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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 6 décembre 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 87) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Remagne demandent la révision de la loi sur la mendicité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, deux demandes en naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. de Moor demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 19 novembre 1862, plusieurs officiers pensionnés prient la Chambre d'améliorer leur position.

Messieurs, plusieurs autres pétitions ayant le même objet ont déjà été adressées à la Chambre par des officiers pensionnés. Il se trouve au dossier une lettre du ministre de la guerre, en réponse à ces pétitionnaires, quand ils se sont adressés à son département. Cette lettre, je vous en donnerai lecture pour que vous puissiez apprécier le motif qui a déterminé la commission à vous proposer de renvoyer la pétition au département de la guerre.

Voici cette lettre :

« Bruxelles, le 12 novembre 1861.

« Messieurs,

« J'ai reçu la lettre par laquelle vous me témoignez le désir d'obtenir de moi une audience dans le but de m'exposer la position difficile dans laquelle se trouvent les officiers pensionnés, par suite de l'insuffisance de leurs ressources. Je connais la situation de la plupart des officiers de cette catégorie, et je sais trop combien elle est digne d'intérêt pour que de nouvelles explications à ce sujet me soient nécessaires.

« Je ne considère pas les officiers pensionnés comme entièrement séparés de l'armée, et je confonds, dans ma pensée, leurs intérêts et leur bien-être avec ceux des membres effectifs de notre grande famille militaire.

« Votre démarche pour appeler mon attention sur un sujet qui, depuis longtemps, a éveillé mes préoccupations et ma sollicitude, n'aurait donc aucun résultat utile, et devient par conséquent sans objet. Mais vous pouvez assurer ceux de vos camarades qui vous ont délégués auprès de moi, que je suis disposé à appuyer leur demande de tout mon pouvoir auprès des Chambres législatives, et que, dans cette circonstance comme dans toutes celles qui peuvent intéresser les officiers pensionnés, je n'épargnerai aucun soin pour améliorer leur position et la rendre digne de leurs anciens et loyaux services.

« Croyez, messieurs, à l'expression de mes sentiments distingués.

« Le ministre de la guerre, (Signé) Baron Chazal. »

Vous voyez que le gouvernement s'est montré très disposé à accueillir la pétition des officiers pensionnés. En conséquence, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre.

M. Rodenbach. - Dans une des dernières séances, j'ai appuyé cette requête : derechef je la recommande, d'autant plus que le ministre de la guerre donne raison aux pétitionnaires, et il y en a parmi eux de très malheureux. Je n'en dirai pas davantage pour appuyer le renvoi.

- Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Namur, le 5 juillet 1862, le conseil communal de Namur demande que la quote-part revenant à cette ville dans le fonds communal institué par la loi du 18 juillet 1860, soit fixée à 247,608 fr. au minimum.

Messieurs, votre commission a examiné avec soin la pétition du conseil communal de Namur, mais elle n'a pu l'appuyer.

En effet, le fonds communal appartient aux communes, et il y a une tendance continuelle de la part des villes à venir puiser dans ce fonds, qui est réservé exclusivement aux communes rurales.

La ville de Namur se prétend préjudiciée, en ce que lors de la suppression des octrois, son contingent a été réduit à la somme qu'elle encaissait d'après l'adjudication en 1852, et qui n'a pas subi d'augmentation comme les octrois des autres villes ; c'est donc le chiffre de 1852 et non celui de 1859, qui a servi de base à fixer son contingent.

Cette somme, prétendent les pétitionnaires, est inférieure à celle à laquelle la ville aurait droit en justice et en équité, parce que depuis 1852, les produits des octrois de toutes les villes ont constamment augmenté.

Par conséquent la ville de Namur se prétend lésée lorsqu'on ne prend pour base que le montant de la somme qui a été encaissée et qui formait le prix de l'adjudication publique de 1852.

Les pétitionnaires, messieurs, ont déjà réclamé sur ce point, et le gouvernement n'a pas jugé à propos d'agréer leur réclamation.

Voici, du reste, une note que M. le ministre des finances, consulté sur ce point, a remise à la commission des pétitions.

Dans la pétition qu'elle vient d'adresser à la Chambre des représentants, la ville de Namur prétend que le minimum de quote-part des communes où l’octroi était affermé, doit être fixé, non pas sur le produit net du bail, mais sur le produit brut des droits d'octroi, déduction faite des frais de perception du fermier. Elle voudrait tout au moins, si ce système n'est pas admis, qu'au lieu de prendre pour base du minimum le montant du bail qui expirait à la fin de 1859, on prît le montant du nouveau bail qui devait commencer en 1860.

« En prétendant que, dans le système de la loi, on devait accorder aux communes où les octrois étaient affermés, le produit brut de ces taxes, déduction faite seulement des frais de perception du fermier ; en insistant surtout sur les augmentations des recettes brutes de l'octroi pendant les dernières années, la ville de Namur semble croire que la base du minimum de répartition accordé aux villes doit être le montant des sommes payées en droits d'octroi (toujours déduction faite des frais de perception du fermier), et non pas ce qui entrait réellement dans la caisse communale.

« Or, c'est là une erreur manifeste qu'on a peine à s'expliquer, après les éclaircissements qui ont été donnés aux Chambres, pendant la discussion de la loi, et qui, dans ces derniers temps, ont été reproduits dans le rapport sur l'exécution de la loi en 1861 (documents, n°102). En effet, le minimum accordé aux villes était en quelque sorte, pour le législateur de 1860, une nécessité de fait, à laquelle il ne pouvait se soustraire sans compromettre les finances des villes, sans faire une injustice même ; cela a été démontré à toute évidence. Mais, cette nécessité bien établie et parfaitement justifiée, doit être strictement limitée au sacrifice immédiat qu'on imposait aux villes en supprimant les octrois.

« Eh bien, le sacrifice immédiat imposé aux villes, c'est la somme qu'elles percevaient avant, qu'elles ne perçoivent plus après l'abolition des octrois. Cela est tellement clair, que le moindre doute ne saurait exister à cet égard. La demande de Namur est donc tout aussi contraire à l'esprit qu'à la lettre de la loi du 18 juillet 1860.

« Mais, dit Namur, l'octroi allait produire plus à la commune. Accordez-nous au moins le montant du nouveau bail commençant en 1860. »

« En faisant cette demande, on oublie que le prix de ce nouveau bail, ou ne l'a pas perçu avant l'abolition des octrois, et si, en effet, l'octroi allait rapporter davantage à Namur, presque toutes les villes, y compris celles où l'octroi n'était pas affermé, ne peuvent-elles pas en dire autant ? Il est inutile de pousser plus loin le raisonnement. Il est facile de prévoir à quelles conséquences impossibles on arriverait si l'on accordait pour minimum de quote-part aux villes, non ce que les octrois produisaient en 1859, dernière année de leur existence, mais ce qu'ils auraient pu produire ultérieurement. »

Eh bien, messieurs, à ces considérations vient s'ajouter la considération principale qui est celle par laquelle la ville de Namur voudrait mettre de nouveau la main dans le fonds communal qui, comme j'ai eu l'honneur de le dire, est réservé aux communes rurales.

Par conséquent, votre commission conclut au dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. Royer de Behr. - Messieurs, je regrette que la voix assez faible de l'honorable M. Vander Donckt ne m'ait pas permis de saisir toutes les considérations qu'il vient de développer devant la Chambre. Mais je (page 88) ne saurais me rallier à ses conclusions qui sont le renvoi au bureau des renseignements.

Hier, à propos de la discussion qui s'est élevée sur une pétition du conseil provincial, on a été d'accord pour dire que le renvoi au bureau des renseignements était un ordre du jour déguisé, ordre du jour très poli, c'est vrai, mais qui n'en est pas moins un ordre du jour.

Or, je me demande si l'on peut traiter de la sorte une pétition émanant d'un conseil communal et surtout du conseil communal d'un chef-lieu de province ? Je ne le crois pas. La ville de Namur demande une interprétation de la loi qui a aboli les octrois. La ville de Namur prétend qu'elle a été lésée dans la répartition du fonds communal ; elle offre des preuves probantes à l'appui de ses assertions. L'honorable ministre des finances nous a dit, hier, qu'il acceptait tout, je suppose sous bénéfice d'inventaire.

Je proposerai à la Chambre de lui renvoyer la pétition dont il s'agit. Je réclamerai un nouvel examen par le département des finances. J'espère que cet examen sera empreint d'une grande bienveillance.

Car le gouvernement voudra bien ne pas oublier que si la situation financière de la ville de Namur est obérée, cela tient en grande partie à ce que les barrières établies sur les routes que la ville de Namur a fait construire autrefois ont été expropriées, sans indemnité au profit de l'Etat.

Je demanderai donc le renvoi à M. le ministre des finances, et pour me servir d'une expression chère à mon honorable ami M. Rodenbach, j'ajouterai que je n'en dirai pas davantage.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, la commission des pétitions, en proposant le dépôt au bureau des renseignements, a été guidée par cette considération surtout, que l'honorable ministre, quand bien même il le voudrait, ne peut pas accorder à la ville de Namur l'objet de sa demande, parce que ce serait contraire à la loi. La loi dit que le fonds communal après le prélèvement d'une somme égale au produit de l'octroi des villes en 1859, est réservé aux communes rurales.

Par conséquent, avec tout le bon vouloir qu'y mettrait l'honorable ministre, il ne pourrait pas puiser une deuxième fois dans le fonds communal, au profit des villes et au grand détriment des campagnes.

Voilà, messieurs, ce qui a déterminé la commission à proposer le. dépôt de la pétition de la ville de Namur au bureau des renseignements.

M. Moncheur. - Messieurs, j'appuie le renvoi à M. le ministre des finances, proposé par mon honorable ami M. Royer de Behr. La question soulevée par le conseil communal de Namur n'est pas si simple que le croit l'honorable rapporteur de la commission. Il est certain, messieurs, que pas une ville du pays ne s'est trouvée dans la position qui a été faite à la ville de Namur.

En effet, qu'a-t-on voulu quand on a fait la loi d'abolition des octrois ? On a voulu rendre à chaque ville une somme égale à celle que lui produisait son octroi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A la somme encaissée.

M. Moncheur. - Cela n'est pas dans la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La loi le dit formellement.

M. Moncheur. - Mais il faut voir quel est l'esprit de la loi. La lettre tue et l'esprit vivifie, comme on dit au palais. Summum jus, summa injuria. Or, voici comment il est vrai de dire que la question est délicate dans les circonstances où s'est trouvée la ville de Namur : cette ville avait fait d'adjudication de la ferme de son octroi en 1859, c'est-à-dire avant la présentation du projet de loi abolissant cet impôt. Or, cette adjudication produisait 20,000 fr. de plus que le bail qui était en cours d'exécution depuis 1852 ; ce chiffre, ajouté à celui du bail de 1852, était donc la représentation exacte du produit réel de l'octroi de Namur en 1859. C'est donc ce produit qui lui est dû en équité et dans l'esprit de la loi. Ce produit, en effet, n'était pas un simple espoir pour Namur, mais c'était une certitude. Il n'y avait plus qu'une question de date, à laquelle la somme serait effectivement versée dans la caisse communale et cette date était le 1er janvier 1860, c'est-à-dire avant la promulgation de la loi abolitive des octrois.

Vous voyez donc, messieurs, que l'argument que vient de développer l'honorable M. Vander Donckt est sans fondement, ainsi que les motifs déduits dans la note envoyée par M. le ministre des finances à la commission des pétitions. Il ne s'agit pas en effet, ici, d'argumentations fondées sur des probabilités, mais d'un fait patent, positif et authentique, en un mot d'un droit acquis, et résultant d'une adjudication pleinement consommée.

La ville de Namur n'était pas dans la position des villes qui pouvaient simplement dire ceci ; « Depuis dix ans mon octroi augmente chaque année, donc il augmentera encore l'année prochaine et les années suivantes. »

Car quelque fondées qu'eussent été les autres villes à tenir un pareil langage, il n'en était pas moins vrai que cet espoir pouvait être déçu ; que cette gradation pouvait s'arrêter ; que rien n'était assuré pour elles ; mais pour la ville de Namur, il y avait une situation tout autre : elle était en possession d'un titre que personne ne pouvait plus détruire et qui lui assurait une augmentation de 20,000 fr. du chef de son octroi.

Ce fait, je le répète, la plaçait dans une position toute spéciale, et qui fait naître, tout au moins en ce qui la concerne, une question très délicate, et qui, en équité, doit être jugée en sa faveur.

Je ne comprends donc pas comment la Chambre pourrait opposer à la réclamation du conseil communal de Namur une sorte de fin de non-recevoir en ordonnant purement et simplement le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

Quoique M. le ministre des finances se soit déjà prononcé sur cette réclamation, je demande que la pétition lui soit renvoyée ; car on peut certes, sans lui faire aucune espèce d'injure, en appeler à M. le ministre des finances lui-même mieux informé et mieux éclairé. Il y aurait, d'ailleurs, un manque d'égards réel à refuser cet accueil à une réclamation aussi sérieuse que celle qui vous est soumise, et qui émane du conseil communal d'un chef-lieu de province.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il est assez singulier que ce soient précisément les membres qui, lors de la discussion de la loi sur l'abolition des octrois, ont trouvé injuste la disposition ayant pour objet d'accorder aux villes un minimum dans la répartition du fonds communal, que ce soient, dis-je, précisément ces membres qui viennent demander aujourd'hui qu'on exagère le principe qui a été déposé dans la loi, en lui donnant une portée évidemment injuste.

Un honorable député de Namur, M. Wasseige, disait dans cette discussion : « Vous reconnaissez que l'octroi est injuste en ce qu'il force les communes rurales à subvenir aux dépenses des villes. Vous le supprimez. En cela vous faites bien.

« Mais faire contribuer ceux qui ont été longtemps victimes de la spoliation, c'est ce que je ne puis admettre. La longue possession d'une chose injuste, ne légitime pas l'injustice de son principe. »

C'était donc là un des griefs de l'opposition contre la loi des octrois. (Interruption.)

M. de Theux. - Oui ! oui ! c'est exact.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si lors de la discussion de cette disposition de la loi, les adversaires du projet avaient prétendu que, loin de s'arrêter au principe que le gouvernement voulait faire consacrer, il fallait aller beaucoup plus loin ; qu'il ne fallait pas se borner à garantir aux villes, à titre de minimum, les sommes qu'elles avaient réellement perçues en 1859, mais qu'il fallait leur assurer les recettes qu'elles auraient pu réaliser en 1860, je comprendrais leur attitude actuelle. Mais bien loin de soutenir une pareille. extension, ils ont attaqué le principe lui-même.

Quoi qu'il en soit, la Chambre a voté simplement ce principe, tel qu'il avait été déposé dans la loi, à savoir que les villes à octroi participeraient au fonds communal pour une somme qui ne pourrait être inférieure au produit réel de leur octroi en 1859.

Quel a été, pour la ville de Namur, le produit réel de l'octroi en 1859 ? C'était une chose facile à constater, à vérifier ; eh bien, il a été constaté pour cette ville comme pour les autres (et on ne le conteste pas) qu'elle a reçu effectivement une somme égale à celle qui lui est dévolue sur le fonds communal.

Mais que dit aujourd'hui la ville de Namur ? Elle dit : « Mon octroi était affermé ; le bail comprenait le profit de l'entrepreneur, les frais de perception et la somme que recevait la ville. Eh bien, je demande qu'on me tienne compte du profit réalisé par l'entrepreneur de l'octroi ; je demande qu'on l'ajoute à la somme qui m'a été payée ; et, pour le cas où ce système, assez ingénieux par parenthèse, ne serait pas admis, je demande qu'on m'attribue, pour 1859, la somme que m'aurait rapportée le nouveau bail que je venais de faire, et dont les avantages m'étaient assurés à partir de 1860. »

Messieurs, vous comprendrez sans peine, ni l'un ni l'autre de ces systèmes ne sont admissibles, ne sont conformes à la loi ; ils violent manifestement un article formel de la loi.

On nous dit : Mais c'est une position tout à fait spéciale, tout à fait exceptionnelle que celle de la ville de Namur. Mais, c'est là une erreur : cette position n'est pas exceptionnelle ; on peut dire même, d'une manière générale, que toutes les villes à octroi étaient dans la même situation, car, en examinant les faits, on reconnaît que, annuellement, le produit de l'octroi progressait dans une certaine mesure ; et, par conséquent (page 89) toutes les villes pouvaient dire : Ce n'est pas le produit de l'année 1859, mais le produit de l'année 1860, qu'il faut prendre pour base du minimum que vous devez nous accorder.

Il est vraisemblable, en effet, que ce produit eût été supérieur à celui lie 1859. Non seulement cela est vrai en thèse générale, mais au point de vue spécial auquel se place la ville de Namur, il y a d'autres villes dont les octrois étaient également affermés, et qui, par conséquent, pourraient faire valoir les mêmes considérations que celles qui sont produites à l'appui de la pétition qui nous occupe.

Messieurs, j'ai examiné depuis longtemps, et avec le plus grand soin, avec la plus grande bienveillance, avec le désir même de faire quelque chose pour la ville de Namur, s'il était possible d'avoir égard à ses réclamations ; car enfin, je n'ai évidemment aucune raison de repousser quand même la demande de la ville de Namur, s'il m'était possible de l'accueillir ! Eh bien, non seulement je n'ai aucun moyen légal de donner satisfaction à cette localité, puisqu'il faudrait pour cela une loi spéciale ; mais je commettrais même une flagrante injustice en proposant à la Chambre un pareil projet de loi.

Messieurs, il n'y a qu'un seul fonds communal ; il n'en existe pas deux ; dès lors, ce que l'on voudrait donner en plus à la ville de Namur, devrait nécessairement être enlevé aux autres communes, et l'on diminuerait ainsi, sans aucun motif plausible, la part légitime de celles-ci. Cela est-il admissible ? Evidemment, personne ne le prétendra.

J'ai suivi les discussions qui ont eu lieu au sein du conseil communal de Namur à ce sujet, et j'ai vu que, dans cette ville, comme dans beaucoup d'autres, malheureusement, on ne se montre pas extrêmement scrupuleux dans l'exposé des faits, dans les imputations qu'on se permet, et qu'on s'expose ainsi à égarer l'esprit des populations. Un membre du conseil communal de Namur, pour mieux justifier la prétention de cette ville, a trouvé bon de récriminer, et a prétendu que d'autres villes, et particulièrement celle de Liège, avaient été favorisées dans la répartition du fonds communal. Ainsi, disait M. Wasseige, je ne sais si c'est notre honorable collègue...

M. Moncheur. - C'est son frère. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, M. Wasseige disait donc : « La ville de Liège a été particulièrement avantagée ; c'est ainsi qu'on lui a tenu compte d'impôts provisoires sur la houille, récemment votés pour une période de deux ans seulement. »

Voilà donc un fait bien nettement articulé ; et, naturellement, on devrait croire qu'un homme, dans la position de l'honorable conseiller communal, s'est exactement renseigné ayant d'affirmer une pareille chose à la population.

Ce fait aurait pu être vrai, et j'aurais pu cependant parfaitement l'ignorer. Mais vous allez voir, messieurs, combien l'honorable conseiller communal était peu au courant des choses qu'il critiquait d'une manière si positive. J'ai écrit immédiatement à l'administration communale de Liège pour savoir s'il y avait là quelque erreur à rectifier. Voici ce que le collège des bourgmestre et échevins m'a répondu sous la date du 17 avril 1862 :

« Monsieur le ministre,

« Je m'empresse de répondre à votre dépêche du 15 de ce mois (2ème div. s. n°), relative à un prétendu impôt provisoire ou temporaire sur le combustible qui aura été admis en compte à la ville de Liège dans la répartition du fonds communal.

« Je ne sais absolument rien, M. le ministre, qui se rapporte de près ou de loin à ce qui a été allégué à cet égard au conseil communal de Namur.

« Le droit sur le combustible repris au tarif de l'octroi de 1859, avait un caractère aussi permanent et définitif que les autres droits qui y figurent. C'est même en partie en vue de le rendre plus définitif et permanent que jamais, qu'on s'était décidé à supprimer, dès l'année précédente, la distinction entre le combustible industriel et le combustible consommé par les particuliers, et à rendre le droit uniforme.

«Voici au surplus les fluctuations qu'a subies la taxe sur le combustible, à Liège, depuis trente ans.

« De 1833 inclus 1843, sous le régime des exemptions prévues par l'arrêté du 17 juin 1828 le droit d'octroi sur le combustible était de fr. 0 85 au stère de houille. Ce droit a donné lieu, pendant cette période, a une perception de fr. 51,000 en moyenne par année. De 1844 inclus 4847, le droit a été de 1 fr. au stère de houille, avec le même régime d'exemption, et a produit en moyenne, pour chacune de ces années, la somme de 67,000 fr. En 1848 inclus 1854, le droit est resté le même, et les perceptions ont été eu moyenne de 74,000 fr.

« En 1855 même régime, produit 89,000 fr. En 1856, régime modifié, droit d'un franc au stère sur le combustible consommé par les particuliers, droit réduit à fr. 0,25 au stère en faveur du combustible employé au traitement du fer ; droit réduit à fr. 0,50 au stère en faveur des autres industries, produit 85,000 fr.

« En 1857, même régime, produit 110,000 fr. En 1858, droit uniforme de fr. 0,60 sur la houille, et de fr. 0,50 sur le coke ; produit 131,000 fr.

« Enfin, en 1859, même régime, produit 113,000 fr.

« Le produit élevé de 1858 s'explique par l'apurement de comptes arriérés de plusieurs industriels, et notamment de l'établissement du gaz.

« Agréez, etc.,

« Le bourgmestre, (Signé) Neuville. »

Voilà, messieurs, les faits dans toute leur exactitude.

Vous voyez si l'honorable conseiller communal était fondé à affirmer qu'il y avait eu une sorte d'exception faite en faveur de Liège.

On me renverrait maintenant la pétition, que je ne sais à quoi un pareil renvoi pourrait aboutir. Car, si vous-mêmes aviez à décider sur cette affaire, vous ne pourriez agir autrement que je ne le fais moi-même. Ce n'est point par une sorte de dédain pour la ville de Namur que j'appuie les conclusions de la commission ; peu importe que la pétition repose au département des finances ou au bureau des renseignements de la Chambre. Je ne tiens donc pas à ce qu'elle ne me soit pas renvoyée, mais je dois loyalement déclarer d'avance que je suis obligé de persister dans la décision que j'ai prise.

M. Moncheur. - Je persiste, malgré ce que vient de dire M. le ministre des finances, à demander que la pétition soit renvoyée à son département.

M. Allard. - Elle sera mieux là.

M. Moncheur. - Je pense que c'est là le cours naturel que doivent avoir les choses dans la circonstance actuelle. En effet, M. le ministre n'a pas détruit les arguments que je viens de proposer. Quoi qu'il en ait dit, il y avait quelque chose de tout spécial, de tout particulier dans la position de la ville de Namur en ce qui touche le chiffre du produit de son octroi au moment où ce produit devait former la base de l’indemnité à lui accorder sur le fonds communal.

J'ai entendu M. le ministre des finances dire, après l'honorable rapporteur, que toutes les villes pouvaient comme Namur alléguer les mêmes raisons que celle-ci, c'est-à-dire qu'elles voyaient le produit de leur octroi s'accroître chaque année ; que par conséquent elles avaient droit à une indemnité plus élevée que le chiffre du produit de 1859.

Mais, messieurs, telle n'était nullement la position de la ville de Namur puisque, ainsi que je l'ai dit, il ne s'agissait pas pour elle d'un futur contingent ou d'un espoir à alléguer, mais bien du produit d'une adjudication consommée et préalablement faite à son profit.

Messieurs, en adressant sa pétition à la Chambre, le conseil communal a obéi à un devoir ; la question peut présenter peut-être quelque doute, mais elle mérite tout au moins d'être examinée de nouveau avec le plus grand soin.

M. Royer de Behr. - Je renonce à la parole.

- Le renvoi à M. le ministre des finances est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Leysele, le 20 novembre 1862, des habitants de Leysele demandent le rétablissement du service direct des postes de Furnes à Leysele.

Par pétition datée de Leysele, le 20 novembre 1862, le conseil communal de Leysele réclame l'intervention de la Chambre pour que cette commune soit rétablie sous la dépendance du bureau postal de Furnes.

Par pétition datée de Houthem, le 21 novembre 1862, le conseil communal de Houthem se plaint du préjudice qu'éprouve cette commune depuis qu'elle dépend du nouveau bureau de postes établi à Alveringhem, et propose des moyens pour y remédier.

Même pétition du conseil communal d'Isenberghe.

Messieurs, il paraît qu'il y a eu un transfert de quelques commune au chef-lieu de perception des postes ; on a distrait du bureau de Furnes les communes des Leysele, de Houthem et d'Isenberghe pour les réunir au bureau établi à Alveringhem.

La commission ignore jusqu'à quel point les convenances du service exigeaient ce transfert, mais les communes de Leysele, Houthem et Isenberghe se plaignent d'éprouver un long retard et un grand préjudice à ce changement. Sans rien préjuger, la commission vous propose de renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. de Smedt. - M. le ministre, faisant droit à des réclamations justes et souvent répétées, a établi un bureau de perception à Alveringhem. (page 90) Je ne viens pas réclamer contre cette mesure, au contraire, je saisis cette occasion pour remercier M. le ministre d'avoir pris cette décision.

Mais il en est résulté une modification de la circonscription de Furnes, plusieurs communes en ont été détachées, pour faire partie de la perception d'Alveringhem. Quelques-unes de ces communes s'en plaignent, et leurs réclamations, qui me paraissent fondées, ont donné occasion aux pétitions sur lesquelles nous délibérons en ce moment. Je demande que M. le ministre des finances veuille bien examiner ces réclamations avec la bienveillance et l’impartialité qu'il apporte dans l'examen de toutes les affaires administratives de son département.

Si le département des travaux publics ne trouvait pas une solution qui puisse répondre aux intérêts de tous les pétitionnaires, j'aurais l'honneur de proposer moi-même une modification qui, je l'espère, fera disparaître la difficulté.

- Les conclusions du rapport sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Audenarde, le 25 novembre 1862, d'anciens employés de l'octroi de la ville d'Audenarde demandent la continuation de leurs traitements d'attente, pour un nouveau terme de trois années.

Et par pétition datée de Namur, le 24 novembre 1862, d'anciens employés des taxes municipales de la ville de Namur demandent un traitement d'attente.

Vous voyez, messieurs, que l'appétit vient en mangeant. La ville d'Audenarde, comme la ville de Namur, s'adresse aux Chambres législatives pour obtenir, en faveur de ses anciens employés de l'octroi, le maintien de leur traitement d'attente pendant trois ans.

M. Moncheur. - L'honorable rapporteur se trompe. C'est la ville d'Audenarde qui demande cela et non la ville de Namur.

M. Vander Donckt. - Je dis donc que les employés de l'ancien octroi de la ville d'Audenarde demandent que leur traitement soit continué pendant une période de trois ans et des employés de l'ancien octroi de Namur demandent qu'il leur soit accordé un traitement d'attente.

M. Moncheur. - Ce n'est pas la ville qui réclame, mais les anciens employés de l'octroi.

M. Vander Donckt. - Soit. C'est encore une fois le même système. C'est par une exception à la loi que les employés des octrois ont joui pendant trois années de leur traitement après la suppression des octrois. C'était afin de lais er aux villes le temps de les replacer, mais cette exception prend fin en 1863 ; dès lors il n'y a plus de droit.

Donc on ne peut venir convenablement et équitablement puiser dans le fonds communal, qui est réservé aux communes et non pas aux villes.

Encore une fois, les employés de l'octroi de ces deux villes demandent ce qu'il n'est pas possible au ministre d'accorder à moins d'une nouvelle loi.

La loi a précisé ce qu'elle a voulu accorder d'indemnité aux anciens employés. Donc il n'y a pas à revenir sur cet objet, et si les employés de l'octroi n'ont pas trouvé d'autres moyens d'existence, c'est aux villes et non pas à la Chambre à y pourvoir.

Par conséquent, messieurs, votre commission vous propose le dépôt au bureau des renseignements de ces deux pétitions.

M. Allard. - Soyez logique ; proposez l'ordre du jour.

- Plusieurs membres. - Oui, l'ordre du jour.

M. Royer de Behr. - Je n'ai demandé la parole que pour rectifier un fait.

Je ne m'oppose pas du tout aux conclusions de l’honorable rapporteur, mais je veux faire observer que la ville de Namur n'a rien à voir dans cette affaire ; qu'elle ne demande rien.

Je commence par rendre justice à l'honorable M. Frère, et je remercie la Chambre d'avoir bien voulu accorder un secours aux employés, l'an dernier ; mais voici ce qui s'est passé et ce qui a donné lieu à la réclamation actuelle.

La ville a reçu sur le crédit de 36,000 ou 37,000 francs que vous avez voté, une part d'environ 18,000 francs.

La répartition de ces 18,000 francs a été faite contrairement aux indications de l'exposé des motifs de la loi que vous avez votée.

Je n'en rends pas le département des finances responsable, parce que je pense qu'il a fait la répartition d'après un tableau fourni par la ville de Namur, mais toujours est-il que dans l'exposé des motifs et d’après les discussions qui ont eu lieu à la Chambre il avait été décidé que les employés seuls qui n'auraient pas été replacés auraient seuls droit à un secours,

Or, la ville de Namur a attribué, je ne sais par suite de quelle erreur, des secours à des hommes qui avaient été replacés ou qui avaient un commerce,

Or, ce sont les employés victimes de cette erreur qui ont fait une réclamation.

J'ai cru devoir donner ces explications à la Chambre, afin de rectifier les faits exposés à la Chambre par l'honorable M. Vander Donckt à propos de la pétition dont nous nous occupons.

M. le président. - La parole est à M. Rodenbach.

M. Rodenbach. - Je n'en dirai pas davantage.

- L'ordre du jour est prononcé sur ces deux pétitions.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Moen, le 24 novembre 1862, la dame Beltremieux, directrice de l'école adoptée des filles pauvres de Moen, se plaint d'être imposée d'un droit de patente du chef de fabrication de dentelles par les enfants de cette école.

Messieurs, la pétitionnaire prétend qu'elle se trouve dans les conditions voulues par la loi sur les patentes pour jouir de l'exemption du droit.

L'institution qu'elle dirige est une institution publique. C'est une école adoptée. D'autre part, les enfants travaillent pour leur propre compte et recueillent le produit intégral de la fabrication.

M. Allard. - Je demande la parole.

M. Vander Donckt. - Messieurs, l’honorable ministre des finances a bien voulu remettre à la commission des pétitions une circulaire du 11 novembre dans laquelle il trace d'une manière très claire la marche à suivre pour être exempt du droit de patente. La pétitionnaire prétend appartenir à la catégorie des personnes ayant droit à l'exemption. Sans rien préjuger, votre commission a cru devoir vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances.

M. Allard. - Messieurs, la Chambre a déjà en mainte et mainte fois à s'occuper de pétitions de la même nature que celle dont il s'agit.

Chaque fois, on a dit aux pétitionnaires : C'est à la députation permanente que vous devez vous adresser et non pas à la Chambre.

Si tous les contribuables qui se prétendent surtaxés devaient s'adresser à la Chambre, on n'en finirait pas.

M. H. Dumortier. - La pétitionnaire s'est d'abord adressé à la députation permanente.

M. Allard. - Pendant la dernière session, la Chambre a prononcé l'ordre du jour sur une pétition ayant le même objet. Je demande qu'elle maintienne sa décision et qu'elle passe également à l'ordre du jour sur celle-ci.

M. H. Dumortier. - Messieurs, il n'entre pas le moins du monde dans mes intentions de renouveler tout le débat sur la question de la patente des écoles dentellières. Je crois, du reste, que la Chambre serait peu disposée à écouter une longue discussion sur cette question qui s'est produite ici déjà plusieurs fois.

Cependant parmi les pétitions qui sont présentées à la Chambre sur cet important objet, les unes diffèrent beaucoup des autres, et pour pouvoir prononcer sur toutes également le niveau unique de l'ordre du jour, il faudrait au moins connaître les circonstances dans lesquelles elles se produisent. Je doute beaucoup que l'honorable M. Allard ait seulement lu la requête dont il est question.

M. Allard. - Je n'ai pas besoin de la lire ; on doit s'adresser à la députation permanente.

M. H. Dumortier. - On a besoin de lire ces pétitions plusieurs fois et de se livrer à une étude approfondie pour décider des questions aussi épineuses, aussi délicates, et la preuve, c'est que les députations permanentes, en y mettant de la bienveillance et le désir de faire justice, ont besoin de lire non seulement les réclamations, mais encore les enquêtes et les contre-enquêtes, et les volumineux dossiers qui les accompagnent, et alors encore il leur est souvent difficile de porter un jugement en pleine connaissance de cause. Si l'honorable M. Allard est doué, lui, de la faculté de juger équitablement et de piano tout cela, je l'en félicite.

M. Allard. - Eh bien, c'est comme cela.

M. H. Dumortier. - Le caractère des écoles dentellières varie pour ainsi dire à l'infini.

Tantôt ce sont des écoles publiques, tantôt elles ont le caractère d'écoles privées. Tantôt ce sont des établissements charitables, et tantôt, je dois le reconnaître, ces écoles donnent lieu à un bénéfice assez considérable pour ceux qui les dirigent, et dans ce dernier cas, il n'est que de toute justice qu'elles payent la patente.

C'est donc avec une grande réserve que nous devons ici apprécier les nombreuses réclamations que soulève la patente des écoles dentellières, car les cas diffèrent du tout au tout.

L'école dont il s'agit ici et dont je parle en connaissance de cause, parce qu'elle se trouve dans la localité que j'habite une partie de l'année, (page 91) est essentiellement une école pour les enfants pauvres. Cette école est dirigée par une personne d'une position très modeste qui reçoit quelques aumônes des fermiers de la commune pour maintenir cette école, et je puis affirmer avec connaissance certaine et personnelle qu'elle ne retire pas une obole pour les peines qu'elle se donne pour faire cette œuvre de charité.

Dans ces conditions, l'école tombe-t-elle sous l'application de la loi ? Je ne le pense pas.

Je viens de lire une circulaire émanée de M. le ministre des finances et je constate que cette circulaire se termine en recommandant la bienveillance aux fonctionnaires du département et en leur disant que leurs pouvoirs ne doivent pas devenir des moyens de vexation.

Je ne suppose, ni chez les receveurs ni dans l'administration, l'intention de commettre sciemment des actes d'injustice, mais ils peuvent se tromper, et je demande tout simplement qu'il plaise à M. le ministre des finances de faire examiner le cas dont il s'agit.

Pendant plusieurs années cette école n'a rien payé. L'appréciation de tel receveur diffère parfois de l'appréciation d'un autre, et vous reconnaîtrez comme moi qu'il arrive quelquefois que des fonctionnaires montrent trop de zèle. Est-ce ici le cas ? Je ne préjuge rien. Mais enfin après que cette école avait existé pendant plusieurs années sans payer, on est venu lui réclamer à la fois la patente pour les deux années 1860 et 1861 et maintenant on a l'imposée pour 1862. C'est par le produit d'une collecte dans la commune que ces impôts ont été payés, et certes les habitants de la commune de Moen, qui est une pauvre commune, se seraient bien gardés d'ouvrir leur bourse s'il s'était agi de faire un cadeau à une directrice d'école qui retirait des bénéfices de son école.

II serait désirable que les décisions sur ces sortes de questions, fussent plus motivées. Je crois que si les instructions ministérielles étaient plus connues, elles serviraient beaucoup à éclairer l'opinion publique. Car il s'est certainement présenté des cas où les réclamations n'étaient pas fondées et à propos desquelles on a fait beaucoup de bruit.

J'exprime le désir que, pour le cas spécial qui nous occupe, M. le ministre des finances veuille bien appeler sur ce point l'attention, de l'autorité compétente, afin qnuil soit constaté en parfaite connaissance de cause et contradictoirement, s'il y a lieu, dans l'espèce, d'appliquer la loi des patentes.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je n'ajouterai que quelques mots au rapport que j'ai eu l'honneur de vous présenter.

Il paraît, comme vous l'a dit l'honorable préopinant, que la pétitionnaire se trouve dans les conditions prévues par la circulaire de M. le ministre des finances. Je ne veux pas affirmer que cela est, mais dans le doute, votre commission a cru pouvoir vous proposer le renvoi à. M. le ministre et je suis d'autant plus fondé à soutenir ces conclusions qu'il nous a déclaré solennellement hier qu'il acceptait tous les renvois qu'on désirait lui faire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande à M. le rapporteur s'il n'est pas constaté que la pétitionnaire s'est pourvue devant la députation permanente, et si la députation permanente n'a pas rejeté sa demande ?

M. Vander Donckt, rapporteur. - Oui.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). -- Comment voulez-vous que je revienne sur une affaire pareille ? Il y a chose jugée.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Vous acceptez tout.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) - Je suis sans pouvoirs pour satisfaire à cette réclamation.

L'honorable M. H. Dumortier connaît parfaitement ces questions ; il sait aussi bien que moi que je ne puis rien. Que veut-il que je fasse, lorsqu'une fois il y a décision passée en force de chose jugée ?

Messieurs, que l'on remarque bien ceci. Comme ministre, comme gouvernement, je ne fais qu'une seule chose, c'est dire : Tel est le sens de la loi, voilà ce que veut la loi. Pour les cas particuliers, si un individu croit avoir à se plaindre, sans doute il peut réclamer administrativement ; mais si sa réclamation administrative est rejetée, il a le recours aux tribunaux. Il y a le recours à la députation permanente ou le recours à la justice ordinaire, selon les cas, et après la décision de la députation permanente, il y a le recours en cassation.

Je suis absolument incompétent pour statuer sur ces réclamations. Lorsque la députation permanente, instituée par la loi pour juger ces sortes de réclamations en premier degré, et lorsque la cour de cassation se sont prononcées, je ne saurais méconnaître leurs décisions sans violer la Constitution. La Constitution déclare que nulle exemption, que nulle modération d'impôt ne peut être accordée qu'en vertu d'une loi ; la Constitution déclare que le pouvoir exécutif ne peut suspendre l'exécution des lois en aucune cas. Or, que me demande-t-on ? On me demande précisément de violer ces dispositions constitutionnelles ; lorsque l'on aura renvoyé cette pétition au département des finances, il est bien clair qu'il ne pourra rien faire. Mais le grand inconvénient qui résulte de ces renvois, c'est que les particuliers qui s'adressent à vous et qui ne sont pas suffisamment éclairés, qui ne savent pas quelles sont les autorités compétentes, qui s’maginent que vous avez toute-puissance et qui supposent que le gouvernement a également toute-puissance, ces particuliers sont portés à croire que, lorsqu'on renvoie de telles réclamations au ministre, c'est parce qu'il dépend de lui de faire droit à ces réclamations ; c'est ainsi que l'on entretient les populations dans l'erreur ct qu'on les trompe.

M. H. Dumortier. - On les éclaire.

M. E. Vandenpeereboom. - On les égare.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'éclairez pas, vous trompez manifestement les populations par ces renvois. Vous leur faites supposer que je puis quelque chose, lorsque, tous, vous savez comme moi que je ne puis rien, et qu'il me serait impossible de réformer une décision de la députation permanente.

Je n'ai donc rien à faire dans cette question ; le renvoi au ministre des finances, qui serait prononcé, ne servirait à rien, si ce n'est à induire les pétitionnaires en erreur.

M. H. Dumortier. - Il ne peut être dans l'intention d'aucun membre de cette Chambre, qui a les notions élémentaires des lois et de l'administration, de demander à un ministre qu'il réforme des décisions passées en force de chose jugée ; et je m'étonne que M. le ministre des finances puisse supposer que ce soit là ce que je lui ai demandé.

J'ai dit que si les décisions des députations permanentes étaient plus motivées, si elles développaient mieux les instructions de l'honorable ministre dans leurs décisions, ce serait un excellent moyen d'éclairer les populations.

Je crois, messieurs, que je ne me suis pas montré absolu dans cette question.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non.

M. H. Dumortier. - De quoi se plaint-on ? de quoi se plaignent certaines écoles dentellières ? C'est que quand on s'adresse à l'autorité, juge d'appel en cette matière, celle-ci se borne trop souvent à répondre : « Votre réclamation n'est pas fondée. » C'étaient du moins là les griefs formulés par des écoles de Pitthem, de Thielt et autres.

M. le Bailly de Tilleghem. - C'est cela.

M. H. Dumortier. - Pourquoi ne pas ajouter deux ou trois lignes d'explications ? Pourquoi ne pas motiver la décision ? Les écoles établies dans les villages ne sont pas dirigées par des avocats ; les personnes qui les dirigent ne lisent pas nos discours et l'instruction ministérielle du 11 novembre 1859 n'a pas même été publiée.

M. Muller. - L'honorable ministre des finances et l'honorable M. Allard, avant lui, avaient complètement démontré à la Chambre qu'elle est tout à fait incompétente pour demander la réforme par M. le ministre des finances d'une décision prise par une députation permanente. Mais l'honorable M. H. Dumortier demande maintenant à M. le ministre des finances d’engager les députations permanentes à mieux motiver leurs décisions et il nous a dit que dans le cas dont il s'agit on s'était borné à répondre aux personnes qui avaient réclamé, que la réclamation n'était pas admise, qu'elle était rejetée. Eh bien, messieurs, il ne peut pas en être ainsi, et s'il en avait été ainsi, il n'y aurait eu qu'une seule chose à faire, c'était de déférer la décision de la députation permanente à la cour de cassation, car en matière de contribution comme en matière électorale les décisions doivent être motivées.

Je n'admets donc pas, messieurs, que les décisions des députations permanentes ne sont pas motivées, puisque la loi exige qu'elles le soient. Je n'admets pas non plus que M. le ministre des finances, lorsque la députation permanente remplit les fonctions de la magistrature, ait le droit de lui adresser des injonctions, car la députation permanente est même juge des interprétations que M. le ministre donne à la loi.

M. H. Dumortier. - Officieusement.

M. Muller. - Il serait tout aussi inconvenant de faire, même officieusement, des recommandation à la députation permanente, agissant comme corps judiciaire, que d'en faire à la magistrature elle-même.

J'ajoute, messieurs, en terminant, que tous ces débats que nous avons ici sur cette question ne peuvent aboutir, d'une part, qu'à paralyser l'exécution de la loi, et d'autre put, à jeter le découragement chez les fonctionnaires qui remplissent leurs devoirs, et l'incertitude chez les populations qui s'imaginent qu'il appartient soit au ministre des finances, soit au (page 92) cabinet, de poser des actes qui seraient contraires à l'esprit et à la lettre de la Constitution.

- La proposition de M. Allard est mise aux voix et adoptée.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Saffelaere, le 6 mars 1862, le conseil communal demande des modifications à la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours.

Même demande des conseils communaux de Meire, Lierdc-Sainte-Marie, Steenhuysen-Wynhuysen, Appelterre-Eychem, Sleydinge, Roosebeke, Velsique-Ruddershove, Viane, Melsen, Meldert, Otterghem, Belcele, Stekene, Melle, Vielsalm, Godveerdeghem, Strypen, Aublain, Pesches, Dailly, Gonrieux, Welle, Betecom, Bael, Hever, Haecht, Waerbeke, Denderwindeke, Werchter, Ninove, Warrant-Dreye, Rymenam, Boortmeerbeek, Wespelaer, Adegem, et des administrations communales d'Overyssche, Lippeloo, Eeckeren.

Messieurs, il y a une grande série de communes qui font la même demande et ces requêtes forment un dossier volumineux. Aujourd'hui le domicile de secours donne lieu à des contestations et à des correspondances à perte de vue. Les pétitionnaires disent que les charges toujours croissantes qui résultent de la loi sur le domicile de secours ont pris une proportion énorme, notamment depuis la décadence de l'industrie linière et par suite du renchérissement des denrées alimentaires ; les communes du plat pays sont menacées d'une ruine complète, pour peu que cette loi doive encore rester en vigueur ; aussi la nécessité de lui faire subir une révision devient-elle de jour en jour plus pressante.

« Messieurs,

« Il est généralement reconnu que la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours, est devenue le fléau des communes rurales.

« Les charges toujours croissantes qui découlent de cette loi ont pris une telle proportion, notamment depuis la décadence de l'industrie linière, et par suite de renchérissement continuel des denrées alimentaires, que les communes du plat pays se voient menacées d'une ruine complète pour peu que cette loi doive encore rester en vigueur ; aussi la nécessité de lui faire subir une révision devient-elle de jour en jour plus pressante.

« En effet, l'expérience a clairement démontré que cette loi, quoique conçue dans un but philanthropique, a dépassé de beaucoup les limites dans lesquelles l'esprit du législateur a voulu la renfermer.

« La disposition la plus importante dont nous nous plaignons à si juste titre, et qui, lors de la discussion de la loi en 1845, fut l'objet d'observations très sérieuses et fondées, de la part de plusieurs membres de la Chambre, est sans contredit celle qui fixe la durée du séjour nécessaire pour acquérir un nouveau domicile de secours.

« La durée de ce séjour s'est continuellement accrue à mesure que des changements ont été introduits dans la législation. La loi du 24 vendémiaire an II, n'exigeait que deux années ; le délai fut porté à quatre ans (par la loi du 18 novembre 1818.

« La loi actuelle exige une habitation de huit années consécutives dans une seule et même commune, et ce terme, déjà si long, est interrompu chaque fois que des secours sont accordés à un indigent ; de sorte qu'il faut parfois un bien grand nombre d'années avant qu'une commune ait satisfait aux obligations que lui impose la loi sur la matière.

« Il est, en réalité, difficile à concevoir comment on a voulu introduire pareille disposition dans la loi ; car, de difficile qu'il était jadis de constater un séjour de quatre ans, il est devenu quasi impossible d'en constater un aujourd'hui de huit années. On a donc obtenu un résultat tout contraire à celui qu'on attendait de cette disposition.

« Il est notoire, messieurs, que la plupart de nos ouvriers indigents, par défaut d'ouvrage dans les communes, se voient, pour ainsi dire, forcés de parcourir le pays ; ils se rendent donc en masses aux endroits populeux, et notamment aux villes manufacturières, où, à la fin, un grand nombre d'entre eux fixent leur résidence ; mais il est excessivement rare qu'ils v restent durant huit années consécutives, sans devoir être secourus par le bureau de bienfaisance ; d'autres se déplacent à de trop courtes distances et même il arrive que pendant les huit premières années, ils ont eu leur demeure dans trois, quatre communes différentes ; de sorte que, d'après le mode de distribution organisé dans les villes et dans plusieurs grandes communes, II est très rare, sinon impossible, qu'un indigent perde son droit de secours dans la commune qui l'a vu naître.

« Il en résulte incontestablement que tout le préjudice tombe sur les communes rurales, puisque l'émigration des ouvriers pauvres a toujours lieu de la campagne vers les villes, tandis que le contraire arrive rarement.

« C'est aussi à cause de cette disposition onéreuse que les discussions entre les diverses administrations sont si fréquentes, difficiles à résoudre, et qu'elles occasionnent tant de désagrément et de besogne aux autorités supérieures. Nous n'exagérons rien, messieurs, en disant que cette partie de l'administration réclame à elle seule un travail continuel pour celui qui en est chargé.

« La loi entraîne, en outre, une infinité d'abus qu'il convient en toute justice de faire disparaître ; et parmi ceux-ci nous citerons en premier lieu le peu de soins que prennent certaines administrations des intérêts des communes débitrices.

« En général, nos ouvriers savent avec quelle facilité ils obtiennent ailleurs des secours, et sont admis dans les hôpitaux ; ils ne négligent aucune occasion pour en profiter ; car, presque toujours, tout sentiment de délicatesse disparaît avec leur émigration.

« L'administration des hospices d'une ville, peu soucieuse des intérêts des communes, ne voit guère d'inconvénient à accepter le premier venu, atteint d'une indisposition parfois très légère, et l'ouvrier calculateur car il apprécie très bien les avantages du confortable hôpital, se trouve si bien soigné, si bien nourri, qu'il tâche de rester le plus longtemps possiblr dans un séjour où il est si convenablement choyé, sans qu'il lui en coûte un centime. Les pauvres communes n'ont qu'à attendre l'état bien détaillé des dépenses et... à payer.

« Supposons maintenant que l'ouvrier ne devienne aucunement malade, mais que par l'accroissement de sa famille, ou par tout autre motif,, il se trouve un peu à l'étroit. Eh bien, messieurs, il se créera une ressource supplémentaire très facile dans l'allocation généreuse du bureau de bienfaisance de l'endroit qu'il habite temporairement. Il connaît les mille moyens d'exciter la commisération, et le distributeur s'y prête d'autant plus facilement qu'il va puiser dans une autre bourse que la sienne.

« Tous ces abus, outre ceux en grand nombre que nous ne mentionnons pas ici, sont trop fréquents pour qu'on n'y porte pas remède. Nous nous en plaignons d'autant plus amèrement que les communes intéressées, ordinairement trop distantes, n'ont, par cela même, aucun moyen de contrôle, si nécessaire dans cette occurrence. Il n'est arrivé que trop souvent que des gens solvables, des individus qui gagnent jusqu'à trois, quatre francs par jour, affiliés même dans des sociétés de secours mutuel, ont été admis à l'assistance publique, et que pour des indispositions peu graves, ils ont été traités pendant longtemps dans les hôpitaux.

« Une autre injustice pèse sur les communes rurales par suite des dispositions de la loi sur la mendicité. En effet, l'entretien des mendiants condamnés incombe totalement aux communes, qui subissent de ce chef une charge tellement lourde, qu'il leur est impossible de la supporter plus longtemps. La révision de ce système défectueux exige aussi toute votre attention. Qu'à ce propos il nous soit permis, messieurs, d'objecter que si la mendicité est un délit, auquel il faut appliquer une peine, il est nécessaire, juste et équitable que le gouvernement pourvoie dans l'exécution de la loi, comme il le fait pour toutes les autres causes judiciaires.

« De tout ce qui précède, il résulte, messieurs, que les communes rurales se trouvent obérées, et dans l'impossibilité de satisfaire à d'autres exigences, voire même à l'entretien de leurs propres indigents.

« Pour obvier à cet état de choses, nous vous proposons, messieurs, d'introduire dans la loi de 1845 les modifications suivantes : Le terme de huit années est porté à quatre ans. Les dépenses occasionnées en suite des dispositions de cette loi seront supportées, l'une moitié par la commune du domicile de secours, et l'autre moitié par la commune où réside l'indigent secouru. »

« Par la première disposition vous éviterez les difficultés que présente la constatation du domicile d'un individu ; elle mettra, en outre, un terme à l'injustice de forcer des communes à payer des frais d'entretien et de maladie pour des personnes qui y sont à peine connues de nom. Par la seconde vous irez à rencontre des abus que nous avons signalés ci-dessus.

« Il est de plus très conforme aux notions de la justice d'adopter cette mesure. En effet, une commune rurale ou ville, où résident nos ouvriers, profite des avantages qui en résultent par la consommation, le travail, l'industrie qu'ils y favorisent, et quelquefois pour une part dans les taxes locales ; il est donc juste que, le cas échéant, elle intervienne dans les charges. »

Messieurs, à plusieurs reprises, des pétitions semblables, en très grand nombre, nous ont été présentées et l'honorable ministre de la justice, répondant au rapporteur, a dit alors que, pour le moment, il ne pouvait pas s'occuper de cette question mais qu'il s'en occuperait sérieusement lorsque la loi sur l'organisation judiciaire serait déposée. Aujourd'hui, messieurs, que cette loi est présentée, la commission croit que le moment est venu de s'occuper de la révision de la loi sur le domicile de secours. C'est dans cette pensée, messieurs, qu'elle vous propose (page 93) le renvoi des pétitions à M. le ministre de la justice avec demande d'explications.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois que les souvenirs de l'honorable rapporteur le servent mal. Je ne pense pas avoir jamais dit à la Chambre que je ne m'occuperai de la loi sur le domicile de secours qu'après la présentation de la loi d'organisation judiciaire. Ces deux objets n'ont aucun rapport, et l'un ne pouvait pas dépendre de l'autre.

Mais, messieurs, j'ai déclaré à la Chambre que la question du domicile de secours était comprise dans l'enquête sur la bienfaisance, que les députations permanentes étaient consultées sur les modifications qu'il conviendrait d'introduire dans cette partie de notre législation.

J'attends ces renseignements et je désire beaucoup les recevoir le plus tôt possible ; récemment encore j'ai prié MM. les gouverneurs de soumettre cet objet aux délibérations des députations permanentes et de me faire connaître leur avis sur cette matière si difficile et si importante.

Je ne veux pas prétendre que la loi sur le domicile de secours soit parfaite, qu'il n'y ait absolument rien à faire, qu'elle ne donne lieu ni à des inconvénients ni à des difficultés ; mais jusqu'à présent personne n'a indiqué le moyen de l'améliorer. C'est une de ces législations qui provoqueront toujours des réclamations, parce qu'elle impose des charges aux communes et que les inconvénients sont par conséquent inhérents à la matière même.

Si l'on me faisait connaître un moyen sérieux, pratique d'améliorer la loi, je l'accueillerais volontiers et c'est avec plaisir que je saisirais la Chambre d'un projet de loi pour mettre fin à toutes les réclamations qui arrivent dans cette enceinte.

La loi de 1818 à donné lieu à autant de réclamations que la loi de 1845. On demande à en revenir à cette dernière loi ; mais je ne pense pas qu'on ferait cesser ces plaintes ; on les déplacerait peut-être ; au lieu de venir des communes rurales, elles viendraient des villes.

Je crois inutile d'entrer en ce moment dans d'ultérieures explications. Dès que le travail des députations me sera parvenu, je m'occuperai sérieusement et activement de cette question, et j'aurai ultérieurement l'occasion d'en entretenir la Chambre.

M. Magherman. - La loi de 1845 a eu principalement pour but d'obvier à des fraudes qui étaient nombreuses et étaient devenues l'objet des plaintes générales. Sous le régime de cette loi, les bureaux de bienfaisance engageaient leurs pauvres à émigrer, leur accordaient clandestinement des secours pendant quatre ans, payaient même leurs loyers dans leur nouvelle résidence, puis s'en lavaient les mains et laissaient ces pauvres à la charge des communes où ils avaient acquis leur nouveau domicile. Ces plaintes émanaient non seulement des communes, mais les députations permanentes s'en étaient rendues l'écho. Il fallait donc que le mal fût bien réel.

Voici ce que disait à ce sujet l'honorable ministre de la justice de l'époque, dans la discussion de ce projet de loi.

« II est évident, l'expérience ne l'a que trop prouvé, que les communes ont entretenu pendant quelques années les indigents, et des individus dans un état voisin de l'indigence, dans d'autres communes, pour être déchargées de leur entretien après quatre années. Si désormais il faut, pour opérer le changement de domicile, non plus quatre années, mais huit années, il n'est guère à craindre que les communes, pour se soustraire à une charge éventuelle, consentent à supporter une charge réelle et actuelle durant un si long temps. L'obligation d'un séjour de huit ans doit faire espérer que cette fraude disparaîtra en grande partie. Elle avait été signalée dans les rapports des députations permanentes ; c'est notamment pour obvier à ces abus que le projet de loi a été présenté. (Discours du ministre de la justice, séance du 28 octobre 1844, Annales parlementaires, page 31.)

Maintenant on se plaint d'un autre inconvénient : les communes dans lesquelles les pauvres transfèrent leur domicile accordent trop facilement des secours à ces pauvres ; comme elles peuvent leur venir en aide à charge de l'administration de leur ancienne résidence, souvent elles n'y regardent pas de près ; elles fournissent ces secours sans que la nécessité en soit bien constatée, surtout elles les fournissent avec une générosité qui contraste avec la parcimonie qu'elles mettent à venir en aide à leurs propres pauvres.

Le mal est réel, je ne le conteste pas ; le grand nombre de communes qui se plaignent doit nous en donner la conviction. Mais quels sont les remèdes qu'on propose ?

Le retour à l'ancien ordre de choses, c'est-à-dire la réduction des huit années d'habitation requises par la loi de 1845, à quatre années ; et en outre, pendant ces quatre années, l'obligation pour la nouvelle résidence du pauvre d'intervenir pour moitié dans les secours à lui accorder.

Je conviens, messieurs, que les moyens indiqués obvieront efficacement au mal qu'on signale ; mais nous retomberons dans les inconvénients tout aussi graves auxquels la loi de 1845 a voulu porter remède ; bien plus, les communes qui voudront se débarrasser de leurs pauvres, seront légalement exonérées pendant la durée du temps fixé pour acquérir ce nouveau domicile, de la moitié des frais qui leur incombaient aux termes de la loi de 1818, des inconvénients résultant de cette dernière loi redoubleraient donc d'intensité, et des plaintes au moins aussi fondées que celles qui se produisent aujourd'hui, viendraient nous assaillir de nouveau.

C'est donc ailleurs qu'il faut chercher le remède. Je n'oserais prendre sur moi de l'indiquer. Le mal signalé par les pétitionnaires, je le crois réel ; je prie le gouvernement de faire de cette matière une étude sérieuse, et entre-temps de recommander aux administrations de bienfaisance, principalement des villes, d'user de la plus grande modération, dans la collation des secours aux indigents des communes étrangères.

M. Rodenbach. - Messieurs, l'année dernière nous avons reçu environ une cinquantaine de requêtes ; cette année-ci, il y en a une quarantaine. Vous voyez que des réclamations vous viennent de tous les points du pays.

Je conviens que la loi est difficile à faire. M. le ministre de la justice vient de nous apprendre qu'il a ouvert une enquête, et qu'à la suite de cette enquête, il examinera s'il y a moyen d'améliorer la loi. Cette promesse est déjà quelque chose, et nous en prenons acte.

D'après la loi française de vendémiaire, pour avoir droit à un secours dans une commune, il fallait y être domicilié depuis deux ans ; la loi de 1818 a porté cette durée à 4 ans, et celle de 1845 à 8 ans. L'expérience que j'ai acquise dans l'exercice de mes fonctions de bourgmestre m'autorise à croire que 8 années, c'est trop ; j'aurais préféré 4 années. Les 8 années donnent un travail immense aux administrateurs communaux ; il est extrêmement difficile de trouver le domicile dès que le délai se prolonge ; il en résulte des écritures considérables. C'est un dédale inextricable.

M. Allard. - Allons donc !

M. Rodenbach. - Etes-vous bourgmestre, M. Allard ?

M. Allard. - Non, mais je suis depuis longtemps membre d'un bureau de bienfaisance, et je connais parfaitement la question.

M. Rodenbach. - Je ne le pense pas ; sinon, vous ne diriez pas : Allons donc !

Oui, tous ceux qui peuvent, comme moi, juger d'après l'expérience savent combien les affaires donnent lieu à des écritures multipliées et à ce point de vue encore, il est infiniment nécessaire d'améliorer la législation actuelle.

Je pense que dans de précédentes pétitions on a demandé que l'on revînt aux quatre années et que l'on fît payer deux années dans les communes où les individus ont actuellement leur domicile et deux années dans les communes où ils ont eu leur domicile. On a jugé que par-là on pourrait peut-être mettre fin à ces vives réclamations qui arrivent à la Chambre de tous les points du pays ; je n'ose pas moi-même émettre l'avis que ce moyen-là est bon ; mais je crois qu'on peut en prendre note.

J'appuie le renvoi des pétitions à M. le ministre des finances.

M. le président. - On a proposé le renvoi à M. le ministre de la justice, avec demande d'explications.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais, messieurs, je ne pourrais pas fournir d'autres explications que celles que je viens de donner.

M. Rodenbach. - Non ! non ! le renvoi pur et simple.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice est ordonné.

Projet de loi augmentant les traitements des magistrats militaires

Rapport de la section centrale

M. J. Jouret. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section-centrale qui a examiné le projet de loi portant augmentation des traitements de la magistrature militaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et le projet de loi mis à la suite de l'ordre du jour.

M. le président. - Nous pourrions mettre eu tête de notre ordre du jour de mardi le budget des voies et moyens ; ensuite un feuilleton de naturalisations et enfin le projet de loi sur lequel le rapport vient d'être déposé.

La Chambre s'ajourne à mardi à 2 heures.

- La séance est levée à 4 heures.