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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 21 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 339) M. Maertens procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des pharmaciens à Tirlemont et à Hougaerde demandent que le projet de loi sur l’enseignement vétérinaire contienne une disposition portant que la pharmacie sera enseignée par un pharmacien diplômé.»

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole.


« Les membres du conseil communal de Saint-Pierre prient la Chambre de rapporter les dispositions de la loi sur le défrichement des terrains incultes qui s'appliquent aux vaines pâtures de l'Ardenne luxembourgeoise. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des cultivateurs et habitants de Neerpelt demandent qu'il soit interdit, depuis le 1er mars jusqu'au 1er octobre, de faire dériver dans le Dommel les eaux surabondantes du canal de la Campine. »

- Renvoi à la commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


(page 340) « Quelques blessés de septembre, décorés de la croix de Fer, demandent que. leur pension soit portée à 365 fr.

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Maertens réclame le droit de priorité pour son projet de chemin de fer de Saint-Gbislain à la frontière zélandaisc, vers Breskens par Leuze, Renaix, Gand et Eecloo, avec embranchement de Braine-le-Comte à Renaix et demande l'intervention de la Chambre pour qu'il soit donné suite à ce projet. »

M. de Muelenaere. - Je demanderai que la commission à laquelle cette pétition sera sans doute renvoyée veuille faire son rapport dans le plus bref délai possible. Le pétitionnaire se plaint de ce que son projet, le plus ancien dans l'ordre des dates, quand il aurait dû avoir la priorité sur les autres demandes de concession, ait été laissé de côté et semble perdu de vue.

M. Magherman. - J'appuie la proposition de l'honorable M. de Muelenaere, d'autant plus que je pense que c'est par oubli que M. le ministre des travaux publics n'a pas parlé de ce projet hier lorsqu'il a énumeré les diverses demandes de concession.

- Le renvoi à la commission des pétitions,avec invitation de faire un prompt rapport, est prononcé.

Projet de loi relatif aux droits d’entrée sur les bouilles

Rapport de la section centrale

M. Orban. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'entrée des bouilles.

- Ce rapport sera imprimé cldislribné.

M. de Perceval. - Je propose à la chambre de s'occuper du projet de loi sur lequel l'honorable M. Orban vient de déposer le rapport, toute affaire cessante et dès demain.

M. Lelièvre. - Il me semble qu'il est préférable de fixer la discussion du rapport à vendredi. La Chambre aura encore le temps de discuter et de voter le projet avant sa séparation pour les vacances de Noël. Du reste, à l'ordre du jour se trouvent des objets urgents qui pourront être traités avant vendredi. C'est ce motif qui me détermine à proposer de fixer à ce jour l'examen du projet dont le rapport vient d'être déposé.

M. Orban, rapporteur. - Quelque urgence qu'il y ail à discuter le projet de loi dont il s'agit, encore faut-il que le rapport ait pu être imprimé, distribué et lu par les membres de la Chambre ; je me suis informé près de M. le greffier pour savoir si la distribution pourrait avoir lieu ce soir ; il m'a dit que ce serait très difficile, si pas impossible. La discussion pourrait être fixée à vendredi ; de cette manière la loi pourrait être votée avant les vacances.

M. de Perceval. - J'avais fait ma proposition pour que le projet de loi sur l'entrée des houilles pût être voté avant les vacances de Noël. Du moment que la chambre est d'accord pour fixer à vendredi la discussion de ce projet de loi, je retire ma proposition, parce que mon but sera atteint.

- La Chambre fixe à vendredi la discussion du projet de loi relatif à l'entrée des houilles.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, aux nombreuses pétitions tendant à obtenir la révision de la loi sur le notariat, sont venues se joindre celles du 15 décembre 1853, des habitants d'Anvers, celle du sieur Jacquinet, notaire à Herve, celle datée de Courtrai le 5 décembre, par laquelle les notaires de cet arrondissement demandent l'uniformité de ressort par arrondissement, 2° l'incompatibilé des fonctions de bourgmestre, de secrétaire et de notaire, 3° le rétablissement du cautionnement et 4° la réduction du nombre des notaires de troisième classe ; ils terminent en exprimant le vœu de voir enfin cette loi tant et si longtemps désirée paraître avant la fin de la présente session des Chambres législatives.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

M. Rodenbach. - La pétition dont l'honorable M. Vander Donckt vient de rendre compte nous est venue de l'arrondissement, judiciaire de Courtrai ; les notaires qui l'ont signée ainsi qu'une foule d'autres dont a parlé l'honorable rapporteur demandent la même chose.

Depuis un an ou deux, nous avons reçu un grand nombre de pétitions qui demandent qu'on veuille améliorer la loi sur le notariat. On est assez généralement d'accord que cette loi contient des iniquités qu'il faut faire disparaître ; qu'ainsi il n'est pas juste que tandis que les notaires des cours d'appel ont le droit d'instrumenter dans tout le ressort, tandis que les notaires des chefs-lieux d'arrondissement peuvent instrumenter dans tout l'arrondissement, les notaires de canton ne peuvent instrumenter que dans le canton, alors cependant que les examens sont les mêmes pour toutes les classes de notaires. Il est plus que temps de faire disparaître de pareilles anomalies.

Comme le temps nous presse, je n'entrerai pas dans des détails et je me bornerai à appuyer les conclusions de la commission.

M. de Muelenaere. - Messieurs, nous savons qu'au département de la justice on s'occupe de la révision de la loi sur le notariat. Je crois que tout ce qu'on peut faire dans le moment actuel des pétitions analogues à celle sur laquelle il vient de vous être fait rapport, c'est de les renvoyer à M. le ministre de la justice, avec invitation de les prendre en sérieuse considération.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Mouscron le 9 décembre 1853, des propriétaires et habitants notables de cette localité prient la Chambre de modifier la loi sur l'expulsion de mauvais locataires quant aux droits d'enregistrement, de timbre et de greffe.

Même demande de la part des habitants notables et propriétaires de Zele.

Les actionnaires disent que le propriétaire hésite souvent devant les difficultés et les formalités fâcheuses de l'exécution qui consacrent une prime à l'immoralité et que les mauvais locataires exploitent, s'enhardissant et se coalisant pour tracasser plus longtemps le propriétaires sachant qu'outre la perte des loyers il est encore forcé de débourser une somme de plus de 50 francs ; que souvent il trouve sa propriété fortement endommagée et que le petit propriétaire, n'ayant souvent pas cette somme disponible, est obligé de laisser sa propriété occupée sans indemnité ni loyer. Ils terminent en vous faisant observer qu'en France les frais d'exécution de cette espèce sont minimes comparés à ceux qu'ils sont obligés de faire en Belgique ; ils émettent le vœu que bientôt les Chambres soient saisies de ce projet de loi. Votre commission, considérant que la Chambre a constamment adopté le renvoi des nombreuses pétitions aux mêmes fins à M. le ministre de la justice, a l'honneur de vous proposer encore le même renvoi pour celle-ci.

M. de Haerne. - Messieurs, il s'agit de l'expulsion des mauvais locataires. J'avais demandé un prompt rapport sur cette pétition. J'ai appris depuis lors que M. le ministre de la justice avait consulté les autorités judiciaires sur cette question et que celles-ci paraissent généralement favorables à la réforme demandée par les pétitionnaires.

Je me borne à appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur le caractère d'urgence que présente la question. Je sais d'ailleurs qu'il est disposé à présenter un projet de loi ; je le prie de hâter cette présentation.

M. de Muelenaere. - Comme cette affaire est extrêmement urgente, je demanderai, quoique M. le ministre de la justice ne soit pas à son banc, que le projet de loi soit déposé sur le bureau de la Chambre dans les premiers jours qui suivront les vacances, pour que nous puissions nous en occuper en temps utile et dans le cours de la session actuelle.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Service d’exécution. Chemin de fer. Postes. Télégraphes. Régie

Section VII. Postes
Discussion générale

M. le président. - M. Van Grootven a proposé un amendement ainsi conçu :

« J'ai l'honneur de proposer une augmentation de crédit de 10,000 fr. à l'article 80, section 7 du budget, « Traitement des fadeurs ruraux et autres agents subalternes. »

M. Rodenbach. - L'on doit convenir, messieurs, que l'administration des postes est l'un des services les mieux organisés que la Belgique possède et que le personnel a toujours fait preuve de zèle et d'intégrité, sauf quelques rares exceptions.

Le commerce en général approuve le service postal, et il est étonnant que dans un encombrement de lettres qui sortent par milliers journellement des bureaux il n'y ait pas plus d'erreurs.

Le personnel n'est pas très nombreux, il est modestement rétribué et le travail est pénible et très compliqué, et malgré un traitement minime on est à la veille de demander à certains employés un cautionnement ; quoi qu'il en soit il y a encore des améliorations à faire dans le service postal, notamment parmi les facteurs ruraux et ceux de troisième classe des villes.

J'ai l'an passé, à propos du chapitre Postes, fait remarquer à M. le ministre des travaux publics que les facteurs ruraux ont infiniment de peine à pourvoir à leurs besoins, surtout lorsqu'ils sont pères de famille. Cette année ils seront, messieurs, par suite de la cherté des vivres et du combustible, plus malheureux que précédemment. En 1852, plusieurs membres de cette Chambre, lors de l'examen du budget des travaux publics, ont vivement insisté pour que la position des facteurs ruraux de troisième classe des villes fût améliorée ; cette recommandation a trouvé de l'écho dans l'assemblée. Il faut convenir, messieurs, que le sort qu'on fait à ces modestes agents est pitoyable, surtout à ceux des campagnes qui ne reçoivent annuellement que 400 à 600 francs. On peut en dire autant de certains facteurs de ville qui ne perçoivent par an que 700 fr. ; après la retenue pour la caisse des veuves et orphelins, masse d'habillement et autres retenues, il ne reste donc à quelques facteurs ruraux qu'une quarantaine de francs par mois et à ceux des villes de troisième classe une cinquantaine. Pour ces divers motifs, je suis d'opinion qu'on devrait améliorer leur position, si l'on ne veut pas voir la démoralisation parmi ces humbles employés, qui sont très souvent obligés de faire 4 à 5 lieues par jour, par des chemins affreux. Aussi on remarque que, par suite de la mauvaise saison, il y a parmi eux beaucoup de malades. Convenons que ces subalternes sont vraiment dignes de pitié.

M. T'Kint de Naeyer. - Mon honorable ami M. Van Grootven, éloigné de la chambre en ce moment, a déposé un amendement qui a pour objet une augmentation de crédit de 10,000 fr. à l'article en discussion : traitements des facteurs ruraux et autres agents subalternes. Je viens, messieurs, appuyer cet amendement.

(page 341) Mon honorable collègue avait à diverses reprises appelé l'attention du gouvernement sur la position des facteurs dont le traitement n'est plus en rapport avec l'importance de leurs services. Il avait aussi insisté sur la nécessité d'alléger certaines tournées devenues trop fortes, en nommant quelques facteurs nouveaux. M. le ministre des travaux publics a donné une première satisfaction à ces justes réclamations en augmentant de 21,050 fr. le crédit demandé pour les besoins du service, mais il a reconnu qu'une somme de cent mille francs serait nécessaire pour que l'amélioration fût complète.

Il importe de hâter autant que possible le moment où le service des facteurs pourra être organisé d'une manière convenable. J'espère que la chambre et le gouvernement accueilleront favorablement la proposition que je viens de développer.

M. Deliége. - Messieurs, je me permettrai de faire à M. le ministre des travaux publics une interpellation relativement aux relations par la poste de la province de Liège avec la France.

Les heures de départ et d'arrivée du courrier entre Liège et Paris sont fixées de la manière la plus préjudiciable à notre industrie et à notre commerce.

Ainsi, figurez-vous que l'arrivée à Liège est fixée à onze heures et que la boîte où l'on dépose les lettres en destination de Paris est levée à la même heure. C'est donc toute une journée perdue.

Si l'on s'ingéniait à trouver le moyen de rendre la fixation de ces heures préjudiciable à la province de Liège, si l'on donnait même un prix pour les fixer d'une manière plus préjudiciable, je crois qu'il serait impossible de parvenir à gagner ce prix.

Remarquez, messieurs, que je n'accuse nullement M. le ministre des travaux publics. Nous avons eu ensemble plusieurs conférences ; mais je crois que ceux qu'il a chargés d'instruire cette affaire ne l'ont pas envisagée sous toutes ses faces.

Je sais qu'il est plus facile de critiquer que d'adminislrer, je sais qu'il est plus facile de critiquer que de modifier. Cependant à moi, il me paraît facile d'obvier à cet inconvénient, et je crois qu'il y a deux moyens à cet effet.

Le premier, messieurs, se présente naturellement. Deux convois nous arrivent de Paris. L'un part de cette ville à 8 heures du soir ; l'autre à 7 heures du matin. Celui du soir nous apporte les dépêches et les journaux de France. Il arrive à Liège, comme je viens d'avoir l'honneur de vous le dire, à onze heures.

Il fait donc le trajet en quinze heures, tandis que le convoi qui part de Paris à sept heures du matin fait ce trajet en onze heures et demie, il arrive à Liège à six heures et demie. Il est facile, me semble-t-il, de substituer un convoi à l'autre, et de faire arriver la poste à 8 1/2 heures du matin à Liège au lieu de 11 heures par le convoi qui part à 8 heures du soir de Paris.

Je conçois que les localités intermédiaires entre Bruxelles et Liège, les petites localités, ne seraient pas alors aussi bien desservies par le convoi du matin ; mais, remarquez-le bien encore, il part de Bruxelles pour Liège, dans l'après-midi, un convoi à 4 heures et un autre à 4 heures 45 minutes.

Pourquoi, au lieu de faire partir ces deux convois à peu près à la même heure dans l'après-midi, pourquoi ne ferait-on pas en sorte qu'un convoi à grande vitesse partît de Bruxelles pour Liège à 6 heures, immédiatement après l'arrivée du convoi de Mons, et qu'un deuxième convoi partît pour la même destination, à 7 h. 15 m., comme il part aujourd'hui ?

(erratum, page 371) Le premier de ces convois chargés de dépêches et de voyageurs qui voudraient traverser rapidement la Belgique, ou arriver de bonne heure dans l'une des principales villes, où il s'arrêterait, arriverait à Liège à 8 heures et demie.

Il y a encore un autre moyen : la ligne de Namur a sur la ligne de l'Etat un triple avantage pour les transports de Mons à Liège. Je conçois que M. le ministre des travaux publics, dans la situation où se trouvent ses relations avec la société de Namur, ne puisse pas, peut-être, faire dans ce moment ce qu'il est possible de faire pour arriver au but.

Cependant M. le ministre, soit ici, soit en section centrale, a toujours déclaré qu'au principe de la courte distance, il entendait substituer un autre principe, le principe de l'intérêt du commerce ; eh bien, du moment qu'il y a utilité pour le commerce et pour l'industrie de la province de Liège, de traiter avec la société de Namur, je crois que M. le ministre des travaux publics n'hésitera pas à traiter.

Je viens de prouver qu'il serait possible d'arriver à Liège à 8 heures et demie, en faisant marcher avec plus de célérité les convois qui vont de Paris à Liège par Bruxelles. Eh bien, par la ligne de Namur, il y aurait encore plus de facilité d'arriver de grand matin à Liège par le convoi de Paris, parce qu'il y a d'abord 25 kilomètres de moins.

Ou évite, en outre, le temps d'arrêt à Bruxelles qui est d'une heure et 5 ou 10 minutes.

De plus, on évite les plans inclinés de Liège.

Je demanderai donc que M. le ministre des travaux publics veuille nous continuer sa sollicitude et faire en sorte que la solution de cette question ne souffre plus de retards. Les intérêts de la province de Liège, qui sont nombreux, réclament impérieusement une prompte solution. La poste arrive à Liège de manière qu'il est impossible de répondre aux lettres de France le même jour ; quand les journaux de Liège sont sous presse, il est impossible d'avoir les nouvelles de France avant le lendemain par les journaux du chef-lieu de la province ; beaucoup de commençants n'ont pas le moyen de s'abonner aux journaux de Paris ; ils doivent attendre pour avoir des nouvelles de France, pour connaître les prix courants, la hausse et la baisse, l'état du marché, etc., (erratum, page 371) que les journaux de Liège leur parviennent.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la question qui a été soulevée par l'honorable député de Liège présente un caractère réel de gravité. Elle a déjà fait l'objet de nombreuses instructions ; je crois devoir entrer dans quelques explications à ce sujet.

Il est très vrai que pour les relations de la France avec la province de Liège, la route la plus droite est la route de Mons à Manage et de Namur à Liège. Comme vient de le dire l'honorable préopinant, il y a, en faveur de cette dernière route, une différence de 24 à 25 kilomètres sur le parcours par Braine-le-Comte, Bruxelles et Louvain.

Il semblerait donc très logique, très rationnel au premier aperçu d'acheminer les voyageurs et les dépêches par les ligues concédées de Mons à Manage et de Namur à Liège. D'abord pour ce qui est des marchandises, l'honorable député de Liège l'a reconnu, j'avais offert de livrer à la compagnie de Mons à Manage et de Namur à Liège, le transit de la France vers l'Allemagne et de l'Allemagne vers la France. Sur ce point pas de difficulté, tous les transports en destination de l'Allemagne et originaires de France ainsi que les transports en destination de la France et originaires d'Allemagne devaient transiter par les lignes concédées.

Mais la compagnie de Mons à Manage et de Namur à Liège ayant cru devoir élever des prétentions auxquelles il m'a été impossible d'accéder et dans le détail desquelles je crois inutile d entrer, il n'a pas été donné suite à ce projet.

Pour les voyageurs, il n'y aurait pas d'avantage à les faire aller par Namur à Liège et Mons à Manage qui est une ligne industrielle. J'ai déjà dit qu'il n'y avait par cette voie qu'une économie d'une longueur de ;4 kilomètres. Or, s'il y avait un convoi de Paris vers l'Allemagne par Mons à Manage et Namur à Liège, il en résulterait une perte de temps et des entraves pour les voyageurs, que ne compenserait pas une économie qu'on peut évaluer pour 24 kilomètres à une demi-heure ; les voyageurs seraient obligés de transborder à Mons, à Manage, à Namur et à Liège ; je ne crois pas que, pour gagner une demi-heure, aucun voyageur eût consenti à se soumettre à ce transbordement qui lui ferait perdre plus de temps qu'il n'en économiserait sur la longueur du parcours indépendamment de tous les embarras qu'il éprouverait.

Le service international est du reste réglé de concert avec l'administration rhénane et l'administration française. L'administration française organise ses services non seulement en vue de ses relations avec Liège et l'Allemagne, mais aussi pour desservir les relations plus fructueuses avec Bruxelles et Anvers.

Les grandi convois de France vers l'Allemagne devraient donc toujours passer par Braine-le-Comte pour desservir la ligne du Nord et de l'Ouest.

Restent les dépêches ; l'administration aura à examiner s'il n'y a pas lieu de faire droit, dans une certaine mesure, aux réclamations de l'honorable député de Liège. Comme il vient de le dire, les dépêches originaires de France arrivent vers 11 heures à Liège.

Je ne pense pas que l'on puisse arriver à un résultat plus favorable en faisant transiter lesdites dépêches par les lignes concédées ; mais j'examinerai s'il n'y aurait pas possibilité d'améliorer l'état actuel des choses en accélérant l'arrivée du convoi qui apporte à Liège les dépêches de France.

Je reconnais volontiers que le temps qui y est mis est long ; mais on ne doit pas perdre de vue qu'il existe, pour cette transmission, des causes de retards en quelque sorte obligés. Quoi qu'il en soit, je puis promettre à l'honorable membre que je me ferai rendre compte de cette affaire.

M. de Portemont. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'organisation vicieuse du service de la poste rurale dans certaines localités. Il y a aux environs de la ville que j'habite un grand nombre de communes dont la plus éloignée n'est distante de Grammont que d'une lieue et demie et qui sont desservies par les facteurs des bureaux de poste de Ninove, Nederbrakel et Sottegem. Je citerai entre autres Schendelbeke et Deftinge, deux communes situées aux portes de notre ville. Eh bien, les lettres de Grammont n'arrivent à Schendelbeke que le lendemain à midi, tandis que celles en destination de Deflinge ne sont remises à leur adresse que deux jours après le départ.

Cela paraît incroyable, messieurs, et cependant cela est. Voici ce qui a lieu : les lettres pour Schendelbeke sont transportées par la malle-poste à Ninove et le lendemain un facteur rural doit les rapporter à Schendelbeke, c'est-à-dire faire à pied tout le chemin que la malle a parcouru la veille. Quant à celles destinées à Deflinge, elles passent par Ninove, Alost, Gand, Audenarde et Nederbrakel, pour être distribuées à trois quarts de lieue de leur point de départ. Ce que je viens de dire de Schendelbeke et de Deflinge peut s'appliquer aux communes environnantes. Il me paraît, messieurs, que cet état de choses ne peut durer, car il rend extrêmement difficiles les relations de ces localités avec la ville de Grammont. Je prie donc M. le ministre des travaux publies de prendre en sérieuse considération les observations qui précèdent. En (page 342) rattachant au bureau de Grammont les communes dont je viens de parler, il obtiendra un double avantage : les lettres parviendront plus tôt à destination, et la besogne des facteurs sera allégée.

M. Moreau. - Si j'ai demandé la parole, c'est également pour adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics.

A Verviers, le bureau des postes est placé à la station du chemin de fer, située à une grande distance du centre de la ville.

Vous comprenez combien cet état de choses est gênant et onéreux pour les nombreux industriels de cette localité qui doivent faire de longues courses et perdre un temps précieux lorsqu'ils ont, soit des lettres contenant des valeurs à confier à la poste, soit des lettres à affranchir pour l'étranger ou des petits paquets à remettre au chemin de fer. Aussi, la plupart font-ils transporter ces objets par des maisons de commission.

Pour remédier à ces inconvénients, la chambre de commerce de Verviers, organe des habitants, réclame vivement et depuis longtemps la création d'un bureau central auxiliaire, et je ne sais trop pourquoi M. le ministre des travaux publics tarde de faire droit à cette juste réclamation ; pourquoi il ne donne pas à Verviers ce qui existe dans toutes les villes un peu importantes.

Certes, le gouvernement doit le reconnaître, nos fabricants sont loin d'être exigeants et ne le tracassent guère, même pendant des temps de crise ; il est donc équitable qu'il leur accorde la satisfaction qu'ils réclament.

Et veuillez remarquer, messieurs, que l'établissement de ce bureau central ne sera pas onéreux pour l'Etat ; car, d'un côté, il n'exigera pas un personnel nombreux, et de l'autre, les recettes augmenteront, puisque le chemin de fer transportera beaucoup plus de petits colis, qui, aujourd'hui, sont remis à des commissionnaires qui ne craignent pas de faire certaine dépense pour en retirer de bons profits.

Je recommande donc cette affaire d'une manière toute spéciale à M. le ministre des travaux publics, et le prie de vouloir me dire s'il est disposé à accueillir cette demande si légitime.

M. Lelièvre. - J'appuie les observations de l'honorable M. Rodenbach. Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire dans la discussion générale, les facteurs des postes ne sont pas convenablement rétribués. Il n'y a qu'une voix unanime à cet égard. J'espère que la Chambre n'hésitera pas à adopter une majoration sur le chapitre, dans le but de rémunérer avec plus de justice les employés dont il s'agit. Du reste, M. le ministre se ralliant à l'amendement, je n'ai plus qu'à émettre le vœu de voir l'année prochaine proposer une nouvelle majoration ayant pour but de reconnaître d'une manière plus convenable les soins de tous les facteurs des postes en général qui ne sont pas suffisamment rétribués.

M. de Man d'Attenrode. - Il paraît inutile d'insister beaucoup, messieurs, pour vous démontrer la convenance d'adopter la proposition faite par l'honorable député de Gand, M. Van Grootven. Il est démontré depuis longtemps que le traitement des facteurs ruraux n'est pas proportionné avec les services qu'ils rendent. Avec un service qui exige des conditions d'intégrité, ces traitements sont en moyenne de 500 à 600 fr. ; inférieurs au salaire des piocheurs, des ouvriers des chemins de fer ; aussi en est-il qui demandent comme une faveur d'être admis comme ouvriers aux chemins de fer.

Mais s'il est démontré que le traitement des facteurs ruraux est insuffisant pour rétribuer leurs services, par contre il existe des traitements, des frais de régie de certains employés supérieurs qui dépassent toute mesure, et qui offrent un contraste pénible avec l'état d'abandon où se trouvent leurs subordonnés.

Après nous être occupés des fonctionnaires placés au bas de l'échelle administrative, passons à ceux qui occupent des échelons plus élerés. Je disais qu'il en est dont les traitements sont disproportionnés avec les services qu'ils rendent. C'est des percepteurs des postes que j'entends parler.

Les quatre perceptions de première classe sont Bruxelles, Gand, Anvers et Liège. Les fonctionnaires qui remplissent ces fonctions sont logés aux frais de l'Etat.

Le percepteur de Liège jouit d'un traitement de 4,500 fr. et 2,000 fr. de frais de régie ; ces frais de régie sont destinés à couvrir les dépenses pour la confection des dépêches, c'est-à-dire la ficelle, le papier d'enveloppe, la cire à cacheter, le feu et la lumière.

Le percepteur d'Anvers réunit à un traitement de 4,500 fr. 2,000 fr. de frais de régie ; le percepteur de Gand a 4,600 fr. de traitement et 2,000 fr. de frais de régie ; quant à celui de Bruxelles, il est doté de 8,000 fr. de traitement et 7,500 fr. de régie, soit en total : 15,500 fr.

Ce traitement et ces frais de régie dépassent tellement les immunités des perceptions de Gand, Anvers, et Liège qu'il est difficile de ne pas attribuer cette disproportion à la faveur.

J'ajouterai de plus, qu'à Gand, à Liège et à Anvers, les percepteurs des postes sont obligés de pourvoir, à leurs frais, à l'éclairage des bureaux, tandis que celui de Bruxelles n'a pas à y pourvoir. Le gouvernement lui fournit le gaz nécessaire à éclairer ses bureaux.

Un autre avantage lui est encore assuré. Un calorifère établi aux frais de l'Etat produit une économie dans les dépenses du combustible, dont on ne jouit qu'à la perception de Bruxelles.

Cette disproportion surprend tous ceux qui la connaissent.

Les émoluments dont jouit la perception de Bruxelles dépassent ceux des fonctionnaires de l'administration supérieure et égalent au moins ceux d'un gouverneur de province.

Tout le monde se demande quelle est la cause de cette position privilégiée. C'est aussi le but de l'interpellation que j'ai l'honneur d'adresser à M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. de Man d'Attenrode aurait dû signaler l'importance relative du travail qui s'effectue dans les divers bureaux.

Quant au degré d'aptitude du fonctionnaire qui remplit ces fonctions à Bruxelles, je m'empresse de déclarer qu'il les remplit avec infiniment de distinction ; pour que la comparaison fût admissible, il faudrait en faire connaître les éléments.

Je n'hésite pas à dire que le bureau de Bruxelles est le plus important du pays et que le travail qui s'y opère est peut-être double de celui des autres bureaux. Ensuite ne convient-il pas de faire remarquer que pour la fixation des traitements comme des grades, il y a des limites dans lesquelles l'autorité administrative est admise à se mouvoir librement. Il y a des maxima et des minima. Il est possible que les percepteurs d'Anvers et de Gand, ne jouissent pas jusqu'à présent du maximum. Il faut voir également quel est leur degré d'ancienneté ; en un mot pour juger la comparaison que fait l'honorable membre, il faudrait des éléments d'appréciation qui manquent à la Chambre.

Je ne dirai plus qu'un mot : c'est pour répondre à l'observation de l'honorable M. Moreau.

Je reconnais qu'un bureau à l'intérieur de Verviers est extrêmement utile. Si l'administration n'a pas jusqu'ici songé à l'établir, c'est la question de la dépense qui l'a arrêtée. Dans le cours de l'exercice prochain, j'examinerai s'il est possible de satisfaire, sous ce rapport, aux réclamations légitimes du commerce de Verviers.

M. de Man d'Attenrode. - Permettez-moi, messieurs, d'adresser un mot de réponse à M. le ministre des travaux publics.

Les explications qu'il vient de nous donner tendent à établir que les avantages qui sont assurés à la perception de Bruxelles ont pour cause l'ancienneté du fonctionnaire en question.

Quant à cette ancienneté, je ne conteste pas qu'il y ait lieu de la prendre en considération, si elle est réelle.

Mais vous trouverez, sans doute, que les droits de cette ancienneté ont été largement et exceptionnellement récompensés par une décoration ; je dis exceptionnellement, car il n'est pas ordinaire de voir récompenser ainsi les fonctions qui occupent ce degré dans la hiérarchie administrative.

Quant à l'importance relative des quatre principaux bureaux de perception, puisque M. le ministre n'a pas devant lui les éléments nécessaires pour la faire apprécier, je vais la faire connaître.

J'ai en main un relevé du nombre des dépêches expédiées par jour, par chacun des quatre bureaux en 1853. Ou appelle dépêche un groupe de lettres réunies au moyen d'enveloppes ficelées. La dépense est évaluée, en moyenne, à 5 c. par dépêche. C'est ce qui constitue la plus grande partie des frais de régie.

Voici quel a été le nombre des dépêches expédiées par jour, en 1853 :

Bureau de Bruxelles 71 dépêches, de Liège 68, d’Anvers 40, de Gand, 91.

De sorte que Gand a expédié beaucoup plus de dépêches que le bureau de Bruxelles.

Voici maintenant le chiffre de la dépense faite pour ces expéditions, dépense calculée à raison de 5 c. par paquet : Bruxelles 1,295 fr. 75, Gand 1,660 fr. 00, Liège 1,241 fr. 00, Anvers 748 fr. 25.

Mais voici, pour rester dans le vrai, quel était le nombre de dépêches expédiées en 1847 par les mêmes bureaux :

Bureau de Bruxelles, 208 dépêches, Liège 104, Anvers 99, Gand 84.

Ainsi le nombre des dépêches expédiées par les trois premiers bureaux a diminué depuis 1847.

Il n'y a que celui de Gand dont le nombre a augmenté.

C'est l'organisation des bureaux de postes ambulants sur les chemins de fer qui est la cause de cette diminution.

Mais quand le bureau de Bruxelles expédiait 208 dépêches par jour en 1847, la dépense résultant de cette expédition ne s'élevait après tout qu'à 3,796 fr.

Il y avait encore de la marge pour atteindre 7,500, et je viens d'expliquer que la dépense de feu et lumière n'exigeait pas que les frais de régie s'élevassent à ce chiffre.

Il est donc évident que le traitement et les frais de régie attribués au bureau de Bruxelles dépassent toutes les limites, que ce service est rétribué d'une manière tout à fait extraordinaire. On a déclaré ensuite que les traitements attribués aux quatre grands bureaux de perception n'atteignent pas le maximum.

C'est possible pour Anvers, Gand et Liège ; mais pour Bruxelles, il est positif que le traitement tel qu'il est fixé dépasse les limites de l'arrêté organique.

(page 343) Je viens donc d'établir que les frais de régie dépassaient de beaucoup, même en 1847, la dépense réelle.

S'il en est ainsi, ces frais sont réglés aujourd'hui d'une manière bien plus exagérée puisque le nombre des dépêches a diminué d'une manière sensible.

Je n'en fais pas un grief à l'honorable M. Van Hoorebeke ; il a probablement trouvé les choses établies ainsi à son département des travaux publics.

Mais je fais un appel à ses sentiments d'équité et de justice. Il ne se refusera pas sans doute de réviser les frais de régie d'après les besoins actuels du service et de répartir les traitements d'une manière plus conforme à la justice distributive et aux intérêts du trésor public.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La Chambre comprendra combien il m'est difficile de répondre à des faits dont je n'ai pas connaissance et dont il n'a pas été question en section centrale.

M. de Man d'Attenrode. - Je suis membre de la commission du chemin de fer ; c'est ainsi que ces faits sont parvenus à ma connaissance.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cette commission se réunit souvent hors de ma présence ; car, je le répète, je ne connais pas ces faits, et je persiste dans mon observation, qu'il m'est extrêmement difficile de les rencontrer en ce moment.

Cependant je dois déclarer à l'honorable membre que je suppose ces faits inexacts et voici pourquoi : c'est qu'il n'y a pas de bureau où le personnel subalterne soit en même temps et plus occupé et plus considérable qu'à Bruxelles. Les agents inférieurs passent une partie des nuits à faire le triage des journaux dont les exemplaires remis au bureau de perception atteignent un chiffre vraiment énorme.

L'honorable M. de Man d'Attenrode dit : Le percepteur de Bruxelles jouit du traitement qui lui est accordé en violation d'un arrêté organique. Je crois que si le percepteur des postes de Bruxelles jouit d'un traitement supérieur à celui déterminé par l'arrêté organique, c'est parce qu'il en jouissait avant cet arrêté. C'est ainsi que plusieurs fonctionnaires ont conservé à titre personnel le traitement dont ils jouissaient avant qu'on eût porté les arrêtés organiques qui fixent le maximum et le minimum des traitements.

J'ajouterai un mot, c'est que je ne puis admettre que, parce qu'on est percepteur des postes, on n'est pas digne de la distinction honorifique par laquelle le gouvernement a cru devoir récompenser les loyaux services d'un ancien fonctionnaire.

M. Thiéfry. - Il a été pendant 4 ans à Ypres avec ce traitement.

M. Dumortier. - Mon honorable ami, M. de Man d'Attenrode, vient de signaler un abus véritable, et qui, je dois le dire, est scandaleux.

Je lui sais gré de son courage à venir signaler de tels abus au parlement, d'autant plus que ce n'est pas le ministre qui viendrait les faire connaître. Comment ! nous votons pour les facteurs ruraux des traitements qui leur donnent à peine de quoi vivre, et nous souffririons qu'un percepteur des postes eût un traitement supérieur à celui d'un directeur général de l'administration centrale ! Mais, messieurs, cela est intolérable ! Comment ! voilà un traitement qui s'élève à près de 14,000 francs !

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est une erreur.

M. Dumortier. - Commencez donc par détruire les chiffres.

Voilà donc un traitement de près de 14,000 francs ! Puis on s'étonne que le budget aille toujours en augmentant, alors cependant que de petits employés, que de pauvres pères de famille meurent en quelque sorte de faim.

Je ne crois pas qu'il puisse entrer dans la pensée de quelqu'un d'admettre un pareil état de choses et surtout le système de majoration indirecte de traitement. Si les faits que l’honorable M. de Man vient de citer sont exacts, s'il est vrai que le gouvernement accorde 7,500 fr. de frais de régie, alors que ces frais ne dépassent pas, en réalité, 1,250 fr.. je dis que c'est un abus et un abus scandaleux. Si vous avez maintenu un traitement excessivement élevé, ce n'est pas une raison pour accorder encore 6,000 fr. d'une manière détournée.

On parle du grand nombre d'employés qu'il y a au bureau de Bruxelles ; mais, messieurs, en définitive, ces employés ne sont-ils pas payés sur le budget de l'Etat, et lorsqu'un colonel commande un régiment complet, reçoit-il un traitement plus élevé que lorsque, en état de paix, il y a beaucoup d'hommes en congé ? Puis voyez donc, messieurs, à Gand où il y a beaucoup plus de dépêches, ou alloue des sommes infiniment moindres. Je dis qu'il y a ici un abus auquel il est plus que temps de porter remède.

Cet abus, du reste, n'est pas le seul ; il y en a beaucoup d'autres dans les hautes régions administratives, et je suis heureux que celui-ci ait été signalé, parce qu'il appelle l'attention sur tous les autres que nous ne connaissons pas.

Maintenant, messieurs, une observation a été présentée par un honorable député de Liège, au sujet des rapports de l'administration des postes avec le chemin de fer. J'admets parfaitement ces rapports quand ils engendrent des économies et qu'ils ne nuisent pas aux produits du chemin de fer ; mais, messieurs, je dois appeler toute votre attention sur ce qui se passe à cet égard.

Croiriez-vous, par exemple, que sur la ligne de Tournai il n'y a plus de convoi l'après-dîner ? Autrefois il y avait un départ à 5 heures et on arrivait à Tournai à 9 heures ; aujourd'hui ce convoi part à 7 heures et on arrive à Tournai à 10 heures, c'est-à-dire quand tout le monde est couché. Il en résulte, messieurs, que vous n'avez plus de voyageurs. Ce sont les recettes du chemin de fer qui sont ici en jeu. Arrangez vos dépêches comme vous l'entendez ; si vous avez besoin d'un convoi de nuit, organisez-le, mais ne portez pas préjudice aux recettes du chemin de fer, en supprimant des convois qui doivent amener les voyageurs à destination à une heure convenable.

Messieurs, les recettes du chemin de fer dépendent de deux choses ; la célérité et le choix des heures. Ce n'est pas un nombre immense de convois qui peut augmenter les recettes ; quand vous établissez des convois à des heures qui pour les voyageurs sont indues, vous n'avez pas de voyageurs et vous n'avez pas de recettes, et quand vous voyagez très lentement, vous nuisez encore à vos recettes, parce que le temps est de l'argent. Time is money.

Il faut donc faire coordonner les besoins de la poste avec celui des voyageurs ; il ne faut pas sacrifier aux intérêts de la poste les recettes du chemin de fer et entraver ainsi la circulation des voyageurs.

J'attire l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point ; j'ai déjà eu l'honneur de lui en parler ; je lui en ai écrit depuis longtemps. Car il est évident que le système dans lequel on entre est un système en dehors de toute espèce de raison. Substituer des convois de nuit aux convois du soir, c'est chasser les voyageurs du chemin de fer et empêcher le trésor de faire les recettes auxquelles il a droit. Il y a beaucoup de personnes qui retourneraient très souvent chez elles, nous-mêmes nous retournerions très souvent dans notre ville, si nous en avions l'occasion ; mais cela nous est devenu impossible, et ce qui nous arrive, arrive à beaucoup d'autres. Or, qui est-ce qui souffre d'un pareil état de choses ? C'est le trésor public.

J'invite M. le ministre des travaux publics à réparer au plus tôt de pareils abus et j'espère qu'il se rappellera les paroles qu'il a dites tout à l'heure, que les convois de voyageurs à cinq lieues de vitesse par heure n'étaient pas réguliers. Or, dans la plupart de nos directions du Midi, les convois ne font en réalité que 4 à 5 lieues à l'heure. Si sur la ligne du Nord le service se fait mieux, j'engage M. le ministre à tenir la main à ce qu'il vient de dire et à exiger que sur la ligne du Midi les convois marchent avec la même régularité que sur la ligne du Nord.

M. le ministre voudra bien, j'espère, prendre note de ces observations et veiller à ce qu'on ne sacrifie pas, pour la coïncidence des lettres, les nécessités du transport des voyageurs.

M. Thiéfry. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une simple observation sur le traitement du fonctionnaire dont il vient d'être question.

Ce fonctionnaire était employé sur la frontière d'Allemagne ; il y était directeur du bureau principal ; et jouissait déjà à peu de chose près du traitement qu'il a aujourd'hui.

Lorsque les chemins de fer ont été établis, ce bureau a été supprimé et le fonctionnaire donl il s'agit a été envoyé à Ypres, où il est resté pendant plusieurs années, toujours avec le même traitement.

Il est maintenant à Bruxelles et personne, depuis 13 ans, ne peut méconnaître l'importance du bureau de la capitale.

Or, je vous le demande, messieurs, un arrêté organique peut-il avoir un effet rétroactif ? Voudriez-vous, quand un employé a, pendant de longues années, rendu des services importants dans l’administration où il se trouve, voudriez-vous diminuer son traitement ? Que vous ne l'augmenliez pas, même en lui donnant d'autres attributions, je le conçois, parce qu'il faut une certaine limite. Mais je ne crois pas que l'honorable M. de Man voudrait que l'on diminuât le traitement dont joui depuis huit ans un fonctionnaire qui a rendu des services éminents à l'administration.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, d'après l'honorable M. Thiéfry, le traitement dont je viens de vous entretenir n'a rien d'exorbitant, parce que le fonctionnaire qui en jouit touchait, à ce qu'il paraît, un traitement à peu près équivalent, lorsqu'il se trouvait dans une autre position. Selon lui, un arrêté organique ne peut avoir d'effet rétroactif.

Il me suffira, pour répondre à l'honorable membre, de lui rappeler que des arrêtés organiques ont été pris par l'administration qui ont eu cet effet rétroactif ; je lui rappellerai notamment les arrêtés organiques qui ont été rendus à l'intervention de l'honorable M. Frère, pour le département des finances.

Je demanderai donc pourquoi on en agit, dans l'administration des postes, autrement que dans l'administration des finances. D'ailleurs l'honorable M. Thiéfry passe prudemment à côté des 7,500 fr. de frais de régie qui sont accordés au fonctionnaire dont il s'agit, outre la lumière et les instruments de chauffage qui occasionnent une dépense aux fonctionnaires de même rang à Gand, à Liège et à Anvers. Car c'est encore là un avantage accordé exccplionnellcmenl à la perception de Bruxelles.

Mais puisqu'on me pousse et qu'on veut absolument que je parle, je n'hésite pas à le faire.

La perception de Bruxelles est tellement privilégiée qu'on viole en sa faveur une autre disposition du règlement organique. D'après ce règlement, il est défendu aux percepteurs de poste d'employer dans leurs bureaux soit leur fils, soit leur gendre. Cette prescription n’est pas observée au bureau de Bruxelles, tandis que dans des bureaux dont les (page 344) chefs sont beaucoup moins bien traités, on applique rigoureusement cette disposition. Mais à Bruxelles c'est différent. On trouve tout simple de ne pas l'appliquer à une perception qui jouit de 8,000 fr. de traitement et de 7,500 fr. de frais de régie, alors qu'elle ne dépense, outre les frais de combustible, que 1,250 fr. pour son papier d'enveloppe et pour des ficelles. (Interruption.)

Je dis qu'il n'y a rien à répondre à cela et que le devoir du gouvernement est de prendre en considération, et dans un bref délai, les observations que je viens de présenter.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je dois regretter l'insistance que met l'honorable M. de Man à produire devant la Chambre dés faits individuels, quand le chef du département n'est pas prévenu. Je dis qu'il m'est impossible de rencontrer d'une manière complète ces faits dont j'ai lieu de soupçonner l'entière exactitude. Ce n'est pas, du reste, ainsi qu'on en agit à l'égard d'un fonctionnaire extrêmement distingué et qui honore l'administration à laquelle il appartient.

L'honorable M. de Man vient d'affirmer que ce fonctionnaire jouit d'un traitement de 8,000 fr. L'honorable M. Thiéfry a fait observer ce que j'avais moi-même cru devoir déclarer à la Chambre, quoique n'en ayant pas une certitude positive, que si ce fonctionnaire jouissait d'un pareil traitement, c'est qu'il le recevait avant l'arrêté organique, et qu'on a fait à son égard ce qu'on a fait à l'égard de plusieurs autres fonctionnaires dans l'administration des postes et dans celle du chemin de fer.

M. de Man d'Attenrode. - Excepté dans l'administration des finances.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je parle de l'administration des postes et de celle du chemin de fer. Veut-on en faire une question de principe ? Veut-on dire que dans tous les cas, quand un arrêté peut entraîner la réduction des traitements, ces traitements seront réduits de plein droit ? Je concevrais à certains égards cette manière d'agir. Mais qu'on ne vienne pas dire que ce fonctionnaire jouit d'une position privilégiée qui n'a été accordée à aucun de ses collègues. C'est une erreur manifeste ; puisque dans l'administration à laquelle ce fonctionnaire appartient, et l'honorable M. de Man connaît aussi bien que moi les agents auxquels je fais allusion, il en est plusieurs autres qui continuent à jouir d'un traitement supérieur à celui qui est déterminé par le règlement organique.

L'honorable M. de Man vient de dire que l'on tolérait, en faveur de ce haut fonctionnaire une autre violation de l'arrêté organique. On lui permet de conserver dans ses bureaux un de ses fils. Mais la disposition du règlement organique ne constitue pas sur ce point un empêchement absolu. Il a toujours été entendu que le ministre, pour des motifs réels, pouvait dispenser de l'obligation contenue dans l'arrêté organique.

En ce qui concerne les 7,500 fr.de frais de régie, je me réserve d'examiner ce qu'il y a de fondé dans les réclamations de l'honorable M. de Man ; mais je suis convaicu que les observations qu'il nous a présentées à cet égard ne sont pas complètement exactes.

M. Vilain XIIII. - Je reviens aux facteurs ruraux. Je désire soumettre une observation à M. le ministre des travaux publics relativement aux conditions de la nomination des facteurs ruraux.

C'est M. le ministre des travaux publics qui nomme les facteurs ruraux. Mais il va sans dire qu'il lui est impossible de s'enquérir du personnel de ces facteurs ; il s'en réfère aux propositions qui lui sont faites par les directeurs des provinces.

Les directeurs de province ne les connaissent pas davantage ; ils s'en réfèrent aux propositions des percepteurs des bureaux principaux ; ce sont donc, en définitive, les percepteurs des bureaux principaux qui nomment les facteurs ruraux. M. le ministre des travaux publics peut certainement s'en rapporter aux renseignements des percepteurs sur la moralité et sur l’ ;« ingambilité » des facteurs qu'ils proposent ; mais je voudrais, dans l'intérêt d'une bonne distribution des lettres, que l'administration supérieure s'informât du domicile réel des facteurs ruraux. En général les percepteurs présentent des individus qui demeurent dans la localité où se trouve la perception ; c'est tout simple : on aime à présenter ses amis ou au moins ses voisins et les amis de ses voisins ; il résulte de ces choix, dans beaucoup de localités, un très grand retard dans la distribution des lettres : partout où la poste arrive l'après-dîner, les lettres ne sont distribuées que le lendemain, lorsque les facteurs demeurent dans la commune où se trouve le bureau de perception.

Ainsi à Tamise, où j'habite ordinairement pendant une partie de l'été, les lettres arrivent à cinq heures après-dîner ; le facteur, qui demeure à Tamise, ne peut pas partir à cinq heures, parce qu'il serait obligé de rentrer beaucoup trop tard dans son domicile ; il attend jusqu'au lendemain et les lettres qui arrivent à cinq heures à Tamise ne sont distribuées dans les communes que le lendemain à onze heures du matin ; c'est un retard de 18 heures. Dans un rayon aussi populeux que celui-là c'est un véritable abus.

Si le facteur demeurait dans le rayon qu'il dessert, il irait au bureau de perception prendre les lettres quand elles arrivent et il pourrait les distribuer le même soir avant de rentrer chez lui. C'est un nouveau travail que je propose à M. le ministre des travaux publics et je le fais avec d'autant moins de scrupule qu'il faut reconnaître que de très grands progrès ont été réalisés dans cette administration. Il est impossible de trouver plus de zèle, d'activité et d'intelligence qu'il v en a dans l'administration de la poste aux lettres, en Belgique. Depuis 10 ans il a été fait d'immenses progrès, mais ce serait encore un progrès que de s'informer du lieu de domicile des facteurs ruraux et de le mettre en rapport avec l'arrivée des lettres au bureau principal.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, je dirai d'abord quelques mots de la proposition faite par un honorable député de Gand et à laquelle le gouvernement s'est rallié. Je me proposais de déposer, en mon propre nom un amendement tendant à allouer au budget, comme charge extraordinaire, une somme de 15,000 francs pour les facteurs ruraux. J'étais porté à proposer cet amendement parce que. je crois qu'il est indispensable d'accorder un secours aux facteurs ruraux, surtout en présence de la cherté des vivres. L'honorable M. Van Grootven ayant proposé d'allouer d'une manière définitive 10,000 fr. et le gouvernement s'étant rallié à cette proposition, je crois devoir m'y rallier également et je renonce à mon projet.

M. le ministre demande une augmentation de 31,040 fr. sur l'allocation concernant les facteurs.

Il en résultera un soulagement pour ces agents, mais je suis tenu de faire observer que toute cette somme ne pourra pas être distribuée aux facteurs ruraux : dans le courant de l'exercice 1854 il sera créé 10 perceptions nouvelles ; il faudra nécessairement adjoindre des facteurs à ces perceptions, ce qui absorbera une partie de l'augmentation demandée par M. le ministre.

Maintenant, messieurs, je dirai un mot de l'incident qui a été soulevé par mon honorable ami, M. de Man.

Il est très vrai que le percepteur des postes à Bruxelles reçoit un traitement de 8,000 francs, et en outre 7,500 fr. pour frais de régie, mais, quant au premier point je dois faire observer qu'il ne reçoit le traitement de 8,000 fr. qu'à titre personnel. Il y a 5 percepteurs de premier ordre ; celui de Bruxelles reçoit 8,000 fr., celui de Bruges 5,500 fr., celui de Gand 4,600 fr., celui de Liège 4,500 et celui d'Anvers également 4,500.

Je crois que M. le ministre est parfaitement irréprochable quant au traitement du percepteur de Bruxelles. Ce traitement est si élevé parce que, antérieurement à sa nomination au bureau de Bruxelles, le. titulaire occupait un emploi auquel ce salaire était attaché. Mais d'un autre côté pour être juste, je dois dire, que les indemnités de régie dont jouit ce fonctionnaire sont réellement excessives. Les indemnités de régie qu'on accorde aux autres percepteurs des postes de premier ordre ne dépassent pas 2,000 fr. L'exagération des indemnités de régie accordées au percepteur des postes de Bruxelles n'a pas échappé à l'administration.

L'administration considérant que la somme de 7,500 fr. allouée à ce percepteur est excessive, lui a fait à ce sujet, si je suis bien informé, des observations. Il a été répondu qu'elle était à peine suffisante. Dès lors, l'administration a pris ces frais à sa charge à titre d'essai, et je crois pouvoir dire qu'au lieu de dépenser 7,500 fr. il en a été dépensé 10,000. L'administration a donc été heureuse d'en revenir au système de régie. Pour ma part je fais un reproche à l'administration ; mais ce reproche je ne l'adresse pas à l'honorable M. Van Hoorebeke, car le fait s'est passé avant son avénement au ministère.

Je reproche à l'administration de ne pas avoir fait une enquête sévère sur l'emploi de ces 10,000 fr. en frais de bureau. Il était difficile d'admettre un écart aussi considérable entre une somme que l'administration considérait déjà connue exagérée et celle qui a été dépensée lors de l'épreuve qui a été faite. Il était difficile d'admettre que jusque-là le percepteur, dont il est question, eût suppléé 2,500 fr. de son traitement pour couvrir l'insuffisance de l'indemnité qui lui était alloué. Ce point, l'administration aurait dû l’éclaircir, soit pour augmenter les indemnités si réellement les frais devaient, en procédant avec une économie convenable, s'élever à 10,000 fr. ; car aucun fonctionnaire ne doit supporter une part quelconque de ces frais ; soit pour sévir, si l'éprenve n'avait pas été sincère.

M. Osy. - J'ai demandé la parole, messieurs, lorsque plusieurs honorables membres ont dit qu'il n'y a jamais de rétroactivité dans la fixation des traitements. Pour moi, je pense que tous les ministères sont solidaires et doivent agir de la même manière ; eh bien, au ministère des travaux publics on n'a jamais fixé les traitements d'après les arrêtés royaux,et je trouve que c'est une grande faute ; au ministère des finances on a suivi une marche inverse. Je citerai un receveur des douanes à Anvers qui a été en fonctions pendant 30 ans. Il est aujourd'hui pensionné ; ce n'est donc pas en sa faveur que je réclame. Sous l'ancien gouvernement il avait 25,000 francs ; après 1830 on a trouvé convenable de le réduire à 9,000 francs, et par l'arrêté organique son traitement a été fixé à 7,500 francs, cette réduction lui a été imposée immédiatement et on ne lui a nullement conservé son ancien traitement à titre personnel.

Eh bien, sous ce rapport, le receveur s'est conformé à l'arrêté organique. Pourquoi dans les autres administrations ne ferait-on pas de même ? Tout le monde doit être placé sur la même ligne.

J'appuie les observations qui ont été présentées par l'honorable rapporteur de la section centrale. Il me semble que quand on a un traitement de 8,000 francs, il est exorbitant d'y ajouter 7,500 fr. pour frais (page 345) de régie. Il est temps que le gouvernement paye un peu moins aux grands pour qu'on puisse, sans grever le trésor, donner un peu plus aux petits. Hier, j'ai élevé la voix en faveur des employés subalternes préposés au service des télégraphes ; aujourd'hui, je me joins à ceux qui ont plaidé la cause des facteurs ruraux qui ont 5 à 6 lieues à faire par jour et qui n'ont pas une rémunération suffisante pour le service pénible dont ils sont chargés.

M. Mercier. - Messieurs, je partage l'opinion de l'honorable préopinant sur ce point, que les mêmes règles devraient présider aux actes de tous les ministres relativement aux traitements des fonctionnaires publics. Mais je ne puis pas conseiller au gouvernement de blesser les droits acquis. S'il y a un principe à respecter, c'est celui des droits acquis. Si ce principe est foulé aux pieds, non seulement, on commet une injustice, mais on nuit au service public en détruisant la confiance que les fonctionnaires doivent avoir dans leur avenir, et on paralyse leur zèle et leur dévouement.

A moins qu'il n'y ait des abus criants, la règle générale est qu'il faut maintenir les positions acquises. Cette règle a été suivie au département des finances comme au département de travaux publics. Je sais que dans ces derniers temps on a fait quelques exceptions à cette règle ; je me suis élevé et je m'élève encore aujourd'hui contre ces exceptions. Je conseille donc au gouvernement de maintenir le principe de la conservation des droits acquis. Mes observations ne s'appliquent pas aux frais de régie. A l'égard de ces frais je suis d'avis que les allocations ne peuvent excéder la dépense réellement faite.

- La discussion est close.

Articles 81 à 84

« Art. 81 (art. 79 du projet). Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés ;: fr. 500,000. »

- Adopté.


« Art. 82 (art. 80 du projet). Traitements et indemnités des facteurs et autres agents subalternes ;: fr. 675,000. »

M. le président. - M. Van Grootven a proposé à cetarticle une augmentation de 10,000 francs à laquelle M. le ministre des travaux publics s'est rallié.

L'article 82, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 83 (art. 81 du projet). Transport des dépêches ;: fr. 289,000. »

- Adopté.


« Art. 84 (art. 82 du projet). Matériel, fournitures de bureau, frais de loyer et de régie ;: fr. 155,000. »

- Adopté.

Chapitre V. Pensions

Article 85

« Art. 85 (art. 83 du projet). Pensions ;: fr. 7,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Secours

Article 86

« Art. 86 (84 du projet). Secours à des employés, veuves ou familles d'employés qui n'ont pas de droits à la pension ;: fr. 5,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Dépenses imprévues

Article 87

« Art. 87 (art. 85 du projet). Dépenses imprévues non libellées au budget ;: fr. 18,000. »

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, je désire présenter à la Chambre quelques nouvelles observations sur la pisciculture. Si j'arrive tard avec mes petits poissons, ce n'est pas que j'aie voulu les réserver pour la bonne bouche, mais c'est parce que ce modeste article leur offre seul une chétive pâture .Lorsque, le 16 février dernier, j'ai eu l'honneur d'introduire cette question dans cette Chambre, on a, tout d'abord, été disposé à sourire. Mais quand on a entendu qu'il s'agissait d'alimentation publique, on m'a écouté avec une bienveillante attention ; je réclame la même bienveillance aujourd'hui.

J'avais conseillé à M. le ministre des travaux publics de nommer une commission d'un petit nombre de membres, parce que je crois qu'il est difficile de marcher vite avec des commissions nombreuses. J'avais demandé qu'on désignât un savant professeur, membre de l'Académie des sciences, et un fonctionnaire des ponts et chaussées.

M. le ministre a accueilli ma demande, en partie du moins, et je l'en remercie. Si je prends la parole aujourd'hui, c'est pour encourager le gouvernement à faire plus que ce qu'il a fait déjà, c'est aussi pour vous communiquer quelques faits nouveaux.

En Angleterre, le produit des rivières forme pour certains personnes un revenu considérable ; mais, par une exploitation exagérée et en négligeant les règles de prudence, on a fini par épuiser tellement les rivières, que les revenus qui allaient jusqu'à 100,000 fr., sont tombée à 60,000 et même à 50,000 fr. On s'est donc empressé, une fois la découverte faite, de repeupler ces rivières artificiellement, et bientôt les revenus ont repris leur première élévation.

En France, on a continué les examens pratiques et l'on a obtenu de si beaux résultats, que le gouvernement a cru devoir récompenser les introducteurs de cette méthode artificielle, deux pauvres pécheurs de la Bresse, nommés Géhin et Remy ; on leur a donné des pensions et des places. Ceci prouve que le gouvernement a reconnu l'efficacité de cette méthode.

En Hollande, on n'est pas resté en arrière. Le gouvernement de ce pays éminemment pratique, et qui saisit si bien le côté sérieux des choses, a vu immédiatement les résultats qu'on pourrait tirer de cette découverte. Il a compris que, dans cette contrée, sur le territoire de laquelle se trouvent de nombreux canaux et de grandes rivières, il importait grandement de faire étudier sans retard cette question. Permettez-moi de vous donner un extrait d'une lettre de la Haye, du 21 juillet dernier, dans laquelle on rend compte des mesures prises en fait de pisciculture. Voici ce que l'on peut lire dans le journal l’Indépendance da 23 juillet dernier.

« Vers la fin de 1852, le Roi nomma une commission ayant pour mission d'indiquer les moyens propres à introduire la pisciculture dans notre pays, afin d'augmenter ainsi une branche importante de l'industrie nationale et d'augmenter les aliments pour les classes inférieures.

« Il résulte du rapport, présenté par cette commission au Roi, le 6 courant, que la fécondation artificielle des œufs de poissons est possible dans notre pays ; que les expériences doivent se faire de préférence avec des espèces de poissons indigènes, et que les membres de la commission se prononcent plutôt pour plusieurs petites pépinières que pour une seule grande pépinière. Le Roi a fait prendre les mesures nécessaires pour établir deux pépinières d'après le système de M. Millet, inspecteur des eaux et forêts à Enghien (France), savoir, l'une au Loo et l'autre au château du Bois. »

Vous le voyez, nous avons pour nous l'exemple des autres pays. Nous avons de grands motifs pour les suivre dans cette voie si éminemment utile. Mais, me dira-t-on, voulez-vous que le gouvernement se fasse éleveur de petits poissons ? Pourquoi pas, si on le fait, avec succès, en Hollande, en France et dans d'autres pays peut-être ? D'ailleurs, vous dites bien au gouvernement : Reboisez vos forêts, plantez vos routes, faites des frais pour exploiter le chemin de fer et les canaux. Pourquoi ne pourrais-je pas lui dire : Peuplez vos rivières, vos canaux, qui s'épuisent d'une manière déplorable ? Le gouvernement n'a-t-il pas, d'ailleurs, donné une impulsion utile au système de drainage ?

Si à cette question ne s'attachait qu'une affaire de revenu, je n'insisterais pas avec autant de persistance ; mais il s'agit ici d'une question plus intéressante que celle-là, il s'agit de l'alimentation du peuple.

Or, on l'a déclaré, nous sommes destinés à vivre dans un état, plus ou moins intense, de disette permanente, depuis que l'Angleterre absorbe une quantité considérable de nos produits alimentaires. En présence de cet état de choses, notre étude sérieuse et constante doit être dirigée vers l'augmentation de la production des denrées alimentaires de toutes sortes.

En fait d'alimentation, rien ne doit être dédaigné. Qui aurait dit, par exemple, que le lapin serait devenu un objet d'une exportation immense ? Croiriez-vous qu'on en exporte pour un million et demi par an ? Autrefois le lapin ne paraissait pouvoir servir qu'à l’amusement des enfants ; c'est aujourd'hui l'objet d'un commerce très grand. Vous avez des marchés des Flandres où il arrive de 5 à 7 mille lapins chaque semaine : j'en ai vu vendre de 3 et 4 francs pièce.

Je vous en prie, ne négligez pas cette question, je la crois très importante. Pour repeupler vos rivières, vous pourrez recourir aux anciennes ordonnances. Il faut voir avec quel soin nos ancêtres avaient fait ces ordonnances, et pour conserver cet aliment précieux au peuple quelles précautions minutieuses on avait prises. Pour ne pas abuser de votre temps, je ne les lirai pas, je me borneraià dire : Il faut conserver ce que nous avons, et profitant des inventions nouvelles, tâcher de décupler, de centupler ce que nous avons à notre disposition.

Messieurs, je crois que c'est surtout sur les espèces indigènes qu'il faut faire les premiers essais. Il y a un poisson de luxe, l'huître, qui fait l’objet d'un grand commerce à Ostende ; la matière première pour ce commerce manque totalement ; nous payons à l'Angleterre pour nous la procurer 700 à 800 mille fr. par an ; ce chiffre ne fait que s'accroître, la matière devient plus chère et nous en consommons davantage.

J'ai parlé à des professeurs qui s'occupent de l'élève des huîtres, ils m'ont dit qu'ils espéraient, si on voulait mettre à leur disposition quelque partie des fortifications d'Ostende, pouvoir, au moyen de dispositions artificielles, créer des bancs d'huîtres.

Je n'insisterai pas davantage ; la chambre paraît pressée d'en finir. Je voulais seulement indiquer quelques moyens pratiques de faire certains essais d'une découverte dont on paraît se bien trouver dans d'autres pays.

J'engagerai le gouvernement à faire des essais et à publier les résultats qu'il aura obtenus.

Je voudrais que le gouvernement accordât quelques subsides à des comices agricoles, qui feraient des essais, en repeuplant des viviers (page 346) appartenant à l'Etat, à des communes ou à des particuliers. Ces essais étant faits, il pourrait faire des concessions à long terme, à charge de repeupler, avec droit d'exploitation, des rivières et canaux. Des sociétés privées pourraient se former pour cette exploitation.

Je voudrais aussi qu'on mît à la disposition de certains particuliers quelques parties du littoral maritime et des fossés des fortifications d'Ostende et du port de Nieuport pour faire des essais d'élève d'huîtres indigènes. Je recommande cet objet au gouvernement, j'espère qu'il aura égard à ma recommandation.

Je le répète, il s'agit ici d'une question qui intéresse l'alimentation du pays, et peut-être aussi le commerce d'exportation.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Second vote

M. le président. - Nous avons à voter le dernier article du budget ; il n'y a eu que trois articles amendés ; s'il n'y a pas d'opposition nous passerons immédiatement au second vote.

- Un grand nombre de voix. - Non ! non ! il n'y a pas d'opposition.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article additionnel

M. le président. - Le premier article amendé est celui qui concerne la reprise de rivîères proposée par la section centrale Le gouvernement s'étant rallié à la proposition de la section centrale, il n'y a lieu de soumettre à un second vote que les modifications introduites.

La Chambre a admis la reprise de l'Yser et de la Grande Nèthc dont les frais d'administration ont été évalués à 10,000 francs.

Les modifications introduites consistent en ce qu'on a fait disparaître de la proposition de la section centrale l'Emblève, la Vesdre, le canal de Plasschendaele et de Nieuport par Furnes à la frontière de France, la Lieve et la Langeleede.

C'est sur ces modifications que la discussion est ouverte.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je viens prier la Chambre de compléter le vote qu'elle a émis hier en ce qui concerne l'Yser et la Grande-Nèthe. J'avais eu l'occasion dans la discussion engagée hier de démontrer qu'au nombre des canaux qui méritaient avant tout d'être repris par l'Etat, il n'en était pas qui eût un caractère d intérêt général plus important que le canal de Plasschendaele et de Nieuport par Furnes à la frontière de France, et le port de Nieuport. Il s'est trouvé hier que la Chambre a rejeté précisément cette partie de l'amendement de la section centrale, qui à mes yeux revêt au plus haut point le caractère d'intérêt public. Je demandé à la Chambre de vouloir consacrer la reprise de ces canaux.

En ce qui concerne l'Emblève et la Vesdre, je pense que la Chambre ne peut pas avoir deux poids et deux mesures : ce qui a déterminé la Chambre à se montrer favorable à la reprise de l'Yser et de la Nèthe, ce sont les réclamations des conseils provinciaux ; on a pensé que ce qu'on avait fait eu 1840, on devait le faire en 1853 : je viens demander à la chambre de se montrer favorable à la reprise de l'Emblève et de la Vesdre ; je le fais dans un sentiment de justice ; je le fais encore avec une sorte de sécurité dans l'avenir sous le rapport de la dépense.

Eu effet, l'Yser et la Nèthe exigent un travail d'ensemble dont l'importance est telle que quand la part contributive des particuliers, des communes et de la province dans la dépense aura été déterminée, il restera encore une assez forte part à laquelle l'Etat devra pourvoir, tandis que pour la Vesdre et l'Emblève, comme voies navigables, ne me paraissent pas devoir donner lieu à d'autres dépenses que celles qui sont faites aujourd'hui par la province ; elles s'élèvent à 2,500 fr. pour les deux cours d'eau.

Et en ce qui concerne l'intérêt des riverains, je ne pense pas que ces travaux puissent jamais avoir une importance considérable. Je ne pense donc pas qu'il faille se montrer plus rigoureux peur ces rivières que pour la Nèthe et l'Yser.

M. A. Vandenpeereboom. - Je viens appuyer vivement les observations si fondées de l'honorable ministre des travaux publics. Comme lui, je pense que, lorsqu'il s'agit de grandes mesures, il faut se baser sur les principes, les discuter à fond, et, une fois le principe admis, en admettre aussi toutes les conséquences. Si vous admettez que l'on doit reprendre certaines rivières et voies navigables comme propriétés du domaine de l'Etat, il faut, par application de ce principe, reprendre toutes les rivières et communications qui sont la conséquence de ce système. Je suis donc disposé à voter la reprise par l’Etat, non seulement du canal de Plasschendaele, mais de toutes les rivières qui se trouvent dans la même situation.

Peur moi, la question qui s'agite est une question de droit, de principe et non une question provinciale ou locale.

Toutefois, s’il y a une voie navigable dont la reprise est parfaitement justifiée, c'est bien le canal de Plasschendaele par Nieuport à la frontière de France et l'arrière-port de Nieuport, et si hier la reprise n'en a pas été votée, je pense qu il faut l'attribuer à un malentendu. La Chambre ne l'ignore pas, ces canaux ne sont pas seulement d'intérêt local ou provincial, ils sont d'intérêt général : ils servent non seulement à la navigation exclusive de la Flandre occidentale qu'ils parcourent, mais ils sont utiles au transport des produits du pays en général et spécialement à ceux du Hainaut. C'est ainsi qu'autrefois le canal de Plasschendaele et ses annexes ont fait l'objet de nombreuses réclamations de la part de la chambre de commerce de Mons qui s'unissait alors aux chambres de commerce et aux administrations communales des deux Flandres, à l'effet d'obtenir que des communications plus faciles fussent établies entre le centre du pays et surtout du Hainaut et le nord-ouest de la France.

Les transports par cette voie deviendraient très considérables si la question des zones douanières en France disparaissait ; car la navigation charbonnière acquerrait alors de nouveaux développements.

Je n'insisterai pas davantage. Je crois que la chambre est suffisamment éclairée et qu'elle sera d'avis que la grande ligne de navigation vers la France, par le canal de Plasschendaele, doit être entretenue aux frais de l'Etat parce qu'elle est d'intérêt général.

Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je me contenterai d'ajouter une seule observation.

Ou a dit que l'administration de ces voies navigables serait onéreuse. C'est une erreur. Il résulte, en effet, du compte des recettes et des dépenses pour l'exercice 1852 que, pour cette année, la dépense d'entretien a été de 10,507 francs et la recette de 17,838 francs. De sorte qu'il y a eu sur la dépense un excédant de recettes de 7,326 francs.

Dans de pareilles conditions, en présence des principes admis depuis dix ans, je suis convaincu que la Chambre restera conséquente avec elle-même, qu'elle n'hésitera pas à revenir sur le vote qu'elle a émis hier, et j'aime à croire que la proposition, faite par l'honorable ministre des travaux publics, sera adoptée aujourd'hui à une grande majorité.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je proposerai en outre de maintenir la Lieve et la Langeleede, qui ont fait l'objet des réclamations de la Flandre orientale. Je crois qu'il ne faut pas plus être injuste envers cette province, qu'envers celle de Liège.

Puisque j'ai la parole, je dirai un mot du sujet dont l'honorable M. E. Vandenpeereboom vient d'entretenir la Chambre. Je ferai remarquer qu'avant de faire des essais pratiques il faut continuer les études. Un ingénieur a été envoyé à Paris ; je tiens en main le rapport qu'il m'a adressé et qui est relatif aux divers appareils d'éclosion, au transport et à l'acclimatation du poisson. Ces études seront poursuivies. Lorsque le gouvernement s'occupera d'essais pratiques, il en sera rendu compte à la chambre.

M. Dumortier. - A la suite du vote si significatif qui a été émis hier par cette Chambre et de cette manifestation à une grande majorité par laquelle la Chambre s'est refusée à entrer dans le système auquel le gouvernement nous avait conviés, j'ai été étrangement surpris de voir M. le ministre des travaux publics prolonger encore cette discussion en nous proposant de remettre aux voix tout ce qui a été rejeté, par assis et levé, il est vrai, mais à une immense majorité, à la majorité des quatre cinquièmes de l’assemblée. En effet, la Chambre a eu grandement raison de ne point entrer dans ce système. Elle a eu d'autant plus raison qu'il suffit de lire le rapport fait à cette Chambre par M. le ministre des travaux publies, le 14 novembre, pour voter contre toutes ces dépenses qui ne sont pas justifiées.

Je prendrai la confiance de vous lire nu passage très court de ce rapport : « Ainsi (dit M. le ministre des travaux publics) à l'exception du canal de Plasschendaele vers Dunkerque, les autres voies navigables ne présentent aucun caractère d'intérêt général. Elles n'offrent eu quelque sorte qu'une utilité locale. » Ainsi point d'intérêt général ; il n'y a là qu'une utilité locale.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Vous avez vous-même proposé la reprise de la Mandel par l'Etat.

M. Dumortier. - Sans doute, et si un pareil principe était admis, je proposerais la reprise par l'Etat de tous les cours d'eau, parce que ce serait une injustice scandaleuse de dépouiller une localité pour en enrichir une autre. Je combattrai le système proposé ; mais si le principe est admis, j'en réclamerai le bénéfice pour mes commettants, et je ne le réclamerai pas en vain. Autrement il y aurait privilège pour les uns, et déni de justice pour les autres.

Vous le voyez par le rapport que le ministre a fait à la Chambre, il y a cinq semaines, ces voies navigables n'offrent qu'une utilité locale ; elles n'ont aucun caractère d'intérêt général.

Comment le gouvernement peut-il consentir à grever le trésor public de sommes considérables qui s'élèveront à un grand nombre de millions, et cela pour satisfaire uniquement à des intérêts locaux ? En effet si vous examinez ce rapport, vous verrez que la dépense s'élève à plusieurs millions. Je suis sûr que si l'on réunissait les chiffres de toutes les dépenses qui ont été faites, ou reconnaîtrait que ce n'est pas avec huit millions que l'on en est quitte, pour des travaux qui n'ont aucun caractère d'intérêt général.

Comme le disait l'honorable M. Lebeau avec tant de raison, est-ce quand nos finances sont en déficit, quand nous devons voter des augmentations au budget, pour la nourriture de nos soldats, dans le moment où nous devrons peut-être demain voter des fonds pour la nourriture des ouvriers dans ce pays ;; est-ce dans un pareil moment qu'il faut jeter des millions dans des voies navigables sur lesquelles on ne navigue pas ?

Quant à moi, je demande de nouveau la division ; j'espère que la Chambre se montrera plus sévère encore, et qu'elle rejettera la disposition en ce qui concerne la Nèthe qui doit, à elle seule, occasionner au moins 2 millions de dépense.

M. de Muelenaere. - Messieurs, l'année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics, j'ai déjà eu l’honneur de faire observer à la chambre que la reprise du canal de Plasschendaele par Nieuport à la frontière de France me semblait la conséquence logique et nécessaire d'une reprise d'autres canaux qui avait déjà été faite antérieurement par l'Etat.

(page 347) En effet le canal de Plasschendaele par Nieuport à la frontière de France constitue une belle ligne de navigation internationale ; elle est aussi une des plus importantes lignes de navigation charbonnière du Hainaut vers le nord de la France. Cela est si vrai et cette ligne est d'une importance telle que, dans la prévision que ces canaux seraient repris par le gouvernement belge et qu'on y apporterait des améliorations qui sont reconnues indispensables, le gouvernement français lui-même, sur tout son territoire depuis Dunkerque jusqu'à la limite extrême, c'est-à-dire jusqu'à la frontière de Belgique, a fait approfondir et élargir le canal de Dunkerque.

Messieurs, au point où la discussion en est arrivée, je ne prolongerai pas ce débat et je me bornerai à ces simples observations. Mais je pense que la chambre tout entière comprendra qu'il est non seulement juste, mais qu'il est d'un haut intérêt public, que cette importante ligne de navigation entre la France et la Belgique appartienne à l'Etat et soit administrée exclusivement, par le gouvernement. C'est le seul moyen d'apporter l'unité désirable dans l'exécution des travaux que réclame cette importante voie navigable sur une grande partie de son parcours.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé tout à l'heure la parole lorsque l'honorable M. Dumortier vous disait que ce serait une iniquité que de reprendre les cours d'eau que la section centrale est venue proposer à la chambre de remettre à l'Etat.

Je dirai à l'honorable préopinant que ce serait une iniquité, un déni de justice que de ne pas reprendre les cours d'eau qui sont navigables et flottables. Il existe un principe de droit : c'est que les rivières navigables et flottables sont la propriété de l'Etat. Personne dans cette enceinte n'est venu contester ce principe ; l'honorable M. Dumorticr ne l'a pas contesté et je le défie de le faire.

Eh bien, si les rivières navigables et flottables sont la propriété absolue de l'Etat, l'Etat doit en reprendre l'administration. Imposer cette charge aux provinces, comme l'avait fait le roi Guillaume, et comme vous voulez qu'on continue de faire, ce serait, M. Dumortier, une iniquité, ce serait un déni de justice et, ce qui serait encore une iniquité, c'est ce que l’honorable membre a annoncé vouloir faire. L'honorable membre a dit : Si la chambre accepte la proposition de la section centrale je viendrai proposer la reprise de tous les cours d'eau non navigables ni flottables.

Ce serait là une iniquité, car ce serait faire payer par le trésor public ce qui doit être payé par les particuliers.

Messieurs, simplifions ce débat. Toute la question réside en ceci : le canal de Plasschendaele, la Vesdre, l'Ourthe et les autres rivières dont nous proposons la reprise par l'Etat, sont-elles navigables ou flottables ? Si l'on répond oui, il faut que la Chambre vote la proposition de la section centrale. Si l'on répond non, si ces rivières ne sont ni navigables ni flottables, alors tout est dit. Ce sont des rivières qui retombent dans le domaine privé, et nous n'avons pas à les inscrire au budget.

M. David. - Messieurs, je ne pourrais plus faire valoir des arguments en faveur plutôt de telle rivière que de telle autre. Je m'arrêterai à une seule considération générale. Je trouverais très illogique de la part de la Chambre de ne pas voter l'amendement de la section centrale ; en voici la raison :

Nous dépensons tous les jours des millions pour établir de nouvelles voies de communication, tant par eau que par chemin de fer et par routes empierrées ; et nous avons sous la main des voies de communication toutes naturelles que l'on peut entretenir en état de navigabilité, mais qui, par les provinces, sont plus ou moins négligées. Nous avons donc là un élément de transport facile à entretenir et nous refuserions de l'entretenir au moyen d'une très minime dépense ! Car ces cours d'eau donnent également des revenus. Pour la Vesdre et l'Emblèvc, par exemple, le gouvernement perçoit déjà aujourd'hui les droits provenant de la pêche. Vous voyez que le gouvernement est déjà en possession du revenu de ces deux rivières. Mais je n'insisterai pas là-dessus ; j'insisterai surtout sur la considération qui me semble la principale : c'est que pendant que nous dépensons des sommes énormes pour construire de nouvelles voies de communication, nous laissons tomber en ruine celles que nous possédons.

M. Jacques. - Messieurs, l'amendement que j'avais proposé hier, en ce qui concerne la rivière l'Ourthe, n'a été rejeté que par suite du rejet de la disposition relative de l'Emblève et à la Vesdre. Je demandais à la Chambre qu'elle mît la rivière l'Ourthe sur la même ligne que l'Emblève et la Vesdre qui n'en sont que des affluents.

Je dois reproduire ma proposition. Puisque la disposition, en ce qui concerne l'Emblève et la Vesdre, doit être remise aux voix, je demande que mon amendement relatif à l'Ourthe soit aussi soumis à un nouveau vote, car il serait absurde que l'Etat reprît de simples affluents alors qu'il ne reprendrait pas la rivière principale.

Il ne s'agit d'ailleurs pas de reprendre la partie de l'Ourthe qui n'est pas navigable. L'Ourthe a déjà seize lieues de cours avant d'arriver au point où elle a été déclarée navigable par un acte du gouvernement français, du 11 brumaire an XII.

Il ne s'agit pas de faire entretenir ces seize lieues par l'Etat ; je n'ai demandé que la reprise de la partie navigable, et dans cette partie navigable, on a concédé la section de Liège à Laroche. Il ne reste donc de la partie déclarée navigable que trois lieues au-dessus de Laroche, et c'est de cette étendue de trois lieues que je demande la reprise par l'Etat. De même on ne demande que la reprise des parties de l'Emblève et de la Vesdre qui sont navigables : il ne s'agit pas non plus de reprendre les parties de ces rivières qui ne sont pas navigables. Si l'on voulait canaliser ces rivières jusqu'à leur source, des dépenses très considérables seraient nécessaires.

Mais la proposition qui est soumise dans ce moment à la Chambre n'a nullement cette portée : il ne faut donc pas que la Chambre se laisse effrayer par des dépenses dont il n'est nullement question maintenant.

M. le président. - En principe, un amendement rejeté ne peut plus être représenté au second vote. Mais M. Jacques fait observer que le rejet de son amendement n'a été que la conséquence du rejet d'autres dispositions, il pense que si la Chambre revient sur le vote relatif à la Vesdre et à l'Emblève, il y a lieu de revenir également sur la proposition relative à l'Ourthe.

M. Deliége. - Je dirai quelques mots pour expliquer à la Chambre le vote que j'ai émis hier et celui que j'émettrai aujourd'hui.

Messieurs, je l'avoue, j'aurais préféré que la Chambre ne s'occupât de l'importante question qu'elle agite en ce moment, qu'à l'occasion d'un projet spécial ; je crois que nous aurions été mieux préparés. La Chambre en a décidé autrement, je me soumets à sa décision.

Hier j'ai voté contre l'article en discussion, parce que, comme vient de le dire l'honorable ministre des travaux publics, je crois qu'on ne peut pas avoir deux poids et deux mesures et que si l'on a voté la reprise par l’Etat de la Grande-Nèthe et de l’Yser, il serait illogique de ne pas voter la reprise du canal de Plasschendaele à la frontière de France. Cela est certain pour tous ceux qui connaissent les localités.

Quant à l'Emblève, la Vesdre et l'Ourthe, il y aurait une grande injustice à ne pas en déclarer la reprise par l'Etat au même titre que celle de l'Yser et de la Grande-Nèthe. On nie ; mais je puis prouver pièces authentiques à la main, que ces rivières sont navigables. Peut-être des doutes existent, parce qu'on a laissé abîmer ces rivières.

Il y a du doute, mais il n'y a qu'à ouvrir un livre qui est entre les mains de tous les jurisconsultes, Louvrex, on y trouvera une foule de mandements pris par les évêques de Liège et qui prouvent que cette rivière était navigable jusqu'à Fraipont. Aujourd'hui encore quand l'Etat permet à des usiniers d'établir des barrages, ils doivent établir un pertuis de navigation. Je puis prouver encore par une foule d'actes authentiques que c'était le seigneur de la localité qui louait les passages d'eau et percevait les péages sur les différents ponts, or, qui représente le seigneur, si ce n'est l'tlat.

Ainsi la Vesdre est évidemment une rivière navigable, et je crois qu'il y aurait un déni de justice à voter la reprise d'autres rivières sans voter la reprise de la Vesdre.

Il faut, messieurs, se garder d'un sentiment qui est fort pénible pour les députés de la province de Liège ; j'ai entendu dire plusieurs fois, dans cette enceinte et hors de cette enceinte, que nous avons été singulièrement favorisés dans le vote du grand projet de travaux publics ; eh bien, messieurs, je vous en prie, considérez une. bonne fois que nous avons eu 7 millions sur les 100 millions votés par la législature et que, vu son importance, la province de Liège a été fort mal traitée.

M. Dumortier. - L'honorable M. de Brouwer de Hogendorp se pose toujours comme s'il avait seul l'interprétation du Code civil ; malheureusement il a été seul à le comprendre comme il l'a compris ; je me trompe, il y a un autre membre qui l'a compris de la même manière, c'est l'honorable M. Roussel ; mais tout le monde l'interprète d'une manière tout opposée. Mon honorable ami M. Van Overloop a démontré jusqu'à l'évidence que ce n'est que par la confusion de choses tout à fait distinctes qu'on arrive à conclure comme l'ont fait les honorables MM. de Brouwer et Roussel. Autre chose est, en effe, de faire partie du domaine public et de faire partie du domaine de l'Etat.

On a dit et répété à satiété que le domaine public et le domaine de l'Etat sont deux choses complètement différentes, que le domaine des communes et des provinces fait partie du domaine public et ne fait pas partie du domaine de l'Etat.

Mais, messieurs, s'il est vrai que le domaine public est la même chose que le domaine de l'Etat, pourquoi l'honorable, membre ne vient-il pas proposer de reprendre le canal de Bruxelles à Willebroeck, le canal de Louvain, etc. ? Ces canaux font aussi partie du domaine public.

On parle de rivières navigables et flottables, et on représente toutes les rivières dont il s'agit comme étant navigables et flottables. Eh bien, messieurs, je prends le rapport de l'honorable ministre des travaux publics et j'y lis en propres termes que la Vesdre, par exemple, n'est ni navigable ni flottable.

Que l'on soit donc logique et puisqu'on m'accuse de ne pas avoir lu les pièces, que l'on commence par les lire soi-même.

L'honorable M. Deliége a fait une observation qui est vraie ; il a dit qu'autrefois la Vesdre était navigable et flottable ; il y a, dit-il, dans Louvrex, une quantité d'arrêtés qui le prouvent ; mais je ferai remarquer, messieurs, qu'à cette époque on n'avait pas fait sur la Vesdre toutes les usines qui s'y trouvent aujourd'hui et qu'à moins de supprimer ces usines, il est impossible de rendre jamais la Vesdre navigable.

Du reste, messieurs, à quoi cela servirait-il, quand la Vesdre est longée par un chemin de fer qui a coûté 32 millions et par un pavé qui ne sert plus à rien ?

Mais, messieurs, la Vesdre n'est pas la seule rivière qui était autrefois navigable et qui ne l'est plus aujourd'hui : autrefois la Senne était navigable jusqu'à Bruxelles ; la Haine et la Trouille étaient navigables (page 348) jusqu'à Mons ; la Gette était navigable jusqu à Tirlemont et aujourd'hui encore dans la ville de Tîrlemont il existe des bassins où il y a des bateaux ; la Dyle a été navigable jusqu'à Wavre.

Eh bien, messieurs, qu'on demande donc la reprise de toutes ces rivières. Qu'on demande donc surtout la reprise de la Senne qui cause périodiquement les plus grands ravages dans la capitale ! Qu'on demande la reprise du canal de Willebrocck et du canal de Louvain !

- Un membre. - Les villes ne les donneront pas.

M. Dumortier. - Les villes ne les donneront pas parce qu'ils sont productifs ; on ne veut donner que ce qui est improductif et ce qui exige de grands travaux ; s'il s'agissait pour l'Etat de reprendre des choses productives, vous verriez combattre cette proposition par tous les députés des provinces intéressées comme vous les voyez aujourd'hui soutenir la reprise.

Quant à moi, messieurs, c'est précisément parce qu'il y a beaucoup de millions à dépenser que je ne veux pas de la reprise. Je ne veux pas de ce système qui consiste à dégrever toujours les budgets des provinces et des communes pour grever le budget de l'Etat.

M. Deliége. - Messieurs, je dois rectifier quelques faits avancés par l'honorable M. Dumortier. Il a parlé de 32 millions dépensés dans la vallée de la Vesdre : c'est une grande cireur : le chemin de fer, depuis Ans jusqu'à Herbesthal, frontière prussienne, a coûté 32 millions.

Mais, je crois qu'il y a une différence entre le trajet depuis Ans jusqu'à Herbesthal et le trajet qu'on fait dans la vallée de la Vesdre. Je crois que l'honorable M. Dumortier s'est trompé de moitié.

L'honorable membre a avancé un second fait : il a dit que la Vesdre était dans un état tel, qu'on ne pouvait pas y naviguer actuellement ; je ne le nie pas ; mais il est évident qu'on pourrait la rendre navigable à très peu de frais, au moins sur une certaine étendue.

L'honorable M. Dumortier a avancé un troisième fait, c'est qu'il y a aujourd'hui sur la Vesdre une infinité d'usines qui n'y existaient pas lorsqu'elle était navigable. Eh bien ! je le défie de me citer une seule usine qui n'existât pas il y a 60 ans. J'en connais une qui a été démolie. Mais il serait fastidieux pour la Chambre d'entendre des détails pareils. Je me bornerai à engager l'honorable M. Dumortier à prendre des renseignements à cet égard, et alors il avouera qu'il s'est trompé.

M. Roussel. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. Dumortier, s'avançant sur le terrain du droit, représenter mon opinion comme absurde. J'ai soutenu la domanialité des cours d'eau navigables et flottables, parce qu'elle me semblait résulter d'une disposition formelle du Code civil qui déclare que ces cours d'eau appartiennent au domaine public. C'est évidemment du domaine public général qu'il s'agit, aussi longtemps qu'une autre loi, qu'on ne produit pas, n'a pas assigné l'objet au domaine public provincial.

Aussi personne dans cette Chambre n'a-t-il soutenu que ces cours d'eau appartiennent au domaine provincial, mais l'honorable M. Van Overloop a dit seulement qu'il lui semblait que la question de la propriété de l'Etat, dont je n'ai pas parlé, était fort délicate. Comment mon opinion pourrait-elle être absurde ? Remarquez que la question de savoir si telle ou telle rivière est navigable ou flottable est une question de fait dont je ne me suis pas occupé et sur laquelle par conséquent je n'ai pas pu errer.

Sincèrement je crois que l'honorable M. Dumortier lit religieusement toutes les pièces qui lui sont transmises par le bureau, mais j'estime beaucoup que la lecture du Code civil doit lui être peu attrayante et probablement étrangère. Il serait donc prudent qu'il ne s'avançât pas sur un terrain qu'il ne connait que fort imparfaitement, et ce pour qualifier l'opinion d'hommes qui ont étudié la matière.

M. Dumortier (pour un fait personnel). - L'honorable M. Roussel vient de me donner une leçon de droit, en me disant qu'il ne m'appartenait pas de parler sur des matières auxquelles j'étais étranger. Je connais assez bien les règles du droit pour ne pas confondre, comme l'a fait l'honorable M. Roussel, le domaine public avec celui de l'Etat, des provinces et des communes.

M. Lebeau. - Messieurs, quoique plus heureux que l'honorable M. Dumortier, je suis porteur d'un diplôme de docteur en droit, il y a si longtemps que je n'en fais plus usage, que je ne crois pas pouvoir l'invoquer aujourd'hui pour établir ma compétence aux yeux de l'honorable M. Roussel.

Cependant, en dehors des lumières que peut donner un diplôme de docteur en droit, il y a une réflexion que le simple bon sens fait naître naturellement dans l'esprit de chacun de nous, c'esl que si la question de droit était aussi évidente qu'on l'a prétendu dans cette discussion, il serait étonnant que depuis bientôt 25 ans on eût à s'en apercevoir pour la première fois aujourd'hui, il serait étonnanl que devant un droit si évident la Chambre eût persisté pendant si longtemps dans un éclatant déni de justice, et que des protestations énergiques ne se fussent pas produites contre ce déni de justice. (Interruption.)

Il n'y a eu que quelques réclamations isolées ; mais ce qui prouve que jamais la Chambre ne les a jugées empreintes d'une équité si évidente, c'esl qu'elle n'y a presque jamais fait droit.

On reconnaîtra au moins que la question de droit est douteuse ; or, c'est la première fois que je vois préjuger une question de cette nature par un vote incidentel, par le vote d'un article de budget. Sous ce rapport donc il y a une situation nouveite sur laquelle on ne saurait rendre la Chambre trop attentive.

Voyez, messieurs, où vous allez vous engager. Est-il possible de mesurer l'étendue des sacrifices auxquels vous allez exposer le trésor public ? Que vient-on vous dire, quand on convie l'Etat à reprendre certaines rivières plus ou moins flottables, plus ou moins navigables ? « Ces rivières ne rapportent rien, parce qu'elles ont été négligées depuis un demi-siècle ? » Elles sont donc dans un état tel que le gouvernement, pour leur rendre la navigabilité, sera condamné à y faire des dépenses considérables, si j'en juge par l'appréciation qui en a été faite pour les travaux à exécuter à la Grande Nèthe, par exemple, appréciation qui émane, dit-on, des hommes de l'art, les premières dépenses à faire à cette rivière seraient d'un demi-million de francs.

On vient dire que certaines rivières, navigables autrefois, ne le sont plus aujourd'hui, parce qu'elles oiit été complètement négligées, qu'il y a des ensablements dans les unes, qu'on a construit des usines daus les autres ; qu'il est juste de leur rendre leur caractère primitif.

Si cette argumentation devait faire introduire les dépenses relatives à ces rivières dans la loi, presque tout le monde pourrait réclamer.

Mon honorable ami, M. Daulrebande et moi, nous pourrions le faire pour certaines parties du Hoyoux et de la Mehaigne, qui partiellement ont pu être plus ou moins navigables ou flottables dans le siècle dernier. Aujourd'hui ces rivières sont encore navigables et flottables dans le sens de la Vesdre, par exemple, c'est-à-dire qu'on y voit de temps en temps promener de petites nacelles de pêcheurs ou des nacelles de propriétaires de foin, qui, après avoir fait la récolte des prairies riveraines recueillent ces produits dans de petites nacelles pour les faire arriver chez eux.

Voilà comment plusieurs de ces rivières sont probablement flottables et navigables ; voilà peut-être comment la Vesdre, dont j'ai parcouru plusieurs fois les bords, est navigable. Je suis peut-être trop ému des conséquences du vote qu'on sollicite ; j'en demande pardon à la Chambre ; mais je n'eusse pas retenu encore son attention sur cet objet si je n'étais pas dominé par une conviction profonde ; je suis de plus en plus convaincu du danger que nous courons en nous engageant daus la voie où l'on veut nous pousser.

Ne nous trompons pas, messieurs ; rappelons-nous quelquefois que le gouvernement représentatif a beaucoup d'ennemis ; il est, par exemple, des hommes qui, lorsqu'on qualifie ce régime de gouvernement à bon marché, vous rient au nez ; ils disent : « Vous appelez gouvernement à bon marché un régime qui consiste à grappiller quelques centaines de francs sur les traitements de quelques employés, profonde erreur. Savez-vous pourquoi le gouvernement parlementaire n'est pas un gouvernement à bon marché, pourquoi souvent il est un gouvernement très cher ? C'est que, dans un tel gouvernement, la pression des intérêts locaux est parfois, souvent même, tellement irrésistible, que si le gouvernement ne se dresse pas devant elle de toute sa hauteur, de toute l'énergie que donne le sentiment du danger et du devoir, elle pourrait conduire le pays à des catastrophes financières, peut-être même l'entraîner vers la banqueroute. » J'exprime, messieurs, très sincèrement les sentiments dont je suis animé. Vous les trouverez peut-être empreints d'exagération. Je désire qu'il en soit ainsi et que je me trompe sur les dangers que je signale.

Je serais heureux de voir l’événement tromper mes prévisions, quant aux conséquences, pour le trésor public, du vote que je combats de toutes mes forces.

Les moins pessimistes ne peuvent néanmoins contester qu'il y a quelque chose de vrai dans les considérations, dans les craintes que je livre à l'attention bienveillante de la Chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je reconnais que s'il s'agissait de trancher la question de droit soulevée par l'honorable préopinant, il y aurait danger à le faire par un vote incideutel ; mais l'honorable M. Lebeau voudra bien remarquer que sur la question de droit même le gouvernement a réservé son opinion. Je trouve cette réserve, et dans le rapport que j'ai adressé à la Chambre et dans les premières paroles que j'ai prononcées lorsque la question s'est produite. J'ai dit que je maintenais intacts les principes posés daus le rapport que j'avais soumis à la Chambre.

Je n'admettais pas que par le seul fait qu'un cours d'eau fût navigable il faisait partie du domaine de l'Etat. J'ai alors soutenu ce que j'affirme encore, que c'était à raison du caractère d'utilité générale qu'il présentait, qu'il devait rentrer daus l'administration de l'Etat. Sous ce rapport l'honorable M. Dumortier a raison d'iuvoquer un paragraphe du rapport. Mais en ne le lisant pas entièrement il a fait planer un doute de divergence entre l'opinion qu'un organe du gouvernement défend dans cette enceinte et celle qu'il a consignée dans un document officiel distribué aux membres de la Chambre. S'il eût été impartial, il aurait cité le dernier passage du rapport- ; il est ainsi conçu :

« En résumé, au point de vue des principes généraux du droit et de la justice, il faut admettre que c'est aux provinces et aux communes que doit appartenir l'administration des cours d'eau navigables et flottables, qui ne présentent qu'un caractère d'utilité locale, et que c'est par conséquent à elles à supporter les charges d'entretien et d'amélioration.

« Cependant, vu le peu d'importance des quelques cours d'eau navigables qui restent encore sous l'administration des provinces, et eu égard à l'avantage qu'il pourrait y avoir à en confier la direction à l'administration générale, le gouvernement ne s'oppose pas à la reprise par l'Etat de ces cours d'eau ; mais il estime qu'il conviendrait, avant d'insérer une obligation à cet égard dans la loi du budgel, qu'une loi spéciale, dont (page 349) les éléments pourraient être soumis aux conseils provinciaux dans leur prochaine session, déterminât la part d'intervention de l'Etat, des provinces et des communes dans les dépenses. »

Du moment qu'il était entendu que cette question était réservée, que la section centrale consentait à insérer cette clause que pour les dépenses extraordinaires nécessitées par l'écoulement des eaux une loi spéciale interviendrait réglant la part contributive des provinces, des communes et des particuliers, les réserves que le gouvernement avait exprimées étaient pleinement sauvegardées. La question de droit perd son importance, elle est mise à l'écart, mais il est une question que l'honorable M. Lebeau a perdue de vue, c'est la question d'équité, la question de justice. Que ne venait-on dire ce que l'on dit aujourd'hui quand on proposait de reprendre des cours d'eau qui ne rapportaient rien et dont l'entretien et l'amélioration coûtent des sommes considérables, la Dyle, le Demer ? On n'a pas demandé que la province, la commune et les particuliers intervinssent. Cependant le gouvernement a dépensé des sommes considérables, non seulement dans l'intérêt de la navigation, mais dans l'intérêt des riverains.

Il y a une différence fondamentale entre la marche proposée aujourd'hui et celle qui a été suivie de l'aveu de tous les membres de la Chambre, sans qu'une seule voix s'élevât contre la reprise qui a eu lieu en 1840. Mais cette différence est toute à l'avantage des intérêts du trésor qu'on prétend défendre en ce moment. En 1840 on a repris purement et simplement les rivières et on a mis à la charge du trésor les dépenses à faire pour assurer la navigation.

On a également imposé au trésor toutes les dépenses à faire dans l'intérêt des riverains, dépenses très considérables, et rien n'a été réservé quant à la part contributive des riverains, des communes ou de la province.

Les précédents parlementaires ne doivent-ils avoir aucune autorité aux yeux d'un homme d'Etat ? Ils sont ici décisifs, solennels ; chaque fois qu'une reprise a été demandée par un conseil provincial, il a été fait droit à la réclamation. Par là le gouvernement a pris l'engagement moral de céder dans l'avenir aux réclamations de même nature qui lui seraient adressées.

Pour les cours d'eau dont il s'agit, ce sont les conseils provinciaux qui en ont demandé la reprise. J'ai été très ému sans doute de la considération que les intérêts du trésor pourraient souffrir de la reprise de ces cours d'eau, mais à cet égard je ne partage pas les craintes de l'honorable M. Lebeau ; je suis convaincu qu'on peut même être rassuré, puisque le principe est réservé, et il ne dépendra pas du gouvernement que la condition ne soit loyalement et scrupuleusement respectée, lorsqu'il s'agira de maintenir au vote les conséquences restrictives que je lui assigne.

M. Malou. - On vient invoquer ici de grands principes un peu tardivement, ce me semble. Je tiens en main la liste des travaux publics et cours d'eau qui ont été abandonnés aux provinces en venu de l'arrêté du 17 décembre 1819, et je vois qu'on les a tous retirés depuis, à l'exception de ceux dont il s'agit aujourd'hui ; sans demander de concours aux propriétaires intéressés, aux provinces ou aux communes on a fait des dépenses considérables soit au moyen de lois spéciales, soit au moyen des crédits extraordinaires portés au budget.

Aujourd'hui qu'il s'agit de compléter ce qui s'est fait précédemment, pour être juste, on dit à ceux qui sont venus les derniers : La preuve que vous n'avez pas droit c'est que vous n'avez pas réclamé avec succès depuis vingt années. Nous répondons : Si pour obtenir justice nous avons attendu vingt années, on devrait nous tenir compte de ce que nous sommes généreux au point de ne pas demander qu'on reporte la reprise à l'époque où la reprise des autres cours d'eau a eu lieu. Plus une injustice est ancienne, plus il faut se hâter de la réparer.

Il est impossible de ne pas considérer comme l'effet d'un malentendu le vote émis par la Chambre, au sujet du canal de Plasschendaele à la frontière de France. En effet, c'est une ligne de grande navigation internationale. Je laisse de coté des discussions de droit extrêmement savantes sur la différence qu'il peut y avoir entre le domaine de l'Etat et le domaine public. Cela me paraît tout à fait étranger à la question. Le canal de Plasschendalc par Nieuport à Furnes vers la France est une ligne de navigation internationale régulière.

Elle a même une importance telle que les produits des péages, si modestes qu'ils soient, dépassent le montant des dépenses d'entretien. Le fait a été signalé par l'honorable M. Alp. Vandenpeereboom. J'en ai la preuve sous les yeux.

Nous insistons donc pour la reprise du canal de Plasschendaele dans une pensée d'intérêt général. Il y a, dans cette grande ligne de navigation, une partie où l'étiage n'est pas le même que dans les autres parties. Lorsqu'il s'agira de prendre des mesures pour rendre cette partie navigable au même tirant d'eau que les autres, faudra-t-il que la Flandre occidentale fasse seule des dépenses extraordinaires d'approfondissement en vue des intérêts de l'industrie charbonnière du Hainaut, dans le nord de la France ? Evidemment, vous devez avoir égard à la situation de cette voie de navigation ; ce n'est pas l'intérêt de la Flandre occidentale, c'est l'intérêt général qui est en cause.

Telle est la question dégagée des brouillards de droit dont on l'a enveloppée, et réduite à ce qu'elle est réellement : une question de fait, et une question de justice.

M. Orban. - Lorsqu'un ministre forme son budget et surtout lorsqu'il y introduit une dépense nouvelle, il doit préalablement le soumettre à M. le ministre des finances à qui incombe le soin de mettre les dépenses de l'Etat en rapport avec ses ressources. Or, messieurs, le budget primitivement formé par M. le ministre des travaux publics ne renfermait pas la dépense sur laquelle nous sommes appelés à voter, elle y a été introduite postérieurement par la section centrale. Je demande positivement à M. le ministre des finances, ici présent, quel est son avis sur cette dépense nouvelle, et s'il pense que la situation du trésor soit assez favorable pour nous permettre de mettre au budget des dépenses nouvelles qui ne sont pas rigoureusement nécessaires et urgentes.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il est vrai que cet article ne figurait pas au projet de budget, tel qu'il a été soumis au département des finances. Mais il est vrai également que, lorsque la proposition a été faite à la suite de pétitions adressées à la Chambre, et que la section centrale en a été saisie, la question m'a été soumise. Je me suis prononcé très fortement contre la reprise immédiate de ces cours d'eau. Il me semblait qu'une loi préalable devait fixer la part contributive des provinces, des riverains et de l'Etat. A cela, mon collègue a répondu que si le vote de la Chambre devait avoir pour conséquence de mettre à charge de l’Etat les dépenses qui sont maintenant à la charge des provinces et des riverains, il s'y opposerait aussi vigoureusement que moi, mais qu'il serait inséré dans le budget qu en attendant une loi qui réglât la part contributive des provinces, des riverains et de l'Etat, le trésor n'aurait rien à supporter. Si réellement cela se trouve dans le libellé de la loi du budget, si cette réserve est expresse et que la législature la respecte, je dis que la question principale, la seule qui intéresse le trésor, reste sauvegardée jusqu'au moment où une loi spéciale réglera la part contributive de chacun.

Si cette loi, qui doit passer par les conseils provinciaux et être soumise aux inléressés, avait pour but de grever l'Etat de charges qui ne lui appartiennent pas, c'est seulement alors que je prendrais la parole pour combattre le système.

- La discussion est close.

M. le président. - Voici l'état de la question : La section centrale avait proposé un article nouveau. Le gouvernement s'y est rallié avant la discussion. D'après les usages de la Chambre, la proposition de la section centrale doit être assimilée à une proposition du gouvernement. Elle ne serait pas soumise à un second vote si elle n'avait pas été modifiée. Le second vote ne portera donc que sur les modifications adoptées. Je vais metlre aux voix la partie de la proposition qui a été rejetée.

Demande-t-on la division ? (Oui ! oui !)

- La reprise par l'Etat de I'Emblève, et la reprise par l'Etat de la Vesdre sont successivement mises aux voix et rejetées.

Il est procédé au vole par appel nominal sur la reprise par l'Etat du canal de Plasschendaele par Nieuport et Furnes vers la frontière de France.

En voici le résultat :

85 membres prenent pari au vote.

52 votent pour l'adoption.

33 votent le rejet.

En conséquence la Chambre décide que le canal de Plasschendaele et de Nieuport, par Furnes, à la frontière de France, sera repris par l'Etat.

Ont voté l'adoption : MM. Prévinaire, Rodenbach, Rogier, A. Roussel, Ch. Rousselle, Thiéfry, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reetbh A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Visart, Ansiau, Anspach, Clep, Coomans, Coppic-lers, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, Devaux, de Wouters, Dumon, Faignart, Jacques, Lange, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Loos, Malou, Manilius, Matthieu, Moxhon et Osy.

Ont voté le rejet : MM. Thienpont, Tremouroux, Vander Donckt, Van Overloop, Vilain XIIII, Closset, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Renesse, de Steenhault, de T'Serclaes, Dumortier, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Landeloos, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Maertens, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Orban, Pirmez et Delfosse.

M. le président. - Je mets aux voix la disposition suivante :

« De la Lieve. »

- Cette disposition n'est pas adoptée.

« De la Langeleede. »

- Cette disposition n'est pas adoptée.

M. le président. - L'ensemble de l'article est donc ainsi conçu :

« Entretien de l'Yser, de la Grande-Nèthe et du canal de Plasschendaele et de Nieuport, par Furnes, à la frontière de France, dont l'administration est reprise par l'Etat, à dater du 1er janvier 1854 (la part contributive des provinces, des communes et des propriétaires intéressés, dans l'exécution des grands travaux d'amélioration, sera ultérieurement déterminée par une loi) ;: fr. 10,000. »

(page 350) Je demanderai à M. le ministre, si par suite de la modification qui vieut d être introduite, le chiffre ne doit pas être changé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je propose de porter le chiffre à 20,000 fr. Aujourd'hui le canal de Plasschendaele et de Nieuport par Furnes à la frontière de France, entraîne pour frais d'entretien tant ordinaire qu'extraordinaire, nue dépense d'environ 10,000 francs, lesquels 10,000 fr. répondent à une recette supérieure même. »

- Le chiffre de 20,000 fr. est mis aux voix et adopté.

L'ensemble de l'article est adopté.

Autres chapitres

Articles 59 et 82

Les amendements apportés aux articles 59 et 82 sont définitivement adoptés.

Vote de l'article unique et sur l’ensemble du budget

M. le président. - L'article unique du projet de loi contient une disposition nouvelle que la section centrale y a introduite, d'accord avec le gouvernement. Il est ainsi conçu :

« Article unique. Le budget du ministère des travaux publics est fixé, pour l'exercice 1854, à la somme de dix-huit millions cent onze mille quatre cent, soixante-dix-sept francs trente-cinq centimes (fr. 18,111,477-35), conformément au tableau ci-annexé.

« Des traitements ou indemnités pour le personnel de l'administration des chemins de fer ne peuvent être prélevés sur les allocations destinées aux salaires ou à des travaux extraordinaires ou spéciaux.

« Dans le cas d'une réorganisation de l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes, pendant l'année 1854, les crédits qui figurent aux articles 2, 3, 57, 61, 67, 72, 75, 79 et 81, pourront être transférés de l'un de ces articles sur l'autre, selon les besoins du service.

« Il en sera de même des articles 4, 58, 62, 68, 73 et 76. »


L'article unique du projet de loi est mis aux voix par appel nominal.

82 membres sont présents.

81 adoptent.

1 (M. Vander Donckl) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Thiéfry, Thienpont, Tremonroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Anspach, Clep, Closset, Coomans, Coppieters 'T Wallant, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.) de Mérode-Westerloo, de Muelenacre, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portement, Dequesne, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Osy, Pirmez et Delfosse.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je n'ai pas voulu refuser mon vote au budget, mais il m'a été impossible de donner un vote approbatif, parce qu'on accorde des faveurs à quelques provinces au détriment d'autres et qu'on refuse de faire droit aux réclamations fondées de la province que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, par rapport aux canaux la Lieve et la Langeleede, dont M. le ministre avait proposé la reprise par l'Etat.

- M. Vilain XIII remplace M. Delfosse au fauteuil.

Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour l’exercice 1854

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Anoul) présente un projet de loi ayanl pour objet de fixer le contingent de l'armée pour l'exercice 1854.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet, et le renvoie à la section centrale qui a examiné le budget de la guerre.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1854

Discussion générale

M. Van Renynghe. - Messieurs, j'ai voté la nouvelle loi sur l'organisation de l'armée et les dépenses qu'elle devait occasionner. J'étais disposé à continuer à donner mon assentiment à ces dépenses exorbitantes, eu égard aux ressources financières du royaume, aussi longtemps que l'intérêt de notre nationalité l'exigerait et pourvu qu'elles fussent réparties de manière à sauvegarder des droits acquis et à protéger également et équitablement toutes les parties du pays.

Mais quand je vois des villes sacrifiées au nouveau système de défense sans indemnité préalable, ou du moins assurée, et traitées, pour ainsi dire, comme villes conquises, je me trouverai obligé de voter contre ces dépenses, si le gouvernement ne me donne l'assurance formelle qu'il fera droit à de justes, légitimes et irréfutables réclamations.

Je laisserai à d'autres honorables collègues le soin de défendre des localités lésées qui se trouvent en dehors de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ; ils le feront mieux que moi et avec plus de connaissance de cause. Je ne parlerai que de la ville d'Ypres et de son arrondissement qui se trouvent blessés au cœur par les dispositions prises non pas par le pouvoir législatif, mais par le pouvoir exécutif. Je ne discuterai pas la légalité de ces mesures qui, à mon point de vue, ne sont pas faciles à justifier.

Si, dans l'intérêt de notre nationalité, ce dont je doute encore, les fortifications de cette ville devaient être détruites, pourquoi faire plus qu'il ne faut pour la mettre hors d'état de se défendre quand elle se trouverait en possession de l'ennemi ? Pourquoi après avoir démoli tous les moyens de défense ne pas conserver ses portes, des fossés assez larges pour assurer la perception de son octroi et surtout pour lui fournir de l'eau qui est son premier besoin ?

Pourquoi ne pas lui concéder un chemin de ronde pour faciliter cette perception ? Pourquoi, enfin, l'obliger à faire de nouvelles dépenses, après avoir annihilé un capital immense qu'elle a sacrifié dans l'intérêt d'une forte garnison ? Je vous le demande, messieurs, est-ce là de la justice distributive ?

Il est vrai qu'en forme de compensation on a accordé à cette ville deux escadrons de cavalerie. Mais cette compensation est-elle suffisante ? Je n'hésite pas à dire non. Toute minime qu'elle est, la conscevera-t-elle ? C'est encore une question. On a voulu lui donner l'école d'enfants de troupe mais sous la condition qu'elle approprie un de ses bâtiments pour cette école. Condition inacceptable, vu qu'elle entraînerait une dépense de cinquante mille francs, que cette ville ne peut supporter à cause de la position fâcheuse qui est faite à ses finances par le gouvernement.

Messieurs, je crois opportun de faire observer ici que cette ville doit vivre en grande partie de sa garnison et que, jadis si animée, elle menace de devenir une sollitude. Les habitants sont dans la plus vive consternation, et, je dirai plus, ils montrent le plus vif mécontentement.

Une ville, dont les beaux monuments attestent la grandeur de ses ancêtres, a donc le droit et le devoir de protester de toutes ses forces, à la face du pays entier, contre la situation affligeante que le gouvernement veut lui faire. Pour la dédommager des sacrifices qu'elle et ses habitants se sont imposés, il faut plus que des promesses : il faut des faits positifs, efficaces et prompts.

Messieurs, l'expérience a démontré que la ville d'Ypres doit avoir continuellement une garnison assez forte ; et cela dans son intérêt et dans celui de son arrondissement, dont les localités frontières se rappellent avec horreur les calamités que des bandes indisciplinées et barbares, à des époques néfastes que vous connaissez tous, leur ont fait subir. Et lors de la dernière révolution française, qui a empêché l'invasion de cette frontière par l'étranger ? Sans contredit la garnison d'Ypres qui, sur la demande des communes intéressés, a expédié de forts détachements de troupes pour les tranquilliser et au besoin pour les défendre.

Quand même une garnison à Ypres n'aurait que pour but la défense de cette frontière qui, dans les circonstances où nous vivons, pourrait être attaquée inopinément, il faudrait encore la conserver forte et imposante.

Je finis en me référant aux observations qui ont déjà été faites à ce sujet par d'honorables collègues et en déclarant que je n'émettrai pas un vote approbatif, si le gouvernement ne donne des assurances qui me satisfassent.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, il y a quelques jours, à l'occasion d'un transfert au budget de la guerre, j'ai présenté au gouvernement et à la chambre des observations concernant la démolition de certaines forteresses, et les conséquences que cette démolition devait avoir pour les localités qui doivent la subir. L'honorable ministre des affaires étrangères a bien voulu me répondre qu'il ajournait jusqu'au budget de la guerre l'examen des questions de fond qui se rattachaient à cette affaire très importante ; je promis alors de le suivre sur ce terrain, et c'est pour ce motif que j'ai demandé aujourd'hui la parole. Toutefois, messieurs, je pense qu'une discussion approfondie sur ce point serait en ce moment sans objet : d'abord et surtout parce que j'ai appris que le gouvernement s'occupe d'une manière très sérieuse de l'affaire dont il s'agit ; et que probablement à votre rentrée il sera possible au gouvernement de proposer des mesures propres à indemniser jusqu'à un certain point les localités qui souffrent de la démolition de leurs forteresses. Dans cette situation je pense, messieurs, qu'il est inutile de faire perdre à la Chambre un temps précieux.

Je ne ferai en ce moment qu'une seule observation qui n'a pas trait à l'intérêt de la localité que j'ai défendue trop souvent peut-être dans cette enceinte, mais qui touche plutôt à l'intérêt général, c'est-à-dire à l'intérêt du trésor. Je demanderai au gouvernement qu'à l'avenir il veuille bien examiner avec le plus grand soin si le système de démolition qui a été admis doit être poussé plus loin, c'est-à-dire si aux démolitions déjà faites dans plusieurs places, il est indispensable d'ajouter de nouveaux travaux de démolition.

En démolissant certaines places fortes, il est évident que le gouvernement n'a eu, ne peut avoir qu'un but, c'est d'ôter à ces forteresses leur valeur défensive, c'est de faire que ces anciennes forteresses soient dans la même position que les autres villes ouvertes du pays.

Or, messieurs, confiant peu en moi-même, car pour traiter de pareilles matières il faut avoir des connaissances spéciales ; confiant, dis-je, peu en moi-même, j'ai pris l'avis de plusieurs hommes de guerre distingués, et tous m'ont donné l'assurance que dans la situation qui est faite aujourd'hui à certaines forteresses, et particulièrement à celle d'Ypres, cette place surtout n'est plus susceptible d'aucune défense par suite des démolitions déjà effectuées.

En effet, du côté sud de la place d'Ypres, un remblai très considérable sur lequel est assis le chemin de fer, ôte à ce côté de la place toute sa valeur militaire. Du côté de l’ouest a été établie la station du chemin de (page 351) fer. Pour l'établissement de cette station, il a fallu niveler et raser tous les ouvrages de défense extérieure ; en outre on a pratiqué dans le mur d'enceinte une brèche de 80 mètres d'ouverture, et de plus, au milieu de cette brèche, se trouve un batardeau qui livre un passage facile ; ce côté de la place se trouve donc moins susceptible encore de défense.

Enfin, depuis que le gouvernement a adjugé les travaux de démolition, le côté nord-ouest de la place n'est même plus à l'abri d'un coup de main ; car, déjà on a démoli le mur d'enceinte sur une longueur de plus de 1,200 mètres, et les ouvrages extérieurs qui les couvraient sont à la veille d'être entièrement rasés. Ces travaux jusqu'ici ont coûté 224,000 francs à l'Etat. Comme il reste à peu près 3,000 mètres de mur d'enceinte à démolir, il en résulterait, en calculant d'après les mêmes bases, une nouvelle dépense de 560,000 francs ; la dépense totale s'élèverait donc à 780,000 fr.

En faisant ces objections, je ne suis nullement mû par un intérêt de localité. La Chambre pourra comprendre que lorsque dans une petite ville, on exécute des travaux de cette importance, ces travaux ne peuvent qu'être utiles aux habitants de la localité et procurer du travail à la classe ouvrière. Si je fais ces observations, c'est parce qu'à mon avis, il faut examiner sérieusement s'il est tout à fait indispensable de dépenser des sommes aussi considérables.

J'insiste d'autant plus sur ce point que si le gouvernement croyait pouvoir laisser debout une partie des fortifications, on pourrait peut-être employer l'argent qui était consacré à cette dépense, à créer des établissements qu'on pourrait offrir, à titre de compensation, à certaines villes expropriées pour cause d'intérêt national par suite du nouveau système de défense du pays.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, le démantèlement de la place d'Ypres a donné lieu à de nombreuses réclamations de diverses espèces.

Bien que le département de la guerre n'ait pu se placer au même point de vue que l'administration communale de cette ville, il a fait néanmoins tout ce qui était en son pouvoir, pour satisfaire aux vœux qui lui étaient manifestés.

L'administration communale avait demandé d'abord que, pour garantir la perception de l'octroi, on conservât des fossés d'une largeur convenable ; que l'on ménageât les fossés qui fournissent l'eau potable aux habitants, et que l'on assurât l'écoulement des eaux qui descendent des hauteurs du Kemmel.

Sur la communication que lui fit le commandant du génie d'un avant-projet de démantèlement, elle renouvela ses observations, et demanda que l'Etat lui fît remise des terrains nécessaires à l'établissement de chemins de ronde, le long des fossés d'enceinte, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ; et qu'il lui cédât les terrains occupés par les aubettes de l'octroi et les logements des portiers ; en outre, elle exprimait le désir que, pour mieux assurer la perception des octrois communaux, on conservât le mur d'escarpe et le fossé d'enceinte.

L'intérêt militaire s'opposait impérieusement à la réalisation de ce dernier vœu ; mais toutes les propositions de l'administration communale ont été prises en considération et on y a satisfait autant qu'il était possible.

Trois fronts de la place sont actuellement en voie de démolition ou vont être démolis. Les fossés qui s'étendent le long de ces fronts ont un développement total d'environ mille mètres, et ne servent que de fossés d'écoulement. Leur comblement partiel ne peut en aucune manière nuire à l'alimentation de la ville d'Ypres en eau potable. En remblayant ces fossés, on y a néanmoins ménagé des cunettes tant pour l'écoulement des eaux des biefs supérieurs, vers l'Yperlée, que pour assurer la perception de l'octroi. Les cunettes ont trois mètres de largeur au plafond ; elles ont de 4 m. 50 c. à 5 m. 75 c. de profondeur ; leur largeur, au niveau du sol, sera de plus de 13 mètres. Un pareil fossé, où l'on peut tenir constamment assez d'eau pour qu'il ne soit pas guéable, est fort difficile à franchir, et présente à la fraude des obstacles sérieux. Les autres fossés de l'enceinte capitale, qui servent en grande partie de réservoir pour l'alimentation de la ville en eau potable, seront conservés presque en entier. Leur développement est de plus de 3,000 mètres.

Je ne pense donc pas que l'administration communale d'Ypres ait lieu de se plaindre de la manière dont le département de la guerre a accueilli ses observations touchant la garantie de son octroi et le régime de ses eaux.

L'administration de la ville d'Ypres avait demandé qu'on lui fît gratuitement abandon des corps de garde et des logements des portiers. Le département de la guerre s'est empressé d'accéder à sa demande, et la remise de ces locaux est aujourd'hui déjà un fait accompli.

L'administration communale a demandé, en outre, la cession gratuite de terrains nécessaires à l'établissement de chemins de ronde le long de ses fossés d'enceinte. Le département de la guerre ne voit aucun inconvénient à ce que l'administration des domaines lui fasse cette remise, à charge par la ville de démolir, suivant des profits arrêtés par le génie militaire, les ouvrages de fortification qui tomberaient dans les limites des terrains à occuper par les chemins de ronde.

Enfin, l'administration de la ville d'Ypres a fait entendre des plaintes au sujet de la démolition des portes de la ville.

Le département de la guerre s'est empressé de donner des ordres pour faire stater les travaux de démolition, et il a invité l'administration communale à s'entendre avec le commandant du génie, et à arrêter, de commun accord, les changements qu'il pourrait être convenable de faire aux portes de la ville, sans les démolir.

Les plaintes de l'administration communale d'Ypres au sujet de la manière dont s'opère le démantèlement de la place, ne sont donc fondées en aucun point.

Mais il est un autre grief que l'administration communale articule :

Au mois d'octobre 1834, un contrat fut conclu entre le ministre directeur de la guerre et l'administration communale d'Ypres, par lequel cette administration s'engageait à placer dans les casernes les effets de couchage nécessaires au casernement de 1,200 hommes, et le ministre directeur s'engageait, de son côté, à faire payer par les troupes qui occupaient ces objets de couchage, cinq centimes par homme et par jour pour les fournitures complètes, et deux centimes et demi pour les fournitures incomplètes.

Le ministre directeur de la guerre prenait en outre l’engagement de maintenir toujours dans la ville d'Ypres une garnison dont le minimum ne serait pas au-dessous de 700 hommes, sauf le cas éventuel où l'état politique du pays y mettrait obstacle.

La ville d'Ypres se fondant sur ce contrat, et sur ce que l'effectif de sa garnison ne s'élève plus à 700 hommes, prétend que le département de la guerre lui doit une indemnité dé ce chef.

En supposant qne l'obligation contractée, par un ministre de maintenir toujours en garnison dans une ville le même nombre de troupes, puisse lier éternellement l'Etat, ce qui paraît fort douteux, il y aurait encore à examiner si les conditions nouvelles dans lesquelles se trouve l'armée, par suite d'un nouveau système de défense, ne mettent pas obstacle à ce que les forces militaires du pays soient disséminées dans un grand nombre de petites garnisons. La condition résolutoire du contrat de 1834 serait alors accomplie, et l'obligation contractée par le ministre directeur de la guerre, en 1834, serait révoquée de plein droit.

Cependant, le département de la guerre, toujours guidé par le même esprit de bienveillance, est tout disposé à accueillir les propositions acceptables qui pourraient lui être faites par la ville d'Ypres. Il se prêterait, par exemple, à une combinaison qui aurait pour résultat de permettre à cette ville de tirer partie de son matériel de couchage, en remployant dans une autre place de garnison. Mais c'est à l'administration communale à chercher à réaliser cette idée et à faire des propositions à ce sujet.

Le gouvernement est loin de contester que la ville d'Ypres ait éprouvé des dommages par suite du démantèlement de la place et de la diminution de l’effectif de sa garnison, mais le département de la guerre a fait tout ce qu'il pouvait faire, dans le cercle de ses attributions, pour rendre ces dommages moins sensibles. Il a envoyé à Ypres deux escadrons de cavalerie qui n'étaient pas destinés à cette garnison. De plus, il a offert à l'administration communale de faire transférer à Ypres la compagnie d'enfants de troupe, aussitôt que des locaux convenables seraient mis à sa disposition. Il s'est même montré disposé à consacrer à cet usage les bâtiments de l'arsenal qui appartiennent à l'Etat ; mais l'appropriation de ces bâtiments exigeait une dépense de 50,000 à 60,000 fr., et cette dépense ne peut, dans aucun cas, incomber au département de la guerre, donl le budget a pour destination exclusive de pourvoir à l'entretien de nos forces militaires et de nos moyens de défense.

Tout ce que le départemeut de la guerre pouvait faire, c'était de consentir au déplacement de la compagnie d'enfants de troupe, et il y a consenti.

En résumé, c'est à tort que l'administration communale d'Ypres voudrait rendre le département de la guerre responsable de la perte que cette ville peut éprouver.

Lorsqu'une forteresse est démolie ou qu'une place ouverte est convertie en forteresse, c'est parce que les intérêts généraux du pays l'exigent. Tout ce qu'on peut demander, en pareil cas, au département de la guerre, c'est qu'il procède à l'exécution de la manière la moins préjudiciable possible aux intérêts de la localité. Sous ce rapport, j'ai la conviction qu'aucun reproche fondé ne peut être adressé à mon département par la ville d'Ypres.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, mon intention était de demander au gouvernement quelle mesure il comptait prendre au sujet des places fortes démolies l'an dernier avec une précipitation extraordinaire.

Je me rallie donc aux paroles de mon honorable collègue M. Vandenpeerehoom, qui défend des intérêts locaux semblables à ceux que je défends aussi, et j'espère, comme lui, que le gouvernement s'occupe sérieusement de rechercher les justes compensations à offrir aux villes de Philippeville et Marienbourg. Je prierai seulement M. le ministre de la guerre de vouloir bien donner quelques explications à la Chambre. Il n'ignore pas le préjudice qu'a causé à ces villes l'ordre de démolition ; à Philippeville et à Marienbourg, il y a suppression d'octroi et des pertes considérables pour le revenu de ces deux villes et par .uite impossibilité pour l'administration communale d'établir son budget. Le gouvernement connaît la situation fâcheuse qu'il a faite à ces localités, j'attendrai donc, avant de m'étendre davantage sur ce point, les explications que M. le ministre de la guerre voudra bien donner à la Chambre. En me (page 352) répondant M. le ministre n'oubliera pas sans doute que les villes dont je défends la cause ont été sacrifiées à l'intérêt général, et qu'il leur est dû une indemnité comme aux propriétaires expropriés pour cause d'utilité publique.

Différents modes de régler cette indemnité ont été soumis au gouvernement ; pour ne pas abuser des moments de la Chambre je ne veux pas les énumérer ici. Je veux constater seulement que les compensations à donner aux villes frappées par la démolition de leurs fortifications sont toutes trouvées, et que le gouvernement aurait pu ne pas attendre si longtemps pour acquitter une dette contractée par lui.

J'attendrai donc ce que M. le ministre de la guerre voudra bien me faire l'honneur de me répondre.

M. Thiéfry. - Le budget qui nous est soumis n'est que la conséquence delà loi d'organisation votée il y a sept mois. J'ai fait connaître alors les motifs de mon opposition, il serait inopportun de revenir maintenant sur les principes que j'ai défendus.

J'appellerai d'abord l'attention de M. le ministre de la guerre sur quelques objets qui n'ont aucun rapport avec l'organisation, me réservant d'émettre mon opinion sur les augmentations demandées lorsque nous arriverons aux articles.

Quand la Chambre a été saisie du projet de loi ayant pour but de régler les conditions d'admission et d'avancement dans les armes spéciales, la section centrale a fait ressortir la position des gardes du génie qui, par une anomalie difficile à comprendre, ne peuvent participer à la caisse des pensions des veuves et orphelins. M. le ministre de la guerre a répondu qu'il était en instance près du département de la justice, pour les admettre au nombre de ceux qui ont droit à la caisse civile des veuves et orphelins qui est régie par ce département.

La Chambre a voulu attendre le résultat de cette négociation, il paraît qu'elle n'a pu aboutir ; et en effet, c'est au ministère de la guerre lui-même qu'incombe le devoir de comprendre les gardes du génie parmi ceux qui jouissent des avantages de la caisse militaire des veuves et orphelins. Les gardes du génie font partie de l'état-major du génie, ils sont soumis à tous les règlements et à la discipline de l'armée, leurs fonctions sont toutes militaires et souvent très importantes. Ils sont recrutés parmi les sous-officiers du génie. Le sous-officier d'infanterie ou de cavalerie qui passe sous-lieutenant jouit de suite des bénéfices de la caisse des pensions, tandis que celui du génie perd tout à coup ce droit en acceptant la place de garde du génie qu'on lui donne pour le récompenser de ses bons services, et après avoir subi un examen.

On a peine à s'expliquer que, tandis que les employés de toutes les administrations, soit civiles, soit militaires, participent à une caisse des veuves et orphelins, les gardes du génie seuls en sont exclus ; à l'époque où nous vivons, c'est un contre-sens.

Ce n'est certainement pas la crainte d'obérer la caisse militaire qui empêche de faire droit à de justes réclamations puisque cette caisse est dans une situation financière très prospère, et que le nombre des gardes est assez restreint.

Je prie M. le ministre de la guerre de prendre ces observations en sérieuse considération, j'ai confiance dans son équité et j'espère qu'il mettra un terme à l'étal de choses actuel.

Le second point dont je veux m'occuper concerne l'école militaire : aujourd'hui les élèves désignés pour entrer dans les armes spéciales reçoivent leur brevet de sous-lieutenant, après avoir subi les examens pour entrer à l'école d'applicalion ; il en résulte qu'au lieu de la solde d'élève ils touchent celle de sous-lieutenant pendant les deux années qu'ils passent encore à l'école. Ils ont par conséquent la solde d'un grade dont ils ne remplissent pas les fonctions. La commission mixte a reconnu, à l'unanimité, que le grade de sous-lieutenant ne devait être conféré qu'après les examens de la dernière année d'étude. Je prie M. le ministre, sans donner à la mesure aucun effet rétroactif, de mettre ce principe à exécution. C'est une économie que tout le monde approuvera : ces jeunes gens sont déjà très heureux d'obtenir, au bout de 4 ans, un grade dont on ne peut les priver, et qui leur donne des appointements de 2,100 à 2,500 fr., tandis qu'une infinité d'autres, ne manquant pas d'instruction, restent pendant de longues années dans des ministères et ailleurs avec des appointements infiniment moindres.

Je présenterai aussi une observation concernant les médicaments : on retient de ce chef 1/2 pour cent sur la solde des officiers en activité et sur les pensions des officiers retraités qui veulent obtenir les médicaments des pharmacies de l'armée : cela produit d'une part 42,000 fr. et de l'autre 3,300 ; ou, à peu de chose près, ce que coûtent les médicaments fournîis à toute l'armée. Il est par conséquent évident que ces retenues sont trop fortes.

Dans le sein de la commission mixte, j'ai proposé, à titre de compensation, d'accorder les médicaments aux officiers pensionnés sans les leur faire payer.

Cette proposition a été reconnue équitable, et elle a été admise pour tous les pensionnés résidant dans une ville de garnison. Je demanderai à M. le ministre de la guerre s'il y donnera suite : car de deux choses l'une, ou il faut diminuer la retenue sur la solde des officiers en activité, ou la supprimer alors que le militaire, mis à la pension, est obligé de s'imposer des privations ; et en effet, il n'est pas juste que la solde et la pension des officiers servent à acheter des médicaments dout les soldats ont besoin et auxquels l'Etat doit pourvoir.

Je ferai maintenant quelques observations sur l'ensemble du budget : je ne comprends pas comment M. le ministre de la guerre n'a pas présenté un budget tout à fait semblable à celui de l'an dernier, en y ajoutant seulement les sommes nécessaires pour le pain, les fourrages, l'école militaire et les sous-officiers ; il n'aurait alors donné lieu à aucune discussion. M. le ministre n'ignore pas sous quelles influences la loi d'organisation a été votée ; il sait que l'opposition a trouvé le chiffre du budget trop élevé ; et c'est dans l'année même où le déficit du trésor est considérablement augmenté, bien qu'on nous eût flattés de belles espérances, c'est quand on vient de dépenser en un an 37,700,000 fr. pour l'armée, c'est dans ce moment, dis-je, que l'on vient réclamer des augmentations pour accorder des faveurs non motivées à des généraux et à quelques autres officiers. On demande :

6,726 fr. pour augmenter la solde des deux lieutenants généraux de la réserve.

1,990 fr. pour supplément au général-major commandant la division de grosse cavalerie.

1,200 fr. pour frais de bureau au général présidant le comité du corps d'état-major.

6,169 fr. pour augmentation de traitements pour deux pharmaciens de première classe et deux pharmaciens de deuxième classe.

5,475 fr. pour des chevaux à accorder aux médecins principaux et aux médecins de garnison.

1,800 fr. pour indemnités permanentes aux officiers de l'école des enfants de troupe.

29,656 fr. 25 c. pour chevaux à accorder aux médecins de régiment et de bataillon dans l'infanterie.

3,134 fr. pour augmentation du nombre des capitaines de première classe dans la cavalerie.

912 fr. 50 c. pour chevaux aux médecins de régiment et de bataillon dans le génie.

21,541 fr. pour augmentation du nombre d'officiers dans le cadre de non-activité.

Il faut ajouter 7,208 fr. 75 c. pour augmentation des fourrages des médecins, attendu que la ration n'a été calculée qu'à 1 fr.25 et qu'elle sera en 1854 de 1 fr. 50 au moins. (Elle sera de 1 fr. 60 pour le premier trimestre.)

Les chiffres, il est vrai, ne sont pas très importants ; mais leurs destinations feraient croire que c'est un opposant au budget de la guerre qui a formulé les articles ; on ne saurait, en effet, fournir à l'opposition des motifs plus réels de se plaindre des prodigalités ; plus tard on les confondra avec les dépenses nécessaires et l'on aura ainsi hâté l'instant où tout le pays s'écriera de nouveau :il faut des économies sur le budget de la guerre !

Ces augmentations, comme je viens de le dire, ne forment pas un chiffre bien élevé ; il est de 85,812 fr. et pour l'obtenir facilement, on a présenté un budget dont le total est le même que celui de l'an dernier : voici, entre autres moyens, comment on rétablit la balance ; d'abord on diminue 48,812 par l'augmentation des hommes à envoyer en congé ; comme il y a déjà une réduction de ce chef de 70,918 fr., c'est un total de 119,730 fr. qu'il faudra épargner en envoyant des hommes en permission. Puis à l'article 25, on diminue les fourrages de 15,000 fr. par « une réduction plus élevée des chevaux manquants ». Les renseignements réclamés par la section centrale ont un peu modifié cette réduction de 15,000 fr. qui est changée maintenant en une augmentation de 500,000 fr. pour dix mois.

Ce n'est pas, du reste, sur la somme elle-même que j'appelle l'attention de la Chambre, c'est sur les moyens employés pour faire ces économies dont l’emploi est indiqué.

Je ne veux pas supprimer les petites permissions, je cherche seulement à empêcher l'abus : car le grand nombre de soldats envoyés en congé et ces vides laissés dans la cavalerie par le manque de chevaux diminuent la consistance de l'armée : ce sont ces mêmes mesures poussées à l'extrême qui l'ont déjà considérablement affaiblie ; tous les militaires sont unanimement d'accord pour le reconnaître ; et c'est le ministre qui aujourd'hui vient faire le premier pas vers une mesure qui a désorganisé l'armée !... J'avais prévu qu'on en arriverait un jour à ces déplorables moyens, cependant je n'aurais jamais pensé que l'exemple en eût été donné par le département de la guerre et cela dans le seul but d'augmenter les traitements des généraux et de quelques autres officiers.

Pour éviter que le mal que j'indique ne prenne trop d'extension, j'avais présenté un amendement qui, communiqué d'abord aux honorables ministres et aux commissaires du Roi, avait été accueilli très favorablement par ces messieurs ; mais lors de la discussion il a été complètement abandonné par M. le ministre de la guerre et par deux commissaires du Roi ; aucun d'eux n'a pris la parole pour le défendre, et je ne crains pas de le dire, ils ont, dans cette circonstance, méconnu les vrais intérêts de l'armée, et il viendra un jour où l'année elle-même le leur reprochera.

J'ai lu avec peine la note remise par M. le ministre de la guerre et insérée à la page 18 du rapport de la section centrale ; elle concerne les chevaux vendus pour réforme.

On achète des chevaux qui ont de 4 à 6 ans au plus ; après 8 ans de service ils sont en général peu propres à faire campagne et je vois que dans le courant de l'année 1853 on a vendu 221 chevaux de 15 à 27 ans.

J'ai toujours eu beaucoup de respect pour les vieux soldats, mais peu (page 353) de sympathie pour les vieux chevaux ; et je demande que l’on ne transforme plus les écuries de la troupe en hôtel des invalides. On ne doit conserver que des chevaux propres à faire la guerre.

Il m'est impossible de terminer ce que j'ai à dire dans la discussion générale, sans exprimer mon opinion sur les suites funestes du départ de la troupe campée à Beverloo, d'autant plus qu'elles sont la cause réelle de la proposition qui nous est faite, de donner des chevaux à tous les officiers de santé de l'armée, comme si, en supposant même que les médecins eussent été tous à cheval, ils auraient pu ou prévenir ou amoindrir les effets de cette catastrophe. Il n'était pas en leur pouvoir de maîtriser la température. Si les malheurs qui ont eu lieu en juillet dernier devaient faire surgir une mesure nouvelle, ce n'était pas à celle qui nous est proposée que nous devions nous attendre. Pour empêcher de semblables calamités, il faut un ordre, un ordre formel de ne plus faire marcher la troupe pendant des chaleurs de 28 à 30 degrés. Jamais on ne la met en marche par une température aussi élevée. On a seulement songé à faire arriver les régiments à Hasselt, juste à temps pour prendre les convois du chemin de fer ; tandis qu'ils auraient dû partir du camp à 2 ou 3 heures du matin ; ils se seraient reposés à Hasselt où il sauraient attendu leur tour pour monter dans les voitures qui devaient les conduire dans leurs garnisons respectives. Aussi toute la responsabilité des malheurs que nous déplorons retombe-t-elle sur l'officier qui a donné l'ordre du départ.

M. Lelièvre. - La discussion du budget de la guerre me donne l'occasion d'appeler de nouveau l'attention du gouvernement sur un objet qui a été agité récemment par suite d'une interpellation de l'honorable M. Osy ; je veux parler des servitudes militaires dont sont frappées les propriétés situées dans le rayon réservé des forteresses. Il y a la plus grande urgence à régler cette matière importante et à modifier les lois existantes qui sont surannées et ne sont plus en harmonie avec les nécessités locales.

A cette occasion il n'est pas inutile de rappeler que les règles relatives à la conservation des fortifications et des terrains militaires doivent faire l'objet d'un examen attentif de la part du gouvernement, parce qu'elles ont une relation intime avec le nouveau Code forestier qui est sur le point d'être voté.

Aux termes de l'article premier de la loi du 29 mars 1806, « les lois qui ont pour but la conservation des domaines nationaux, des eaux et forêts, édifices et établissements publics, sont applicables à la conservation des fortifications et de leurs dépendances, des casernes, hôpitaux, magasins, arsenaux et en général de tout ce qui constitue le domaine militaire de l'Etat dans les places de guerre et les garnisons de l'intérieur. »

La législation relative aux forêts étant modifiée, il s'agira de savoir si les délits de pâturage et autres commis sur les terrains des fortifications devront être réprimés conformément à la loi nouvelle ou s'ils continueront d'être punis conformément aux lois anciennes.

Il est donc évident que cette considération doit encore engager le gouvernement à réviser la loi de 1791, le décret de 1811 et l’arrêté-loi de 1815 sur les terrains militaires, et qu'il est essentiel d'établir des règles précises sur une matière qui exige de nouvelles dispositions. Ne perdons pas de vue qu'aujourd'hui il n'est pas même permis de faire des plantations dans un territoire très étendu, là où le gouvernement n'a pas craint de construire des stations et des édifices très élevés.

Je crois devoir encore signaler au gouvernement la nécessite de réviser notre législation militaire en ce qui concerne le Code pénal et le Code d'instruction criminelle. Notre législation, d'origine étrangère, puisqu'elle nous est venue de la Hollande, n'a plus rien de commun avec nos mœurs, et elle est dénuée des garanties tutélaires, protectrices de l'honneur et de la liberté des individus appartenant à l'armée.

D'un autre côté, l'expérience a démontré que notre législation concernant la position des officiers et le grade dont ils jouissent doit nécessairement être révisée, parce qu'elle ne protège pas suffisamment une position légitimement acquise, qui est livrée à l'arbitraire, sans garanties sérieuses. Il n'est pas possible de maintenir dans cette situation des hommes qui ont acquis leur grade au prix des plus pénibles sacrifices.

Enfin, messieurs, j'appellerai l'attention du gouvernement sur la position des médecins militaires qui doit certainement, en bonne justice, être améliorée.

Il en est de même des gardes du génie qu'on n'admet pas même à concourir à la caisse des veuves et orphelins et dont la position n'est pas tolérable. Déjà en 1845, la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant l'organisation de l'armée, avait appelé à cet égard l'attention du gouvernement.

J'engage ce dernier à examiner sérieusement les diverses questions que je viens de signaler et qui prouvent que M. le ministre de la guerre pourrait réaliser, dans son administration, des améliorations importantes qui lui mériteraient la gratitude du pays et des véritables amis des libertés publiques.

M. Vander Donckt. - Messieurs, depuis que j'ai l'honneur de faire partie de cette assemblée, j'ai constamment remarqué que chaque membre de la Chambre plaide ici pour sa localité, et que trop souvent il se pose en Cicero pro domo sua. On sacrifie l'intérêt général à l'intérêt de localité. On ne cesse de réclamer des faveurs de l'Etat, chacun pour sa ville, pour son arrondissement, pour sa province, et le tout au détriment du trésor.

En ce qui concerne les fortifications, quand il s'est agi de fortifier certaines villes, chacune de ces villes s'est plainte amèrement, au point que les habitants menaçaient de quitter la localité, parce que, disait-on, comme ville fortifiée, elle était exposée à des dangers immenses. Cette faveur, car c'en était une, a été reçue avec défaveur par ces localités. Maintenant que par des motifs de haute politique il s'agit de démolir ces fortifications, on vient faire valoir contre cette démolition toute espèce de griefs, on vient se lamenter sur la perte des garnisons, qui faisaient vivre ces villes en grande partie. C'est ainsi que l'honorable M. de Baillet-Latour a plaidé dans une séance précédente la cause de Philippeville et de Marienbourg ; c'est ainsi que l'honorable M. A. Vandenpeereboom vient réclamer aujourd'hui pour la ville d'Ypres. Jadis on a reçu ces faveurs sans aucune espèce de reconnaissance, et aujourd'hui qu'on veut leur retirer ces avantages, ils sont devenus des faveurs.

Maintenant, si je comparais les villes qui jouissent des avantages d'une garnison aux populations agricoles qui ne jouissent d'ancun de ces avantages si largement accordés aux villes, n'auraient-elles pas droit de réclamer à leur tour des indemnités ? Ce n'est donc pas assez pour ces villes d'avoir profité si longtemps de ces avantages, et de quel chef auraient elles droit à des indemnités pour rentrer dans le droit commun ?

Je dis donc que quand le gouvernement accorde une garnison aux villes il leur accorde des avantages, et que quand par des motifs de haute politique il les leur retire, il n'est tenu à aucune indemnité de ce chef.

Et les campagnes seraient tout aussi fondées à réclamer des indemnités en compensation des avantages dont les villes jouissent.

Je ne disconviens pas qu'on ne puisse accorder aux villes démantelées quelque avantage, qui ne charge pas le trésor, ainsi on peut leur conserver des écoles, quelques pans de mur, des fossés, etc., pour leur faciliter la perception des droits d'octroi ; mais on est allé jusqu'à réclamer les terrains des fortifications et des indemnités pécuniaires ; cela est-il raisonnable ?

Je m'y oppose de toutes mes forces, je m'y oppose au nom des trois quarts des Belges qui sont des populations agricoles ne jouissant d'aucun de ces avantages dont les villes jouissent gratuitement et en si grand nombre ; j'en conclus que le gouvernement ne peut pas sans injustice avantager une localité aux dépens du trésor public et au détriment de la généralité.

M. de Perceval. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu M. le ministre de la guerre déclarer que pour calmer les susceptibilités de l'administration communale d'Ypres et pour rendre à cette ville son ancienne splendeur, il se proposait d'enlever à la ville de Lierre l'école des enfants de troupe et de la placer à Ypres. J'espère que ce projet, très malencontreux sous bien des rapports, ne recevra pas son exécution. M. le ministre de la guerre ne peut perdre de vue que la ville de Lierre s'est imposé des sacrifices considérables pour posséder cette école. Je trouverais assez étrange, du reste, et très préjudiciable aux intérêts du pays, la mise en pratique d'un système qui consisterait à ruiner une ville pour enrichir une autre.

Ce serait là, de la part du gouvernement, une conduite très blâmable, et contre laquelle je dois m'élever de toutes mes forces. L'école des enfants de troupe se trouve à Lierre depuis un grand nombre d'années ; M. le ministre n'a pas à se plaindre, je pense, des rapports que son département a eus à différentes reprises, pour cet établissement militaire, avec l'administration communale de cette ville ; aussi j'aime à croire qu'après mûre réflexion, il abandonnera cette translation.

Puisque j'ai la parole, j'appellerai également l'attention de M. le ministre de la guerre sur la position anormale dans laquelle se trouvent les gardes du génie.

Il n'est pas d'agents plus utiles à notre armée, et cependant il n'y en a point au département de la guerre dont la position soit plus illogique, plus précaire même, et dont les services soient moins appréciés depuis bientôt seize ans.

Depuis l'année 1838 jusqu'à ce jour, les officiers supérieurs dans l'arme du génie, tels que MM. Jolly, Cordemans, Dutillœul, Goblet, de Puydt, Bosch, Dandelin, Mockel, Weiler et Leclercq, n'ont cessé de réclamer l'amélioration du sort des gardes du génie, sous le rapport de l'augmentation de leur traitement et de leur admission à la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée.

En soumettant aux ministres de la guerre qui se sont succédé depuis cette époque des propositions formelles dans ce but, tous ont insisté vivement pour qu'une décision confoime à la justice et au bon droit, fût enfin prise en faveur de cette classe d'agents si honorables et dignes à tant d'égards de la sollicitude de la législature.

Il importe que le gouvernement agisse le plus tôt possible pour régulariser la position des gardes du génie, et j'engage M. le ministre de la guerre à prendre une décision à ce sujet dans un bref délai.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Je demande la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. de Perceval.

Ce n'est pas uniquement pour être agréable à la ville d'Ypres que l'école des enfants de troupe devait y être transférée ; telle n'a pas été ma pensée. La ville de Lierre, par sa situation à proximité d'Anvers, est convenable pour recevoir plusieurs dépôts, et c'est au point de vue des convenances militaires seulement que ce changement était projeté.

Par cette combinaison, la ville de Lierre devrait se considérer comme dédommagée, si le transfert de l'école a lieu.

(page 354) M. Malou. - Messieurs, je ne prolongerai pas beaucoup ce débat. Quand l'honorable M. Vander Donckt s'oppose à ce qu'on donne des indemnités aux villes dont on démolit les fortifications, il perd de vue que ces villes ont fait des sacrifices considérables à la demande du gouvernement. Il y a un véritable contrat de droit civil, quand on entraîne une localité d'une population de 14 mille âmes, à dépenser une somme de 500,000 à 600,000 francs dans un intérêt militaire et qu'ensuite, par un changement de système de défense, on lui retire ce qui était pour elle la compensation d'une dépense aussi considérable.

Je ne dirai pas que c'est une question de droit strict, mais du moins de rigoureuse équité de faire tout ce qui est possible pour réparer un tort aussi considérable.

Si le système de défense que nous possédions nous est enlevé par le département de la guerre, nous n'avons rien à dire contre sa décision, mais nous avons le droit d'insister pour obtenir une compensation, quand il a poussé des communes à faire des dépenses qui ont obéré leur situation financière.

Nous ne demandons pas qu'on nous indemnise pécuniairement, mais nous demandons qu'on nous accorde les compensations matérielles qu'il est possible d'accorder ; nous demandons, par exemple, qu'on ne démolisse pas au-delà de ce qu'il est nécessaire de démolir pour mettre la place hors d'état d'être défendue, qu'on laisse debout les fortifications qui peuvent être utilisées par les habitants, par la ville sans compromettre les intérêts du pays.

Ainsi, quand on a détruit l'enceinte générale dans la moitié de son étendue, on a détruit la ville comme place fortifiée ; nous demandons pourquoi on démolit le reste de l'enceinte alors qu'il n'y a aucun motif pour aller plus loin. Je ne conçois pas qu'on dépense 300 à 400 mille francs pour jeter bas les murs principaux qui sont aujourd'ui d'une grande utilité pour les habitants. Je demande qu'on s'abstienne de dépenser de l'argent à des travaux préjudiciables et aux intérêts généraux et aux intérêts des localités ; je demande qu'on ne fasse pas, sous prétexte de redressement de routes, des routes plus tortueuses que les précédentes.

Dans l'intérêt de la défense de la place on comprenait qu'on fît pour y arriver des routes décrivant des courbes ; mais on ne comprend pas que sous prétexte de les redresser on veuille les remplacer par d'autres décrivant des courbes plus fortes qu'on ne peut expliquer que par l'horreur de la ligne droite dont le génie militaire paraît possédé. Je demande qu'on continue à nous laisser passer par les routes par lesquelles ont passé nos pères, car je ne crains rien plus que les redressements du génie militaire.

Quant à la prétendue compensation qu'on nous offre, permettez-moi de le dire, elle est dérisoire, car la clause qu'on y met est plus onéreuse que la compensation offerte ne peut-être productive. Le génie militaire propose d'abandonner à la ville une partie du terrain des fortifications, à la condition de le niveler.

Mais quand on aura nivelé ce terrain, on aura dépensé quatre ou cinq fois ce qu'il vaut. Il faudrait dépenser quatre ou cinq fois la valeur de la donation pour accomplir la condition mise à l'offre qu'on veut bien nous faire. Dans ces termes, il est évident que nous ne pouvons pas la considérer comme une compensation.

Une autre qui n'est pas plus sérieuse, c'est l'offre de l'école des enfants de troupe à la condition de faire pour l'installer une dépense de beaucoup supérieure à ce qu'elle rapportera ; on a dépensé 500 à 600 mille francs pour avoir une garnison, et ensuite on l'a retirée ; si maintenant on dépense 60 mille francs pour l'installation de l'école des enfants de troupe et que dans quelques années on nous la retire, je ne vois pas ce que nous y aurons gagné.

Je comprends la compensation en ce sens qu'on ne nous engage pas dans des dépenses nouvelles.

D'après les explications qui ont été données, on paraît disposé à faire droit aux réclamations que la ville d'Ypies a adressées au gouvernement.

En présence de ces dispositions je n'insisterai pas davantage.

M. de Haerne. - Messieurs, il y a des questions de justice, de moralité et d'intérêt général qui se rattachent au point qui est en discussion ; c'est sur ce terrain que je compte me placer si la chambre veut bien m'accorder quelques instants de bienveillante attention.

J'applaudis aux sentiments très justes qui ont été exprimés par l'honorable député d'Audenarde ; comme lui, je pense que nous devons faire dominer l'intérêt général sur les intérêts particuliers, mais il devrait considérer que certaines questions d'intérêt particulier constituent des droits acquis et que la justice doit nous guider avant tout, comme l'honorable M. Malou vient de le dire.

Je demanderai à l'honorable membre ce qu'il dirait si on lui enlevait l'atelier érigé avec les secours du gouvernement, et qu'il dirige avec tant d'intelligence à Cruyshautem, pour le transporter dans un autre endroit.

Il dirait qu'il y a droit acquis pour la localité qui le possède et il aurait raison. Eh bien, la question qui nous occupe en ce moment est la même au point de vue de l'équité.

Je crois que M. Vander Donckt voudra bien nous comprendre. Il s'agit moins ici de provoquer de nouvelles dépenses que d'invoquer et de faire valoir la justice.

Elle doit prévaloir alors même qu'elle exige quelques sacrifices.

Il y a des considérations d'humanité et de morale qui se rattachent à la question militaire ; c'est pour ce motif surtout que j'ai pris la parole. Ainsi, dans notre arrondissement, en 1848, nous avons été exposés à de graves dangers de la part de masses d'ouvriers qui venaient inopinément de la France. Dans des moments pareils, dans des moments aussi critiques, une faible garnison placée dans certains centres de population industrielle suffit pour prévenir des malheurs. Je sais que quand il y a des troubles, on peut, avec des baïonnettes, rétablir la tranquillité. Mais l'intimidation préventive exercée par une garnison, même très faible, produit plus d'effet sur l'esprit de la population que des forces considérables déployées après coup et lorsque la tranquillité est troublée.

L'humanité, d'ailleurs, s'oppose à l'emploi de la force armée lorsqu'on peut s'en passer. Voilà pourquoi l'on a intérêt à conserver les garnisons. Voilà pourquoi nous les croyons utiles surtout dans certaines villes frontières telles que Menin, qui, en cas de crise industrielle ou autre, pourrait être exposée en dix minutes à des dangers sérieux de la part de la classe ouvrière qu'on lui enverrait d'Halluin et des environs.

J'ajouterai qu'une petite ville offre des avantages au point de vue moral pour la surveillance à exercer sur la troupe par l'autorité militaire.

Pour ces motifs nous réclamons le maintien des garnisons, surtout dans les villes les plus menacées eu temps de crise.

Il a été question d'accorder des compensations aux villes qui ont été privées de leurs fortifications ou de leurs garnisons. D'un autre côté, on parle de vendre certains bâtiments militaires. C'est sur ce point que j'appelle l'attention du gouvernement. Je crois que dans certains cas il y aurait danger à vendre ces bâtiments. Ainsi à Menin les casernes sont des constructions peu propres à établir des habitations saines et aérées. Si elles étaient mises en vente, elles ne pourraient être occupées que par la classe pauvre et donneraient lieu à cette triste spéculation que vous connaissez et qui consiste, de la part des uns, à se défaire du pauvres qui leur sont à charge, de la part d'autres à les entasser dans des bouges où souvent la santé et la morale sont en danger. Cela tournerait au détriment des pauvres d'abord, de la ville ensuite ; on attirerait par là une population indigente, qui finirait par tomber à charge de la ville dont je viens de parler et qui n'a déjà eu que trop de pertes à subir.

De cette manière, non seulement vous auriez privé la ville d'un avantage dont elle a joui jusqu'à présent ; mais encore vous lui auriez imposé une très grande charge.

Je désirerais, dans tous les cas, que le gouvernement cédât aux villes les locaux dont il pourra disposer ; elles y donneront une destination industrielle ou autre, dans l'intérêt bien entendu de la localité.

Je crois que M. le ministre des finances a l'intention de présenter un projet de loi relatif à cette matière. Je réserve pour cette occasion ou pour une autre mes observations ultérieures.

S'il n'y voit pas d'inconvénient, je le prierai de s'expliquer sur ce point dès aujourd'hui.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il est vrai qu'à la rentrée, de la Chambre, je présenterai un projet de loi sur cette matière. Mais il était impossible d'y mettre la dernière main avant de connaître les demandes des villes, qui variaient de localité à localité.

Si je suis d'avis qu'il eût été préférable pour ces villes de n'avoir jamais eu de fortifications, je pense d'un autre côté que maintenant qu'elles en ont eu, c'est une crise pour elles de les perdre.

Il y a une question d'humanité et une question d'équité ; le gouvernement s'en occupe. La dernière demande est arrivée hier ; elle émane d'une ville qui a varié vingt fois avant de savoir à quoi elle s'arrêterait.

Il n'y a pas de quoi se préoccuper quant à la dépense ; car beaucoup de ces bâtiments, vendus en vente publique, ne produiraient presque rien ; on pourrait les céder aux villes qui voudraient les prendre à bail emphytéotique, à charge de les rendre à leur destination, si cela était nécessaire. ; il est à remarquer, en effet, que souvent une ville ouverte redevient ville forte. Il est telle ville qui a été démantelée quatre fois, et dont 4 fois les fortifications ont été relevées. Il est donc désirable que ces bâtiments militaires puissent retourner à leur destination s'il était indispensable de mettre de nouveau une garnison dans ces villes.

En un mot, il y a quelque chose à faire.

La Chambre, à sa rentrée, sera saisie d'un projet de loi.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.