(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Ansiau lit le procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. Maertens communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre, et la composition des bureaux des sections pour le mois de janvier.
Première section
Président : M. Lange
Vice-président : M. de Renesse
Secrétaire : M. Van Iseghem
Rapporteur : M. Deliége
Deuxième section
Président : M. …
Vice-président : M. de Man d’Attenrode
Secrétaire : M. Thienpont
Rapporteur : M. de Ruddere de Te Lokeren
Troisième section
Président : M. Osy
Vice-président : M. Magherman
Secrétaire : M. de Moor
Rapporteur : M. Vander Donckt
Quatième section
Président : M. le Bailly de Tilleghem
Vice-président : M. Tremouroux
Secrétaire : M. de Perceval
Rapporteur : M. Laubin
Cinquième section
Président : M. Faignart
Vice-président : M. Jouret
Secrétaire : M. de Portemont
Rapporteur : M. Van Renynghe
Sixième section
Président : M. Coppieters t’ Wallant
Vice-président : M. Van Cromphaut
Secrétaire : M. Landeloos
Rapporteur : M. Jacques
« Plusieurs blessés et combattants de septembre prient la Chambre d'améliorer leur position. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du département de l'intérieur.
« Des habitants de Steenkerque prient la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte vers les Flandres. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Christophe, ancien sous-lieutenant au 2ème bataillon des tirailleurs francs, demande un secours. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal d'Erneuville, de Wives, d'Ortho et de Tenneville demandent la construction d'une route entre les barrières de Champon et d'Houffalize. »
- Même renvoi.
« Plusieurs arpenteurs demandent l'abolition du droit de patente des arpenteurs jurés ou bien une loi qui interdise aux employés du cadastre, aux inspecteurs et entrepreneurs de travaux de faire des arpentages et des métrés en dehors du cercle de leurs attributions. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Saint-Vaast présentent des observations contre le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »
« Mêmes observations d'industriels, commerçants et propriétaires de Houdeng-Goegnies, des membres du conseil communal de Houdeng-Aimeries, de maîtres de carrières, de maîtres chaufourniers, d'industriels, négociants et habitants de Soignies et du sieur de Laveleye. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
« Plusieurs habitants du Rœulx prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw et demandent une voie ferrée de Charleroi à Gand par le Rœulx. »
M. Faignart. - Jusqu'à présent la partie du pays qu'habitent les pétitionnaires est dépourvue de chemin de fer. Si l'on concède le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, ce sera peut-être un motif pour qu'elle n'en ait jamais ; le chemin dont la concession est demandée par MM. Dupont et comp. traverserait des localités très importantes dont les habitants réclament, à juste titre, l'exécution, pour ne pas rester plus longtemps privés d'une voie ferrée.
Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui seia chargée d'examiner le projet de loi.
- Ce renvoi est ordonné.
« Le conseil communal et des cultivateurs de Bertrix demandent le rétablissement du crédit pour la distribution de chaux à prix réduit. «
« Même demande du conseil communal et d'habitants de Grapfontaine, Opont, Teflin, Redu, Tourinne. »
M. de Moor. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.
M. Faignart. - J'appuie la proposition de l'honorable préopinant, et je demande, en outre, que la commission veuille bien faire ce rapport avant la discussion du budget de l'intérieur.
M. le président. - Ne vaudrait-il pas mieux renvoyer la pétition à la section centrale du budget de l'intérieur qui doit se réunir demain ?
M. de Moor. - Je désirerais aussi due la pétition fût examinée par la commission et que le rapport fût déposé avant la discussion du budget de l'intérieur.
M. Lambin. - Je demande également que la pétition soit renvoyée à la commission.
- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, six demandes de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission lîes naturalisations.
« M. le ministre de la justice transmet des explications sur la pétition des habitants du canton de Fauvillers tendant à la création d'un second notariat dans ce canton. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« M. le ministre de la justice transmet les copies des arrêtés qui sont intervenus concernant des libéralités ou des fondations charitables et pieuses et dont l'insertion au Moniteur n'a eu lieu que par extraits. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« M. le ministre de la justice adresse, pour la bibliothèque de la Chambre des représentants, deux exemplaires du premier cahier du troisième volume des procès-verbaux des séances de la commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Bronne adresse à la Chambre 120 exemplaires d'une brochure intitulée : « De la guerre aux usines et du droit d'octroi sur les houilles industrielles. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres.
« M. de Haerne, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de présenter un projet de loi répressif de la falsification des denrées alimentaires et de la mise en vente des denrées falsifiées.
- Il est donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.
Ce projet sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.
M. de Mérode (pour une motion d’ordre). - Hier, messieurs, on nous a fait connaître officiellement la démission d'un de nos collègues, député de Bruxelles.
Je n'ai point de contrôle à exercer sur les motifs personnels de cette retraite ; mais lisant ce matin la lettre publiée par l'honorable représentant qui renonce à siéger dans cette Chambre, j'y vois qu'il présente la loi très urgente sur les dons et legs charitables comme devant être nécessairement une question de parti à vider sur le terrain politique, et, sur ce terrain ainsi qualifié par lui, il ne veut pas que sa voix fasse défaut à ceux dont il a toujours brigué les suffrages.
Quant à moi, messieurs, je viens le proclamer hautement, je ne considère pas comme une lutte politique un débat instructif et sérieux sur les moyens de porter efficace et large assistance à la pauvreté si malheureusement croissante dans notre pays, malgré tous ses progrès industriels.
J'aime mieux espérer qu'il servira à répandre la lumière sur l'objet le plus important qui puisse attirer l'attention impartiale des esprits généreux, lesquels ne veulent pas que le sort de l'indigent soit sacrifié aux conceptions étroites et pleines de défiances non fondées.
Quels que soient les services de M. Charles de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles, je suis convaincu qu'il en pourrait rendre de plus grands encore à la patrie belge tout entière, si péniblement affligée d'un désolant paupérisme, en apportant ici, dans une discussion approfondie, destinée à réduire ce mal autant que possible, le tribut de ses connaissances spéciales sur la matière, et contribuer de la sorte plus que tout autre à maintenir le débat sur son véritable terrain ; c'est-à-dire sur le champ d'exploitation des remèdes les meilleurs et les plus applicables au fléau qui sévit cruellement en Belgique.
Les amis sincères de l'humanité, les hommes de cœur libéraux qui souffrent impatiemment que les intérêts du pauvre soient tristement livrés aux préjugés ùe l'ignorance des faits réels ou négligés et mis en fourrière par inquiétude de conflits politiques passionnés, ne sauraient trop réclamer la prompte solution des entraves et des (page 332) incertitudes qui, paralysent le zèle de la charité et privent l'indigence d'une part notable des secours qu'elle obtiendrait sous un régime de liberté juste et bien entendu.
Le grand pontife de la plus belle tragédie de Racine, Joad dit à Abner :
« Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai pas d'autre crainte ».
Ne nous livrons pas aux terreurs méticuleuses qui nous inspireraient sans cesse la pensée contraire et nous feraient répéter trop souvent :
« Craignons tout, chers amis, soyons toujours en crainte. »
M. le président. - Quelle est votre conclusion ?
M. de Mérode. - Ma conclusion est qu'il ne faut pas laisser croire à l'assemblée que la question, toute de générosité et de libéralité, des dons et legs charitables doit être absorbée par la question politique.
M. Frère-Orban. - Je demande la parole.
M. le président. - M. de Mérode n'a pas fait de proposition.
M. de Mérode. - Je conclus en demandant que la loi soit présentée le plus tôt possible.
M. Frère-Orban. - La Chambre aura été fort étonnée, quelles que soient les opinions sur le fond de la question, elle aura été péniblement surprise d'entendre le discours que vient de prononcer l'honorable M. de Mérode. L'honorable membre considère ceux qui combattent ses idées sur la manière d'administrer les fondations de charité, comme des hommes qui veulent s'opposer à la diffusion de la bienfaisance et il revendique pour lui seul l'honneur de s’occuper des pauvres, de leur misère et des moyens de les soulager en Belgique.
Vous le demandez pour moi-même et pour mes amis. Mais à vous entendre, ceux qui combattent vos idées sont des adversaires de la charité. C'est, je vous le dis, ici, à vous, en face, c'est une calomnie. Notre préoccupation la plus vive et la plus constante dans cette question est précisément le sort des malheureux.
Nous ne savons pas quel sera le système qui sera proposé par le ministère ; mais ce que nous savons, c'est que les idées qui ont été mises en avant, qui ont été défendues jusquà présent, sont des idées désastreuses pour les pauvres. Nous avons combattu ces idées et nous continuerons à les combattre.
Votre système, nous le connaissons ; votre système est celui qui existait avant 1789 et se résumait dans les couvents.
M. de Mérode. - Vous n'en savez rien.
M. Frère-Orban. - Les idées que vous avez défendues, que vous avez soutenues, que vos amis politiques ont essayé de faire prévaloir, ce sont celles-là. Est-ce que vous avez détruit alors la misère et le paupérisme ? Ignorez-vous qu'il y avait dans les Flandres autant de pauvres qu'on en compte aujourd'hui ? (Interruption.) Des documents irrécusables ne laissent point de doute à cet égard. Des travaux qui ont été publiés par des hommes désintéressés, des hommes impartiaux, constatent cet état de choses.
Au surplus votre système existe dans d'autres pays. Vous avez un bel exemple à nous citer : ce sont les Etats Romains, ils sont assurément pleins de splendeur ; la misère n'y existe pas ; la démoralisation n'y est pas grande ; le brigandage n'y est pas organisé ?
Si ce sont là les moyens de salut, que vous avez à offrir à la Belgique, nous les répudions. Nous en voulons de plus efficaces. Nous voulons ceux qui ont été pratiqués jusqu'à présent et qui ont eu pour résultat d'assurer un contrôle efficace et sérieux sur les biens qui sont légués aux malheureux. Nous ne voulons pas que ces biens soient dilapidés, soient transformes en couvents.
Voilà sur quoi porte la question que nous aurons à résoudre, et je regrette que l’honorable comte de Mérode ait de nouveau anticipé sur la discussion.
M. de Mérode. - Il est singulier que l'honorable membre veuille en quelque sorte interdire la parole à celui qui en a usé seulement dans l'intérêt d'une discussion sérieuse et sur un objet important à l'ordre du jour. Je n'ai avancé aucun principe, je n'ai parlé ni de couvents, m des Etats Romains, ni de 1789. J'ai témoigné l'intention et le désir que la loi concernant la charité ne fût pas transformée en affaire politique de parti et qu'elle fît cesser un état précaire et incertain.
Entre ces idées et la calomnie qu'y a-t-il de commun ? et ne faut-il pas avoir l'esprit mal fait pour leur donner cette qualification ? Quant à la question en elle-même, lorsque nous la traiterous l'on verra bien si nous sommes aussi absurdes qu on le prétend et si nous réclamons un régime nuisible au pays et aux pauvres.
M. Devaux. - L'honorable comte de Mérode a jeté du blâme sur la démission d'un de nos honorables collègues qui n'est plus ici pour lui répondre.
M. de Mérode. - Je n'ai pas jeté de blâme sur lui.
M. Devaux. - Alors, je prierai l'honorable comte de Mérode de nous dire pourquoi il a demandé la parole.
M. de Mérode. - Je vous l’ai dit.
M. Devaux. - Vous avez jeté le blâme sur cette démission.
M. de Mérode. - C'est faux.
M. Devaux. - Vous avez reproché à l'honorable M. de Brouckere de transformer en une question politique ce qui, suivant vous, n'en est pas une.
Je dis qu'en agissant comme il l'a fait, l’honorable M. de Brouekere, a agi loyalement. En convenant que dans la Chambre cette question de la charité se mêlait à une question politique, l'honorable M. de Brouckere a eu raison, et je me lève pour rendre hommage à cet acte de loyauté de notre honorable collègue. Dans sa carrière parlementaire qui a été longue, il y a beaucoup d'actes aussi honorables, et celui-là couronne dignement les autres. Je dis que l'honorable M. de Brouckere, tenant de la majorité des électeurs un mandat qu'il croit ne plus pouvoir exercer, dans une circonstance importante, sans se mettre en opposition avec l'opinion de cette majorité et, résignant ce mandat, il a agi envers tout le monde avec la plus estimable loyauté, et qu'au lieu de blâme, nous lui devons des éloges.
M. de Theux. - Je ne dirai qu'un mot. En répondant à l'honorable comte de Mérode, l'honorable M. Frère semble s'être engagé dans le fond du débat ; je dois faire mes réserves sur les observations qu'il a présentées. Il est une maxime extrêmement vulgaire, c'est que toute comparaison cloche. Or cette maxime est parfaitement vraie, surtout lorsqu'on compare des Etats différents, des situations différentes, des pays différents, des législations différentes.
Du reste nous saurons, lors de la discussion, approfondir la matière ; et je me ferai un plaisir d'entrer en discussion avec l'honorable membre.
M. Rodenbach. - Je répondrai à l'honorable député de Bruges que M. le comte de Mérode n'a pas jeté de blâme sur l'honorable bourgmestre de Bruxelles. Tout au contraire, il a témoigné ses regrets de ce que cet ancien représentant ne pourra plus défendre ici l'opinion qu'il a émise dans son judicieux écrit, intitulé : « Charité et Assistance publique ».
Si nous sommes privés, messieurs, dans ce débat important, de la présence de l'honorable bourgmestre de Bruxelles, du moins nous aurons son ouvrage et nous y trouverons exposés, d'une manière succincte et logique, ses principes éminemment libéraux, frappés au coin du talent.
Nous ne serons donc pas privés des lumières de ce magistrat distingué, qui depuis plus de 30 ans a donné des preuves incontestables d'um grand mérite et de beaucoup de savoir.
- L'incident est clos.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de la commission des pétitions sur la pétition de plusieurs habitants notables de Namur qui demandent la révision des lois sur les servitudes militaires.
La commission, par l'organe de M. Vander Donckt, conclut au renvoi de la requête à M. le ministre de la guerre.
M. Moncheur. - Messieurs, depuis six ou sept ans, je ne laisse guère passer une session sans réclamer du gouvernement l'élargissement de la station de Namur, la construction des bâtiments qui y sont d'une indispensable nécessité pour le commerce et les voyageurs, en outre, l'autorisation, pour la ville, d'y établir un entrepôt de douane, etc.
On m'a toujours répondu qu'il fallait attendre, avant de donner satisfaction à ces besoins urgents, que le point de raccordement du chemin de fer du Luxembourg fût définitivement arrêté.
Eh bien, messieurs, ce moment est enfin venu, car le raccordement est fixé et presque achevé, et c'est dans la station actuelle elle-même que le chemin de fer du Luxembourg établit également la sienne.
Or, cette station qui était dans l'origine destinée à l'Etat tout seul et qui était même trop petite pour l'Etat, est déjà encombrée aujourd'hui seul à un point excessif, par l'adjonction, qui y a eu lieu postérieurement, de la station du chemin de fer concédé de Namur à Liège.
Que sera-ce donc lorsque le Luxembourg viendra y ajouter tout son matériel et tout le mouvement de son trafic ? Que sera-ce, enfin, lorsque la ligne directe de Givet à Namur viendra aussi un jour y réclamer sa place ?
Il y aura impossibilité physique de s'y mouvoir.
Il y a donc urgence d'arrêter immédiatement le plan d'une triple station qui réponde aux nécessités, non seulement du présent, mais encore de l'avenir ; car il ne faut pas se préparer, comme cela arrive presque toujours, des regrets tardifs ou des dépenses infiniment plus grandes dans un avenir prochain, que celles qui auraient suffi d'abord, si on avait fait les choses convenablement dès le principe.
Or, tout le monde est d'accord sur un point, c'est qu'il y a impossibilité absolue d'élargir suffisamment cette station sans entamer le terrain des fortifications de la ville.
Mais heureusement pour cet ouvrage de haut intérêt public, tout le monde est également d'accord sur un autre point, c'est que le cordon des fortifications de la ville, qui, on le sait, a toujours été très faible, est devenu infiniment plus faible encore depuis la construction des divers chemins de fer qui ont établi des couverts ou des rideaux au pied des glacis.
La suppression de ce cordon serait donc sans inconvénient grave. Ele serait même avantageuse au point de vue de la défense générale du pays, car elle mettrait l’Etat, par la vente de plus de 35 hectares de terrain à bâtir, en possession de plus d'un million de francs dont l'emploi pourrait être fait d'une manière réellement utile à cette défense, soit pour renforcer encore, s'il est besoin, la citadelle de Namur elle-même, soit pour perfectionner d'autres travaux de ce genre entrepris sur d'autres points du pays.
(page 333) Ainsi, l'intérêt du département de la guerre se concilie avec l'intérêt du département des travaux publics.
Quant à l'intérêt du public en général et de la ville de Natmir en particulier, il est immense, il est même vital.
Namur est géographiquement, et j'ajouterai géologiquement, on ne peut mieux placée pour prospérer.
Pourquoi donc cette ville a-t-elle décliné plutôt qu'avancé depuis ving-cinq ans ?
C'est qu'elle a traversé une crise qui a changé en grande partie ses conditions d'être.
D'une part, de nombreuses voies de communication ont détourné de ses murs un mouvement d'affaires excessivement ancien et considérable.
D'autre part, la ville, comme chef-lieu et comme résidence d'hiver, ne s'est pas trouvée posséder assez d'attraits pour retenir dans son sein de nombreuses familles riches qui contribuaient beaucoup jadis à sa prospérité.
Mais Namur traversera cette crise et s'en relèvera, et c'est par l'industrie qu'elle doit se transformer et se relever.
Elle est appelée, sous ce rapport, à de hautes destinées, mais à une condition, c'est qu'on lui donne un peu d'air, un peu d'espace ; c'est qu'on supprime cette ceinture de pierres qui l'oppresse, et cette zone large et stérile de glacis qui l'empêche de rien entreprendre là seulement où l'industrie se placerait avec avantage.
Ce que je viens de dire suffit, messieurs, pour vous faire comprendre que j'appuierai de mon vote le renvoi à M. le ministre de la guerre de la pétition des habitants de la ville de Namur, qui tend aux fins que je viens d'indiquer, et je la recommande vivement à son bienveillant examen ; mais en outre, messieurs, comme il est d'une évidence palpable que l'intérêt du chemin de fer de l'Etat et des chemins de fer concédés esl ici fortement en jeu, je demande également le renvoi de ces 'étitions à M. le ministre des travaux publics.
M. Wasseige. - La pétition sur laquelle vous venez d'entendre le rapport de la commission, concluant au renvoi à M. le ministre de la guerre, est de la plus haute importance pour la ville de Namur ; elle n'est d'ailleurs que la reproduction de semblables demandes adressées à diverses reprises au gouvernement par le conseil provincial, le conseil communal et la chambre de commerce, et qu'une députation, où tous ces corps se trouvaient représentés, est venue, tout récemment encore, exposer à MM. les ministres de la guerre et des travaux publics. C'est, en effet, dans un but spécial, indiqué et parfaitement justifié, que les pétitionnaires demandent la révision des lois sur les servitudes militaires, et il serait plus juste de dire que c'est l'abolition en tout ou en partie des fortifications qui entourent Namur qu'ils réclament.
En effet, messieurs, la station du chemin de fer à Namur, si petite et si mesquine, est devenue évidemment insuffisante, et le sera bien davantage encore, lors de l'exploitation très prochaine du chemin de fer du Luxembourg. Il y aura à pourvoir, à Namur, aux besoins du chemin de fer de l'Etat, de celui de Namur à Liège, de celui de Paris à Cologne par Erquelinnes, et enfin de celui du Luxembourg ; or, il n'existe pour tout cela ni terrains ni bâtiments suffisants.
Il faudrait indispensablement des salles d'attente pour les voyageurs, des bureaux pour l'administration, des magasins pour les marchandises, des hangars pour le matériel, et enfin un entrepôt de douanes réclamé depuis si longtemps ; or, tout cela n'existe pas ou du moins est complètement insuffisant.
D'autre part l'accès de la station vers la ville, dans l'état actuel des fortificatioun, ne peut avoir lieu que par un seul endroit, la porte de fer, passage étroit, et par cela même dangereux et insuffisant. Or, messieurs, le moment pour changer et améliorer tout cela est excessivement opportun, car les compagnies du Nord et du Luxembourg, qui souffrent comme l'administration du chemin de fer de l'Etat, seraient probablement très disposées à s'entendre avec l'Etat pour construire à frais communs une station convenable, tandis que plus tard, lorsqu'elles auront été forcées de faire des dépenses pour des constructions telles quelles, elles se montreront probablement moins bien disposées et moins généreuses. Or, la situation de la station de Namur est telle, que des améliorations ne paraissent pouvoir s'exécuter qu'au détriment des glacis de la place et des fortifications qui la défendent.Mais il est impossible de nier que l'établissement de plusieurs lignes de chemin de fer, à quelques pas des murs de la ville, et ce sur toute leur étendue, n'ait profondément modifié les moyens de défense que l'on pouvait espérer des fortifications de Namur, et l’on peut raisonnablement penser que le sacrifice que ferait le génie militaire en laissant entamer ces fortifications, ne serait pas très grand.
Toutes ces questions sont très importantes et demandent une étude sérieuse ; c'est précisément ce que réclament les pétitionnaires. Mais comme ces études doivent avoir deux buts dépendants l'un de l'autre, l'augmentation de la station du chemin de fer, d'abord,et la suppression totale ou partielle des fortifications de Namur, en suite, et comme conséquence forcée, je demande, comme mon honorable collègue M. Moncheur, le renvoi de la pétition à MM. les ministres des travaux publics et de la guerre, et je prie ces messieurs de vouloir bien faire faire le plus promplement possible une étude sérieuse des projets que je viens d'indiquer, afin que les pétitionnaires obtiennent satisfaction, si, comme j'en suis convaincu, l’examen de leurs prétentions en démontre le fondement.
M. Lelièvre. - Depuis longtemps les habitants de Namur demandent qu’il soit apporté au système des fortifications qui entoure la ville des modifications qui sont devenues indispensable smême dans l’intérêt de la sûreté publique. Nous ne demandons au gouvernement qu’une chose : c’est qu’il fasse étudier la question. J’espère que, conformément à ce qu’ils ont promis récemment à une députation namuroise, MM. les ministres de la guerre et des travaux publics voudront bien ordonner sans délai l'examen des propositions énoncées aux pétitions qui leur ont été adressées. Je désire connaître ce qui a été fait à cet égard.
Il est certain qu'il est impossible de maintenir la station dans l'état où elle se trouve actuellement sans danger sérieux pour la sûreté publique ; or, l'agrandissement de la station rend nécessaires des modifications au système des fortifications.
Je le répète, je prie instamment le gouvernement de soumettre cette question importante à l'étude d'hommes compétents qui l'éclairent sur les mesures à prendre. Je désire, du reste, savoir si les études sont déjà en voie d'exécution. Il est évident que l'ordre de choses actuel, préjudiciable à la ville de Namur, sans avantage sérieux pour l'Etat, ne peut être maintenu ; c'est ce que démontrera à l'évidence l'instruction qui sera ordonnée par le gouvernement.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, je n'ai aucune opposition à faire au renvoi au ministre de la guerre et au ministre des travaux publics, de la pétition des habitants de Namur, mais je ferai cependant remarquer que ce renvoi me paraît être en quelque sorte sans objet. Comme viennent de le dire les honorables membres qui ont appuyé la pétition, des députations de la ville de Namur se sont rendues au ministère, ont soumis leurs griefs au ministre, et il s'est empressé de reconnaître qu'il y avait lieu d'étudier la question. Cette étude est en voie d'exécution. On ne peut pas exiger que sur un objet de cette gravité le gouvernement prenne une décision sans avoir fait des études suffisantes pour se prononcer en pleine connaissance de cause.
Je le répète donc, les études sont en voie d'exécution ; elles étaient d'autant plus nécessaires que je ferai remarquer en passant que dans quelques-unes des pétitions émanant de la ville de Namur, on se plaint, d'une part, de l'exiguité de la ville, de l'étouffement et de la contrainte que lui font subir les fortifications, et, d'autre part on se plaint aussi de la dépression opérée sur l'industrie par ces mêmes fortifications, ce qui semble annoncer que la ville serait trop grande pour son exploitation, trop restreinte par les soins de la défense.
En présence de ces difficultés, le département de la guerre doit faire des études sérieuses et approfondies, et je ne conçois pas même qu'on puisse en douter en présence des déclarations que j'ai faites aux députations.
M. Moncheur. - Nous devons être satisfaits de la déclaration de M. le ministre de la guerre. La ville de Namur ne demande qu'une chose, c'est qu'on étudie sérieusement la question. L'honorable ministre de la guerre dit que les études sout en pleine voie d'exécution et il ajoute qu'il ne comprend même pas trop qu'on puisse en douter ; je déclare que quant à moi et à tous ceux qui connaissent l'activité et la loyauté de caractère de M. le ministre de la guerre nous ne doutons nullement de ce qu'il nous a annoncé, mais il voudra bien faire la part de certaine impatience d'une ville qui, depuis un grand nombre d'années, demande un peu plus d'espace pour sa station, un peu plus de facilité de communication avec cette station et la construction des bâtiments qui y sont les plus nécessaires.
M. le ministre de la guerre voudra bien comprendre aussi que ces pétitionnaires ignorent quelles ont pu être les déterminations récentes qu'il a pu prendre dans cette occurrence.
J'aurai l'honneur de faire remarquer, d'ailleurs, que les habitants de la ville de Namur réclament en outre l'intervention de M. le ministre des travaux publics dans cette affaire, attendu que les intérêts de ce département y sont fortement engagés.
M. le ministre de la guerre a cru trouver quelque contradiction dans les pétitions diverses que les habitants de la ville de Namur ont fait parvenir au gouvernement et à la Chambre. Mais cette contradiction n'existe pas ; Il y a, il est vrai, dans la ville de Namur des jardins et des terrains non bâtis assez spacieux, mais ces terrains et ces jardins ne peuvent en aucune manière être considérés comme pouvant servir et suffire aux genres d'industries qui doivent prospérer aux abords de Namur.
D'abord, ces jardins et ces terrains appartiennent, en général, à des personnes ou à des établissements publics qui ne sont pas disposés à les céder. Ensuite, et hier encore nous en avons eu la preuve dans cette enceinte, que tous les établissements industriels qui peuvent être considérés comme plus ou moins insalubres devront être dorénavant exclus des centres de population ; par conséquent, beaucoup d'établissements industriels qui pourraient, sans inconvénient, se former extra muros, ne pourraient être autorisés dans le sein même de la ville, en supposant même que les propriétaires actuels de terrains non bâtis voulussent s'en défaire.
Je suis donc fondé à dire que l'espèce de contradiction que M. le ministre de la guerre avait cru voir, à cet égard, dans les requêtes de la ville de Namur, n'existe nullement.
- La discussion est close.
(page 334) Le renvoi de la pétition des habitants de la ville de Namur à MM. les ministres de la guerre et des travaux publies est mis aux voix et prononcé.
M. le président. - La commission des pétition propose le renvoi pur et simple, à M. le ministre des travaux publics, de la pétition de la chambre de commerce d’Alost, tendant à ce que la société concessionnaire du chemin de fer de Dendre-et_waes soit autorisée à abandonner aux consommateurs et aux commerce une portion de la part qui lui est allouée sur le prix du transport des houilles.
(page 339) M. Frère-Orban. - Messieurs, je ne m'oppose pas au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics ; mais je crois devoir présenter quelques observations sur certains faits qui sont énoncés, dans les pétitions de la chambre de commerce d'AIost et qui ne sont pas contredits par le rapport de la commission. Voici ce que dit la chambre de commerce :
« La concession du canal de Jemmapes à Alost avait pour but d'amener dans notre ville les houilles à des conditions plus avantageuses qu'auparavant. C'était en vue de favoriser ainsi les populations riveraines du canal, tout en avantageant l'industrie charbonnière du Couchant de Mons, à laquelle l'exécution du canal ouvrait de nouveaux marchés, que le gouvernement consentit à sacrifier les péages qu'il percevait sur les anciennes voies navigables. Il était, en effet, évident que la navigation du canal allait détourner des voies existantes des transports considérables.
« Lors de la loi des travaux publics, en 1851, la garantie d'un minimum d'intérêt fut refusée à la construction du canal de Jemmapes à Alost, par la considération que ce canal était remplacé par le chemin de fer de Dendre-et-Waes. Mais il est incontestable que cette considération disparaît si le chemin de fer ne peut transporter, au même prix que l'aurait fait la voie navigable, les marchandises pondéreuses du Hainaut et surtout la houille vers la vallée de la Dendre. »
Ainsi, la chambre de commerce d'Alost suppose qu'il aurait été avancé que le chemin de fer devait remplacer le canal et transporter au même prix les marchandises pondéreuses et notamment la houille. Cette assertion, qui fait tout le fondement de la réclamation, est complètement erronée.
En effet, l'avant-projet de convention soumis au gouvernement par la compagnie constate qu'elle réclamait la concession des stations de Termonde, pour le transport des grosses marchandises, à l'exception des houilles destinées à l'exportation, à l'égard desquelles elle demandait seulement à percevoir un dixième de la recette brute.
« Toutefois, portait l'avant-projet de la compagnie, la stipulation (relative aux stations de Termonde, quant aux grosses marchandises), cesserait entièrement de sortir son effet, si le transport des charbons, par la ligne d'Ath à Lokeren, était réduit à 20 centimes par tonne et par lieue de 5 kilomètres, et que, en même temps, les distances de transport entre les lieux d'expédition et de destination fussent comptées comme égales à celles qu'il y aurait à parcourir, en totalité par chemin de fer et par voie navigable, si le canal concédé de Jemmapes à Alost était exécuté.
Il est donc de la dernière évidence que l'on ne croyait pas, au moment de la concession, que le chemin de fer pût transporter, au même prix que l'aurait fait la voie navigable, les marchandises pondéreuses et surtout les houilles, vers la vallée de la Dendre. »
Or, le gouvernement n'a pas accepté les propositions faites par la compagnie. Le gouvernement ne s'est pas engagé à réduire les prix du tarif afin de faciliter le transport des houilles par cette voie. C'est une stipulation d'une nature tout autre qui a été acceptée par la compagnie.
La commission en demandant, sans rien préjuger, le renvoi au ministre des travaux publics, fait remarquer que la question n'est plus celle qui a été examinée pendant la dernière session ; alors il s'agissait de savoir si la compagnie avait le droit de faire des remises ; aujourd'hui on ne le prétend plus, la question a été jugée ; la compagnie a acquiescé à la décision judiciaire qui est intervenue sur ce point.
Mais les pétitionnaires prétendent que le gouvernement a le droit d'autoriser la compagnie à faire les remises. C'est une erreur si l'on veut dire que le gouvernement, sans le concours du pouvoir législatif, peut autoriser la compagnie à faire des remises. Il faudrait que les Chambres modifiassent la loi de concession pour que le gouvernement pût autoriser la compagnie à faire des remises. C'est ainsi que l'entend le gouvernement je suppose ; ainsi expliqué, je ne m'oppose pas au renvoi ; je suis convaincu qu'après examen on reconnaîtra qu'il est impossible d'admettre une dérogation à la loi de concession.
(page 334) M. de Naeyer. - Je n'examinerai pas si la garantie d'intérêt n'a pas été demandée, parce que le chemin de fer de Dendre-et-Waes devait remplacer complètement le canal, c'est une question de fait qui exigerait d'assez longs développements ; mais il n'est pas exact de dire que cette allégation forme tout le fondement de la réclamation de la chambre de commerce d'Alost ; elle est fondée avant tout sur cette considération que le gouvernement, qui veut évidemment faciliter autant que possible, le mouvement des personnes et des choses, doit être disposé a autoriser des réductions sur le prix de transports qui sont utiles au commerce et aux consommateurs, sans porter atteinte aux intérêts du trésor.
Celle considération principale invoquée par les pétitionnaires est donc indépendante de la question de savoir si le chemin de fer a été fait dans le but de remplacer complètement le canal latéral à la Dendre.
L'honorable préopinaut prétend que le gouvernement ne peut pas autoriser la compagnie à faire des remises, sans une intervention spéciale de la Chambre. C'est là une erreur, le gouvernement peut modiifier le tarif des transports des marchandises.
M. Frère-Orban. - D'une manière générale !
M. de Naeyer, rapporteur. - Oui, d'une manière générale pour une même catégorie de chemins et partout où les intérêts du trésor n'y forment pas obstacle. Je crois que cela a été reconnu implicitement par l'honorable M. Frère lui-même dans la discussion qui a eu lieu au mois de mars dernier. L'honorable membre soutenait alors qu'il est interdit à la société d'accorder des remises quelconques sans l'autorisation du gouvernement, et depuis lors la question a été décidée dans le même sens par l'autorité judiciaire. Mais quant aux arrangements à conclure avec la société pour l'autorisation des remises, il s'exprimait dans les termes suivants : « Je conçois que le ministre vienne dire : Examinons s'il y a intérêt pour l’Etat à ne pas interdire de pareils transports (c'est-à-dire des transports au moyen de remises), mais c'est une question différente de celle qui nous occupe ; je suis prêt à l’examiner avec M. le ministre.
Il est possible qu'il y ait intérêt, pour l'Etalt pour la compagnie, pour le public, qui recevra des marchandises à meilleur compte, à ce que des transports nouveaux soient attirés sur la ligne, mais ce ne sera pas en vertu de la convention existante que ceia pourra se faire, ce sera en vertu d'une convention spéciale que vous ferez avec la compagnie.
Plus loin et à la fin de son discours, l'honorable membre se prononce d'une manière encore plus explicite ; voici ses paroles :
« Je ne pense pas qu'il soit ici question de savoir si l'Ettl ne peut s'arranger avec la compagnie pour faire une chose favorable à celle-ci et qui ne nuirait pas à l'Etat, il est clair que, s'il était démontré qu'on peut faire un arrangement favorable à la compagnie du chemin de fer de Dendreet-Waes qui ne fût pas préjudiciable au trésor public ou qui lui profilât, je ne vois pas pourquoi on l’interdirait. »
En résumé, l'honorable M. Frère-Orban combattait alors les remises accordées par la société sans autorisation du gouvernement, mais loin d'interdire au gouvernement de faire avec la société des arrangements destinés à autoriser des remises portant sur la part des recettes attribuée à la société, il approuvait implicitement des arrangements de cette nature chaque fois qu'ils ne seraient pas préjudiciables au trésor.
Il résulte d’ailleurs formellement de l’article 7 de la convention conclue avec la société de Dendre-et-Waes, que le chemin de fer dont il s’agit, peut être placé sous le régime d’un tarif spécial et autre que celui appliqué aux lignes construites par l'Etat, chaque fois que le gouvernement et la société sont d'accord à cet égard. Cet article renferme donc implicitement l'autorisation pour le gouvernement de conclure les arrangements qui nous occupent en ce moment.
Il est d'ailleurs à remarquer que le gouvernement se trouve ici dans une position toute spéciale ; sur d’autres lignes, il lui est impossible d'accorder ces remises qui n'affectent pas les recettes de l'Etat, mais des remises faites sur les trois quarts de la recette qui sont attribués à la compagnie n’affecteraient en rien la recette qui revient à l'Etat ; il s'agit uniquement de savoir si le quart alloué à l'Etat suffira pour couvrir les frais d’exploitation occasionnés par des transports additionnels qui insi que l’expérience le prouve, peuvent se faire, pour ainsi dire, au moyen des dépenses ordinaires de locomotion et sans nécessiter de convoi spécial. Les conditions toutes spéciales dans lesquelles se trouve le chemin de fer de Dendre-et-Waes sont donc aussi de nature à justifier des mesures spéciales. Du reste comme les conclusions de la commission ne sont pas combattues, je crois inutile de prolonger cette discussion, je me borne à demander que le gouvernement veuille bien examiner cette pétition sans prévention et sans parti pris d'avance.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne m'attendais pas à devoir discuter la question de savoir si le gouvernement avait le droit, sans recourir aux Chambres, d'autoriser la compagnie de Dendre-et-Waes à continuer les remises accordées sur les transports effectués sur la ligne qui lui a été concédée. La pétition dont il s'agit n'est pas un fait nouveau, des exemplaires en ont été distribués, des demandes directes ont été adressées au département des travaux publics ; mais le gouvernement a pu s'abstenir d'examiner s'il avait le droit de donner suite à la pétition, parce qu'il n'a jamais eu l'intention de le faire.
Le gouvernement n'a pas donné suite à la demande de la chambre de commerce d'Alost par des raisons qui ne vous paraîtront pas sans doute dénuées de force, et qui démontreront, j'aime à le croire, que le gouvernement a agi dans cette circonstance une certaine prudence.
Il est facile, en tout état de cause, à l'administration du chemin de fer, de savoir le point de départ d'une expédition. Mais il lui est impossible de dire où va la marchandise. La chambre de commerce d'Alost dit : Vous pourriez nous faire une petite faveur qui ne vous coûterait rien ; l'Etat n'y perdrait rien ; il s'agit de la consommation d'une petite ville.
On se tromperait beaucoup si l'on considérait cette assertion comme sérieuse. Les marchandises arrivent à Alost ; mais où vont-elles ? Des quantités de houilles arrivent à Alost. Ainsi un seul individu a reçu plus d'un million de kilog. de houille venant de Marchienne et de la Louvière. Tout cela est-il resté à Alost ? Non. Le marchand a déclaré ces houilles en transit ; et quelle en était la destination ? La Hollande. Je ne pense pas qu'Alost soit le plus court chemin de Marchienne à la Hollande.
D'où viennent les réclamations les plus vives ? D'Alost ? Non ; mais du commerce hollandais qui signale que depuis que les primes ont été retirées à la compagnie de Dendre-et-Waes le commerce des houilles souffre. Vous voyez que les primes peuvent s'appliquer à d'autres transports que ceux destinés à la consommation locale.
L'honorable M. de Naeyer parle de quelques transports supplémentaires. Mais une fois qu'il s'agit d'exportation, ces quelques transports prennent de grandes proportions, et l'on pourrait être amené à accorder des remises sur des transports considérables.
Je crois donc qu'il serait dangereux d'entrer dans cette voie. Les marchandises en destination d'Alost prendraient un développement qu'on ne peut prévoir, et constitueraient l'Etat en perte.
Voilà l'argument général ; mais il y a un argument plus péremptoire. L'Etat n'a pas à beaucoup près le matériel nécessaire pour faire tous les transports qui doivent s'effectuer au prix du tarif sans réduction. Doit-il favoriser des transports pour lesquels il n'a à recevoir que le quart du prix ? Le gou vernement ne l'a pas pensé, il n'a donc pas accueillit la demande de la compagnie du chemin de fer et de la chambre de commerce d'Alost.
(page 339) M. Frère-Orban. - Mon honorable contradicteur M. de Naeyer me reproche d'avoir dit que tout le fondement tL la réclamation de la chambre de commerce repose sur une erreur de fait. La chambre de commerce, invoquant ce qui s'est passé lors de la discussionjde la loi de 1851, en induisait qu'elle devait avoir, pour le chemin de fer d'Alost, un tarif réduit au taux du fret par voie navigable ; c'est ainsi seulement, d'après la pétition, que l'on pouvait assurer à l'arrondissement d'Alost tous les avantages du chemin de fer. Or, l'arrondissement d'Alost relire du chemin de fer tous les avantages promis, exactement comme les autres parties du pays, de ces voies de communication.
Il se trouve dans la même position que tous les autres arrondissements du pays. On lui a fait espérer, par l'allocation des remises, une situation exceptionnelle qu'il est imposible de consacrer.
Mais lors de la discussion de la loi de concession, bien loin de lui faire espérer une situation exceptionnelle à l'aide de remises, on a formellement condamné le système des primes.
Cependant, dit l'honorable M. de Naeyer, vous avez admis que le gouvernement pouvait faire une convention à ce sujet avec la compagnie. Pas du tout. Je n'ai rien reconnu de semblable. J'ai dit que rien ne s'opposait à ce que le gouvernement examinât et traitât avec la compagnie.
Mais vous ne trouverez pas dans les paroles que j'ai prononcées à cette occasion la preuve que j'aurais reconnu au gouvernement le droit de modifier la convention sans le concours des Chambres. Les paroles que vous avez citées prouvent plutôt le contraire. En effet, comment a été faite la première convention ? Avec l'intervention des Chambres. Comment peut-elle être modifiée ? Avec l'intervention des Chambres. J'ai donc manifesté la même opinion qu'aujourd'hui.
Au surplus, tout débat est devenu sans objet, après les explications si claires du gouvernement. Le gouvernement fait comprendre qu'il serait impossible d'entrer dans la voie indiquée par la chambre de commerce et la compagnie sans exposer l'administration à subir un préjudice.
Il faut donc nous en tenir à la convention faite par la compagnie du chemin de fer de Dendre-et-Waes. Cette convention, renfermée dans ses limites, ne présente aucun inconvénient pour le pays.
(page 334) M. de Naeyer. - Je ne présenterai que très peu d'observations en réponse à ce que viennent de dire l'honorable ministre des travaux publics et l'honorable M. Frère-Orban.
On dit que si les remises qu'on réclame étaient accordées, l'arrondissement d'Alost se trouverait en quelque sorte dans une position privilégiée.
Cela n'est pas, puisque partout où il y a des chemins de fer concédés, il est admis que des remises peuvent être accordées sur les prix de transport avec l’autorisation du gouvernement.
Ainsi nous demandons le droit commun qui est appliqué à toutes les parties du pays dotées de chemins de fer concédés, il est même des circonstances où ces remises s'aceordent sans le concours du gouvernement, si je ne me trompe cela a lieu spécialement sur le chemin de fer de Gand à Anvers. Le tribunal de première instance séant à Bruxelles a décidé qu'en ce qui concerne la société de Dendre-et-Waes, les remises non autorisées pat le gouvernement constituent une violation du contrat.
Nous demandons donc uniquement à être dans la position des sociétés concessionnaires qui peuvent accorder des remises avec l'autorisation du gouvernement. Loin de réclamer un privilège, nous nous contentons donc absolument du droit commun.
M. le ministre a fait entrevoir des abus qui pourraient avoir lieu par suite de ces remises, parce que, dit-il, il est bien possible de déterminer les points de départ quant aux marchandises, mais il n'est guère possible de déterminer le véritable point de destination. Messieurs, si cela est vrai, l'exécution de la convention de Dendre-et-Waes devient complètement impossible, puisque c’est toujours d'après la détermination du lieu de destination que doit se régler le partage du revenu.
M. Frère-Orban. - Il s'agit de la détermination définitive.
M. de Naeyer, rapporteur. - Soit. Mais cela doit pouvoir se constater pour l'exécution ordinaire du contrat ; cela peut donc se constater également quand il s'agit de savoir s'il y a lieu d'accorder des remises, il y a cette différente : c'est que, quant aux remises, le gouvernement reste toujours maître, s'il soupçonne des abus, de retirer l'autorisation.
(page 35) L'honorable ministre des travaux publics a fait remarquer que, dans tous les cas, il n'y aurait pas moyen, en ce moment, d'accorder cette faculté de remises, parce que le matériel de l'Etat est insuffisant et que, par conséquent, le gouvernement doit avoir à cœur de l'employer dans son intérêt, de manière à donner les résultats les plus avantageux au trésor. J'admets cette considération jusqu'à un certain point, mais il y a, dans l'année, des moments où une quantité de matériel est disponible et où le gouvernement pourrait en utiliser une partie pour faciliter le transport des marchandises vers les stations de Dendre-et-Waes.
D'ailleurs, en admettant cette insuffisance de matériel, je voudrais que le gouvernement, pour le cas où cela pourrait entrer dans les intentions de la société, s'entendît avec celle-ci pour la fourniture du matériel. Il est possible, je n'en sais rien, que la société soit disposée à fournir, à des conditions très acceptables pour le trésor, le matériel nécessaire pour effectuer les transports additionnels. Tout ce que je demande, c'est que le gouvernement ne repousse pas d'avance toutes les propositions qui pourraient lui être soumises dans ce sens.
Quant à la question de savoir si le gouvernement peut agir sans l'intervention des Chambres, je vous avoue qu'elle est venue un peu à l'improviste. Je croyais que l'honorable M. Frère était à cet égard parfaitement d'accord avec nous. Cela me paraissait résulter de la discussion de l'année dernière dans laquelle l'honorable M. Frère n'avait fait aucune réserve de cette nature en parlant des arrangements à conclure avec la société ; je persiste d'ailleurs à croire que la question est décidée en notre faveur par l'article de la convention que j'ai eu l'honneur de citer.
Je conçois l'importance que l'honorable M. Frère attachait, dans le principe, à la question ; il s'agissait d'une question de prérogative, pour le gouvernement.
Aujourd'hui, je ne vois pas pourquoi on refuserait d'en faire usage en prenant les précautions que peuvent commander les intérêts du trésor.
L'honorable M. Frère dit : Les conventions faites avec les sociétés ont été votées par la Chambre et il est par conséquent interdit au gouvernement de faire des conventions sans l'intervention législative. Je crois ce principe un peu absolu. Je crois que tous les jours des conventions votées par la législature sont complétées et réglées dans leur exécution par suite d'arrangements entre le gouvernement et les sociétés. Ainsi pour les tarifs mixtes, pour la faculté de parcours dans certaines limites, pour l'emploi du matériel, il y a eu des arrangements entre les sociétés et le gouvernement sans intervention de la législature.
Je crois que tout ce qu'on a voulu, c'est que les conditions de l'exploitation ne puissent être changées contre le gré du gouvernement. C'est là une question décidée. La société ne peut changer les conditions de l'exploitation sans s'entendre avec le gouvernement. Mais je crois que quand les intérêts du trésor ne s'y opposent pas et qu'il est prouvé que ces réductions de prix sont utiles au commerce et aux consommateurs, le gouvernement aurait mauvaise grâce, alors qu'il peut prendre d'ailleurs toutes les précautions pour sauvegarder les intérêts du trésor, de se renfermer dans un refus absolu ; cela prouverait bien peu de bienveillance pour des intérêts qui ont droit à la sollicitude du gouvernement.
(page 339) M. Frère-Orban. - Messieurs, l'honorable M. de Naeyer raisonne de la compagnie du chemin de fer de Dendre-et-Waes comme s'il s'agissait à proprement parler d’une compagnie concessionnaire d'un chemin de fer. L'honorable membre est dans uue erreur évidente. La compagnie de Dendre-et-Waes a été chargée de l'exécution du chemin de fer. L'entreprise se borne à cette exécution. La compagnie de Dendre-et-Waes n'est pas une compagnie à laquelle on a concédé un chemin de fer qu'elle serait chargée d'exploiter.
Il se conçoit parfaitement qu'une compagnie chargée de la construction et de l'exploitation d'un chemin de fer, ayant un tarif dont le maximum est déterminé par la loi, puisse, avec l'autorisation du gouvernement, modifier son tarif. Cela est tout simple, cela est naturel, cela est logique. Mais lorsqu'une compagnie a été seulement chargée d'exécuter le chemin de fer que l'Etat exploite, lorsqu'il est formellement stipulé, et il n'en saurait être autrement, que l'Etat fait seul les tarifs, comment admettre que cette compagnie puisse modifier le tarif ? La compagnie aura fini son œuvre ; elle aura accompli sa mission, lorsqu'elle achevé les travaux d'exploitation. Tout sera dit pour elle ; elle n'aura plus qu'apercevoir la quotité des recettes qui lui est allouée. Elle ne peut faire aucun acte qui ait pour effet de modifier le tarif du chemin de fer.
Vous dites : C'est de son avoir que la société doit disposer ; elle a reçu une somme quelconque ; pourquoi voulez-vous qu'elle ne puisse distribuer cette somme comme elle l’entend à des tiers ?
Je ne n'oppose pas à ce que les actionnaires du chemin de fer de Dendre-et-Waes, ayant reçu les fonds de l'Etat, les jettent par la fenêtre. C'est leur affaire. Mais ce à quoi je m'oppose, c'est qu'à l'aide de remises que feraient les actionnaires de Dendre et-Waes, ils établirent sur la ligne un trafic tout à fait artificiel, uniquement pour prendre des recettes dans les caisses de l'Etat. Ils détruiraient alors l'équilibre du contrat.
Vous supposez que la convention serait inexécutable, parce que M. le ministre des travaux publics vient de nous dire que si l'on sait bien quel est le point de départ d'une marchandise, on ne sait pas quelle en est la destination. Mais un mot va tout expliquer.
On ne sait pas quelle est la destination définitive de la marchandise. Cela revient à dire que, dans le système des remises, on pourrait expédier, par exemple, à Alost, s'un point quelconque du pays une certaine quantité de marchandises. Cette marchandise serait provisoirement entreposée à Alost ; on ferait facilement le compte entre la compagnie et l’Etat. Mais cette même marchandise serait réexpédiée ensuite et il naîtrait ainsi un trafic artificiel qui n’a pas pu entrer dans les intentions des parties contractantes lors de la concession.
M. de Naeyer, rapporteur. - C’est un abus qu’on peut réprimer.
M. Frère-Orban. - Il serait impossible de le reconnaître et c'est ce qui empêchera toujours le gouvernement et les Chambres de concéder la moindre modification sur ce point.
(page 335) M. de Naeyer. - L'honorable M. Frère prétend que ce chemin de fer ne peut pas être considéré comme un chemin de fer concédé. Ce n'est pas un chemin de fer concédé dans les conditions ordinaires, je l'admets, en ce sens que ce n'est pas la société qui exploite ; mais le chemin de fer n'en existe pas moins en vertu d'une concession. Cela est incontestable, et sous ce rapport, je puis l'appeler un chemin de fer concédé. Dans tous les cas, l'honorable M. Frère voudra bien admettre que la société est au moins concessionnaire de certaines stations.
M. Frère-Orban. - D'une quotité des recettes de ces stations.
M. de Naeyer, rapporteur. - L'honorable membre a dit que le rôle de la société est tout à fait terminé. Je crois que la société a encore un rôle très imporlant, c'est de percevoir une partie des recettes et de rester ainsi associée à toutes les chances bonnes ou mauvaises de l'entreprise.
Maintenant les contrées traversées par des chemins de fer concédés peuvent jouir d'une réduction spéciale des prix de transport lorsque cela convient aux compagnies et que le gouvernement y consent.
Je demande que sous ce rapport l'arrondissement d'Alost soit placé dans le droit commun.
Le grand argument, qui m'est opposé par l'honorable ministre des travaux publics et par l'honorable M. Frère, c'est qu'il peut y avoir des abus. Je concevrais la force de cette observation s'il s'agissait d'accorder à la compagnie le droit illimité de faire des remises sans l'intervention du gouvernement.
C'est ce que ne voulait pas l'honorable M. Frère au mois de mars dernier, mais telle n'est plus la question aujourd'hui. Maintenant quels abus peut-on craindre lorsqu'il s'agit de remises qui ne peuvent être accordées qu'avec l'autorisation du gouvernement et moyennant les garanties que le gouvernement peut stipuler ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon) et M. Frère-Orban. - C'est impossible.
M. de Naeyer, rapporteur. - Nous demandions que vous l'examiniez. S vous décidez sans examen que c’est impossible, c'est trancher la question d'une manière par trop absolue.
Je dis, moi, que cela me paraît très possible. On peut évaluer d'une manière très approximative quels sont les besoins de la consommation du commerce réel de l'arrondissement d'Alost.
Or, comme l'exploitation et la perception des recettes se font par les agents de l'Etat, le gouvernement surveille constamment tout le mouvement de la ligne, il est donc impossible que des abus d'une importance réelle échappent à son attention et dès qu'ils lui sont connus, il lui appartient d'y mettre un terme en retirant l'autorisation.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable M. de. Naeyer revient sur la comparaison du chemin de fer de Dendre-et-Waes et d'autres chemins de fer concédés. Il dit que toutes les sociétés concessionnaires de chemins de fer ont le droit d'accorder toutes les remises qu'elles jugent convenable, en faveur des populations traversées par les voies ferrées. Il y a ici une distinction essentielle à faire, c'est que quand les autres compagnies accordent des remises, les pertes et les bénéfices sont pour leur compte, tandis qu'ici la société augmente ses bénéfices et occasionne une perte à l'Etat. Voilà la différence.
M. de Naeyer, rapporteur. - Mais s'il n'y a pas de perte pour l'Etat !
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Il n'y aura pas de perte peur l'Etat, dit l'honorable membre, si l'on transporte uniquement ce qui est nécessaire pour la consommation locale. Mais il voudra bien m'accorder que du moment où il ne s'agira que de la consommation locale, la société ne sera plus disposée à accorder des remises ; pourquoi accorderait-elle des remises ? Uniquement pour augmenter le trafic.
M. de Naeyer, rapporteur. - C'est une erreur puisque la société a déjà accordé des remises pour la consommation locale.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Oh non, ce n'est pas une erreur. Je ne crois pas que la compagnie ait pu faire des remises pour être agréable aux populations de la vallée de la Dendre ; c'était évidemment pour augmenter le trafic.
Je pense, messieurs, que la pétition d'Alost ne demande pas des débats plus étendus. L'honorable M. de Naeyer a défendu les intérêts qu'il représente particulièrement ; le gouvernement a fait connaître sont opinion ; je pense que la Chambre peut attendre la décision du gouvernement.
M. Loos. - Je pourrais renoncer à la parole après ce que vient de dire l'honorable ministre des travaux publics, car je voulais précisèment présenter les mêmes observations. J'ajouterai cependant une remarque, c'est que la compagnie de Dendre-et Waes, comme on l'a déjà indiqué tout à l'heure, n'exploite pas. C'est le gouvernement qui exploite. Mais, dit l'honorable M. de Naeyer, vous voulez donc nous mettre hors le droit commun, vous voulez que notre ligne ne puisse pas obtenir une réduction de tarif, même avec l'autorisation du gouvernement ! C'est une erreur : si le gouvernement juge à propos d'accorder une réduction, c'est le gouvernement qui exploite, qui accordera la réduction, quand elle sera demandée dans l'intérêt des localités ; maïs il ne l'accordera jamais dans le seul but d'avantager la compagnie de Dendre-et-Waes.
La part de cette compagnie est faite, elle ne peut pas être agrandie sans l'intervention de la Chambre. Les riverains de ce chemin de fer ne sont donc nullement hors du droit commun. Quand il pourra y avoir lieu à diminution de tarif, le gouvernement examinera ; mais ce n'est pas à la compagnie qu'il appartient d'accorder la réduction ni même de la demander, car, ainsi que l'a fort bien dit M. le ministre des travaux publics, elle ne demandera jamais une réduction dans l'intérêt public, elle ne fera une pareille demande que dans son intérêt privé.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
La commission des pétitions propose le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du rapport di 28 janvier 1854, et le renvoi à M. le ministre de la justice, de la requête de plusieurs habitants de Namur, de Braine-l’Alleud et de Soignies, relatifs à la réduction des frais de procédure en matière d’expulsions de petits locataires
M. Lelièvre. - Messieurs, la législation actuelle sur l'expulsion des locataires donne lieu à des réclamations nombreuses. Les droits du propriétaire sont sacrifiés au profit de locataires de mauvaise foi. J'aime à croire que le gouvernement sera enfin d'avis qu'il y a quelque chose à faire en cette matière. C'est ce qu'ont reconnu les hommes compétents. Ainsi, la plupart des juges de paix, consultés sur le mérite de ma proposition, ont conclu à son adoption. Je prie M. le ministre de la justice d'étudier de nouveau la question. Il ne fera cesser les nombreuses plaintes, qui continueront d'être adressées à la législature, qu'en modifiant les lois existantes qui réellement donnent lieu aux plus sérieux inconvénients. Ces plaintes, du reste, ont trouvé de l'écho dans le Sénat, et elles sont trop légitimes pour qu'on n'y fasse pas droit.
- La discussion est close.
Le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publces est mis aux voix et prononcé.
(page 336) M. de Moor. - Messieurs, je me proposais d'adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics.
La discussion du crédit, soumis à nos délibérations, m'offre l'occasion d'engager M. le ministre des travaux publics, s'il ne croit pas à la discussion prochaine de son budget, à demander les fonds nécessaires pour la mise en adjudication des travaux de toutes les routes décrétées et déjà en cours d'exécution.
Il est probable que la somme de 900,000 fr. pour construction de routes sera réduite par suite de l'augmentation des frais d'entretien des routes existantes et dont les baux expirent le 1er mai prochain.
En conséquence je demanderai à M. le ministre si son intention n'est pas de solliciter une augmentation de 400,000 à 500,000 fr. à l'effet de pouvoir terminer les routes actuellement en cours d'exécution.
L'hiver de 1854-1855 a été on ne peut plus difficile à traverser par la classe si digne d'intéêét des journaliers et des ouvriers agricoles. Les maladies graves dont ils ont été atteints, à la suite de ce rigoureux hiver sont attribuées par les administrations communales à l'insuffisance des aliments et à leurs qualités malsaines. L'hiver que nous traversons ne se montre pas sous un meilleur aspect, aussi nos ouvriers s'effrayent-ils de la cherté des denrées alimentaires et leur inquiétude est d'autant plus grande qu'ils manquent de travail.
Le gouvernement comprend la haute mission qu'il a à remplir à cette époque de crise ; que M. le ministre des travaux publics nous présente donc des demandes de crédits spéciaux pour toutes les routes en construction ; je lui citerai entre autres la dernière section de la route de Rochefort à Gribelle entre Rochefort et Wellin. M. le ministre ferait bien aussi de stimuler le zèle des compagnies concessionnaires pour qu'elles occupent un plus grand nombre d'ouvriers et sur le plus de points possible du pays.
J'aime à croire que les compagnies concessionnaires ne failliront pas à ce que je considère pour elles comme un impérieux devoir d'humanité !
Les communes, les bureaux de bienfaisance et la charité particulière viendront en aide aux classes ouvrières, mais ces ressources, vous le savez, messieurs, ne vaudront jamais pour elles le travail.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, l'honorable préopinant a appelé l'attention du gouvernement sur la nécessité d'activer les travaux des routes qui sont déjà en construction, à l'aide d'une demande d'allocations plus considérables à l'article routes dans le budget du département des travaux publics. L'intention du gouvernement sur ce point est d'accord avec les idées émises par l'honorable membre. On comprend sans peine qu'un des moyens les plus efficaces de procurer du travail aux classes pauvres dans les différentes parties du pays est d'activer la construction de ces routes ; il y en a dans toutes les provinces. Un nombre assez considérable de routes sont construites à petites sections ; elles permettent d'utiliser convenablement les bras disponibles dans les différentes communes.
De l'allocation totale, portée au budget pour le service des routes, la moitié au moins est consacrée à l'entretien ordinaire ; le reste est affecté à la construction des routes neuves.
Les contrats d'entretien des routes doivent expirer au 1er mai ; il y aura alors une réadjudication générale ; les baux ayant eu une certaine durée, il y a lieu de croire que depuis la dernière adjudication, le prix total se ressentira de l'augmentation croissante des matières premières et de la main-d'œuvre, et il n'y a pas de doute que le chiffre total alloué pour l'entretien sera dépassé au moins de 25 p. c ; cela réduira considérablement la partie du crédit disponible pour la construction des routes neuves... Le maintien pur et simple du crédit mettrait le département des travaux publics dans la triste nécessité de restreindre considérablement le travail qu'il pourrait accorder aux classes pauvres ; or son intention est diamétralement opposée, et son désir est de venir, dans une mesure juste et raisonnable, en aide aux classes malheureuses.
Au reste, cette augmentation était un des objets auxquels le discours du Trône faisait allusion, en annonçant que le département des travaux publics ferait ce qu'il dépendrait de lui pour procurer un soulagement aux classes nécessiteuses.
Mais la Chambre voudra bien reconnaître qu'en pareille matière, il y a lieu de procéder avec ménagement ; un grand nombre de routes sont décrétées ; d'autres en construction, d'autres en projet ; il serait très imprudent de vouloir terminer en une seule campagne tout ce qui est à faire.
Du reste, il ne s'agit pas d'une demande de crédit très considérable, il s'agit uniquement d'avoir le moyen de donner un peu plus d'activité aux travaux qui ont été antérieurement annoncés. Dès que le crédit sera voté, on procédera à l'adjudication de ces travaux.
Quant aux chemins de fer concédés, les cahiers des charges ne donnent pas au gouvernement le droit de faire exécuter telle partie de travaux telle année plutôt que telle autre année. Je dois dire, du reste, que les compagnies ont jusqu'à présent compris assez bien la mission qu'elles peuvent accomplir, celle de concilier autant que possible la bonne exécution des travaux avec les devoirs de l'humanité. J'userai de mon influence pour les engager à maintenir pendant la saison rigoureuse des ateliers aussi complets que possible et à les répartir convenablement. Mais je le répète, je n'ai à cet égard qu'un seul droit, le droit de conseil.
(page 340) M. Frère-Orban. - Messieurs, le projet de loi dont nous avons à nous occuper contient une demande d'allocation relative à une commission établie auprès du département des travaux publics. J'ai combattu à son origine l'institution de cette commission ; je la croyais funeste ; je viens de nouveau exposer les raisons qui m'obligeront à voter contre la demande de crédit pour solder les dépenses qu'elle occasionne.
Messieurs, à mon avis, il est de la plus grande importance pour le pays que le chemin de fer continue à être exploité par l'Etat ; je crois qu'il doit en être ainsi, non seulement dans l'intérêt de l'industrie et du commerce qu'il ne faut pas livrer à un monopole redoutable, mais encore et surtout dans un intérêt véritablement politique.
Dans un pays aussi exigu que l'est la Belgique, une compagnie possédant le chemin de fer de l'Etat, serait une puissance avec laquelle il faudrait compter. Quelles que fussent les mesures de précaution prises, elle opérerait bientôt une fusion, d'une manière directe ou indirecte, avec toutes les autres compagnies de chemin de fer. Elle constituerait ainsi dans le pays une société qui serait en mesure, dans des circonstances données, de dominer le gouvernement.
Tous les intérêts qui se rattachent aux chemins de fer, les intérêts charbonniers, les intérêts de l’industrie du fer, ceux de la construction des machines, unis à cette société puissante, pèseraient d'un poids énorme dans les affaires publiques. Cette société aurait une large place dans le parlement belge ; le pays tout entier serait l'objet de l'exploitation d'une pareille compagnie.
Afin d'éviter ce que je considérerais comme un malheur pour le pays, il importe que le chemin de fer soit bien administré. C'est un point qui a toujours préoccupé la Chambre. Depuis bien des années, des réclamations ont été faites dans cette assemblée contre les vices d'organisation du département des travaux publics. Sous l'honorable M. de Theux comme sous l'honorable M. Rogier, sous l'honorable M. Nothomb comme sous l'honorable M. Dechamps, des critiques fort vives ont été adressées au système administratif adopté pour l'exploitation du chemin de fer.
Mais quels étaient les griefs principaux qu'on adressait à l'organisation qui existait alors ? C'est que le ministre était sans force, qu'il était sans autorité réelle vis-à-vis des agents chargés de l'exploitation et qu'il était purement et simplement l'éditeur responsable, vis-à-vis de la Chambre, de la volonté de ses subordonnés. Il n'est pas un ministre qui n'ait eu à lutter contre cette situation. L'honorable M. Dechamps, entre autres, essaya d'y porter remède ; il prépara des mesures destinées à renforcer son action, son autorité, son contrôle. Il reconnaissait qu'il fallait donner plus de puissance au département des travaux publics, vis-à-vis des agents chargés de l’exploitation. Ses projets ne furent pas exécutés.
Lorsque je suis arrivé en 1847 au département des travaux publics, éclairé par les discussions antérieures et par les faits qui se passaient sous mes yeux, j'acquis la même conviction dont avaient été pénétrés mes prédécesseurs, et je proposai de créer un bureau de contrôle au département des travaux publics qui aurait permis au ministre de connaître par lui-même les actes de sen administration.
Je donnai à cette époque à la Chambre la preuve, je lui fis partager ma conviction, qu'il était impossible, avec l'organisation de l'administration telle qu'elle existait, que le ministre pût produire avec certitude des renseignements exacts à la Chambre. Je démontrai que le ministre n'avait pas les moyens de savoir, par exemple, si le matériel nécessaire au chemin de fer était suffisant ou non, s'il était convenablement utilisé ou non, si les waggons qu'on faisait mouvoir étaient été ou non suffisamment chargés ; je démontrai qu'il n'avait aucune espèce de contrôle sur les recettes.
Dans l'organisation telle qu'elle existait, le directeur général de l'administration était investi d'un pouvoir absolu, souverain et de telle nature qu'il était à peu près impossible de soumettre à un examen efficace les actes de sa gestion. Les besoins ne pouvaient se constater dans les bureaux mêmes du ministre ; il n'avait à sa disposition que des moyens insuffisants pour suivre, dans leurs détails, tous les actes de l'exploitation. Vice capital : il se trouvait que la même personne, le même agent était à la fois chargé de l'exécution et de vérifier si l'exécution était bien faite ; il était le contrôleur et le contrôlé.
La Chambre, convaincue par les raisons que je lui donnai à cette époque, vota une somme de 30,000 fr. pour la création d'un bureau de contrôle dont j'avais indiqué les attributions.
Mais je quittai le département des travaux publics avant d'avoir pu exécuter cette résolution de la Chambre, et d'autres idées prévalurent. On persistait bien à poursuivre le même but ; mais d'autres moyens parurent préférables.
La question fut de nouveau portée devant la Chambre et l'honorable M. Dumon fut au nombre de ceux qui continuèrent à demander avec instance une organisation énergique, qui investît le ministre d'un pouvoir suffisant. Il continua à critiquer la situation de l'administration ; en principe, on semblait unaniment reconnaître que c'est l'action du Ministre qu'il fallait fortifier. Je n'examine pas ce qui a été tenté dans cet ordre d'idées. Je ne discute point ; je signale la pensée dominante et persévérante qui préoccupait tons les esprits pratiques.
Tout à coup, dans les derniers temps, à une époque plus rapprochée de nous, c'est un système absolument contraire qu'on a essayé de faire prévaloir. On a bâti sur une idée vraie, que personne ne conteste, le système le plus faux, le plus anti-administratif, le plus anti-gouvernemental qu'on ait jamais imaginé.
On s'est écrié que le chemin de fer de l'Etat devait être organisé commercialement, et ce drapeau a naturellement trouvé de nombreux défenseurs. Comme si le chemin de fer pouvait être exploité commercialement avec une administration soumise aux règles essenlielles d'une administration publique ! Il en est ainsi pour les postes et pour d'autres régies. Au lieu de cela, on a voulu s'affranchir de l'expérience acquise et répudier toutes les traditions consacrées.
Pour organiser commercialement l'exploitation, on s'est imaginé qu'il suffisait de contrefaire l'administration des compagnies. Comment font les compagnies ? Elles ont un directeur général qui a un pouvoir très étendu, et au-dessus de lui il y a un conseil d'administration. Ayons un directeur et un conseil d'administration ; nous aurons la meilleure organisation possible !
On n'a pas remarqué cette différence essentielle, radicale, qui ne permettait pas au gouvernement de procéder pour le chemin de l'Etat comme une compagnie, c'est que dans les compagnies, le directeur est un personnage qui a des intérêts directs dansl'affaire, qui a intérêt à faire le moins de dépenses possible et le plus de recettes possible, qui a une part dans les bénéfices ; c'est que le conseil d'administration est composé d'actionnaires qui ont de grands intérêts engagés dans l'opération ; c'est qu'ils sont surveillés par des commissaires qui ont des intérêts du même genre et qu'enfin les actionnaires ont aussi le droit de se faire entendre.
Partout où vous trouverez cet élément de l'intérêt personnel, vous pouvez vous fier à lui. Mais ici que voulait-on substituer à l'administration régulière ?
Un directeur général qui n'a aucune espèce de participation dans les bénéfices de l'entreprise, que rien ne stimule, à part le sentiment de ses devoirs, à diminuer les dépenses et à augmenter les recettes ; et, au-dessus de lui, un conseil composé de personnes même tout à fait étrangères à l'exploitation d'un chemin de fer et qui n'ont rien à perdre ou à gagner dans l'entreprise.
Supposez-les, je le veux bien, animées du plus grand zèle, du plus grand dévouement, et désireuses de faire prospérer le chemin de fer de l'Etat ; proclamez, j'y consens, qu'elles agiront de la manière la plus désintéressée ; mais il faut prendre les hommes tels qu'ils sont ; vous ne pouvez pas exiger que du soir au matin, pendant toute l'année, les membres du conseil exercent une espèce d'apostolat, en supportant le poids et la responsabilité d'une pareille administration. Cela n'est pas sérieux.
Qu'est-il avenu des essais qui ont été tentés pour mettre à exécution cette étrange invention ? On a constitué une commission pour examiner la situation du département des travaux publics. Cette commission a mis la meilleure volonté du monde à remplir sa mission. Qu'a-t-elle fait ? Il faut le reconnaître, el'e n'a rien fait ; elle n'a rien fait par la raison toute simple qu'elle ne pouvait rien faire Les bureaux du ministre étant en pleine dislocation, sinon supprimés, elle ne pouvait être éclairée, renseignée que par ceux-là mêmes qu'elle aurait voulu surveiller. Imbue de l'idée qu'il fallait transférer les pouvoirs à l'exploitation, détruisant ce qui restait de force autour du ministre, elle accroissait le désordre au lieu de l'arrêter. Elle était réduite à s'en tenir à des généralités sans pouvoir toucher à aucun des vices de l'administration.
Aussi, quand on cherche à démontrer qu'elle a fait quelque chose, on fait son lot bien petit. C'est grâce à elle, dit-on, que des express ont été établis ; c'est grâce à elle qu'on a voté un crédit de 9 millions au chemin de fer ; c'est grâce à elle que le tarif des marchandises a été modifié.
Si ce sont là tous les services qu'elle a rendus, ils ne sont guère en rapport avec les espérances qu'elle avait fait concevoir et les promesses faites en son nom. Est-ce qu'il fallait une commission pour découvrir les express qui existent depuis dix ans partout dans les autres pays ? L'administration a eu tort de ne pas les établir plus tôt ; elle a donné, pendant longtemps, une raison plus ou moins admissible, qui, sans doute, était venue à cesser : elle a prétendu que les rails étaient trop faibles pour supporter le passage de convois de vitesse.
Quant au tarif, le ministre avait déclaré, avant l'institution de la commission, qu'il y avait lieu d'y introduire des modifications et il en avait indiqué textuellement les bases. Il y avait là un projet entièrement arrêté. La commission n'a rien découvert, rien inventé. Elle ne peut avoir décidé le ministre à faire ce qu'il avait décidé qu'il ferait.
Et pour le crédit de neuf millions, je connais trop la loyauté des membres de la commission pour douter qu'ils reconnaissent que tout leur rôle s'est borné à recevoir un état détaillé des besoins de l'administration du chemin de fer et à en extraire certaines sommes, pour faire une demande à la Chambre. Jamais, à aucune époque, la Chambre n'a refusé les crédits nécessaires au chemin de fer et elle ferait davantage si on arrivait, par de bonnes mesures, à lui inspirer une entière confiance. Au reste, la commission a reconnu elle-même qu'il lui avait été impossible de faire des vérifications approfondies des besoins signalés par l'administration. Elle a donc proposé les travaux que l'administration a jugés nécessaires.
(page 341) D'ailleurs ce n'était pas là, en réalité, le but de l'institution de la commission. C'est de la réorganisation du département des travaux publics, qu'elle avait à s'occuper. En se retirant, elle a adressé an ministre son rapport où elle expose cemplétement son système.
Elle déclare qu'il est indispensable d'établir près du chemin de fer un conseil permanent, c'est-à-dire un conseil d'administration. Elle déclare que toute l'organisation qu'elle a indiquée est arrêtée, et que des avant-projets d'arrêtés sont préparés. Cela se trouve au Moniteur.
Eh bien, ce premier acte a été un conflit entre les idées de la commission et les idées du ministre. Le ministre a positivement refusé d'instituer un conseil permanent.
Il n'a voulu admettre qu'un simple comité consultatif, et il déclare dans l'arrêté que ce comité n'a d'autre mission que de donner son avis sur les questions qu'il trouvera bon de lui soumettre. Ainsi, le point de départ est un conflit. Le but de l'institution quel est-il ? La commission veut un conseil permanent. Le ministre n'en veut pas ; il a parfaitement compris qu'il fallait faire disparaître le ministre, si l'on instituait le conseil réclamé par la commission.
Le comité consultatif institué, est-ce que vous croyez qu'il a admis les idées du ministre ? Pas le moins du monde. Le ministre ne voulait qu'un comité consultatif ; il a eu, malgré lui, un conseil d'administration.
Il se constitue en permanence : il siège constamment, s'occupe de toutes les questions d'administration, voyage à l'intérieur et à l'étranger et en nombreuse compagnie ; visite, inspecte les chemins de fer, fait des commandes, achète des locomotives... (Interruption.) On nous dira que le comité ambulant cessait d'être consultatif, et qu'il avait reçu une mission spéciale pour faire des commandes.
M. Van Hoorebeke. - Il n'a pas eu la mission de faire des commandes, mais seulement celle d'examiner.
M. Frère-Orban. - Toujours cst-il qu'une fraction du comité se trouvant en Angleterre y a fait des commandes pour le chemin de fer.
Le comité consultatif, qui ne devait donner son avis que sur les questions qui lui seraient déférées par le ministre, a donc changé ses attributions. On comprend qu’il puisse être utile, en certains cas, de soumettre à une cominission des questions spéciales et déterminées. Mais lui livrer l'administration tout entière, c'est une œuvre qui n'est propre qu'à détruire tous les ressorts de l'autorité.
Avait-on trouvé une solution ? Est-ce que l'administration allait enfin être réorganisée ? Remarquez que la première commission avait été instituée au mois de mars 1853, et le comité consultatif au mois d'octobre 1854. Remarquez que, comme je l'ai dit tout à l'heure, toute l'organisation était faite, tous les projets étaient minutés. Cela est consigné au Moniteur. Et chose incroyable, ce qui a été commencé en mars 1853 est encore à faire en janvier 1856 ; il n'y a pas plus d'organisntina qu'auparavant ! On n'a abouti qu'à'une seule chose, c'est à établir le conflit en permanence.
Le comité a son avis, ; le ministre a le sien. On n'admet pas les idées de la cnm.niiss.ion ; d'où résultent des discussions qui ne cessent pas et ne peuvent cesser. En attendant, la direction de l'exploitation, qui a réuni tous les pouvoirs, jouit de la plus complète liberté.
C'est ce qu'on appelle l’administration du chemin de fer ; c'est ainsi que se formule l'organisation commercial de l'opération !
Nous avions un département de travaux publics plus ou moins complet ; on voulait le fortifier. Savez-vous ce que nous avons depuis que ces beaux projets sont sur le tapis ? Nous avons, le pays aura peine à le croire, nous avons un département des travaux publics qui se compose du ministre et de son secrétaire général ! Grâce à ce système, tous les bureaux du ministre lui ont été enlevés ! Il n'y a plus de bureaux au département des travaux publics. Tout a été réuni à la direction du chemin de fer à l'extérieur, à l'exploitation. Le ministre seul et son secrétaire général siègent dans l'hôtel.
Ce ministre, pouvons-nous convenablement l'accuser, le discuter ? Est-ce qu'il peut savoir ce qui se passe dans son administration ? Ni œil, ni bras, il n'a rien. Il ne donne pas d'ordres au directeur général. Je ne veux pas dire qu'il en reçoit de lui. Il ne sait rien. A-t-il besoin de connaître ce qui se passe dans l'administration ? Il le demande au directeur général. On se plaint de l'administration ; qui répondu ces plaintes ? Celui que l'on accuse ; car il est chargé d'exécuter. Qui contrôle la recette et la dépense ? Celui qui fait l'une et l'autre. C'est là ce qu'on appelle l'organisation commerciale du département des travaux publics !
Il faut enfin revenir à uu système sérieux. Il faut que l'organisation des travaux publics se fasse et sous la responsabilité ministérielle. L'expérience du comité consultatif ou permanent est faite ; elle est complète. Le ministre, sous sa responsabilité personnelle, doit faire l'organisation de son département.
Tout ce qui s'est passé, tout le désordre qu'il voit autour de lui, doit lui donner la conviction inébranlable qu'il n'y a pas un instant à perdre pour reconstituer une administration centrale à son département. Il lui faut, comme dans toutes les administrations, des bureaux qui puissent l'aider. Sans le concours des bureaux, où se conservent les traditions administratives, le ministre ne peut diriger l'administralion. Il n'est plus alors qu'un soliveau. Le ministre, s'il est seul, est inutile, il fant le supprimer et nommer un directeur des chemins de fer sans responsabilité. C'est la situation que nous avons aujourd'hui.
Je voterai donc contre le crédit sollicité pour payer les dépenses du comité consultatif.
(page 336) M. de Perceval. - Je voterai également contre le crédit qui nous est demandé pour payer les dépenses occasionnées par le comité consultatif permanent des chemins de fer, postes et télégraphes, etc., etc.
Pour que la discussion ne s'égare point et qu'elle se concentre sur des faits positifs, afin qu'elle puisse en même temps éclairer la législature et édifier l'opinion publique, je procéderai par voie d'interpellation et je demanderai, tout d'abord, à l'honorable ministre quelles sont les immunités et les privilèges dont jouissent les membres du comité permanent consultatif. Peuvent-ils, ainsi que les faits l'ont constaté dernièrement, peuvent-ils, lorsqu'ils arrivent trop tard dans une station, prendre des convois express-train, et le directeur d'une station est-il obligé de mettre à la disposition d'un seul membre de ce comité consultatif permanent des chemins de fer, postes et télégraphes un convoi extraordinaire pour le transporter à Bruxelles ? Je désire avoir une réponse catégorique de M. le ministre des travaux publics sur ce point.
Ces membres ont-ils le droit de faire arrêter un train de voyageurs lorsqu'ils n'arrivent pas à temps pour prendre le convoi public ? Un convoi, je suppose, arrive d'Anvers et se dirige vers Bruxelles, il fait une halte momentanée à Malines pour permettre aux voyageurs d'y monter ; ce convoi, chargé de voyageurs, se trouve-t-il dans la dure nécessité de devoir rester, montre en main, dix-huit minutes, jusqu'à ce qu'un membre du comité consultatif permanent retardataire, soit arrivé dans la station. Je désire enctre une réponse catégorique sur ce point de la part de M. le ministre des travaux publics.
Messieurs, l'existence de ce comité soulève, à mes yeux, une question très grave, et je vais la traiter avec la franchise qui ne m'a jamais fait défaut dans l'examen de questions de cette nature. Si le comité dont il s'agit (et qui ne constitue dans mon opinion qu'une espèce de réunion de ministres des travaux publics « inpartibus infidelium ») doit être définitivement consacré par un vote de la Chambre, je demande au moins qu'on applique aux membres de la législature qui auraient le désir extrême d'en faire partie, les dispositions de la loi sur les incompatibilités parlementaires.
Car cette loi sur lesincomplabiliiés parlementaires est actuellement méconnue, sinon dans son texte, du moins dans son esprit.
Que veut la loi ? Elle veut, en termes absolus, qu'aucun membre de la Chambre ne soit rétribué par l'Etat non seulement pendant l'exercice de ses fonctions législatives, mais même dans l'année qui suit l'expiration de son mandat. Or, messieurs, quand je vois des membres de la Chambre qui siègent au comité permanent des chemins de fer, postes et télégraphes, toucher environ 4,000 francs...
M. de Man d'Attenrode. - Cela est faux..
M. de Perceval. - ... je suis d'avis que la loi sur les incompatibilités parlementaires est une lettre morte.
L'honorable M. de Man vient de m'interrompre.
M. de Man d'Attenrode. - Oui, je dis que c'est faux.
M. de Perceval. - Je vais donc entrer dans quelques détails, puisque vous osez soutenir que cela est faux.
Je me suis procuré à la Cour des comptes des documents officiels, et j'ai fait un relevé des sommes perçues par quelques collègues de ce comité.
D'abord, messieurs, ne perdez point de vue que les membres du comité permanent ont une carte pour circuler gratuitement sur tous les chemins de fer de l'Etat. Ceci, l'honorable M. de Man sera d'accord avec moi, représente une somme assez importante.
M. Frère-Orban. - La loi s'y oppose.
M. de Perceval. - Voilà, certes, un privilège considérable. Pouvoir circuler gratuitement pendant 365 jours sur le chemin de fer de l'Etat, cela a son importance, tout le monde en conviendra.
Les membres du comité consultatif voyagent donc sans bourse délier sur les chemins de fer de l'Etat.
Maintenant, passons aux sommes qui ont été perçues par un membre pendant l'année 1855 ; la Chambre verra qu'elles se sont élevées jusque près de 4,000 francs.
En voici le détail :
Premier trimestre 1855. Un membre a eu 29 jetons de présence à 15 francs par séance. Son indemnité trimestrielle s'est donc élevée à 435 fr.
Deuxième trimestre. Le même membre a eu 39 jetons de présence, et il a touché de ce chef une indemnité de 585 fr.
Troisième trimestre. Ce même membre a eu 24 jetons de présence, et a touché, par conséquent, une indemnité de 360 fr.
Il reste encore, à ce même membre, à recevoir le montant des jetons de présence pour le quatrième trimestre. Je suppose que ce montant soit le même que celui du second trimestre, soit. 585 fr.
Ajoutez le voyage en Angleterre qui a valu à ce member 1,100 fr.
(page 337) Et un voyage eu Allemagne, qui a duré dix jours (du 21 au 31 juillet), et pour lequel il lui a été alloué une somme de 818 fr. 78 c.
Ces chiffres réunis donnent bien un total de. 3,883 fr. 78 c.
En outre, ne perdez pas de vue, messieurs, que ce membre jouit également du privilège de circuler gratuitement sur tous les chemins de fer de l'Etat.
L'honorable M. de Man me donne-t-il encore maintenant un démenti ?
Messieurs, quand je dis que la loi sur les incompatibilités s'oppose à ce que des membres de la législature siègent au comité permanent, je puis invoquer deux décisions qui ont été prises par la Chambre et qui viennent à l'appui de cette opinion.
Il y a quelques années, un de nos honorables collègues s'était mis sur les rangs pour être élu conseiller à la Cour des comptes. Une majorité le nomma. Mais après un débat qui a duré deux séances, la majorité s'est déjugée, et elle a décidé que la loi sur les incompatibilités ne permettait pas à un membre qui était dans l'exercice de ses fonctions législatives, de solliciter uanmandat rétribué.
Cependant, messieurs, le traitement de conseiller à la Cour des comptes n'est pas aussi élevé que la somme dont je viens de vous donner le détail. Car aux 4,000 fr. à peu près touchés en numéraire, ajoutez le privilège de circuler pendant toute l'année sur le chemin de fer et vous aurez au moins une somme de 6,000 à 8,000 fr.
Lorsque nous avons examiné le projet de loi sur le crédit foncier, la législature a décidé encore, sur ma proposition, qu'aucun membre de la Chambre, également dans l'exercice de ses fonctions législatives, ne pourrait siéger dans cette espèce de comité directeur que le projet de loi proposait d'instituer.
Messieurs, la Chambre a toujours été jalouse de sa dignité ; elle veut, et je lui en sais gré, elle veut, comme la femme de César, n'être pas même soupçonnée. Eh bien, il ne faut pas que d'une manière indirecte on puisse dire que la corruption s'est introduite dans le parlement. La loi sur les incompatibilités est formelle ; quand nous posons nos candidatures devant les collèges électoraux, nous connaissons les prescriptions que cette loi renferme et l'engagement qui en est la conséquence immédiate.
Je demande donc, si la Chambre décide qu'il y a lieu d'établir au ministère des travaux publics un comité permanent des chemins de fer, postes et télégraphes, qu'elle prononce en même temps l'incompatibilité du mandat législatif avec les fonctions de membre de ce comité.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Ce n'est pas moi assurément qui viendrai contester à la législature le droit de haute surveillance et de contrôle sur l'emploi des deniers publics.
La défense de la fortune de l'Etat, contre l'arbitraire de ceux qui l'administrent, est confiée à chacun des membres de cette Chambre, et celui de nous qui vient livrer aux débats publics les fautes, les erreurs, les irrégularités commises, celui qui remplit cette tâche, en conscience et avec le sentiment du devoir, fait une chose louable, pose un acte de courage que je respecte. Mais lorsque la censure est inspirée par des sentiments non avouables, par des inimitiés personnelles... (Interruption.)
M. le président. - Vous ne pouvez pas supposer de pareilles intentions à vos collègues. Je vous engage à retirer ces paroles ; elles ne sont pas parlementaires.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Je n'ai pas encore pu achever ma phrase, M. le président, et l'on m'interrompt avant que j'aie qualifié l'acte de M. de Perceval, dont au surplus je laisse la Chambre juge.
Je n'éprouve aucun embarras en ce qui concerne la justification des faits articulés contre moi. C'est de moi que le représentant de Malines a voulu parler dans son réquisitoire. C'est moi qui ai eu droit aux jetons de présence les plus nombreux, parce que sans doute, malgré le zèle de mes collègues, j'ai assisté à un plus grand nombre de séances qu'eux.
Veut-on critiquer le taux de ces jetons ? Il est de quinze francs, ei, si ce n'était entrer dans des misères indignes de vous, je dirais qu'il m'est arrivé bien des fois de travailler des jours et des nuits et de voir, au bout d'un travail pénible, me remettre un jeton qui ne couvrait pas même mes frais de correspondance. Aussi, je me considère comme n'ayant reçu aucune rémunération tant soit peu proportionnée au travail que j'ai fait, aux peines que je me suis données et pouvant me payer du temps perdu et des désagréments que j'ai éprouvées.
Ce n'est pas assurément l'intérêt qui m'a engagé à m'occuper des affaires du chemin de fer de l'Etat, (Interruption.) J'entends des ricanements ; je ne vois pas les rieurs, ma vue n'est pas assez bonne pour que je puisse les distinguer. Ce serait plus charitable de me contredire par des paroles que par des ricanements que je ne puis pas saisir.
Viennent les frais de voyage. Me suis-je enrichi par le voyage en Angleterre, par le voyage que j'ai fait en Allemagne ? On dirait en vérité, en entendant le députe de Malines, que le budget n'ait pas suffîi à mon ardeur de lucre.
Je suis allé avec quelques collègues en Angleterre à la suite d'un ordre du ministre et de l'interpellation faite à cette Chambre par l'honorable M. Osy. Il y avait deux motifs pour ce voyage : d'abord il s'agissait de faire commander par l'administration et non point par nous, comme l'a dit par erreur l'honorable M. Frère, un petit nombre de locomotives que l'industrie belge ne pouvait pas fournir assez tôt.
Le comité était appelé à donner son avis sur le système de locomotives à commander. L'action du comité devait se borner et s'est bornée à ce genre d'intervention. Ce que le comité a fait à cet égard est tourné au bénéfice du trésor et a compensé au décuple les dépenses que son excursion a occasionnées. Il y avait une autre cause à ce voyage, c'était de rechercher comment opérait en Angleterre l'organisation qui avait servi de base au règlement d'attributions que j'avais préparé. Dans l'administration, des doutes avaient été émis sur la possibilité de faire fonctionner convenablement le mécanisme que j'avais proposé, C'est au milieu de l'hiver, aux mois de janvier et de février, que quelques membres du comité, poussant le dévouement à l'extrême, allèrent visiter les diverses stations et ateliers des principales lignes anglaises.
Fait dans de telles circonstances, à une pareille époque de l'année, un pareil voyage peut-il revêtir, comme on l'a dit, le caractère d'un partie de plaisir ? Et puis quel est le bénéfice pécuniaire que nous en avons retiré ? Les dépenses des membres étaient fixées à 50 francs par jour. Messieurs, outre un grand nombre de voyages que j'ai faits pour le chemin de fer de l'Etat, et pour lesquels il ne m'a jamais été alloué un centime, je suis allé en Angleterre pendant nos dernières vacances et j'y suis allé à mes frais. Que mes honorables collègues qui croient que nous avons bénéficié sur les frais que le ministre avait bien voulu nous allouer en jugent eux-mêmes, je tiens à leur disposition le détail de mes dépenses et ils verront comment les membres du comité vivent aux dépens du budget ; ils pourront juger de ce que l'on fait avec des frais de route de 50 francs quand on parcourt en quelques jours des centaines de lieues.
Mais il reste un autre chiffre dont M. de Perceval me fait un crime. Je suis allé en Allemagne pour me donner le bénéfice de nouvelles indemnités de frais de route. Au mois de juillet dernier, le comité croyant qu'il était utile d'établir, dans l'intérêt du commerce et du chemin de fer, des relations directes avec les lignes allemandes, conseilla à M. le ministre de m'envoyer à la réunion générale des directeurs des chemins de fer à Breslau.
Je vous prie de remarquer que la distance est de plus de 300 lieues. M. le ministre me fit connaître ses scrupules concernant cette mission ; je lui déclarai aussitôt que je désirais qu'il ne fût donné, en ce qui me concernait, aucune suite à la proposition du comité et j'ajoutai que la mission serait aussi convenablement remplie par des fonctionnaires de l'administration que par moi. Je ne pensais plus à ce voyage lorsque, un soir, M. Masui vint me trouver pour me dire que M. le ministre désirait me voir partir le lendemain. J'opposai à l'honorable directeur des chemins de fer les scrupules du ministre et je déclinai la mission, à moins qu'elle ne fût confirmée par une invitation expresse de la part du chef du département.
J'écrivis aussitôt à l'honorable M. Dumon, je lui répétai que je pensais que des fonctionnaires de l'administration pourraient aussi bien que moi aller préparer en Allemagne ces relations directes que le comité lui avait conseillé d'établir, au grand bénéfice de notre commerce et des recettes de notre railway. Je n'étais donc pas aussi désireux que M. de Perceval l'a dit de me faire allouer des frais de route. Voici la lettre que M. le ministre m'envoya en réponse à mes objections.
« Mon cher collègue,
« Il me sera très agréable de vous voir accompagner M. Masui à la réunion de Breslau. Le chemin de fer ne pourra que retirer d'utiles fruits de ce voyage. Si j'ai éprouvé quelque scrupule, c'est plutôt à l'occasion de cette mission qu'à cause de cette mission. Votre voyage sera très avantageux pour nous, j'en suis assuré ; mais ce qui serait dangereux, ce serait de confondre le comité avec l'administration. Comme je suis petsuadé que vous voulez, comme moi, maintenir entière la distinction entre la commission consultative et l'administration proprement dite, par rapport à vous ma crainte est chimérique.
« Je ne puis donc qu'approuver, sans réserve, la décision du comité et vous prier de vouloir bien accepter les fonctions qu'il vous a confiées.
« Veuillez agréer, mon cher collègue, l'assurance de mon dévouement et de ma haute considération,
« 21 juillet.
« A. Dumon. »
Veut-on me condamner pour ne pas avoir fait ce voyage à mes frais ? J|avoue que je ne suis pas assez riche pour cela. J'ai fait, dans bien des circonstances, plus de sacrifices d'argent qu'aucun membre n'en aurait fait dans l'intérêt de la chose publique ; je ne parle pas de mes travaux, de mes veilles ; j'ai donné volontiers mon temps et souvent mon argent pour faire quelque bien, et je l'ai fait sans arrière-pensée, croyant remplir un devoir envers mon pays ; mais il est pénible, je l'avoue, et j'en sens une émotion très vive, de me voir traîner à la barre d'une opinion publique, qu'on cherche à tromper, parce que l'on espère que, malgré ma justification, il en restera toujours quelque chose ; je me sens blesse, je l'avoue, de voir accuser mon abnégation de rapacité.
Et qui vient se poser ici comme mon accusateur ? C'est un collègue, c'est le représentant dans cette enceinte de la même localité doni j'ai l’honneur d'être le mandataire.
M. le président me reprochait tout à l'heure d'employer des expressions qui avaient le caractère de l'injure à l'égard de M. de Perceval. Ces paroles blâmées ne seraient pas venues à ma bouche, si quelque (page 338) chose eût été fondé dans les diatribes de ce membre ; mais que dire d'un collègue qui vient étaler ici des faits complètement inexacts et qui, depuis quelque temps, servent de pâture à certains journaux ? Que dire d'un membre qui vient m'attaquer ici après m'avoir fait traîner sur la claie de la presse ?
Un dernier mot, messieurs. M. de Perceval m'accuse d'avoir fait mettre un convoi spécial à ma disposition ; c'est inexact.
Il m'accuse d'avoir fait rester, dans la station de Malines, un convoi pour m'attendre, c'est faux. Je connais trop bien les égards dus au public pour jamais me rendre coupable d'un pareil acte, et le chef de la station de Malines connaît trop bien son devoir pour permettre un pareil abus, fût-ce je ne dirai pas en faveur d'un membre du comité, mais en faveur d'un ministre.
M. Rousselle (pour un fait personnel). - Messieurs, en demandant la parole je n'ai nullement l'intention de jeter un blâme sur les membres du comité consultatif des chemins de fer qui ont pu accepter des droits de présence ; mais comme j'ai en l'honneur de faire partie du premier comité consultatif et que je n'avais touché ni droits de présence ni frais de voyage, je désirais être mis en dehors de l'allégation avancée par l’honorable M. de Brouwer, à savoir que l'honorable membre avait reçu 15 francs de droits de présence comme tous ses collègues. Du reste, je viens d'apprendre de l'honorable M. Van Hoorebeke, ancien ministre des travaux publics, que tous les membres du premier comité n'ont pas plus que moi réclamé ni reçu aucuns droits de présence ou frais de voyage.
Je tenais à faire cette observation.
M. de Perceval (pour un fait personnel). - Messieurs, je dois deux mots de réponse à mon collègue, M. de Brouwer ; Je dirai d'abord que je n'ai aucune animosité personnelle contre lui ; j'ajoute que, dans l'exercice de mes fonctions législatives, je représente le pays et non pas, seulement l'arrondissement de Malines, quoiqu'il m'ait fait l'honneur de m'envoyer siéger dans cette enceinte. Lorsque, dans mon opinion, des abus existent, je crois qu'il m'appartient, qu'il incombe même à ma mission de député de les signaler hautement à la représentation nationale et d'en faire juge le pays.
Maintenant, en ce qui concerne les deux faits dont j'ai entretenu la Chambre et sur lesquels j'ai demandé une réponse nette, catégorique, à M. le ministre des travaux publics, à savoir : 1° un express-train n'a-t-il pas été mis à la disposition d'un membre du comité consultatif ? 2° un train de voyageurs n'a-t-il pas été retenu pendant dix-huit minutes pour attendre le même membre ?
Ces deux faits, je les maintiens. M. le ministre des travaux publics peut ouvrir une enquête à cet égard, et j'en attendrai les résultats sans crainte d'être démenti.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Ces faits sont faux.
M. de Perceval. - Et moi, je répète qu'ils sont exacts.
- La suite de la discussion est remise à demain.
La séance est levée à quatre heures et un quart.