(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 311) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Guillaume Heynen, né et demeurant à Fouron-le-Comte, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Pierre-Arnould Martens, commis agréé attaché au bureau des contributions à Jodoigne, né à Rotterdam (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dekersmaker, ancien officier, prie la chambre d'apporter à la loi sur les pensions militaires une modification en faveur des officiers entrés au service en 1830, à un âge trop avancé pour acquérir 40 années d'activité, et demande la révision de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des cultivateurs et propriétaires de Brecht demandent une loi qui déclare non-imposables les engrais et notamment les vidanges. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Braine l'Alleud demandent la révision de la loi sur l'expulsion des locataires. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal et des habitants d'Assenois prient la Chambre de rapporter les dispositions de la loi sur le défrichement des terrains incultes, qui s'appliquent aux vaines pâtures de l'Ardenne Luxembourgeoise. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de l'arrondissement d'Anvers demandent que le projet de loi sur le notariat contienne une disposition établissant une incompatibilité entre les fonctions de notaire et celles de bourgmestre. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestres de Ternath, Bodeghem Saint-Martin, Belegbem, Wambeek, Dilbeek, Zellick, Liedekerke, Assche, Cappelle-Saint-Ulric, Beckerzeel, Grand Bigard, Lombeek-Sainte-Catherine, Berchem-Sainte-Agathe, Jette-Saint-Pierre, Anderlecht, Gansboren, Koekelberg, Laeken et Molenbeek-Saint-Jean, prient la Chambre de mettre à la disposition du gouvernement la somme nécessaire pour venir au secours de ceux de leurs administrés dont les récoltes ont été ravagées par la grêle, le 9 juillet dernier. »
- Même renvoi.
« Le sieur Pelemans demande que la pension des décorés de la croix de fer soit portée à 250 francs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Le sieur Pierriard prie la Chambre de réduire l'allocation demandée pour frais de publication par l'Académie royale des sciences, lettres et arts, et de réclamer une liste des questions adressées à l'Académie qui sont restées sans réponse. i
- Même décision.
« Le sieur Pasque présente des observations à l'appui de sa demande tendant à faire porter à 250 fr. la pension qui est accordée aux blessés de septembre, décorés de la croix de fer. »
- Même décision.
« Le sieur Mourant prie la chambre de décider que, chaque année, des récompenses honorifiques semblables à celles qni sont accordées en cas de sauvetage ou d'incendie, seront décernées par le gouvernement aux personnes que l'administration communale aura signalées comme s'étant distinguées par leur bienfaisance et leur philanthropie. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Warocqué, président du comité central des houillères belges, transmet 110 exemplaires des observations de ce comité contre l’abaissement des droits sur les houilles anglaises. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à la libre entrée des houilles, distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Vermeire. - J'ai l'honneur de déposer la rédaction demandée à la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif aux brevets d'invention, des dernières dispositions de ce projet dont la chambre a adopté les bases.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution et met la discussion de ces dispositions à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, en exécution de la loi sur renseignement supérieur, j'ai l'honneur de déposer le rapport triennal relatif à l’instruction supérieure. Je prie la Chambre de bien vouloir, conformément à la loi, en ordonner l’impression.
- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce rapport ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, dans la séance de samedi dernier, l'honorable M. de Man a entretenu la Chambre de quelques faits dont quelques-uns l’avaient déjà occupé dans une session antérieure.
L'un de ces faits a rapport à des constructions qui auraient, dit-on, été très irrégulièrement faites et qui, d'après l'honorable M. de Man, auraient constitué l'Etat en perte. L'année dernière, dans le cours de la discussion du budget des travaux publics, l'honorable baron Osy avait signalé ce fait à l'attention de la Chambre. Voici en quels termes il s'exprimait dans la séance du 21 janvier 1853 :
« Il y a quelques années, l'honorable M. de Man nous a rendu le service de nous signaler que lors de la construction du canal de la Campine, on avait construit, à l'insu du gouvernement, plusieurs pavillons pour un ingénieur, et il paraît que, depuis lors, ces pavillons ont été vendus, et alors on a trouvé que le premier étage appartenait au gouvernement et le second à l'ingénieur. On n'a jamais vu pareille chose dans un gouvernement. »
Lorsque l'honorable M. Osy a signalé ce fait à l'attention de la Chambre, j'ai demandé à cette époque, c'est-à-dire au mois de février 1853, un rapport spécial sur cet objet. Si je n'en ai plus entretenu la Chambre, c'est que le budget des travaux publics a été voté et que j'ai cru parfaitement inutile de faire de ce fait l'objet d'un incident spécial.
Voici, messieurs, les renseignements qui m'ont été fournis à cette époque.
D'abord il n'est pas exact que ces constructions aient été élevées à l'insu du gouvernement.
« Rien n'a été fait à l'insu du gouvernement, pas plus pour l'exécution des travaux que pour la construction des pavillons dont il est ici question. Le cahier des charges qui a régi l’entreprise des travaux d'établissement de la première section du canal de la Campine, déterminait que l’entrepreneur construirait trois baraques en charpente, pour le logement des fonctionnaires attachés à la direction des travaux.
« Une baraque à été élevée à Bocholt, elle a été occupée par un conducteur ; une autre, construite à la Pierre-Bleue, a été utilisée au logement d'un autre conducteur. La troisième, celle de Lommel, était habitée par un ingénieur en service. »
Ces constructions étaient nécessaires, et le gouvernement les avait fait comprendre, comme je viens de le dire, dans le cahier des charges approuvé par le ministre des travaux publics.
La deuxième affirmation, qu'il y aurait eu plusieurs étages, que l'un appartenait au gouvernement et l'autre à l'ingénieur, est encore inexacte, attendu que ces baraques n'avaient pas d'étages, elles ne formaient qu'un simple rez-de-chaussée.
« Le premier étage de ces pavillons ne pouvait appartenir au gouvernement et le second étage à l'ingénieur, par le motif bien simple que ces pavillons ne comprenaient ni premier ni deuxième étage. Ces baraques, élevées complètement en charpente ne formaient qu'un rez-de-chaussée, avec toiture et n'avaient pas même de mansardes. »
Un dernier fait signalé par l'honorable M. de Man est celui qui se rapporte à la destruction d'un déversoir qui aurait donné lieu, d'après l'honorable membre, à des indemnités très considérables à allouer aux propriétaires dont les terrains auraient été envahis par les eaux.
Quant à ce fait, voici ce que je lis dans un rapport spécial qui m'a été transmis à ce sujet :
« Quant au fait spécial, celui concernant la destruction d'un déversoir dont M. de Man a fait mention, les rapports de M. l'ingénieur en chef d'Anvers, qui a ce déversoir dans ses attributions, font connaître que cet ouvrage d'art a été emporté par le fait des irrigateurs qui avaient ouvert les prises d'eau de manière à amener au déversoir dont il s'agit un volume d'eau beaucoup plus considérable que celui auquel il pouvait livrer passage.
« M. l'ingénieur en chef du Limbourg a pensé au contraire que c'est à l'existence de poutrelles placées en travers du déversoir que l'on doit attribuer sa destruction.
« Quoi qu'il en soit, il est à remarquer que la construction de l'embranchement du canal à diriger vers Hasselt, nécessitant la démolition et la reconstruction sur un autre point du déversoir mentionné ci-dessus, le département a déjà fait reconstruire cet ouvrage d'art d'après le projet présenté à cet effet par l'ingénieur en chef du Limbourg. »
Il est donc évident, d'après cette lettre, qu'il n'y a aucune espèce de reproche à adresser à l'administration. Je me borne à ces explications qui, à mon sens, détruisent complètement les données qui avaient été fournies à l'honorable M. de Man.
(page 312) « Art. 28 (art. 27 du projet) Petite Nèthe canalisée. Entrelien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire ;: fr. 12,000.
« Charge extraordinaire ;: fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 29 (art. 28 du projet). Moervaert. Entretien ordinaire et travaux de dévasement.
« Charge ordinaire ;: fr. 2,200.
« Charge extraordinaire ;: fr. 1,200. »
Le gouvernement demande que la somme soit portée, pour 1854, à 13,400 fr., dont 2,200 à l'ordinaire et 11,200 fr. à l'extraordinaire. La section centrale adopte.
- Le nouveau chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 30 (art. 29 du projet) Canal de Deynze à Schipdonck. Travaux d'entretien ;: fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 31 (art. 30 du projet) Canal d'écoulement des eaux du sud de Bruges. Travaux d'entretien ;: fr. 9,000. »
- Adopté.
« Art. 32 (art. 31 du projet) Canal latéral à la Meuse, de Liège à Maestricht. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire ;: fr. 27,450.
« Charge extraordinaire ;: fr. 9,500. »
- Adopté.
« Art. 33 (art. 32 du projet). Canal de Zelzaete à la mer du Nord. Construction de la quatrième et dernière section. Première moitié de la dépense ; charge extraordinaire ;: fr. 425,000. »
- Adopté.
« Art. 34 (art. 33 du projet). Plantations nouvelles le long les voies navigables ;: fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 35 (art. 34 du projet). Frais d'études et de levée de plans ;: fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 36 (art. 35 du projet). Entretien des bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances.
« Charge ordinaire ;: fr. 15,000.
« Charge extraordinaire ;: fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 37 (art. 36 du projet). Subside à la direction du polder de Lillo ; charge extraordinaire ;: fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 38 (art. 37 du projet). Port d'Ostende. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire ;: fr. 44,050.
« Charge extraordinaire ;: fr. 64,000. »
- Adopté.
« Art. 39 (art. 38 du projet). Port de Nieuport. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire ;: fr. 13,933 33
« Charge extraordinaire ;: fr. 31,666 67. »
- Adopté.
« Art. 40 (art. 39 du projet). Côte de Blankenberghe. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire ;: fr. 98,000.
« Charge extraordinaire ;: fr. 29,200. »
- Adopté.
« Art. 41 (40 du projet). Phares et fanaux. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire ;: fr. 990.
« Charge extraordinaire ;: fr. 1,000. »
M. Van Iseghem. - Depuis longtemps les marins qui fréquentent nos ports de mer se plaignent vivement de l'inefficacité du feu d'Ostende, qui est le principal de notre littoral. Il y a quelque temps, de grandes améliorations ont été faites aux fanaux de Westcappelle et de Dunkerque, et vous comprenez, messieurs, que quand un feu qui n'a qu'une portée de 6 milles marins se trouve à côté d'un autre feu qu'on peut voir à 20 milles de distance au large, il doit y avoir un certain danger pour la navigation.
Je sais que l'attention du ministre des travaux publics a été appelée depuis longtemps sur ce fait et qu'il a chargé un ingénieur de la province de la Flandre occidentale de se rendre à Westcappelle pour examiner le phare qui se trouve dans cet endroit.
J'engage fortement l'honorable M. Van Hoorebekc de presser l'étude de cette question avec toute la diligence possible, car il doit y avoir un temps moral pour tout et on ne peut pas attendre trop longtemps. Je pense que l'ingénieur sera déjà de retour de son excursion.
Comme cette affaire est de la plus haute importance pour la marine, j'engage fortement l'honorable ministre, aussitôt qu'il aura reçu le rapport de l'ingénieur, de vouloir convoquer à Ostende une commission pour examiner alors quel est le système le plus convenable qu'on admettra pour changer le feu de ce port ; car, si mes renseignements sont exacts, il paraît que ce qui existe maintenant à Westcappclle ne suffira pas pour améliorer le feu d'Ostende.
Cette commission devra être composée d'armateurs, de marins pratiques et de fonctionnaires du port d'Ostende.
On ne peut pas perdre de vue que les navires qui entrent dans nos ports, exceptés à Nieuport, payent au trésor public des droits de fanal, et ont droit à trouver sur la côte un feu convenable.
- L'article 41 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je crois, messieurs, que c'est le moment de nous occuper d'une proposition nouvelle de la section centrale. Elle est ainsi conçue :
« Entretien de l'Yzer, de la Grande-Nèthe, de l'Emblève, de la Vesdre, du canal de Plasschendaele et de Nieuport par Furnes à la frontière de France, de la Lieve et de la Langeleede, dont l'administralion est reprise par l'Etat, à dater du 1er janvier 1854. (La part contributive des provinces, des communes et des propriétaires intéressés, dans l'exécution des grands travaux d'amélioration sera ultérieurement déterminée par une loi.) »
M. de Mérode-Westerloo a déposé un amendement par lequel il propose de supprimer de la proposition de la section centrale la parenthèse : La part contributive des provinces, des communes et des propriétaires intéressés, dans l'exécution des grands travaux d'amélioration sera ultérieurement déterminée par une loi.
M. Jacques. - Messieurs, dans le rapport présenté à la Chambre le 14 novembre, M. le ministre des travaux publics avait soutenu l'opinion que l'Etat n'était pas lenu de reprendre l'administration de quelques canaux et rivières qui restaient encore à la charge des provinces en vertu de l'arrêté de 1819.
La section centrale, à laquelle vous avez renvoyé ce rapport, a présenté des conclusions contraires à l'opinion contenue dans le rapport du ministre : la section centrale a proposé la reprise de l'administration de ces rivières.
M. le ministre, quoique en désaccord avec la section centrale sur la question de droit, admet qu'il est utile et convenable que l'Etat reprenne l'administration de ces voies navigables et flottables. Je crois inutile d'entrer dans la discussion du point de droit, je me rallie à la proposition de la section centrale admise par M. le ministre.
J'ai pris la parole pour demander que la chambre comprenne, parmi les rivières reprises par l'Etat, une rivière qui a été omise dans la proposition de la section centrale : je veux parler de la rivière de l'Ourthe, la seule qui soit navigable dans le Luxembourg.
M. le ministre a dit que cette rivière avait été reprise virtuellement par l'Etat quand il en avait fait la concession à l’ancienne société du Luxembourg.
Cette concession comprenait, il est vrai, toute la partie domaniale de la rivière de l’Ourthe, partie qui s'étend de Liège jusqu'au point désigné sous le nom de deux Ourthes.
Cette concession comprenait même quelque chose de plus, puisqu'elle remontait ensuite la branche orientale de l'Ourthe jusqu'à Houffalize avant de quitter le lit de l'Ourthe pour se diriger vers la Moselle.
Mais, d'après les nouveaux arrangements avec la société actuelle du Luxembourg, la canalisation de l'Ourthe ne doit plus s'étendre que jusqu'à Laroche ; il reste ainsi, au-dessus de Laroche, une distance de plus de trois lieues qui ne fait plus partie de la concession du canal, quoique la rivière soit encore domaniale, quoiqu'elle soit navigable ou flottable, quoique le domaine y affirme la pêche.
Je propose donc de placer la rivière de l'Ourthe sur la même ligne que l'Emblève et la Vesdre, et de la placer immédiatement après la VesdIre, dans l’énumération proposée par la section centrale.
Je proposerai ensuite d'ajouter mille fr. pour l'entretien de cette rivière à la somme qui sera indiquée par le gouvernement pour l'entretien des diverses voies navigables à reprendre par l’Etat. La rivière de l'Ourthe, comme je le disais plus haut, est la seule rivière navigable que possède le Luxembourg. La canalisation concédée qui devait vivifier le Luxembourg, en établissant, à travers son territoire, une ligne (page 313) de navigation de la Meuse à la Moselle, n'a été qu'une déception pour cette province. Depuis près de 30 ans que cette concession a été accordée, la rivière de l'Ourthe a été entièrement abandonnée à elle-même dans le Luxembourg ; de manière que ce qui devait être un grand bienfait pour le Luxembourg est devenu au contraire un tort considérable.
Je pense donc que M. le ministre ne s'opposera pas à ce que cette rivière soit comprise dans la nomenclature de l'article.
Je n'insisterai pas en ce moment pour qu'on prenne des mesures tendant à activer la canalisation de la partie de Liège à la Roche. Je dois cependant faire remarquer à l'honorable ministre que le délai stipulé par la nouvelle concession est sur le point d'expirer et que jusqu'ici on n'a pas mis la main à l'œuvre dans la partie de la rivière qui se trouve sur le territoire du Luxembourg. Je conçois qu'on doit commencer les travaux sur le territoire de la province de Liège. Mais il me semble que pour satisfaire aux engagements qui ont été pris, la société devrait exécuter les travaux avec plus d'activité. Au surplus, comme je le disais tout à l'heure, je n'insiste pas en ce moment sur ce point. Je me borne à dcmander que l’Ourthe soit comprise dans la nomenclature des rivières dont l'Etat reprend l'administration, afin que l'Etat puisse s'occuper de la partie de la rivière qui n'est pas comprise dans la concession faite à la société du Luxembourg.
M. Vander Donckt. - Messieurs, dans une séance précédente, lors de la discussion générale sur le budget des travaux publics, j'ai eu l'honneur de vous faire remarquer que dans le rapport sur la reprise par l'Etat de divers canaux et cours d'eau, ne se trouvaient pas compris, comme pour les autres provinces, les divers cours d'eau et petites rivières qui donnent annuellement lieu, dans la Flandre orientale, à des inondations périodiques plus ou moins importantes. Je ne serais cependant pas embarrassé pour vous en nommer un très grand nombre.
Je ne puis pas laisser passer inaperçu un tableau incomplet et fautif, dans lequel on remarque une lacune importante due soit à la négligence, soit à l'oubli.
Il y a une lacune pour la Flandre orientale ; car les affluents de l'Escaut et de la Lys qui sont très nombreux, n'y figurent pas, tandis que pour la province d'Anvers il y figure plus de 130 différents cours d'eau et petites rivières qui donnent lieu à des inondations plus ou moins importantes, plus ou moins désastreuses ; que pour le Brabant, comme je vous l'ai déjà fait remarquer, il y en a 67 portés dans le tableau.
Au premier coup d'œil que l'on jette sur ce tableau, on doit se convaincre à toute évidence qu'il y a là une lacune. J'ai demandé à M. le ministre des travaux publics une explication à ce sujet. J'espère qu'il aura eu le temps d'examiner ce tableau et qu'il pourra nous dire si réellement il doit être redressé, si la lacune qu'on y remarque est due à une négligence ou à un oubli. A qui en est la faute ? Je crois que les cours d'eau non navigables ni flottables de la Flandre orientale doivent y être compris comme ceux de la province d'Anvers, de la province de Brabant et d'autres provinces.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je proposerai à la Chambre de compléter l'amendement de la section centrale en y ajoutant le chiffre de 30,000 fr. Si l'on consulte le tableau que j'ai annexé au rapport qui a été distribué par le gouvernement, il constate qu'en travaux ordinaires et même extraordinaires, les dépenses que font les provinces pour les rivières dont on demande la reprise, ne dépassent pas 27,000 fr.
Je pense donc que l'on pourrait se borner à porter au budget, du chef de la reprise de ces cours d'eau, une somme de 30,000 fr.
Quant à l'Ourthe, il n'y a pas de difficulté de comprendre ce cours d'eau parmi les rivières que reprend l'Etat. Cependant je ferai une observation à ce sujet. Aux termes de la concession de 1846, la compagnie du Luxembourg est obligée de canaliser l'Ourthe jusqu'à Laroche.
Il est vrai, comme le déclare l'honorable M. Jacques, que l'Ourthe prend naissance à trois lieues au-delà de Houffalizc et qu'il y a certaine partie de ce cours d'eau navigable et flottable qui reste en dehors de la concession accordée à la compagnie. Mais les travaux que pourrait réclamer cette partie de la rivière ne deviendront utiles que lorsque la compagnie du Luxembourg aura exécuté le travail qui lui est concédé.
Cependant, dès à présent, je ne vois pas de difficulté à comprendre la rivière de l'Ourthe au nombre de celles dont on propose la reprise.
En ce qui concerne l'observation de l'honorable M. Vander Donckt, j'en ai pris note dans une séance précédente. Mais ces tableaux ont été dressés en province par les soins de l'ingénieur en chef, et c'est à l'ingénieur en chef de la Flandre orientale que j'aurai à demander la raison de cette omission involontaire, je suppose.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, je propose l'ajournement sur cette proposition d'argent. Nous sommes saisis d'un projet spécial sur cette question ; il faut laisser à la Chambre le temps de l'examiner.
Le budget est une loi d'application. Je suppose que la loi de principe, soit rejetée, que ferez-vous ? Il est de toute évidence que la somme ne doit être portée au budget que lorsque la loi de principe aura été votée. (Interruption.)
Cela s'est fait par le budget, me dit-on, pour d'autres cours d'eau. Mais la Chambre n'était point saisie alors d'une loi de principe.
J'insiste d'autant plus sur cette motion d'ajournement, que nul de nous ne peut savoir combien doit nous tenir une pareille discussion. Nous ne pouvons voter en aveugles. On vous propose de reprendre au compte de l'Etat dix ou douze rivières dont les frais d'entretien sont aujourd'hui à la charge des provinces. On vous propose, par exemple de reprendre la Vesdre. Mais savez-vous à quelle dépense va vous mener une pareille mesure ?
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Non.
M. Dumortier. - Je ne le sais pas non plus ; aussi je ne m'aviserai pas de voter la reprise de rivières qui pourraient engendrer des millions de dépenses, sans savoir ce qui arrivera. Ce serait préjuger la question de principe et elle doit rester dans son entier.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ferai remarquer, en réponse à l'honorable M. Dumortier, que la reprise des cours d'eau compris daus l'arrêté de 1819, s'est toujours effectuée de la manière qui est proposée aujourd'hui. Ainsi, en 1839 on a proposé la reprise de la Lys, de l’Escaut et de la Meuse. C'est par un article introduit dans le budget qu'on a fait cette reprise. Postérieurement, et toujours par un vote dans le cours de la discussion du budget, l'Etat a repris la Dendre, le Ruppel, la Dyle et le Demer.
Je dois dire cependant, messieurs, quesi la proposition de l'honorable M. Dumortier devait avoir la portée qu'il lui donne, je me rallierais entièrement à la motion d'ordre. C'est, messieurs, cette considération qui m'avait décidé à proposer à la chambre, dans un premier rapport, de ne pas consacrer dès à présent la reprise de ces cours d'eau.
Mais la section centrale ayant admis, d'accord sur ce point avec le gouvernement, que le fait de la reprise ne constituerait pas pour le gouvernement l'obligation d'exécuter à ces cours d'eau les travaux extraordinaires qu'ils nécessitent, j'ai cru devoir me rallier à la proposition de reprise. Ce n'est que parce que cette reprise est entendue dans ces termes que j'accepte la proposition de la section centrale.
M. Roussel. - Messieurs, la chambre voudra bien se rappeler les précédents de cette affaire.
Lors de la discussion du budget de l'an dernier, plusieurs honorables membres ont appuyé dans cetle enceinte la demande qui avait été adressée à la Chambre par un certain nombre de conseils provinciaux et qui tendait à la reprise des rivières, canaux et cours d'eau navigables et flottables mentionnés aujourd'hui dans l'amendement proposé par la section centrale. Je fus alors parmi les opposants aux prétentions de ces honorables collègues, parce qu'il me paraissait que si ces propositions étaient adoptées, il devait en résulter un surcroît énorme de charges pour l'Etat.
Je fus chargé par la section centrale de faire rapport sur plusieurs amendements qui avaient été présentés par les honorables membres. La section centrale proposa à la chambre, qui l'accepta, de distraire du budget les propositions dont il s'agit, de se livrer sur ces propositions à un examen spécial et de charger, en attendant, M. le ministre des travaux publics de faire un rapport circonstancié sur la reprise de ces cours d'eau.
Qu'est-il résulté de ce rapport ? Il en est résulté que les amendements dont je viens de parler donnaient lieu à deux questions tout à fait distinctes.
Première question, de savoir si l'Etat doit être considéré comme propriétaire des cours d'eau dont il s'agit ; deuxième question, de déterminer les obligations de l'Etat en qualité de propriétaire, relativement aux dépenses extraordinaires que ces canaux, cours d'eau et rivières doivent entraîner.
Sur la première question, messieurs, la section centrale, après avoir bien examiné, dut reconnaître qu'il y avait des arguments extrêmement forts en faveur de l'opinion de ceux qui soutiennent la domanialité de ces cours d'eau et rivières. Ainsi cette question devait être résolue et elle l'a été affirmativement à l'unanimité.
Mais un deuxième point sur lequel on était loin d'être d'accord, c'était celui de savoir si cette domanialilé devait entraîner pour l'Etat l'obligation de parer seul à toutes les dépenses extraordinaires que les crues d'eau, que les sinistres, en un mot, pouvaient occasionner. Sous ce rapport on s'est dit : L'Etat est l'administrateur de la propriété commune. Mais comme les riverains, comme les communes, comme les provinces ont un intérêt tout particulier dans la dépense dont il s'agit, il est juste, il est équitable que ces provinces, que ces communes, que ces riverains participent à la dépense elle-même. De sorte que tout naturellement la disjonction des deux questions a dû être proposée.
Cette disjonction est toute simple. Car en décidant que l'Etat sera désormais chargé de l'entretien de ces rivières ou cours d'eau, vous ne décidez rien relativement à la deuxième question qui est réservée. Je me demande pourquoi l'on refuserait cette disjonction, puisque, dans toutes les hypothèses, les dépenses d'entretien de ces cours d'eau resteront à la charge de l'Etat, quel que soit le sort de la loi qui sera présentée ultérieurement pour régler la part contributive des riverains, des communes et des provinces. Pourquoi dès lors différer de rendre justice aux provinces qui la demandent ? (Interruption.)
Mon honorable collègue et ami, M. Dumortier me fait observer qu'il n'est pas sûr que l'entretien restera à la charge de l'Etat. Mais il y a des motifs de droit et des raisons d'utilité publique qui vous empêcheront d'enlever cet entretien à l'Etat.
Lorsqu'un cours d'eau traverse plusieurs provinces, quelle efficacité peuvent avoir les dépenses isolées de chaque province ? L'Etat (page 314) n'est il pas beaucoup plus apte à donner aux travaux d'entretien l'unité
Pourquoi, d'ailleurs, feriez-vous une disposition différente, quant aux frais d'entretien, de celles que nous avons prises relativement à d'autres cours d'eau dont l’entretien est à la charge de l'Etat ? Il n'y a absolument aucun motif pour agir de cette manière. Donc la question est résolue ; il n'est pas possible de lui trouver une autre solution que celle proposée par la section centrale.
Maintenant quel rapport y a-t-il entre les dépenses d'entretien et les parts contributives de l'Etat, des provinces et des communes dans les dépenses extraordinaires ? Celles-ci sont le résultat de circonstances extraordinaires ; par conséquent le budget ne peut pas prévoir le chiffre normal des dépenses qui auront lieu de ce chef ; au contraire, le budget peut prévoir, par un chiffre normal, les dépenses d'entretien qui se produisent tous les ans.
Quand l'honorable M. Dumortier vient soutenir que le budget n'est qu'une loi d'application, c'est parfaitement juste ; c'est comme loi d'application que nous demandons que le budget mentionne un chiffre nécessaire pour les dépenses d'entretien des cours d'eau flottables et navigables, parce que l'Etat en restera toujours chargé.
Mais, dit l'honorable M. Dumortier, de quelle loi votre chiffre est-il l'application ? il s'agit ici de rivières navigables et flottables. Or, est-il positif, oui ou non, que vous-mêmes vous avez appliqué le même principe à d'autres cours d'eau navigables et flottables ? En vertu de quelle loi le budget comprend-il les dépenses d'entretien de ces cours d'eau, si ce n'est en vertu du Code civil ? Et si c'est en vertu du Code civil, pourquoi refuseriez-vous d'inscrire dans le budget les frais d'entretien d'autres cours d'eau dont la position est identique ? Vous ne sortirez pas du dilemme.
Le moyen que la section centrale a trouvé doit aplanir les difficultés, il donne satisfaction aux provinces intéressées et aux réclamations des honorables collègues qui ont élevé la voix en faveur de ces provinces ; il est conforme à la justice et à l'équité ; il concilie tous les intérêts ; il tend à établir sur les cours d'eau une législation qui pourvoira à tous les besoins. Voilà les motifs sur lesquels la section centrale fait reposer sa proposition.
M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, je crois qu'il n'y a en ce moment en discussion que la motion d'ajournement proposée par l'honorable M. Dumortier, je n'en sortirai pas.
Je voterai contre l'ajournement, et je demande qu'on procède immédiatement à la délibération sur la proposition qui vous a été faite par le gouvernement.
Depuis plus de 20 ans, chaque fois qu'il s'est agi pour l'Etat de reprendre une rivière ou un canal, cette reprise a été effectuée dans la forme que nous proposons de suivre, c'est-à-dire à l'occasion de la discussion d'un budget ; et c'est par une formule complètement identique à celle qu'on a employée alors, que la reprise a été faite.
M. le ministre des travaux publics a cité les fleuves, rivières et canaux dont la reprise a été ainsi consentie ; je crois donc que nous devons nous tenir à ces précédents.
Je ferai remarquer, en outre, que l'ajournement ne se justifie nullement : la question qui est soumise aux délibérations de la Chambre a été examinée mûrement pour chacune des rivières dont la reprise est demandée. Depuis huit ou dix ans, des réclamations incessantes ont été adressées au parlement ; quand ces réclamations se sont produites dans cette Chambre, on a fait observer qu'il fallait commencer par reprendre les fleuves et les rivières les plus importants.
L'année passée, la Chambre a disjoint de la discussion du budget la question de la reprise de certains canaux et rivières, et l'on a invité M. le ministre des travaux publics à vouloir bien, pour ne pas ajourner indéfiniment la solution, présenter à la Chambre un rapport dans la session actuelle. Et aujourd'hui quand la question longuement étudiée revient à la Chambre, quand M. le ministre des travaux publics a consulté toutes les autorités, on vient demander un nouvel ajournement.
Il me semble que nous devons étudier mûrement les questions sur lesquelles nous avons à délibérer ; mais, comme je l'ai dit dans une autre circonstance, nous ne devons pas les examiner toujours ; il y a un terme à l'examen ; je pense que la question a été amplement examinée et que le moment est venu de la résoudre.
On a fait une observation qui a paru faire quelque impression sur la Chambre : on a dit qu'il serait convenable de présenter d'abord la loi qui dût fixer la part contributive des provinces, des communes et des particuliers dans la dépense.
Il me semble, messieurs, que c'est là une question accessoire et secondaire qui viendra ultérieurement ; c'est la conséquence d'un principe, et la Chambre, par le vote qu'elle est appelée à émettre aujourd'hui, ne sera nullement liée sur la seconde question. Une loi sera présentée ultérieurement : on fixera les parts à payer par les provinces, les communes et les riverains ; et l'Etat aura à payer le reste. C'est là le côté pratique, réglementaire de l'affaire. C'est le côté accessoire ; la question de reprise est la question de principe. Je prie la Chambre de vouloir bien la trancher aujourd'hui.
Je voterai donc contre l'ajournement.
M. Mercier. - Messieurs, il me semble que la proposition qui est soumise à la Chambre est assez importante, pour qu'on en fasse l'objet d'une loi spéciale. La motion de l'honorable M. Dumortier me paraît très prévoyante…
M. Malou. - Je demande la parole pour un rappel au règlement ; que l'honorable membre me permette de l'interrompre un instant ; il va comprendre tout de suite les motifs de cette interruption.
Messieurs, d'après le règlement et d'après les précédents, il n'y a de cause suspensive d'une discussion que les réclamations d'ordre du jour, de priorité et de rappel au règlement.
Messieurs, d'après tous les précédents et la nature des choses, la discussion de la question d'ajournement est jointe à la discussion du fond. Cela doit être. En effet, comment justifier l'ajournement ou le non-ajournement, si ce n'est en examinant la nature de la proposition et en exposant les motifs qui doivent décider à rejeter ou à admettre la proposition d'ajournement ? Celle manière de procéder est conforme à l'article 21 du règlement.
M. le président. - Je n'interprète pas le règlement de la même manière que M. Malou. Il y a deux espèces d'ajournement, l'ajournement de la délibération et l'ajournement du vote. Ce que M. Dumortier a demandé, c'est l'ajournement de la délibération. En effet à quoi servirait de continuer la discussion, s'il fallait la recommencer plus tard ?
M. Dumortier. - C'est évident ; nous sommes aux derniers jours de l'année, notre temps est précieux ; si nous continuons à discuter la proposition de la section centrale, elle va nous prendre plusieurs jours sans utilité, tandis qu'à notre retour nous aurons à discuter le projet de loi où la question se présentera naturellement.
M. Mercier. - a proposition de M. Dumortier est, en fait, la disjonction de la disposition relative à la reprise des rivières et canaux. L'objet dont il s'agit est trop important pour pouvoir être discuté incidemment, à l'occasion du vote du budget ; si on l'accueille, on commettra, selon moi, une grave imprudence ; il serait imprévoyant de reprendre, dès aujourd'hui, à charge de l'Etat un aussi grand nombre de rivières et de cours d'eau. Pour éviter tout mécompte, il faut, dans une même loi, prononcer la reprise et fixer la part d'intervention des provinces, des communes et des particuliers dans les dépenses d'entretien et d'amélioration.
Si vous décidez isolément la reprise, vous vous exposez à rencontrer mille difficultés quand il s'agira de régler la part contributive des tiers dans les dépenses ; c'est d'autant plus important qu'elles ne manqueront pas de s'accroître dans une très grande proportion, comme cela arrive toutes les fois que le gouvernement se charge de travaux d'entretien faits auparavant par les provinces ou les communes.
Je propose de suspendre la discussion pour ne la reprendre que quand le gouvernement sera d'accord ayee les provinces, les communes et les particuliers pour le partage des frais des grands travaux à exécuter.
De cette manière nous agirons avec connaissance de cause et nous n'aurons pas à nous repentir d'un vote que nous aurions émis trop légèrement. En conséquence j'appuie de toutes mes forces la motion d'ajournement faite par M. Dumortier.
M. Van Overloop. - Je me proposais de présenter les considérations qui viennent d'être développées par l'honorable M. Mercier ; je renonce à la parole.
M. Dumortier. - Je dois un mot de réponse à l'honorable M. Vandenpeereboom et à M. le ministre des travaux publics. Ils ont fait remarquer que la chambre avait toujours décidé la reprise des canaux et rivières à propos du budget.
L'honorable membre ne faisait pas partie de la Chambre, il ne peut pas savoir comment les choses se sont passées, je vais le lui apprendre. Comment et pourquoi a-t-on repris alors les canaux et rivières ? Mais c'était pour s'emparer des recettes.
La première reprise qui a eu lieu a été celle du canal de Mons à Condé qui donnait un revenu considérable à la province ; l'Etat reprenait alors les canaux et rivières qui rapportaient et qui rapportaient plus qu'ils ne coûtaient ; il améliorait par là ses finances ; il y avait là un but que tout le monde pouvait saisir du premier coup d'œil.
On m'a objecté qu'on avait repris la Dyle et le Demer ; je répondrai à cela qu'il faut suivre la Chambre dans ses bons précédents et non dans les mauvais ; il faut imiter les résolutions qui ont eu pour effet d'améliorer la situation du trésor. Si, dans une circonstance quelconque, elle en a pris une qui a eu pour effet de diminuer les ressources du budget, il faut bien se garder de la renouveler ; or, je vous le demande, que rapporteront ces rivières qu'on veut faire reprendre par l'Etat ?
M. le président. - M. Dumortier, ne sortez pas de la motion.
M. Dumortier. - Il faut bien que je mette en regard les deux propositions, ma motion et l'amendement de la commission. Du reste je n'entrerai pas dans ces détails, je ferai seulement remarquer que, parmi les rivières qu'on propose de reprendre, plusieurs ne sont pas navigables ; ainsi la Vesdre n'est pas navigable, l'Emblève est située au milieu de rochers ; si on y fait des travaux ils coûteront des millions. Avant de faire de pareilles dépenses, il faut savoir à quoi on s'expose. Quand on fera une loi spéciale sur cet objet, on pourra, du moins, détermimer dans quelle mesure on veut s'engager.
Je ne veux pas voter une semblable proposition sans examen. Quand j'ai interpellé M. le ministre pour savoir ce que coûterait l'entretien des rivières dont on propose la reprise, il m'a répondu qu'il ne le savait pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est une erreur, je n'ai pas dit cela.
(page 315) M. Dumortier. - Vous l'avez oublié.
Moi je veux savoir à quoi je m'engage et pour cela il faut un examen sérieux.
Quant ace qu'a dit mon honorable ami M. Ad. Roussel qui a soutenu une thèse tirée du code civil, je répondrai que le code civil n'a rien à voir ici, il est en vigueur depuis 50 ans, et du temps de l'Empire, pas plus que du temps du gouvernement hollandais, les petites rivières n'ont été administrées par l'Etat ; et l'empereur, qui a fait le Code civil, n'r ; jamais voulu lui donner la partie que nous avons trouvée dans les inspirations de l'honorable M. Roussel.
Jamais personne ne s'est imaginé que l'Etat devait payer les dépenses d'entretien de tous les objets dont il est propriétaire, car il y a dans les attributions des pouvoirs provinciaux et communaux une foule de dépenses qu'on devrait dans ce cas mettre à la charge de l'Etat. Ce serait la suppression du pouvoir provincial et du pouvoir communal.
Je répète donc que le Code civil n'a rien à voir dans cette affaire.
L'Etat ne doit pas se presser de reprendre des rivières et canaux quand il ne peut pas prévoir la dépense que leur entretien entraînera pour le trésor.
La motion d'ajournement est fondée autant que semblable motion peut l'être.
En disjoignant la proposition de la section centrale, à noire retour nous pourrons l'examiner à loisir ; si vous voulez la discuter maintenant, elle vous tiendra deux ou trois jours au moins ; on demandera la division, on discutera sur chaque rivière une à une, on verra ce qu'il faut prendre et rejeter de la proposition, et vous n'en finirez pas.
Je demande la disjonction, et la présentation d'un projet de loi spécial, et je m'oppose à ce que rien soit porté au budget pour l'objet dont il s'agit avant que la Chambre n'ait voté une loi de principe réglant la part contributive des particuliers, des provinces et des communes dans les travaux d'entretien et d'amélioration.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai fait remarquer que si la reprise des rivières dont il s'agit était pure et simple et que la question des grands travaux à exécuter n'eût pas été réservée, je ne me serais pas rallié à l'amendement de la section centrale.
L'article serait ainsi conçu :
« Entretien de l’Yser, de la Grande Nèthe, de l’Emblève, de la Vesdre, ect., dont l’administration est reprise par l’Etat à dater du 1er janvier 1854. (La part contributive des provinces, des communes et des propriétaires intéressés, dans l’exécution des grands travaux d’amélioration sera ultérieurement déterminée par une loi.)
Il est donc parfaitement entendu que ce qui détermine la reprise par l'Etat ce sont les travaux extraordinaires à faire à l'Yser et à la Nèthe ; (erratum, page 331) et ce sont pas là les seules considérations qui aient fait l'objet d'un rapport spécial et qui puissent effrayer la Chambre, si elle considère la dépense. Mais ces travaux doivent être réglés ultérieurement quant à la dépense dans laquelle sera déterminée la part contributive de l'Etat et des provinces.
L'honorable M. Dumortier dit que l'Etat a repris l'Escaut, la Meuse et la Lys à cause du revenu qu'ils produisaient, tandis qu'il s'agit aujourd'hui pour l'Etat de reprendre des cours d'eau, qui ne rapportent rien. C'est une erreur en fait. Si le gouvernement propose de reprendre à sa charge des cours d'eau dont l'entretien est aujourd'hui à la charge des provinces, il en percevra également le produit ; or ces rivières rapportent ce qu'elles coûtent.
En ce qui concerne les cours d'eau déjà repris, ce n'est pas en raison de leur revenu, mais pour y faire des travaux extraordinaires que ne pouvaient faire les provinces que l’Etat les a repris. Il en a été ainsi pour la Dendre qui coûtait à la Flandre occidentale 10,000 fr. de plus qu'elle ne rapportait, pour le Ruppel, pour la Dyle et pour le Demer.
Il en a été de même pour la Petite-Nèthe, que le gouvernement a reprise à la province d'Anvers, et qu'il a payée en annuités de 50,000 francs qui ont figuré pendant dix ans au budget des travaux publics. Ainsi il n'est pas exact de dire que le gouvernement n'a repris que les cours d'eau qui pouvaient lui offrir des bénéfices, laissant aux provinces ce qui est mauvais.
Mais ce qui reste exact, c'est que si l'on considère la discussion qui a eu lieu dans la Chambre, lorsque l'Etat a repris les rivières navigables et flottables, on sera convaincu qu'il y a eu, de la part de l'Etat, engagement moral de reprendre ces cours d'eau. Lorsque l'honorable M. Nothomb est venu proposer à la Chambre la reprise des rivières navigables et flottables, une proposition formelle a été faite dans cette chambre par un député d'Alost, l'honorable M. Desmet, qui a proposé au gouvernement de comprendre dans la reprise tous les cours d'eau figurant dans l'arrêté de 1819.
Qu'a répondu le gouvernement ? Que c'était une question qui serait examinée ultérieurement, mais que s'il était reconnu qu'il y a obligation pour l'Etat de reprendre tous ces cours d'eau, il ne reculerait pas devant cette obligation. C'est ce qui a été fait. Aussi les provinces, dans les réclamations qui ont eu lieu depuis quelque temps, se sont-elles fondées sur cette espèce d'engagement moral dans le chef du gouvernement pour demander la reprise de ces cours d'eau.
M. Julliot. - L'explication de l'honorable ministre des travaux publics ne me satisfait pas ; il se montre de trop facile composition avec le principe.
Les fleuves et rivières navigables et flottables sont du domaine de l’Etat. Qu’est-ce que cela veut dire ;? Rien, si ce n’est que les rivières navigables ne sont pas susceptibles d'être propriété privée, pas plus que les places publiques, les rues, etc.
Et je n'hésite pas à le dire, une place publique dans une ville est le domaine public de la ville, comme une rivière qui traverse une ou deux provinces est un domaine public de ces provinces. Mais les servitudes actives et passives que ces rivières attachent aux propriétés riveraines sont au profit ou à la perte des propriétaires.
La proposition de l'honorable comte de Mérode-Weslorloo a pour but de laisser toutes les servitudes actives au profit des riverains et de faire supporter par le pays la dépense de tout le passif, de tous les faits naturels, de tous les sinistres qui se produiront et causeront des dommages.
Mais alors il faut faire un pas de plus, car, quelle différence voyez-vous entre l’élément de l'eau et celui du feu ? Il faut donc garantir les administrés contre l'incendie et la grêle comme contre les inondations, alors qu'elles se produisent sans que ce soit par le fait de l'Etat. C'est à ce prix qu'on sera logique et juste pour tout le monde. Je ne comprends pas la distinction, et on n'est pas capable de la démontrer. Ce principe serait ruineux pour le pays, et on ne vote pas de principes pareils sous le couvert d'un budget ; car ce principe consacre formellement, que les riverains des rivières conserveront les servitudes actives et se débarrasseront des servitudes passives à charge de ceux qui n'ont aucnn intérêt à ces rivières.
J'appuie donc l'ajournement de cette question à la discussion du projet de loi qui est présenté.
M. Rousselle. - Je viens appuyer la proposition de disjonction, non seulement par les considérations qui ont été développées jusqu'ici, mais par cette raison, qui pour moi est décisive. A mon avis, la chambre n'est pas préparée à cette discussion. En effet, le rapport que M. le ministre des travaux publics a remis faisait supposer qu’il serait présenté une loi spéciale à la Chambre sur cette question, et elle nous arrive pour ainsi dire incidemment. Elle a été examinée seulement par la section centrale, sans qu'elle ait été disculée dans les sections de la Chambre.
Maintenant, je crois devoir répondre un mot à l'honorable M. A. Roussel. Il pense que toutes les rivières navigables ou flottables sont du domaine public ; mais il est en désaccord sur ce point avec M. le ministre des travaux publics. Je ne saurais pas non plus partager son opinion. Je ne considère comme du domaine public que les rivières navigables ou flottables de leur propre fond, sans ouvrage de main d'homme. Il peut y avoir encore certaines autres voies navigables qui soient du domaine public, c'est lorsque l'Etat a ouvert lui-même un canal, ou canalisé une rivière ; il l'a rendue ainsi du domaine public. Mais il y a aussi de rivières qui ont été rendues navigables par des agrégations particulières, soit des provinces, soit des communes. Celles-là doivent rester du domaine public provincial ou communal, suivant l'octroi qui en a autorisé l’établissement.
Je crois que c'est bien là l'opinion de l'honorable ministre des travaux publics, et puis que cette opinion n'est pas partagée par la section centrale, nous devons prendre le temps de la discuter. Cette question est très grave et nous ne devons pas la trancher si légèrement. Par conséquent, je demande que cette reprise soit disjointe du budget pour faire l'objet d'une loi spéciale.
M. Malou. - Je m'étonne que la motion d'ajournement se représente cette année ; car en réalité c'est ajournement sur ajournement. C'est violer le principe : Non bis in idem. Que s'est-il passé pour la reprise des canaux et rivières ? En 1819, on avait tout abandonné aux provinces. A partir de 1837, on a reconnu que l'Etat devait reprendre toutes les voies de communication par eau artificielles ou naturelles, qui présentent un caractère d'intérêt général. On l'a fait, non pas, comme le dit l'honorable M. Dumortier, pour avoir des recettes, mais pour avoir des dépenses considérables à faire.
J'ai ici sous les yeux un extrait du rapport fait par l'honorable M. Nothomb, lorsque le précédent a été posé pour la première fois. Le gouvernement disait :
« Guidé par l'intérêt général, l'Etat ne s'arrêtera pas à des calculs de parcimonie ; il améliorera les rivières navigables, comme il améliore les autres moyens de communication. »
Il ajoutait plus loin :
« Compter sur les provinces pour les travaux d'amélioration que l’intérêt général commande seul, c'est se faire illusion.
« Les travaux d'amélioration ne sont possibles que par l'Etat. Ils ne sont possibles par l'Etat que s'il reprend en même temps la chose qu'il s'agit d'améliorer. »
Et, en effet, il s'agissait alors de reprendre de grandes rivières dont on demandait de toutes parts l'amélioration : l'Escaut, par exemple, alors que les provinces déclaraient qu'il leur était impossible avec leurs seules ressources d'améliorer cette rivière.
La Meuse a été également, reprise ; était-ce en vue d'un péage, lorsque, vous le savez, ce péage est dérisoire, et que, depuis dix ans, vous avez voté chaque année 200,000 fr. pour améliorer la navigation de la Meuse, sans compter le crédit extraordinaire pour la dérivation.
Je dis donc que la reprise par l'Etat a eu lieu, en vue de dépenses à faire dans un intérêt général et non en vue de recettes à faire au préjudice des provinces.
(page 316) Il en a été autrement pour un seul, et je m'étonne que l'honorable membre loue ce précédent qu'il a tant critiqué. Le gouvernement avait repris des rivières pour faire des dépenses et des améliorations aux frais de tous. Mais il avait omis de reprendre le canal de Mous à Condé, qui produit annuellement quelque chose comme 200,000 francs.
J'ai eu l'honneur, comme rapporteur de la section centrale, d'appeler la Chambre à combler cette lacune. Ce qui fut fait. Ainsi l'on a aujourd'hui repris toutes les grandes voies de communication par eau, pas en vue d'une idée fiscale, mais en vue de les améliorer aux frais du trésor. Voilà le premier fait qu'il s'agissait de constater pour combattre la motion d'ajournement. On l'a fait encore sans y mettre de condition de part contributive des provinces, des communes et des propriétaires riverains ; on l'a fait purement et simplement et on a dépensé ce qui était nécessaire.
Aujourd'hui, de quoi s'agit-il ? De compléter le système ; de faire pour les petits, dont la voix n'est pas aussi forte que celle de la Meuse et de l'Escaut, de faire pour les petits ce qu'on a fait pour les grands, et de le faire en réservant expressément le concours des provinces, des communes et des propriétaires riverains.
L'année dernière la discussion a eu lieu ; on l'a ajournée, pourquoi ? Parce qu'on voulait être éclairé par un rapport du gouvernement. C'était le seul motif de l'ajournement. Aujourd'hui que le rapport du gouvernement est fait et que la section centrale a fait un nouveau rapport, on demande l'ajournement parce que, comme l'a dit l'honorable M. Roussel, on n'est pas assez éclairé.
Je le regrette infiniment, mais quand, après deux discussions et après deux rapports on n'est pas assez éclairé, je crois qu'il faut en désespérer. Si dans de telles conditions, lorsque le motif qui a fait ajourner l'année dernière, a disparu, si dans de telles conditions vous ajourniez de nouveau, voici quelle serait la portée réelle de ce vote : on dirait que pour qu'un intérêt prévale dans la Chambre il faut, non pas qu'il soit juste, mais qu'il soit fort. Ce n'est pas, messieurs, ce que vous voudrez : vous voudrez être justes pour les petits comme vous l'avez été pour les grands.
M. Orban. - Je suis étonné de l'empressement que le gouvernement met à courir au-devant de nouvelles dépenses. Je dirai plus, j'en suis effrayé quand je songe au double danger que créent à notre trésor, dans le moment actuel, les réductions dont nos recettes sont menacées et les nouvelles dépenses que doit créer la crise alimentaire que nous avons à traverser. Pour faire face à ce double danger, il n'y a pour le gouvernement qu'un seul moyen, c'est d'apporter la plus sévère économie dans la dépense et de faire disparaître de nos budgets toutes les allocations qui ne sont pas strictement indispensables. Telle est la seule conduite à tenir si l'on ne veut pas que le pays ait à subir une crise financière après avoir traversé une crise alimentaire. Au lieu de cela que voyons-nous ? Nous voyons le gouvernement courir au-devant de nouvelles dépenses avec l'entrainement le plus irréfléchi.
Où est l'urgence, la nécessité de la dépense qu'on vous propose d'introduire au budget ? Loin qu'il y ait urgence, messieurs, on vous propose d'intervertir toutes les règles en vous proposant la dépense avant l'examen et l'adoption de la mesure dont elle est l'exécution. En effet vous êtes saisis du rapport sur la reprise des cours d'eau et avant qu'il n'ait été examiné et adopté, l'on vous propose de décréter la dépense. Je concevrais plutôt la marche inverse, c'est-à-dire que l'on adoptât la question de principe quant à la reprise des cours d'eau sauf à porter la dépense au budget lorsque les ressources du trésor le permettraient, ce qui assurément n'est point le cas actuel.
Le ministère vient de vous faire l’émunération des rivières auxquelles la mesure doit s'appliquer. Or, messieurs, rappelez-vous comment ces rivières ont trouvé place dans ce travail.
L'année dernière dans une discussion improvisée comme celle-ci, à l'occasion de deux rivières dont on proposait la reprise par l'Etat, chacun est venu proposer la rivière qui l'intéressait le plus et qui avait autant de titres que les autres à la faveur sollicitée, et ces propositions, messieurs, je dois le dire, étaient plutôt faites pour vous montrer où vous entraînerait la mesure proposée que dans l'espoir d'une adoption immédiate. Moi-même j'ai proposé la rivière d'Ourthe dont l'importance égalait au moins celle des autres rivières proposées, dans le but, je ne le dissimule pas de faire échouer une mesure injuste, parce qu'elle était incomplète ; chacun en cette circonstance est venu en quelque sorte jeter au hasard sa rivière dans la discussion, et ce sont ces propositions improvisées que le gouvernement adopte ; ce sont ces rivières parmi lesquelles il en est comme l'Emblève, comme la Vesdre, comme l'Ourthe même au-dessus de la Roche qui ne sont pas navigables.
L'on semble frappé de l'urgence de consacrer les fonds de l'Etat à ces cours d'eau qui s'en sont parfaitement passés jusqu'à présent. Et cependant, messieurs, s'il y a quelque chose de vrai, c'est que ces travaux sont moins indispensables que jamais, car ces rivières qui pouvaient constituer autrefois des voies de communication utiles, ont singulièrement perdu de cette utilité depuis que partout on a construit des routes, des canaux, des chemins de fer.
Encore une fois, je vous adjure de ne point entrer dans la voie ruineuse où l'on vous convie d'entrer.
Vous ne savez, disait tout à l'heure l'honorable M. Dumortier à M. le ministre des travaux publics, vous ne savez point vous-même la dépense que vous allez entreprendre. Et M. le ministre de répondre qu'il n'avait pas dit cela. Eh bien, ce que M. le ministre n'a pas dit, il aurait pu le dire, car il est positif qu'il ne le sait pas et qu'il s'engage dans un inconnu très peu rassurant pour nos finances.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je dois d'abord un mot de réponse à l'honorable M. Orban, qui vient de déclarer que depuis quelques années, la rivière d'Ourthe ne présente plus aucune importance et que, dès lors, il n'insiste plus pour la reprise de cette rivière.
Et l'année dernière, l'honorable M. Orban se joignait à ses honorables collègues d'Ypres et d'Anvers et il demandait également que le gouvernement se chargeât de la rivière d'Ourthe.
Mais, dit l'honorable membre aujourd'hui, quelle source de dépenses pour l'Etat ! L'honorable membre perd de vue qu'on propose une dépense de 30,000 fr. compensée par des recettes équivalentes, et il perd de vue ce point si important, que le gouvernement propose aujourd'hui la reprise de ces cours d'eau à de tout autres conditions que celles auxquelles on a effectué les reprises de 1839, 1840 et 1845.
En 1839, en 1840 et en 1845 la reprise a été faite purement et simplement, et le gouvernement n'a pas réservé du tout la question des travaux extraordinaires à faire à ces cours d'eau ; aujourd'hui il est entendu et il sera déclaré par un vote solennel de la chambre, si la proposition de la section centrale est adoptée, que ces travaux ne tomberont pas à la charge de l'Etat. Que vient donc parler l'honorable membre de dépenses pour l'Etat ? Je lui réponds par le vote de la chambre, qui sera sans doute conforme à la proposition faite par la section centrale.
Mais, messieurs, comme je le disais dans une discussion antérieure sur cette question, le gouvernement avait pris envers la chambre une sorte d'engagement moral ; en 1839, lorsque l’honorable M. Desmet demandait que le gouvernement reprît tous les cours d'eau qui figurent dans l'arrêté de 1819, le ministre des travaux publics répondit :
« Qu'on attende les réclamations des provinces (ces réclamations se produisent depuis nombre d'années, la Flandre orientale demande la reprise de la Lieve ; et de la Langeleede. La province d'Anvers demande la reprise de la Grande-Nèthe. La province de Liège demande la reprise de l'Emblève et de la Vesdre. Ainsi les provinces ont réclamé et elles ont réclamé depuis longtemps), qu'on attende les réclamations des provinces, disait l’honorable M. Nothomb et la Chambre saura leur faire justice. »
Il y a donc une sorte d'engagement moral de la part du gouvernement de faire cette reprise, mais au lieu de la faire purement et simplement, la reprise n'aura lieu que moyennant des conditions formellement libellées dans la proposition de la section centrale qui sauvegardenl, selon moi, les intérêts du trésor.
M. A. Vandenpeereboom. - Je désire répondre deux mots à l'honorable M. Dumortier qui a prétendu que cette discussion enlève un temps précieux à la chambre, et que c'est un motif pour prononcer l'ajournement.
Il me semble que c'est l’honorable membre lui-même qui a soulevé une discussion longue et inutile en proposant l'ajournement : si nous avions discuté le fond, nous aurions employé notre temps d'une manière infiniment plus fructueuse.
L'honorable membre a dit encore que je ne siégeais pas sur les bancs de la Chambre quand on a repris d'autres rivières ; je réponds que lorsque nous soutenons une discussion nous nous donnons la peine de lire les précédents et les pièces qui se rapportent à la question ; nous, qui sommes plus récemment entré dans cette enceinte.nous montrons peut-être, sous ce rapport, beaucoup plus de sollicitude que d'anciens membres, qui oublient parfois de lire les documents. C’est ainsi que l'honorable M. Dumortier n'aurait pas allégué l'obscurité de la question, s'il s'était donné la peine de lire les pièces qui nous ont été distribuées.
Si l'honorable M. Dumortier avait bien voulu examiner avec soin le rapport que le gouvernement a communiqué à la Chambre, s'il avait voulu, surtout, étudier le rapport si remarquable et fait avec tant de soin par l’honorable rapporteur de la section centrale, je crois qu'il aurait eu ses apaisements et qu'il aurait parfaitement bien compris quel était le principe qui devait guider en pareille matière.
D'autres membres aussi, me paraît-il, n'auraient pas parlé en faveur de l'ajournement, n'auraient pas fait certaines observations, s'ils avaient lu ces mêmes documents. C'est ainsi qu'on est venu dire plusieurs fois ;: On ne peut voter, parce qu'on ne connaît pas le devis des dépenses extraordinaires à faire. C'est une erreur ; car le devis des travaux à exécuter ont été faits avec soin par les ingénieurs de l'Etat et les sommes à dépenser sont consignées dans le rapport que nous a communiqué le gouvernement. Si donc on avait voulu, on aurait vu que l'affaire est parfaitement mûre et qu'elle peut être parfaitement tranchée dans l'un ou l'autre sens.
Quant à l'honorable M. Orban qui est venu nous dire avec beaucoup de naïveté que l'année dernière, lorsqu'il avait proposé un amendement il l'avait fait uniquemeut pour faire tomber la proposition dont la chambre était saisie, je dois lui dire que, quant à moi, je ne croirai jamais pouvoir employer de pareils moyens pour faire choir une proposition que je combats. Mes honorables amis et moi, lorsque nous combattons une proposition, nous avons la franchise de le faire directement et de ne pas influer sur le vote de la chambre par des moyens dilatoires.
Je n'ai plus qu'une observation à faire : déjà on a repris divers canaux et rivières par la loi du budget. On nous objecte que ces canaux et rivières produisent au trésor au lieu de lui coûter. Je demanderai (page 317) à l'honorable membre qui a émis cet argument, si l'Etat a repris ces canaux uniquement pour les recettes qu'ils produisent.
S'il en était ainsi, si cette reprise n'avait pas été faite en vertu d'un principe, parce que l'Etat était propriétaire de ces canaux, le vote de la Chambre n'aurait été qu'un vote de spoliation aux dépens des provinces propriétaires de ces cours d'eau. Mais c'est en vertu d'un principe que cette reprise a eu lieu ; et ce principe qui est vrai lorsqu'il s'agit de la reprise de cours d'eau produisant des recettes à l'Etat, est vrai aussi lorsqu'il s'agit de cours d'eau qui ne rapportent rien. Ce principe a été appliqué, il doit l'être jusqu'à ses dernières conséquences. Sans cela, je le répète, en faisant la reprise des voies navigables profitables à l'Etat, vous avez spolié les provinces et vous n'en aviez pas le droit.
Si le principe reste toujours le même, je crois aussi que le mode de reprise doit être identique, et si l'on a autrefois procédé à la reprise de rivières par la loi du budget, je crois que celles dont il s'agit doivent également être reprises par une loi de même nature.
J'insiste donc fortement pour que la motion de l'honorable M. Dumortier ne soit pas adoptée.
M. Dumortier (pour un fait personnel). - Je n'autorise personne dans cette Chambre, et surtout M. Alphonse Vandenpeereboom, de venir prétendre et donner à entendre que j'arrive ici sans avoir lua les pièces qui se rattachent à la discussion. Je n'autorise personne à venir ni directement ni indirectement émettre de semblables assertions. Chacun de nous lit les pièces, et je croirais faire injure à mes collègues si je venais les accuser de ne pas avoir lu les documents dont ils parlent.
J'ai aussi lu les pièces, et c'est parce que je les ai lues que je dis que la proposition qui nous est faite est inexplicable. C'est parce que je les ai lues, que je vis le gouffre dans lequel vous voulez entraîner l'Etat ; et c'est parce que vous savez que ce gouffre existe, que vous ne voulez pas que l'on discute. Voilà pourquoi vous voulez étouffer la discussion ; et vous voulez l'étouffer au moyen d'un vote au budget.
Je demande au contraire une discussion et un vote sérieux. Je les demande d'autant plus qu'il est écrit dans le document de la section centrale que je tiens en mains, que ce chiffre que vous demandez ne pourra recevoir d'application qu'après que la loi aura réglé la part d'intervention de chacun. Or, à quoi bon venir poser, dans une loi de budget, l'application d'un principe que vous n'avez pas encore voté et que vous devez examiner ?
M. le président. - M. Dumortier, vous n'êtes plus dans le fait personnel.
M. Dumortier. - Je suis dans le fait personnel.
M. le président. - Non, vous en êtes sorti.
M. Dumortier. - Je n'en suis pas sorti. D'ailleurs je suis seul juge du fait personnel. (Interruption.)
M. le président. - Le président en est aussi juge ; je vous engage à rentrer dans le fait personnel.
M. Dumortier. - Je dis donc, messieurs, que je ne reconnais pas à M. Vandenpeereboom le droit de déverser, en prétendant que je n'ai pas lu les pièces, le blâme sur une proposition que j'ai faite exclusivement dans l’intérêt du trésor et pour le sauver de l'abîme dans lequel on veut précipiter le pays. Je le répète, c'est la lecture des pièces qui m'a prouvé combien ce que vous demandez est ruineux pour le trésor, et la preuve que vous le savez aussi, c'est que vous ne voulez pas une discussion sérieuse sur ce point.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Je n'entretiendrai la chambre que pendant un instant.
J'ai demandé la parole tout à l'heure, lorsque l'honorable M. Orban est venu produire devant la chambre un fantôme effrayant. A entendre l'honorable membre, on croirait que la banqueroute est déjà à nos portes. Or, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une somme de 10,000 fr. Car je supplie la chambre de bien vouloir remarquer que la section centrale a fait des réserves en ce qui concerne les travaux extraordinaires à faire aux rivières dont la reprise sera faite par l'Etat.
La section centrale est partie de ce principe que les rivières navigables et flottables sont la propriété de l'Etat ; ceci répond à l'honorable M. Mercier qui disait tout à l'heure : Nous devons faire acte de prudence. Mais je dis : Avant de faire un acte de prudence, faites un acte de justice. Si les rivières navigables et flottables sont la propriété de l'Etat, c'est à l'Etat à les entretenir, c'est à l'Etat à supporter les frais de curage. Libre à vous de repousser plus tard les travaux extraordinaires d'amélioration que l'on vous proposera de faire à ces rivières. Lorsque par une loi spéciale, on viendra vous proposer de fixer la part de l'Etat dans les frais de ces travaux, on pourra discuter ; mais en ce moment je crois que toute discussion est parfaitement inutile. S'il est vrai que, d'après le code civil, les rivières navigables et flottables sont la propriété de l'Etat, il n'y a pas à discuter.
M. Mercier. - La question est entière en ce moment, l'Etat peut faire ses conditions pour la reprise de ces rivières et de ces canaux.
Messieurs, il y a longtemps que l'état de choses actuel existe, et je ne vois pas qu il y ait une telle urgence de le faire cesser, que l'on doive mettre de côté toutes les règles de la prudence.
Messieurs, lorsqu’il s'agira d'exécuter les travaux extraordinaires dont on parle et qui sont connus, comme vous l'a fait observer l’honorable M. Vandenpeereboom ;; lorsqu'il s'agira de régler la part des provinces et celle des communes dans les dépenses, vous prouverez précisément pour adversaires les plus chauds partisans du projet actuel. Alors on trouvera que l'on demande trop aux provinces, que l’on demande trop aux communes, que l'on demande trop aux particuliers et l'on rejettera les propositions du gouvernement. Et cependant parmi ces travaux il y en a qui auront été jugés utiles, peut-être inévitables et le gouvernement se verra forcé d'en assumer la charge dans une proportion bien plus forte que si tout avait été réglé d'avance.
Il importe donc de déterminer en même temps la reprise et ce qui concerne la part de chacun dans les frais des travaux. Ainsi nous agirons avec prudence. Mais si nous acceptons aujourd hui la reprise, nous nous désarmons complètement.
Je conseille donc à la Chambre de voter l'ajournement.
Je n'ai pas voulu aborder, comme l'ont fait plusieurs honorables membres, la question de fond. Il y a une véritable pétition de principe lorsqu'on dit : La reprise de ces cours d'eau est de droit ; mais alors pourquoi discutons-nous ? Non, ce n'est pas de droit, puisque depuis longtemps on discute cette question et que jusqu'ici elle n'est pas résolue, qu'on vienne avec un projet complet, qu'on détermine, en même temps que la reprise, le règlement de la part des provinces, de celle des communes et de celle des particuliers dans la dépense ; quant à moi, je n'ai pas de parti pris contre la proposition, mais, je le répète, voter aujourd hui la reprise, ce serait agir avec imprévoyance.
M. Lebeau. - Je crois que la Chambre peut encore consacrer quelques instants à cette discussion, qui me paraît très importante, surtout par le précédent qu'elle va poser. Il s'agit d'engager la Chambre à faire un nouveau pas dans une voie dangereuse.
Je suis tout prêt, messieurs, à examiner la loi de principe qui nous est annoncée et qui doit régler le concours de l’Etat, des provinces et des communes dans la dépense dont il s'agit. Je suis prêt à discuter cette loi ; je l'appelle de tous mes vœux ; mais ce que je ne puis admettre, c'est que l'on consigne dans le budget les conséquences d'un principe, alors que ce principe n'a pas encore été soumis à la discussion. On intervertit ainsi l'ordre naturel des faits ; on veut, je le répète, inscrire dans le budget la conséquence de la loi alors que le principe n'en a pas encore été examiné.
Il ne faut pas, messieurs, qu'on vienne argumenter aujourd'hui de certains précédents posés par la législature et qui remontent, du reste, à une époque assez éloignée. Ainsi, on a parlé de la reprise de l'Escaut et de la Meuse ; mais dans quelle intention l'Etat a-t-il repris l'administration de ces fleuves ? Est-ce dans le but de faire des recettes ? Est-ce dans une vue de lucre ? Nullement. Qu'est-ce que l'Escaut rapporte à l'Etat ;? Qu'est-ce que la Meuse rapporte à l’Etat ? Que peut-elle jamais lui rapporter, quand aucun péage un peu significatif ne peut, à cause des traités, être établi sur ce fleuve et alors que l'Etat a dépensé des millions sans compensation aucune, autre que les facilités accordées au commerce ? L'Etat a repris quoi ? La faculté de dépenser de l'argent pour améliorer de grandes voies fluviales. Voilà tout.
D'ailleurs, une autre considération rend encore ce précédent sans valeur dans le cas actuel ; c'est qu'il y a ici quelque chose de mixte, quelque chose qui reste à régler. Quand l’Etat a repris l'Escaut, la Meuse, le canal de Condé, il ne restait rien à régler, sous le rapport de la dépense, entre les communes, les provinces et l’Etat. L’Etat restait seul chargé de la dépense, comme il devait seul profiter des recettes. Il n'y avait donc pas là une loi à faire ; ici, au contraire, tout le monde convient qu'il faut en faire une.
On veut, messieurs, introduire, par un nouveau et dangereux précédent, une charge indéterminée. On le fait à l'aide d'un chiffre extrêmement modeste. C'est toujours ainsi qu'on veut entrer dans le budget. On se fait toujours nain pour s'y glisser, sauf, après s'y être bien établi, à devenir géant au bout de quelques années.
Vous en avez, messieurs, des exemples nombreux dans vos annales parlementaires.
Voyez, pour n'en cher qu'un exemple, l'allocation affectée aux chemins vicinaux. La première fois on ne proposait que 100,000 francs et l'on pensait sincèrement pouvoir en rester là ; on rencontrait cependant la plus grande résistance, ce chiffre était alors considéré comme exorbitant. Aujourd'hui on trouve qu'un demi-million n'est pas assez. On parle d'atteindre 800,000 francs. Où s'arrêtera-t-on ?
Voilà comment, une fois entré dans le budget, on s'y développe, on s'y grandit. On s'y développe surtout quand on a pour auxiliaire la pression presque irrésistible qu'exercent sur nous tous les intérêts locaux, les intérêts provinciaux, bien plus puissants sur l’esprit de presque tous que l'intérêt général, que l'intérêt gouvernemental, alors surtout que le gouvernement ne résiste pas à cette pression.
Et, messieurs, dans quel moment vient-on nous proposer une dépense dont la portée n'est véritablement pas appréciable ? C'est lorsque nous sommes obligés d'augmenter nos dépenses en même temps que nous voyons diminuer la plupart de nos recettes. C'est quand nous opérons des réductions de tarifs commandées par les motifs les plus impérieux ; c'est quand la diminution du nombre des affaires doit nécessairement exercer son influence très dommageable sur tous les produits indirects. Véritablement on ne peut pas plus mal choisir son temps !
J'aurais encore bien des choses à dire, mais je ne veux pas abuser de la patience générale et de l'attention que la Chambre a bien voulu m'accorder après une discussion déjà si longue sur une simple motion d'ordre.
(page 318) - La clôture est demandée et prononcée.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ajournement.
71 membres sont présents.
27 adoptent.
44 rejettent.
En conséquence, l'ajournement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Mérode (F.), de Muelenaere, de Renesse, de Steenhault, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Magherman, Mascart, Mercier, Orban, Orts, Rodenbach, Rousselle (Ch.), Tremouroux, Vander Donckt, Van Overloop, Verhaegen, Allard, Ansiau, Boulez, Dautrebande et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. David, de Baillet (H.), de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Devaux, Jacques, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Matthieu, Moreau, Moxbon, Osy, Coppieters, Rogier, Roussel (A.), Thiéfry, T Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vaudenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Anspach, Brixhe, Clop. Closset et Coomans.
M. le président. -La discussion est ouverte sur le fond de la proposition.
Voici un amendement qui a été proposé par M. Ch. Rousselle :
« (Dans la parenthèse.) La part contributive des provinces, des communes et des propriétaires intéressés dans l'entretien et dans l'exécution des grands travaux, etc. »
La parole est à M. de Mérode-Westerloo.
M. de Mérode-Westerloo. - Comme vous l'a dit l'honorable M. de Naeyer dans une précédente séance, rien, messieurs, n'est plus intimement lié que l'intérêt agricole et le bon régime des eaux. Il suffit de jeter un regard sur la carte de la Belgique, pour se convaincre que, dans aucun autre pays, si ce n'est peut-être la Hollande, le régime des cours d'eau n'exige, quelle que soit leur importance, une plus grande sollicitude de la part du gouvernement. Il vous paraîtra donc naturel et à plus forte raison, messieurs, que l'on mette une certaine insistance, je dirai une certaine opiniâtreté à reproduire ici des plaintes et des demandes fondées sur ce que l'on regarde, à bon droit, comme une injustice dans la distribution des charges publiques.
En effet, après avoir lu le remarquable rapport de la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi de reprise par l'Etat de certains cours d'eau naturels et artificiels, on ne peut que se féliciter de la réparation d'une injustice dont notre province n'a eu que trop longtemps à souffrir.
Mais il y a, messieurs, dans la conclusion de la section centrale une parenthèse que je ne puis accepter, parce qu'elle fera peser sur la province dans laquelle coule la Grande-Nèthe et sur les communes dont elle parcourt le territoire, une charge qu'il m'est impossible de regarder comme équitable, comme fondé en droit de leur imposer. En effet, que dit la section centrale dans son rapport :
« L'arrêté de 1819 avait remis aux provinces aussi bien les rivières dont le produit excédait les frais d'entretien que celles dont le revenus ne suffisaient pas pour couvrir ces dépenses ; qu'il a donc été peu équitable (nous faisons ici abstraction du droit) de rapporter cet arrêté en ce qui concerne les rivières dont les produits excédaient les frais d'entretien et de laisser à la charge des provinces celles qui leur étaient, onéreuses. Cédées ensemble, l'équité exigeait qu'elles furent reprises ensemble. »
Voilà, messieurs, pour ce qui concerne la question d'équité. Voyons maintenant la question de droit.
Ces grands travaux d'amélioration, en quoi consistent-ils, en somme, pour la Nèthe ? Mais à rendre à cette rivière navigable et flottable la régularité de son cours et de son lit entièrement changé par l'absence du curage et de l'entretien qui auraient dû incomber à l'Etat depuis le temps où il a repris les rivières de la même catégorie. La loi du 16 septembre 1807 serait-elle donc applicable au genre de travaux à exécuter à la Grandc-Nèthe ? Non ; car, dit encore la section centrale dans son rapport :
« Elle ne s'applique qu'au cas où il s'agirait d'augmenter, par des travaux considérables, la valeur des propriétés. Alors la loi prescrit l'intervention de ceux dont les propriétés sont protégées par ces travaux ; alors elle veut qu'ils payent une indemnité en proportion de l'augmentation de valeur que leurs propriétés auront acquise ; alors elle parle d'une part contributive à payer par les intéressés dans les dépenses d'entretien et de réparation de ces travaux. »
Or, je nie qu'il s'agisse, pour les propriétés riveraines de la Nèthe, d'une augmentation positive de valeur, par la cessation des inondations intempestives auxquelles elles sont sans cesse soumises aujourd'hui. Oui, elles subiront une plus-value, mais une plus-value négative ; c'est-à-dire qu'elles seront ramenées à la valeur qu'elles auraient eue depuis longtemps, si l'Etat, fidèle aux devoirs qui lui incombaient vis-à-vis d'une rivière navigable et flottable, avait entretenu convenablement le lit de la rivière et y avait exécuté les travaux qu'implique l'administration d'un cours d'eau par l'Etat. Enfin, messieurs, un dernier motif m’empêche d'accepter l'article de la section centrale, tel qu'elle l'a formulé à la fin de son rapport. Les travaux de défrichement exécutés par le gouvernement dans la Campine ont augmenté, de l'aveu de tous les hommes compétents, la masse d'eau que roule la Nèthe, et par là ont rendu ces inondations plus fortes et plus fréquentes encore. Permettez-moi, en terminant, de vous citer, à cet égard, un passage de la pétition que vous a adressée, dans cette session, le conseil provincial de la province d'Anvers.
« La Campine doit à la législature et aux efforts persévérants du gouvernement une sympathie sincère et des bienfaits pour lesquels le conseil provincial témoigne ici hautement sa reconnaissance.
« Mais ces bienfaits, destinés à mettre une partie de la province d'Anvers au niveau de la prospérité matérielle dont jouissent les autres provinces de notre heureuse patrie, perdent leur efficacité, si, à côté de travaux nouveaux destinés à rendre à la culture les bruyères incultes, notre province doit se résigner à voir détruire les récoltes qui augmentaient la richesse publique et transformer en mares les propriétés riveraines de la Nèthe, fertiles de temps immémorial. Le conseil doit le déclarer avec la plus intime conviction, en présence des considérations de droit et d'équité qu'il a eu l'honneur de vous exposer, on ne saurait refuser sans injustice à la province d'Anvers ce que la législature ne refuse à aucune autre province, quelque élevé qu'ait été le chiffre des sacrifices que le pays a dû s'imposer. »
Puisque j'ai la parole, je demanderai à M. le ministre des travaux publics quelques renseignements sur l'octroi, à la province d'Anvers, d'un subside qui lui a été assuré par la loi du 20 décembre 1851, pour l'amélioration du cours de la Petite-Nèthe en amont d'Hérenthals. J'ai été à même, cette année, d'apprécier personnellement quel bien immense pourrait être opéré, au moyen de travaux peu considérables, aux prairies qui longent cette rivière sur un espace de plus de trois lieues, et qui sont actuellement réduites à l'état de marais inabordables pendant dix mois de l'année.
M. Osy. - Messieurs, je ne veux pas plus que l'honorable M. Orban augmenter les dépenses. Mais que propose le gouvernement ? Une dépense de 30,000 fr. qui est compensée par une recette, ainsi que l'a dit M. le ministre des travaux publics.
Il est vrai que si nous reprenons des cours d'eau navigables, l'Etat aura plus tard une dépense à faire ; mais ce n'est pas dès cette année ; nous aurons à faire contribuer les provinces, les communes et les propriétaires.
Messieurs, le gouvernement accomplit aujourd'hui un acte de justice. Il y a bien des années qu'on aurait dû faire ce qu'on vous demande aujourd'hui. Maintenant que le gouvernement adopte le principe, devons-nous nous arrêter à une légère dépense qui, je le répète, est compensée par une recette ?
Aujourd'hui que l'affaire est instruite, la Chambre peut prendre une décision. Lorsqu'on a antérieurement repris d'autres rivières, jamais il n'y a eu de l'opposition. Maintenant que nous sommes en présence d'un rapport du gouvernement et de conclusions longuement motivées de la section centrale, nous ne pouvons nous refuser à adopter la proposition qui nous est faite par la section centrale ; j'aurais désiré que cette proposition ne fût pas conditionnelle ; mais je crois qu'il ne serait pas possible d'obtenir la reprise pure et simple dans les circonstances actuelles.
M. Dumortier. - Messieurs, on vous propose de reprendre pour le compte de l'Etat des rivières et des canaux qui ont été jusqu'aujourd'hui à la charge des provinces, bien que la propriété en fût à l'Etat.
Je dis que ces rivières et canaux ont été de tout temps la propriété de l'Etat ; mais les gouvernements qui nous ont précédés, plus sages, je pense, que le gouvernement actuel, avaient eu le bon esprit de ne pas vouloir tout faire par eux-mêmes et de laisser à la charge des provinces certaines dépenses qui dégrevaient ainsi le trésor public.
Ce qu'on vous propose, le voici donc eu deux mots : dégrever les budgets des provinces d'une somme égale à celle dont vous allez grever le budget de l'Etat ; dégrever les budgets de ces provinces principalement des dépenses extraordinaires qui peuvent se faire.
Or, quels sont les rivières et canaux qu'il s'agit de faire reprendre par l'Etat ?
C'esl d'abord l'Yser, puis la Grande-Nèthe, puis l'Emblève, puis la Vesdre, puis le canal de Plasschendaele et de Nieuport, par Furnes, à la frontière de France, puis la Lieve, puis enfin la Langeleede, à quoi l'honorable M. Jacques vient ajouter l'Ourthe. Ainsi que l'a dit l'honorable M. Mercier, voilà toute une collection de rivières et de canaux qu'on vous propose de reprendre.
Maintenant dans ces rivières et canaux, il y a diverses catégories. Il y a des canaux navigables et sur lesquels ou navigue chaque jour ; il y a des canaux qui ne sont pas navigables, comme, par exemple, le canal de la Langeleede, qui se jette dans les sables de la Hollande ; la Lieve, qui n'est pas du tout navigable.... (Interruption.) Navigable tout au plus pour les petites barques qui transportent des engrais.
Les conditions de navigabilité existent-elles pour l'Emblève, l'Ourthe et la Vesdre qu'on vous propose de reprendre ? Les deux premières de ces rivières ne sont nullement navigables ; l'Emblève est une rivière qu'on traverse à pied sec pendant l'été.
La Vesdre est remplie de deux côtés, le long de ses rives, d'une foule d'établissements industriels. L'Ourthe, au-delà de Laroche, est une rivière nullement navigable. Vous voyez donc que ce sont des conditions tout à fait différentes.
Qu'on reprît l'Yser qui est un fleuve qui se jette dans la mer ; qu'on reprît le canal de Plasschendaele et de Nieuport qui est un affluent à l'Yser, je le concevrais.
Mais ce que je ne puis pas concevoir, c'est qu'on vienne faire reprendre par l'Etat des rivières qui sont des torrents pendant l'hiver et qu'on traverse à pied sec pendant l'été ; ce que je ne puis comprendre, c'es qu'on propose la reprise de rivières comme la Lieve et la Langeleede. (page 319) Il n'y a qu'une seule manière d'expliquer la proposition de mettre de pareilles rivières à la charge de l'Etat, c'est qu'on a voulu faire une coalition, réunir un nombre de parties prenantes tel qu'on soit sûr de faire passer la chose. Si vous voulez reprendre toutes ces rivières et ces canaux, il faut reprendre tous les cours d'eau de la Belgique.
Reprenez la Mandel qui elle aussi cause des inondations. Moi qui suis député de Roulers je verrais aussi volontiers reprendre la Mandel que M. Vandenpeereboom les canaux de son arrondissement ; les intérêts des habitants du district de Roulers sont aussi respectables que ceux des habitants du district d'Ypres. Mon honorable ami M. Magherman verrait volontiers reprendre le Rasne ; c'est une rivière qu'on rendrait facilement navigable, ce serait d'un intérêt immense pour Renaix, qui est un des plus importants centres industriels parmi ceux de second ordre. Beaucoup de nos honorables collègues pourraient venir proposer la reprise de quelque cours d'eau par l'Etat et vous finiriez par mettre à la charge de l'Etat tous les cours d'eau du pays.
Pardon de la comparaison, mais M. le ministre des travaux publics ferait mieux de se constituer le grand cuisinier de la Belgique et de nous servir à tous un brouet noir comme à Sparte.
Quand je vois faire de semblables propositions, je ne sais en vérité à quoi l'on pense, surtout au milieu de circonstances comme celles où nous nous trouvons, comme le disait M. Lebeau. En présence du déficit, de la crise alimentaire qui diminue nos revenus, et nécessite de nouvelles dépenses, est-ce le cas d'augmenter le déficit, et de venir tarir les ressources du trésor en mettant à charge de l'Etat une foule de choses d'un intérêt secondaire dont les provinces ont fort bien fait les frais à la satisfaction de tout le monde ?
Je ne vois rien de plus déplorable que ces coalitions d'intérêts privés contre l'intérêt public.
Quand l'Etat venait reprendre l'Escaut et la Meuse, on disait, et je le comprenais : L'Etat doit reprendre l'administration de toutes les grandes artères du pays ; mais l'Emblève, la Vesdre, la Langeleede, la Lieve, l'Ourthe au-dessus du point où elle est navigable, si vous décrétez la reprise de toutes ces rivières, vous devez en faire autant pour tous les autres cours d'eau, décharger les provinces du soin de les entretenir, et augmenter votre budget, car pour couvrir les dépenses qui résulteront de cette mesure, il faudra créer de nouvelles impositions.
M. le ministre nous dit : Je ne porterai au budget pour l'administration de ces rivières que ce que les provinces portaient elles-mêmes pour cet objet. Tout le monde sait que les provinces font toutes leurs dépenses avec beaucoup plus d'économie que l'Etat. Mais le corps des ingénieurs qui était condamné à l'inaction tous les grands travaux étant terminés, devait chercher à avoir quelque chose à faire.
Personne n'ignore que ce petit principe qu'on propose d'introduire dans le budget, se développera et deviendra la cause d'une dépense de plus de 400,000 francs chaque année. Puisque la chambre veut examiner maintenant la proposition, je demande qu'on vote sur chaque objet en particulier. Puisqu'on a repris toutes les voies navigables, excepté une seule qui reste à reprendre, celle-là, je l'admettrai.
Mais ce que je ne puis concevoir, c'est qu'on reprenne des rivières qui sur tout leur parcours sont couvertes d'usines. On expose l'Etat à de grandes dépenses et à de nombreux procès. Ainsi, pour la Vesdre vous avez fait votre chemin de fer le long du lit de la Vesdre, vous avez détourné son cours. On en tirera prétexte pour vous accabler de sollicitations, vous intenter des procès, vous faire faire des dépenses énormes ; dans tous les cas on viendra argumenter du tort que la Yesdre fait à telle ou telle usine, et on vous entraînera dans des dépenses dont il est impossible de prévoir le chiffre. Quand l'entretien est à charge de la province, personne ne se plaint, on laisse aller les choses comme elles vont.
Je voterai pour la reprise de l'Yser parce que cette rivière confine à la frontière de France ; je voterai aussi les canaux parce qu'on a repris les autres antérieurement ; mais quant aux autres objets, je pense que la chambre doit en repousser la reprise parce qu'elle peut occasionner à l'Etat des dépenses dont il est impossible de prévoir le chiffre.
M. Van Overloop. - Messieurs, d'après le rapport de la section centrale, l'Etat devrait reprendre tous les cours d'eau qu'il énumère, par le motif qu'ils constituent des rivières navigables ou flottables et que tous les cours d’eau navigables ou flottables appartiennent à l’Etat.
Tous les cours d'eau navigables ou flottables appartiennent à l'Etat ; donc l'Etat doit remplir relativement à ces cours d'eau les obligations qui incombent au propriétaire. Voilà ce que dit le rapport de la section centrale. Mais, en réalité, jusqu'ici l'Etat n'a pas rempli ces obligations, pourquoi ? Parce que la question n'est pas aussi claire que le suppose la section centrale.
La question de la propriété des cours d'eau est un des plus difficiles que l'on rencontre dans la jurisprudence. La cour de cassation qui certes est à même d'apprécier la portée exacte des lois, admet que tous les cours d'eau navigables et flottables font partie du domaine public ; mais elle distingue trois espèces de domaines publics, conformément à votre organisation constitutionnelle, le domaine public de l'Etat, le domaine public de la province et le domaine public de la commune. Messieurs, ne perdons pas cela de vue.
Pourquoi veut-on mettre à la charge de l'Etat l'entretien et l'amélioration des cours d'eau dont il s'agit ?
Parce qu'il faut être juste, disait tantôt l'honorable rapporteur de la section centrale.
C'est aussi parce que je pense qu'il faut être juste que je viens m'opposer à la proposition. Ubi commodum ibi incommodum.
Là où est l'avantage, là doit être le désavantage : voilà ce que dit la justice. Donc, quant aux cours d'eau qui présentent un avantage général, l'Etat doit en prendre l'entretien et l'administration à sa charge ; mais si un cours d'eau n'arrose qu'une province, ou deux provinces la charge de son entretien et de son administration ne doit retomber que sur la ou les provinces qui en profitent ; l'Etat ne doit pas la supporter ; ce serait contraire à la justice, ces deux provinces qui ont l'avantage du cours d'eau doivent supporter les frais qu'il occasionne.
La question dont il s'agit a une très grande importance, car dans notre pays, il y a une infinité considérable de cours d'eau navigables et flottables autres que ceux qu'on veut mettre en ce moment à charge de l'Etat ; si vous vous montrez faciles aujourd'hui, demain, après-demain on viendra, avec une nouvelle nomenclature de cours d'eau, vous dire : Il faut que l'Etat les reprenne pour être conséquent avec ses précédents. L'honorable M. Lebeau avec beaucoup de justesse a signalé ce danger à votre attention ; on dira : L'Etat ne peut se refuser d'accorder aux uns ce qu'il a accordé aux autres, c'est-à-dire qu'on viendra tirer à boulets rouges sur le trésor public.
Et quand propose-t-on cela ? L'honorable M. Dumortier vient de le faire observer, comme l'avait déjà fait l'honorable M. Lebeau, à une époque où précisément les fonds de l'Etat devraient être administrés avec la plus stricte économie, afin de venir plus efficacement au secours des pauvres malheureux. Cette proposition ne pouvait donc être faite à une époque plus inopportune.
Je ferai la même distinction que l'honorable M. Dumortier ; je comprendrais que l'Etat reprît l'Yser, parce que ce cours d'eau est, relativement à la France, dans une position telle qu'il peut y avoir, pour l’Etat des motifs d'intérêt international à le reprendre.
Quant aux autres cours d'eau, je ne les connais pas tous parfaitement.
Mais pourquoi veut-on les faire reprendre ? Parce qu'ils sont mal administrés ? Non, parce que les frais d'entretien sont supportés par les provinces. Voilà le motif unique. Si les frais d'entretien étaient compensés par les revenus ou que ceux-ci donnassent un excédant, on ne demanderait pas la reprise par l'Etat.
Quant à l'utilité, est ce que l'Etat administre mieux que les provinces, que les particuliers ? Mais tout ce qui est administré de loin est en général mal administré. Ainsi, à la séance de samedi, j'ai adressé à M. le ministre des travaux publics une interpellation sur le mauvais état de l'embarcadère de Tamise. M. le ministre a déclaré qu'il avait donné des ordres pour que cet embarcadère fût réparé de manière à remplir sa destination.
M. le ministre a en effet donné les ordres nécessaires, et même depuis longtemps ; je l'en remercie ; or, j'ai reçu hier au matin, de M. le bourgmestre de Tamise (fonctionnaire qui prend vivement à cœur les intérêts de ses administrés) une lettre qui m'annonce la transmission des ordres, mais qui m'annonce aussi que les ordres n'ont pas été exécutés, que l'état de choses dont Tamise s'est plaint à juste titre existe encore. L'Etat n'administre donc pas bien.
C'est ce que nous voyons à chaque instant.
Vous vous rappelez les doléances de l'arrondissement de Saint-Nicolas, au sujet du canal de Stekene. On demanda en premier lieu que l'Etat fît à ce canal les travaux nécessaires pour le maintenir en état de navigabilité : l'Etal fit la sourde oreille. La commune de Stekene demanda ensuite un subside pour pouvoir mettre elle-même le canal en bon état. L'Etat voulut bien allouer un subside à la commune moyennant qu'elle consentît à se considérer comme propriétaire du canal. C'est que ce cours d'eau n'était pas très productif. Et cependant l’Etat était, me semble-t-il, bien et dûment propriétaire de ce canal, puisque depuis que la législation française a été rendue commune à notre pays, tous les produits du canal de Stekene ont été perçus par l'Etat, qui paraît vouloir absorber ce qui rapporte, et repousser ce qui est onéreux.
Qu'a fait l'Etat ? Il y a un mois, le canal de Stekene a été aliéné au profit de la commune de Stekene. Ainsi, d'une part, l'Etal aliène des cours d'eau qui ne lui paraissent pas productifs, et, d'autre part, il veut en acquérir.
Je crois, messieurs, que nous ne pouvons pas clore cette discussion. L'affaire est assez importante pour que la discussion soit continuée à demain. Il y a là une question de principe de la plus haute gravité
M. le ministre le reconnaît. Dès lors ne serait-il pas plus sage, plus prudent d'adopter l'ordre d'idées développé par l'honorable M. Lebeau ?
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'insiste avec l'honorable préopinant pour que la discussion continue demain. Je dois cependant répondre à un mot qui a pu faire impression sur la chambre. L'honorable M. Van Overloop pense que, d'après la jurisprudence, le gouvernement ne serait pas tenu d'entretenir les cours d'eau navigables et flottables, pas plus que les cours d'eau non navigables ni flottables. Je pense qu'à cet égard la jurisprudence invoquée n'a pas la portée que lui attribue l'honorable membre. Voici comment la question a été résolue.
Des auteurs, et notamment Proudhon, avaient prétendu contrairement à l'opinion qui avait été admise jusque-là, que le fond et le tréfond des rivières non navigables ni flottables faisaient partie du domaine public. On s'est emparé de cette opinion pour prétendre que le gouvernement devait pourvoir à l'entretien des rivières non navigables ni flottables, comme il le faisait pour les rivières navigables et flottables.
Or c'est cette opinion que la cour de cassation a condamnée ; elle a jugé (page 320) que si l'on admettait le principe que les rivières non navigables ni flottables sont des dépendances du domaine public, il n'en résultait pas que le gouvernement devait pourvoir aux frais d'entretien de ces cours d'eau, parce que le domaine public se divisait en domaine national, provincial et municipal. Mais la cour de cassation n'a jamais décidé qu'il en fût de même pour les rivières navigables et flottables ; c'est par identité de motifs, par analogie que l'on peut en décider ainsi, mais nullement en vertu de la jurisprudence.
- La discussion est continuée à demain.
M. Vermeire, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à proroger la loi qui autorise le gouvernement à régler le tarif des correspondances télégraphiques, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
La séance est levée à 4 heures 3/4.