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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 27 août 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 269) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. Vermeire, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Estaimpuis demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »

« Même demande du conseil provincial du Hainaut. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Brugseman, porteur de contraintes a Eecloo, demande que sa position son améliorée. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal d'Anderlues prient la Chambre d'autoriser le. gouvernement à concéder à la compagnie Delval le chemin de fer de Manage-Momignies par Beaumont, Thuin et Anderlues.

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.


« Des industriels demandent que le projet de loi de travaux publics comprenne la continuation de la canalisation de la Meuse jusqu'à Namur. »

- Même décision.


« Le gouverneur de la Flandre occidentale transmet une adresse du conseil provincial ayant pour objet la continuation de l'approfondissement du canal de Gand à Bruges et fait parvenir un exemplaire de cette adresse. »

- Même décision et distribution aux membres de l'assemblée.


« M. de Smedt, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des dotations

Vote des articles et vote sur l’ensemble

Personne ne demande la parole.

La discussion générale est close.


« Art. 1er. Il est ouvert à l’article unique du chapitre III du budget des dotations pour l'exercice 1859 un crédit supplémentaire de 75,000 fr. destiné à couvrir les dépenses de la Chambre, pendant ledit exercice. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 70 membres présents.

Il sera soumis au Sénat.

Ont voté pour le projet : MM. Van Iseghem, Van Leempoel, VanVolxem, Vermeire, Wasseige, Allard, Carlier, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dantrebande, David, de Bast, de Boe, de Breyne, C. de Brouckere, De Fré, de Gottal, de Liedeketke. Deliége, de Mérode-Westerloo, de. Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaert, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemjns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, le Bailly de Tilleghcm, J. Lebeau, Loos, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nelis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen et Orts.

Projet de loi relatif à l’exécution des travaux d’utilité public

Discussion des articles

Article premier, paragraphe 8

M. le président. - Nous sommes restés au paragraphe 8 : « Approfondissement de la Sambre, » sur lequel la discussion a été close hier. Il reste à voter sur l'amendement de M. Moucheur et de ses collègues et sur le crédit. Cet amendement a pour but de restituer au mot « Marnimont » le mot « Namur ». Quant au chiffre, il reste tel qu'il est. L’article serait libellé comme suit :

« Pour l'approfondissement de la Sambre dans la partie comprise entre Namur et la frontière de France : fr. 1,000,000. »

- Cet amendement est mis aux voix par appel nominal.

71 membres sont présents.

30 votent pour l'amendement.

39 votent contre.

2 s'abstiennent.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Coomans, Dautrebande, Dechamps, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq. H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Guillery, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont et Vanden Branden de Reeth.

Ont voté le rejet : MM. Van Iseghem, Van Leempoel, Allard, Coppieters 't Wallant, David, de Bast, de Boe, de Breyne, Ch. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Gottal, Deliége, de Moor, de Renesse, Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Rogier. Saeyman, Tesch, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen et Orts.

Se sont abstenus, MM. de Theux et Mercier.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Theux. - Je me suis abstenu parce que je désire ne pas grossir le chiffre des crédits demandés, qui est déjà énorme.

M. Mercier. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pu faire une appréciation suffisante des motifs qui militent pour ou contre la proposition.

- Le paragraphe 8 rédigé comme le propose le gouvernement est adopté.

Article premier, paragraphe 9

« § 9. Pour l'amélioration du régime de la grande Nèthe, de l'Yser et du canal de Plasschendaele et de Nieuport par Furnes à la frontière de France, neuf cents mille francs : fr. 900,000. »

- Adopté.

Article premier, paragraphe 10

« § 10. Pour l'amélioration du régime des eaux de la Dendre, un million cinq cent mille francs : fr. 1,500,000. »

M. de Naeyer. - Messieurs, l'amélioration de la Dendre dans l'intérêt de l'agriculture et de la navigation, a été décrétée en 1851. Les travaux n'ont pas marché trop vite, puisque aujourd'hui ce qui reste à faire après huit années est bien plus considérable que ce qui a été fait.

La Chambre était tellement convaincue de l'impérieuse nécessité d'améliorer la Dendre, que la question a été décidée sans aucune opposition et en l'absence complète d'étude sérieuses. Le premier crédit voté était donc évidemment et essentiellement provisoire.

Messieurs, depuis lors des études complètes ont été ordonnées et l'on a bientôt reconnu que si l'on voulait établir dans la vallée de la Dendre une navigation en harmonie avec les grands intérêts de la province du Hainaut et avec les besoins toujours croissants des industries de cette riche province, il fallait en venir à une canalisation complète de la rivière. Je crois que tel a été l'avis unanime du conseil des ponts et chaussées. Cette question donc aujourd'hui n'en est plus une.

Cependant la canalisation complète d'une rivière est une mesure extrêmement grave et importante, qui, si elle n'est pas exécutée dans de bonnes conditions, peut devenir une véritable calamité, non seulement pour les propriétés riveraines, mais aussi et surtout pour les populations riveraines, et sous ce rapport les précautions qu'il est essentiel de prendre diffèrent nécessairement d'une vallée à l'autre.

J'ai eu l'honneur, dans la séance du 23 mai 1858, de soumettre à la Chambre et au gouvernement de nombreuses considérations en ce qui concerne la situation de la vallée de la Dendre, et j'ai alors insisté aussi vivement qu'il m'était possible sur la nécessité de ne pas se borner aux travaux réclamés pour la canalisation proprement dite, mais d'exécuter simultanément tous les ouvrages indispensables, afin de sauvegarder les intérêts de l'agriculture et aussi afin de garantir les populations et les villes situées dans la vallée de la Dendre contre le fléau des inondations.

Ces observations, l'honorable M. Partoes, qui était alors ministre des travaux publics, a bien voulu promettre de les prendre en considération. Je ne répéterai pas ce que j'ai eu l'honneur de dire alors ; je me permettrai seulement de recommander de nouveau mes observations à l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics.

Messieurs, les explications qui nous ont été données dans l'exposé des motifs, laissent beaucoup à désirer sous le rapport de la précision. Et puis, il y a quelques arguments ou quelques inductions qui ne sont pas de nature à nous rassurer complétement.

Ainsi je lis dans l'exposé des motifs page 25 :

« Il résulte des observations dont il s'agit que, dans la pensée de quelques membres des deux assemblées, il y a lieu de craindre que la canalisation de la Dendre, telle qu’elle est projetée, n'aggrave la situation des propriétés riveraines, tandis qu'au contraire, dans l'opinion (page 270) d'autres membres, ces travaux doivent profiter non seulement an commerce, mais aussi à l'agriculture. »

Les observations auxquelles on fait ici allusion sont celles qui avaient été présentées au sein de la Chambre des représentants et au Sénat. Il me paraît évident que la question est mal posée dans ce paragraphe.

On conteste en quelque sorte le fondement de nos craintes au sujet de la canalisation telle qu'elle est projetée. Mais nous ne savons pas comment elle est projetée. C'est ce que nous désirons savoir. Quelle est la section qu'on veut donner à la rivière ; quel redressement, quelle rectification se propose-t-on d'opérer ? Et puis quels ouvrages se propose-t-on de faire pour garantir les propriétés, ou au moins pour leur conserver les avantages de la position dont elles jouissent aujourd'hui ? Quels ouvrages veut-on faire pour préserver contre les inondations, notamment les villes de Ninove et d'Alost, car il est à remarquer que ce n'est pas seulement dans l'intérêt de l'agriculture que nous avons parlé.

Mais nous avons fait ressortir les dangers très graves dont pourraient être menacées les deux villes que je viens de nommer, si la canalisation se faisait dans certaines conditions ; voilà évidemment des points sur lesquels il conviendrait de nous donner des éclaircissements pour nous rassurer entièrement.

Je lis encore dans l'exposé des motifs :

« Si l'on consulte les résultats obtenus par les travaux analogues exécutés sur d'autres rivières du pays, on constate qu'ils donnent raison à cette dernière opinion, car il est à remarquer que partout on a atteint le double but que l'on s'est toujours proposé, de faciliter la navigation et l'écoulement des eaux. »

Eh bien, ce paragraphe est aussi bien énigmatique, car ces travaux analogues dont on parle, on ne les indique pas. Et puis, en cette matière il n'y a pas moyen de raisonner par comparaison, parce que les conditions varient essentiellement d'une vallée à l'autre. Les petites sont différentes ; les vallées diffèrent essentiellement en ce qui concerne leur étendue, leur configuration, le niveau des terrains comparativement à la rivière.

Autre point d'une importance extrême, il faut voir quelle est l'embouchure de la rivière qu'on veut canaliser et les ressources qu'on y trouve pour l'écoulement des eaux. Ainsi Namur où débouche la Sambre est à 60 ou 70 mètres au-dessus du niveau de la mer, tandis que la Dendre à Termonde subit l'influence de la marée : les eaux arrivent en amont pendant 24 heures et ne peuvent souvent s'écouler en aval que pendant 12 ou 13 heures. Quand on fait des comparaisons avec des termes si différents, il est impossible qu'elles soient concluantes.

On cite un seul exemple, c'est la Dendre canalisée en aval d'Alost, niais c'est encore un cas tout différent : on s'est borné là à travailler sur une étendue très peu considérable et tout à fait en aval de la rivière ; cela évidemment ne prouve rien quant aux résultats de travaux qu'on propose d'exécuter en amont sur une longueur quadruple ou quintuple.

Ensuite ces travaux supplémentaires que nous réclamons dans l'intérêt de l'agriculture étaient tout trouvés dans la vallée de la Dendre en aval d'Alost, parce qu'on a pu utiliser la vieille Dendre (erratum, page 287) pour l’assainissement des terrains humides, et que de l'autre côté de la rivière un ruisseau suivant une direction parallèle à la Dendre était pour ainsi dire une maîtresse-rigole toute faite.

Un autre exemple beaucoup plus concluant, c'est la petite Nèthe. La petite Nèthe a été canalisée par la province, mais sans qu'on ait pris les précautions que nous indiquons, et en peu de temps les prairies longeant cette rivière sont devenues des espèces de marais. Ensuite, la petite Nèthe canalisée a été remise à l'administration de l'Etat, et après bien des réclamations, on a reconnu la nécessité de faire ces maîtresses-rigoles ou contre-fossés que nous demandons comme devant être faits simultanément avec la canalisation.

Je ferai remarquer en passant que le remède tardif n'a pas complétement réparé le mal. Par suite de la suppression des moyens d'assainissement, ces prairies étaient devenues aigres et froides et il n'a pas suffi de faire des maîtresses-rigoles pour que cette aridité du sol fût enlevée (erratum, page 287) immédiatement. Pour restituer au sol son ancienne fertilité il a fallu en outre l'amender par l'emploi de cendres et autres substances de cette nature.

On avait fait disparaître la cause ou mal, mais le mal déjà produit (erratum, page 287) continuait de subsister.

Si pareille chose devait arriver dans la vallée de la Dendre, ce serait un immense malheur, car la valeur des prairies de cette vallée va jusqu'à 12 ou 15,000 francs par hectares.

J'espère que l'honorable ministre pourra nous rassurer un peu sur ce point, que dans le cas de canalisation, le gouvernement aura soin de faire en même temps des contre-fossés destinés à recueillir les eaux dans les bas-fonds et les conduire jusqu'en aval des écluses.

Il y a deux questions qu'il ne faut pas confondre et qui sont également dignes de toute l'attention du gouvernement, c'est la question de l’assainissement et des irrigations, et la question des inondations. Ces deux questions sont distinctes. Ainsi on pourrait faire tout ce qui est nécessaire pour assurer aux prairies des moyens d'assainissement et n'avoir rien fait pour remédier aux inondations.

Et vice-versa, on pourrait exécuter un ensemble de travaux qui pourraient être considérés comme un remède efficace contre les inondations et laisser entièrement en souffrance l'autre intérêt que j'ai signalé.

Messieurs, voici la question bien simple, en ce qui concerne les assainissements.

Dans la vallée de la Dendre, comme sans doute dans plusieurs autres vallées, la superficie du sol forme en plusieurs endroits une espèce de cuve de chaque côté de la rivière, c'est-à-dire que le terrain s'élève sur les bords de la rivière, puis s'abaisse un peu et puis se relève. Comment s'opère aujourd'hui l'assainissement des terrains situés très bas et même au-dessous de la ligne de flottaison ? Cet assainissement s'opère par suite de l'intermittence de la navigation.

Après que la navigation a eu lieu, les eaux descendent très bas, et souvent la rivière est pour ainsi dire à sec.

Eh bien, ces moments sont utilisés pour assainir (erratum, page 287) ces terrains bas et pour faire écouler les eaux surabondantes.

Or, cette baisse des eaux est absolument incompatible avec une navigation permanente ; si vous tenez toujours vos eaux au niveau de la ligne de flottaison, l'assainissement devient une impossibilité pour ces terrains bas, surtout en amont des écluses. De là, puisqu'on supprime en quelque sorte la rivière sous ce rapport, en la transformant en un canal, de là résulte l'indispensable nécessité de créer d'autres moyens, c'est-à-dire de construire les contre-fossés ou maîtresses-rigoles dont j'ai eu l'honneur de parler ; il pourra en résulter une dépense assez considérable, mais c'est évidemment une question de justice.

J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien nous donner l'assurance que le gouvernement comprend la nécessité que je viens de signaler et que les études seront faites dans cet ordre d'idées.

Je ferai remarquer que la question d'assainissement est absolument indépendante du système de canalisation. Adoptez tel mode de canalisation que vous voulez, le même inconvénient existe toujours, car ceci tient à la substitution d'une navigation permanente à une navigation immédiate, et du moment que vous canalisez, c'est en vue d'avoir une navigation permanente. Dès lors la baisse régulière vient à disparaître ; il y a donc nécessité absolue de faire d'autres ouvrages pour remplacer les moyens actuels d'assainissement qu'on supprime, notamment pour les prairies en amont des écluses.

Quant à la question des inondations, elle tient absolument au mode de canalisation qui sera adopté. Si l'on veut canaliser la Dendre de manière que des bateaux de 220 tonneaux puissent se croiser sur tout le parcours de la rivière, il est évident pour tous ceux qui connaissent les localités, que la section de la rivière devra être considérablement agrandie. Ainsi, pour un canal de ce genre, il faudrait 8 à 10 mètres (erratum, page 287) de largeur au plafond ; la Dendre en a 4 ou 5 et quelquefois 6.

Ce qui sera encore indispensable, ce sera de faire des rectifications et des redressements considérables sur plusieurs points. Il me paraît évident que si l'on remanie la Dendre de cette façon, l'écoulement des eaux vers l'aval sera beaucoup accéléré aussi.

Dès lors, il y a nécessité d'agrandir aussi les débouchés dans la traverse des villes. On me dira peut-être que la position du territoire d'aval ne sera pas aggravée si l'on fait partout l'agrandissement dans les mêmes proportions. Je veux bien admettre cela jusqu'à un certain point ; cependant cet agrandissement proportionnel ne remédiera pas encore tout à fait au résultat que doivent produire les redressements et les rectifications.

Mais il reste toujours incontestable qu'en cas de débordement surtout, les eaux arriveront en beaucoup plus grande quantité vers les villes dont les maisons s'étendent sur les deux rives et qu'elles produiront les résultats les plus désastreux, si l'on négligeait d'augmenter considérablement les débouchés actuels : Ceci s'applique surtout aux villes de Ninove et d'Alost, et ici la question se complique un peu parce que, en augmentant dans des proportions nécessaires les débouchés dans la traverse d'Alost, il faudra examiner si la Dendre en aval de cette ville aura la capacité suffisante pour loger les eaux en attendant qu'elles trouvent un écoulement à Termonde.

Je me permets de signaler ces points très graves à l'attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics, et j'espère au moins qu'il pourra nous rassurer sur la question de savoir si le gouvernement est d'intention de faire simultanément avec les travaux de canalisation proprement dits, les contre-fossés ou maîtresses-rigoles dont j'ai parlé et de faire agrandir dans la mesure des nouveaux besoins les débouchés dans les villes d'Alost et de Ninove, que j'ai l'honneur de recommander particulièrement à sa bienveillance et à sa justice.

M. J. Jouret. - Comme nous l'a dit tout à l'heure, messieurs, l'honorable M. de Naeyer, il a présenté l'année dernière déjà, et avec des développements infiniment plus étendus, les observations que vous venez d'entendre de sa part.

A cette époque, j'ai tâché de lui répondre dans la limite de ce qui m'était possible, et je me rappelle, à cette occasion, de m'être complétement récusé en faisant remarquer à l'honorable M. de Naeyer qu'il m'était impossible de le suivre dans les détails essentiellement techniques dans lesquels il était entré.

(page 271) L'honorable M. de Naeyer m'a répondu alors que ses observations étaient simplement fondées sur le bon sens. Je l'ai admis et je l'admets encore ; mais, tout en reconnaissant que, mieux que personne, l'honorable membre peut parler avec autorité en s'en rapportant à son bon sens, je crois qu'il est prudent, en ces sortes de matières, de prendre en grande considération l'opinion des ingénieurs.

Je persiste à croire que la canalisation au moyen de l'établissement d'écluses à sas n'est nullement de nature à faire naître des dangers pour les propriétés riveraines, et il n'est pas besoin, je pense, de connaissances techniques pour s'en convaincre. Du reste, vous avez pu remarquer, messieurs, que l'honorable M de Naeyer présente des observations d'une manière infiniment moins absolue que l'année dernière, et je crois que nous sommes bien prêts de nous entendre.

Ce qui prouve qu'il n'y a pas de danger pour les propriétés riveraines à l'établissement d'écluses a sas, c'est d'abord que déjà une partie de la Dendre est canalisée de cette manière et qu'on ne voit pas s'y produire ces inondations que l'honorable membre paraît redouter ; c'est ensuite que le même système a été appliqué sur la Sambre, sur la Meuse, sur l’Ourthe, etc., et que nulle part on n'a eu l'occasion de signaler les inconvénients que l'on attribue à la création d'écluses à sas.

La Chambre se rappellera que lors de la discussion de 1858, j'ai interpellé 1 honorable bourgmestre de Charleroi, l'honorable M. Charles Lebeau, sur le régime des eaux de la Sambre canalisée, et l’honorable M. Lebeau m'a répondu que le régime de cette rivière était excellent.

Il n'y a pas un ingénieur qui ne soit de cet avis, que le système qu'on propose pour la Dendre n'offre pas le moindre danger.

Un seul ingénieur a paru un instant avoir des idées contraires mais ces idées lui sont venues dans les derniers temps de sa carrière ; je veux parler de M. Walters. Et encore n'a-t-il émis ces idées qu'avec beaucoup de réserve ; de sorte que, on peut le dire, son avis n'est guère de nature à infirmer l'opinion unanime de ses collègues.

On peut donc poser en fait qu'il n'est pas de rivière en Belgique, en France ou ailleurs, où le système de canalisation projeté pour la Dendre ait produit les résultats désastreux que paraît craindre l'honorable M. de Naeyer.

Je crois, au contraire, que le système de canalisation au moyen d'écluses à sas est le meilleur, le plus facile pour parvenir tout à la fois à l'irrigation des propriétés et à l'écoulement des eaux surabondantes.

Qu'il me soit permis de présenter encore quelques courtes observations à cet égard.

La navigation sur la Dendre se fait actuellement au moyen de barrages et de batardeaux. Deux fois par semaine les eaux sont élevées à une hauteur qui les déverse en certaine quantité dans les bas-fonds de la vallée sans avoir néanmoins les moyens d'écoulement qu'elles auront dorénavant par suite de la canalisation ; il y a par semaine deux jours de rames. Après cela, quand les eaux ont débordé et ont envahi les bas-fonds de la vallée, il y a nécessité de les relever à une certaine hauteur, le jour même de navigation, afin que les usines établies sur la Dendre puissent recommencer à travailler.

Dans le système actuel donc, l'écoulement des eaux est certainement imparfait, et c'est à cette circonstance qu'il faut attribuer que certaines parties de la vallée de la Dendre sont encore à l'état de véritables marécages. Il en est ainsi notamment à Ideghem et dans d'autres parties, rares du reste, de la haute Dendre ; ainsi, c'est entre Ninove et Alost et dans d'autres localités encore que l'honorable M. de Naeyer doit connaître comme moi.

Or, il ne peut être obvié à cet état de choses que par le système de canalisation et d'asséchement qu'on propose. Au moyen de ce système, en effet, les eaux seront toujours à une hauteur moyenne qui permettra d'irriguer avec intelligence les propriétés riveraines, car il n'y a nul doute qu'on ne fasse les ouvrages dont a parlé l'honorable M. de Naeyer.

Je dois regretter seulement, à cet égard, que les bonnes intentions de M. Partoes, prédécesseur de M. le ministre des travaux publics actuel, n'aient pas été plus promptement suivies d'effet. Si l'on avait pu joindre au projet de loi les plans et les devis, il est certain que nous aurions toute espèce de satisfaction.

On peut donc dire, messieurs (lorsque l'on veut comparer les deux systèmes), que par le système actuel, on a les eaux retenues forcément et dont on ne peut pas toujours se débarrasser. Par le système de canalisation qui a été exécuté, on a au contraire les eaux reçues à volonté, utilisées avec intelligence et d'une manière permanente à l'irrigation, et dont on peut, quand cela devient désirable, se débarrasser avec facilité.

Messieurs, les ingénieurs sont unanimes à cet égard, le système de canalisation est bon, et exécuté comme il doit l'être, il ne peut offrir d'inconvénient.

Je ne puis donc que me joindre à notre honorable collègue M. de Naeyer qui pense qu'on ne doit pas perdre de vue les ouvrages accessoires sérieux qui doivent sauvegarder d'une manière complète l'intérêt de l’agriculture.

(page 287) M. de Naeyer. - Quelques observations de l'honorable préopinant pourraient faire supposer que j'ai combattu autrefois le projet de canalisation de la Dendre.

Messieurs, il n'en est absolument rien ; au contraire, j'ai toujours appuyé ce beau projet autant qu'il était en mon pouvoir ; toutes mes paroles, toutes mes démarches en font foi, et Dieu merci, je n'en suis pas à ignorer que le système de canalisation au moyen d'écluses à sas est le plus parfait ; mais ce que j'ai combattu et ce que je continue à combattre de la manière la plus absolue, c'est la canalisation sans les travaux complémentaires nécessaires pour sauvegarder les intérêts de l'agriculture, en assurant aux propriétés riveraines des moyens d'assainissement et d'irrigation.

Ce que j'ai toujours combattu et ce que je continue de combattre aussi énergiquement que jamais, c'est la canalisation sans l'agrandissement des débouchés dans la traverse des villes, sans toutes les précautions indispensables pour mettre cette belle et riche vallée de la Dendre à l'abri du fléau des inondations.

Et je ne puis que répéter ce que j'ai dit dans d'autres circonstances : Si la canalisation se faisait dans des conditions autres que celles que je viens d'indiquer sommairement, sans doute elle pourrait être un bienfait pour le Hainaut, dont l'intérêt se résume pour ainsi dire entièrement dans celui de la navigation ; mais elle serait une véritable calamité, une révoltante injustice pour la province de la Flandre orientale qui forme le territoire d'aval, et qui serait indignement sacrifiée.

D'après les assurances positives qui m'ont été données, je dois espérer que le gouvernement ne perdra pas de vue ces points essentiels d'une si haute importance. Toutefois, j'aurais cru manquer à un devoir sacré si j'avais négligé de faire ressortir, autant qu'il est en mon pouvoir, cette vérité incontestable ; qu'en canalisant la Dendre le gouvernement touche à des intérêts très nombreux et extrêmement importants, que sa responsabilité est immense, et que tontes les mesures de précaution possibles ne sauraient être trop soigneusement étudiées et appliquées.

Messieurs, je dois le reconnaître, parmi toutes les questions appartenant à l'ordre des intérêts matériels, il n'en est aucune qui m'ait plus vivement préoccupé que celle de l'amélioration de la Dendre, si intimement liée à la prospérité de l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte.

J'ai toujours formé les vœux les plus ardents pour la réalisation d'une pensée magnifique et féconde qui date de plus d'un siècle, et qui a pour objet la création d'une ligne de grande navigation dans la vallée de la Dendre, destinée à relier directement la province du Hainaut au bas Escaut.

Mais, d'un autre côté, j'ai été effrayé en songeant aux mesures désastreuses qui ont été amenées assez souvent par le remaniement des fleuves ou rivières. Il me paraît évident que les travaux de canalisation de la Dendre doivent être combinés de manière à réaliser sur cette rivière une navigation avec des bateaux de 220 tonneaux ; l'exécution de tout autre projet serait une faute qui devrait être réparée dans un avenir très prochain et dont il résulterait ainsi des dépenses eu pure perte. Mais préoccupé toujours des moyens de prévenir les inondations, je me suis demandé souvent s'il fallait absolument que ces bateaux de 220 tonneaux pussent se croiser sur tout le parcours de la rivière, car alors il faudrait adopter une section de 8 à 10 mètres au plafond, ce qui entraînerait la nécessité de doubler à peu près la largeur actuelle delà Dendre qui n'est assez généralement que de 4, 5 ou 6 mètres.

Or, je crois avoir expliqué que la difficulté de remédier aux inondations augmente dans la proportion des agrandissements qu'on apporte au lit actuel de la rivière. Je crois donc qu'il conviendrait d'examiner si on ne pourrait pas se contenter d'une section de 5 à 6 mètres en établissant quelques bassins d'évitement où les navires pourraient se croiser. J'appelle sur cette idée l'attention la plus sérieuse du gouvernement ; car on ne saurait prendre trop de précautions pour prévenir les inondations qui sont toujours une véritable calamité pour les populations riveraines et qui, lorsqu’elles se produisent en été, entraînent des pertes réellement incalculables. Quoi qu'il arrive, je pourrai au moins me rendre ce témoignage que je n'ai rien négligé pour avertir le gouvernement et lui faire connaître toute la responsabilité qui pèse sur lui.

(page 271) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je prolongerai d’autant moins cette discussion, qu'il me semble que nous sommes tous d'accord.

L'honorable membre a fait remarquer que les inondations seraient désastreuses pour l'agriculture et qu'on ne peut pas nuire à celle-ci sous prétexte de favoriser l'industrie. C'est ce que je reconnais sans difficulté. Je pense, en ce qui me concerne, que lorsque, dans un travail de canalisation, l'intérêt de l'agriculture est en conflit avec l'intérêt de l'industrie, c'est au premier qu'il faut donner le pas. La raison en est, suivant moi, que dans ce cas, la perte pour l'agriculture s'élève à des millions là où le gain pour l'industrie ne s'élève pas à des cent mille francs.

M. Coomans. - C'est évident.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Tous les hommes de l'art sont d’accord sur le système qui doit être suivi dans la canalisation de la Dendre, afin de favoriser à la fois l'industrie et l'agriculture. Je n'entrerai pas à cet égard dans des détails techniques ; je me bornerai à quelques indications générales.

L'étude de la question n'a pas été interrompue par la mort de M. l'ingénieur Wolters Seulement son successeur, M. l'ingénieur Carez, a dû l'examiner à nouveau. Il y a un point sur lequel cet ingénieur a encore à se mettre d'accord avec son collègue du Hainaut, c'est sur la section à donner au canal. Mais sur les principes généraux à appliquer, ils sont d'accord dès à présent. Ce sont ceux de tout travail de canalisation.

M. de Naeyer. - Sont-ils d'accord sur les contre-fossés ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je dis qu'ils ont encore à se mettre d'accord sur la section à donner au canal, mais qu'ils le sont sur les principes généraux à suivre. Ces principes, les voici : Un travail de canalisation comporte presque partout l'établissement de barrages ou d'écluses, des approfondissements, des rectifications du cours d'eau, enfin la construction de contre-fossés ou de maîtresses-rigoles là où la différence de niveau de la rivière et des terres riveraines le commande pour l'assainissement de celles-ci. Ces principes seront suivis, et on fera tout ce qu'il faut pour que l'agriculture ait plus à gagner qu'à perdre par la canalisation projetée. Je pense donc que l'honorable membre peut être complétement rassuré.

- Le paragraphe 10 est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphe 11

« § 11. Pour travaux à exécuter à l'Escaut supérieur dans le but d'améliorer l'écoulement des eaux, la navigation et le halage : fr. 550,000. »

M. Tack. - Messieurs, la question de la canalisation de l'Escaut soulève les mêmes observations que celles qui ont été présentées tout à l'heure par l'honorable M de Naeyer à propos de la Dendre au point de vue des intérêts de l'agriculture. Du reste, ainsi qu'il est très bien dit dans le rapport de la section centrale, les droits de l'agriculture sont souvent sacrifiés aux intérêts de la batellerie par les travaux de rectification ou de canalisation que l'on exécute sur les fleuves et rivières.

A cette occasion je viens signaler à M. le ministre des travaux publics et en même temps à M. le ministre de l'intérieur un fait grave qui se produit depuis quelque temps sur les rives du haut Escaut. On a construit sur l'Escaut un barrage dans la commune d'Espierre et un autre dans celle d'Autryve. Par le moyen de ces deux ouvrages d'art on opère régulièrement un gonflement considérable dans le bief qui sépare ces deux localités en un mot, on élève la ligne de flottaison.

Un ruisseau appelé l'Espierre a son embouchure dans le bief que je viens d'indiquer ; par suite de l'élévation artificielle du niveau des eaux de l'Escaut, l'Espierre n'a plus un écoulement constant dans le fleuve ; souvent ses eaux refluent vers leur source, débordent et inondent les prairies riveraines. Or, messieurs, ce ne sont pas à proprement parler des eaux que l’Espierre amène à l'Escaut, c'est du limon pestilentiel, c'est un liquide infect et qui par son séjour sur les prairies brûle les herbes, les détruit littéralement ; il en résulte que les propriétés dont s'agit ont perdu toute leur valeur.

Je n'exagère rien ; l’honorable ministre de l'intérieur a pu juger par un échantillon des eaux de l'Espierre qu'on a soumis à son inspection à quel degré d'infection sont arrivées ces eaux. L'Espierre est devenue l'égout des fabriques de Roubaix. C'est donc de France que nous viennent les eaux corrompues qui occasionnent tant de dégâts sur les rives de l'Escaut.

Moyennant un très léger sacrifice il serait facile de remédier aux inconvénients que je signale ; il suffirait pour cela d'établir, comme l'a proposé pour la Dendre l'honorable M. de Naeyer une rigole maîtresse ou contre-fossé pour opérer ainsi la décharge de l’Espierre en aval du barrage d'Autryve.

La distance entre l'embouchure de l'Espierre et le barrage d'Autryve n'est pas grande, et par conséquent la dépense à faire serait insignifiante, surtout en comparaison du résultat à obtenir. Au demeurant, il n'est pas davantage permis à l'Etat qu'à des particuliers d'occasionner des dommages aux propriétés privées. Or, les dégâts causés aux prairies qui avoisinent l'Espierre sont bien le fait de l'Ett.

C'est l'Etat qui a changé les dispositions naturelles des lieux dans l'intérêt de la navigation, mais au détriment de l’agriculture.

J'espère que MM. les ministres des travaux publics et de l'intérieur prendront mes observations en très sérieuse considération et veilleront à ce qu'il soit porté un prompt remède au fâcheux état de choses sur lequel je viens d'appeler leur attention.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Vous voyez qu'en cette circonstance, comme en beaucoup d'autres, la section centrale s'est occupée de la lutte presque perpétuelle qui existe entre les intérêts de la navigation et ceux des propriétés riveraines. Je crois qu'il suffit (page 272) des déclarations que vient de faire M. le ministre des travaux publics, et qui déjà avaient été faites par ses prédécesseurs, pour attirer toute l'attention du corps des ponts et chaussées sur ce double intérêt, et je crois que avec une légère dépense supplémentaire et quelques travaux accessoires, il serait facile de concilier les deux intérêts.

Presque toutes les sections ont appelé sur ce point l'attention de la section centrale qui s'en est occupée, et, comme vous le voyez, il en est fait mention dans le rapport.

Je pense donc qu'on peut être sans inquiétude à cet égard et que, dans les études qui seront faites par suite même des expériences malheureuses des anciens travaux, on trouvera moyen de concilier ces deux grands intérêts ; et, encore une fois, s'il fallait faire fléchir l'un pour l'autre, mieux vaudrait préférer les intérêts de l’agriculture à ceux du batelage. C'est ce que M. le ministre des travaux publics vient de reconnaître.

Je crois que sur ce point comme sur bien d'autres le corps des ponts et chaussées sera appelé à porter toute son attention et à chercher des remèdes pour faire cesser les plaintes qui réellement sont fondées, à l'égard de plusieurs de nos rivières canalisées. Ainsi, sur le haut Escaut, des parties considérables de prairies ont été détériorées par suite des travaux qui ont été exécutés, et cela non dans un seul endroit, mais sur une grande étendue de terrain. Je suis persuadé que si l'on faisait une enquête à cet égard, on constaterait que des dégâts considérables ont été occasionnés par suite des travaux exécutés, soit parce qu'on n'a pas pris les précautions nécessaires, soit parce qu'on regarde de trop près à la dépense.

Eh bien, je pense qu'une dépense un peu plus considérable serait autorisée par tout le monde, parce qu'il s'agit de répondre à un immense intérêt, qui est celui des propriétés riveraines.

- Le paragraphe est adopté.

Article premier. Paragraphe 12

« § 12. Pour la part de l'Etat dans les frais de construction d'un aqueduc latéral à la Meuse, entre le bassin d'Avroi et le canal de Liège à Maestricht, deux cent dix mille francs : fr. 210,000. »

- Adopté.

Article premier. Paragraphe 13

« B. Routes. Paragraphe 13. Pour travaux de raccordement de routes, tant au chemin de fer de l'Etat qu'aux chemins de fer concédés, cinq cent mille francs : fr. 500,000. »

La section centrale propose de porter le crédit à 1,000,000 de francs. Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition ?

M. Nélis. - Messieurs, je félicite le gouvernement d'avoir proposé dans le projet de travaux d'utilité publique une allocation pour relier les communes aux stations des chemins de fer. Je le félicite de destiner l'application de ce crédit aux besoins les plus urgents sans faire de distinction entre les chemins de fer concédés et ceux explorés par l'Etat. Le gouvernement doit protection paternelle à tous sans faveur pour personne.

Dans la session de 1857 à 1858, j'ai eu l'honneur d'attirer l'attention du gouvernement sur ce point, et c'est parce que j'en reconnais la très grande utilité que j'appuierai de mon vote la proposition de la section centrale d'élever à un million le chiffre proposé au projet. Je regrette même que ce chiffre ne soit pas plus élevé.

Dans la construction des chemins de fer, on n'a pas assez tenu compte des intérêts des campagnes ; il est temps que l'on s'en occupe. Plus vous rendrez facile l'accès aux stations des chemins de fer, plus vous contribuerez au développement de toutes les sources de prospérité.

Des travaux semblables profilent à tous, et ils ne sont, pour ainsi dire, onéreux à personne, car pour l'Etat ce ne sera pas un sacrifice, mais au contraire des fonds placés à gros intérêts. Exploitant par lui-même de nombreuses ligues de chemins de fer, il profitera immédiatement de l'augmentation de trafic qui résultera de l'exécution de chemins affluents, et en contribuant à la prospérité des lignes concédées, il diminuera la somme qu'il doit payer chaque année pour le minimum d'intérêt qu'il a garanti à quelques-unes de ces lignes.

Si le crédit proposé par la section centrale, et qui sera probablement voté par la Chambre, et employé avec discernement et équitablement, comme je n'en doute pas, l'on doit attendre les meilleurs fruits du premier pas que l'on fait dans cette voie.

Si le concours des communes intéressées est réclamé par le gouvernement, ce ne serait ni avec moins de raison ni avec moins de justice que l'on demanderait, que l'on exigerait même le concours pécuniaire des compagnies qui exploitent les chemins de fer, qui seront favorisés par l'exécution de ces affluents.

Elles sont appelées à retirer le bénéfice qui sera produit par l'augmentation du mouvement des personnes et des choses. Il est donc juste qu'elles participent dans la dépense. Je me joins à la section centrale pour attirer sur ce point toute l'attention de l'honorable ministre des travaux publics.

C’est une autre observation que je désire soumettre à l'honorable ministre : c'est de ne pas disséminer les ressources qui seront mises à sa disposition sur un trop grand nombre de chemins à la fois sans avoir les moyens de les achever. On oublie trop souvent que le coût d'un travail quelconque ne se compose pas seulement des sommes dépensées pour son exécution, mais encore des intérêts de ces sommes jusqu'à son achèvement, ou au moins jusqu'à ce qu'il puisse rendre à la société les services ou l'utilité attachés à sa construction. Si l'on appliquait ce calcul aux travaux publics exécutés dans le pays, il y en a quelques-uns qui s'élèveraient à des chiffres très élevés.

Il importe également de ne pas construire de route pavée là où il serait plus utile d'établir un chemin de fer, soit à grande, soit à petite section. On évitera ainsi de faire des dépenses qui pourraient devenir inutiles. L'honorable collègue M. E. Vandenpeereboom nous a signalé hier l'opportunité d'essayer l'usage de chemins de fer de second ordre, construits dans de bonnes conditions et avec toute l'économie qu'ils comportent. Je partage l'opinion de l'honorable membre sur l'utilité que l'on pourrait retirer de ces ramifications de notre système général de voies ferrées. Partout où vous ferez pénétrer ces agents civilisateurs par excellence, vous y ferez naître l'industrie et le commerce, vous donnerez à l'agriculture les moyens de se perfectionner.

Lorsqu'on aura relié aux chemins de fer les communes qui par leur position peuvent être appelées à user de ces voies de communication si économiques, on n'aura pas tout fait pour les campagnes ; il faudra aussi penser aux communes condamnées à n'avoir ni chemin de fer ni canaux. Ces communes, et le nombre en est grand, ont contribué dans les dépenses exigées pour tous les travaux publics qui font la gloire et la prospérité du pays ; il est donc de toute justice qu'elles obtiennent une compensation. Je vous avoue que je ne vois qu'un seul moyen d'améliorer leur position sous ce rapport, c'est l’abolition des droits de barrière sur les routes de l’Etat.

Mon intention n'est pas de traiter cette question dans ce moment, je ne fais que l'indiquer aux méditations des honorables membres de cette Chambre et des honorables ministres qui dirigent les affaires du pays.

M. David. - Le crédit qui nous est demandé a principalement pour objet de raccorder certaines localités aux stations de chemin de fer. Je me permettrai à ce sujet de recommander à M le ministre des travaux publics le petit bout de route qui partirait d'Olne et déboucherait de la station de Nessonveaux.

Quoique ce village très important ne soit qu'à cinq quarts de lieue de la station, il n'y a réellement point d'accès. Le chemin de fer existe aujourd'hui est une route dans un ruisseau et presque toute l'année il est impraticable.

Toute cette contrée d'Olne est extrêmement industrielle. Vous y avez la clouterie, l'industrie des armes ; vous y avez des exploitations de mines ; vous avez même une houillère non loin de Rahier, hameau qui appartient à la commune d'Olne. Ce plateau est aussi fort important au point de vue de l'agriculture.

Le petit bout de route que je réclame relie toute la route d'Olne à l'ancienne route d'Aix-la-Chapelle à Liège et à la route d'Ensival à l'endroit nommé la Bascule, la Maison brûlée à Soumagne. Il est donc extrêmement important pour tout ce grand plateau d'Oine, de Xhendelesse, Rahier, Forêt, etc.

Les communes de Nessonveaux et d'Olne ont offert de contribuer à la dépense pour l'établissement de cette route. Quand la commune d Olne a offert 200,000 fr., la commune de Nessonveaux a offert 100,000 fr. ce qui prouve bien toute l'importance du petit raccordement en question.

J'espère que quand il s'agira de répartir le crédit d'un million, M. le ministre prendra en considération l'utilité du bout de route que je demande et pourra lui faire une part convenable.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Messieurs, je ne veux pas parler sur l'article, puisqu’il n'y a pas d'opposition. Je veux seulement dire que comme le tableau qui est indiqué à la page 46 est visé dans la loi, je crois qu'il faudra autoriser M. le ministre des finances, au second vote, à changer ce tableau puisqu’il est invoqué dans la loi, et qu'il conviendrait alors de porter à la seconde colonne les 500,000 fr. que la Chambre paraît disposée à voter en plus.

M. Rodenbach. - Je n'ai que quelques mots à dire.

Il y a aussi dans l'arrondissement de Roulers des communes qui ont réclamé des bouts de routes pour arriver aux stations. Je citerai notamment Rhumbeke, Gils et Hooghlede.

J'attire aussi l'attention de M. le ministre sur l'utilité qu'il y aurait à construire des bouts de route.

- Le chiffre d'un million est mis aux voix et adopté.

Article premier. Paragraphe 14

« C. Chemin de fer. § 14. Pour le parachèvement du chemin de fer de l'Etat, savoir :

« Voie : fr. 1,600,000.

« Doubles voies : fr. 700,000.

« Stations et dépendances : fr. 5,150,000.

« Ensemble : fr. 7,450,000. »

M. Moncheur. - Messieurs, dans l'exposé des motifs, je lis à propos de ce paragraphe, ce qui suit :

« L'annexe n°15 contient le détail des travaux qui restent à effectuer pour parachever les routes et (page 273) stations du chemin de fer de l’Etat. » Or, en consultant ce tableau, je vois que les chiffres ne sont pas en rapport avec les besoins de certaines stations que je connais plus particulièrement.

Ainsi pour la station de Namur, qui, pour le dire en passant, vient, comme importance, en seconde ligne entre toutes les stations du pays, vu qu'il n'y a que la station d'Anvers qui la prime ; pour la station de Namur, dis-je, je vois que le chiffre n'est que de deux cent et des mille francs, ce qui est très insuffisant.

Or, je demande à M. le ministre des travaux publics s'il se croit lié par le tableau dont je viens de parler ou s'il se croit autorisé à faire pour les stations toute la dépense qui sera jugée nécessaire dans chaque localité. Je ne voudrais pas, quint à moi, que ce tableau pût être considéré en quoi que ce fût comme ayant été implicitement et virtuellement adopté par la Chambre.

Evidemment les besoins qui seront constatés doivent être satisfaits.

Je profite de cette occasion pour recommander à M. le ministre des travaux publics de faire mettre la main à l'œuvre, le plus tôt possible, à l'agrandissement de cette station de Namur, qui, on le sait, est dans un état tel que tout te monde, voyageurs et ouvriers, y courent un véritable danger.

Tout y manque : l'espace pour le chargement des marchandises encombrantes et nombreuses qui y affluent pour être expédiées dans tous les sens, les bâtiments, les voies d'évitement ; tout enfin y fait défaut.

J'invite donc l'honorable ministre des travaux publics à satisfaire d'une manière prompte et convenable à ces besoins urgents de la station de Namur.

J'aurai l’honneur de lui rappeler en outre qu'il manque aussi des bâtiments pour un entrepôt des douanes ; c'est là un objet dont il a été très souvent question dans cette Chambre et dont je l'ai moi-même souvent entretenu.

- Un membre. - C'est une dépense de la ville.

M. Moncheur. - Je sais que la dépense incombe à la ville, mais je ferai remarquer que lorsque la ville demande qu'on lui désigne l’emplacement, on lui répond qu'on n'est encore arrêté sur rien quant à l'affranchissement de la station ni quant à la manière dont elle sera agrandie. Je demande que le gouvernement prenne une résolution définitive à cet égard.

M. Notelteirs. - Messieurs, j'ai à faire des observations de la nature de celles de M. Moncheur, relativement à la station de Lierre. Je ne vois pas figurer parmi les stations à construire, la station de Lierre.

Cependant le chemin de fer de Contich à Lierre est en exploitation depuis quatre ou cinq ans. et il n'y a pas à Lierre la moindre petite station. C'est là une nécessité absolue à laquelle il doit être pourvu. (Interruption.)

Mon observation me paraît parfaitement justifiée et à sa place. Le détail du crédit demandé n'assigne rien à la station de Lierre, et cependant la loi qui nous occupe dispose des ressources à venir de cinq ou six ans. Je ne puis admettre que nous attendions encore pendant six années la satisfaction aux besoins que je viens de signaler.

M. Thibaut. - L'année dernière, la section centrale avait demandé au département des travaux publics, à l'occasion de l'examen du projet du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, des renseignements concernant le chemin de fer de Namur à la frontière de France par Dinant.

La question du chemin de fer de Bruxelles à Louvain devant être ajournée, je renouvelle, à propos du crédit destiné au parachèvement du chemin de fer de l'Etat, la demande de renseignements sur celui qui est décrété pour relier Namur et Givet.

L'honorable ministre des travaux publics répondit l'an dernier à la section centrale « que les actionnaires de la compagnie du Nord avec laquelle la compagnie de Liège à Namur a traité, étaient convoqués en assemblée générale pour le 15 juillet, aux fins d'approuver les mesures prises pour mettre à exécution les travaux de la section dont il s'agit. »

Cette assemblée a eu lieu ; les mesures ont été approuvées ; néanmoins on ne met pas la main à l'œuvre, je prie l'honorable ministre de bien vouloir nous apprendre si au moins les plans sont achevés et approuvés par son département.

M. Faignart. - Messieurs, d'après le projet de loi, je ne vois plus rien figurer pour le chemin de fer de Mons à Manage. Il est dit dans le rapport qu'une somme de 1,900,000 fr. serait nécessaire pour mettre le chemin de fer dans un état parfait d'exploitation ; on dit en outre que ce travail fera l'objet d'une autre demande de crédit. Je crois qu'il eût été beaucoup plus simple, puisqu'on demandait un chiffre global pour tous les travaux, de comprendre dans ce chiffre la somme nécessaire pour le chemin de fer de Mons à Manage. Ce chemin de fer acquiert tous les jours un plus grand profit, surtout depuis l'établissement de hauts fourneaux qui nécessitent un transport considérable de marchandises.

Il faut, d'aptes l'évaluation du gouvernement lui-même, une dépense de 1,900,000 fr. Comme cette somme n'est pas comprise dans le crédit global, je demande qu'on prenne sur les 7,450,000 proposés ce qui sera nécessaire pour les besoins les plus urgents du chemin de fer de Mons à Manage.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Moncheur m'a demandé si le tableau qui suit le projet de loi est limitatif pour le gouvernement en ce sens que les sommes portées à ce tableau ne pourraient pas être dépassées. Ce tableau, messieurs, est limitatif, et il ne l'est pas ; il est limitatif en ce sens qu’il a été dressé sur de premières évaluations, que ce ne sont pas des chiffres en l'air. Cependant ces évaluations ne sont pas tellement rigoureuses que dans l’exécution tel ou tel crédit indiqué ne pourrait pas être dépassé lorsqu'il y aurait des besoins bien constatés.

L’honorable membre m'a recommandé la station de Namur et il s'est étonné que le crédit porté pour cet objet ne soit pas supérieur à 240,000 francs.

Quant à l'urgence de faire à Namur une station convenable, il y a longtemps que nous sommes d'accord à cet égard. Il y a eu des difficultés provenant du génie militaire, mais je crois que ces difficultés seront très prochainement levées, si même on ne peut les considérer comme levées dès à présent.

Je rappellerai que la station de Namur doit être faite à frais communs par l'Etat, la compagnie du Nord et la compagnie du Luxembourg, ce qui fait que le crédit présenté au tableau doit être considéré comme triplé.

L’honorable M. Notelteirs a parlé de la station de Lierre ; je crois que j'ai encore des fonds suffisants pour couvrir la part qui incombe à l'Etat pour la station de Lierre. C’est du reste un objet dont l'administration s'occupe.

L'honorable M. Thibaut a demandé où en était la ligne ferrée de Namur à Givet par Dinant. La Chambre se rappellera qu'il y a peu de temps elle a voté quelques changements au cahier des charges de cette entreprise. La compagnie du Nord, substituée aux concessionnaires primitifs, s'occupe activement de la mise à exécution de celle-ci. Eu ce moment elle négocie ses obligations. Elle a déjà soumis ses plans quant au tracé. Ils lui ont été renvoyés pour certaines modifications à y apporter, pour certaines études complémentaires à faire. Je pourrai, au premier jour, approuver les plans définitifs, et je ne doute pas que la compagnie du Nord ne mette aussitôt la main à l’œuvre.

M. Carlier. - Mon honorable collègue M. Moncheur se plaint de ce que dans la répartition du crédit de 7,450,000 demandé pour le parachèvement du chemin de fer de l'Etat la station de Namur ne figure que pour la somme de 241,500 francs.

Comme député de Mons j'aurais bien mieux sujet de me plaindre, puisque la station de cette ville ne figure au projet que pour 15,000 francs.

Je me suis expliqué à ce sujet avec MM. les ministres qui m'ont promis qu'après la démolition des fortifications de Mons, on ferait choix d'un terrain propre à l'édification d'une station et que le crédit nécessaire serait alors demandé.

Je suis satisfait de cette promesse et si j'ai pris la parole c'est pour en prendre acte d'une manière bien formelle.

M. de Montpellier. - Messieurs, je me permets d'attirer l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur un état de choses fâcheux qui existe aux abords de la station à Namur. La ligne du chemin de fer de Liége à Namur doit, pour arriver jusqu'à la station, passer sur la route de Louvain et cela tout vis à-vis de la porte de Fer : il y a constamment un va et vient de locomotives, de trains qui vont prendre chargement à la Meuse ; qui les rapportent à la station, etc., de telle sorte qu'il faut toujours attendre 10 ou 15 minutes et quelquefois davantage avant de pouvoir passer. Il est facile de comprendre combien cela est nuisible aux intérêts du commerce et de l'agriculture.

J'ose espérer que M. le ministre apportera remède à ce mal.

M. Faignart. - Messieurs, j'avais prié M. le ministre des travaux publics de vous dire si une part dans le crédit de 7,450,000 francs sera réservée au chemin de fer de Manage à Mons.

J'attends la réponse de M. le ministre. Il est indispensable d'améliorer ce chemin de fer, surtout pour la voie. Quant au matériel, je sais très bien que celui appartenant à l'Etat circule sur cette ligue comme sur les autres ; mais je désirerais savoir si le gouvernement pourra distraire du crédit demandé l'argent nécessaire pour de nouvelles voies d'évitement qui sont devenues indispensables depuis la création de certains établissements industriels.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je répète qu'il n'y a pas de crédit spécial demandé pour la ligne de Mons à Manage ; mais il n'y a pas intérêt à demander ce crédit, parce que le matériel de l’Etat circule sur cette ligne. Quant à la voie, on y a déjà apporté des améliorations et l'on y en apportera encore...

M. Faignart. - Ces améliorations seront encore insuffisantes.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Eh bien, j'ai des excédants de rails pour l'année courante et même pour l'année dernière qui permettront d'améliorer considérablement la route, avant que le gouvernement doive demander un crédit spécial pour la ligne de Mons à Manage.

- Personne ne demandant plus la parole, le paragraphe 14 est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphe 15

« § 15. Pour la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain par Cortenberg : fr. 4,000 000. »

M. le président. - Le gouvernement demande l'ajournement du paragraphe 15.

(page 274) M. De Fré. - Messieurs, je propose à la Chambre de mettre à l'ordre du jour de la session ordinaire le paragraphe 15 dont il s'agit.

M. le président. - C'est de droit.

M. De Fré. - A cette occasion, j'exprime le regret de ne pas avoir vu figurer parmi les projets proposés au vote de la Chambre, des travaux qui intéressent l'arrondissement de Louvain et qui auraient pour but de relier les petites villes d'Aerschot et de Diest au centre de Louvain.

Je prié M. le ministre des travaux publics de vouloir bien me dire si le projet de chemin de fer de Louvain à Herenthals est en voie de concession.

Il y a un autre projet qui existe depuis très longtemps : c'est le canal de jonction entre le Demer et le canal de Louvain qui a été proposé dès 1825 par M. l'ingénieur Teichmann ; le devis en a été fait : il ne s'élevait qu’à 110,000 florins.

En 1851, des études nouvelles ont été faites par MM. Groetaers et Carez, et les avantages de ce canal ont été développés avec beaucoup de talent par ces ingénieurs.

C'est en faveur de ces projets que la députation permanente du Brabant et le conseil communal de Louvain ont réclamé près de vous.

Il est excessivement important pour l'arrondissement de Louvain de voir s'établir entre Herenthals et Louvain, d'un côté, et Aerschot et Diest, de l'autre, des chemins de fer et des canaux ; cela est nécessaire non seulement dans l'intérêt de l'agriculture, mais au développement moral de ces populations.

Il y a une chose certaine : c'est que lorsque vous rapprochez les populations rurales vers les grands centres de population, lorsque vous faites passer des chemins de fer ou des canaux par des contrées isolées et qui en ont été dépourvues jusqu'alors, vous leur apportez plus de civilisation et plus d'instruction, vous éclairez ces populations par le frottement continuel avec des gens plus instruits et plus éclairés.

J'espère qu'à la session prochaine, l'honorable ministre des travaux publics pourra présenter à la Chambre un projet de loi ayant pour but de relier les populations d'Herenthals, d'Aerschot et de Diest au centre de Louvain, dans l'intérêt de l'agriculture et dans l'intérêt du développement moral de ces populations qui en ont grand besoin.

M. Coomans. - Messieurs, j'avoue humblement, malgré les efforts que j'ai faits, que je ne suis pas encore parvenu à saisir ce que l'on comprend par l'ajournement à la session prochaine, du chemin de fer de Bruxelles à Louvain. Ce qui augmente mon embarras, c'est le mot que vient de prononcer notre honorable président, que l'ajournement à la session prochaine était de droit. Je n'ai jamais vu que l'on dût représenter de droit à une session prochaine un paragraphe d'un article d'une loi, quand ce paragraphe n'a pas été adopté. Je conçois l'ajournement d’un projet de loi ; mais, je l'avoue, je ne conçois pas que l'on ajourne, dans le sens usuel du mot, un paragraphe d'une loi votée. Que restera-t-il du paragraphe 15 lorsque le projet de loi sera converti en loi et qu'il aura figuré au Moniteur.

Il n'en restera rien.

M. le président. - M. Coomans me permet-il de présenter une observation ?

M. Coomans. - Volontiers, car je suis humilié de ne pas comprendre.

M. le président. - C'est d'autant plus regrettable que l'explication a été donnée en pratique il y a trois mois tout au plus, époque à laquelle vous et moi nous faisions déjà partie de cette Chambre. A l'une des dernières séances de la session ordinaire, le cas s'est présenté : M. le ministre de l'intérieur, d'accord avec la section centrale, a demandé l'ajournement d'un paragraphe d'un crédit supplémentaire sollicité pour son département, et qui concernait des dépenses faites au gouvernement provincial d'Anvers. L'ajournement a été prononcé. Quelle a été la conséquence de cette résoluttou ? C'est que, comme on n'avait voté ni blanc ni noir, le paragraphe en question est resté au rôle de la Chambre, et que nous aurons à statuer sur cette partie du projet de loi au début de notre session ordinaire ; le tableau imprimé des projets de loi arriérés qui nous a été distribué à l'ouverture de la session actuelle en fait foi.

Un projet de loi qui n'est qu'ajourné reste debout jusqu'à ce qu'il soit adopté, rejeté ou retiré.

M. Coomans. - Evidemment, messieurs, un projet de loi qui n'est ni voté, ni retiré, reste debout. Mais quand vous avez statué sur un projet de loi, tout ce qui n'y est pas compris n'existe plus. Voici la portée de mon observation : c'est qu'on place sur la même ligne le chemin de fer de Bruxelles à Louvain et les propositions de la section centrale.

Si, comme deux ministres nous l'ont dit, le gouvernement croit de son devoir de nous représenter ou de nous faire discuter à la session prochaine, et le projet de chemin de fer de Bruxelles à Louvain, et les propositions faites par la section centrale, j'admettrais cela, sans être bien édifié toutefois par la régularité de cette opération ; mais enfin le fond imposerait ces formes, je me déclarerais satisfait, mais je crois que la pensée du gouvernement ne soit pas suffisamment complète ; je crains que le gouvernement ne se réserve le droit de ne pas représenter à la session prochaine les propositions de la section centrale, et qu'il ne se borne à nous présenter alors le chemin de fer de Bruxelles à Louvain et le port de refuge de Blankenberghe.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C est évident.

M. Coomans. - C'est évident, me dit M. le ministre des finances ; mais, enfin, je ne comprends pas qu'un paragraphe d'un article d’une loi subsiste alors que le projet de loi même où ce paragraphe était compris n'existe plus à titre de projet.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est clair.

M. Coomans. - Eh bien, je vous félicite d'y voir si bien. Quant à moi, je n'y comprends rien.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne vois pas le moins du monde l'intérêt de cette discussion. Qu'importe que le projet de loi soit considéré comme restant à l'ordre du jour de la Chambre ou qu'il soit censé retiré, si le gouvernement, qui pourrait le représenter ultérieurement, déclare qu'il fera l'objet de vos délibérations dans la prochaine session conjointement avec les propositions de la section centrale ?

Le gouvernement l'a dit et le répète : Toute, ces questions seront examinées, et à la prochaine session, le gouvernement vous présentera des propositions.

On a élevé des critiques, des objections contre le chemin de fer de Bruxelles à Louvain. Eh bien, nous n'avons pas cru convenable, en présence de la situation faite à l'arrondissement de Louvain, de laisser discuter notre proposition.

La section centrale proposait d'affecter le crédit qui aurait été disponible, par suite du rejet du crédit relatif à ce chemin de fer, à d'autres travaux publics.

Dans cet état de choses, que faisons-nous ? Nous suspendons toute décision. Si l'on ne rejette pas le chemin de fer de Louvain dans cette session, il ne reste pas de crédit disponible et par conséquent on ne peut pas discuter les propositions de la section centrale. Restons donc dans cette situation : tout sera examiné dans la session prochaine.

Maintenant, dans la pratique, il est arrivé souvent qu'un article qui était retiré par le gouvernement était considéré comme ayant disparu, comme il est arrivé d'autres fois qu'il était considéré comme restant à discuter.

Voilà, je pense, quels sont, sur ce point, les précédents de la Chambre. On peut donc invoquer dans ces deux sens.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je crois qu'il a été convenu, dans une séance précédente, que, quel que fût le sort du paragraphe 15 de la loi, les propositions nouvelles de la section centrale seraient discutées. Je crois que cela avait été admis et je tiens ce droit acquis à la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Discutées dans la session prochaine.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Pardonnez-moi ; les propositions devaient être discutées dans la session actuelle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non ! non ! c'est une erreur.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - On peut s'être mal exprimé, mais cette pensée a été émise. Or, s'il en est ainsi, nous aurons à discuter non pas seulement un simple libellé, ce qui serait un pur enfantillage, mais aussi la sommé attachée à ce libellé. Agir autrement serait indigne de la Chambre. Nous sommes ici non pour faire de la rhétorique, mais pour faire des affaires.

Quant au paragraphe en lui-même, je dirai à l'honorable M. Coomans : le gouvernement ajourne cet article comme vous avez ajourné hier le port de Blankenberghe. Mieux eût valu, selon moi, pour agir avec une entière franchise, voter contre le crédit relatif au port de Blankenberghe que de l'ajourner. Je ne comprends pas cette manière de procéder : on vote pour ou contre, mais on n'ajourne pas quand on nie carrément l'utilité d’un projet.

Maintenant le gouvernement nous dit : Je retire l'article premier, ou je l'ajourne pour le représenter avec d'autres projets, si je le juge convenable.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la même chose.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Pas tout à fait, car l'ajournement tient en suspens la délibération et le vote ; le retrait fait mourir le projet.

Au surplus, je n'ai pris la parole que pour réserver un droit acquis par une décision formelle de la Chambre, et à laquelle chacun semblait avoir donné son adhésion, le droit de discuter les articles additionnels de la section centrale, avec les chiffres qui y sont attachés, sauf à la chambre de les adopter ou de les rejeter.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a eu probablement malentendu sur ce point.

L'honorable M. Vandenpeereboom prétend qu'on se serait engagé à discuter en ce moment les propositions de la section centrale. (Interruption). Permettez ; l'honorable membre est dans une erreur complète. Le mot dont on parle est parti du banc ministériel.

Il a été prononcé en réponse à l'honorable M. Coomans qui voulait introduire le canal de St-Job à l'occasion du paragraphe 3 ou 4 de l'article premier.

() page 275) On lui a dit : C'est une proposition nouvelle, ce n'est pas un amendement ; cela fait partie des propositions de la section centrale ; cela doit venir comme article additionnel. On discutera après les articles du projet. Mais nous nous sommes naturellement réservé de combattre la proposition de l'honorable M. Coomans, si nous le jugions convenable.

Eh bien, maintenant nous tenons absolument le même langage que nous avons déjà tenu, les Annales parlementaires en font foi. Nou avons dit : La proposition de la section centrale repose sur cette supposition qu'il y aura des crédits disponibles à concurrence d'environ 9 millions, c'est-à-dire 2 millions enlevés à l'article approfondissement du canal de Bruges ; 7 millions par suite du rejet de la question relative au chemin de fer de Bruxelles à Louvain.

La section centrale a cherché l'emploi de ces 9 millions, et elle veut les appliquer à des objets qui sont utiles et urgents.

Je ne veux pas me prononcer sur le fond même, mais je dis que la Chambre ayant maintenu le crédit pour l'approfondissement du canal de Bruges, et n'ayant pris aucune décision quant au chemin de fer de Louvain, il n'y a, en réalité, aucune somme disponible ; il n'y a aucun crédit qui puisse être appliqué aux objets qu'on propose ; par conséquent l'ajournement de la question du chemin de fer de Louvain entraîne l'ajournement des propositions de la section centrale. Le tout doit disparaître pour être discuté seulement à la session prochaine.

M. Guillery. - Plus heureux que l'honorable M. Coomans, je comprends parfaitement l'ajournement du paragraphe 15. C'est ce qu'on a fait pour le port de refuge de Blankenberghe ; et soit dit en passant, je n'ai pas cru, quant à moi, qu'en votant pour l'ajournement du paragraphe relatif à Blankenberghe, je votais contre ce paragraphe. J'ai voté pour l'ajournement parce que je suis convaincu d'une chose : c'est que les études ne sont pas complètes et que je désire qu'on nous présente un plan complet des travaux qui doivent être faits et un devis sincère.

Quant au paragraphe 15, j'ai demandé la parole pour supplier le gouvernement de le conserver au projet de loi. Je ne vois véritablement pas de motifs pour l'ajourner. La section centrale nous dit : Il y a des travaux plus utiles ; il y a des localités qui ne sont pas pourvues de chemins de fer. On aurait pu, avec des arguments semblables, écarter une foule de projets que nous avons adoptés depuis plusieurs années. Il y a beaucoup de localités qui sont pourvues de chemins de fer et auxquelles on en donne encore, par la raison que ce sont des centres industriels et commerciaux.

Ce chemin de fer de Bruxelles à Louvain est un des moins contestés qu'il y ait jamais eu, et c'est peut-être parce qu'il n'est pas contesté qu'il n'est pas encore fait. Car on a toujours dit, et j'entends dire encore autour de moi : Pourquoi vous inquiéter de ce chemin de fer ? Il doit se faire ; personne ne le conteste, tout le monde lui donne raison ; mais je crains qu'à force d'avoir raison nous n'ayons jamais ce chemin de fer.

Je vois par l'exposé des motifs que c'est depuis le 12 février 1856 que ce projet de loi a été présenté à la Chambre. Ce n'est donc pas un projet improvisé, et depuis le 12 février, et bien antérieurement, on a toujours dit : Ce chemin de fer doit se faire, il ne peut pas ne pas se faire. Cependant depuis plus de vingt ans que le chemin de fer de Malines à Louvain est fait, celui de Bruxelles à Louvain ne l'est pas.

Evidemment Bruxelles doit être le centre des chemins de fer du pays, les chemins de fer doivent aboutir à Bruxelles et non à Malines. Lorsqu'on a créé le chemin de fer, on a fait, je ne sais pourquoi, une station centrale à Malines.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On ne l'a pas fait. Cela s'est fait naturellement.

M. Guillery. - On a eu l'intention de faire aboutir tous les chemins de fer à Malines, et je me rappelle assez les détails des projets de cette époque pour savoir que c'était une idée discutée dans le corps des punis et chaussées, une idée discutée dans les administrations et que c'est Malines qui pendant longtemps a été destinée à être la station centrale. Je me rappelle à cet égard un mot d'un des ingénieurs les plus hauts placés à cette époque, qui a demandé en haut lieu si nous vivions sous une monarchie ou sous une théocratie.

Evidemment le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain est la fin du redressement de ce mauvais système des chemins de fer, tel qu'il a été conçu d'abord.

On nous dit : Vous ne gagnerez qu'un peu de temps. Mais en matière de chemins de fer, gagner un peu de temps, c'est beaucoup, depuis que la rapidité des moyens de transport nous a rendus avares de nos moments. Un quart d'heure, une demi-heure est considéré comme beaucoup. A ce sujet, je recommanderai à M. le ministre des travaux publies l'idée d'une station centrale à Bruxelles, On tient beaucoup à Bruxelles à gagner quelques minutes ; on y désire donc une station centrale. Cela est si vrai, que si l'on ne fait pas une station dans la ville, la ville se fera autour des stations.

En Angleterre et aux Etats-Unis, on a fait les plus grands sacrifices pour approcher les stations du centre des villes les plus importantes.

Je n'ai pas à défendre l'utilité du chemin de fer de Bruxelles à Louvain ; le gouvernement reconnaît parfaitement cette utilité.

« La nécessité, dit-il, de construire un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ne demande guère de justification.

« On a reconnu que ce chemin de fer devait être exploité directement par l'Etat, etc. »

L'Etat est d'autant plus obligé de faire ce chemin de fer que vingt compagnies ont demandé la concession de ce chemin de fer ; mais l'Etat ne peut abandonner à une compagnie le démembrement du chemin de fer de l'Etat, et l'on n'a déjà que trop marché dans cette voie.

Mais le gouvernement faisant obstacle à ce qu'une compagnie exécute ce chemin de fer, doit l'exécuter lui-même. Cependant il ne nous promet pas de nous représenter le projet dans la session prochaine. Le paragraphe 15 restera à l'ordre du jour avec ceux sur lesquels la Chambre n'a pas statué ; mais il peut rester longtemps à l'ordre du jour sans être discuté, rejeté ou approuvé. Le gouvernement ne nous dit pas : Je représenterai ce projet. Il nous dit : Nous examinerons. Eh bien, je trouve qu'il y à la contradiction avec l'exposé des motifs et avec le projet de loi présenté.

Comment ! le gouvernement nous présente un grand projet de travaux publics ; dans ce projet figure le chemin de fer de Bruxelles à Louvain. On dit que la nécessité de construire ce chemin de fer n'est pas contestée, et aujourd'hui parce que la section centrale fait des observations, on retire le projet. Mais, messieurs, il y a peu de projets qui aient été aussi bien accueillis en section que celui-là.

Ont voté oui, 40 voix ; ont voté non, 5 voix ; abstentions, 18.

Voilà donc un projet adopté dans les sections où se trouvaient 63 membres, c'est-à-dire un nombre plus que suffisant pour que la Chambre délibère.

Je ne vois donc pas de motifs pour ne pas statuer immédiatement.

Mais, dit-on, les honorables députés de Louvain n'assistent pas aux délibérations de la Chambre ; on ne peut statuer en leur absence. D'abord nous nous sommes passé jusqu'à présent des députés de Louvain ; ensuite un rejet, en matière de travaux publics n'est qu'un ajournement. Si la Chambre rejette aujourd'hui, rien n'empêche que le gouvernement le représente à la section prochaine. Nous en avons vu du reste assez d'exemples. Il y a eu beaucoup d'autres questions plus importantes, et entraînant à plus de dépenses, pour lesquelles le gouvernement a reproduit la même idée sous plusieurs formes différentes et a fini par l'emporter.

Evidemment, messieurs, si nous en croyons l'exposé des motifs et les procès-verbaux des sections, nous devons tous être d'accord sur l'utilité de ce chemin de fer.

Il offre d'ailleurs un avantage au gouvernement, puisque par suite de l'abréviation des distances, la recette augmentera. Je supplie donc le gouvernement de persister dans son projet primitif, d'exiger que la Chambre se prononce à cet égard.

La section centrale, comme compensation de la suppression de cet article, propose des dépenses au profit de compagnies concessionnaires de chemins de fer. Ici, il s'agit pour le gouvernement d'une recette, il s'agit d'une bonne opération. Le chemin de fer de Bruxelles à Louvain rapportera, tandis que la proposition de la section centrale coûtera.

Je ne dis pas que les dépenses que propose la section centrale soient mauvaises ; je ne les combats pas. Mais je ne comprends pas comment on vient substituer à l'établissement d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain un minimum d'intérêt pour un chemin.de fer vers Herenthals ou des travaux à la Meuse. Ces deux questions n'ont aucune espèce de rapport.

M. Coomans. - A l'appui des observations que vous a faites l'honorable rapporteur de la section centrale, je dois ajouter celle-ci : Il résulte des nouvelles explications données par M. le ministre des finances que l'ajournement du paragraphe relatif au chemin de fer de Bruxelles à Louvain entraînerait ipso facto et de droit l'ajournement des propositions de la section centrale. M. le ministre des finances vient de dire que cela est évident.

On discuterait à la session prochaine les questions soulevées par la section centrale et qu'elle a transformées en proposition de loi.

Je dois faire observer à la Chambre que M. le ministre des finances est en contradiction ouverte avec sa déclaration d'hier. Je m'étonne qu'il l'ait oublié.

L'indication des travaux de la Chambre est formulée non par M. le ministre des finances, mais par M. le président. Or voici ce que je lis, page 259 des Annales parlementaires :

J’avais, comme on vient de le rappeler, déposé sur le bureau un amendement décrétant la construction du canal de St-Job. Là-dessus notre honorable président a eu la bonté de me dire :

« Pardonnez-moi, M. Coomans, de vous interrompre ; pour gagner du temps, je dois faire remarquer qu'il y a une proposition de la section centrale relativement à cet objet ; cette proposition sera donc discutée en temps et lieu et dès lors M. Coomans peut se dispenser de la peine de développer son amendement.

« M. Coomans. - Alors, autant valait discuter le projet de la section centrale.

« M. le ministre des finances. - Nous discuterons voire amendement après le paragraphe 21.

« M. Coomans. - Je ne demande pas mieux.

« M. le président. - Le canal de St-Job sera nécessairement mis en discussion ; il est donc inutile de développer les motifs de l'amendement. »

Que résulte-t-il de ceci ? Que j'avais avec la Chambre entière la (page 276) conviction profonde qu'arrivé au paragraphe 21 du projet de loi, je serais admis â développer les motifs de mon amendement. M. le ministre des finances hausse les épaules ; mais cela me paraît clair. Si je puis discuter après le paragraphe 21, comme vous l'avez dit hier, je suis satisfait ; si vous me renvoyez à la session prochaine, je ne le suis pas. Mais dans ce cas, vous êtes en contradiction formelle avec ce que vous avec dit hier et avec la décision de la Chambre, formulée par M. le président.

J'ai non seulement raison en fait, mais je l'ai en droit En effet, que demande le gouvernement ? Il demande que nous lui laissions le temps d'examiner les diverses propositions de la section centrale combinées avec la proposition d'un chemin de fer de Bruxelles à Louvain, et de saisir la Chambre du résultat de cet examen. Mais je vous le demande, s'il ne nous est pas permis de développer les motifs des amendements que nous formulons, comment le gouvernement les appuiera-t-il ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Attendez le paragraphe 21.

M. Coomans. - Tout ce que je demande, c'est qu'on me laisse parler ; mais M. le ministre des finances vient de dire que je ne parlerais qu'à la session prochaine. Or, je tiens à parler après le paragraphe 21, conformément à la déclaration d'hier, faite par M. le ministre : « Nous discuterons votre amendement après le paragraphe 21 et le paragraphe 22. »

Ainsi, si sous prétexte qu'un tel objet est en corrélation financière avec un autre, il ne m'est plus permis de développer mon amendement, je demande ce que devient le droit d'amender que nous accorde la Constitution, ce que devient le travail de la section centrale.

Je dirai avec l'honorable M. Vandenpeereboom qu'on nous a fait jouer un jeu d'enfant.

Messieurs, si les honorables membres qui se sont rendus au sein de la section centrale nous avaient dit lorsque nous discutions ces derniers articles, qu'ils y auraient opposé une fin de non-recevoir le jour de la discussion, nous ne nous serions pas donné la peine que nous avons prise de les examiner à fond.

Je dis qu'il est du devoir de la Chambre d'examiner et les propositions qui sont faites par les membres et les propositions de la section centrale. C'est tout ce que je demande.

Si nous sommes d'accord là-dessus, je serai satisfait. Mais nous ne pouvons pas l'être dans les termes que l'honorable ministre des finances a formulés tout à l'heure.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis obligé d'insister.

L'honorable M. Coomans persiste à croire que je me trouve en contradiction formelle avec ce que j'ai dit dans une précédente séance. Mais que l'honorable M. Coomans veuille bien relire les observations que j'ai présentées ; il verra que j'ai déclaré que l'ajournement des propositions relatives au chemin de fer de Bruxelles à Louvain entraînait l’ajournement des propositions de la section centrale.

M. Coomans. - Et la discussion, avez-vous dit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Soit ; ce sera encore plus si vous le voulez.

Il a été objecté au moment où l'honorable M. Coomans voulait introduire sa proposition après le paragraphe 3 ou 4, que c'était une proposition nouvelle, qu'il devait.la produire à la fin de l'article premier, et on a dit qu'alors on discuterait.

Mais, me suis-je interdit d'opposer à l'honorable M. Coomans les raisons qui militent contre cette proposition ?

Et la première de ces raisons, c'est que le chemin de fer de Bruxelles à Louvain n'ayant pas été rejeté, il n'y a pas de crédits disponibles pour les travaux que propose l'honorable M. Coomans.

Or, la section centrale et l'honorable M. Coomans n'avaient fait de proposition que pour utiliser le crédit que le rejet du chemin de fer de Bruxelles à Louvain rendait disponible.

Voici quelle est la position : L'honorable M. Coomans veut faire des travaux sans voies et moyens ; à moins qu'il ne veuille faire déclarer aujourd'hui que l'on disposera des crédits qui étaient affectés à la ligne du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, pour les affecter aux travaux qu'il propose, sauf à trouver ultérieurement d'autres ressources pour les propositions du gouvernement. Est-ce admissible ? Ne serait-ce pas voter implicitement le rejet du chemin de fer ? Que signifierait alors l'ajournement ?

Je pense que l'honorable M. Coomans sera maintenant satisfait ; il ne verra plus dans mes paroles la prétendue contradiction qu'il a cru remarquer. Cela n'empêchera pas l'honorable M. Coomans de développer des amendements autant qu'il le voudra. Mais cela ne m'empêchera pas non plus de faire valoir les motifs à opposer à ces amendements.

Sur le fond même des propositions, je défends une doctrine qui toujours été appliquée dans cette Chambre, a été défendue l'année dernière par la section centrale, déclarant expressément dans son rapport que des propositions de ce genre ne peuvent se faire « qu'avec l'initiative ou le consentement du gouvernement. »

Si des propositions nouvelles sont accueillies par le gouvernement, tout est dit ; elles deviennent des propositions ordinaires, et le gouvernement indique les ressources pour y faire face. Mais hors de là, toujours on a écarté les propositions faites par la section centrale.

M. de Theux. - J'appuie l'ajournement par les raisons que j'ai déjà données dans une autre discussion, qu'il n'était pas convenable de discuter un objet d'un aussi grand intérêt en l'absence de la représentation de l'arrondissement de Louvain, directement et essentiellement intéressé à ce travail.

Mais il est bien entendu que l'ajournement n'emporte pas le retrait de la proposition du gouvernement, mais le maintien à l'ordre du jour de nos travaux de la session prochaine.

Je crois que c'est ainsi que le gouvernement l'entend. Les motifs qu'il nous a donnés justifient cette manière de voir.

Il y a un autre motif pour ajourner :

On nous propose, à titre d'amendement, de substituer au chemin de fer de Bruxelles à Louvain, d'autres travaux qui n'ont pas été étudiés, sur lesquels la Chambre n'est pas à même d'émettre une opinion. D'ici à la session prochaine, on pourra examiner les propositions du gouvernement pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain et les contre-propositions de la section centrale, et la Chambre pourra statuer en connaissance de cause.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Messieurs, l'honorable ministre des finances, répondant à l'honorable M. Coomans, a dit : « Vous pourrez parler, » et l'honorable M. Coomans m'a paru satisfait de cette réponse. Quant à moi, elle ne me satisfait pas du tout. Je ne tiens pas du tout à parler, mais je tiens infiniment à voir adopter mes propositions, par ce motif que je les crois bonnes.

Nous sommes autorisés à dire : Le gouvernement a prévu qu'il y avait des ressources suffisantes dans le crédit global de 90,000,000 de francs pour une série de projets. Il y a là une diversité de travaux sur lesquels nous sommes admis à dire autre chose que « oui » ou « non ». Parmi les travaux du projet, il en est de si peu urgents, que le gouvernement lui-même les écarte ; et nous, nous ne pourrions pas y substituer des travaux qui seraient jugés plus urgents et plus utiles ?

Si c'est là à quoi se borne le droit de la Chambre, je n'y comprends plus rien. Je conçois tout autrement nos droits et nos devoirs.

J'ai dit dans mon rapport de l'année dernière et dans celui de cette année que nous ne pouvions pas dépasser l'ensemble des crédits du gouvernement. Mais si nous restons dans la limite de ces crédits demandés, je dis que la Chambre à le droit de modifier le projet. Si l'on ajourne le projet de chemin de fer de Bruxelles à Louvain et si l'on nous empêche de discuter sérieusement et efficacement nos propositions nouvelles, je regarde dès à présent comme combattues par le gouvernement toutes les propositions de la section centrale.

Je suppose, messieurs, que nous ajournions à la session prochaine le projet de Bruxelles à Louvain ; je suppose encore qu'il n'y ait pas d'autres fonds disponibles, le gouvernement reproduira le projet du chemin de fer direct, et quand nous viendrons présenter nos modifications d'aujourd'hui, on nous dira de nouveau : Vous n'en avez pas le droit ! Et nous en aurons d'autant moins le droit, que nous l'aurons abandonné aujourd'hui.

Prenons-y garde, si nous n'obtenons pas d'engagements plus formels pour les propositions nouvelles de la section centrale, les intéressés à ces projets peuvent les regarder comme compromis. Je n'ai aucun intérêt à l'exécution de ces travaux ; je les défends parce qu'ils sont tous utiles et promis depuis longtemps.

J'ai dit, messieurs, que dans une série de travaux aussi considérable que celle qui est proposée par le gouvernement, nous pouvons parfaitement introduire une ou deux modifications sans sortir de notre droit d'amendement.

Je prévois, messieurs, que les propositions de la section centrale seront écartées, et je ne sais pas comment elles reviendront. Or, comme on ne me laisse plus que le droit de dire : « oui ou non » sur l'ensemble, je dirai : « non. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est pénible d'entendre ce que vient de dire l'honorable préopinant ; vous dites que vous êtes convaincu que le gouvernement condamne vos propositions. Le gouvernement a dit, tout au contraire, qu'il a été frappé des motifs donnés par la section centrale en faveur de certaines propositions, qui méritent la plus sérieuse considération, et il demande à examiner ces propositions avec celles qu’il avait présentées, d'ici à la session prochaine.

L'honorable membre dit que si l'on réduit le droit des membres de la Chambre à répondre oui ou non purement et simplement, il votera contre le projet. Messieurs, ce n'est point là la position : les membres de la Chambre sont parfaitement en droit d'amender toutes les propositions soumises à l'assemblée ; il s'agit seulement de savoir ce qui constitue un amendement. L'honorable M. Vandenpeereboom appelle amendement de substituer au chemin de fer de Bruxelles à Louvain le canal de Saint-Job...

M. E. Vandenpeereboom. - C'est un amendement à la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une proposition nouvelle.

Lorsque le gouvernement fait des propositions qui ont été mûrement examinées, pour lesquelles il y des plans, des projets, des devis, on élève des discussions sur l'insuffisance de ces devis et on arrive comme pour Blankenberghe, à dire que la dépense sera peut-être augmentée de 200,000 fr. Où sont les plans, les devis des travaux que nous (page 277) propose la section centrale ? (Interruption.) Il y a eu des études, sans doute, mais ces études, pour le canal, par exemple, dont je viens de parler, remontent à une époque fort ancienne.

- Un membre. - 10 ans.

- Un autre membre. - 16 ans.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - N'est-il pas incontestable que des études faites il y a dix ans ont besoin d'être revues, qu'il faut s'assurer si l'on se trouve encore dans les mêmes conditions où l'on se trouvait quand ces études ont été faites.

Il n'y a de la part du gouvernement aucune espèce d'hostilité contre les travaux dont il s'agit ; c'est au contraire en vue de favoriser l'exécution de ces travaux que la proposition du gouvernement est faite.

Les reproches qu'on nous adresse sont d'autant plus étranges, il faut le dire, qu'il s'agit du canal de Saint-Job-in-'t-Goor, une espèce de gracieuseté, dirait-on, qu'on a voulu faire à mon honorable collègue de l'intérieur qui y attache beaucoup d'importance. Quant à moi on me représente comme hostile à un projet que je voudrais voir s'exécuter immédiatement.

Permettez-nous, messieurs, d'attendre la session prochaine afin de rechercher les moyens de réaliser en même temps tous ces projets, toutes ces choses excellentes, qui doivent être faites et qui seront faites ; l’heure seulement n'est pas fixée.

M. Allard. - J'ai demandé la parole seulement pour dire quelques mots en cas d'ajournement de ce projet.

M. Janssens. - Messieurs, tout à l'heure l'honorable comte de Theux, en appuyant l'ajournement du projet relatif à Louvain, a dit qu'il entendait bien que le projet serait maintenu à l'ordre du jour pour être discuté après la rentrée. J'ai vu de la part de MM. les ministres quelques lignes en tête ; mais aucune réponse catégorique n'a été donnée. Je tiens beaucoup à ce qu'il y en ait une qui soit mentionnée aux Annales parlementaires.

Messieurs, s'il y a une certaine convenance à tenir en suspens des questions qui intéressent directement un arrondissement privé actuellement de ses représentants dans cette assemblée, il y a aussi une haute convenance pour le gouvernement à prendre une position nette, à ne pas rester muni d'un faisceau de promesses et de menaces à l'égard d'un arrondissement qui peut être éventuellement appelé à faire une nouvelle élection.

J'insiste donc pour que le ministère nous fasse connaître catégoriquement quelle est la position qu'il entend prendre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je serai très catégorique ; le projet est maintenu à l'ordre du jour. Voilà la déclaration que je fais. Je déclare en même temps que le gouvernement d'ici à la session prochaine examinera les nouvelles propositions de la section centrale.

M. le président. - Ainsi, dans la pensée du gouvernement, l'ajournement du paragraphe 15 du projet de loi implique le maintien de ce paragraphe 15 à l'ordre du jour, ainsi que les propositions nouvelles que ta section centrale voulait substituer au paragraphe 15, c'est-à-dire des paragraphe 20, premier alinéa, 22, 23 et 24 de son projet.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la pensée du gouvernement.

M. Guillery. - Messieurs ; la déclaration du gouvernement ne me satisfait pas. M. le ministre des finances dit « le paragraphe 15 restera à l'ordre du jour. » Nous le savons fort bien ; mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi nous ne statuons pas aujourd'hui ; aucun projet de chemin de fer n'a rencontré plus de sympathie que celui dont nous parlons.

Messieurs, je n'ai pas fait de proposition ; j'ai seulement demandé au gouvernement de vouloir bien maintenir le paragraphe 15. Le gouvernement fera ce qu'il croit devoir faire ; j'ai fait, quant à moi, ce que je croyais devoir faire : c'est de prier ; le gouvernement statuera sur ma requête.

Mais qu’il me permette de lui donner un conseil : selon moi, le projet de chemin de fer dont il s'agit ne peut pas subir de critique (interruption) ; c'est le gouvernement lui-même qui le dit dans son exposé des motifs.

C’est un chemin de fer qu'on a toujours considéré comme devant être exécuté.

Je fais un appel à cet égard au souvenir de tous les membres de cette Chambre, ainsi que de toutes les personnes qui se sont occupées de questions de travaux publics depuis quelques années.

Maintenant, le gouvernement ne s'oblige pas à reproduire le projet de loi tel qu’il est aujourd'hui (interruption). Permettez ; le gouvernement nous dit : « Le paragraphe 15 restera à l'ordre du jour. » C'est vrai ; je le savais indépendamment de cette déclaration ; mais le gouvernement reprenant ce paragraphe ainsi que les propositions nouvelles maintenues à l'ordre du jour, avisera, et de ces divers travaux il nous présentera ceux qui lui paraîtront les plus utiles ; voilà ce qui se passera dans la session prochaine.

Sans me prononcer sur la question constitutionnelle qu'on a discutée tout à l’heure, je suis convaincu d'une chose, c'est que nous ne pouvons guère statuer sur des projets de travaux publics qui ne nous sont pas proposés par le gouvernement ; lorsque en usant de notre droit d'initiative, nous viendrons proposer des projets de travaux publics, on nous objectera que ces projets ne sont pas suffisamment étudiés et que le gouvernement ne peut pas s'y rallier.

Dès lors si le projet de chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain n'est pas présenté par le gouvernement, il ne sera jamais fait.

Je demande donc catégoriquement si le ministère s'engage à présenter, soit avec d'autres projets, soit isolément, le projet de chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain par Cortenberg. (Interruption.) Ma question est bien catégorique. Je demande qu'on s'explique clairement ; je n'accuse personne (interruption au banc des ministres), je n'ai rien dit de blessant pour personne ; j'ai caractérisé la portée de la déclaration du gouvernement, à savoir que le paragraphe 15 resterait à l'ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le projet est présenté et il est maintenu à l’ordre du jour.

M. Guillery. - Il est présenté, je le sais ; il est maintenant à l'ordre du jour, je le sais encore, mais un non qui est sorti de la bouche de M. le ministre des travaux publics me fait croire que j'ai raison de persister dans cette question. (Interruption.)

Quand j'ai demandé si le gouvernement s'engageait à soutenir dans la session prochaine le projet, j'ai entendu un non, et j'ai cru reconnaître la voix de M. le ministre des travaux publics.

J'insiste donc, et je demande au gouvernement s'il ne croit pas pouvoir prendre l'engagement formel de défendre et de soutenir le projet de loi à la session prochaine. (Interruption. )

Je répète que si le gouvernement ne le présente pas et ne le soutient pas, nous ne l'aurons point par notre initiative.

Je trouve étonnant qu'un projet qui a été accueilli avec tant de faveur dans les sections, qui a été adopté à l'unanimité par la section centrale l'année dernière, soit ajourné uniquement parce que la majorité de la section centrale a fait des observations qui n'ont pas de valeur. On a dit pour toute objection : « Il y a tant de localités qui sont encore dépourvues de chemin de fer. Il y a bien longtemps que ces localités sont dépourvues de chemin de fer. » On a fait des chemins de fer en très grande quantité autour de la capitale avant qu'il y eût un chemin de fer dans le Luxembourg, et on ne s'est jamais prévalu de cette circonstance.

Il y avait un chemin de fer de Bruxelles à Namur avant qu'on décrétât la concession du chemin de fer de Luxembourg ; on a fait néanmoins la section de Bruxelles à Namur, quoiqu'il y eût déjà une communication par chemin de fer entre les deux villes.

Messieurs, évidemment on doit mesurer le nombre des chemins de fer à l'importance des localités qu'ils sont appelés à desservir. Or, le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain est un des chemins de fer les plus utiles, et je persiste à demander au gouvernement de nous dire catégoriquement s'il s'engage à défendre et à soutenir le projet dans le courant de la session prochaine,

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je pense que le gouvernement doit se renfermer dans ses premières déclarations qui ont été réitérées et qui sont suffisamment explicites. Il faut vraiment y mettre peu de bonne volonté pour ne pas comprendre le gouvernement.

Je m'étonne que l'honorable préopinant qui se déclare partisan du chemin de fer, prenne l'attitude qu'il nous montre. Si l'honorable M. Guillery veut compromettre le sort de ce chemin de fer et l’exclure définitivement de l'ordre du jour, il n'a qu'à continuer de marcher dans la voie où il est entré.

Que pouvons-nous ? Nous voyons dans la Chambre peu de disposition à accueillir cet article de loi et nous croyons que, dans l'intérêt même du chemin de fer, en l'absence surtout des représentants de l'arrondissement de Louvain, il est bon et convenable d'ajourner la discussion de cet article, parce que nous sommes partisan du chemin de fer proposé et que nous sommes entièrement désireux de le voir décréter.

L'honorable M. Guillery au contraire veut forcer la main à la Chambre. Eh bien, qu'il poursuive son idée et je lui prédis la ruine de ce projet auquel il s'intéresse.

C'est donc, messieurs, sans aucune espèce de raison qu'on adresse ici un reproche au gouvernement. Le gouvernement veut le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, mais il agit de manière à assurer la réalisation de ce désir.

L'honorable M. Guillery le veut aussi, mais il agit de telle manière que très vraisemblablement l'objet de ses vœux lui échappera.

Je l'engage, pour ma part, à prendre quelque patience jusqu'à la session prochaine, et je ne doute pas qu'alors le projet ait plus de chance d'être admis par la Chambre.

Messieurs, le gouvernement se trouve ici dans une position toute particulière. Si nous étions des adversaires du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, la position serait facile pour nous : la section centrale nous fait des offres magnifiques, des offres qui sont personnellement agréables à quelques-uns de nous. Ainsi la section centrale, en repoussant le chemin de fer de Bruxelles à Louvain et l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, propose au gouvernement de remplacer ces travaux par d'autres. Elle nous offre notamment un palais des beaux-arts à Bruxelles. Mais, c'est la réalisation d'un vœu que je poursuis depuis un grand nombre d'années, et je l'avoue, si je (page 278) ne voyais dans cette discussion que la satisfaction de mes vœux personnels, j'accepterais des deux mains cette première offre que nous fait la section centrale,.

Quant au canal de Turnhout à Anvers, j'y suis électoralement intéressé ; j'ai fait des discours et des motions en faveur de ce canal, il y a plusieurs années. J'accepterais donc également avec reconnaissance cette part que la section centrale veut faire à l'arrondissement d'Anvers.

De même M. le ministre des finances à qui on a reproché si injustement et si souvent son amour exclusif pour la Meuse, se voit gratifié de travaux qui lui seraient également très agréables ; mais ce serait au préjudice du chemin de fer de Louvain. Eh bien, nous croyons de notre loyauté de ne pas accepter ces présents que nous fait la section Centrale et nous disons : Attendons l'entrée des députés de Louvain dans la Chambre, nous discuterons alors cette question spéciale avec les intéressés.

Cela ne veut pas dire, messieurs, que le chemin de fer de Louvain sera décrété ; mais du moins il sera discuté dans les mêmes conditions que tous les autres travaux publics ; et voilà pourquoi je pense que tous les partisans de ce chemin de fer feront bien de s'associer à la motion d’ajournement à la session prochaine.

C'est le seul moyen de ne point compromettre la solution de cette question.

M. B. Dumortier. - Je dois vous déclarer, messieurs, que je suis frappé des observations qu'a présentées l'honorable M. Guillery et que je trouve pour mon compte très fondées.

Moi aussi, messieurs, je désire l'établissement du chemin de fer de Bruxelles à Louvain parce que, selon moi, il aura pour conséquence directe, nécessaire, l'établissement de la ligne de Bruxelles à Lille par Tournai, si nous voulons conserver les transports de Calais par l'Allemagne. Désireux donc de voir établir ce chemin de fer, je verrais avec peine qu'on y substituât d'autres dépenses. Or, je l'avoue, je ne puis pas comprendre la situation telle que MM. les ministres viennent de l'exposer, et ici je m'exprimerai avec la plus entière franchise.

Il me semble que la position que prend le gouvernement est entourée d'un étrange équivoque. Nous maintenons, dit le ministère, le projet de chemin de fer de Bruxelles à Louvain tel qu'il est présenté, mais nous maintenons aussi le projet de la section centrale, c'est-à-dire l'annulation du projet ministériel.

Voilà qui est tout à fait contradictoire ; et le gouvernement, dans l'intervalle des deux sessions, aura le droit d'opter entre l'un et l'autre.

Eh bien, messieurs, je vous le demandé sincèrement, dites-moi franchement si, dans le cas de nouvelles élections à Louvain, l'issue de ces élections influera ou non sur votre détermination. (Interruption.) Je ne veux pas vous faire injure ; mais je crois qu'en cas d'élections nouvelles à Louvain, il faut bien que l'on sache si elles exerceront une influence sur la résolution du ministère. Il pourrait se faire, par exemple, puisqu'on parle beaucoup de corruption, qu'on vînt (ces élections étant annulées en tout ou en partie) dire aux électeurs de Louvain : Vous aurez ce chemin de fer si vous votez pour tel ou tel candidat (interruption) ; dans le cas contraire, vous ne l'aurez pas (nouvelle interruption).

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien ! qu'on le mette donc aux voix immédiatement !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, votons.

M. B. Dumortier. - Je ne dis pas que ce soit votre pensée ; mais il ne faut pas d'équivoque.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que la Chambre décide aujourd'hui même.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Aux voix !

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Toujours des suppositions injurieuses ; vous ne pouvez pas ouvrir la bouche sans qu'il n'en sorte quelque insinuation malveillante.

M. B. Dumortier. - Je demande une explication loyale. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un acte de loyauté, on le transforme en un acte odieux. Nous repoussons vos injurieuses suppositions.

M. B. Dumortier. - Je désire, je le répète, l'exécution du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, et c'est pour cela que je crois que les positions ne doivent offrir aucun équivoque. Or, se réserver l’option entre l'un et l'autre projet ce n'est pas maintenir, en réalité, les premières propositions. Les députés de Bruxelles, d'ailleurs, désirent autant ce chemin de fer que ceux de Louvain, et ils doivent comme moi désirer de savoir à quoi s'en tenir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vais vous satisfaire : nous retirons la motion d'ajournement ; l'article est en délibération.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. de Renesse. - L'honorable M. Guillery, dans le discours qu'il vient de prononcer, a dit que l’utilité du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain n'était pas contestée, qu'il ne fallait pas consentir à l'ajournement proposé par le gouvernement ; cependant, la grande majorité de la section centrale a reconnu que, pour le moment, il y avait lieu d'ajourner la décision à prendre sur cette voie ferrée.

La section centrale a surtout proposé l'ajournement, parce qu'il y a encore plusieurs localités importantes du pays qui ne sont, jusqu'ici, pas rattachées au système général de nos chemins de fer, malgré leurs nombreuses et anciennes réclamations, et qui n'ont jamais obtenu une certaine part dans les grands travaux publics décrétés depuis 1830.

Ainsi l'on consentirait à une nouvelle dépense extraordinaire de l'Etat, qui se monterait probablement au-delà de 6.700,000 francs, lorsque d'autres localités doivent rester dans leur isolement complet, faute d'être reliées à nos chemins de fer.

Dans un pays d'égalité et de liberté, il faut pareillement une juste répartition des grands travaux publics ; je proteste formellement contre la répartition continue de certains grands travaux publics en faveur de localités déjà largement pourvues, tandis que d'autres contrées ont constamment contribué aux grandes charges de l'Etat sans jamais avoir reçu une juste part dans les grands travaux publics.

- La clôture est demandée.

M. Guillery. - Je ne comprends pas qu'on demande la clôture. Le débat n'est pas précisé.

Je vous ai dit que je ne faisais pas de proposition, que c'était un conseil, ou plutôt une prière que j'adressais au gouvernement. il faut que nous sachions sur quoi nous discutons, et parmi les personnes qui demandent la clôture, je suis persuadé qu'il y eu a qui ne savent sur quoi on clôturerait. (Interruption)

Quant à moi, je ne le sais pas. Est-ce la clôture sur le paragraphe, ou est-ce la clôture sur la motion d'ajournement ?

M. le président. - Il n'y a plus de motion d'ajournement, elle est retirée.

M. Guillery. - Ainsi, ce qu'on demande, c'est la clôture sur la discussion du fond, c'est-à-dire sur une question qui n'a pas été examinée. Il s'agit d'une question qui emporte une dépense de 6,700,000fr. et l'on demande la clôture avant que la discussion ait commencé.

On n'a discuté que sur une seule chose, c'est sur la question de savoir si le gouvernement se rallierait aux propositions de la section centrale ou si l'on ajournerait le paragraphe 15 de l'article premier.

Quant à moi, je dois déclarer que je n'ai pas fait de proposition, et qu'après les paroles de l’honorable M. Dumortier, je retire toutes les observations que j'ai présentées, ne voulant pas être solidaire de la portée qu'il leur donne.

M. Coomans. - La clôture est réellement impossible. Mettons, messieurs, de l'ordre et du sang-froid dans un débat qui comporte, comme vient de le dire l'honorable M. Guillery, une dépense de 6,700,000 fr.

Je suis de ceux, assez rares sur ces bancs, qui applaudissent à la détermination que vient de prendre le gouvernement de laisser la Chambre se prononcer sur le projet de loi qu'il nous a soumis. Je suis aussi de ceux qui rejetteront le crédit pour l'établissement d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Mais je désire expliquer les motifs de mon vote, et c'est pourquoi je prie la Chambre de ne pas clore. Je prie M. le président de m'inscrire sur le fond.

M. Dolez. - Je demande la parole pour engager le gouvernement à maintenir la proposition d'ajournement qu'il avait faite au début de ces débats. Cette proposition est réellement la seule digne du gouvernement, la seule digne de la Chambre, et j'espère que le gouvernement comprendra qu'il ne doit pas attacher d'importance aux paroles très légères de l'honorable M. Dumortier.

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Dolez. - Aux paroles très légères, je le répète, de l'honorable M. Dumortier, pour se départir de l'attitude très digne et très convenable qu'il avait prise relativement à la question du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et à la demande de l'honorable M. de Theux.

M. Dolez. - Dans la section à laquelle j'avais l'honneur d'appartenir, moi qui ne suis pas partisan du chemin de Bruxelles à Louvain, j'avais déjà dit à mes honorables collègues que je ne me sentais pas la force de combattre ce travail d'utilité publique à certain degré, je le reconnais, alors que l'arrondissement de Louvain se trouvait par un fait que je déplore profondément, dans l'impossibilité de se défendre. Mes honorables collègues de la cinquième section se rappelleront que c'est uniquement pour cela que cette section n'a pas rejeté le projet de chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

Eh bien, je le demande, devons-nous maintenant, pour des paroles que l'honorable M. Dumortier doit regretter lui-même, changer cette situation, compromettre un intérêt aussi grave pour l'arrondissement de Louvain, alors que cet arrondissement n'est pas défendu. Je ne le crois pas. et j'invite de la manière la plus pressante mes honorables amis du ministère à revenir à la motion d'ajournement qu'ils avaient faite d'abord, motion qui a les sympathies de la grande majorité de la Chambre ; et si l'honorable M. Dumortier me le permettait, je l’engagerais à ne pas insister dans une voie qui nous a mis hors de la bonne ligne que nous avons parcourue.

(page 279) J'espère que MM. les ministres ne refuseront pas de prêter l'oreille à ma voix et qu'ils maintiendront la proposition d'ajournement. Je crois que c'est la position la plus digne pour eux et pour la Chambre.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je suis étrangement surpris de voir l'honorable membre qui vient de se rasseoir accuser de légèreté les paroles que j'ai prononcées.

Qu'ai-je dit ? J'ai dit que l'attitude du gouvernement était équivoque. Cela est-il une légèreté ? J'ai dit que le gouvernement maintenait son projet pour la session prochaine, mais qu'il maintenait aussi la contrepartie, c'est-à-dire les propositions de la section centrale qui en étaient l'exclusion, et j'ajoute que je réclame de la loyauté du gouvernement de nous dire si le résultat de l'élection qui pourrait avoir lieu à Louvain exercera quelque influence sur sa résolution définitive. N'est-ce pas agir en honnête et loyal député ?

Comment ! faut-il donc laisser une pareille question, une question aussi importante, comme un appât à l'élection que peut-être vous méditez dans vos esprits ? Est-ce là ce que vous voulez ? (Interruption.) Oh ! je conçois que mes paroles vous gênent. Mais vous devriez plutôt applaudir à mes paroles, car il est utile pour tout le monde de sortir d'un équivoque.

Maintenant, quelle est la position quant au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ? Mais veuillez ouvrir vos procès-verbaux. Mais ii a été adopté à l'unanimité par toutes les sections. Dans toutes les sections il ne s'est trouvé que cinq voix pour y faire opposition, contre 40 qui l'ont accepté et quelques abstentions. L'an dernier, la section centrale avait accueilli ce même projet à l'unanimité.

Messieurs, le projet de chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain est un projet dont on parle à chaque session dans cette enceinte depuis des années ; c'est un projet de première nécessité pour le pays. Il est indispensable de l'exécuter, et les ministres des travaux publics qui se sont succédé sont venus le demander tour à tour à la Chambre.

Messieurs, il y a plus, et un de mes honorables amis me le fait remarquer avec raison, lorsque la ligne de Bruxelles à Gand a été rectifiée, il y a eu alors engagement de la part de la Chambre et de la part du ministère de rectifier la ligne de Louvain à Bruxelles.

Ce projet est donc du plus grand intérêt pour le pays. C'est peut-être de tous les projets qui nous sont présentés le plus indispensable ; et je le répète, pas une voix ne s'est élevée contre ce projet.

Ce que je conçois fort bien, c'est qu'il y ait des appétits locaux qui, pour être satisfaits, voudraient voir supprimer ce projet, pour être remplacé par d'autres dépenses. Je le conçois à merveille. Mais il n'en est pas moins vrai que le projet a été adopté par toutes les sections, qu'il est dans l'intérêt de Bruxelles, qu'il est dans l'intérêt de Louvain, qu'il est dans l'intérêt de Liège, qu'il est dans l'intérêt de toutes nos grandes villes, qu'il est dans l'intérêt des communications avec l'Angleterre, puisque cette ligne est indispensable si vous voulez conserver comme produits à votre chemin de fer, les transports de l'Angleterre vers l'Allemagne, transports qui nous échapperont infailliblement si vous n'exécutez pas cette ligne directe. Ce projet est donc le plus indispensable de tous.

Je regrette vivement sans doute que les honorables députés de Louvain ne soient pas ici pour défendre ce projet.

Mais les honorables député de Bruxelles n'y sont-ils pas ? N'avez-vous pas ici toute la députation de l'arrondissement de Bruxelles qui a le même intérêt que l'arrondissement de Louvain à la construction de cette ligne ? Il me semble que les députés de Bruxelles peuvent dans cette circonstance remplacer les députés de Louvain qui nous manquent. D'ailleurs, le projet est dû à l'initiative du gouvernement ; c'est au gouvernement à défendre son œuvre, à ne pas abandonner un projet qui n'est que l'exécution d'un engagement pris depuis plus de dix ans, un projet qui est le corollaire du chemin de fer direct de Gand à Bruxelles.

Ce projet doit être exécuté ; pourquoi le retarderions-nous ? Nous- ne devons pas permettre qu'on lui en substitue un autre, et quoi que l'honorable M. Guillery puisse penser de mes paroles, il n'en est pas moins vrai que j'ai voulu savoir si, oui ou non, le gouvernement maintiendrait son projet, ou s'il en accepterait un autre, car cette alternative, je ne puis l'accepter. Je ne puis accepter la position du gouvernement qui vous dit : Je maintiens le projet, me réservant de le supprimer. Ce n'est pas là une position nette, et j'aime les positions nettes.

Voilà ce que j'ai dit, et il n'y a rien de léger dans mes paroles ; au contraire, mes observations sont très sérieuses.

Maintenant faut-il, oui ou non, exécuter le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, réclamé depuis si longtemps ? Mais il suffit de jeter les yeux sur la carte pour voir que tous les étrangers, que tous les citoyens, que tous les habitants de la Belgique ont le plus grand intérêt au redressement de la faute que nous avons commise lors de la création de nos chemins de fer. Et je ne prétends ici accuser personne ; cette faute était certes bien excusable, nous étions les premiers à faire de chemins de fer sur le continent. La faute, tout le monde le sait, c'est d'avoir pris Malines pour point de centre.

A qu'a-t-on fait depuis lors ?

On a cherché à diriger sur la capitale tous les chemins de fer des quatre points cardinaux de la Belgique, comme cela s'est fait en France en Angleterre, dans tous les pays. Vous n'aviez d'abord que deux lignes qui se dirigeaient sur la capitale, celle de Mons et celle d'Anvers, c’est à-dire les deux plus courtes. La ligne d'Ostende se dirigeait sur Malines ; il fallait faire un crochet pour venir sur Bruxelles. La ligne de Liège était dans la même direction, il en était de même au Midi, pour les lignes de Namur et de Tournai. Qu'a-t-on fait ? On a opéré le redressement de toutes ces lignes. On a commencé par redresser la ligne de Gand, et on a fait la route directe sur Bruxelles. On a fait une seconde route directe sur Namur, et maintenant on vous propose de faire une troisième route directe pour la grande ligne de l'Est.

Eh bien, ce projet a toutes les sympathies du pays, il ne rencontre pas une voix qui le combatte.

Si on veut le combattre, qu'on se lève, qu'on parle. Jusqu'ici personne n'a parlé et n'a manifesté l'intention de parler ; j'espère donc que la Chambre n'hésitera pas à accueillir un projet qui est réclamé par l'intérêt du pays tout entier, car si vous avez une capitale, il faut qu'on arrive facilement dans cette capitale. Toutes nos grandes artères de chemin de fer doivent aboutir à Bruxelles comme au cœur du pays ; et aujourd'hui plus que jamais vous devez établir une ligne directe de Bruxelles à Louvain parce que notre camp de Beverloo est au-dessus de Louvain. Je le répète, je pense que vous n'hésiterez pas à approuver ce projet, et, pour ma part, je lui donne mon plein assentiment.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je dois faire à la Chambre une déclaration, au nom des membres présents de la section centrale.

J'ai mis quelque persistance à soutenir le système de la section centrale, non, comme on l'a dit, pour exercer une autorité sur la Chambre ; mais pour remplir sérieusement mon devoir de rapporteur convaincu.

A présent, les membres de la section centrale viennent de conférer brièvement entre eux, et voici quelle est leur opinion, en présence de la position délicate où la Chambre se trouve placée :

Il est certain qu'en l'absence des députés de Louvain, il serait difficile de statuer sur un projet qui intéresse si vivement cet arrondissement. Voici donc ce que vous propose la section centrale : la Chambre aura à en délibérer Elle vous propose d'ajourner le paragraphe relatif au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, et elle prie le gouvernement de prendre l'engagement d'examiner si, à la prochaine session, il ne serait pas possible de déposer un projet de loi comprenant simultanément le chemin de fer direct et les principaux amendements de la section centrale ;

De cette manière nous laissons intacte une question qui intéresse vivement l'arrondissement de Louvain, jusqu'au moment où il pourra être représenté directement dans cette enceinte, et pour ma part j'espère que cela ne tardera pas.

Nous réservons donc la question qui intéresse Louvain, et d'autre part les membres qui désirent d'autres travaux pourront obtenir satisfaction. Le gouvernement avisera. Il verra s'il ne peut introduire dans son projet les principales propositions de la section centrale. Il y a, sur ce pied, transaction honorable et sérieuse pour tous les intérêts ; il y a aussi réserve complète pour tous les droits du gouvernement et de la Chambre.

Au nom de la section centrale, je vous engage, messieurs, à accepter cette transaction qui, loyalement faite, sera loyalement exécutée.

M. de Theux. - Après ce que vient de dire l'honorable rapporteur, le motif qui m'avait fait demander la parole vient à tomber. Si j'ai appuyé la motion d'ajournement, c'est parce que j'ai craint que le rapporteur de la section centrale n'établît un trop grand préjugé contre le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain et que ce projet ne fût pas assez vivement défendu.

Depuis lors, j'ai vu avec plaisir des opinions se prononcer très vivement en faveur de ce chemin de fer ; je vois qu'il rencontre beaucoup de sympathie et que la section centrale, cette fois, n'a pas été l'écho de la Chambre.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je prie le gouvernement de dire s'il accepte notre proposition.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement ne s'oppose pas à la motion, la Chambre statuera. Pour nous, elle répond à l'idée que nous avons exprimée lorsque nous demandions l'ajournement des propositions faites par la section centrale afin de rechercher s'il était possible d'en proposer l'exécution dans le cours de la prochaine session.

La section centrale, d'ailleurs, comme vient de le dire son honorable rapporteur, ne demande pas que toutes ses propositions soient incontinent introduites ; elle se borne à demander que le gouvernements les examine, qu'il recherche les moyens d'y satisfaire dans la mesure la plus large possible. (Interruption.)

La section centrale, par l'organe de l'honorable M. Vandenpeereboom, n'a pas dit, je pense, autre chose.

M. Mercier. - Il importe de ne pas perdre de vue les intérêts du trésor ; je fais observer que l'honorable M. Vandenpeereboom est allé dans ses observations beaucoup plus loin que M. le ministre des finances dans sa réponse. Les développements de l'honorable rapporteur ne doivent donc pas seuls caractériser la proposition.

(page 280) - L'ajournement du paragraphe 15 et des propositions de la section centrale est mis aux voix et prononcé.

M. Allard. - Messieurs, le gouvernement a pris l'engagement d'examiner les propositions de la section centrale, relatives au chemin de fer de Louvain à Bruxelles ; à ce propos, je demande à la Chambre la permission de dire quelques mots.

Lorsque nous nous sommes occupés, au mois de mai 1856, de diverses propositions de chemins de fer, il était aussi question du chemin de fer de Louvain à Bruxelles. A cette occasion, j'avais présenté un amendement qui consistait à autoriser le gouvernement à construire ou à faire construire, à condition de s'en réserver l'exploitation : 1° un chemin de fer de Hal à Ath, passant par Enghien, et 2° un chemin de fer de Tournai vers Lille, passant par Templeuve. Je vous disais alors : Nous avons perdu le transit de l'Allemagne vers la France depuis l'ouverture du chemin de fer d'Erquelinnes à Charleroi.

Nous sommes à la veille de le perdre également vers l'Angleterre, si toutefois la compagnie du Nord, qui est en instance auprès du gouvernement français, obtenait l'autorisation de construire un chemin de fer de Douai à Erquelinnes. J'ai fait alors connaître à la Chambre que lorsque le chemin de fer de Bruxelles à Louvain sera rectifié en créant une ligne de Hal à Ath en passant par Enghien et en redressement de la ligne de Tournai à Lille par Templeuve, le parcours général, qui est aujourd'hui de 177 kilomètres. serait réduit à 122. On gagnerait donc un tiers sur la distance, 55 kilomètres.

Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir bien, à l'occasion de l'examen des propositions de la section centrale, voir s'il n'y a pas lieu de soumettre à la Chambre un projet de loi dans le sens de mes observations, c'est-à-dire un projet qui permettrait au gouvernement de construire un chemin de fer de Hal à Ath en passant par Enghien et une ligne de Tournai à Lille en passant par Templeuve. Il y aurait sur le seul parcours de Tournai à Lille, une réduction de 16 kilomètres sur 37. C'est très important.

Je sais fort bien que nous ne pouvons pas décréter le chemin de fer de Tournai à Lille, qu'il faut que le gouvernement s'entende à cet égard avec le gouvernement français ; aussi je l'engage beaucoup à faire tous ses efforts pour atteindre ce but.

Le cabinet reconnaît lui-même, dans son exposé des motifs, qu'il y a lieu de conserver le transit entre la mer du Nord et l'Allemagne : « Le cabinet actuel, dit-il, a été mû par la pensée que l'Etat seul doit intervenir dans la construction et l'exploitation d’un tronçon de chemins de fer (de Bruxelles à Louvain), situé au centre du réseau des voies de l'Etat, qui aboutit à la capitale, et qui forme une section de la grande ligne qui établit, à travers la Belgique, le transit entre la mer du Nord et l'Allemagne. »

Je demande de nouveau au gouvernement l'étude des deux dernières rectifications de cette grande ligne.

Article premier, paragraphe 16

« D. Bâtiment civils. § 16. Pour le transfert, rue de la Loi, des ministères de la justice et des travaux publics, sept cent mille francs : fr. 700,000.’

M. de Theux. - Messieurs, ce n'est pas précisément sur ce paragraphe en particulier que je veux faire des observations, c'est sur l'ensemble de la rubrique « Bâtiments civils ». Vous aurez remarqué un passage du rapport de la section centrale dans lequel on signale avec force les excédants de dépenses qu'il y a eu dans des circonstance récentes où les prévisions ont été dépassées d'une manière tellement exorbitante qu'il s'est élevé une réprobation unanime.

C'est à l'occasion de ces faits que j'appellerai l'attention toute spéciale de MM. les ministres sur le point de savoir si au lieu de recourir aux mesures que la section centrale propose pour sauvegarder les intérêts du trésor contre de pareilles éventualités, il ne conviendrait pas de traiter à forfait pour la construction de certains bâtiments civils. Ce sont des entreprises qui peuvent être parfaitement étudiées. On peut en connaître facilement la dépense quand on se donne la peine de faire des devis complets et de contrôler ces devis avec tout le soin nécessaire.

Il serait facile d'arriver ainsi à un chiffre fixe pouvant servir de base à une entreprise à forfait. Je ne parle pas des petites réparations, je parle des fortes entreprises qui font aussi partie du projet de loi.

On s'est bien trouvé d'une marche pareille qui a été suivie pour les travaux de la dérivation de la Meuse. Je crois qu'il faudrait procéder de la même manière pour tous les travaux dont l'importance peut être appréciée à la suite d’un examen sérieux.

- Le crédit est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphe 17 à 19

« Au ministère de la justice. § 17. Pour la part de l'Etat dans les frais de construction d'un nouveau palais de justice à Bruxelles, un million deux cent mille francs : fr. 1,200,000. »

M. le ministre de la justice a proposé d'ajouter au libellé : « A la charge par la ville et la province de contribuer chacune pour un sixième dans les frais de construction. »

- Adopté.


« Au ministre de l’intérieur. § 18. Pour l'agrandissement du palais royal à Bruxelles, six cent soixante et quinze mille francs : fr. 675,000. »

- Adopté.


« §19. Pour travaux de restauration et d'appropriation du palais de Liège, trois cent mille francs : fr. 300,000. »

- Adopté.

Article premier, paragraphe 20

« § 20. Pour travaux d'appropriation du palais ducal pour les expositions générales des beaux-arts, le musée moderne, les solennités publiques, etc., trois cent vingt-cinq mille francs : fr. 325,000. »

M. le président. - La section centrale a proposé l'amendement suivant :

« § 20. Pour premier crédit d'un palais des beaux-arts, à Bruxelles : fr. 1,000,000.

« Pour dépenses provisoires au palais de la rue Ducale : fr. 325,000. »

Je crois qu'on est d'accord pour ajourner ce paragraphe.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je crois, messieurs, pour être juste, devoir dire que la proposition du gouvernement reste et que l'augmentation proposée par la section centrale est ajournée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est ainsi que nous l'entendons.

M. Jamar. - Messieurs, je viens vous proposer de voter l'ajournement du paragraphe 20 dans le sens des explications données par l'honorable ministre des finances sur l'ajournement des crédits relatifs à Blankenberghe et au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

Nous avons tous, messieurs, lu avec une vive émotion les considérations si généreuses, d'un ordre si élevé, qu'a fait valoir l'honorable rapporteur de la section centrale pour démontrer la nécessité de trancher d'une manière définitive cette question trop longtemps ajournée d'un palais des beaux-arts. C'est précisément parce que j'applaudis à ce noble langage, c'est justement parce que je partage complètement les sentiments qu'il exprime, que je voterai contre le crédit de 325,000 fr. si ma proposition d'ajournement n'est pas adoptée.

Je crois fermement à l'insuffisance de cette somme pour atteindre le but que le gouvernement se propose. Si, contre mon attente, le crédit n'était pas dépassé ; si l'architecte au talent duquel je rends hommage d'ailleurs, se renfermait dans les limites de ce crédit, on peut prédire à coup sûr dès maintenant que l'appropriation n'aurait en aucune manière le caractère artistique et monumental qu'une telle construction doit avoir.

Mais cette appropriation aurait surtout un inconvénient sérieux et dont je me préoccupe par-dessus tout, celui de faire ajourner, pendant fort longtemps encore, l'érection définitive d'un palais des beaux-arts digne d'une nation qui occupe dans le monde des arts la place qu'y occupe la Belgique.

Quant à la dépense de 30,000 à 35,000 francs pour la construction d'un local provisoire destiné à l’exposition de 1860, je crois que nous pouvons d'autant mieux la décider dès ce moment, qu'il est impossible que l'appropriation du palais ducal soit terminée à l'époque où cette exposition doit avoir lieu.

Je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur, dont les sympathies pour les artistes ne se sont jamais démenties, veuille ajourner l'exposition jusqu'au moment où elle puisse avoir lieu au palais ducal. Je n'ai pas besoin de lui dire que la crise politique qui a exercé une influence si fâcheuse sur l'industrie et le commerce, a pesé bien lourdement aussi sur les artistes. Je serais donc heureux d'entendre l'honorable ministre de l'intérieur nous donner quelques explications qui rassurent sur cette question ceux qu’elle intéresse si vivement.

Quant à la question du palais des beaux-ans, elle a fait l'objet d'études très sérieuses, de plans très remarquables de la part d'un artiste dont la Belgique regrette la perte récente. Les plans de l'architecte Dumont ont été soumis par l'honorable M. de Decker, alors ministre de l'intérieur, à une commission dont l'honorable M. Rogier était président et dont faisait partie M. H. de Brouckere.

Les rapports de la commission constatent la valeur de ces travaux, dans lesquels le gouvernement pourrait trouver des éléments suffisants pour nous présenter, à la session prochaine, un projet complet qui nous permettrait d'espérer, dans un avenir rapproché, la réalisation des vœux de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je répéterai en peu de mots à la Chambre ce que j'ai dit à la section centrale.

Le palais ducal, tel qu'il existe aujourd'hui, ne peut plus servir à la destination que la législature lui avait donnée. Le prince royal a abandonné ce palais et l'a mis à la disposition du gouvernement.

Ce palais peut recevoir dès maintenant diverses applications utiles et même urgentes.

Une exposition des beaux-arts doit avoir lieu l'année prochaine, et il faut que je sois fixé sur le parti à prendre ; il s'agit de décider si nous ferons de nouveau une construction provisoire, éphémère, ou si l'on appropriera dans le palais ducal des locaux suffisants et convenables pour l'exposition.

Ce dernier point a été examiné et éclairci. Nul doute que le palais (page 281) ducal ne se prête parfaitement à une exposition Nous venons d'en faire l'expérience par l'exposition de magnifiques cartons et dessins, appartenant pour la plupart à des artistes éminents de l'Allemagne, et que chacun de vous sans doute s'est empressé d'aller visiter.

Le palais ducal peut encore servir aux grandes réunions publiques, aux fêtes publiques, aux concerts publics.

Dans un pays comme le nôtre, où l'on aime à associer les masses aux fêtes publiques, nous n'avons aucun local où l'on puisse tenir de grandes réunions. Nous avons l'ancien temple des Augustins, qu'on ferait peut-être mieux de rendre au culte, que de consacrer à des cérémonies publiques pour lesquelles il est complètement insuffisant.

Voilà donc les destinations diverses qu'on peut donner au palais ducal au moyen de certains travaux d'appropriation.

Reste maintenant la question d'un palais qu'on a appelé le palais des beaux-arts. On n'a jamais déterminé ce qu'on entendait par un palais des beaux-arts. Voilà comment je comprends la chose :

Dans ce palais on réunirait d'abord tout ce qui concerne les arts proprement dits ; on y joindrait les bibliothèques, les archives, etc.

Des études très approfondies ont été faites par M. l'architecte Dumont. Il s'agissait d'approprier à cette destination les locaux qu'occupe le Musée actuel.

Les plans ont été soumis à une commission dont je faisais partie avec d'autres membres de la Chambre, et la commission les a approuvés. Ils comprenaient diverses salles destinées aux fêtes et cérémonies publiques.

Le projet n'a pas reçu une adhésion complète de la part d'une seconde commission qui était présidée par l'honorable M. H. de Brouckere. Cette seconde commission, en approuvant le projet primitif, a pensé cependant que le local qu'on avait en vue de construire ne se prêterait pas à toutes les destinations qu'on lui attribuait ; elle a pensé, par exemple, que pour les fêtes publiques il fallait un autre local, et que cette destination pouvait être donnée au palais ducal ; elle a jugé qu'il ne serait ni convenable ni prudent d'avoir de grandes réunions publiques dans les mêmes locaux où se trouvaient les grandes collections.

Le palais ducal a été étudié à ce point de vue ; cette étude a donné lieu à un projet très grandiose qui occasionnerait une dépense de deux millions.

Il y aurait à dépenser d'une part 2 millions pour le palais ducal, d'autre part 1,800,000 fr. sur les terrains occupés par le Musée.

Nous n'avons pas voulu présenter une dépense aussi considérable ; nous avons songé d'abord à la chose la plus urgente, à l'appropriation du palais ducal d'aujourd'hui à diverses destinations d'utilité publique auxquelles nous ne pouvons pas nous soustraire.

Nous réservons pour un autre temps qui sera prochain, la question du palais des beaux-arts ; nous croyons que c'est sur l'emplacement du Musée actuel qu'il faudra établir ce palais, et alors les plans de l'architecte Dumont donneront satisfaction à tout le monde.

Quant au palais ducal actuel, nous croyons pouvoir lui donner plusieurs destinations utiles sans dépenser deux millions. Nous sommes grands partisans de monuments publics ; mais même en fait de monuments, on peut, à notre avis, apporter une certaine réserve dans les dépenses.

Nous croyons que nous pourrons, dans le courant de l'année prochaine, donner satisfaction au vœu qui a été exprimé en termes si éloquents et si élevés par la section centrale. Nous avons été frappés des hautes considérations auxquelles la section centrale s'est livrée, et nous nous y sommes ralliés de tout cœur ; nous craindrions de rester au-dessous de cette belle page du rapport de la section centrale, si nous voulions à notre tour faire ressortir la haute utilité de ce palais auquel la section centrale accorde toutes ses sympathies.

Voici donc ce que nous demandons à faire pour le moment ; nous demandons à faire des choses utiles, urgentes, et nous réservons pour l'année prochaine la partie monumentale du projet de loi.

Dans ces limites, nous prions la Chambre de vouloir bien adopter la proposition qui lui est faite. Je prends devant elle l'engagement que j'ai pris devant la section centrale, de ne disposer de ce crédit qu'avec circonspection et de faire en sorte qu'il ne soit pas exécuté au palais ducal des travaux faisant double emploi avec ceux qu'on exécutera plus tard sur l'emplacement du Musée.

M. Hymans. - Après les explications qui viennent d'être données par M. le ministre de l'intérieur, je renonce à la plus grande partie des observations que j'avais l'intention de présenter aussi bien au sujet de la proposition de la section centrale que de celle du gouvernement.

Cependant je dois faire remarquer à M. le ministre de l'intérieur qu'il n'a pas répondu d'une manière formelle à la question posée par mon honorable ami M. Jamart, celle de savoir si l'exposition de 1860 aura lieu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Certainement !

M. Hymans. - Dans ce cas, je demanderai si l'exposition de 1860 aura lieu au palais de la rue Ducale, approprié à cet effet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sans doute.

M. Hymans. - Alors, je ferai remarquer encore qu'il y a dans l'exposé des motifs un passage que je ne comprends pas. Je lis à la page 52 :

1° L'appropriation de tout le premier étage du palais en salles d'exposition pour les beaux-arts,

2° L'appropriation et la conversion de toutes les pièces centrales du premier étage en une vaste salle de concert pour le Conservatoire royal de musique.

Il me semble, messieurs, que les pièces centrales du premier étage font partie de ce premier étage, et si tout le premier étage est approprié en salle d'exposition, je ne comprends pas comment on pourra encore affecter ce premier étage aux concerts du Conservatoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pourquoi pas ?

M. le président. - Cela a été expliqué.

M. Hymans. - Où ?

M. le président. - Sur le plan qui est déposé ici.

M. Hymans. - Soit ; j'accepte l'explication. Mais il me reste à faire une autre observation ; c'est que dans ce devis il n'est pas question de la sculpture. Le palais ducal, approprié d'après le projet qu'on nous soumet, devra servir aux expositions des beaux-arts, non seulement à celle de l'année prochaine, mais à toutes celles qui auront lieu désormais à Bruxelles.

Eh bien, je crois qu'il serait extrêmement utile de recommander à l'architecte de faire en sorte que les œuvres de nos statuaires soient exposées d'une manière convenable. M. le ministre de l'intérieur sait fort bien que dans toutes les expositions des beaux-arts qui ont eu lieu à Bruxelles, la sculpture nuisait aux tableaux, et ceux-ci à la sculpture.

Quant à moi, je ne comprends pas qu'un architecte faisant un plan pour une salle d'exposition, n'ait pas prévu nue nécessité aussi formelle.

J'ajouterai quelques mots encore en réponse à une observation de M. le ministre de l'intérieur, et je dirai que s'il est vrai que le projet de M. Dumont, qui a reçu l'approbation de la commission dont M. le ministre était président, devait coûter un peu cher, ce n'était nullement une raison pour ne point l'exécuter : on pouvait fort bien voter les fonds en plusieurs fois et se borner maintenant à décréter le principe même de la construction projetée.

On a raison de dire, messieurs, qu'en Belgique le provisoire finit par devenir définitif, et ce que nous avons vu depuis quelques années à propos du local affecté à nos expositions des beaux-arts me fait bien craindre que ce fait se confirme une fois de plus.

J'ai l'intime conviction que l'année prochaine nous devrons voter de nouveaux crédits au département de l’intérieur pour la construction d'un local provisoire destiné à l'exposition des beaux-arts.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais non !

M. Hymans. - J'ai la conviction profonde que le palais des beaux-arts, comme vous le proposez, ne sera pas terminé. Je suis de plus convaincu que ce palais sera parfaitement insuffisant ; et la preuve c'est que M. Dumont qui avait fait une étude très approfondie de cette question, sous les auspices de M. le ministre de l'intérieur et de l'honorable bourgmestre de Bruxelles...

M. Ch. de Brouckere. - Il n'était pas sous nos auspices.

M. Hymans. - C'était alors sous ceux de votre frère. (Interruption.) Je dis que M. Dumont, qui possédait parfaitement la question, avait jugé nécessaire un bien plus grand espace pour y loger ce que M. le ministre de l'intérieur veut loger dans le palais ducal.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous confondez.

M. Hymans. - J'ai sous la main le rapport de la commission et je puis vous assurer que j'ai parfaitement examiné la question.

J'avais donc l'intention de proposer à la Chambre, au lien de voter les 325,000 fr. qu'on nous demande pour le replâtrage du palais ducal, d'attendre que le prochain budget de l'intérieur lui soit soumis, et d'y allouer les fonds nécessaires pour l'exposition de l'année prochaine, en le priant de nous présenter à la prochaine session un projet complet de palais des beaux-arts d'après le plan de M. Dumont ou d'après les études nouvelles qu'on jugerait convenable de prescrire.

Je ne fais pas de proposition formelle à cet égard, c'est une simple idée que je soumets à la Chambre, et comme M. le ministre de l'intérieur a la conviction que le palais ducal, approprié comme il l'annonce, suffira à tous les besoins, je ne voterai pas contre le chiffre qu'il propose. Je dirai seulement que, dans ma conviction, ce palais ducal, qu'on ne va refaire que parce qu'il existe, n'est réellement bon qu'à être démoli.

Il n'a, sous le rapport architectural, aucune espèce de mérite ; l'ornementation intérieure avait seule un mérite réel ; elle n'existe plus. Mais, je le répète, je ne voterai pas contre le crédit parce que M. le ministre de l'intérieur le croit indispensable, et qu'il a autant que nous le désir de ménager les deniers publics.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande cependant à dire deux mots.

L'honorable M. Hymans, dans les meilleures intentions, sans doute, confond deux choses distinctes. Il ne s'agit pas ici de la question du palais des beaux-arts ; cette question est réservée.

Il s'agit d'approprier le palais ducal à diverses destinations utiles et urgentes.

(page 282) Parmi ces dernières, il y a l'exposition des beaux-arts de l'année prochaine. L'honorable M. Hymans dit qu'il a la conviction que ces travaux d'appropriation ne seront pas achevés en temps utile. Mais j'ai la conviction contraire, et je ne doute pas que l'honorable M. Hymans ne change de conviction sur ce point d'ici à l'année prochaine.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Coomans. - M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu'il espère pouvoir profiter, dès l'année prochaine, des offres assez brillantes que lui a faites la section centrale relativement à la construction d'un palais des beaux-arts.

Puisqu'il veut bien entrer dans les vues de la section centrale, il est important qu'il sache que la section centrale désire au moins autant, si pas plus que l'exécution d'un palais des beaux-arts, la réalisation de ses autres projets.

Ainsi, puisque je suis réduit à exprimer mon opinion, je dirai que, parmi les propositions de la section centrale ce n'est pas celle relative au palais des beaux-arts qui, dans sa pensée, occupe la première place.

Ainsi, et je crois que cette déclaration est tout à fait conforme au bon sens et aux principes d'une bonne économie politique (dût-on y voir encore une allusion au canal de Saint-Job), il est bien certain que tout amateur que je suis du luxe national bien entendu, je préfère l'utile et le nécessaire au luxe.

- Le paragraphe 20 est adopté.

Article premier, paragraphe 21

« § 21. Pour subsides destinés à des travaux d'amélioration du régime de la Vesdre et de la Mandel, dans un intérêt industriel et hygiénique, cinq cent mille francs : fr. 500,000. »

M. Rodenbach. - Il y a plus d'un quart de siècle que j'ai réclamé la canalisation de la Mandel, et j'ai presque annuellement renouvelé cette demande. Jusqu'ici mes efforts n'ont point abouti.

Aujourd'hui cependant on reconnaît l'utilité de ce travail, comme nous le voyons dans les observations de M. le ministre de l'intérieur ; on reconnaît que la ville de Roulers fait de tels progrès en industrie, qu'elle méritera bientôt d'être appelée le Verviers de la Flandre, et qu'il est temps de lui donner l'eau et les débouchés qui lui manquent.

Le gouvernement, dans ses propositions, nous fait espérer qu'il accordera 80,000 francs, non pour la canalisation, mais pour mesure d'assainissement et pour la jonction de la Mandel avec le Saint-Amand. Ces mesures d'assainissement sont, je le reconnais, extrêmement nécessaires. Ces deux cours d'eau, par suite des nombreux établissements industriels qui existent aujourd'hui sur leurs rives, n'ont plus que des eaux méphitiques, des eaux corrompues, et il est plus que temps qu'on apporte un remède à cet état de choses, dans l'intérêt de la salubrité publique.

Mais, messieurs, cela ne suffit pas. Il est plus que temps que l'on s'occupe de la canalisation de la Mandel, que je réclame depuis si longtemps. Je ne saurais trop vivement appuyer ce que vous a dit à cet égard mon honorable collègue et ami M. Dumortier dans la séance du 2 août. J'ai appris aujourd'hui avec satisfaction de M. le ministre des travaux publics que cette question allait être mûrement examinée. Je suis persuadé que te gouvernement reconnaîtra que l'intérêt de l'économie publique et celui de nombreux établissements manufacturiers réclament la jonction de la Lys à l'Yperlée par Roulers. J'ai vivement sollicité en 1839 et 1840 auprès des ministres de cette époque de bien vouloir charger les ingénieurs des ponts et chaussées d'instruire la canalisation de la Mandel, et grâce à mes instances réitérées, ce travail a été fait en 1841 par M. Detreux et contrôlé par M. Deblock. La première section du canal de la Mandel ne coûterait que 436,000 tr., tandis que le projet de canalisation par Menin coûterait bien fr. 6,000,000.

Messieurs, je sais que la Chambre a hâte d'en finir ; je me borne à recommander de nouveau cette affaire à l'attention particulière de M. le ministre des travaux publics, et je me plais à croire qu'il aura égard aux réclamations si justes et si fondées de l'arrondissement de Roulers dont les habitants sont d'une extrême activité et surtout progressifs.

A cette occasion je rappellerai, messieurs, que c'est aujourd'hui Roulers qui est le centre de l'industrie linière, et que c'est dans cette ville que les fabricants de toile ont pris l'initiative pour le tissage de la toile avec le fil mécanique et la navette volante.

- Le paragraphe 21 est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphes 22 à 25

M. le président. - Nous passons à l'article 2.

M. Coomans. - Je croyais que c'était à la suite du vote des paragraphes de l'article premier que l'on s'occuperait des propositions de la section centrale. On vient de les ajourner. Certainement je ne m'oppose pas à cet ajournement en présence des intentions bienveillantes que M. le ministre des finances a manifestées en les formulant. Mais je demande s'il n'entre pas dans les intentions de la Chambre que quelques explications soient données sur les propositions de la section centrale, explications qui pourraient servir au gouvernement pour apprécier dans l'intervalle des deux sessions, la valeur relative des travaux sur lesquels il aura à se prononcer. Il me semble que des explications de ce genre ne sont jamais superflues.

M. le président. - Il est impossible qu'on discute aujourd'hui les questions ajournées ; sans cela l'ajournement ne serait d'aucune utilité pour la Chambre. Elle a ajourne pour abréger le temps.

M. Coomans. - Si tel est l'avis de la Chambre, je n'insiste pas.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. — La proposition d'ajournement ayant été admise, dans le sens indiqué, au nom de la section centrale, il va de soi que la discussion sur les articles nouveaux proposés par elle doit également être ajournée. Discuter sur ce point en ce moment, ce serait mettre en doute la loyauté du gouvernement pour l'exécution de la transaction acceptée par lui. Pour ma part, je n'ai pas le moindre doute à cet égard ; et je crois avoir mieux servi les intérêts que je défendais par cette loyale transaction que par de longs discours. J'ai confiance que l'avenir prouvera que la section centrale a agi convenablement en suivant cette voie modérée et pratique.

Article 2

La Chambre passe à la discussion de l'article 2 qui est ainsi conçu :

« La ville d'Anvers interviendra dans les dépenses d'exécution des travaux prévus au paragraphe premier de l'article premier jusqu'à concurrence d'une somme de dix millions de francs, en compensation de laquelle l'Etat lui abandonnera les terrains, les constructions et les fortifications de l'enceinte actuelle.

« La démolition des fortifications se fera par la ville et à ses frais,

« La somme de dix millions sera versée au trésor, savoir : cinq millions le jour de la mise en possession des terrains, constructions et fortifications, et cinq millions dans le terme de trois années à partir de ce jour.

« Si la vente de terrains à opérer par la ville produisait une somme supérieure à dix millions de francs, le surplus du prix de vente serait dévolu moitié à l'Etat, moitié à la ville.

« Le gouvernement est autorisé à conclure avec la ville d'Anvers une convention sur les bases qui précèdent. »

M. le président. - La section centrale propose à cet article un amendement auquel le gouvernement se rallie, et qui consiste à ajouter entre les 2ème et 3ème alinéas de l'article, la disposition suivante :

« Cette démolition commencera aussitôt que la nouvelle enceinte sera construite et au plus tard cinq années après la promulgation de la présente loi. »

M. Snoy. - Le chiffre de 10 millions qui vous est proposé par le projet de loi pour la cession des fortifications actuelles, me paraît illusoire ; j'ai la conviction que le gouvernement pourrait effectuer les travaux votés samedi dernier sans qu'il en coûte un denier aux contribuables.

J'ai cherché à me rendre compte de la valeur des terrains dont la ville d'Anvers deviendra propriétaire, et voici les renseignements que j'ai recueillis :

Les terrains de la promenade récemment faite entre la ligne du chemin de fer et les fortifications actuelles, valent en moyenne 300 fr. la verge. 11 y a 300 verges dans l'hectare, ce qui porte la valeur de l'hectare à 90,000 francs, ou 14,500,000 fr. pour les150 hectares. Le propriétaire d'un de ces terrains m'a dit avoir la conviction que la valeur en serait doublée avant 10 ans, si le projet passait.

Les terrains situés le long de la chaussée de Berchem se vendent à raison de 1,000 1,200 fr. la verge, soit 300,000 à 360,000 fr., donc 45 à 54 millions pour les 150 hectares.

Remarquez, messieurs, que ces terrains sont beaucoup plus éloignés de la ville que les fortifications actuelles, qu'ils se trouvent sous le coup des servitudes militaires, que l'existence des fortifications est fort précaire, et que, par conséquent la valeur actuelle en est bien moindre qu'elle ne le serait après l'agrandissement.

Enfin, je me suis informé du prix auquel on avait vendu les terrains à bâtir le long de la nouvelle rue qui mène au chemin de fer, et j'ai appris qu'ils avaient été vendus jusqu'à 80 francs le mètre carré, soit 800,000 fr. l'hectare. Ici nous arrivons au chiffre énorme de 120 millions !

La moyenne de mes trois chiffres est donc 61 millions. Trouvez-vous mes chiffres exagérés ? diminuez-les ; mettons par exemple la moitié, soit 30 millions.

En 1857, on a soutenu, dans cette enceinte, que les terrains valaient 20 à 25 millions.

Les valeurs à recouvrer par suite de la vente de terrains militaires qui deviendraient disponibles après l'agrandissement général, sont estimés à la somme de fr. 19,600,000. (Chambre, séance du 26 juillet 1858.) .

« M. Loos. - Si Anvers pouvait être démantelé, ce n'est pas 20, mais 25 millions, que vaudraient les terrains occupés aujourd'hui par les fortifications et je crois que la ville d'Anvers n'hésiterait pas à garantir cette somme au gouvernement. (Chambre, séance du 26 juillet, page 1286.) La ville d'Anvers payerait donc 30 millions ce qui vaut 30 millions ; elle ne perdrait rien, et gagnerait de l'espace, de l'air, enfin tout ce qu'elle désire.

Maintenant je crois que nous trouverons encore un petit fonds de réserve pour nous rapprocher du chiffre que doivent coûter les travaux projetés.

(page 285) Dans la discussion qui a eu lieu l’année dernière sur le projet de petite enceinte, un de mes honorables collègues, qui alors faisait une opposition énergique et éloquente au projet de petite enceinte, s'écriait :

M. Loos. - Quoi qu'il en soit, messieurs, si les offres faites pour Anvers pour la sauver d'une ruine certaine nous paraissent insuffisantes, que le gouvernement le dise. Anvers veut vivre et prospérer. Elle veut se sauver et, quelque injuste que cela soit, fixez-vous mêmes sa rançon.

A combien estimait-il cette rançon ? Je pense qu'à cette époque l'honorable M. Loos n'aurait pas trouvé le chiffre de 10 millions exagéré, mais il me semble qu'Anvers peut bien payer pour un projet qu'elle déclare vital, indispensable pour sa prospérité, ce qu'elle offrait de payer pour n'avoir aucun de ces avantages et rester dans le statu qu0.

Nous voilà arrivés au chiffre de 40 millions, avec une estimation que je ne crois pas exagérée ; les 9 millions qui manquent encore pour parfaire la somme de 49 millions pourraient être couverts par les ressources ordinaires des exercices de 1859 et de 1860.

En agissant ainsi, on n'engageait pas l'avenir ; des fonds restaient disponibles, chaque année, pour les travaux publics reconnus nécessaires, on ne recourait pas à un nouvel emprunt, on aurait fait moins de bruit autour du projet de loi, et nous craindrons moins, à l'heure qu'il est, de voir peut-être l'un ou l'autre de nos voisins essayer de faire courber la tête à un ministère belge sons sa pression, et tenter de faire subir ainsi au pays l'humiliation la plus profonde qui puisse lui être infligée.

M. Laubry. - Messieurs, pour bien me pénétrer des antécédents de la question, j'ai relu avec soin les Annales parlementaires et il en est résulté pour moi la conviction profonde que la grande enceinte n'est pas nécessitée par les besoins de la défense du pays, mais qu'en l'accordant, le pays cède aux exigences de la ville d'Anvers, et que les seuls intérêts qu'elle sauvegarde sont des intérêts purement civils, des convenances communales.

Je rappellerai à cet égard les paroles de M. le ministre des finances dans la séance du 29 juillet 1858 :

« Messieurs, disait-il, il faut que tout le monde le sache, les représentants d'Anvers peuvent le faire oublier, nous notre devoir est de le dire à la Chambre, l'accroissement successif des dépenses pour les travaux d'Anvers a été commandé non par des intérêts militaires mais par des intérêts purement civils. »

Toutefois, messieurs, je fais une grande différence entre tous les travaux qu'on vous propose.

Les forts de première ligne qui paraissent devoir être construits dans l'intérêt général du pays doivent être exécutés aux frais de l'Etat, tandis que la grande enceinte ayant pour objet principal de satisfaire aux exigences de la ville d'Anvers, il est juste que celle-ci contribue, au moins en partie, aux dépenses qu'elle occasionnera.

En effet d'où vient l'idée de la grande enceinte ? est-ce de l'armée et du département de la guerre ? Non, c'est des spéculateurs et des propriétaires de terrains de la huitième section d'Anvers.

La gouvernement ayant été assez faible pour ne pas faire exécuter la loi sur les servitudes, ils avaient intérêt à rendre légales leurs usurpations et de faire disparaître les servitudes dont leurs terres étaient grevées.

Je ferai remarquer du reste que les servitudes ne lésaient personne. Ces terres y étaient soumises depuis l'agrandissement de 1542. En février 1543 le magistrat d'Anvers avait fixé la limite des servitudes au minimum de 3,500 pieds ou 1,000 mètres des murailles actuelles ; de nos jours cette distance avait été réduite à 585 mètres, et tout récemment à 300.

Les propriétaires actuels n'avaient dons pas à se plaindre d'une mesure qui remontait à trois siècles. Mais la perspective était assez attrayante pour qu'on tentât tous les moyens de tripier et de quadrupler aux frais de l'Etat la valeur de ces biens, et l'on vit alors commencer cette agitation qui ne recule devant aucun moyen pour réussir, et qui vient à aboutir à mettre à la charge de l'Etat une dépense d'environ 25 millions.

Je constate que l'initiative n'est pas partie de la ville d'Anvers, mais de la cinquième section qui, pour s'étendre, n'avait pas besoin des terrains réservés.

Je constate que la proposition à son origine fut, repoussée carrément par l'armée. La maison Keller et compagnie elle-même publia contre cet agrandissement exagère une brochure dont le commissaire du Roi a lu quelques passages dans la séance du 30 juillet 1838.

La maison Keller qualifie le projet de défectueux, de vieille idée à laquelle on faisait trop d'honneur en la discutant.

Elle dit entre autres choses : Ce n'est pas l'Etat qui dans un intérêt militaire demande l'agrandissement d'Anvers, c'est la ville. Ce sont les particuliers, dans un intérêt local et civil.

Dans le sein de la Chambre, les hommes les plus compétents jugeaient même que le camp actuel avec quelques changements était suffisant.

Le général Goblet disait « qu’au moyen d'une somme relativement peu considérable on verrait notre système défensif reposer sur une base qui sous tous les rapports ne laisserait rien à désirer. »

En 1855 la maison Keller se joignit à la cinquième section, et l'agitation prit des proportions considérable. Le gouvernement, désireux de la faire cesser, soumit le projet de grande enceinte de l'entrepreneur à une commission mixte. Celle-ci la rejeta par l'unanimité des membres militaires présents. Néanmoins, pour donner à la ville d'Anvers tous les moyens de s'étendre, et éloigner de la ville actuelle et des faubourgs les dangers d'un bombardement, la commission proposait de construire une ligne de forts détachés en avant du camp actuel, et d'agrandir la ville au nord ; elle jetait ainsi les bases du projet de 1858.

Cette ceinture de forts détachés recevait l'approbation entière du général Goblet qui dans le comité secret du 1er juin 1855 s'exprimait ainsi (rapport du général Goblet du 17 mai 1856) :

« Je n'hésita pas à déclarer immédiatement qu'abstraction faite de toute considération financière, c'est à ce dernier moyen (une ceinture de forts détachés) que je donnerai la préférence.

« Les forts détachés dégagés de toute liaison avec la forteresse laissent entre elle et eux un plus grand espace pour les mouvements et l'assiette de l'armée ; ce sont des espèces de citadelles qui obligent à des attaques régulières et dont la présence retarde considérablement les travaux dirigés contre la place elle-même. »

- Plusieurs membres : Ce n'est pas la question.

M. le président. - M. Laubry est parfaitement dans la question. Il soutient que la ville d'Anvers doit supporter des sacrifices plus grands parce que la grande enceinte a été faite uniquement dans son intérêt, et non pas dans un intérêt militaire. C'est en cherchant à établir ce dernier point qu'il discute l'importance militaire de la grande enceinte. J'invite l'orateur à continuer.

M. Laubry. - Il ne s'agit donc aucunement de la grande enceinte comme nécessaire à la défense de la position.

Ainsi je lis dans un des discours du commissaire du Roi du 27 juillet 1858, l'opinion suivante du général Delaunoy :

« Si l’on pouvait faire abstraction des intérêts d'Anvers et de la nécessité où elle se trouve de refluer vers l'extérieur, je donnerais certes la préférence au projet de 1855, qui satisfait à toutes les exigences militaires et qui constituerait une position unique en Europe. »

Le ministre de la guerre, en mettant les deux projets sur la même ligne, et laissant à la Chambre la faculté de choisir, déclarait implicitement que la construction de la grande enceinte n'était pas exigée par la défense de la position.

Je ferai remarquer que lorsque pareille idée s'est fait jour, c'est en dehors de l'armée et des autorités militaires et des opposants au projet du gouvernement.

En 1858, le gouvernement, prévoyant sans doute les événements graves qui ont surgi quelque temps après, et voulant compléter nos moyens de résistance, a soumis tous les projets d'Anvers au conseil de défense du royaume, institué par le Roi et composé de quatre généraux.

Le commissaire royal nous a lu la délibération de ce conseil dans la séance du 31 juillet ; en voici le préambule.

« Le conseil de défense après avoir mûrement examiné et discuté les projets présentés pour compléter le camp retranché d'Anvers, accorder à la ville l'extension qui lui manque pour le développement de ses bassins et de sa marine marchande, enfin, pour donner à ce grand réduit du pays une valeur défensive en rapport avec le haut degré d'importance de la position, a l'honneur de proposer à S. M. les mesures suivantes. »

Ces mesures constituent le projet de 1858, c’est-à-dire la ceinture des forts détachés et l'enceinte agrandie au nord. Pas un mot non plus de la grande enceinte comme nécessaire à la défense de la position.

Vient maintenant la commission des 27, choisie par M. le ministre de la guerre parmi les officiers de tous grades. Je ne reviendrai pas sur les travaux de cette commission puisque la Chambre a adopté la grande enceinte en principe.

Je rends hommage aux talents et aux convictions de ces officiers, mais je dirai seulement qui les motifs de leur décision n'infirme pas, à mes yeux, tant d'avis contraires émanés d'hommes tout aussi compétents.

Du reste, ce ne sont pas les seuls officiers capables de l'armée, et il serait possible qu'un autre ministre réunisse un jour un nombre plus considérable d'officiers tout aussi savants et partisans d'une opinion contraire.

Quoi qu'il en soit, que résulte-il du discours de M. le ministre de la guerre ? C'est que l'intérêt civil plus encore que l’intérêt militaire a fait pencher la balance vers la grande enceinte.

Le besoin de faire cesser l'opposition de la ville d'Anvers ; la suppression des servitudes, la possibilité pour la population de s'étendre (page 284) sur ces vastes espaces, la garantie pour les faubourgs de toute destruction en cas de siège, etc.

Ce sont là des avantages inhérents à la ville d'Anvers, et il n'est pas admissible que le pays en supporte seul les frais. Il est de toute justice que la ville d'Anvers se soumette de ce chef à quelques sacrifices réels et non pas illusoires.

Sous ce rapport, l'intervention de la ville d'Anvers dans les dépenses d'exécution prévues par l'article 2 n'est pas sérieuse.

Les terrains qu'on cède ont été évalués par diverses expertises à 19 et 21 millions.

M. Loos disait même dans la séance du 26 juillet 1858 :

« Si Anvers pouvait être démantelé, ce n'est pas 20 millions mais 25 millions que vaudraient les terrains occupés par les fortifications, et je crois que la ville d'Anvers n'hésiterait pas à garantir cette somme au gouvernement, et c'est, messieurs, pour dix millions qu'on les lui accorde. »

Il y a plus : on prévoit le cas où Anvers pourrait gagner sur la vente. Le paragraphe 4 de l'article 2 porte en effet que si la vente de terrains à opérer par la ville produisait une somme supérieure à dix millions de francs, le surplus du prix de vente serait dévolu moitié à l'Etat, moitié à la ville.

Comme députés du pays et devant sauvegarder ses finances, nous ne pouvons suivre le gouvernement dans cette voie ; ce que nous devons vouloir, c'est un concours efficace et sérieux, qu'Anvers offrait l'année dernière quand elle demandait la grande enceinte.

Dans la séance du 26 juillet 1858, l'honorable M. Loos disait :

« Si les offres faites par Anvers pour se sauver d'une ruine certaine vous paraissent insuffisantes, que le gouvernement le dise. Anvers veut vivre et prospérer, elle veut se sauver ; et quelque injuste que cela soit, fixez sa rançon. »

Je cherche la rançon, messieurs, et je ne la vois pas.

Le collège échevinal d'Anvers écrivait au conseil des ministres, et sa lettre a été lue dans la séance du 29 juillet 1858 :

« Nous vous prions donc, messieurs, avec les plus vives instances, de vouloir nous faire connaître la somme pour laquelle la ville d'Anvers devrait contribuer dans les dépenses pour que son concours soit envisagé par vous comme efficace, à l'effet de faire décréter simultanément la construction de la grande enceinte et la démolition de l'enceinte actuelle. »

Dans la séance du 27 juillet 1858, l'honorable M. Loos disait encore :

« Puisqu'il s'agit d'une question d'argent, que le gouvernement et la Chambre disent ce qu'on attend d'Anvers, quelle participation on attend d'Anvers. »

Eh bien, messieurs, voici ma réponse :

Puisque la ville d'Anvers a demandé, sollicité, poursuivi avec tant d'acharnement, au cri de tout ou rien, l'érection de la grande enceinte, et que celle-ci est faite dans son plus grand intérêt, je demande que son concours soit réel, efficace, et qu'elle s'impose, par exemple, les sacrifices que la ville de Lille a offerts au gouvernement français

Quant aux forts détachés, il est juste qu'elle n'y participe pas. C'est là un objet d'intérêt général, de même que la défense de l'Escaut.

Je n'exige sa participation que pour l'enceinte seule.

Lille est dans une bien autre position qu'Anvers.

Il n'est pas entouré par des faubourgs semés de fermes, de campagnes, de maisons de plaisance, mais par de véritables villes industrielles.

Pour l'agrandissement on démolit le tiers de l'enceinte ou environ 58 hectares, qu'il paie 5,600,000 fr. ; c'est déjà beaucoup plus cher qu'Anvers qui ne devrait donner que 10 millions pour prix de 154 hectares.

De plus, la ville de Lille exproprie et cède au gouvernement, à ses frais, tout le terrain nécessaire à la nouvelle enceinte, lequel est évaluer à 6,400,000 francs.

En somme, c'est un sacrifice de 6,400,000 francs pour englober dans son enceinte 505 hectares, tandis qu'en définitive Anvers ne payera pas un sou pour en englober 1,100.

En traitant Anvers comme Lille s'est traité lui-même, (car les offres émanent de son conseil communal), il y aurait lieu de mettre à la charge du pays le prix des travaux de l'enceinte évalués par M. le ministre de la guerre à 16,498,000 fr., comme représentant très largement la part que l'intérêt général et militaire peut avoir dans cette construction, et à la charge de la ville d'Anvers les terrains et bâtisses à exproprier et évalués à 7,840, 000 francs.

Je propose donc de rédiger l'article 2 de la manière suivante :

« Après l'achèvement de la grande enceinte, il sera procédé au démantèlement de la place actuelle, la citadelle exceptée, laquelle appartient au nouveau système.

« Le gouvernement pourra céder les terrains de l'ancienne enceinte avec charge de démolition, soit à la ville d'Anvers, soit à une société.

« La convention y relative sera soumise à l'approbation des Chambres.

« Les travaux de la nouvelle enceinte commenceront dès que la ville d'Anvers aura mis à la disposition du gouvernement les terrains nécessaires à sa construction, et qui sont estimés par M. le ministre de la guerre à 7,840,000 francs.

« L'expropriation de ces terrains et des bâtisses qui s'y rencontrent sont mis à la charge de la ville d'Anvers. »

Permettez-moi de vous soumettre ces quelques observations.

L'agrandissement de Lille ajoute 505 hectares aux 210 de la ville actuelle.

La dépense est évaluée à 30,000,000. La ville prend à sa charge les frais d'expropriation évalués à 6,400,000 pour la construction de la nouvelle enceinte, et elle payera en outre à l'Etat une somme de 5,600,000 fr.

Elle reçoit en échange la propriété de 88 hectares de terrains occupés par l'enceinte actuelle et évalués 100 à 150,000 francs l'hectare, moyenne. 125,000.

Ainsi Lille incorpore 505 hectares et Anvers 1,100 hectates

A Lille on démolit 53 hectares de fortifications et à Anvers 154 hectares.

A Lille l'hectare de terre de fortifications démolies est estimé en moyenne à 125,000 fr. et le gouvernement le cède à 96,000 fr.

A Anvers où la plus faible expertise fut à 19,000,000 pour la valeur de 154 hectares, l'hectare en moyenne et en nombre rond 130,000 fr. et le gouvernement le cède à Anvers pour 65,000 fr., c'est-à-dire un bénéfice sur Lille de 31,000 fr. par hectare.

On ne doit pas regarder comme un sacrifice les sommes données pour échange de terrain. C'est l'échange d'une valeur pour une valeur plus grande.

En somme, la ville de Lille ne fait pas un sacrifice de 12 millions, mais un sacrifice de 6,400,000 pour l'expropriation des terrains.

La ville d'Anvers ne fait aucun sacrifice, mais elle spécule et gagne sur l'Etat.

On me dira peut-être que la ville d'Anvers se refusera à ce sacrifice, mais cette objection me touche peu. Le point sur lequel tout le monde paraît d'accord, ce qui fait la force de la position, c'est la ceinture des forts détachés.

Quand elle sera constituée, l'armée aura la base et le refuge qu'elle réclame.

Pour cela, le ministère a tout ce qu'il faut pour mettre la main à l'œuvre.

La défense ne périclitera pas et le pays ne sera pas compromis, si en cas de besoin ou devait démolir les maisons qui se sont élevées dans le rayon des servitudes en violation de la loi.

Du reste, messieurs, je crois qu'il y aurait quelque avantage pour le pays à ce qu'on retardât un peu la construction de la grande enceinte, et qu'on étudiât de nouveau la manière dont elle sera construite, ce qui est tout à fait indépendant du principe que vous avez voté.

Depuis le vote de la Chambre, des rumeurs surgissant qui viennent confirmer un propos que j'ai entendu énoncer par un de mes amis de la section centrale. On dit que le nouveau plan de la grande enceinte n'est pas du tout le fait de la commission des 27, et que même elle ne l'a pas vu ; bien plus, on ajoute encore dars le public que le système que M le ministre appelle polygonal a été rejeté dans la commission par tous les officiers du génie et par tous les généraux des armes spéciales.

M. le président. - Ceci commence à sortir de la question. Je vous ai maintenu tout à l'heure la parole ; mais maintenant je dois vous engager à rester dans l'examen de l'article en discussion.

M. Laubry. - J'ai cherché à connaître la vérité près d'officiers à même de connaître les faits, mais j'ai trouvé bouche close. Vous voyez que cela n'a rien de compromettant.

Il y a comme un mot d'ordre donné à cet égard pour que les députés ne sachent que ce que M. le ministre veut bien leur dire.

Cette année la position des membres de la Chambre est sous ce rapport fort déplorable, et il nous faut voter environ 50 millions pour ainsi dire de confiance.

Il n'en était pas de même l'année dernière ; non seulement des officiers ne se gênaient pas de donner toutes sortes de renseignements et de publier des brochures contre le projet du gouvernement, mais nous avions dans la Chambre des hommes capables de nous éclairer et de réfuter le ministre ; aujourd'hui nous devons crier le fiat dans les ténèbres, sous peine d'être considérés comme voués à subir le joug de l'étranger.

Une pareille situation ne saurait durer. Il faut ou bien qu'on trouve moyen de faire entrer quelques généraux dans la Chambre...

M. le président. - C'est la réforme parlementaire que vous demandez là.

M. Laubry. - Ou bien que nous puissions les consulter en section centrale.

Il y avait un dernier moyen de s'éclairer au sujet de l'enceinte polygonale. M. le ministre de la guerre avait dit que ses procès-verbaux de la commission des 27 étaient à la disposition des membres de la section centrale qui voudrait nt les consulter.

le me suis rendu à son département, où l'on m'a fait comprendre (page 285) que du moment que je demanderais communication des procès-verbaux de la commission pour m'en servir, ce que du reste j'ai déclaré, il était très probable qu'elle me serait refusée. Je n'ai pas insisté.

Il est un moyen pour M. le ministre, s'il croit devoir les démentir : c'est de nous faire connaître combien d'officiers ont voté pour le système polygonal, combien contre, et quels sont les noms de ces officiers.

Vous savez tous, messieurs, de quelle considération jouit le génie français, car il a pris plus de villes que toutes les armées réunies du monde.

Eh bien, si je suis bien informé, le génie français trouve le système polygonal mauvais.

- Plusieurs membres. - Il y a décision de la Chambre.

M. Laubry. - Je vous demande pardon. La Chambre a voté la grande enceinte, je ne conteste pas la grande enceinte.

Mais comme on veut introduire dans notre pays un système, qui, quoi qu'on en dise, n'a jamais fait ses preuves et que le génie le plus savant et le plus habile de l’Europe repousse, les idées de quelques théoriciens doivent-elles prévaloir sur tant d'oppositions et nous jeter dans l'inconnu ?

Ne croyez-vous pas, messieurs, qu'il serait bon et prudent avant de mettre la main à l'œuvre, que le gouvernement soumît le projet de cette grande enceinte à de nouvelles études. On commencerait et activerait pendant ce temps la construction des forts détachés.

M. Vervoort. - J'ai cru d'abord que l'honorable M. Laubry prononçait son discours pour M. Loos, car il l'interpellait constamment. La présentation d'un amendement est venue me prouver que l'honorable membre entendait s'adresser à la Chambre.

En écoutant le discours de l'honorable M. Laubry, je m'attendais à une conclusion toute différente. Je croyais que l'honorable membre allait imposer à la ville d'Anvers la construction de la nouvelle enceinte. Sa conclusion est beaucoup plus modeste. Il se borne à lui demander la fourniture des terrains nécessaires à la grande enceinte. Il estime ces terrains à 7,840,000 fr., c'est-à-dire qu'il veut frapper la ville d'Anvers d'une contribution de guerre de 7,840,000 fr.

Cette proposition vient un peu tard. Je le regrette, car j'aurais été charmé d'entendre M. Laubry sur le système polygonal et d'examiner s'il n’y aurait pas moyen pour la ville d'Anvers de se sauver à meilleur compte.

L'honorable membre perd de vue que la Chambre a décrété la grande enceinte, que personne n'a songé ni pu songer à demander à la ville la livraison des terrains nécessaires à la construction d'un boulevard national.

Je ne vois donc rien de sérieux dans l'amendement. Le pouvoir législatif ne peut pas imposer des contrats et substituer de sa seule autorité des conventions onéreuses aux lieu et place de l'arrangement arrêté entre le gouvernement et la ville d'Anvers.

La Chambre peut repousser ce contrat, mais non point en commander un autre. Au surplus, ce contrat est fort onéreux, et la Chambre a compris en décrétant purement et simplement la grande enceinte qu’elle ne pouvait mettre un sacrifice considérable à la charge de la ville choisie pour y établir d'immenses fortifications dans l'intérêt du pays.

La demande de M. Laubry vient donc trop tard, de même que ses observations critiques dirigées contre le système proposé par le gouvernement et adopté par la Chambre. Comment se fait-il qu’il soit revenu sur ce qui a été voté dans la séance du 20 ?

Serait-ce parce qu'une médaille lui est offerte pour la conduite courageuse qu'il a tenue dans cette séance ? (Interruption.)

Je le lis dans un journal de Mons que je tiens à la main.

Je ne vois que ce moyen d’expliquer le discours que vient de prononcer l'honorable membre. Comme pour obtenir une médaille il faut la mériter, M. Laubry a développé aujourd'hui le système courageux qui devait trouver sa place dans la séance du 20.

L'honorable membre pourra recueillir une récompense civique, mais je ne crois pas qu'il obtienne l'adoption de son amendement.

M. Laubry. - Messieurs, si l'honorable préopinant qui vient de se rasseoir peut trouver que ma proposition arrive trop tard, qu'elle n'est pas fondée, c'est à la Chambre à en juger. Ce que je puis dire, c'est que les motifs qu'il a invoqués pour la combattre n'ont aucunement détruit les observations que j'ai fait valoir dans mon premier discours.

Quant à ses allusions sur une médaille, elles sont de mauvais goût. Je laisse à mes honorables collègues le soin de les qualifier.

J'ai soutenu que la ville d'Anvers avait demandé, sollicité, poursuivi avec acharnement la grande enceinte pour et dans l'intérêt des convenances communales et des propriétaires qui avaient des terrains frappés de servitudes.

J’ai dit que la grande enceinte n'était pas exigée par les besoins de la défense, que sur ce point toutes les autorités étaient d’accord.

L’honorable M. Vervoort, qui s'est posé le défenseur de ces intérêts, vous disait l’année dernière qu'une des grandes considérations invoquées pour justifier la nécessité d'une grande enceinte, c'est que les servitudes militaires diminuaient considérablement la valeur des propriétés et que sous ce rapport il y avait un intérêt incontestable à les affranchir.

Et savez-vous, messieurs, pourquoi ? C'est, disait M. Vervoort, parce qu'une maison de 40,000 fr. a été vendue en 1854 9,000, parce qu'elle se trouvait dans le rayon de défense.

Est-ce là un intérêt militaire ?

L'honorable M. Vervoort plaidait la cause des propriétaires, des financiers, des spéculateurs qui aujourd'hui comme alors veulent tripler, quadrupler leurs terrains aux frais de l’Etat.

Moi, messieurs, au contraire, ce ne sont pas les intérêts privés des convenances communales que je viens défendre, ce sont les intérêts du trésor. J'ai voté contre le paragraphe premier de la loi ; est-ce à dire que mes honorables amis qui lui ont donné un vote favorable doivent laisser supporter par l'Etat des charges qui ne sont pas commandées par les exigences d’une bonne défense, charges excessivement lourdes et devant lesquelles le gouvernement reculait l'année dernière.

N'est-il pas juste, équitable, que la rançon que la ville d'Anvers promettait l'année dernière soit réelle, efficace, et non pas un leurre ?

Je constate que toutes les autorités militaires et les hommes les plus compétents, qui, leur patriotisme en est garant, ne reculent pas devant une dépense quand ils la jugent utile, n'ont toujours considéré la grande enceinte qu'à un point de vue : celui de l'intérêt privé et des convenances de la ville d'Anvers.

Les ministres eux-mêmes ne reculaient ils pas aussi devant cette énorme dépense que devaient entraîner les travaux de la grande enceinte ?

Que disait M. Frère ?

La charge qu'on devrait s'imposer en votant la grande enceinte serait si considérable, que je ne crois pas qu'on trouve un ministre pour la proposer.

Que disait M. Rogier, représentant d'Anvers ?

Quelque partisan que je sois de la grande enceinte, il me serait impossible, ministre ou non, d'appuyer un crédit de 45 millions. Aujourd'hui, c'est bien davantage.

Rappelez-vous, messieurs, ces meetings et ces manifestations qui ont eu lieu à Anvers l'année dernière, où la cri de ralliement contre le projet soumis alors à vos délibérations était : Tout ou rien, grande enceinte ou pas du tout.

Il fallait faire taire l'opposition, de quelque côté qu'elle se manifestât ; on l'a fait tomber, maïs à quel prix ? Au prix des sacrifices que nous ne devons pas supporter seuls ; je ne veux que ce qui est juste, et je crois que les observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter dans mon dernier discours ont dû vous convaincre que l'intervention pécuniaire que je réclame de la ville d'Anvers dans les dépenses de la grande enceinte est modérée.

Anvers n'est pas la seule ville qui souffre des servitudes militaires ; toutes les places fortes sont soumises à ce régime : A Mons aussi, telle maison qui a une valeur de 5,000 fr., si elle n'était pas dans le rayon de la place bâtie en violation de la loi, pourrait en valoir 12,000 si l'enceinte était agrandie.

L'honorable M. Vervoort faisait au commencement de son discours allusion à un journal de Mons qui parlait d'une médaille à m'offrir à l'occasion de mon vote contre les forts d'Anvers.

Oui, messieurs, j'ai voté contre les travaux gigantesques d'Anvers, parce que je les considère comme un danger pour la Belgique et comme devant entraîner le trésor dans des dépenses très considérables.

Je l'ai fait avec la conviction d'un bon citoyen qui aime son pays et qui croit le servir en repoussant des travaux que je considère comme un paratonnerre destiné à attirer la foudre sur notre belle patrie.

Je les ai repoussés parce que notre Belgique neutre à perpétuité et garantie par les grandes puissances qui ont intérêt à la conserver, doit rester modeste comme elle a fait depuis 29 ans, et sa modération a fait sa force.

Elle ne doit pas donner à son appareil militaire une importance ou une signification qui pourrait compromettra les bonnes relations que nous devons vouloir conserver avec tous nos voisins. Aux grandes nations la puissance des armées, la gloire. A la Belgique la puissance des arts, de l'industrie, du commerce et de nos institutions libérales. C'est le rôle qui convient à mon pays.

J'ai voté contre parce que nos dépenses militaires sont déjà lourdes,, très lourdes et il faudrait encore les augmenter si l'on adoptait votre nouveau système défensif.

Aujourd’hui, quand on critique les gros budgets de la guerre, que dit-on ? La réponse est celle-ci, vous avez une armée, il faut la payer..

Qui veut la fin veut les moyens. Quand vous aurez votre système défensif à Anvers, on vous dira : pour que la défense soit complète, il faut des hommes, il faut augmenter l'armée. On s'y opposera peut-être mais le principe admis, on vous répondra : Qui veut la fin veut les moyens.

(page 286) L'honorable M. Vervoort comprendra maintenant pourquoi j'ai voté contre le projet. Croit-il que c'est pour mériter la médaille à laquelle il a fait allusion ? Qu'il sache que je ne recherche pas ces manifestations ; ma seule récompense, c'est la satisfaction d'un devoir bien rempli, et ce que je recherche avant tout, c'est d'obéir au cri de ma conscience, dussé-je désobliger mes amis.

Je regrette, messieurs, d'être sorti un peu de la question, mais c'est l'honorable M. Vervoort qui m'y a entraîné. Il dit que je n'ai pas proposé de conclusions ; il ne sera plus de cet avis quand il aura lu mon amendement.

L'heure étant trop avancée, je bornerai là mes observations.

- La séance est levée à 5 heures.