à son profit les volontés de son bienfaiteur, qui n'avait eu d'autre dessein que de procurer et de perpétuer des avantages réels à tous ses parents ; tandis que feu le curé de Walcourt accablait de menaces ceux qui lui réclamaient cet acte de conscience. »

Je vous demande, messieurs, si en présence du testament de M. le curé Wauthier les parents de celui ci avaient tort de se plaindre de ce que la fondation de bourses eût été complètement perdue de vue.

Maintenant la nièce se trouve donc, en vertu du testament, en possession de tous les biens de la fondation. Que fait-elle ? Elle oppose la prescription, non pas, comme M. Thibaut le soutient, la prescription pour les intérêts, mais la prescription pour le tout. Elle dit que son oncle a possédé à titre de propriétaire, qu'elle-même a continué cette possession à titre de propriétaire et que la fondation de bourses n'a rien à réclamer.

Le chanoine avait créé à sa nièce un litre de possession et la nièce venait dire : Je possède depuis plus de 30 ans.

Qu'a fait la cour de Liège ? Elle a admis la prescription pour la partie de l'administration antérieure à 1792, mais elle a débouté la demoiselle Wauthier pour le reste ; il n'en pouvait être autrement, car il y avait dans la correspondance des aveux d'où il résultait que Mathias Wauthier n'avait pu posséder à titre de propriétaire.

Il est à remarquer que si la fondation Wauthier a conservé quelque chose, ce n'est pas de la faute de la demoiselle Wauthier. Elle a plaidé pour n'avoir rien à restituer ; et la personne que l'honorable M. Thibaut a citée dans cette enceinte, je comprends qu'elle proteste contre mes déclarations. Elle était au procès comme représentant la demoiselle (page 811) Wauthier ; et, si je ne me trompe, c'est cette personne qui a postulé dans le procès intenté devant le tribunal de Dinant. Je ne m'étonne pas dès lors qu'elle soit indignée de mes révélations. Maintenant voulez-vous une preuve évidente que mademoiselle Emérantine Wauthier ne voulait rien rendre ? Cette preuve est fournie par le compte qu'elle a produit en justice.

Recettes fr. 9,489 42

Dépenses fr 5,289 42

Reste dû par les fondations. fr. 4,170

Et l'honorable M. Thibaut trouve que tout cela est très régulier et qu'il faut rendre hommage à l'administration du curé Wauthier.

La vérité est que les 21 hectares ont disparu, et que si ces propriétés avaient été conservées, l'avoir de la fondation aurait aujourd'hui une grande importance.

Le procès durait depuis longtemps déjà lorsque la demoiselle Emerentine Wauthier vint à mourir. Les héritiers de cette demoiselle transigèrent ; il. assurèrent à la fondation un capital de 10,000 francs, et s'engagèrent à payer pour les intérêts du capital une rente annuelle de 500 francs, plus les frais du procès.

Eh bien, messieurs, je vous demande si, après cet exposé qui repose npn pas sur des allégations, mais sur des pièces authentiques, l'on peut réellement prétendre avoir réfuté ce que j'ai dit.

Je suis resté en deçà de la réalité et je maintiens que le curé Wauthier a disposé des biens de la fondation comme de biens lui appartenant personnellement et que sa nièce a cherché en justice à ne rien remettre à l'administration de la fondation.

M. Dumortier. - Si je prends la parole sur cette affaire, c'est que j'ai des motifs de cœur qui m'obligent à parler.

J'ai beaucoup connu le vieux chanoine Wauthier, qui était l'ami intime de mon père, et je ne puis pas permettre qu'on insulte ainsi à sa mémoire. (Interruption.)

Si vous êtes si sûrs des odieuses accusations qui ont été dirigées contre lui, ma parole ne doit pas vous gêner, et si vous voulez étouffer ma voix c'est que vous savez que je vais rétorquer tout ce que vous avez dit ; voilà pourquoi vous ne voulez pas m'entendre.

Je ne puis, messieurs, entendre dire qu'un homme que j'ai connu comme un des hommes les plus honorables de la Belgique, l'homme qui a sauvé les bourses dont il s'agit, qui les a arrachées à la mainmise nationale, l'homme sans lequel elles n'existeraient plus du tout, je ne puis entendre dire que cet homme est un spoliateur de fondations, qu'il a détourné les fonds, qu'il a en un mot volé ou voulu voler les fonds des bourses. Je ne puis entendre dire de pareilles paroles et je dois protester, avec toute l'énergie de ma conscience, contre une aussi odieuse imputation.

De quoi s'agit-il ? D'une fondation faite il y a presque 100 ans et hypothéquée sur un domaine féodal.

Vous devez comprendre dès maintenant qu'une telle fondation était singulièrement éventuelle. Une fondation hypothéquée sur de pareils biens avait une consistance très peu solide le jour où le domaine féodal cessait d'exister.

En effet, que voyez-vous par les actes dont mon honorable ami M. Thibaut a donné lecture ? C'est que presque aucun des quartiers de rente n'était payé et que le chanoine est forcé de payer de sa propre bourse l'import des fondations pour qu'elles continuent à exister.

Voilà l'homme qu'on vous présente comme un voleur, l'homme qui paye de sa propre bourse ce qu'il ne peut toucher.

M. le ministre de la justice (M. Bara) ; - Cela n'est, malheureusement, pas prouvé.

M. Dumortier. - Nous verrons tout à l'heure si l'accusation méchante d'un héritier débouté vaut mieux que la vérité et la justice.

M. Delcourµ. - C'est cela.

M. Dumortier. - Et l'honorable ministre de la justice vient faire peser une pareille accusation sur un citoyen honorable lorsqu'il sait que l'homme qui lance cette accusation n'a qu'un seul but, c'est de se venger de n'avoir pas hérité de son oncle.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Et la députation permanente ?

M. Dumortier. - Ce n'est pas la députation qui a écrit la méchante lettre dont vous venez d'entendre la lecture, c'est l'héritier débouté.

La révolution française éclate. Ces bourses hypothéquées sur des rentes féodales ne sont pas payées, et d'autre part si l'on a le malheur de les déclarer, la mainmise nationale viendra s'en emparer.

Que fait le chanoine Wauthier ? Pour sauver la fondation de son oncle, il consent à faire une transaction en son nom propre afin d’empêcher la mainmise nationale de s'emparer de la fondation, et le ministre de la justice n'a que des paroles de blâme pour un acte aussi conservateur, qui devrait exciter toute sa reconnaissance à lui qui se déclare ici le défenseur des fondations.

Si le chanoine Wauthier n'avait pas posé ces actes, la mainmise nationale se serait emparée de la fondation.

M. Hymans. - Il a très bien fait et M. le ministre l'a dit aussi.

M. Dumortier. - Pas du tout.

M. Hymans. - Mais si, jusque-là c'était parfait. C'est après.

M. Dumortier. - Nous y viendrons. Mais, dit l'honorable membre, le chanoine Wauthier a eu 21 hectares de terre et si ces 21 hectares avaient été conservés, la fondation Wauthier serait une des plus riches de la Belgique.

Eh bien, messieurs, autant d'erreurs que de mots. Jamais la fondation n'a eu 21 hectares de terre ; l'acte de transaction dont l'honorable M. Thibaut vous a donné lecture en fait foi.

En payement du capital de la rente féodale, M. le chanoine Wauthier obtenu non 21 hectares, mais 28 journels, ce qui fait 7 hectares, car l'honorable M. Bara doit savoir aussi bien que moi qu'un hectare ou plutôt un bonnier contient 4 journels et si l'on a dit 21 hectares dans un acte quelconque de la députation permanente, cela ne prouve qu'une seule chose, c'est qu'on a fait une grosse erreur officielle. L'acte de vente dont a donné lecture l'honorable M. Thibaut est positif à cet égard et il n'est pas possible de le contester. M. Wauthier a eu non 21 hectares, mais 28 journels de terre en échange du capital de la rente. Les 21 hectares dont a parlé M. Bara n'ont donc jamais existé ; l'acte en fait foi.

D'autre part, comme il avait payé de sa fortune privée, à la décharge des débiteurs de la rente, des avances pour le service des bourses d'étude, avances qui sont reconnues dans l'acte de transaction, le débiteur lui céda à lui, en nom propre, 28 journels de terre.

Eh bien, ce sont ces 22 journels de terre donnés en payement de ses avances et qui étaient sa propriété, qu'il a vendus. En les vendant il n'a donc fait que vendre sa propriété privée et rentrer dans ses avances.

Et c'est ce sauveur des bourse de sa famille que vous venez représenter comme un voleur ! C'est lui que vous accusez d'avoir vendu à sort profit 21 hectares de terre appartenant à la fondation ! C'est par trop fort.

Il n'y avait que 7 hectares, dit M. le ministre, soit ; il y a donc là, dit-il, 7 hectares de terres détournés. Mais comment et quand a eu lieu la vente de ces 7 hectares ? Encore toujours pendant la révolution française, alors, qu'il fallait sauver la fondation de la mainmise nationale et en servir les rentes. Eh bien, que fait alors le chanoine Wauthier ? Voyant que cette terre médiocre ne produisait presque rien, il a cru faire acte de bonne administration en le vendant pour en sauver le capital et augmenter son revenu, et il a opéré cette vente d'après l'avis de toute sa famille ; les pièces le prouvent. Vous avez vu par l'acte à quel prix il la vendit ; il la vendit pour 3,250 fr. Cette propriété était tellement mauvaise qu'elle ne valait que 400 fr. l'hectare, le prix de nos bruyères.

Eh bien, moi je dis que ce que vous appelez un vol est encore un acte de bonne, d'excellente administration, car il s'agissait avant tout d'arriver à faire 400 francs pour les deux bourses. Et ici je ferai remarquer que comme les sommes ne suffisaient pas, chaque année M. le chanoine Wauthier prélevait sur sa propre fortune de quoi donner à ses parents un complément de rente. (Interruption.) J'ai là toutes les quittances pour le prouver.

Les quittances existent depuis 1797 ; il est vrai qu'on n'a pas pu les fournir pour les années antérieures. Mais on n'avait pas à les fournir et d'ailleurs, qui de vous pourrait fournir des quittances du siècle passé ? Personne. Les quittances existent donc depuis 1797. Il a été démontré jusqu'à la dernière évidence que M. Wauthier était en avance sur les capitaux de la fondation. L'acte de transaction le dit en termes exprès et irrécusables.

Mais en 1825, M. le gouverneur écrit au chanoine Wauthier pour l'engager à reconstituer la bourse. Or, que fait dans cette circonstance le chanoine Wauthier ? non seulement il se rend à l'invitation de M. le gouverneur, mais il va plus loin et déclare qu'il est disposé à élever le capital de la fondation. Etrange voleur ! Je voudrais bien rencontrer beaucoup de voleurs semblables, mais ce n'est pas du côté du parti libéral que je les trouverai.

Il trouve plus commode de s'emparer des bourses fondées par les catholiques.

(page 812) - Un membre. - Il n’a fait que promettre.

M. Dumortier. - Il n'a fait que promettre, mais pourquoi n'a-t-il pas réalisé le désir qu'il exprime dans sa lettre ? C'est parce que, dans la lettre de M. d'Omalius, il y avait une erreur, et qu'on avait interprété la lettre du chanoine Wauthier en ce sens qu'il voulait créer une fondation de 400 fr., tandis qu'il voulait simplement compléter la fondation dont il s'agit et en élever le revenu au chiffre de 400 fr. Voilà pourquoi son vœu ne s'est pas réalisé.

On vous dit : Mais à sa mort, il a légué ses biens à sa nièce, il a constitué sa nièce légatrice universelle, sans songer seulement à parler des bourses. Le fait est encore faux. La lettre de sa nièce prouve qu'il l'avait chargée de payer et de reconstituer la fondation. S'il n'en a pas parlé, c'est que ce n'était pas nécessaire et en effet la nièce savait si bien qu'elle était la débitrice, qu'elle a continué à servir les rente, et j'en ai ici la preuve signée des agents mêmes du gouvernement.

Une transaction intervint, que dit-elle ?

« Art. 1er. La dame Wauthier et ses deux enfants s'obligent solidairement de continuer a fournir à la fondation des bourses d'étude Wauthier, une rente annuelle et perpétuelle de 500 francs, partie de plus fortes, pour la plupart perdues. »

La transaction dit-elle :« feront une rente... ? » Non elle ne donne pas lieu au doute, elle dit : « continueront à fournir...» Donc les héritiers du chanoine fournissaient les rentes ; ce sont vos agents eux-mêmes qui l'attestent.

Il est donc prouvé, par le témoignage de vos propres agents, que M. le chanoine Wauthier et sa nièce ont toujours servi la fondation à leurs plus proches parents et que, tandis qu'ils ne recevaient annuellement que 240 francs de rentes, ils en payaient 400 aux boursiers.

Mais qu'est-il arrivé ? Comme le chanoine Wauthier, qui avait de nombreux neveux, ne pouvait conférer des bourses d'étude à tous ceux de ses neveux qui en demandaient, ceux qui n'en obtenaient pas, se plaignaient et c'est ainsi que vous avez pu entendre la lettre dont M. le ministre vous a donné lecture tout à l'heure.

Vous voyez, messieurs, que toutes les accusations qu'on a fait entendre sont complètement sans fondement, et c'est un acte inouï, inconcevable, que de venir accuser de vol des biens de la fondation Wauthier, celui-là même qui l'a sauvée, qui l'a entretenue de sa propre fortune et qui l'a reconstituée de ses propres deniers.

M. le ministre de la justice est venu vous dire ici : « Un curé administrateur de la fondation Wauthier vendit successivement en son propre nom les propriétés immobilières de la fondation consistant en 21 hectares ; il laissa sa nièce comme héritière. En 1834 on découvrit la fraude. » Cette accusation si grave, qui constituerait un vol, est contraire à la vérité. Les 21 hectares de terre appartenant à la fondation n'ont jamais existé ; c'est 21 journels et les 21 journels que M. le chanoine Wauthier a vendus étaient sa propriété privée.

Lorsque M. le ministre a tenu ce langage, il a commis une grave inexactitude ; il ne s'agit que de sept hectares et non pas de 21 hectares. Les sept hectares ont été vendus alors que les fondations de bourses étaient confisquées comme aujourd'hui, et qu'il fallait les sauver de la mainmise nationale.

Le revenu du capital provenant de la vente de ces sept hectares a continué à desservir les bourses fondées par son oncle, et M. le chanoine Wauthier y ajoutait chaque année, de sa propre fortune, une somme suffisante pour desservir les bourses dans leur entier.

Lorsque M. le ministre vient dire : « En 1834, on découvre la fraude », c'est encore là une contre-vérité, puisque en 1825, c'est-à-dire dix ans auparavant, le chanoine Wauthier s'était déclaré prêt à reconstituer les bourses et à donner lui-même des renseignements au gouvernement.

Comment donc est-il permis d'outrager ainsi la mémoire de ce bienfaiteur de la fondation et de dire que cet homme honorable a volé les biens de sa famille alors que, sans lui, vous n'auriez plus les bourses de cette fondation ; alors que c'est lui qui les a sauvées de la mainmise nationale ; alors qu'il a payé de ses deniers, pendant plus de 50 ans, la somme nécessaire pour compléter ces deux bourses. Voilà ce bienfaiteur de l'humanité qu'on vient traduire à la barre de cette Chambre, qu'on représente comme un voleur, comme un misérable, comme un spoliateur de sa famille !

Eh bien, messieurs, je dis qu'une pareille accusation suffit pour juger toutes les critiques que nous avons entendu formuler ici par M. le ministre de la justice et que c'est le cas ou jamais de dire ; Ab uno disce omnes.

M. Tack. - Messieurs, je demande à mon tour, à la Chambre, la permission de lui présenter quelques observations au sujet d'une fondation dont il a été beaucoup question dans le premier discours de M. le ministre de la justice et sur laquelle il est encore revenu dans une séance précédente ; je veux parler de la fondation de Hautporl,

L'honorable ministre, sur une interruption que j'ai faite, m'a adressé une mercuriale que je ne puis accepter et sous le coup de laquelle j'entends ne pas rester.

Mais avant de m'occuper de la fondation de Hautporl, je tiens à faire une réflexion générale.

Pour justifier la loi de 1864, il fallait essayer d'établir que la législation antérieure, la législation hollandaise était défectueuse, insuffisante, inefficace ; qu'elle avait donné lieu à toute sorte d'abus, qu'elle avait favorisé les dilapidations, les malversations, les cumuls, que sais-je ? A-t-on fourni cette preuve ? Pas le moins du monde. C'est ici le cas de dire qu'on a déplacé très adroitement le débat.

Comment s'y est-on pris ? On est allé fouiller dans les anciens dossiers du département de la justice pour raviver de vieilles affaires qui n'ont rien de commun avec la législation de 1818 et de 1823 ; en bonne équité il eût fallu se borner à citer les abus résultant de l'application de cette législation de 1818 et de 1823.

Mais le bagage eût été mince, le but n'aurait pas été atteint.

Toutes les affaires, qui présentent un certain caractère de gravité réel ou imaginaire sont de vieilles histoires, auxquelles la législation de 1818 et de 1823 est indifférente ; presque toutes sont la conséquence des malheurs du temps ; elles sont le fruit des spoliations audacieuses perpétrées par la Révolution française.

Il en est ainsi, notamment, de la fondation Wauthier, de la fondation Kemerlinck, de la fondation Borgreeff et d'une foute d'autres.

Mais, messieurs, on a fait plus encore : on a imputé à l'insuffisance et à l'inefficacité de la législation en vigueur avant la loi du 19 décembre 1864 des faits auxquels cette législation a mis un terme, et puis l'on s'est écrié : Voilà le beau régime qu'on nous reproche d'avoir supprimé !

C'est le cas de la fondation Hautport, dont je vais m'occuper tout à l'heure.

C'est ainsi qu'on est parvenu à appeler la loi de 1864 une loi réparatrice ; s'il y a eu une loi réparatrice, c'est l'arrêté de 1818, qui a rétabli les fondations des bourses d'étude.

Je me demande : D'où vient-il que ces faits dont on se prévaut aujourd'hui contre les administrateurs spéciaux ne nous aient pas été signalés plutôt ? Pourquoi n'en a-t-on pas parlé lors de la discussion de la loi sur les bourses d'étude ? On a prétendu que les députations permanentes les ignoraient ; mais je demande comment il est possible de faire une pareille déclaration, alors que tous les dossiers qui ont été remis à la Chambre prouvent à toute évidence que tous ces faits ont été instruits, discutés parles députations permanentes.

C'était donc à bon escient que les députations permanentes pouvaient dire : La comptabilité des fondations est régulièrement tenue, il n'y a guère d'abus à signaler.

MfFOµ. - M. Tesch a cité un grand nombre de faits dans la discussion de la loi de 1864.

M. Tack. - Au Sénat, quelques-uns, c'est possible, mais pas ici. Or, l'honorable M. Tesch en connaissait déjà quand la discussion à eu lieu à la Chambre ; car dans presque tous les dossiers qui nous ont été remis on trouve grand nombre de pièces qui portent sa signature.

Sans doute, messieurs, il y a eu quelques rares abus, et, comme on l'a déjà fait observer, quelle est l'institution humaine qui en soit exempte ? L'honorable M. Jacobs a énuméré hier une longue série de malversations, de dilapidations commises par des fonctionnaires publics, et pour dresser cette longue liste, il n'a pas dû remonter au delà de trois ou quatre ans ; et vous, pour accuser les administrateurs spéciaux, vous êtes oblige de reculer jusqu'au siècle passé. Rien qu'en consultant mes souvenirs, il me serait facile d'ajouter à l'énumération faite par l'honorable M. Jacobs de nombreux cas de malversation qui ont eu leur dénouement devant la cour d'assises de la province à laquelle j'appartiens. Or où sont les administrateurs spéciaux qui ont comparu devant les cours d'assises comme tous ces fonctionnaires officiels ? Et cependant, messieurs, s'il y avait eu tant de dilapidations, de malversations et de vols, il est évident que les auteurs auraient été poursuivis et condamnés.

J'arrive à la fondation Hautport, qui a servi de thème fécond à M. la ministre de la justice, qui a été le point de mire de ses récriminations et de ses accusations.

Il vous a dit que les administrateurs de cette fondation étaient des hommes rebelles à la loi, des hommes qui, lorsqu'on leur réclamait des pièces, répondaient avec des airs de Spartiate : « Venez les prendre ! », des hommes qui prétendaient pouvoir gérer la fondation de Hautport (page 813) comme ils l’entendaient, et qui, lorsqu'on leur demandait des explications, répondaient dédaigneusement : « Nous n'avons pas à vous en fournir. »

Voilà, messieurs, la première accusation dirigée contre ces administrateurs ; la seconde, c'est qu'ils ont thésaurisé au détriment des boursiers ; enfin, la troisième, c'est que cette fondation a servi à favoriser des cumuls de toute espèce.

Dans une de nos précédentes séances, M. le ministre nous a conviés à lire, avant de lui répondre, les paroles qu'il a prononcées dans son discours du 3 mai dernier.

C'est ce que je vais faire, messieurs, et je n'aurai pas grand-peine à prouver que son exposé des faits, concernant la fondation de Hautport, est incomplet, qu'il ne présente qu'une toute petite face de l'affaire, qu'il contient une foule d'erreurs et que, tel qu'il a été présenté, il doit nécessairement induire en erreur tous ceux qui liront les Annales parlementaires.

Voici les passages du discours de M. le ministre, relatifs à la fondation de Hautport :

« Un des caractères saillants des anciennes administrations, c'est la résistance à l'autorité supérieure. On s'étonne aujourd'hui que les administrateurs résistent à la loi de 1864 ; mais ils ont toujours résisté à la loi ; ils ont résisté aux arrêtés du roi Guillaume tout autant qu'à la loi de 1864.

« Les administrateurs ecclésiastiques prétendent qu'ils ne dépendent pas de l'autorité civile, qu'ils puisent leurs droits dans les testaments, que les testaments n'établissent pas de contrôle et que, par conséquent, ils peuvent administrer les biens de fondation comme ils le jugent convenable. Je vais citer des exemples.

« Voyons la fondation de Hautport. »

Vous le voyez, messieurs, M. le ministre commence par englober les administrateurs ecclésiastiques dans une proscription générale ; les administrateurs ecclésiastiques, d'après M. le ministre, sont gens qui, par système, s'insurgent contre la loi ; puis il annonce qu'il va citer des exemples et s'occuper de la fondation de Hautport.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'avais cité d'autres faits avant celui-là.

M. Tack. - Permettez ; il n'est personne qui, en lisant votre discours, ne croira que les paroles que je viens de citer s'appliquent à la fondation de Hautport comme à quelques autres dont vous parlez après celle-là.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La réflexion que vous rappelez, s'appliquait à la fondation Anne Botkens et non à la fondation de Hautport.

M. Tack. - Il n'est pas même question de la fondation d'Anne Botkens parmi les faits que vous citez à l'appui de votre allégation.

Je répète qu'après avoir dit : « Les administrateurs ecclésiastiques prétendent qu'ils ne dépendent pas de l'autorité civile, qu'ils puisent leurs droits dans les testaments, que les testaments n'établissent pas de contrôle et que par conséquent ils peuvent administrer les biens de fondation comme ils le jugent convenable ; je vais citer des exemples ; » vous ajoutez à l'instant : « Voyons la fondation de Hautport. »

Si votre intention n'a pas été de rattacher cette affaire à là réflexion qui précède, il faut convenir qu'il y à tout au moins là une équivoque.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Dans votre esprit, c'est possible ; mais pas ailleurs.

M. Tack. - Vous dites comme confirmation de la réflexion que vous venez de faire : « Je vais citer des exemples ; voyous la fondation de Hautport. » En lisant ces paroles, qui n'a pas été convaincu que des administrateurs ecclésiastiques étaient en cause dans l'affaire de Hautport ?

- Voix à droite. - C'est évident.

M. Tack. - Voici maintenant comment M. le ministre poursuit : « Cette fondation est l'une des plus importantes du pays. Les administrateurs prétendirent qu'ils né se soumettraient à aucun contrôlé de l'autorité supérieure parce que le testament ne leur imposait pas cette obligation. »

Vous allez vous convaincre tantôt, messieurs, que les administrateurs collateurs s'appuyaient sur autre chose que le testament, sur un titre légal, sur un acte émané de l'autorité publique, sur un arrêté du roi Guillaume, arrêté spécial à la fondation de Hautport, arrêté que M. le ministre de la justice n'a pu ignorer et qu’il aurait dû faire connaître.

Je continue la citation.

« M. Dumortier. - A quelle époque ?

« M. Bara, ministre de la justice. - Je vais vous le dire.

« M. Dumortier. - Quelle est la date ?

“M. Bara, ministre de la justice. - Vous aurez les dates.

« En 1846... »

M. le ministre de la justice aurait dû remonter plus haut. A l'époque de la révolution française d'abord, et puis surtout à l'année 1821, époque à laquelle est intervenu le document fort remarquable auquel je viens de faire allusion et que M. le ministre de la justice n'a pu ignorer.

Je reprends le discours de M. le ministre.

« En 1846, le gouvernement est dans l'obligation de destituer les administrateurs.. ». (Interruption.)

« Un membre. - Il a bien fait !

« M. Bara, ministre de la justice. - Il a bien fait, mais les administrateurs n'ont pas été de cet avis et ils ont refusé de restituer les pièces, absolument comme aujourd’hui, et ils ont dit à leurs successeurs : Si vous voulez les pièces, venez les prendre. »

Non, M. le ministre, ils n'ont rien dit de pareil à leurs successeurs.

« En 1846, » continue M. le ministre, « notre opinion n'était pas au pouvoir. L'honorable ministre de la justice d'alors autorisa la fondation à plaider contre les administrateurs destitués. »

Ce ministre, c'était M. le baron d'Anethan.

Vous voyez par là que les ministres cléricaux savaient faire exécuter les arrêts de 1818 et 1823, et user des mesures coercitives qu'ils contiennent. Pas ne leur fallait une loi comme celle de 1864 pour soumettre à un contrôle efficace les fondations de bourses d'étude.

« La fondation gagna son procès ; mais ce ne fut pas tout : les administrateurs appelèrent, et, pendant dix ans, de 1846 jusqu'en 1856, on gaspilla les fonds en frais de procédure. »

(Erreur, l'appel ne dura pas dix ans, mais les deux instances durèrent dix ans et puis on ne gaspilla pas les fonds en frais de procédure. Je vous ferai voir tout à l'heure que c'est inexact.)

« Enfin, de guerre. lasse, en 1856, on dut transiger. » ajoute M. le ministre.

Vous vous imaginez, sans doute, qu'on a transigé sur le fond du litige, que la fondation a essuyé des pertes. Le fait est qu'il n'a jamais été question un seul instant de transiger sur le fond. L'arrêt de la cour d'appel qui condamne les anciens administrateurs a été exécuté, sous ce rapport, dans toute sa rigueur, dans toute sa portée. Tous les biens de la fondation, tous les documents concernant la fondation ont été remis aux mains des nouveaux administrateurs, qui sont en pleine possession du tout. Depuis près de deux siècles qu'elle existe, la fondation n'a pas perdu une obole ; elle n'a fait que prospérer, conformément aux intentions généreuses du fondateur.

«Voilà le beau résumé, dit M. Bara, qu'on nous reproche d'avoir supprimé et à propos duquel on nous accuse de faire des lois qui froissent les consciences et qui violent les droits les plus sacrés. »

Rien, M. le ministre, en ce qui touche la fondation de Hautport, n'a dû être supprimé quand la loi de 1864 est intervenue à cet égard, elle est venue enfoncer, comme on dit, une porte ouverte,

Je continue de lire :

« M. Bouvier. - C'est de la mise en scène.

« Plusieurs membres. - Oui, c'est de là mise en scène.

« M. Bara, ministre la justice. - Il faut avouer que si c'est de la mise en scène, les personnages ne sont pas fournis par nous. Quand j'aurai eu l'honneur de vous soumettre l'exposé vrai des faits circonstanciés qui se rattachent à la fondation de Hautport, vous jugerez, messieurs, de quel côté est venue la mise en scène. »

Dans un autre passage du discours de M. le ministre, je vois encore apparaître la fondation de Hautport. Voici le texte que je rencontre :

« La fondation de Hautport a un revenu de 17,000 fr. qui doit être distribué en bourses d'étude aux parents du fondateur et, à leur défaut, aux jeunes gens pauvres de la province.

« Que font les administrateurs ? Ils persistent à ne donner les bourses qu'aux jeunes gens de certaines localités déterminées, et comme ils ne peuvent ainsi les employer toutes, Ils thésaurisent au détriment des boursiers. »

Il aurait convenu au moins d'ajouter que, s'ils capitalisèrent, ce fut au profit de la fondation, il eût été juste de faire connaître à la Chambre sur quels motifs s'appuyèrent les administrateurs pour capitaliser, comme ils l'ont fait, une grande partie des revenus. C'est ce que je fera tantôt.

Suit enfin un autre passage à propos du cumul de bourses :

« Un élève de l'université de Louvain toucha une bourse de 500 fr. (page 814) de la fondation Thomassen, et une bourse de 650 fr. de la fondation de Hautport.

« Un élève a obtenu, pour étudier à Bonne Espérance, 650 fr. de la fondation de Hautport et 400 fr. de la fondation De Ramans.

« M. Julliot. - S'il était le plus proche parent.

« M. Bara, ministre de la justice. - Il faut savoir s'il était le seul parent. Les bourses en tous cas ne peuvent pas dépasser les frais d'enseignement et elles doivent être distribuées avec équité.

« M. Delcour. - Est-ce en qualité de parent ?

« M. Bara, ministre de la justice. - Peu m'importe que ce soit en qualité de parent, les cumuls sont contraires à la loi et ne se produiront plus.

« Un élève a reçu, comme natif d'Ath, une bourse de 650 fr. de la fondation de Hautport et une bourse de 125 fr. de Ghistelles, pour étudier au petit séminaire de Bonne-Espérance.

« Deux étudiants de la ville d'Ath ont obtenu chacun une bourse de 650 francs de la fondation de Hautport et une bourse de 330 francs de la fondation De Houst, ensemble 980 francs pour étudier la théologie au petit séminaire de Tournai.

« Plusieurs jeunes gens touchaient des bourses différentes sous des prénoms différents. Un boursier a touché une somme globale de 7,800 francs, pour étudier la pharmacie ; il est probable qu'il aura gagné plus à étudier sa profession qu'à l'exercer. »

On vous a déjà expliqué ce qui en est de ces cumuls, j'en dirai tantôt un mot ; j'observe en passant que M. le ministre n'aurait pas dû s'arrêter aux étudiants de Louvain et aux séminaristes, qu'il aurait dû ajouter que les jeunes gens d'Ath qui feront leurs études à Bruxelles, à Liège et à Gand jouiront des mêmes faveurs.

Messieurs, voilà l'accusation. Vous voudrez bien me laisser présenter en peu de mots la défense.

Quant aux administrateurs ecclésiastiques, contempteurs audacieux de la loi, M. le ministre de la justice reconnaît qu'il n'en est pas question, à propos de la fondation des bourses de Hautport. (Interruption.)

Il en est si peu question, que ce sont les deux administrateurs laïques, parents du fondateur, qui ont été révoqués par l'arrêté de 1846, et que le troisième administrateur, le curé de Saint-Julien, a été désigné par cet arrêté royal, conjointement avec deux nouveaux administrateurs, pour faire placer la fondation sous le régime des arrêtés de 1818 et de 1823.

Qu'était-ce maintenant que la fondation de Hautport ?

En 1681, le chanoine de Hautport créa quatre bourses d'étude d'égale valeur, dont le revenu total s'élevait à 480 florins. Ces bourses, dont le revenu est aujourd'hui de 17,000 fr., ont été créées pour l'étude de la philosophie, de la théologie, du droit et de la médecine.

A qui devaient-elles profiter ? D'abord aux parents du fondateur, seuls appelés jusqu'après extinction du 7e degré canonique. Après les parents, et après extinction du 7e degré canonique, venaient les enfants de chœur de l'église de Saint-Julien à Ath, et en troisième lieu, les enfants pauvres issus de légitime mariage.

Les administrateurs-collateurs étaient les deux parents du fondateur et le curé de Saint-Julien, avec faculté, en cas de décès de l'un, de pourvoir à son remplacement.

Le testament stipule que le receveur rendra compte aux administrateurs seuls. Ceux-ci sont chargés d'interpréter, sans appel, l'acte de fondation dans toutes ses clauses obscures ; et en dernière analyse, ils ne doivent rendre compte de leur gestion à personne.

Cette fondation fut fidèlement gérée pendant près de deux siècles ; il n'y a pas eu une ombre de détournement, de malversation ou de dilapidation. La fondation est demeurée considérablement augmentée grâce à la prudente gestion des administrateurs qui dans tous leurs actes se sont constamment appliqués à remplir les volontés expresses du fondateur.

Lors de la révolution française, le gouvernement français voulut frapper de mainmise nationale les bourses de la fondation de Hautport. Mais les administrateurs collateurs refusèrent d'obtempérer aux ordres qui leur furent donnés et de fournir les renseignements qu'on leur demandait. Pour quel motif ? Parce que, disaient-ils, cette fondation était une propriété privée, un pacte de famille ; qu'aux termes du testament c'était aux administrateurs seuls à gérer les biens de la fondation ; parce que la fondation de Hautport ne se rattachait à aucune institution publique.

Ils refusèrent donc les renseignements qui leur furent demandés par le gouvernement français, et, c'est grâce à cette résistance que la fondation de Hautport fut sauvée de la mainmise nationale. C'est grâce à l'attitude énergique des administrateurs spéciaux d'alors que le patrimoine de la fondation fut conservé à sa destination, c'est grâce à leur attitude devant les proconsuls français qu'aujourd'hui vous pouvez disposer sur les revenus de la fondation de Hautport de dix-neuf bourses de 800 fr. chacune, pour les études supérieures.

Les administrateurs-collateurs continuèrent de gérer avec la même fidélité sous le régime hollandais.

En 1821, la commission instituée auprès du gouvernement hollandais pour la surveillance de tout ce qui touchait aux fondations de bourses d'étude, voulait s'emparer de la fondation de Hautport. Les administrateurs-collateurs firent valoir devant le gouvernement hollandais les mêmes raisons qui les avaient fait triompher auprès du gouvernement français ; le roi Guillaume porta, sous la date du 19 juillet 1821, un arrêté spécial pris en conformité d'un avis du conseil d'Etat, arrêté en vertu duquel il donna gain de cause aux administrateurs-collateurs de la fondation de Hautport.

Voici ce que porte l'arrêté du roi Guillaume :

« Prenant en considération que les dispositions de notre susdit arrêté du 26 décembre 1818 ont principalement trait aux fondations qui ont été détachées des mains de l'une ou de l'autre administration et rendues à ceux qui y avaient droit d'après l'acte de fondation ; que lesdites dispositions sont d'autant moins applicables à la fondation dont il s'agit qu'elle est une institution entièrement privée pour favoriser l'étude des sciences supérieures, étant établie sans le concours de l'autorité publique et n'étant attachée à aucune école supérieure, collège ou établissement public ; qu'il est aussi pourvu par l'acte de fondation à ce qui concerne une reddition convenable des comptes et à la responsabilité et qu'ainsi il n'est pas nécessaire que la compétence du gouvernement pour exercer une surveillance sur l'administration et la direction de ceux aux soins desquels des établissements publics sont confiés s’étende aussi loin à l'égard de la fondation dont il s'agit ;

« Nous avons arrêté et arrêtons de trouver bon que les proviseurs de la fondation de Hautport établie à Ath continuent à exercer le droit de surveillance sur la fondation de la manière prescrite par l'acte qui l'a établie, sous l’obligation seulement d'adresser tous les ans à notre ministre de l’instruction publique... une déclaration écrite constatant que les revenus de la fondation ont été employés conformément à l'intention manifestée par le fondateur et indiquant en même temps les personnes qui sont gratifiées de bourses... »

A la suite de cet arrêté, les administrateurs-collateurs de la fondation de bourses de Hautport continuèrent à gérer cette fondation comme ils l'avaient fait antérieurement, et à la faire prospérer.

Vous le voyez, messieurs, les administrateurs de la fondation de Hautport n'étaient pas ces hommes qui résistaient à la loi. Au contraire, pour faire valoir leurs droits, ils invoquaient la loi ; ils invoquaient un titre précis, un titre exceptionnel, un titre légal émané de l'autorité publique, ayant la même valeur que l'arrêté de 1818.Ce titre légal avait soustrait formellement la fondation de Hautport à l'application des dispositions de l'arrêté de 1818.

En 1843, l'honorable baron d'Anethan jugea qu'il fallait faire rentrer la fondation de Hautport sous le régime des arrêtés de 1818 et de 1823 ; en conséquence l’honorable ministre de la justice d'alors rapporta l'arrêté du roi Guillaume du 19 juillet 1821, par un arrêté royal en date du 10 mai 1843, et qui dispose en termes exprès que la fondation de Hautport sera soumise au droit commun, et que l'arrêté de 1821 est rapporté.

Il n'est donc pas exact de dire que les administrateurs-collateurs de la fondation de Hautport s'insurgèrent contre la loi, résistèrent à la loi, refusèrent de se soumettre à la loi ; jusqu'en 1843 la loi qui régissait la fondation de Hautport était manifestement l'arrêté de 1821.

Bientôt va commencer le procès.

Les administrateurs-collateurs n'admirent pas la manière de voir de M. le ministre de la justice ; ils soutinrent que l'arrêté de M. d'Anethan était illégal et constituait un abus de pouvoir, que l'arrêté de 1821 était pour eux un titre définitif et ils produisirent encore une fois les mêmes motifs qui les avaient fait triompher sous le gouvernement hollandais. M. le baron d'Anethan tint bon ; par arrêté du 3 mars 1846 il révoqua MM Gobard et de Broick, parents du fondateur, de leurs fonctions d'administrateurs et les remplaça par trois administrateurs nouveaux, dont l'un, M. le de Rouillé, sénateur, parent du fondateur, l'autre, M. Lor, conseiller provincial, et le troisième le curé de l'église de Saint-Julien, à Ath.

Les nouveaux administrateurs furent autorisés à attraire les anciens en justice pour se mettre en possession des biens de la fondation.

Le procès fut plaidé d'abord devant le tribunal de Tournai et ensuite devant la cour d'appel de Bruxelles.

(page 815) Ici encore les administrateurs-collateurs firent valoir les mêmes moyens qui les avaient fait réussir précédemment. Ils avaient pour eux la longue possession, l’adhésion du gouvernement français, un arrêté tout à fait spécial, émané du roi Guillaume. Ils prétendirent, comme je viens de le dire, que l’arrêté de M. le ministre de la justice, baron d’Anethan, était illégal, constituait un abus de pouvoir.

Notez qu'ils eurent pour eux aussi l'opinion de jurisconsultes éminents, et je pense que l'honorable M. Orts était du nombre, car ce fut lui qui présenta leur défense et fut leur conseil devant la cour d'appel de Bruxelles.

M. Orts. - C'est exact.

M. Tack. - Ils avalent donc été condamnés devant le tribunal de première instance, ils le furent devant la cour d'appel dont l'arrêt est du 7 mai 1856.

Après que cet arrêt fut prononcé, l'administration nouvelle transigea avec l'administration ancienne sur les frais de procédure, qui s'élevaient, d'après ce que j'ai vu dans le dossier, à un chiffre de 2,000 fr.

Cette transaction, qui mettait les frais sur le compte de la fondation, fut conclue sauf l'approbation de M. le ministre de la justice et à condition de renonciation au pourvoi en cassation. Le ministre de la justice d'alors était l'honorable M. Nothomb, qui se montra tellement sévère vis-à-vis des anciens administrateurs qu'il refusa de ratifier la convention, et voulut faire supporter personnellement par les administrateurs anciens tous les frais en question.

Plus tard, quand l'honorable M. Nothomb eut déposé son portefeuille, les anciens administrateurs-collateurs s'adressèrent à l'honorable M. Tesch, pour lui demander de revenir sur la décision de son prédécesseur, l’honorable M. Nothomb ; et l'honorable M. Tesch, eu égard à la bonne foi des administrateurs spéciaux de la fondation de Hautport, eu égard aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles ils se trouvaient, eu égard aux avis favorables de la députation permanente, du collège échevinal, des nouveaux administrateurs, écrivit au gouverneur de la province pour lui dire qu'il était tout disposé à modifier la transaction en ce sens qu'il consentait à ce que les dépens fussent partagés ou compensés. »

Voilà donc ces administrateurs si rebelles à la loi jugés par l'honorable M. Tesch !

M. Bouvierµ. - C'étaient des modèles.

M. Tack. - Voilà la spoliation ! Voilà cette fondation dont les revenus semblaient, pendant dix ans, avoir été perdus en frais de procédure !

Mais la transaction sur les frais n'a pas même été suivie d'effet. MM. Gobard et De Broick sont aujourd'hui encore débiteurs vis-à-vis la fondation et ils sont solvables. Ils sont condamnés aux frais. Vous pouvez exécuter l'arrêt du jour au lendemain.

Encore une fois, voilà ce honteux gaspillage que vous avez signalé dans votre discours à propos de bourses dont le revenu, jadis de 480 fl. P. B., est aujourd'hui de 17,000 francs. A vous entendre, ne semblait-il pas que tout le revenu annuel de 17,000 fr. pendant 10 ans avait été perdu en frais de procédure ?

M. Jacobsµ. - C'était de la mise en scène.

MI. Tackµ. - Je crois avoir prouvé à toute évidence qu'en ce qui concerne la fondation de Hautport, les administrateurs ne méritent certainement pas le blâme que M. le ministre de la justice a trouvé bon de jeter sur eux, et que, s'il y a eu des abus, ce que l'on peut contester, ce n'est pas la conséquence des arrêtés de 1818 et de 1823, mais que c'est aux malheurs du temps qu'il faut s'en prendre, comme je l'ai dit en commençant, puisque les bourses de cette fondation ont été soustraites au régime de cette législation jusqu'en 1856.

Mais voyons les abus dont on vous a parlé. Sont-ils aussi graves qu'on le prétend ? A tout prendre, les abus pourraient consister en une fausse interprétation de l'acte de fondation, ce qui est douteux.

On accuse les administrateurs d'avoir thésaurisé au détriment des boursiers. Vous vous imaginez sans doute que des fonds ont été employés à une autre destination ; mais pas du tout. Il est vrai, certains boursiers n'ont pas joui de ces bourses, auxquelles à tort ou à raison ils prétendaient avoir droit par suite de l'interprétation qu'entendaient donner les administrateurs collateurs à l'acte de fondation.

Mais par contre cette interprétation a été éminemment favorable au point de vue des intérêts des boursiers présents et futurs. Pas un centime n'a été détourné, cela est constant. Si les administrateurs ont thésaurisé, s'ils ont capitalisé, c’est au profit de la fondation, et pour ce faire ils avaient d'excellentes raisons, car le testament dit en termes formels qu'ils sont tenus de capitaliser le dixième du revenu ainsi que les bourses non conférées afin, dit le testament, d'augmenter le nombre et le taux des bourses ; et c'est ce qui est arrivé.

Je crois donc que justice doit être rendue aux administrateurs-collateurs de la fondation de Hautport et que leur bonne gestion doit être reconnue.

Grâce à cette bonne et fidèle gestion, les revenus sont arrives au chiffre de 17,000 fr. et permettent à la commission spéciale de distribuer 19 bourses de 800 fr. annuellement.

Les administrateurs avaient donc d'excellents motifs pour capitaliser. L'acte de fondation leur en faisait un devoir formel. Il y avait une autre clause qui les obligeait à cela : c'est qu'il est dit que les seuls appelés étaient les parents jusqu'à l'extinction du 7e degré canonique. Or, est-il prouvé à M. le ministre de la justice, que la famille jusqu'au 7e degré canonique est éteinte ? C'est une grave question.

M. le ministre de la justice accuse les administrateurs de n'avoir voulu conférer les bourses qu'à des jeunes gens de certaines localités déterminées. Ces certaines localités déterminées sont la ville d'Ath. Eh bien oui, les anciens administrateurs ont soutenu que les bourses de Hautport ne pouvaient être conférées qu'aux enfants pauvres de la ville d'Ath et encore une fois il s'agit d'une interprétation du testament. Indépendamment du testament du 4 mars 1861, le chanoine de Hautport avait fait, quelque temps avant, un autre testament en date du 6 juin 1678, où se trouvaient les mêmes clauses ; seulement le texte était plus clair en ce qui touche les appelés, et d'après ce texte il était évident que les seuls appelés à titre subsidiaire après les parents étaient les jeunes gens pauvres nés à Ath. II y avait là un élément d'interprétation corroboré par la circonstance que le chanoine de Hautport était né à Ath ou dans les environs et qu'une partie du revenu de la fondation devait être payée par la ville d'Ath.

Du reste, l'honorable ministre de la justice nous dit : « Il faut que tous les enfants pauvres de la province en profitent. » Mais si ce sont tous les enfants pauvres en général, de quel droit restreignez-vous le bénéfice des bourses aux seuls individus nés dans la province ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il s'agit des jeunes gens pauvres en général.

M. Tack. - C'est votre système, mais dans vor-e discours du 3 mai vous disiez que c'était au profit des jeunes gens pauvres de la province.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est encore plus grave.

M. Tack. - Viennent ensuite les cumuls. En quoi consistent ces cumuls ? Il y a des jeunes gens qui ont eu, les uns pour 1,150 fr. les autres pour 1,050, pour 980, pour 725 francs de bourses et cela à la faveur d'un cumul intolérable.

Or, messieurs, tout récemment on a majoré le montant de chaque bourse de la fondation. M. Tesch les a fixées à 800 francs. Qu'y a-t-il d'exorbitant à ce qu'autrefois, en cumulant plusieurs bourses, un jeune homme ait obtenu de 725 à 1,150 fr. ? D'où cela provient-il ? C'est qu'il y a dans la ville d'Ath différentes demi-bourses, quarts de bourse exclusivement fondées au profit de jeunes gens d'Ath ; savoir les bourses de Ghistelles, de Houst, Deramain, tout juste celles dont M. le ministre s'est prévalu ; fallait-il ne pas conférer ces bourses ou fallait-il les donner à d'autres, contrairement à l'intention du bienfaiteur, et parce qu'un parent du fondateur ou un étudiant d'Ath peu favorisé de la fortune jouissait d'une de ces bourses, lui refuser une seconde bourse prise sur la fondation de Hautport !

J'en ai dit assez à propos de la fondation de Hautport. Vous le voyez donc, messieurs, ces administrateurs de la fondation de Hautport n'étaient pas des hommes qui ne voulaient, à aucun prix, se soumettre à la loi ou qui méconnaissaient les intentions du fondateur. Si l'on peut leur faire un reproche, c'est qu'ils se sont montrés, trop rigides observateurs de cette intention.

Ce n'étaient surtout pas, comme on a eu l'air de le dire, des administrateurs ecclésiastiques ; où sont donc ces administrateurs ecclésiastiques rebelles à la loi que M. le ministre vous a dénoncées ?

L'honorable ministre vous cite, à la vérité, plusieurs exemples qui pourraient vous faire croire que des administrateurs ecclésiastiques ont tenu la conduite qu'il leur attribue. Ainsi il nous parle des fondations Lemire, Deleixhe, Collard ; j'ai examiné les dossiers relatifs à ces affaires et j'ai constaté que, dans ces fondations, il n'est pas question non plus d'administrateurs ecclésiastiques ?

Où donc les trouver ces administrateurs ?

Il y a le fait qui concerne la fondation Duquenne, administrée par le curé de Saint-Brice, à Tournai.

(page 816) Est-ce que le curé de Saint-Brice a déclaré qu'il n'entendait pas se so mettre à la loi, ni fournir aucune explication ?

Le curé de Saint Brice disait : « La fondation dont je suis administrateur, et qui est une fondation d'enseignement et non une fondation de bourse d'étude, ne tombe pas sous l'application des arrêtés de 1818 et de 1823. » Et il avait peut-être une excellente raison pour le soutenir, c'est que la disposition de l'arrêté de 1829, relative aux fondations d'enseignement, ne s'applique qu'aux fondations postérieures à 1823.

Or, la fondation Duquenne était antérieure à 1823. Le curé de Saint-Brice disait : « Démontrez-moi que les arrêtés sont applicables à la fondation dont je suis administrateur et je me soumets à l'instant même. »

Quant à la fondation Marcy de Chassepierre, vous avec vu, par la lecture que vous a donnée l'autre jour M. Jacobs de la défense présentée par le receveur incriminé, que si quelqu'un était en retard de fournir ses comptes, ce n'était nullement le receveur ; c'était l'architecte provincial.

Le jour où les mémoires de ce fonctionnaire ont été fournis, le receveur a rendu les comptes qu'on lui demandait.

Messieurs, je vous demanderai encore la permission de vous donner lecture d'une lettre que je viens de recevoir et qui touche à un autre cas. C'est une protestation contre les assertions faites par l'honorable ministre de la justice, dans cette enceinte, au sujet de la fondation Verbessems.

Voici cette protestation. Pour abréger, je passe quelques considérations préalables que je trouve en tète de la pièce. Voici comment l'auteur de la lettre s'exprime :

« Je lis dans le discours de M. le ministre (Annales parlementaires, p. 693, première colonne, séance du 2 mai) : « La fondation Verbessems, à Molhem-Bollebeek, offre un exemple tout aussi curieux ; elle a été créée en 1831 à l'effet d'établir une école et un atelier de travail pour les pauvres de la commune.

« L'établissement est converti en couvent avec pensionnat de demoiselles, où il y a 11 ou 12 religieuses ou novices, tandis que le nombre des filles pauvres qui fréquentent l'école n'est que de 62. »

« Or, voici la vérité. En 1831 les époux Verbessems-Godefroid ont fait donation à la fabrique de l'église de Molhem-Bollebeek, d'une maison avec dépendances d'une superficie de 2 bonniers 15 verges 14 aunes (mesure métrique) au revenu de 150 fl. P.B. Un arrêté royal du 2 décembre 1831 autorisa la fabrique à accepter la libéralité.

« Parmi les diverses charges imposées à la fabrique donataire figure la suivante : La maison et la moitié du terrain devront servir à un local d'école et à un atelier de travail pour les enfants pauvres de Molhem-Bollebeek,

« Il suffisait à la fabrique de souffrir qu'une école fût installée dans la maison et vécût comme elle le pourrait d'un revenu d'un hectare de mauvais terrain, il ne lui incombait en aucune manière de pourvoir à l'entretien d'instituteurs ou d'institutrices ; or, elle a trouvé moyen de créer une école excellente soumise volontairement au régime de l'inspection et où plus de cent jeunes filles reçoivent gratuitement l'instruction. C'est tout ce que là commune compte de jeunes filles en âge d'école.

« Le personnel enseignant se compose de deux institutrices. Il est vrai qu'elles portent l'habit religieux et peut être était-il inutile de le dire. En dehors de la charité chrétienne, en effet, nulle puissance n'a, que je sache, avec de si faibles ressources, produit de si grands résultats. Si M. le ministre connaissait la recette à l'aide de laquelle on pourrait avec quelque deux cents francs pourvoir à l'entretien d'un bâtiment d'école, payer deux institutrices et donner l'instruction à plus de cent enfants pauvres, il rendrait au pays un immense service en la communiquant à son collègue de l'intérieur.

«Tel est, monsieur, l'exemple curieux, pour parler comme M. le ministre, qu'offre la fondation Verbessems, telle est la grande dilapidation qui mérite d'exciter les colères du pays. »

M. Thibautµ. - M. le ministre de la justice, dans le discours qu'il à prononcé tantôt, a affirmé que l'héritière de M. le doyen de Walcourt avait accepté sa succession et n'en avait pas payé les chargés. Il s'est gravement trompé.

j'ai dans ce dossier plusieurs liasses de quittances. Je les avais indiquées d'une manière générale dans mon discours, mais je pense que la Chambre me permettra d'y insister particulièrement.

En voici qui sont antérieures à 1797 ; d'autres, de ce siècle, sont antérieures aux arrêtés de 1818 et de 1823. D’autres se rapportent aux années où le doyen de Walcourt était en correspondance avec le gouverneur de la province de Namur, Plusieurs sont postérieures. Ces dernières démontrent que le doyen Wauthier payait régulièrement une rente de 100 fr. en acquit de la fondation.

Voici un paquet de quittances délivrées par les boursiers à Mlle Wauthier, nièce et héritière du curé de Walcourt, de 1832 à 1839 ; par conséquent avant la transaction de 1851. Il est donc impossible de soutenir, comme le prétend M. le ministre de la justice, que Mlle Wauthier a recueilli la succession de son oncle et qu'elle n'en a pas acquitté les charges.

Je vais détailler ces quittances.

Voici la dernière, elle est datée du 25 novembre 1859 et porte reçu de 400 fr.

En voici une du 14 octobre 1838 de 400 francs, du 28 septembre 1837 de 400 francs, du 2 octobre 1836 de 400 francs, du 7 octobre 1835 de 400 francs, du 12 octobre 1834 de 400 francs, du 8 octobre 1833 de 400 francs, du 9 novembre 1832 de 400 francs et du 24 septembre 1831 de 400 francs.

Celle-ci a été donnée au doyen qui vivait encore. Elle est ainsi conçue :

« J'ai reçu de mon oncle, le curé de Walcourt, la somme de quatre cents francs en diverses fois, parmi quelle somme la bourse fondée par défunt Antoine Wauthier, chanoine, est entièrement payée pour l'année dix-huit cent trente et un.

« Walcourt, 24 septembre 1831.

« (Signé) A. Wauthier-Dubois. »

Vous voyez, messieurs, que j'avais de bonnes raisons pour affirmer que les bourses créées par Antoine Wauthier ont été régulièrement payées par son neveu Mathias Wauthier et par sa petite-nièce Mlle Emérentine Wauthier.

Sur ce point donc, il est démontré que M. le ministre est dans l'erreur la plus complète, et, s'il pouvait se résoudre à avouer ses torts, il devrait être le premier à dire : Je me suis trompé ! Mais j'y compte peu.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je regrette beaucoup, messieurs, de ne pas pouvoir dire que je me suis trompé. Je n'ai jamais soutenu que le curé Wauthier et sa nièce n'avaient pas pu, en dehors de l'administration publique, faire des cadeaux à leurs parents. (Interruption. )

C'est ce que je vous ai lu dans lès pièces, mais ce qu'il y a de curieux et ce dont je remercie l'honorable M. Thibaut, c'est d'avoir, par les quittances mêmes qu'il vient de lire, confirmé les allégations des parents dont j'ai produit les lettres.

En effet, la famille Waultier soutenait, et c'est l'honorable M. Thibaut qui a apporté ce soutènement dans cette enceinte, qu'elle s'était ruinée pour les boursiers, qu'elle avait toujours donné beaucoup plus qu'elle n'avait reçu. Or, il résulte de ces quittances que la famille Wauthier donnait 400 fr., et par la transaction qui est intervenue, elle a donné 10,000 fr., ce qui fait, à 4 et 1/2 p. c., un revenu de 450 fr. Donc, elle a fat des économies. (Interruption.)

D'après les documents produits, l'avoir s'élevait à près de 40,000 fr. en tenant compte de la prescription, telle que la cour de Liège l'avait admise.

Mais l'honorable M. Thibaut dit, tout est bien ; je suis détenteur d'un bien qui sert à des bourses d'étude, je le tiens devers moi, je n'ai pas de compte à rendre, et quand on me réclame la restitution des biens, j'oppose la prescription.

D'après votre système, c'est une véritable donation qu'a faite Mlle Emérentine Wauthier. Ce n'est pas le résultat d'une obligation, puisqu'elle a soutenu qu'elle ne devait rien.

Quant à ce qu'a dit l'honorable M. Dumortier, je ne puis y répondre.

Il a été entraîné par les illusions de l'amitié. Il a dit lui-même en commençant que le chanoine Wauthier était un vieil ami de son père. Mais je puis lui assurer que les pièces ne sont pas comme il le pense et je l'engage vivement à étudier le dossier.

Je prierai l'honorable M. Dumortier de me dire notamment quand M Carion de Macquénoise a cédé à M. Wauthier 21 hectares de terre en propriété personnelle.

J'arrive aux faits dont l'honorable M. Tack a entretenu la Chambre.

L'honorable M. Tack me reproche d'avoir attaqué la fondation de Hautport. Oui je l'ai attaquée pour montrer que ce n'était pas d'aujourd'hui que les administrateurs spéciaux résistaient a la loi.

J'ai dit que les administrateurs ne voulaient pas se soumettre au (page 817) contrôle de l'autorité publique parce que le testament les dispensait de tout contrôle. Ils se retranchaient derrière l'arrêté peu sérieux du roi Guillaume. (Interruption) L'honorable M. d'Anethan l'a jugé ainsi.

M. Dumortier. - Dites cela à M. Orts.

M. Tack. - Et l'arrêté de 1843 qui a rapporté l'arrêté du roi Guillaume ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'arrêté du roi Guillaume était illégal.

Vous savez parfaitement bien qu'on a contesté la valeur des arrêtés de 1818 et de 1823.

Au surplus quand l'arrêté de 1843 a paru, ils administrateurs devaient se soumettre.

Qu'ont-ils fait ? Ils ont résisté. Puisque vous dites que l'arrêté de 1823 a été rapporté, ils devaient obéir.

M. Tack. - C'est une question ; pour eux ils étaient de bonne foi.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est une question. D'après l'honorable M. Tack, tout est question.

II y a des arrêtés de 1818 et de 1823, réglementant les bourses d'étude ; la droite soutient qu'on peut marcher avec cela, et voilà les administrateurs spéciaux qui plaident pendant 10 ans pour se soustraire à l'autorité ; mais, dit l'honorable M. Tack, M. Tesch a admis une transaction. Savez-vous pourquoi ?

Parce que les anciens administrateurs de la fondation de Hautport avaient intenté un nouveau procès et s'étaient pourvus en cassation, de telle sorte que peut-être dans dix ans, on n'aurait pas pu introduire la régularité dans cette administration. L'honorable M. Tesch, voyant cela, s'est dit : Il faut en finir, on a assez gaspillé ainsi. Car c'est gaspiller que de dépenser 2,000 fr. en frais de procès. Si toutes les administrations spéciales plaidaient pour se soustraire à leurs obligations, il ne resterait bientôt que peu de chose des bourses ; il y a peu de fondations, d'ailleurs, qui aient l'importance de la fondation de Hautport.

J'aborde les faits de cumul et de thésaurisation.

Les administrations n'ont pas le droit de thésauriser, et pour prétendre qu'elles peuvent le faire, vous avez invoqué un testament révoqué. Dans le testament dont j'ai parlé, il est dit que les parents d'abord auront droit à la jouissance des bourses, et qu'à défaut de parents ou de jeunes gens de la ville d'Ath, des bourses pourront être conférées à des jeunes gens pauvres en général.

La volonté du testateur était de donner l'instruction à tous les jeunes gens pauvres qui se présentaient et il s'en présentait, le gouverneur et la députation permanente l'ont constaté. Il y avait des demandes et l'administration répondait : Je ne conférerai pas de bourses. Eh bien, c'est là une violation de la volonté du testateur.

Si les administrateurs thésaurisaient, c'était au détriment des boursiers. (Interruption.)

M. Tack dit non ; les bourses seront données plus tard. Oui ; aux boursiers de l'avenir.

Or, je demande ce qui arriverait si toutes les fondations se mettaient à thésauriser et ne conféraient plus de bourses. Cette mesure serait déplorable.

L'honorable membre a parlé aussi de la fondation Verbessems. Voici les faits.

On avait donné deux bonniers de terre et une maison pour établir une école et un atelier. Savez-vous ce qui est arrivé ? On a introduit dans l'école douze religieuses pour soixante-deux élèves... (Interruption.) La difficulté n'est pas dans l'importance de la fondation, elle est dans le principe ; vous transformez une fondation d'école en couvent.

M. Tack. - Et les charges ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Les charges ! L'administration communale de Molhem-Bollebeek est obligée de donner l'instruction aux enfants pauvres d'après la loi de 1842, et quand elle aura son école, elle prendra des mesures pour remplir le devoir légal qui lui incombe. Maintenant vous avez douze religieuses pour soixante-deux élèves.

M. Tack. - Qu'importe !

M. Bouvierµ. - Quoi ! Il vous faudrait plutôt 62 religieuses pour 12 élèves.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voilà, messieurs, les chiffres qui ont été relevés dans des documents émanant du ministère de l'intérieur. L'honorable membre nous dit : Il s'agit de peu de chose ; je le veux bien, mais je n'ai pas cité le fait à cause de la somme qui est en jeu ; je l'ai cité à cause du principe. A Liège vous donnez 250,000 fr. à un couvent ; à Herve vous donnez 2,000 fr. Mais la question n'est pas là, et si j'ai parlé de la fondation Verbessems, c'est pour montrer comment on s'y prenait pour rétablir les anciennes corporations religieuses. Ou institue le couvent à côté de l'école et pour 62 petites filles pauvres à qui il faut donner l'instruction, on installe 12 religieuses dans les locaux affectés à l’école. Evidemment c'est beaucoup trop.

- Un membre. - La clôture !

M. Dumortier. - J'ai été interpellé par M. le ministre de la justice, je dois lui répondre Je n'ai d'ailleurs que deux mots à dire.

M. le ministre me demande où M. Wauthier avait acquis la propriété des 21 journels de terre, et en vertu de quoi il la possédait ? En vertu de l'acte de transaction du 12 brumaire an VIII, qui porte :

« Pour d'iceulx héritages en avoir le premier comparant la propriété et jouissance dès ce moment à toujours en vertu dudit transport qu'y accepte, savoir : la partie de 21 journels faisant l'objet de l'article 3 ci-dessus pour représenter les arrérages qui lui étaient dus, et les autres parties pour représenter les capitaux desdites rentes. »

C’était donc à sa personne et non au capital des rentes que ces arrérages, représentés par les 21 journels, étaient dus.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Du tout ; c'était à la fondation.

M. Dumortier. - Mais nullement ; l'acte dit tout le contraire.

Vous avez fait des solécismes latins, M. le ministre ; ne faites pas de solécismes français. (Interruption.) Les arrérages lui étaient dus parce qu'il avait fait des avances ; cela est clair comme deux et deux font quatre. Ce sont les 28 journels qui sont donnés en payement du capital de la fondation, ainsi que le porte l'acte. (Interruption.) Vous avez beau vouloir équivoquer, l'équivoque n'est pas même possible. Ce que vous voulez, je vais vous le dire. Vous voulez absolument que les curés soient des voleurs pour servir à vos élections ; c'est le réchauffé de votre système périodique (Nouvelle interruption.)

Nous avons eu le curé menteur ; nous avons eu le curé corrupteur ; aujourd'hui nous avons le curé voleur parce que nous sommes à la veille des élections. Je démontrerai que tout cela est faux. Mais pour le moment je me bornerai à l'incident Wauthier.

Je dis avec le document authentique que le chanoine Wauthier ayant fait des avances pendant tout le cours de la révolution française alors que les charges n'étaient pas payées, on lui a donné en échange 21 journels de terre. Or, ces 21 journels de terre, dans la bouche de M. le ministre de la justice, deviennent 21 hectares que le chanoine Wauthier a volés. Je dis que cela est intolérable et qu'on devrait respecter davantage la mémoire des citoyens.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il m'est impossible de me monter au diapason de M. Dumortier ; je resterai beaucoup plus calme que lui, mais je dois lui faire observer qu'il se trompe et que M. Carion de Macquènoise (qui figure dans l'acte transactionnel) y intervient comme débiteur de la fondation de Wauthier. (Interruption de M. Thibaut.)

M. Dumortier. - Les biens auraient été soumis à la mainmise nationale.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vraiment, j'ai droit de m'étonner ; je déclare une chose que M. Thibaut et M. Dumortier ont reconnue eux-mêmes à plusieurs reprises et voilà qu'ils se récrient à l'unisson.

Mais M. Carion de Macquènoise était débiteur de rentes au profit de la fondation ; au lieu de payer ces rentes, il donne des hectares de terre. (Interruption de M. Dumortier.)

MpVµ. - Pas d'interruption, M Dumorticr ; si vous interrompez encore, je me verrai obligé de vous rappeler à l'ordre.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Voilà des terres que M. Dumortier prétend avoir été cédées à M. Wauthier pour des avances faites par ce dernier.

Mais M. Wauthier n'avait pas besoin de cela pour récupérer les avances qu'il avait faites.

C'était d'abord à la fondation qu'il fallait payer ; l'administrateur aurait réglé ses comptes avec la fondation.

Voilà comment les choses auraient dû se passer, et si l'honorable M. Dumortier faisait un peu plus d'attention aux principes du droit, il verrait que son hypothèse est tout à fait dénuée de fondement. Jamais il n'a été question de ce que l'honorable M. Dumortier, entraîné par le sentiment de l'amitié, a supposé ; dans tout le cours du procès, Mlle Wauthier s'est toujours considérée comme propriétaire et quand on a voulu la contraindre à restituer, elle a opposé la prescription.

Encore une fois, l'honorable M, Dumortier s'est laissé séduire par les (page 818) illusions de l'amitié et tous ses raisonnements sont basés sur des interprétations qui ne sont réellement pas fondées.

- Plusieurs voix à gauche. - La clôture !

M. Wasseige (contre la clôture). Messieurs, nous avons laissé toute la latitude possible à l'attaque. M. le ministre de la justice ne s'est pas fait faute de s'étendre autant qu'il l'a voulu sur les faits dont il a entretenu la Chambre et il y est même revenu à plusieurs reprises. Nous demandons, messieurs, à votre justice, à votre impartialité de laisser une égale latitude à la défense.

Pour ma part, j'ai à parler d'une fondation qui a été attaquée comme les autres par M le ministre de la justice, renouvelant des critiques formulées déjà en 1857 par l'honorable M. Frère-Orban, et auxquelles j’ai répondu déjà, à cette époque. Je veux parler de la fondation Jacquet, et j’espère que vous voudrez bien m’accorder quelques instants.

M. Thibautµ (contre la clôture ). - Il me paraît impossible, messieurs, de clore en ce moment la discussion.

M. Van Overloopµ. - On peut attaquer impunément à gauche, mais il est interdit de se défendre à droite.

M. Thibautµ. - Je tiens, pour ma part, à réfuter encore quelques grosses erreurs dans lesquelles M. le ministre s'obstine, à propos de la fondation Wauthier, Je demande donc à être entendu.

- Plusieurs voix. - Parlez ! parlez !

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne désire pas le moins du monde que la Chambre prononce aujourd'hui la clôture de la discussion ; au contraire, je prierai mes honorables amis de ne pas insister. Seulement, je ferai remarquer, dès à présent, à l'honorable M. Wasseige qu'il se trompe du tout au tout quand il prétend qu'on peut attaquer, et qu'il est interdit de se défendre.

Voilà trois jours que vous avez la parole ; après avoir compulsé tous les dossiers, vous avez pu vous en servir pour me répondre.

Mais je comprends que la discussion ne vous paraisse pas encore suffisante, car jusqu'à présent vous n'êtes arrivé à aucun résultat. (Longue interruption.)

A part le fait Colin, que j'ai expliqué, vous n'avez pas pu détruire une seule de mes assertions ; je comprends donc que vous désiriez discuter encore ; pour ma part, je ne m'y oppose nullement.

- Voix nombreuses. - A demain !

- La clôture n'est pas prononcée.

La séance est levée à 5 heures.