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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 juin 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1621) M. Maertens procède à l'appel nominal à midi et demi ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée ; et fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Sénault, capitaine pensionné, prie la chambre de lui faire obtenir une pension à titre de receveur à vie, ou une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Denis prie la chambre de modifier la loi du 12 juin 1846, quant anx ventes et immeubles dans lesquelles les mineurs sont intéresses. »

- Même renvoi.


« Des membres du conseil communal et des habitants d'Oreye prient la chambre de n'accorder la concession d'un chemin de fer de Hasselt vers Maestricht qu'à la condition de construire un embranchement de Bilsen sur Ans, par Tongres, ou de décréter tout autre moyen qui relierait Liège à Bilsen, par Tongres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Hasselt vers Maestricht.


« Le sieur Bourgeois prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir un emploi ou une gratification. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Messages du sénat faisant connaître l'adoption par cette chambre des projets de loi relatifs 1° au budget du ministère de la guerre, pour l'exercice 1853 ; 2° à l'augmentation du personnel de la cour d'appel et du tribunal de première instance de Bruxelles ; 3° à la prorogation jusqu'au 24 mai 1855 de la loi du 24 mai 1848, sur l'entrée des machines, métiers et appareils nouveaux ou perfectionnés ; 4° à un crédit de 16,921 fr. 34 c, au département de la guerre ; 5° à l'augmentation de la dotation de l'héritier présomptif du trône. »

- Pris pour notification.

Rapports sur des pétitions

M. Closset, rapporteur. - « Le conseil communal de Reckheim prie la chambre d'accorder au sieur Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht. »

« Le conseil communal et les habitants de Boorsheim prient la chambre d'accorder au sieur Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht avec embranchement de Bilsen à Ans par Tongres. »

« Plusieurs négociants, distillateurs et d'autres habitants de Hasselt prient la chambre d'accorder au sieur Bernard la concession d'un chemin de fer de Hasselt à Ans par Tongres. »

La commission vous propose le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant concession d'un chemin de fer de Hasselt à la frontière du duché de Limbourg.

- Ces conclusions sont adoptées.


« Les membres de l'administration communale de Jauche demandent la construction d'un chemin de fer des bassins houillers de Charleroi à Landen. »

« L'administration communale d'Autre-Eglise déclare adhérer à cette pétition. »

« L'administration communale de Folx-les-Caves et les bourgmestres, échevins et conseillers communaux de Noduwez et d'Orp-le-Grand font la même déclaration d'adhésion. »

« L'administration communale de Grand-Hallet, celles de Jandrain-Jandrenouille, de Thisnes, de Wanzin, de Merdoop et d'Ambresin déclarent adhérer à la pétition du conseil communal de Jauche, relative à la construction d'un chemin de fer des bassins houillers de Charleroi à Landen. »

La commission vous propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant concession du chemin de fer de Fleurus à Landen.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du département de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. de Man d'Attenrode, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi de crédits supplémentaires au département de l'intérieur, dépose le deuxième rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion en tête de l'ordre du jour pour la séance de demain.

Projet de loi relatif à l’admission dans le service de santé de l’armée

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Oui, M. le président.

M. le président. - La discussion est ouverte sur le projet de la section centrale.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, la difficulté de pourvoir au recrutement du service de santé de l'armée a obligé le gouvernement à vous présenter un projet de loi portant extension, en faveur des élèves médecins et pharmaciens militaires, des limites d'âge posées par la loi du 10 mars 1847.

La section centrale chargée de l'examen de ce projet a émis l'avis que la disposition qu'il tend à consacrer serait insuffisante, et elle vous propose d'y ajouter un deuxième article destiné à prolonger aussi la limite de l'âge d'admission des praticiens civils.

Cette addition devant avoir pour résultat de laisser aux candidats étrangers à la discipline et à la vie militaires la faculté d'obtenir leurs grades scientifiques jusqu'à l'âge de trente ans pour les médecins, de 26 ans pour les pharmaciens, tandis que la limite de 28 et de 24 ans est imposée aux élèves médecins et pharmaciens de l'armée, je crois devoir prier la chambre de modifier l'article premier de manière à faire disparaître cette espèce d'anomalie.

Il suffirait pour cela, au lieu de dire à la fin de cet article : « avant d'avoir atteint les limites d'âge fixées par la loi précitée, » d'inscrire dans le projet : « avant d'avoir atteint respectivement l'âge de 30 et de 26 ans. »

Cet amendement devant rendre de plus en plus facile le recrutement du service de sauté de l'armée, j'ai lieu d'espérer que la section centrale ne fera pas difficulté de s'y rallier.

M. Thiéfry, rapporteur. - La section centrale a eu connaissance de cet amendement. Pour faire disparaître une inégalité entre les élèves miliciens et les praticiens civils, elle s'est ralliée à la proposition de M. le ministre de la guerre.

M. Lelièvre. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre de la guerre, sur la position des médecins militaires qui doit être régularisée, ainsi que l'a fait observer l'honorable M. de Brouckere lors de la discussion qui a eu lieu en 1847. Les médecins militaires ne jouissent pas du grade et des avantages qui doivent en justice leur appartenir. Je ne prolongerai pas les débats sur ce point, mais je prie le gouvernement de prendre en sérieuse considérations les réflexions si judicieuses présentées dans îe temps par l'honorable M. de Brouckere, et auxquelles on avait promis de faire droit.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Par dérogation aux dispositions des articles 3 et 6 de la loi du 10 mars 1847, le gouvernement est autorisé à admettre dans le service de santé de l'armée, en qualité de médecins adjoints ou de pharmaciens de troisième classe, les élèves médecins et pharmaciens de l'armée, quel que soit leur âge, pourvu qu'ils aient obtenu leurs grade scientifiques avant d'avoir atteint respectivement l'âge de 30 et de 26 ans. »

- Adopté.


« Art. 2. Le gouvernement pourra également admettre comme médecins adjoints les docteurs en médecins ci en chirurgie n'appartenant pas à l'armée et âgés de moins de 30 ans, et comme pharmaciens de troisième classe, les pharmaciens civils âgés de moins de 26 ans. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi ; il est adopté à l'unanimite des 60 membres présents.

Ce sont : MM. Moxhon, Orban, Osy. Peers, Pirmez, Rodenbach, Rousselle (Ch.), Sinave, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Veydt, Visart, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H ), de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Naeyer, de Perceval. de Pitteurs, de Renesse, de Ruddere, de Theux, de Wouters, Jacques. Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau et Delfosse.

Ordre des travaux de la chambre

M. David (pour une motion d’ordre). - Messieurs, une partie de mes honorables collègues désirent que nous puissions nous séparer samedi prochain. Avec l'ordre du jour chargé comme il l'est, si nous n'avons pas de séances du soir, il nous sera impossible de terminer après-demain.

D'un autre côté le sénat devrait peut-être se séparer sans avoir terminé les travaux que nous avons à lui renvoyer, si nous ne nous hâtons d'examiner les objets qui figurent encore à notre ordre du jour.

Je propose donc à la chambre de décider qu'elle aura une séance du soir aujourd'hui, et demain si c'est nécessaire.

(page 1622) M. Orban. - Nous avons, en effet, beaucoup d'objets à l'ordre du jour. Aussi je demande comment, même avec des séances commençant à midi et demi et avec des séances du soir, on veut se livrer à l'examen des diverses affaires qui sont soumises à la chambre. Il ne suffit pas de décider les affaires, il faut encore les examiner.

M. Coomans. - J'avoue que si nous voulons épuiser l'ordre du jour il faut que nos séances soient plus longues ou plus nombreuses. Mais je préférerais que nos réunions fussent fixées à onze heures du matin plutôt que d'avoir des séances du soir. (Interruption.) On ne se rendra pas aux séances de onze heures, me dit-on ; je réponds qu'on ne se rendra pas celles du soir.

M. le président. - On pourrait fixer la séance de demain à onze heures et, si l'on en reconnaissait la nécessité, avoir une séance du soir. Il y a inconvénient à avoir des séances du soir le jour même où l'on décide qu'elles auront lieu ; les membres absents n'étant pas prévenus ne s'y rendent pas ; on s'expose à ne pas être en nombre.

M. David. - Je crains que si l'on fixe les séances à onze heures, nous devions attendre longtemps avant d'être en nombre et que les séances ne pourront s'ouviir qu'à midi ou midi et demi. Ce n'est donc pas un moyen efficace de gagner du temps.

Nous avons déjà eu des séances du soir, et chacun s'y rendait Il est évident que quand nous rendons en sections à partir de 10 heures du matin, et cela arrive souvent dans le cours des sessions, nous sommes soumis à un travail plus fatigant que ce que je demande aujourd'hui, l'honorable M. Orban doit en convenir.

- La chambre décide qu'elle se réunira demain à midi et qu'elle tiendra une séance demain soir.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. le président. - La section centrale, à l'unanimité, moins une abstention, a voté les 3,500,000 fr., sous la condition, acceptée par le gouvernement, que M. le ministre de la guerre emploiera autant que possible les crédits demandés aux dépenses indiquées au tableau qu'il a fourni.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, le projet de loi soumis en ce moment à nos délibérations soulève une des questions les plus importantes qui puissent être discutées dans cette enceinte, la grande question des forteresses belges. Cette question, messieurs, est très importante au point de vue de la défense nationale, au point de vue diplomatique et en quelque sorte au point de vue européen ; elle touche aussi à des intérêts d'un ordre peut-être moins élevé, mais cependant respectables, c'est à-dire à quelques intérêts locaux.

Je dois donc regretter, messieurs, que cette question si importante, si sérieuse, se présente à la fin d'une session, incidemment, à l'occasion de la discussion d'un crédit dont une grande partie est d’ailleurs destinée à d'autres dépenses que celles résultant de la démolition des forteresses ; je regrette surtout que la question se présente à une époque où elle est pour ainsi dire tranchée par le fait, puisqu'au moment où nous sommes admis à la discuter, la plupart des places fortes sont déjà dans une position telle, que presque toute valeur défensive leur est enlevée.

Dans d'autres circonstances et notamment en 1845, l'honorable général Goblet, alors ministre des affaires étrangères, interpellé en séance du 8 avril, par plusieurs membres de la chambre sur le point de savoir si le gouvernement était décidé à exécuter la convention du 14 décembre 1831, répondit qu'en aucun cas les forteresses ne seraient démolies sans que les chambres eussent été préalablement consultées.

Missieurs, j'exprime simplement un regret ; mon intention n'est nullement d’adresser un blâme au gouvernement ; il peut surgir des circonstances où la responsabilité du gouvernement soit tellement engagée, qu'il se trouve dans la nécessité de prendre des mesures d'urgence.

Messieurs, la question des forteresses a été, à diverses reprises, discutée dans cette enceinte ; examinée par les hommes parfaitement compétents, elle a fait l'objet des délibérations de divers comités, a été résolue en sens divers, et si, au sein de la grande commission, elle a été, en dernier lieu, tranchée dans le sens de la démolition, dans d'autres circonstances, des hommes spéciaux ont émis une idée tout à fait contraire. Des hommes qui ont étudié les questions stratégiques avec le plus grand soin sont d'opinion encore aujourd'hui, que de nos forteresses pourrait, dans certains cas, être très utile à la défense du territoire.

Quoiqu'il en soit, et malgré l'opinion des officiers généraux qui se prononcent dans le sens de ma manière de voir, je crois qu'il me serait impossible de placer la question sur le terrain stratégique. Si je choisissais un pareil champ de bataille, il est évident que je serais battu par l'honorable ministre de la guerre qui connaît ce terrain infiniment mieux que moi ; je crois néanmoins devoir faire une simple et unique observation.

En 1845, messieurs, lorsque la chambre discuta la loi d'organisation de l'armée, quand elle décida qu'il fallait, pour la défense nationale, une armée de 80,000 hommes, aidée d'une armée de 20,000 hommes de garde civique, à cette époque, il n'était nullement question de démolir les forteresses ; on organisa alors l'armée, d'abord pour faire face aux nécessités de la défense en rase campagne, et ensuite en vue de la défense de nos places fortes.

Lors de la discussion de la loi, le ministre des affaires étrangères. M. le général Goblet, dont j'ai parlé tout à l'heure, fut interpellé, on lui demanda s'il serait donné suite à la convention de 1831 ; cet honorable ministre répondit négativement ; il est donc acquis qu'à cette époque dans l'opinion du gouvernement, nos forteresses devaient être conservées et pouvaient être défendues.

Je demanderai ce qui, depuis cette époque, a pu se passer ; si autrefois le gouvernement a eu l'opinion qu'on devait et qu'on pouvait défendre les places fortes, alors que l'armée n'était que de 80,000 hommes, comment, aujourd'hui que notre effectif de guerre est de 100,000 hommes, cette défense serait inutile et impossible ?

Si la question des forteresses est importante au point de vue belge, elle n'est pas moins grave à un autre point de vue, au point de vue international, au point de vue européen. Depuis des siècles cette question n'a cessé de préoccuper la diplomatie ; elle a fait l'objet de l'attention la plus vive et la plus constante de toutes les grandes puissances de l'Europe.

Ainsi, le traité des barrières, les traités de 1815, en dernier lieu la convention du 14 décembre 1831 sont des preuves que, dans toutes les circonstances, les puissances se sont préoccupées de la question des forteresses belges, et que si cette question a reçu des solutions diverses, l'importance de la question en principe n'a jamais été méconnue.

Je n'adresserai pas d'interpellation à M. le ministre des affaires étrangères.

Je comprends combien la matière est délicate ; mais si je m'abstiens de faire une interpellation à cet égard, c'est uniquement en vue des circonstances où nous nous trouvons, et j'espère que la chambre appréciera ma réserve à ce sujet.

Le gouvernempnt jugera s'il peut donner quelques explications sur les traités de 1815, la convention de 1831, leur valeur actuelle, enfin sur les actes diplomatiqnes intervenus depuis cette dernière époque. Mais je rappellerai un fait important.

Lors des négociations qui précédèrent la conclusion de la convention de 1831, on agita la question de savoir si la place d'Ypres devait être démolie.

A cette époque, de longues discussions eurent lieu à Londres, c'est à la suite de ces discussions qu'on décida que cette place, qui avait été primitivement condamnée, ne serait pas comprise dans le traité. En effet, quand la convention de 1831 fut soumise à la ratification du parlement, la place d'Ypres ne se trouvait pas comprise au nombre des places à démanteler.

J'ai cherché à connaître quels avaient été les motifs de ce changement d'opinion de la part de la conférence ; et si je suis bien informé, un homme d'Etat et de guerre, dont certes personne ne contestera la compétence, le duc de Wellington, avait présenté des observations basées sur des considérations d'un ordre très élevé, et c'est à la suite de ces observations que la place d'Ypres, qui avait été primitivement désignée pour être démolie, fut conservée.

Ce fait me paraît très grave, et, sans blesser qui que ce soit, je crois pouvoir invoquer l'opinion du grand général qui contribua, en 1815, à faire adopter le Systems de barrière qui fut alors arrêté.

Depuis cette époque, messieurs, depuis 1831, la situation de notre pays est-elle changée ? Pourquoi des places fortes dont la conservation était jugée utile en 1831, doivent-elles être démolies et démolies sans le moindre retard en 1853 ? Pourquoi d'autres forteresses qui, en 1831, étaient condamnées doivent-elles être conservées et réparées aujourd'hui ?

Messieurs, si j'insiste sur ce point, si je présente ces observations, c'est que je désire que la chambre qui va prendre une détermination extrêmement grave n'ait pas à regretter la décision qu'elle prend aujourd'hui, c'est que je désire qu'un jour nos successeurs n'aient pas à voter des sommes considérables pour reconstruire les forteresses qu'on démolira à très grands frais.

Si depuis 1831 on n'avait pas ajourné l'exécution de certaines mesures, la forteresse de Mons serait aujourd'hui démolie ; elle devait l'être aux termes de la convention du 14 octobre, et n'aurions-nous pas de grands regrets et éventuellement de grandes dépenses à faire pour la remettre en état de défense ?

Si la forteresse d'Ypres est démolie, elle aura été démantelée trois fois en moins d'un siècle, et les vieillards qui habitent cette ville l'ont vu reconstruire deux fois à très grands frais.

La forteresse de Menin a été construite il y a 30 à 35 ans, et l'entrepreneur qui en a construit une partie est occupe à la démolir, de sorte que celui qui fut chargé de la construction est aujourd'hui chargé de la démolition de cette forteresse.

Si je cite ces exemples, c'est pour montrer que les choses les plus solides passent et que les forteresses qu'on croit destinées à une existence permanente, sont soumises aux vicissitudes des choses de ce monde qu'il n'y a rien d'absolu, rien de perpétuel. Les systèmes de défense varient donc aussi suivant les circonstances, suivant les faits extérieurs qui se produisent et quelquefois suivant l'opinion des hommes appelés à les arrêter, les mettent en pratique.

(page 1623) En présence de ces considérations tirées de la situation de nos finances et de la défense du pays, je demande s'il ne faut pas être extrêmement prudent et réservé avant de procéder à des démolitions très onéreuses.

Il faut être prudent en pareille matière, car construire des forteresses est une opération très coûteuse ; nous en avons la preuve, nous savons ce qu'il en coûte pour ajouter seulement quelques fortifications à une forteresse existante, à Anvers. Nous savons ce que nous avons voté déjà pour ces fortifications, et nous serions peut-être effrayés si nous savions ce que nous devrons voter encore pour les compléter et nous savons ce qu'a payé le pays pour la forteresse de Diest, depuis dix ans.

La place d'Ypres qu'il s'agit de démolir a coûté depuis 1815 de 9 à 10 millions de francs, et si l'on ajoutait aux dépenses faites alors, les dépenses antérieures, on reconnaîtrait que les ouvrages à détruire ont coûté plus de 30 millions de fr.

Messieurs, l'honorable M. Thiéfry, dans le rapport fait au nom de la section centrale, a dit que la question de démolition des forteresses était une question nationale, que dès lors il était nécessaire de donner suite à la résolution prise et que pour sauver l’indépendance nationale, il ne fallait pas hésiter à démolir sans retard les forteresses condamnées. Là est toute la question. Sans doute si l’indépendance est en jeu, il faut savoir faire des sacrifices, il faut savoir se soumettre à de tristes nécessités locales. Sous ce rapport, je serais éventuellement d’accord avec l’honorable rapporteur.

Mais il est un autre point sur lequel je ne puis partager l'opinion de cet honorable collègue ; je ne puis croire que la démolition des forteresses sera très avantageuse à l'Etat ; je pense que les résultats prouveront que l'on se fait illusion, et que d'ici à peu de temps de nouveaux crédits assez importants vous seront demandés pour démolir, tandis que les prix de vente des terrains resteront de beaucoup au-dessous des évaluations faites. La place d'Ypres est la plus importante des places condamnées, sa démolition coûterait près d'un million, en prenant pour point de comparaison les adjudications récemment faites à Menin et à Ypres même pour l'établissement de la station du chemin de fer, et je n'oserais affirmer que la vente des 130 à 160 hectares de terrain environ qui, d'après le cadastre, forment le domaine de la guerre, rapportera la moitié de cette somme.

En effet, messieurs, c'est une erreur de croire que dans les petites villes la valeur des terrains à bâtir soit considérable, j'ai peine à croire que l'on trouvera à Ypres, par exemple, des propriétaires ou des entrepreneurs qui consentiront à démolir les remparts de la place sans autre indemnité que la cession des terrains mêmes.

Il est évident pour moi que les frais de démolition dépasseront de beaucoup le prix de vente des terrains militaires ; l'Etat aura donc des sacrifices à faire sous ce rapport et perdra en outre le prix de location des herbages qui pour la place d'Ypres s'élevait à 24 ou 25 mille francs par an.

On dira peut-être qu'il y aura économie sous d'autres rapports, qu'il faudra dépenser moins pour l'entretien du matériel de l'artillerie et du génie ; je ne puis résoudre cette question, mais ce qui est certain, c'est qu'en 1843 encore la démolition des forteressses était considérée comme une opération très onéreuse à l'Etat, puisque à cette époque le gouvernement belge, invité par les puissances à exécuter la convention de 1831, répondait que la Belgique n'avait pas les ressources nécessaires pour couvrir les frais de démolition des forteresses.

La résolution prise par le gouvernement de raser les fortifications des places d'Ypres et de Menin a jeté la consternation et le découragement au milieu des populations non seulement de ces villes mais encore des communes rurales groupées autour d'elles. Ces populations se préoccupent, et à juste titre, du sort qui leur serait réservé si la guerre venait à éclater.

D'après le nouveau système de défense, se dit-on de toutes parts, en cas de guerre l'armée se retirera entre l'Escaut et la Meuse, défendra cette partie du territoire, puis s'il le faut, et comme dernière ressource, se retirera dans le camp retranché d'Anvers.

Que deviendra alors le pays situé entre la mer et l'Escaut, cette Flandre si riche et dont la population forme à peu près la cinquième partie de la population générale du royaume ? Et la réponse que l'on fait à cette question n'est, je dois l'avouer, guère rassurante pour l'avenir. Ce pays, dit-on, sera exposé aux incursions de l'ennemi d'abord, puis occupé par lui, et cette idée, cette perspective effraye les populations, car le souvenir de ce qui se passa à la fin du dernier siècle dans nos contrées n'est pas effacé ; on se rappelle encore les massacres, les pillages, les exactions de tous genres qui signalèrent le passage des armées ennemies ; on n'a pas oublié que dans les communes situées à certaine distance des places fortifiées, les églises, les maisons communes furent brûlées, les archives détruites, les récoltes ravagées et que les habitants furent forcés de payer d'immenses contribulions de guerre.

Plus que jamais, dit-on, nous aurons pareilles calamités à redouter, car, si la guerre éclatait, depuis Nieuport jusqu'à Tournai, sur une frontière qui a une étendue de 17 lieues environ, il n'existera plus un seul point fortifié qui puisse servir d'abri aux populations et de point d'appui à un corps d'armée chargé de nous défendre ; en face de nous au contraire de l'autre côté de la frontière, de nombreuses forteresses existent et leurs garnisons pourront chaque jour occuper momentanément nos communes et nos villes.

Telles sont, messieurs, les craintes qu'expriment nos populations profondément découragées, et si je m'en fais l'écho dans cette enceinte, c'est non seulement pour les signaler à l'attention du gouvernement, mais encore dans l'espoir que M. le ministre de la guerre voudra bien donner quelques explications de nature à démontrer que ces craintes sont au moins exagérées et à rassurer nos populations, que certaine propagande ne cherche que trop à égarer.

On me répondra peut-être qu'un peuple, en cas de guerre, il doit savoir sacrifier une partie du pays pour sauver le reste, comme dans un grand incendie, un capitaine de pompiers doit avoir le courage de faire la part du feu. Je comprends parfaitement mieux que personne cet argument, et bien que l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte soit destiné à être la part du feu, à être sacrifié, je m'y soumets si l'intérêt général l'exige. Mais, je vous le demande, si une partie du pays est exposée à être dévastée en temps de guerre, n'a-t-elle pas le droit de réclamer quelques compensations en temps de paix, je demande si, dans l'opinion de la chambre, il ne serait pas juste que les villes exposées à de pareils désastres, pour ainsi dire offertes en holocauste pour sauver l'indépendance nationale, obtinssent en temps de paix quelques compensations,et en tout cas conservassent les avantages dont elles jouissent depuis un temps immémorial.

C'est une question d'équité.

Les populations de la plupart des villes dont les fortifications sont condamnées ont adressé au gouvernement et à la chambre diverses réclamations.

L'honorable M. de Baillet-Lalour, qui a malheureusement été obligé de s'absenter pour une affaire urgente, et qui dépend toujours avec tant de sollicitude les intérêts qui lui sont confiés, a appuyé la réclamation de Philippeville.

D'autres localités se sont adressées au ministre de la guerre, je le prie de vouloir bien examiner avec sa solicitude habituelle les justes réclamations et donner suite aux espérances qu'il m'a permis de concevoir.

Pour donner un sens pratique à mes observations, je pense qu'il serait équitable de placer dans les villes abandonnées quelque grand établissement civil ou militaire, peut-être de céder aux villes tout ou partie des terrains des fortifications.

La section centrale ayant réservé cette question et renvoyé les réclamations dont s'agit à M. le ministre de la guerre, j'attends avec confiance la résolution qu'il prendra à cet égard.

Mais il est un avantage dont les places condamnées sont depuis longtemps en possession, je veux parler des avantages que procure aux petites villes surtout le séjour des garnisons. Nul n'ignore que le séjour des troupes dans une ville peu considérable est un très grand bienfait pour les habitants, une foule de petites industries tout à fait spéciales s'y sont créés et procurent des moyens d'existences à une partie de la population. Modifier brusquement une situation qui existe depuis des siècles en enlevant toute garnison, c'est causer la ruine d'un grand nombre de familles et jeter le découragement au milieu des populations.

Messieurs, une autre considération que je demanderai à la chambre la permission de lui présenter, c'est que les administrations communales des villes ont si admirablement compris les bienfaits qui résultent du séjour d'une garnison, que quelques-unes d'entre elles ont consenti à faire des sacrifices immenses pour assurer à leurs populations le bienfait d'une garnison permanente. Plusieurs de ces villes ont établi à cette fin de lourds impôts qui pèsent encore sur leurs habitants ; elles ont contracté des emprunts ; elles ont enfin, je puis le déclarer en parfaite connaissance de cause, ajourné les travaux les plus indispensables, afin de pouvoir créer des établissements militaires pour loger les corps d'armée que le ministre de la guerre voulait bien leur envoyer.

La ville d'Ypres, dont je connais plus particulièrement la situation financière et les affaires, a, depuis 1836, dépensé la somme énorme d'un demi-million pour construire des écuries et des établissements militaires, pour acheter les fournitures de couchage nécessaires à l'armée.

Cinq cent mille francs en dix-sept ans, cette somme représente à peu près trois années des revenus ordinaires et fixes de cette commune et un cinquième de son avoir total durant cette période. C'est là un sacrifice important, un sacrifice sérieux qui prouve combien ces villes ont besoins de garnisons.

Des sacrifices aussi considérables mériteraient d'être pris en considération très sérieuse.

Oa pourrait peut-être accuser les administrations communales d'avoir agi avec légèreté en faisant de pareils sacrifices. C'est là une erreur. Les administrations communales en général sont très prudentes et très économes des deniers des contribuables. C'est ainsi que pour la ville d'Ypres, avant de créer des écuries, un manège et d'autres établissements destinés à la cavalerie, l'administration communale avait reçu, en 1835, la promesse formelle de M. le ministre de la guerre qu'elle pouvait compter sur l'occupation de ces écuries d'une manière permanente.

En 1847, quand la création d'une école d'équitation fut décrétée, celle école fut placée à Ypres. La ville se chargea alors des frais d'installation ; elle dépensa de ce chef 40,000 fr., car on lui disait : « Etablissez cette école, mettez-la sur un bon pied ; c'est un établissement permanent, et vous pouvez être certaine qu'il vous sera conservé. »

Avant cette époque, en 1834, un autre fait s'était passé. Le gouvernement, (page 1624) ayant des difficultés à traiter avec les compagnies pour la fourniture des lits militaires, s'adressa aux communes ; il leur fit un appel.

Eh bien, au nombre des commîmes qui répondirent à cet appel se trouva la ville d'Ypres, et pour faciliter les négociations entamées par le gouvernement avec les compagnies, elle lui fit des avantages que d'autres villes ne lui accordèrent pas. C'est ainsi qu'elle consentit à n'être payée que pour les lits occupés.

Mais en échange de ces concessions, le gouvernement consentit, par un article formel d'un contrat civil, à laisser constamment dans la ville d'Ypres une garnison minimum de 700 hommes, sauf les cas éventuels où les intérêts du pays exigeraient qu'il n'en fut pas ainsi. Quand ces cas éventuels existent-ils ? C'est une question que l'équité et la bonne foi doivent seules résoudre.

Messieurs, si je cite ces faits, ce n'est pas que j'entende jeter le blâme sur qui que ce soit, ni sur les administrations communales qui ont fait ces dépenses, ni sur les ministres de la guerre qui ont pris ces mesures.

Je veux seulement prouver que retirer subitement les garnisons aux villes qui en sont en possession depuis longtemps, c'est les exposer à une ruine certaine, c'est occasionner à la caisse communale de ces villes une perte telle, que l'administration devient en quelque sorte impossible.

Le séjour d'une garnison augmente les produits de l'octroi, et lorsque les villes font elles-mêmes le service du casernement, le produit de l'indemnité qui leur est payée de ce chef est important.

La perte de la garnison amènerait dans les causes de la ville d'Ypres un déficit de 30,000 à 35,000 francs. Je demande si, avec une perte de 30,000 à 35,000 francs sur un budget total de 180,000 à 190,000 francs l'administration est encore possible, et si, en pareilles circonstances, le gouvernement ne doit pas faire ce qui est possible pour améliorer le sort de ces villes.

L'opinion que j'émets à cet égard n'est pas nouvelle.

En 1845, l'honorable prince Chimay, dans le rapport sur le projet de loi relatif à l'organisation de l'armée, disait :

« Réduire l'armée outre mesure, ce serait porter préjudice à une foule d'industries et tarir en même temps la source des revenus de certaines villes auxquelles leurs garnisons donnent seules les moyens de faire face aux nécessites de l'administration. »

Ainsi l'opinion que j'émets n’est pas neuve, et je suis heureux de me rencontrer à cet égard avec l'honorable prince de Chimay.

En résumé, messieurs, on ne peut pas se dissimuler que les villes que l’on démantèle en ce moment sont sacrifiées à l’intérêt général ; en d’autres termes qu’elles sont expropriées en quelque sorte pour cause d’intérêt national. Dès lors, il est juste, il est équitable que le gouvernement accorde à ces communes une indemnité ou une compensation.

Je pense encore que lorsque le pays tout entier contribue aux dépenses générales du royaume, la justice distributive exige qu'autant que possible on fasse profiter tout le pays des dépenses faites. Ainsi tout le pays contribuant aux dépenses qu'exige notre système de défense, il est juste aussi que toutes les parties du pays puissent dans une juste proportion en temps de paix, profiter de bienfaits que les garnisons procurent.

S'il en était autrement, les populations de certaines parties du pays, par exemple de toute la contrée située entre Nieuport et Tournai, seraient destinées à payer constamment et sans compensation aucune. En temps de guerre, elles payeraient à l'ennemi. Les hostilités venant à cesser, elles payeraient encore à la patrie leur part dans les frais de la guerre ; enfin quand la paix serait faite, elles auraient encore à payer leur part dans le budget de la guerre. Aujourd'hui les villes dont on démolit les fortifications sont forcées de payer elles-mêmes leur part dans les frais de demolition qui causent seul à quelques-unes un si grand préjudice.

Il me reste une dernière observation à faire. Si la démolition des places condamnées est nécessaire, je demande que dans l'exécution des travaux on lèse les intérêts communaux le moins possible ; je demande, par exemple, que l'on n'enlève pas aux cilles condamnées la possibilité de percevoir les droits d'octroi en détruisant entièrement les obstacles qui, jusqu'ici, facilitent la perception de ces taxes ; si l'on agissait autrement, en tarirait les principales sources des revenus communaux, on augmenterait les frais de perception et l'on forcerait plus tard les communes soit à creuser des fossés, soit à bâtir à grand frais un mur d’octroi ; je pense donc qu’on doit avoir égard à ce grand intérêt local et qie l’on devrait même céder aux villes les boulevards et le chemin de ronde nécessaires pour garantir la perception de ces taxes. L'Etat n'a, en cette circonstance, qu'un seul intérêt, celui d'ôter aux places condamnées toute valeur défensive ; cet intérêt satisfait, l'Etat doit, je pense, ménager autant que possible ceux des communes. Ainsi, pour ce qui concerne la ville d'Ypres, il importe non seulement qu'on ait égard à sa situation financière, mais encore qu'on ne perde pas de vue que les habitants de cette ville n'ont d'autre eau potable que celle qui leur est fournie par les fossés de la place, fossés creusés primitivement par la commune d'Ypres et utilisés plus tard pour la défense de la forteresse.

Messieurs, je termine et je me résume ; je demande que le gouvernement, avant d’ordonner la démolition de la place d’Ypres, veuille bien se rappeler que cette place, aux termes des traités, devait être conservée cl qu'elle serait, Menin étant démantelée, la seule forteresse entre la mer et l'Escaut ; que, s'il est indispensable, dans l'intérêt du pays, de procéder à cette démolition, le gouvernement veuille bien ne pas perdre de vue les sacrifices faits dans l'intérêt de l'armée et accorder à la ville d'Ypres et aux autres forteresses condamnées, les compensations auxquelles, en équité, elles me semblent avoir des droits incontestables.

Lors de la discussion de la loi d'organisation et du budget de la guerre, je me suis abstenu de prendre la parole ; j'ai pensé que les observations que j'avais à faire trouveraient mieux leur place à l'occasion du crédit pour ia démolition de quelques forteresses.

Je prie avec instance le gouvernement de vouloir bien avoir égard aux observations que j'ai eu l'honneur de développer ; je suis convaincu qu'il ne voudra pas que, dans un moment où le pays entier n'attend de l'avenir que prospérité et bonheur, quelques contrées déshéritées seules aient à se préoccuper tristement du sort fatal qui leur semble réservé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je commence par remercier l'honorable orateur qui vient de s'asseoir de la réserve qu'il a mise dans ses observations, présentées, du reste, avec un talent que je regrette de ne pas voir se produire plus souvent dans nos discussions.

Cette réserve a été telle, que l'honorable préopinant a lui-même en quelque sorte reconnu que le gouvernement ne pourrait pas, sans inconvénient, répondre à l'interpellation qu'il lui a adressées. C'est qu'en effet, rnessieurs, il a compris, et toute la chambre comprendra avec lui, qu'il est impossible quu le gouvernement discute dans cette assemblée la question des forteresses.

La section centrale elle-même vous l'a dit, cette question a été étudiée mûrement par la commission mixte qui a été chargée de s'occuper de tout ce qui concerne notre établissement militaire, et elle a justifié d'une manière péremptoire, dans le rapport que vous avez eu sous les jeux, les diverses opinions qu'elle a émises relativement à ces forteresses : je crois donc que la chambre doit s'en tenir aux résolutions prises par cette commission si compétente en cette matière.

L'honorable préopinant, en vous rappelant ce qui s'était passé depuis un sièeie, particulièrement en ce qui concerne la forteresse d'Ypres, vous a fait entrevoir qu'on pourrait bien, dans un bref délai, regretter d'avoir consenti aujourd'hui à la démolition de cette forteresse, puisque, dans cet espace de temps, on l'a plusieurs fois démolie et plusieurs fois rétablie. Messieurs, il ne faut pas oublier que, jusqu'à présent, le système de défense de la Belgique a toujours été organisé, bien moins dans l'intérêt de la Belgique, que dans l'intérêt d'autres puissances.

Ainsi à certaine époque on préparaît des moyens de défense contre un gouvernement voisin, et quelques années après, c'était dans l'inlétêt de ce même gouvernement et contre d'autres gouvernements que l'on armait. Aujourd'hui, messieurs, nous ne nous occupons, dans toutes ces questions, que d'un seul intérêt celui de la Belgique. Tout a été combiné, quant à la défense du pays, en vue de ce seul intérêt, de cet intérêt exclusif et c'est, en effet, l'unique intérêt dont la Belgique ait à s'occuper. Je pense donc que, quoi qu'il arrive, nous n'aurons rien à regretter de ce qui se fait en ce moment et de ce qui continuera à se faire, parce qu’on a mis la main à l'œuvre qu'après que toutes les questions avaient été longuement et mûrement examinées.

Messieurs, l'honorable orateur nous a dit quelques mots des dépenses auxquelles la démolition des forteresses devait nous entraîner. Permettez-moi de dire d'abord que dans les 5,500,000 francs demandes aujourd'hui, il n'y en a que 553,000 qui doivent être affectés à cette démolition. Veuillez le remarquer ensuite, si la démolition n'avait pas lieu, vous sciiez entraînés à des dépenses beaucoup plus élevées, car il faudrait alors compléter les fortifications et compléter l'armement ; cette dépense, on le conçoit facilement, serait comparativement beaucoup plus forte que celle a laquelle il faudra souscrire pour la démolition.

On se demande avec anxiété, nous dit-on, quelles peuvent être les intentions du gouvernement dans le cas où la guerre éclaterait, lorsqu'on le voit démolir certaines forteresses. Faut-il en conclure que le gouvernement serait décidé à abandonner à elle-même une grande partie du pays pour ne défendre que certains points ?

Je n'hésite pas à déclarer que si la guerre venait à éclater, ce qu'à Dieu ne plaise, le gouvernement défendrait toutes les frontières du pays dans la mesure du possible, et qu'il ne se retirerait sur certains points plus antageux pour sa défense, que lorsqu’il y aurait été contraint par la force des armes.

On vous a entretenus, messieurs, du préjudice éventuel que peut causer à certaines localités la démolition de ces forteresses, et l'on vous a représenté qu'il ne serait que juste de leur accorder des dédommagements.

Messieurs, lorsqu'une partie du pays est soumise à des sacrifices, exigés par l'intérêt général, il n'est que juste, nous en convenons, que la partie sacrifiée soit dédommagée autaut que les circonstances le permettent.

Eh bien, le gouvernement s’engage à s'occuper d'une manière spéciale de la question de savoir quel sera le préjudice occasionné par la démolition (page 1625) des forteresses et quels seront, le cas échéant, les moyens d'accorder aux villes qui souffriront le dédommagement que l'équité commande ; je puis même dire que nous nous sommes déjà entretenus à diverses reprises de la localité que l'honorable représentant habite.

En dernier lieu, messieurs, on vous a demandé que, dans la démolition qui va se continuer, on ait égard aux avantages que les villes, sous le rapport des octrois, peuvent tirer soit de certains murs, soit de certains fossés. Messieurs, tout le monde comprendra qu'il y a une question qui domine toutes les autres, c'est celle de la sûreté du pays.

Ainsi, par exemple, dans aucune ville nous ne laisserons des travaux qui pourraient servir, en quelque sorte, de point d'appui à nos ennemis en temps de guerre. Mais, pour la ville d'Ypres ce qu'il y a, je crois, de plus important, c'est la conservation d'un fossé.

M. A. Vandenpeereboom. - Sans cela il n'y a pas d'eau.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Eh bien sans pouvoir prendre d’engagement a cet égard je crois cependant être àmême de donner une certaine assurance à l’honorable membre que les fossés qui sont utiles à la ville d’Ypres seront conservée.

Je termine en remerciant l'honorable préopinant des témoignages de confiance qu’il a bien voulu donner au gouvernement, et je puis lui donner en retour l’assurance que cette confiance, quant à sa localité, ne sera pas trompée.

M. Van Renynghe. - Messieurs, je ne veux pas abuser des moments de la chambre en répétant les considérations que j'ai fait valoir dans une séance précédente, relatives à l'objet que vient de traiter l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom.

Je ne veux pas non plus, vu l'impatience de la chambre, insister sur les divers arguments que cet honorable membre a si bien développés en faveur des justes réclamations de la ville d'Ypres. Mais je crois qu'il est de mon devoir de les appuyer de toutes mes forces et de vous prier, messieurs, de bien vouloir vous remémorer l'opinion que j'ai énoncée naguère dans cette enceinte sur la même matière, afin que le gouvernement ne s'écarte pas des bornes de la justice.

Je saisis cette occasion pour déclarer que des motifs, que j'ai précédemment exposés, s'opposent à ce que je donne mon assentiment au projet en discussion.

Je ne voudrais pas que l'on pût me reprocher plus tard que, par un vote approbatif à ce projet, j'aurais contribué, peut-être, à l'abandon et à la ruine de localités importantes de mon pays.

M. Lelièvre. - A l'occasion du projet en discussion, je recommanderai à M. le ministre de la guerre l'examen de la question de savoir s’il ne serait pas possible de supprimer les fossés de la place de Namur, près de la station du chemin de fer. Ces fossés peuvent disparaître sans le moindre inconvénient.

Du reste, je me borne à demander que M. le ministre fasse étudier la question par des hommes compétents. La ville de Namur considère comme un bonheur la suppression de tout ou partie des fossés avoisinant la place.

J’ose donc espérer que M. le ministre voudra bien prendre à cet égard l’avis d’hommes spéciaux sur un objet important qui intéresse au plus point la prospérité de la ville qui m'a envoyé dans cette enceinte.

M. Malou. - Messieurs, je ne rentrerai pas dans le débat. Je me rallie entièrement aux considérations présentées par mes honorables collègues ; mais j'adresserai au ministère une interpellation sur un objet très important pour les localités dont les fortifications vont être démolies.

La place d'Ypres se trouve à l'extrémité du rayon de la douane ; le rayon la contourne en quelque sorte ; aujourd'hui elle est en dehors, parce qu’elle est place fortifiée.

Il y a une très grande différence pour le commerce et surtout pour les industries soumises à l'accise, entre le régime du rayon de la douane et le régime du reste du pays.

Il est donc important de savoir si, lorsque les fortifications n’existeront plus, la ville d'Ypres sera comprise dans le rayon de la douane.

Si cette ville se trouvait dans la même position que celle de Menin, à l'extrême frontière, je conçois qu'on ne pourrait pas raisonnablement demander qu elle fut placée en dehors du territoire réservé à la douane ; mais, ainsi que je viens de le dire, elle est contournée pour ainsi dire par le territoire réservé.

Je demande donc que M. le ministre des finances ne comprenne pas la ville d'Ypres dans ce rayon.

Une dernière observation. Nous discutons un fait accompli. Je vois avec regret que la chambre se trouve dans cette position. En effet, le gouvernement constitutionnel a pour principe le vote, par ia représentation nationale, de tout ce qui constitue une dépense. Or, dans le cas actuel, il s'est passé un fait très étrange ; le pays se trouve engagé dans une dépense très considérable pour des constructions nouvelles, et la démolition d*u'uu très grand nombre de forteresses est en partie exécutée sans que les chambres en aient eu connaissance.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, il me serait difficile de répondre aujourd'hui à l’nterpellation que l'honorable M. Malou me fait l'honneur de m'adresser. Il y a à la fois une question de fait et une question de droit à examiner.

Une question de fait, parce qu'il faut examiner si la ville d'Ypres se trouve en effet dans une position telle, que si on la laisse en dehors du rayon de la douane, la perception des deniers de l'Etat n'en souffrira pas.

Une quesiion de droit, en ce sens que j'ai à examiner si la loi ne s'oppose pas à ce que je laisse la ville d'Ypres en dehors du rayon de la douane.

Du reste, il a suffi d'appeler mon attention sur ce point, pour que je l'examine avec toute la bienveillance que je porte à la ville d'Ypres.

M. E. Vandenpeereboom. - J'adhère complètement à ce que vient de dire l'honorable M. Malou et ses honorables collègues d’Ypres. Il est très regrettable pour nous, qui avons le bonheur de vivre dans un pays constitutionnel, d’être entraînés, violemment pour ainsi dire, à des dépenses considérables, sans que nous ayons eu sous les yeux, ni des renseignements, ni des éclaircissements complets.

On a commencé pour nous demande 4 millions, en dehors du budget de la guerre, pour mesures à prendre dans l'intérêt de la défense du pays. On nous disait alors que cela pourrait aller, tout compte fait, à six millions ; nous sommes maintenant arrivés au chiffre de 12 millions.

J'ai dit, dans la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée, que ces dépenses extraordinaires dépasseraient 20 millions. Aujourd’hui, dans l’intérêt du pays, je serais prêt à transiger pour cette somme ; car je suis persuadé que nous irons plus loin. Quelle est la somme à laquelle on s'arrêtera ? Nul de nous ne le sait, et le gouvernement lui-même l’ignore sans doute. A un pareil entraînement, il n'y a qu'une chose à opposer, c'est un vote négatif, et c'est ce que je ferais.

Un mot à présent sur la démolition des forteresses. Cette question est arrivée à l'état d'un fait pour ainsi dire accompli, ou, tout au moins, fortement engagé. Pour la ville de Menin, par exemple, la démolition s'opère de telle sorte qu'à la population de cette localité il ne reste plus même la ressource de l'octroi. On jette le mur d'enceinte dans le fossé. Rien ne pourra s'opposer désormais à l'entrée frauduleuse des objets soumis à l'octroi.

Je prends acte de l'engagement que vient de prendre l'honorable ministre des affaires étrangères, d'admettre le principe d'une indemnité à accorder. En donnant une compensation, le gouvernement ne fera qu'accomplir un acte de stricte justice. Il faut - les principes le commandent - que pour les communautés des villes, comme pour les particuliers, l'expropriation pour utilité publique soit accompagnée d'une équitable indemnité. Le dommage direct doit être suivi d'une réparation effective. On ne peut pas ruiner une localité pour sauver tout le pays, sans indemnité.

Je le répète, vous privez la ville de Menin de son seul revenu, de la perception du produit de son octroi et, en lui ôtant cette ressource, vous la ruinez complètement. Une pareille manière d'agir ne se comprend que si l'on est résolu à indemniser cette ville. Si l'intérêt du pays commande ce que vous faites, vous devez à cette population une compensayion. Dans le cas où, pour des motifs dont vous vous faites juges, vous ne pouvez conserver son enceinte d'octioi, la justice veut qu'une indemnité quelconque soit allouée.

Accordez à cette ville l'un ou l'autre de vos établissements militaires, quand le moment sera venu. Cédez-en lui gratuitement quelques terrains des glacis. Abandonnez-lui quelques bâtiments de peu de valeur pour l'Etat. L'administration locale pourra faire des hôpitaux, dont elle aura grand besoin. Mais ne restez pas à ne rien faire pour une population totalement ruinée par vos actes.

M. de Mérode. - Je n'ai qu'une observation à faire : il serait désirable, quand on démolit les fortifications, que l'on conservât les murs qui servent d'enceinte pour les octrois.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensembledu projet

On passe aux articles.

« Art. 1er. Le ministre des finances est autorisé à mettre en vente publique, à mesure que la remise en sera faite à l'administration des domaines, les terrains et les bâtiments militaires inutiles au service des places fortes qui sont à démolir. »

- Adopté.


« Art. 2. Il est ouvert au département de la guerre un crédit extraordinaire de trois millions cinq cent mille six cens francs (3,500,600 fr.) pour continuer ies ravaux de démolition des forteresses condamnées, ainsi que pour d’autres travaux et dépenses se rapportant principalement au matériel de l’artillerie et du génie. »

- Adopté.


« Art. 3. Le Roi déterminera, par des arrêtés, l'emploi de ce crédit entre les divers articles du budget de la guerre de l'exercice 1853. »

- Adopté.


« Art. 4. Ce crédit sera couvert, s'il y a lieu, au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art. 5. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

En voici le résultat :

65 membres répondent à l'appel.

(page 1626) 58 répondent oui.

4 répondent non.

3 s'abstiennent.

En conséquence, la chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au sénat.

Ont répondu non : MM. Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Van Renynghe et Malou.

Ont répondu oui : MM. Moxhon, Orban, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Sinave, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Veydt, Visart, Ansiau, Brixhe, Closset, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de La Coste, Deliége, de Mérode (F.), de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliof, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau et Delfosse.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Vander Donckt. - Je n'ai pas voulu voter pour le projet de loi, parce que j'ai entendu M. le ministre des affaires étrangères parler d'accorder une indemnité aux localités dont on démolit les fortifications et que je me propose dans une occasion de démontrer que cette indemnité n'était pas due. Je n'ai pas voté contre, parce que je trouve le projet utile.

M. Coomans. - (erratum, page 1667) Je suis disposé à croire que cette dépense est utile, puisque le gouvernement l’affirme ; mais je n’ai pu la voter, parce qu'elle a été irrégulièrement commencée.

M. David. - La démolition de certaines forteresses éparpillées sur l'extrême frontière, indiquant de la part du gouvernement l'intention d'entrer dans un système de défense plus concentré, système qui convient le mieux à un petit pays sans frontière naturelle et numériquement faible, et qui est le mien, je n'ai pas voté contre le projet ; mais comme une grande partie des dépenses qu'il comprend est la conséquence d'un budget de 32 millions de francs,combattu et rejeté par moi, je n'ai pas voulu voter pour.

Motion d'ordre

Pensions des veuves et orphelins des gendarmes

M. Pierre. - Pendant la session dernière, j'appelai l'attention de M. le ministre de la guerre sur un objet dont l'importance ne peut être méconnue. Je signalais une lacune regrettable dans nos lois sur les pensions. Les veuves et les orphelins des gendarmes et des sous-officiers de la même arme en sont privés. Comme je l'ai dit précédemment, cette catégorie de fonctionnaires publics rend des services incontestables à l'Etat, il y a injustice évidente à priver de pensions leurs veuves et leurs orphelins. Je profite de la présence de M. le ministre de la guerre dans cette enceinte, pour appeler de nouveau sur ce point son attention toute spéciale. Je convie instamment le gouvernement à aviser le plus prochainement possible aux mesures qui auront pour but de remédier à ce fâcheux état de choses.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - J'aurai l'honneur de répondre que les veuves des sous-officiers de gendarmerie et des gendarmes n'ont aucun droit à la pension. Au reste, cette question pourra être examinée ; et lors de la discussion du prochain budget elle pourra être soumise à l'appréciation de la chambre.

Projet de loi accordant des concessions de chemins de fer de Fleurus à Landen et de Groenendael à Nivelles

Discussion générale

M. le président. - Un amendement a été déposé par MM. Sinave et Van Renynghe, mais il n'a pas encore été appuyé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Dans la séance d'hier, l'honorable M. Dumortier a attaqué le projet de loi soumis à nos délibérations, L'honorable membre s'est placé à un point de vue isolé ; il s'est placé au point de vue de l'influence que les chemins qui nous occupent excerceront sur le mouvement international. Il a cherché à établir, qu'en votant les lignes concédés, on devait nuire considérablement aux lignes existantes.

C'est ce premier point que je vais rencontrer ; j'aurai l'honneur de démontrer que la ligne de Groenendael est d'une grande utilité pour certaines localités ; qu'elle ne doit porter préjudice ni à l'Etat, ni à la compagnie de Manage à Wavre ; je démontrerai en troisième lieu que la ligne dite de la Grande Jonction a pour objet de relier les bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre aux marchés de Tirlemont, de Landen et du Limbourg.

Ces lignes ont fait l'objet d'enquêtes nombreuses, très anciennes, qui en font ressortir l'utilité à la dernière évidence.

Pour ce qui est de la question de savoir quelle sera l'influence de la ligne projetée de Groenendael à Nivelles sur le railway, cette question prise à priori peut être considérée sous trois points de vue ; les relations d'Anvers vers l'Allemagne, les relations de la France vers l'Allemagne, les relations de l'Allemagne vers la France et de la France vers la capitale.

H n'entrera dans la pensée de personne de soutenir que l'exécution d'un chemin de fer de Groenendael à Nivelles, de Fleurus à Landen, de Jemeppe à Tirlemont puisse porter le moindre préjudice au mouvement international entre Anvers et Cologne. Quand on discutera la concession du chemin de Hasselt à Maestricht, je démontrerai que ce projet a pour objet d'avoir un débouché nouveau d'Anvers vers le nord de l'Allemagne ; nous maintiendrons le débouché vers le centre de l'Allemagne. Le chemin du Luxembourg ouvrira un débouché considérable vers le Midi de l'Allemagne.

Quant aux relations entre la France et l'Allemagne en empruntant les chemins de fer belges, examinons quelle peut être l'influence des lignes projetées sur ces relations. D'abord quelle est l'importance de ces relations ? Elle résulte des chiffres officiels. En 1851, le mouvement de la France vers la Prusse et vice versa en voyageurs a été de 9,222 voyageurs de la France vers la Prusse et de 18,531 voyageurs de la Prusse vers la France.

27,753 voyageurs ont donc transité par la Belgique, se rendant soit de France en Allemagne, soit d'Allemagne en France, les recettes produites par ces 27,753 voyageurs s'élèvent à 390,536 francs.

Quant aux marchandises, les recettes s'élèvent à 61,363 fr. pour le transport à grande vitesse à 122,633 fr. pour les transports à petite vitesse. De manière que l'importance totale du transit entre la France et la Prusse, et vice versa par la Belgique était, en 1851, de 694,254 fr., tant par le bureau de Quiévrain que par celui de Mouscron, et en y comprenant les bagages, équipages et finances.

Maintenant au midi, il existe une ligne ; il en existe même deux. Mais je vous dirai quelles sont les raisons qui ont déterminé l'administration à n'employer que la ligne de Paris à Liège par Mons, Braine-le-Comte et Bruxelles. Cette ligne de Paris à Liège a une longueur de 487 kilomètres. Il existe une deuxième ligne par les chemins de fer de Mons à Manage et de Namur à Liège qui n'a qu'une longueur de 463 kilomètres. Il y a donc sur eette dernière ligne, un raccourcissement de 24 kilomètres, qui représente une économie de temps d'une demi-heure. Mais comme les voyageurs étrangers sont répartis sur plusieurs convois par jour, peu nombreux sur les chemins de fer de Mons à Manage et de Namur à Liège, et que le transport est bien plus considérable dans ia direction de Bruxelles que dans la direction de Namur, il y aurait à faire plusieurs transbordements qui auraient bientôt fait perdre la demi-heure que l'on économiserait sur cette ligne, en raison de ce que le parcours est moindre de 24 kilomètres.

Quant aux marchandises, la chambre se rappellera la discussion si vive qui a eu lieu dans cette assemblée, à l'occasion des mesures prises par l'administration, qui avaient pour objet d'obliger les marchandises à transiter par le chemin de fer de l'Etat.

J'ai apporté un grand esprit de conciliation dans l'examen de cette question. Je me suis offert, dans les négociations auxquelles cette difficulté a donné lieu, à abandonner à la compagnie concessionnaire ce transit que je n'évalue pas à plus de 30,000 francs par an. En effet, si l'on veut admettre que, sur les 200,000 francs de recettes qui constituent l'importance de ces transports, la moitié, soit 100,000 francs, est acquise au bureau de Quiévrain ; c'est à peu près le tiers de cette somme 30,000 à 40,000 francs qui reviendrait à la compagnie, puisque, sur un parcours total de 50 lieues, à partir de Quiévrain jusqu'à Herbesthal, elle ne percevrait qu'à raison d'un parcours de 17 lieues.

Je le répète, dans ces derniers temps, à la suite de sollicitations dont le gouvernement a été l'objet de la part de quelques membres, j'ai consenti à céder à la compagnie du chemin de fer de Namur à Liège et de Mons à Manage, le transit en destination pour la France et pour l'Allemagne.

Mais on comprendra que la ligne de Groenendael à Nivelles qui va droit sur Bruxelles, comme la ligne de Fleurus à Landen, n'a aucune valeur dans ces relations.

Les lignes qui peuvent exercer sur ces transports une influence préjudiciable aux chemins de fer de l'Etat ont toutes pour tout le contournement de la capitale, et celle de Groenendael, a, au contraire, la capitale pour destination principale. Celles de ces lignes qui peuvent nuire sont concédées depuis longtemps, et l'honorabe M. Dumortier les a votées.

Restent quoi ? Les relations de la France avec la capitale, relations très considérables. Je demanderai à l'honorable M. Dumortier en quoi les relations de la France avec la capitale peuvent être le moins dn monde intéressées dans cette ligne de Groenendael à Nivelles, car c'est celle-là seulement dont l'honorable membre a voulu parler.

Aujourd'hui la ligne de Bruxelles à Paris par Braine-le-Comte, est de 370 kilomètres. Quelle sera dans l'avenir la ligne la plus courte ? C'est celle par Saint-Quentin sur Erquelinnes, d'Erquelinnes sur Charleroi, de Charleroi sur Ottignies et d'Ottignies sur Bruxelles.

Quand cette ligne sera achevée, on ira de Paris à Erquelinnes, d'Erquelinnes à Charleroi, de Charleroi à Ottignies, et d'Ottignies à Bruxelles. Au lieu d'avoir 370 kilomèlres, on n'en aura plus que 346. Il y aura donc là une ligne concurrente. Mais qui l'a décrétée ? Dans la ligne de Saint-Quentin à Erquelinnes nous ne sommes pour rien ; la ligne de Charleroi à Erquelinnes, ce n'est pas le gouvernement qui l'a proposée d'abord. C'est la section centrale, en 1845, quand on a décrété la ligne de Namur à Liège, qui a proposé de décréter la ligne de Manage à la Sambre, de Mons à la Sambre et de Charleroi à Erquelinnes ? Quant à la section de Charleroi à Ottignies, c'est la compagnie du chemin de fer du Luxembourg qui s'est réservé le droit de construire cet embranchement. (page 1627) Ainsi cette ligne, qui est la ligne concurrente au premier chef remonte à 1845.

Qu'ai-je fait ? En soumettant à la chambre la concession du chemin de fer de Manage à Erquelinnes, j'ai proposé une ligne qui aura pour effet d'établir une voie internationale de Paris vers la capitale, elle n'aura que 328 kilomètres, soit 18 kilomètres de moins que la ligne d'Ottignies. De plus, elle aura cet avantage qu'elle laissera au gouvernement les recettes de Bruxelles à Manage, puisque cette ligne appartient à l'Etat, tandis que la ligne par Saint-Quentin, Erquelinnes et Ottignies, ne laisse pas un centime à l'Etat.

On irait de Paris à Saint-Quentin, de Saint-Quentin à Erquelinnes, d'Erquelinnes à Charleroi, de Charleroi à Ottignies et d'Ottignies à Bruxelles. On arriverait donc à Bruxelles, sans que le gouvernement perçoive une fraction de centime. Au contraire, avec la ligne de Manage à Erquelinnes, le trajet est moins long et le gouvernement perçoit sur 44 kilomètres de longueur.

Messieurs, en quoi la ligne de Groenendael à Nivelles viendra-t-elle contrarier ce que j'avance ? La ligne de Groenendael à Nivelles ne fera jamais que de Bruxelles à Manage par Braine-le-Comte, il y ait moins de distance que de Bruxelles à Manage par Groenendael et Nivelles. De Bruxelles à Manage par Braine-le-Comte, ligne de l'Etat, il y a 45,000 mètres, et de Bruxelles à Manage par Groenendael, ligne proposée, il y a 50,335 mètrss. Il y a donc une lieue de plus ; et nous sommes maîtres des convois, et nous pouvons organiser notre service de manière à faire que les voyageurs arrivent directement et sans transbordement à Bruxelles.

Je demande, en présence de ces deux faits, comment il est sérieusement possible de venir soutenir dans cette enceinte que la ligne que le gouvernement propose de concéder doit constituer dans l'avenir un préjudice quelconque dans les revenus dus à des relations internationales. Il est évident que c'est une erreur en fait. (Interruption.) J'attends que l'honorable M. Dumortier me démontre que je me trompe. Mais j'affirme que ce que j'avance est l'exacte vérité.

La ligne de Manage à Erquelinnes constituera avec la ligne de Saint-Quentin à Erquelinnes une ligne intermédiaire entre la ligne existante et la ligne d'Ottignies. Elle aura moins de longueur que la ligne d'Ottignies et moins de longueur qie la ligne de l'Etat. Cette ligne pourra être adoptée pour les relations internationales avec la capitale.

L'honorable membre a encore affirmé, dans la séance d'hier, que le gouvernement venait soumettre aux chambres des tronçons de chemin de fer, et que ces tronçons réunis constituent de grandes lignes internationales qui auraient pour effet de nuire considérablement aux recettes de l'Etat.

Je demande la preuve de cette allégation.

Je vais énumérer tous les projets qui ont été soumis à la chambre.

On a soumis aux chambres un projet de lui pour un chemin de fer d'Anvers à Breda. Cela constitue-t-il une concurrence possible ?

Le chemin de fer de Lierre à Turnhout peut-il constituer dans l'avenir un préjudice quelconque au point de vue des relations internationales ? Aucun.

Le chemin de fer de Manage à Erquelinnes, je viens d'en constater les heureux effets.

La ligne de Pepinster à Spa peut-elle dans l'avenir nuire à nos relations internationales ? Personne ne le prétendra.

Voilà tous les chemins de fer dont le gouvernement, à ma connaissance, ait proposé la concession, et je ne pense pas qu'un seul puisse avoir les terribles effets que leur assigne l'honorable député de Roulers.

Je tiens en ce moment à constater le second point : à savoir l'utilité incontestable de la ligne de Groenendael à Nivelles. Cette utilité n'est niée par personne, pas même par ceux qui reclament contre cette ligne, puisqu'ils s'offrent à la faire.

On peut se demander si au point de vue des engagements que le gouvernement avait pris vis-à-vis de la société de Manage à Wavre, il peut y avoir quelque doute sur l'utilité de concéder cette ligne. Eh bien ! ces doutes ont été complètement résolus. Lorsqu'on s'est placé au point de vue de la légalité, lorsqu'on s'est demandé si la compagnie de Manage à Wavre pourrait avoir le moindre droit à la préférence pour la ligne de Groenendael à Nivelles, ii a été décidé par les hommes de loi qui ont été consultés que le cahier des charges signé par le gouvernement et par les administrateurs de la société de Manage à Wavre ne constituait pour ces derniers aucune espèce de droit à cette ligne.

En effet, s'il fallait en faire la démonstration, il me serait facile da l'établir, rien qu'en rappelant les articles 5 et 6 de la convention conclue avec la compagnie de Manage à Wavre.

Maintenant peut-on soutenir que la ligne de Groenendael à Nivelles pourra dans l'avenir causer le moindre préjudice soit à la société de Manage à Wavre, soit à l'Etat ? Personne ne fera cette démonstration.

Le chemin de fer de Manage à Wavre a été concédé en 1846, et dans l'exposé des motifs présenté par l'honorable M. de Bavay, comme dans les discussions qui ont eu lieu au sein de cette chambre, il a été dit, il a été démontré et déclaré que le chemin de fer de Manage à Wavre avait pour destination spéciale d'effectuer les transports du Centre vers Louvain. Jamais le chemin de fer de Manage à Wavre n'a été concédé avec l'intention d'offrir aux concessionnaires de cette ligne les transports vers la capitale.

Cela est si vrai qu'il n'était pas question, lorsqu'on a concédé le chemin de fer de Manage à Wavre, d'un chemin de fer de Bruxelles sur Wavre. Par conséquent on n'est pas admis à soutenir que lorsqu'on a concédé le chemin de fer de Manage à Wavre, les concessionnaires aient pu fonder le moindre espoir sur les transports de Manage ou de Nivelles vers la capitale. Leurs droits étaient parfaitement délimités par la convention ; ils n'avaient d'autres vues que d'effectuer les transports du centre vers Louvain. La dernière convention passée entre la société et le gouvernement à la fin de 1852 atteste ce fait à la dernière évidence. Car il y est stipulé formellement que si la compagnie de Charleroi à Louvain reste en défaut d'exécuter la ligne de Wavre à laquelle la ligne de Manage à Nivelles doit venir se raccorder, la compagnie de Mariage à Wavre ne sera pas obligée de faire la seconde section de Nivelles à Wavre.

La compagnie de Manage à Wavre a stipulé en termes exprès, dans les condiiions intervenues entre elle et le gouvernement, que si la compagnie de Charleroi à Louvain ne devait pas se raccorder à celle de Wavre, elle ne serait pas obligée de faire la section de Nivelles à Wavre.

Il va donc de soi que le but qu'on s'était proposé en 1845 était bien celui d'ouvrir au bassin du Centre un débouché vers Louvain.

Pour ce qui est des transports de charbons qui, aujourd'hui, sont considérables, qui se font par la ligne de Braine le-Comte vers la capitale, et qu'on peut évaluera 100,000 tonnes par an, je demande comment il serait possible que la ligne de Groenendael à Nivelles vînt nous enlever ces transports ?

D'abord, je l'ai déjà dit, de Bruxelles à Manage il y a moins loin par la ligne de Braine-le-Comte que par Groenendael. C'est une première raison qui s'oppose à ce que ces transports nous soient enlevés.

Mais il en est plusieurs autres qui sont décisives.

D'abord les compagnies ne peuvent abaisser leurs tarifs sans l'intervention du gouvernement. Et quel est le tarif minimum de la société du Luxembourg ? 45 c. par tonne. Quel est le tarif du gouvernement ? 40 c. par tonne en y comprenant les frais fixes contre lesquels s'élèvent tant de membres. Quel est le tarif minimum de la compagnie de Manage à Nivelles ? Il est aussi de 45 c, et, je le répète, les abaissements de tarifs doivent se faire de commun accord entre l'administration elles compagnies.

Il y a donc encore là un motif décisif pour que ces craintes disparaissent complètement dans l'esprit des honorables membres qui auraient pu les concevoir.

Il est à remarquer aussi que beaucoup de transports du Centre continueront à se servir des embranchements et du canal de Charleroi. Il ne faut pas croire que parce qu'on transporte 100,000 tonnes de charbon par chemin de fer, on transportera tous les charbons par cette voie. Ces transports par chemin de fer se font dans les cas d'encombrement ou lorsqu'il y a interruption dans la navigation.

Mais les transports les plus considérables continueront toujours à se faire par le canal, pourquoi ? Parce que le fret par eau depuis les embranchements jusqu'à Bruxellers est en moyenne de 3 fr. 84, tandis que par le chemin de fer le prix de transport est de 4 fr. 50 et qu'il sera encore plus élevé d'après le tarif de la compagnie et parce que la longueur du point de départ au point d'arrivée est plus considérable.

Messieurs, on dit et on répète très souvent que le gouvernement vient soumettre à la chambre des projets de lois qui n'ont pas été étudiés. En ce qui concerne la ligne appelée de « la grande jonction » je tiens à constater que non seulement ce projet a été étudié par l'administration, mais qu'il a été l'objet d'une enquête dans trois provinces, celles de Brabant, ele Liège et de Namur.

C'est le 8 mai 1845 que l'auteur de ce projet, M. Maréchal, a soumis au département des travaux publics tout ce qui s'y rapporte. La 15 décembre 1845, il adresse au département :

1° Les plans et profils des lignes de Jodoigne à Namur et de Landen à Huy ;

2° Les plans des ouvrages d'art des trois lignes qui composent le projet de la grande jonction ;

3° Les devis estimatifs détaillés ;

4° Le mémoire à l'appui du projet.

En un mot, toutes les prescriptions de l'arrêté du 21 mai 1835 ont été parfaitement remplies par l'auteur de ce projet. Je tiens en mains le mémoire publié à cette époque. Le ministre des travaux publics ordonna une enquête par un arrêté royal dont j'ai sous les yeux la minute.

Tout le monde fut d'accord sur la haute utilité de cette ligne, et si vous voulez, messieurs, recourir aux Annales parlementaires, vous y trouverez la preuve de l'unanimité qui se prononce en sa faveur. Ce fut la crise alimentaire, et ensuite les événements de 1848 qui empêchèrent de donner suite au projet. Il avait fait d'ailleurs l'objet d'un examen approfondi du conseil des ponts et chaussées, et voici les conclusions du rapport de M. Vifquain qui présidait alors ce conseil. (M. le ministre donne lecture de ce passage.)

Dans ces derniers temps, messieurs, le projet a fait l'objet d'un nouvel examen de la part du comité des ponts et chaussées qui m'a adressé un rapport spécial le 5 février 1853. Ce rapport est aussi concluant que celui qui a été adressé au département le 11 décembre 1845.

(page 1628) J'ai ainsi raison de dire, messieurs qu'il s'agit ici d'un projet parfaitement étudié et qu'on n'est pas autorisé à affirmer que tout ceci se fait avec précipitation et légèreté.

Quant aux lignes de Jemeppe à Diest et de Jerneppe à Gembloux je ferai remarquer d'abord à la chambre que la compagnie de Louvain à la Sambre devait, aux termes du contrat de 1845, exécuter la ligne de Louvain sur Jemeppe pour venir se raccorder à la ligne de l'Etat à Jemeppe.

Ce n'est qu'en 1846, une année après, que cédant aux sollicitations de la compagnie, le gouvernement consentit à une déviation de ce tracé. La compagnie de Louvain à la Sambre pouvait, dans ses dernières conditions, se borner à faire une ligne allant de Louvain à Gembloux pour aller d'un côté sur Charleroi et de l'autre sur Namur. Mais il était entendu (et la chambre n'avait voté la convention qu'à cette condition) que la compagnie de Louvain à ia Sambre devait toujour faire la ligne de Jemeppe à Gembloux ; seulement elle pouvait se baser à en faire une simple route industrielle.

Voila donc, messieurs, l'historique de cette ligne de Jemeppe à Gembloux qui a figuré dans la loi et que la chambre a approuvée à deux reprises.

En 1851, d'honorables membres de cette chambre ont reproduit cet amendement et au sein du sénat il a fait l'objet d'un rapport favorable.

La commission avait décidé à l'unanimité que la ligne de Jemeppe à Gembloux avait un carcatère de haute utilité, qu'il était destiné à rattacher le bassin de la basse Sambre, aujourd'hui dans un isolément complet, aux lignes de l'Etat.

Ce qui a décidé le sénat et le gouvernement à ne pas adopter l'amendement proposé relativement à cette ligne, c'est uniquement ce motif que l'on demandait un minimum d'intérêt sur 2,500,000 francs et que le gouvernement ne désespérait par d'obtenir cette ligne sans l'intervention du trésor.

J'ai eu l'occasion de dire à l'honorable M. Desmanet de Biesme que cette ligne serait demandée, et les faits sont venus justifier cette prévision : il y a aujourd'hui, non pas une, mais deux compagnies qui veulent se charger de cette ligne.

M. Dumortier (contre la clôture). - Messieurs, dans la séance d'hier j'ai eu l'honneur de placer devant vous la question sur un terrain excessivement sérieux M. le ministre vient de déclarer que les transports vers la France et vers l'Allemagne se sont élevés en 1851 à 700,000 f/. ; dans ma conviction profonde, et je puis le démontrer jusqu'à la dernière évidence, de l'aveu même de ceux qui demandent les concessions, tout cela est perdu pour nous. (Interruption.) Je demande qu'on veuille bien me permettre de répondre à M. le ministre. (Interruption.)

Je demande à être inscrit sur l'article premier.

- La discussion générale est close.

M. Lelièvre. - Vous aviez aussi formellement promis dans cette enceinte la construction du chemin de fer dont it s'agit et ce lors du développement de l'amendement que j'ai défendu.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai combattu l'amendement déposé par MM. Moncheur et Moxhon que parce que cet amendement comportait une garantie d'intérêt sur 2,500,000 fr.

Je dis donc, messieurs, qu'à tous égards la ligne de Groenendael à Nivelles, au point de vue des relations internationales, ne peut apporter le moindre trouble à ce qui existe aujourd'hui, que son utilité ressort des faits signalés à la chambre, et qu'en ce qui concerne les lignes de la grande jonction, qui ont pour objet de rattacher les bassins de Charleroi et de la basse Sambre au marché du Limbuurg à Tirlemont et à Landen, leur utilité ressort d'une instruction poursuivie depuis plusieurs années et a été consacrée par plusieurs votes législatifs.

- La clôture est demandée.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. La convention conclue entre le ministre des travaux publics, d'une part, et sir William Magnay et autres, d'autre part, en date du 7 mai 1853, est approuvée. En conséquence, le gouvernement est autorisé à concéder, sous les clauses et conditions de cette convention :

« 1° Un chemin de fer de Tamincs à Landen, passant vers Fleurus ou Ligny, et par Gembloux et Perwez.

« 2° Un chemin de fer partant de Groenendael, passant par Waterloo et aboutissant à Nivelles. »

M. Lelièvre. - Je me refère aux développemrnts auxquels M. le ministre des travaux publics vient de se livrer relativement à la construction des chemins de fer parlant de Tamines et de Jemeppe.

Je ne puis qu'appuyer ses observations que déjà j'ai justifiées dans la discussion générale. Je crois inutile d'en dire davantage pour le moment.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis heureux de pouvoir répondre à l'instant même à ce qu'a dit tout à l'heure M. le ministre des travaux publics. L'honorable ministre a un talent tout particulier pour déplacer la question. Quand je parle d'une chose, il me répond par une autre chose. C'est toujours ainsi. Je fais une objection. Oh 1 de celle-là, M. le ministre ne s'occupe pas le moins du monde, il me répond par toute autre chose, et comme les membres de la chambre n'ont pas tous les éléments sous les yeux, on s'imagine que M. le ministre m'a fait une réponse victorieuse.

Ce n'est pas ainsi que l'on discute dans un parlement, quand on veut arriver sincèrement à la connaissance de la vérité.

Si pars d'abord de ce principe que l'article premier du projet de chemin de fer que vous êtes appelés à concéder compromet au plus haut degré nos relations internationales entre la France et l'Allemagne, et que vous n'y prenez garde, le tout, oui le tout, sans en excepter un centime, vous échappera.

Le trésor public a reçu en 1851 1,000,000 fr. sur le transit entre la France et l'Allemagne ; M. le ministre des travaux publies ne nous fait pas connaître la somme que le trésor a reçue en 1852 ; mais il n'est pas douteux qu'en présence du développement de ces relations, le chiffre de la recette n'ait été augmenté en 1852.

Maintenant quelle est la distance de Paris vers Berlin ? Eh bien, je puis répondre par le demandeur en concession lui-même. C'est lui qui va parler ; écoutez-le.

Avant de nous présenter le projet de loi qui est actuellement en discussion, on nous a distribué un mémoire, intituléc : « Mémoire à l'appui du projet de chemin de fer de grande jonction de Paris à Berlin ». C'est une partie notable de ce tracé, les deux tiers, que vous êtes appelés à voter aujourd'hui. Eh. bien, que dit l'ingénieur qui le présente :

« Jusqu'à présent, dit-il, trois lignes se présentent pour les communications entre Paris et Berlin.

« L'une partant du chemin de fer du Nord, de Paris par Douai, Valenciennes, Mons, Bruxelles, Malines, Liège, Cologne, Hamme, Minden, Hanovre et Magdebourg. Son étendue est de 1,247 kilomètres.

« Par mon tracé, ce parcours est diminué de 192 kilomètres, c'est 38 lieues.

« L'autre, également du chemin de fer du Nord, mais sur un embranchement qui lui est déji concédé, de St-Quentin à Erquelinnes, puis par Charleroi, Bruxelles, etc., le reste comme à la ligne précédente. San étendue est de 1,233 kilomètres.

« Mon tracé diminue ce parcours de 178 kilomètres, c'est 36 lieues.

« La troisième vient de Paris par St-Quentin et Erquelinnes à Charleroy comme la précédente, mais arrivée là elle se dirige par Namur, Liège, Cologne, etc. Son étendue est de 1,144 kilomètres.

« Mon tracé diminue ce parcours de 89 kilomètres, c'est 18 lieues.

« Il n'y a donc pas de doute possible sur l'avantage de mon tracé pour les communications directes entre Paris, Berlin et le nord de l'Allemagne, puisqu'il diminue de 89 kilomètres la voie jusqu'à présent la plus directe entre Paris et Bruxelles. »

Que signifie ce langage ? Cela n'a pas deux significations ; cela signifie que les recettes de ce chemin de fer sont hypothéquées sur la spoliation des recettes du chemin de fer de l'Etat ; cela signifie que cette demande en concession n'a d'autre but que d'attirer en faveur des concessionnaires les 1,000,000 fr. de recettes que vous faites annuellement sur le transit entre la France et l'Allemagne.

Je sais bien que M. le ministre des travaux publics viendra me dire : Je ne consens pas a la dernière section de la grande jonction qui est celle de Hasselt à Maeseyck. Non, vous n'y consentez pas ; mais vous avez accepté toutes les sections, excepté celle-là. Le chemin de fer est fait si la chambre vote la loi actuellement en discussion, car vous serez plus tard dans l'impuissance de refuser la dernière section.

Voilà, meilleurs, comment on vient vous présenter des chiffres et des calculs. Je mets ici à néant tous les chiffres indiqués par M. le ministre des travaux publics, et je les mets à néant par l'aveu du demandeur en concession lui-même. Esl-il possible que je présente quelque chose qui frappe plus vos esprits que les déclarations mêmes de celui qui vient vous demander la concession du chemin de fer dont nous nous occupons en ce moment ? C’est la même chose pour tous les autres systèmes. J'ai dit que par ce même article, vous perdiez la route directe entre Paris et Bruxelles. M. ie ministre des travaux publics a nié le fait ; il a affirmé le contraire de la manière ia plus forte, comme récemment il affirmait avec non mons de force qu'il n'y avait de Lille à Bruxelles, par le projet de M. Bouquie, que 6 kilomètres de difference.

Messieurs, veuillez jeter les yeux sur la carte qui nous a été remise par le gouvernement et que vous avez tous sous les yeux, et vous verrez que le chemin de fer de Paris à Bruxelles parcourt 370 kilomètres. Cette indication est officielle.

Eh bien, de Paris à Saint-Quentin, il y a 169 kilomètres, de Saint-Quentin à Maubeuge 70, de Maubeuge à Manage 35 ; de Manage à Bruxelles par Groenendael, 40 ; en tout 314 kilomètres. Or, la route actuelle qui passe par Mons, Valenciennes, etc. a une longueur de 370 kilomètres, il y a donc en faveur de la route nouvelle dont vous êtes appelé à concéder le premier chemin, 56 kilomètres, c'est-à-dire au-delà de 11 lieues plus court que par le railway national.

Il est iimpossible de répéter ces chiffres, je défie qui que ce soit de se lever contre.

Remarquez, que je vous ai parlé dans la séance d'hier du chemin de Manage à Bruxelles : M. le ministre répond : Ce n'est pas par Manage qu'on passera, c'est par Charleroi. Je lui parle blanc, il me répond noir. Jetez les yeux sur la carte et vous vous convaincrez de l'exactitude de ce que j'avance. Jamais on ne consentira a faire le détour que M. le ministre indique.

On coupera le chemin de fer à angle droit et on n'ira pas décrire une courbe ; vous avez concédé un chemin direct de Manage à Erquelinnes ; c'est ce chemin qu'on prendra.

Répondez à la question par la question, restez dans la question que je vous pose.

(page 1629) M. Trémouroux. - On y a répondu.

M. Dumortier. - Il n'a pas répondu ; il m'a répondu par le chemin de Charleroi.

Je ne puis prendre les erreurs de M. le ministre qu'une à une ; mais je le ferai. Je prétends que tout le mouvement international vous échappera.

Pourquoi ? Parce que vons n'avez pas un seul des trois bureaux d'Erquelinnes ; le voyageur français arrivant à Erquelinnes, ne pourra pas prendre un coupon pour le chemin de fer de l'Etat se trouvant sur les lignes concédées ; on lui donnera un coupon pour éviter le chemin de l'Etat et assurer les recettes des compagnies. Il traversera le chemin de l'Etat à angle droit à Manage, mais il ne s'y arrêtera pas. Vous ne pouvez avoir l'espoir de transporter un seul de ces voyageurs. Si Rothschild vient à être propriétaire d'une de ces concessions, il fera prendre les coupons à Paris pour passer, non par votre chemin, mais par celui des sociétés particulières.

Vous n'êtes pas maîtres du bureau d'arrivée ; comment pouvez-vous supposer que les sociétés s'entendant et se trouvant au bureau d'arrivée iront donner un coupon pour le chemin de fer de l'Etat au lieu de le donner pour leurs propres lignes ? Le seul moyen d'éviter cet inconvénient, c'est d'arriver promptement dans la capitale, c'est d'écarter la route proposée vers Groenendael. Ici j'arrive à la dernière erreur de M. le ministre. Suivant M. le ministre, il y aurait 22 kilomètres de moins par Manage que par Ottignies.

Je dois le dire, si les chiffres de M. le ministre sont exacts, tous les documents et cartes qui nous ont été remis sont faux ; mais si ces documents sont vrais, ce que dit M. le ministre est de la plus complète erreur.

En effet, quelle est la distance de Bruxelles à Manage par le chemin de fer de l'Etat ? 45 kilomètres, vous en avez la preuve dans les documents officiels ; quelle est la distance d'Ixelles à Manage par Groenendael ? 40 kilomètres.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est une erreur

M. Dumortier. - Mettez le compas sur la carte. Je sais qu'on nie toujours, mais je suis venu armé de telle sorte que je puis tout prouver. Il y a 40 kiîomètres de Bruxelles à Manage par Groenendael et 45 kilomètres par le chemin de fer de l'Etat ; c'est donc 5 kilomètres de moins. Mais ce n'est pas tout ; quand vous venez par Groenendael, vous n'avez pas les grandes rampes de Braine-le-Comte, que vous évitez, vous n'avez, pour sortir de Bruxelles, ni cette rampe de 100 mètres ni ce tunnel de Braine-le-Comte qui effraye beaucoup de monde, de manière que la ligne directe de Paris à Bruxelles arrivera de toute nécessité par cette voie. Je vous l'ai démontré tout à l'heure, il y a 5 kilomètres de moins par la voie que vous allez voter que par celle de l'Etat.

Maintenant j'ai dit encore que vous perdriez le fruit des grands transports de houille qui se font de Belgique sur Paris et qui s'élèvent à 100,000 tonnes au moins. Pourquoi ? direz-vous. Parce que les sociétés qui les transportent aujourd'hui sur leur propre chemin, pour une partie du trajet, s'entendront entre elles et que, comme elles ont plus court, elles transporteront par la voie nouvelle.

Ces sociétés s'entendent toujours, elles sont constamment en guerre avec le gouvernement.

On a beau dire que c'est étudié ; il est possible qu'on ait examiné le projet au point de vue des communes qui pétitionnent, mais celui sous lequel on devait l'examiner avant tout, c'est celui de la question de savoir s'il n'est pas nuisible aux intérêts de l'Etat.

Quand M. le ministre est venu dire que tous les chemins qu'il proposait de concéder étaient des affluents qui augmenteraient les recettes de l'Etat, - il l'a dit, - il a commis une inexactitude.

Je demande comment vous augmenterez les recettes de l'Etat avec un système qui de l'aveu des concessionnaires doit amener une réduction considérable de distance : d'une ligne courbe vous faites une ligne droite que vous concédez a une société et vous laissez la ligne courbe à l'Etat.

Quand nous avons commencé les chemins de fer en 1834, bien des lignes n'ont pas été faites parce qu'on les croyait impossibles. On regardait telle ligne comme inexécutable dont on reconnaît aujourd'hui la possibilité d'exécution.

Pourquoi n'a-t-on pas mis le centre des chemins de fer à Bruxelles ? Parce qu'on croyait impossibîe de faire une ligne de Bruxelles à Gand ou de Bruxelles à Louvain. Je n'en fais de grief à personne ; depuis 30 ans on a fait des progrès, on a examiné les terrains, on a fait des recherches et on a trouvé des passages là où l'on croyait qu'il n'en existait pas ; nous avons fait des circuits, des courbes, nous n'avons fait de chemin direct que celui d'Anvers à Bruxelles. Tous les autres présentent des courbes de plusieurs lieues.

Quoi de plus facile que de demander une série d'embranchements qui remplacent ces courbes ? Ces courbes remplacées vous aurez des lignes droites. Qu'en résultera-t-il ? C'est que votre chemin ne satisfera plus les besoins des localités, vous aurez perdu le fruit de votre travail ; une fois ces projets réalisés, si vous vouliez vendre votre chemin vous ne trouveriez plus personne pour l'acheter ; il aura tellement perdu de sa valeur que vous ne pourrez puis le vendre.

Quant on avoue une recette de 700,000 fr. pour le mouvement international entre l'Allemagne et Paris et qu'on concède des lignes de 18 et de 35 lieues plus courtes que celle de l'Etat, il est évident qu'on vous convie à émettre les votes les plus préjudiciables aux intérêts du trésor.

Lorsque vous avez voté, à la fin d'une session, le chemin de fer de Dendre-et-Waes, beaucoup d'entre vous croyaient ce que M. le ministre des travaux publics avançait : il était convaincu que cela ne pouvait nuire au trésor public. Mais, je vous le demande, parmi ceux qui l'ont voté, combien voudraient ne pas avoir émis ce vote ! car chacun sait que ce chemin de fer rapportera aux actionnaires 15 p. c. hypothéqués sur le déficit qu'il amènera au trésor public. Il n'est personne qui puisse douter un seul instant du déficit considérable que ce chemin de fer amènera au trésor public. Je dis donc que j'ai entendu de la bouche d'un grand nombre de membres de cette assemblée des regrets très vifs au sujet de ce vote.

Assurément la chambre ne voudra pas émettre un vote de ce genre qui serait nuisible au trésor public à un bien plus haut degré.

Ce n'est pas tout : quelle garantie offre ce chemin de fer en cas d'invasion ? Au moyen de ce chemin de fer, on arrivera dans la capitale ; le cœur du pays pourra être envahi sans que vous vous en aperceviez. Ce côté de la question est extrêmement sérieux ; nous qui portons dans nos cœurs des sentiments de patriotisme, nous devons veiller un peu à de tels intérêts.

Dans tout ce que j'ai dit je n'ai pas dit un mot de tous les chemins de fer dont a parlé M. le ministre des travaux publics. Je ne parle pas de choses étrangères à la question. Je me suis attaché à la question seule. J'ai démontré à la dernière évidence qu'il y avait une concurrence fatale pour le chemin de fer de l'Etat dans les chemins de fer de Groenendael et de Landen, qui seraient le renversement de votre système financier et de votre système de chemins de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. Dumortier persistant dans ses erreurs, je dois lui répondre,

Ne voulant pas discuter de choses étrangères à la question, je ne parlerai pas du chemin de fer de Dendre-et-YVaes qui n'a rien avoir ici. Il me serait facile de démontrer que les produits de ce chemin de fer ne sont pas ce que pense l'honorable M. Dumortier. Da reste, cette question est vidée. La chambre a voté ce chemin de fer. Je ne pense pas que l'on songe à le remettre en discussion.

Je veux seulement relever des assertions produites par l'honorable M. Dumortier. Il prétend que de Manage à Bruxelles par Braine-le-Comte il y a un parcours plus long que de Manage à Bruxelles par Groenendael. Je réponds que c'est une erreur. Je ne l'ai pas vérifiée au compas, manière de mesurer très peu sûre. Mais je citerai des chiffres.

Bruxelles à Manage par Groenendael :

Bruxelles à Groenendael, 15,800 mètres.

Groenendael à Nivelles, 20,690 mètres.

Nivelles à Manage, 13,777 mètres.

Total, 50,333 kilomètres.

De Bruxelles à Manage par Braine-le-Comte, 45,000 mètres.

Je suis donc fondé à dire qu'il y a erreur de la part de l'honorabîc M. Dumortier.

Autre erreur ; car il y en a trois. Nous avions perdu les relations de Paris sur la capitale par l'établissement d'une ligne plus courte dont voici le tracé :

1° De Paris à Creil, 67 kilomètres.

2° De Creil à Saint-Quentin et Maubeuge à Erquelinnes, 189 kilomètres.

3° D'Erquelinnes à Charleroi, 30 kilomètres.

4° De Charleroi à Ottignies, 36 kilomètres.

5° D'Ottignies à Bruxelles (station du Quartier-Léopold), 24 kilomètres.

Total, 346 kilomètres.

tandis qu'il y a 370 kilomètres par la ligne de l'Etat.

Cette ligne concurrente a été décrétée en 1845 et 1846 et votée par l'honorable M. Dumortier lui-même.

Mais comment échapper à ce danger ? Comment faire que l'Etat ne perdît pas tout le parcours ? On y pourvoira, soit par l'ouverture de la ligne de Haumont à Mons, soit même par la ligne de Manage à Erquellines.

En effet :

1°De Paris à Creil, 67 kilomètres.

2° De Creil à Erquelinnes, 189 kilomètres.

3° D'Erquelines à Manage, 28 kilomètres.

4° De Manage à Braine, 14 kilomètres.

5° De Braine à Bruxelles, 30 kilomètres.

Total, 328 kilomètres.

Cette ligne est plus courte de 18 kilomètres que la ligne par Ottignies, et dans le parcours nous avons 44 à 45 kilomètres puisque de Manage à Braine et de Braine à Bruxelles la ligne nous appartient.

C'est donc une deuxième erreur.

Troisième erreur : l'honorable M. Dumortier croit que nous allons perdre le transit de France en Allemagne et vice-versa les 600,000 fr. qu'il produit, non par l'établissement de la ligne de Groenendael à Nivelles, mais par la ligue de Maeseyck. Mais l'honorable M.Dumortier reconnaîtra que la ligne de Maeseyck n'est pas en discussion et qu'en toute (page 1630) hypothèse elle ne pourrait avoir le privilege d'absorber tons les transports de France et d'Allemagne, en transit par notre railway, puisque d'une part, si cette ligne vers Maeseyck était décrétée, elle ne pourrait détourner que les transports vers le nord de l’Allemagne et que, d’autre part, c’est Cologne, le centre de l’Allemagne qui attire les mouvements les plus considérables. En veut-on une preuve ? Dans les grands transports qui se font d’Anvers vers Cologne, il n’y a guère qu’un ou deux waggons par jour qui se dirigent sur le chemin de Minden.

Je dis donc, messieurs, que la ligne de Fieurus à Landen ne peut pas, quand elle ne se prolonge pas à Maestricht, exposer le moins du monde à un détournement de transports. C'est encore là une erreur.

Je termine par cette observation.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier (contre la clôture). - Il n'est pas possible de laisser sans réponse les erreurs si graves que vient de commettre M. le ministre. Lorsqu'un ministre vient vous exposer des faits contraires à ceux que vous avez sous les yeux, lorsqu'il vient dire que deux côtés d'un triangle sont plus courts qu'un côté de ce triangle, il est impossible que vous ne permettiez pas de lui répondre. Je demande à le faire en peu de mots.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

L'article premier est mis aux voix et adopté.

- Adopté.

Article 3

« Amendement présenté par MM. Landeleos, Ansiau, Matthieu, de La Coste, de Wouters, Brixhe, Coomans, Dechamps, de Man d'Attenrode, Moxhon, Lelièvre et Moncheur, et devant former l'article 3.

« Le gouvernement est également autorisé à accorder, d'après les mêmes bases, la concession d'un chemin de fer de Louvain à Herenthals, par Aerschot. »

M. Coomans. - Je m’étais fait inscrire pour soutenir l'amendement que j'ai signé avec d'autres honorables membres. Mais je renonce à la parole, parce que je ne saurais à qui répondre, cet amendement n'ayant pas été attaqué.

- L'amendement est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Amendement présenté par MM de Perceval, Rogier et Loos, et devant former l'article 4.

« Le gouvernement est également autorisé à accorder la concession d'un chemin de fer de Malines à Schelle sur l'Escaul, passant à Waelhem. Rumpst, Boom et Niel. »

M. Orban. - Je ne vois réellement pas en quoi ce projet se rattache à celui que nous discutons. Je conçois que par voie d'amendement on propose un projet nouveau ; mais c'est lorsque ce projet se rattache à celui qui est en discussion.

Je conçois encore que par voie d'amendement on propose une rectification à un projet proposé. Mais je ne conçois pas que per voie d'amendement à un projet en discussion, on nous en propose un autre qui n'ait absolument aucun rapport avec celui-là ; que par exemple, à un projet pour nn chemin de fer à exécuter dans le Brabant, on vienne proposer un chemin de fer qui s'exécute dans la province d'Anvers.

Je ne fais pas d'opposition à la proposition qui nous est faite ; mais je demande qu'on l'introduise régulièrement, qu'on l'introduise séparément. Mais ce n'est pas sérieux de faire une semblable proposition par voie d'amendement.

M. Loos. - Je ne conçois pas les observations que présente l'honorable M. Orban, après le vote que vient d'émettre la chambre. Certes, il n’était pas question dans le projet qui vous est présenté d'une ligne de Fleurus à landen, de Groenendael et de Nivelles ; il était moins question encore du chemin de fer de Louvain vers Herenthals par Tirlemont, qui vient d'être voté. Mais la chambre a compris qu'il était quelques chemins de fer suffisamment étudiés et qui pouvaient trouver place dans le projet actuel.

Certes, celui pour lequel j'ai signé un amendement était plus étudié qu'aucun autre, puisque, on vous l'a dit dans la séance d'hier, la convention avait été faite en 1846 ; le projet avait été soumis à toutes les formalités que nous avons vainement réclamées, depuis quelque temps, pour d'autres projets.

Les observations de l'honorable M. Orban auraient donc du venir plus tôt ou elles viennent trop tard.

- L'amendement est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - Dans la séance d'hier, MM. Sinave et Peers ont déposé un amendement ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé a concéder un chemin de fer de Blankenberghe vers le chemin de fer de l'Etat. »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Par les motifs que j'ai déduits dans la séance d'hier, je puis accepter cet amendement au même titre que les autres. Je suis prêt également à conclure avec la société concessionnaire de cette ligne.

M. Sinave. - Messieurs, nous ferons remarquer à l'appui de notre amendement que les concessionnaires de la ligne que nous proposons ne demandent aucun minimum d'intérêl, ni aucuns frais à charge de l'Etat. S'il en avait été autrement, je n'aurais pas pu m'associer à la demande de cette concession ; car je suis contraire aux garanties de minimum d'intérêt. J'y suis d'autant plus contraire aujourd'hui que le gouvernement vient nous proposer d'appliquer ce principe de la garantie d'un minimum d'intérêt, qui jusqu'ici n'avait concerné que les chemins de fer, à des entreprises commerciales et industrielles.

Cette concession a été étudiée sous toutes ses faces. La convention est signée et les concessionnaires sont prêts à déposer le cautionnement.

Je crois donc qu'il n'y a aucun motif pour s'opposer à notre proposition. M. le ministre des travaux publics vient de déclarer qu'il s'y ralliait comme aux autres amendements qui n'auraient pas pour effet de nuire aux recettes de l'Etat. Je crois donc pouvoir me dispenser d'entrer dans d'autres développements.

M. Van Iseghem. - Je déplore aussi qu'on arrive à l'improviste avec des lignes nouvelles, sous forme d'amendements qui sont des projets nouveaux et nullement en rapport avec la loi actuellement en discussion.

- Plusieurs membres. - Oh ! oh !

M. Van Iseghem. - Ce n'est pas pour m'opposer à la construction de ce chemin que je prends la parole, mais pour faire une interpellation à M. le ministre des travaux publics ; elle consiste à savoir, s'il est vrai, comme un journal l'a dernièrement annoncé, qu'il serait question pour ce chemin de fer de placer les rails le long de la route. Je n'hésite pas à dire que si une telle autorisation devait être accordée, on pourrait considérer les routes ordinaires comme supprimées. Tout le monde sait que nos pavés sont on ne peut plus favorables à l'agriculture et que leur suppression serait une calamité publique.

Autre chose. Je considère ce chemin de fer comme une très mauvaise spéculation pour les actionnaires. Ordinairement les étrangers qui se rendent dans les villes de bains y séjournent trois à quatre semaines et voyagent peu. Une saison de bains dure au plus cinquante jours, et vous comprenez que de tels voyageurs ne font pas l'affaire d'un chemin de fer. Si l'on peut trouver des capitalistes assez complaisants qui donnent leur argent, tant mieux pour les localités qui désirent un chemin de fer ; mais, j'ai la certitude que les recettes suffiront à peine pour payer les frais d'exploitation, car en fait d'étrangers qui arrivent dans une ville de bains, je suis un peu compétent, j'engage M. le ministre, avant de signer une convention, de bien s'assurer que les concessionnaires aient tous leurs capitaux prêts et qu'ils fournissent un cautionnement.

M. Sinave. - Je ne comprends pas cette opposition de la part de l'honorable membre.

M. Van Iseghem. - Je ne m'oppose pas, mais je dis des vérités.

M. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour faire précisément la même réflexion que l'honorable M. Van Iseghem. Cette observation me paraît très sérieuse, et il est indispensable que le gouvernement y fasse une réponse.

J'ai lu, et plusieurs collègues de la Flandre occidentale ont lu comme moi qu'il était question d'établir ce chemin de fer sur un des accotements de la route pavée. S'il en était ainsi, ce point serait digne de fixer l'attention de la chambre.

- Un membre. - Il ne s'agit pas de cela.

M. Dumortier. - Tant mieux ; dans ce cas j'adopte l'amendement. Mais je désire que M. le ministre veuille bien nous donner une explication.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je puis entièrement rassurer les honorables préopinanls. Il n'est nullement question d'une pareille condition, et il ne peut pas s'en agir pour ce chemin de fer.

- L'amendement est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - Il y a encore un amendement de M. Tremouroux, qui est ainsi conçu :

« Art. 1er. Après les mots : « sous les clauses et conditions de cette convention », ajouter : « et sauf les modifications ci-après » :

« 1° (Comme au projet de la section centrale) ;

« 2° (Idem).

« Art. 3. Dans tous les cas où les lignes, etc.. (le reste comme à la page 6 du rapport de la section centrale).

M. Tremouroux maintient-il cet amendement ?

M. Trémouroux. - Oui, M. le président.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je m'y rallie.

- L'amendement est adopté.

Articles additionnels

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, il y a, je pense, deux amendements que la section centrale avait formulésdans son rapport, mais qui ne se trouvent pas reproduits dans le projet de loi. L'un concerne le poids des rails. J'ai déjà déclaré que je ne pouvais pas m'y rallier. L'autre est ainsi conçu :

« Dans tous les cas où les lignes exploitées par la compagnie aboutiront soit aux stations des chemins de fer de l'Etat, soit aux stations d'autres lignes concédées, la compagnie, indépendamment du prix de location auquel elle pourra être tenue peur l'usage de ces stations, devra supporter tous les frais et dépenses que nécessiteront les changements à y faire, tels que déplacement et augmentation des voies, excentriques, gares d'évitement, et en général tous travaux quelconques que le gouvernement trouvera bon de prescrire, pour la bonne et régulière exploitation des diverses lignes. »

C'est une disposition que la chambre a déjà introduite dans le projet de loi sur le chemin de fer de Tubize anx Acren et les concessionnaires sont disposés à l'accepter. Je puis donc m'y rallier.

- Ce dernier amendement est d'abord mis aux voix et adopté.

L'amendement concernant le poids des rails est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble

(page 1631) Les amendements introduits dans le projet sont successivement remis en discussion et définitivement adoptés.


Il est procédé au vole par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui qui est adopté par 64 voix contre 3.

3 membres (MM. Orban, Ch. Rousselle et de Brouwer de Hogendorp) se sont abstenus.

Ont voté l'adoption : MM. Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Roussel (A.), Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A)., Vandenpeereboom (E.), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop. Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H)., de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Man d'Altenrode. de Mérode (F.), de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Ruddere, Desmaisières, de Theux, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. Dumortier, Vander Donckt et Visart.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître à la chambre les motifs de leur abstention.

M. Orban. - Messieurs, le projet de loi, tel qu'il a été amendé, comprend plusieurs objets sur lesquels la chambre n'a pas été appelée à délibérer et qui n'ont pas été soumis à son examen. Comme il m'a été dès lors impossible d'émettre un vote consciencieux, j'ai dû m'abstenir.

M. Rousselle. - Messieurs, j'étais favorable à une des lignes de chemin de fer comprises dans le projet de loi qui a été soumis a la chambre par le gouvernement et qui a subi toutes les formalités prescrites par le règlement pour la formation de la loi. Mais je ne pouvais pas approuver que, sous prétexte du droit d'amendement, on introduisît dans la loi de nouvelles branches de chemins de fer qui n'avaient aucun rapport avec celles qui étaient en délibération.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je formulerai en peu de mots les motifs de mon abstention, tout en regrettant de ne pas avoir pu prendre la parole dans la discussion. Messieurs, les nombreuses demandes en concession qui nous sont faites et que l'esprit de localité patronise, sont-elles sérieuses ? Ne deviendront-elles pas plus tard la cause d'un passif écrasant pour le trésor public ? Je ne parle pas des autres inconvénients ou dangers qu'elles me semblent présenter. Quoi qu'il en soit, c'est un terrain douteux sur lequel nous serions impardonnables, après la leçon écrite dans la loi du 20 décembre 1851, de nous lancer autrement qu'avec une extrême circonspection. Or, je crois, messieurs, que nous nous écartons beaucoup trop de la réserve que le passé et la situation tendue de l'Europe nous commandent. C'est pour ce motif que, quoique je ne reconnaisse l'utilité de certaines liants que la chambre vient de veter etquoique mes commettants soient intéressés à l'exécution d'une d'elles, j'ai cru devoir refuser de prendre part au vote.

Rapports sur des pétitions

Rapport, fait, au nom de la commission permanente de l'industrie par M. David sur la pétition du sieur Dickschen, analysée dans la séance du 17 mai 1853 et relative à l'exemption des droits d'accise sur le sel employé à la préparation des bois à l'usage des mines et des chemins de fer.

La commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


Rapport fait, au nom de la commission permanente de l'industrie, par M. Van Iseghem, sur la pétition du sieur Havermaete, analysée dans la séance du 23 mai 1853 et relative au droit sur le poisson frais importé de la Hollande.

La commission propose le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

- Adopté.

Projet de loi réduisant les crédits alloués au budget de la dette publique pour l’exercuce 1853, par suite de la conversion des emprunts à 5 p. c.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles

« Art. 1er. Les crédits alloués par les articles 9, 10, 11, 12, 17 et 18 du budget de la dette publique pour l'exercice 1853, sont respectivement réduits et modifiés comme suit :

« Art. 9. a. Intérêts de l'emprunt de 86,940,000 fr., à 5 p. c., autorisé par la loi du 26 juin 1840 (semestre au 1er mai 1853) : fr. 2,173,500.

« b. Dotation de l’amortissement de l’emprunt (même semestre) : fr. 434,700.

« Ensemble : fr. 2,668,200.

« Art. 10. Frais relatifs au même emprunt : fr. 65,000. »

« Art. 11. a. Intérpets de l’emprunt de 28,621,748 fr. 40 c. à 5 p. c, autorisé par la loi du 20 septembre 1841 (semestre au 1er mai 1853) : fr. 715,542 26.

« b. Dotation de l’amortissement de cet emprunt (même semestre) : fr. 143,108 59.

« Ensemble : fr. 858,651 55.

« Art. 12. Frais relatifs au même emprunt : fr. 22,500.

« Art. 17. a. Intérêts de la dette de 37,510,940 francs, résultant des emprunts à 5 p. c. décrétés par les lois du 20 février et du 6 mai 1848 (semestre au 1er mai 1853) : fr. 937,484 50.

« b. Dotation de l'amortissement de cette dette à 1 p. c. du capital (même semestre) : fr. 187,569 70.

« Ensemble : fr. 1,125,418 20.

« Art. 18. Frais relatifs à la même dette : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Les crédits suivants sont accordés au budget de la dette publique pour le même exercice, et formeront respectivement les articles 23 3°et 26 4° de ce budget, savoir :

« Art. 26 3° a. Intérêts à 4 1/2 p.c. sur un capital de 157,647,615,300 fr., provenant 1° de la conversion des emprunts à 5 p. c. de 1840, 1842 et 1848, décrétée par la loi du ler décembre 1852 (Moniteur n° 337) ; 2° de la conversion de dette flottante en dette consolidée, autorisée par la loi du juin 1853 (Moniteur, n° ) (semestre au 1er novembre 1853) : fr. 3,546,344 25.

« Art. 26 4° Frais relatifs à la même dette : fr. 14,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Le crédit de 150,000 fr. alloué par l'article 8 de la loi du 1er décembre 1852 (Moniteur, n°337), pour frais de confection et d'émission des titres de la nouvelle dette, à 4 1/2 p. c, résultant de la conversion des emprunts à 5 p. c. de 1840, 1842 et 1848, est porté à 160,000 fr. Ce crédit formera l'article 26 2° du budget de la dette publique de l'exercice 1853.

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 67 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.

Ont adopté : MM. Moxhon, Orban, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, A. Roussel. Ch. Rousselie, Sinave, Thibaut, Thiefry, Thienpont, T'Kint de Naeyer. Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboon, E. Vandenpeerrboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Veydt, Visart, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haernc, de La Coste, Deliége, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, d'Hoffschmidt, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau et Delfosse.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Desmaisières. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la demande de crédit de cent mille francs faite par le département des travaux publics pour le chemin de fer de Jurbise à Tournai.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi autorisant la concession d’un chemin de fer de Hasselt à Maestricht

Discussion générale

M. le président. - La section centrale a proposé plusieurs modifications, notamment un article 2 nouveau. Le gouvernement se rallie-t-il à cet amendement ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Non, M. le président.

M. le président. - La discussion s'ouvre sur la proposition du gouvernement.

M. de Renesse. - Messieurs, lorsque en 1831, fut soumis à la législature le projet de loi d'exécution des divers travaux d'utilité générale, le gouvernement et les chambres firent droit à des réclamations de plusieurs parties de nos provinces qui, dans la répartition, depuis 1830, des grands travaux n'avaient pas obtenu une juste part, tandis que beaucoup d'autres localités ont été largement dotées, soit de chemins de fer, soit de canaux, de routes, ou d'autres travaux publics.

Paimi les contrées les moins favorisées, se trouvait, dans la province de Limbourg, l'arrondissement de Tongres ; aussi, dans le rapport de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi de travaux publics de 1851, fut-il formellement reconnu que l'on ne pouvait se dissimuler que Tongres et les communes si agglomérées et si populeuses (page 1632) formant son arrondissement, n'avaient point participé, jusqu'alors, d'une manière directe aux avantages qu'ont procurés au pays en général les travaux exécutés depuis quelque temps ; que cette partie du Limbourg était restée dans un isolement complet. Il parut donc à ladite section centrale, qu'en bonne justice distributive, on ne pouvait perpétuer un semblable état de choses, alors que, par les travaux proposés, d'autres localités, moins dépourvues que Tonares qui ne possède pas même une voie navigable, allaient être dotées de chemins de fer ou de canaux.

La section centrale proposait, en conséquence, d'autoriser le gouvernement à garantir un minimum d'intérêt de 4 p. c., sur un capital ne dépassant point 1 million de francs, à la compagnie qui voudrait se charger de la construction d'un chemin de fer qui relierait l'arrondissement de Tongres à la voie ferrée de l'Etat vers Liège : les chambres accueillrent cette proposition avec faveur ; mais, par différentes circonstances, cette partie de la loi du 20 décembre 1851 n'a pu recevoir son exécution jusqu'ici, pour cette contrée du Limbourg.

Un projet de chemin de fer d'une très grande utilité, non seulement pour le Limbourg, mnis aussi pour plusieurs autres provinces, avait été proposé au gouvernement par M. l'ingénieur Delaveleye ; il tendait à relier Louvain, Aerschot et Diest par Hasselt à Maestricht, avec un embranchement de Bilsen par Tongres à Ans, près de Liège.

Ce projet avait été considéré comme étant d'une telle importance ponr une grande partie du Limbourg, des provinces de Brabant et de Liège, qu'une députation très nombreuse des villes de Hasselt, Diest, Tongres, Bilecn et d'autres cantons intéressés, accompagnée des représentants de ces localités, s'était rendue auprès de plusieurs ministres pour solliciter avec instance l'exécution de cette voie ferrée ; mais ce projet n'ayant obtenu que peu de sympathie auprès de l'administration supérieure des travaux publics, fut malheureusement abandonné, au détriment de plusieurs parties de nos provinces jusqu'ici privées de voies ferrées ; il est probable que, s'il avait été accueilli d'une manière plus favorable, une société se serait formée, puisque le demandeur en concession, reconnu très solvable en France, y fait partie, actuellement, d'une société puissante qui y a obtenu la concession du chemin de fer le Grand central.

Je crois devoir faire remarquer à la chambre que l'on nous a donné, pour ne pas accorder cette concession, des raisons si peu péremptoires qu'avec un peu de bon vouloir, on serait parvenu à les écarter ; car pour plusieurs autres localités où pareillement des chemins de fer ont été décrétés, le gouvernement ne les a nullement prises on considération. Il est, en outre, à observer que depuis peu M. le ministre des travaux publics a contracté avec une société pour le chemin de fer de Mariage vers Erquelinnes ; des membres de cette société avaient été mis en relation avec M. le ministre, par l'intermédiaire de M. l'ingénieur Delaveleye ; si, par rapport à ce chemin de fer, l'on est parvenu à s'entendre, il est probable que l'on serait parvenu aussi à contracter pour la ligne de Louvain par Aerschot, Diest à Hasselt et Maestricht, avec l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans, si, de prime abord, l'on n'avait repoussé cette demande, et, encore actuellement, l'on aurait pu tirer parti de cette demande, puisque le demandeur en concession désire faire une fusion avec la société d'Aix-la-Chapelle ; par ce moyen le gouvernement aurait pu trouver l'occasion d'imposer à ces sociétés l'obligation de construire l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans.

Par suite de la non-acceptation du projet de M. Delaveleye, M. le ministre des travaux publics a cherché une autre combinaison destinée à faire droit aux réclamations d'une partie du Limbourg ; elle tend à faire relier la ville de Hasselt par Bilsen à Maestricht ; cette voie ferrée ne satisfait cependant que très imparfaitement aux intérêts de cette province ; elle serait plutôt nuisible à une grande partie de l'arrondissement judiciaire de Tongres et ne lui serait réellement utile que pour autant qu'un embranchement soit décrété de Bilsen par Tongres à Ans, près de Liège, de manière à donner une communication plus facile et plus directe aux cantons de Bilsen, Mechelen, Maeseyck et Brée, avec la ville de Tongres, lenr chef-lieu judiciaire et avec la ville et la province de Liège, et en même temps une communication ferrée avec la ville de Maestricht.

Cette direction aurait un avantage incontestable pour une grande partie de la Campine limbourgeoise, si, plus tard, le chemin de fer de Bilsen pouvait être prolongé vers Maeseyck, et, en outre, si le projet de route de grande communication, partant d'Achel se dirigeant par la ville de Peer sur Genck à Bilsen doit recevoir, comme il est probable, une prochaine exécution.

Par ces moyens, cette partie du Limbourg serait mise en communication plus directe avec les villes de Tongres et de Liège, où convergent actuellement, en grande partie leurs relations commerciales, relations qu'elle avait avant 1830, principalement avec la ville de Maestricht.

En établissant des routes ferrées qui doivent desservir des intérêts purement locaux, il faut, autant que possible, chercher à les concilier et ne pas les froisser en changeant les anciennes relations établies depuis longtemps, ce qui arriverait incontestablement, si les cantons de Bilsen, de Mechelen, de Maeseyck et de Brée étaient obligés de diriger leurs affaires commerciales vers d'autres localités avec lesquelles on leur accorderait maintenant des communications plus faciles sans leur donner en même temps des moyens plus économiques et plus directs pour se relier avec leurs anciens marches, les villes de Tongres et de Liège.

Il est encore à noter que cette contrée du Limbourg a été particulièrement frappée en 1839, par le traité avec la Hollande, et par les entraves commerciales qu'elle doit constamment subir, par la ligne de douane qui la traverse.

La ville de Tongres a ainsi de nombreux titres à faire valoir, afin d'être reliée directement avec les principales localités de son arrondissement judiciaire ; cette ville possédait autrefois tout le grand commerce de transit d'Anvers sur Aix-la-Chapelle et le reste de l'Allemagne ; par l'établissement du chemin de fer de l'Etat par Liège, elle a été réellement expropriée de tous les avantages de ce commerce.

Elle possédait en outre un commerce de transit très important de Liége vers le Brabant septentrional, par la chaussée de Liège par Tongres à Bois-le-Duc ; le canal latéral à la Meuse est encore venu lui enlever cette ressource.

En 1839, la moitié de son arrondissement judiciaire a été cédée à la Hollande ; cet arrondissement a perdu alors plus de 85.000 habitants ; de là est résulté un préjudice d'autant plus notable pour la ville de Tongres et son district actuel, que toutes les anciennes et si nombreuses relations commerciales avec la partie abandonnée au gouvernement néerlandais ont été violemment brisées.

A l'occasion de la discussion du projet de chemin de fer à décréter entre Hasselt et Maestricht, je crois devoir présenter à la chambre et au gouvernement quelques considérations pour démontrer l'utilité et la nécessité incontestable de relier, dans un avenir très prochain, la ville de Tongres avec la ville de Liège, et surtout avec les différents cantons de son arrondissement judiciaire, qui avoisinent Bilsen, actuellement assez éloigné de leur chef-lieu ; en ne reliant pas ces différentes parties de l'arrondissement de Tongres, et, en ne leur accordant pas actuellement des communications plus faciles avec d'autres localités, où jusqu'ici elles avaient peu d'affaires, il serait à craindre qu'elles ne forment d'autres relations commerciales, au grand détriment des marchés des villes de Tongres et de Liège, qui sont leurs débouchés les plus importants pour tous leurs produits.

Il serait cependant facile de concilier les différents intérêts de la province de Limbourg, en décrétant que le chemin de fer d'Ans par Tongres à Hasselt se dirigerait par Bilsen, point intermédiaire entre les villes de Hasselt et de Maestricht ; le détour d'environ 5 kilomètres, sur la ligne directe d'Ans à Hasselt, d'après un tracé que la ville de Tongres vient de faire étudier, n'est pas assez important pour que l'on puisse former une opposition sérieuse et fondée à une voie ferrée où il y a peu de mouvement de terrain, dont la dépense de construction sera par conséquent moins considérable que tout chemin de fer dans toute autre direction, la distance entre Bilsen et Ans n'étant que de 24 kilomètres, tandis que la ligne directe d'Ans à Hasselt aurait probablement au-delà de 36 kilomètres.

Ce détour est d'autant moins important pour la ville de Hasselt, lorsque l'on considère que maintenant, par le railway de Liège, par Saint-Trond à Hasselt, il y a un parcours de plus de 13 lieues, tandis que par Tongres et Bilsen, le trajet serait à peine de 8 lieues, donc, un avantage pour la ville de Hasselt de plus de 5 lieues sur la distance actuelle ; en outre, ce petit détour ne pourrait être préjudiciable aux intérêts commerciaux et houillers de la ville et de la province de Liège, parce qu'il y a impossibilité que tout autre bassin houillier fasse jamais une concurrence, dans celle partie du Limbourg, à celui de la province de Liège. Par cet embranchement, au contraire, la ville de Liège, obtiendrait une communication plus facile et plus directe avec plusieurs cantons du Limbourg, actuellement tributaires de son marché, tout en se procurant un nouveau moyen de transport vers la ville de Maestricht, et vers la partie cédée.

D'ailleurs la ville de Hasselt elle-même, lorsqu'il a été question du projet de M. Delaveleye, partant de Louvain, et se dirigeant par Aerschot, Diest, et Hasselt vers Maestricht, avec un embranchement obligé de Bilsen par Tongres à Ans, n'avait aucune objection à y faire ; sa députation, accompagnée par l'honorable comte de Theux, est venue avec nous chez MM. les ministres, pour appuyer la direction qui devait offrir la plus grands utilité pour l'arrondissement judiciaire de Tongres. Nous étions alors tous d'accord, et l'on nous promenait formellement d'appuyer l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans, de ne pas s'opposer à la direction la plus utile à l'arrondissement de Tongres.

A cet égard, je puis invoquer le témoignage de l'honorable ministre des travaux publics, ainsi que de plusieurs de nos honorables collègues qui assistaient à notre réunion ; dans la requête adressée à M. le ministre des travaux publics, au mois de février passé, par la ville de Hasselt, sur le projet de M. Delaveleye, l'on remarque le passage suivant à l'égard de l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans : « Ce tracé est sans contredit, celui qui satisferait le mieux aux intérêts de cette partie de la province et ferait cesser l'isolement dans lequel elle s'est trouvée depuis 1830. » L'on ne pourra donc contester que l'administration de la ville de Hasselt reconnaissait elle-même d'une manière très explicite que l'embranchement de Bilsen à Ans offrait pour l'arrondissement de Tongres, rejeté depuis 1830 dans l'isolement, la ligne « la plus utile » à tous ses intérêts, et que la ville de Hasselt ne craignait pas alors de sacrilier la ligne directe de cette ville par Tongres à Liège, le léger détour par Bilsen vers Ans ne lui paraissait pas devoir être une opposition, ni pris en considération comparativement au bien-être qui en résulterais pour une très notable partie de la province de Limbourg, privée jusqu'ici de toute voie ferré.

L'on ne peut nous objecter avec quelque fondement, que l'ensembte du projet Delaveleye n'ayant pas été admis, il n'y aurait plus lieu pour Hasselt de persister dans sa première résolution d'appuyer l'embranchement de Bilsen ; à cet égard, je crois devoir, faire observer à la chambre (page 1633) que, par la concession d'un railway de Hasselt à Maestricht, en y adjoignant l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans, comme le propose la section centrale, le projet primitif de M. Delaveleye recevrait pour ainsi dire toute son exécution par rapport à la province de Limbourg, et l'opposition peu généreuse et mesquine que nous fait actuellement la ville de Hasselt, pour un détour de quelques kilomètres, est peu digne d'un chef-lieu de province, ayant obtenu sous tous les rapports depuis 1830 des avantages très notables ; cette ville devrait donc plutôt chercher à soutenir les justes réclamations d'une forte partie du Limbourg, froissée dans tous ses intérêts par un fatal traité, que de les contrecarrer actuellement.

Ne pourrait-on pas, d'ailleurs, opposer avec fondement à la ville de Hasselt et à ses défenseurs, qu'en 1845, elle repoussait formellement la ligne directe d'Ans par Tongres à Hasselt, et donnait alors la préférence à celle de Saint-Trond à Hasselt ; en 1845, il ne s'agissait nullement du prolongement du chemin de fer de Hasselt vers Maestricht ; le projet d'une voie ferrée de Maestricht à Aix-la-Chapelle n'étant pas formé, mais d'après la discussion qui eut lieu à la chambre, ce prolongemcnt devait plutôt être dirigé vers la ville de Maeseyck, puisque, d'après le traité de 1839, la Belgique avait le droit de faire exécuter un railway par le canton de Sittard, situé dans la partie cédée du Limbourg, et cependant la ville de Hasselt repoussait la ligne la plus directe vers Liège par Tongres ; elle préférait la ligne la plus longue, celle par Landen, quoique les documents fournis par l'administration de cette ville établissent à l'évidence que les 7/10 de toutes ses relations commerciales se dirigeaient par Tongres vers la ville et la province de Liège.

Si donc, en 1845, la ville de Hasselt a cru pouvoir sacrifier, sans inconvénient aucun, ses intérêts commerciaux, elle n’est pas en droit de nous opposer, actuellement, le léger détour d'environ 5 kilomètres par Bilsen pour se rendre par Tongres à Liège, elle doit être moins exigeante et permettre aussi à la ville de Tongres d'être reliée en même temps par une communication facile et directe avec une grande partie de son arrondissement judiciaire et avec la ville de Maestricht.

La ville de Tongres, sacrifiée à plusieurs reprises, à d'autres intérêts, restée jusqu'ici dans l'isolement en dehors de toute voie ferrée, peut avec droit réclamer des chambres et du gouvernement d'obtenir à son tour, après une longue attente, un railway destiné à la relier plus directement avec la plus grande partie de son arrondissement judiciaire et surtout avec celle qui en est la plus éloignée et qui a été la plus froissée par le traité de 1839.

Il me semble que lorsqu'il s'agit des intérêts importants d'un arrondissement judiciaire, peu favorisé depuis 1830, par des grands travaux public», quias fait un large et pénible sacrifice en 1839 à l'intérêt général et qui n'a jusqu'ici pas de voie ferrée, l'on doit prendre en considération la position tout exceptionnelle de cette partie de la province de Limbourg, et, l'autre partie se trouvant déjà reliée au chemin de fer de l'Etat, ayant en outre obtenu d'autres avantages, devrait se montrer plus conciliante et ne pas toujours s'opposer à ce que la partie la moins avantagée puisse obtenir maintenant une communication plus facile et plus directe avec les localités où gravitent tous ses intérêts commerciaux. Déjà, en 1851, la section centrale, chargée de l'examen du grand projet de divers travaux publics avait reconnu les titres de l'arrondissement de Tongres, d'obtenir à son tour une voie ferrée, et aujourd'hui encore une autre section centrale, celle du chemin de fer de Hasselt à Maestricht, n'a pu méconnaître les droits de cette partie du Limbourg, et elle vient vous proposer à cet effet un amendement au projet de loi propose par le gouvernement, qui tend à décréter l'exécution de l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans.

En imposant à la société concessionnaire de Hasselt à Maestricht l'obligation d'exécuter cet embranchement si, endéans les deux ans, cette ligne perpendiculaire n'est pas concédée à une autre société, l'on stipule un avantage très notable : pour une partie de la province de Limbourg, tout en accordant à la société d'Aix-la-Chapelle à Maestricht la ligne de Hasselt, indispensable pour faire valoir sa voie ferrée dans le duché de Limbourg et qui doit lui assurer ainsi une partie du transit vers l'Allemagne au grand détriment du railway de Liège à Aix-la-Chapelle, dont la dépense a été très considérable cl a fortement grevé le trésor belge.

Si cette société étrangère n'avait pas l'espoir fondé d'attirer sur sa nouvelle ligne une forte partie du transit d'Anvers vers l'Allemagne, aurait-elle pu entreprendre ia construction et l'exploitation de cette nouvelle voie ferrée sans une garantie d'intérêt de l'Etat ?

En accordant donc la concession de cette ligne dérivative du railway de l'Etat, le gouvernement et les chambres surtout, les sauvegardes des intérêts du trésor, ont le droit d'imposer en compensation une ligne affluente, très utile aussi bien au nouveau chemin de fer qu'à celui de l'Etat ; l'on ne pourra prétendre que cet embranchement, par le mouvement considérable d'affaires entre les villes de Liège, Tongres, Hasselt et les cantons de Bilsen, Mechelen et même de Maeseyck, ne présente réellement une ligne ferrée d'un très bon rapport, n'ayant que 24 kilomèires de Bilsen à Ans, d'une exécution facile et beaucoup moins coûteuse que toute autre ligne directe de Liège à Hasselt.

Je crois devoir faire remarquer à la chambre que lorsque en 1845, il s'est.agi de concéder le chemin de fer de Jurbise à Tournai, la société concessionnaire, n'avait nullement demandé la concession du railway à établir entre St-Trond et Hasselt ; c'est le gouvernement qui a imposé l'éxecution de celle voie ferrée à ladite société ; si, alors, le gouvernement a montré une certaine énergie et le courage de persister dans sa résolution pour obliger une société demanderesse en concession à accepter la construction d'nn chemin de fer qui n'avait cependant aucune relation directe avec la voie ferrée de Jurbise à Tournai, à plus forte raison pouvons-nous insister, avec force, pour que la société d'Aix-la-Chapelle à Maestricht soit chargée après un délai moral, d'exécuter l'embranchement de Bilsen à Ans par Tongres, réclamé, non seulement par cette ville, mais aussi par la plus grande partie des communes de cet arrondissement judiciaire, comme le constatent à l'évidence les nombreuses pétitions adressées à la chambre.

J'ai la ferme persuasion que si la ville de Hasselt, et ses représentants, avaient voulu persister avec nous, pour demander formellement que la ligne de Bilsen à Ans soit décrétée en même temps que celle de Hasselt à Maestricht. nous serions parvenus à obtenir ce résultat favorable partout le Limbourg.

La chambre est appelée maintenant à juger s'il convient d'accorder à une société étrangère un avantage considérable, aux dépens des intérêts du trésor et en outre de tout un arrondissement resté jusqu'ici dans un isolement complet, sans imposée autre société en même temps une certaine compensation qui puisse faire droit à de justes réclamations ; j'ose espérer que Ila chambre appréciant avec équité tous les titres de la ville de Tongres et de son arrondissement judiciaire, voudra donner son assentiment à l’amendement de la section centrale, en rendant justice à cette partie de la province de Limbourg si cruellement frappée en 1839 par un fatal traité, la chambre aura fait droit à de justes réclamations trop longtemps méconnues, et quoique la réparation en soit tardive, nous l'accepterons néanmoins avec grande reconnaissance : j'espère ne pas avoir inutilement invoqué la justice de la chambre.

M. de Theux. - Messieurs, je serai très court. On vous a entretenus du projet de M. Delaveleye, je crois qu'il est inutile de s'arrêter à ce projet puisque M. le ministre n'a voulu en aucune manière de cette concession qui n'était d'ailleurs qu'un projet incertain. Au reste la chambre vient de voter le chemin de Louvain à Aerschot qui est un tronçon de ce projet, la ligne que nous discutons en ce moment de Hasselt à Maestricht comprend une autre partie du projet de M. Delaveleye.

En fait de travaux publics, il est un grand principe.

Quand le gouvernement ne veut pas faire des travaux aux frais de l'Etat ou au moyen de subsides accordés, il faut prendre les concessions qui se présentent et ne pas courir après des projets imaginaires dont la concession n’est pas demandée. Appliquons cette théorie au projet en discussion ; la question est résolue.

On oppose au chemin de fer dont la concession est demandée les intérêts locaux de Tongres et par surcroit on prétend que pour autant que l'embranchement de Bilsen à Ans par Tongres ne serait pas fait, il contrarierait les intérêts généraux de l’Etat. Je ne comprends pas cette objection, car dans l'un et l'autre cas, la concurrence serait la même.

Je veux aborder tout de suite les intérêts locaux qui sont la cause de l'opposition que rencontre la concession de la part de Tongres. Voulez-vous juger par un seul chiffre de leur importance ? Bilsen est relié à Tongres de même qu'à Hasselt par des chemin pavés ; la première barrière vers Tongres est adjugée pour 610 fr. par an et la première barrière de Bilsen vers Hasselt est adjugée pour 560 fr.

Vous voyez quel est le mouvement commercial entre Bilsen, Hasselt et Tongres ; à 50 fr. près il est le même entre Bilsen et Tongres qu'entre Bilsen et Hasselt. Je crois qu'aujourd'hui il est aussi important d'un» côté que de l'autre, mais comme les barrières sont nouvellement établies vers Hasselt et qu'on n'en connaissait pas la valeur on a donné 50 fr. de moins. Je n'ai exposé ce fait que pour faire voir le peu d'importance des intérêts locaux engagés.

Bilsen n'est qu'à deux lieues et demie de Tongres, les relations des marchés hebdomadaires continueront à se faire à pied par les cultivateurs ou avec leurs attelages, le chemin de fer projeté n'apportera aucune perturbation notable dans les relations avec Tongres ; pas un seul habitant de Hasselt ne m'a signalé un surcroît de commerce au détriment de l'arrondissement de Tongres.

Une autre considération et celle qui est la plus sérieuse, c'est qu'on craint que Hasselt n'enlève une partie de l'arrondissement administratif ou judiciaire de Tongres. Or, pas un seul habitant de Hasselt ne manifesté cette intention.

Ce serait d'ailleurs en vain, car avec les nombreux chemins de fer que vous avez décrétés, aucun changement quelconque n'a été apporté dans les circonscriptions judiciaires ou administratives.

L'arrondissement de Maeseyck restera administrativement avec Hasselt et judiciairement avec Tongres, les rapports continueront dans l'avenir comme par le passé ; il n'est pas question d'y toucher.

Après avoir écarté ce qui a amené l'opposition que le projet a rencontrée en démontrant le peu d'importance des relations et le peu de fondement des craintes manifestées et que je puis appeler chimériques, j'aborde les grands motifs qui militent en faveur du projet.

C'est un chemin qui a été décrété par la loi de 1845, comme le dit l'exposé des motifs, il a été accordé à la compagnie Mackensie avec la ligne de Landen à Hasselt. Ce prolongement était une des espérances avantageuses de la première concession qui en ont même déterminé l'acceptation. Le gouvernement ne fait que réaliser un engagement en le proposant. En réalité ce n'est pas la compagnie Mackenste qui n'avait pas (page 1634) moyen de l'exécuter qui obtient la concession, mais la compagnie d'Aix-la-Chapelle qui s'associe avec elle pour faire l'entreprise.

D'autre part, le gouvernement est maintenant libéré de l'exploitation de Landen à Hasselt, et de l'obligation d'exploiter le chemin de fer de Hasselt à Maestricht, obligation qu'il aurait dû remplir si la compagnie Mackenzie ne s'était pas entendue avec la compagnie d'Aix-la-Chapelle qui se substitue aux obligations du gouvernement.

Il y a donc pour nous un grand avantage : le gouvernement se débarrasse de sa convention onéreuse de 1845, donne au pays une communication internationale et procure au Limbourg, ou du moins à une grande partie de son territoire, de Hasselt à Maestricht, une ligne importante. Tout cela se fait gratuitement et avec avantage.

Je m'étonne vraiment qu'un tel projet ait pu rencontrer de l'opposition. Mais, dit-on, ce projet enlèvera au chemin de fer de Landen à Liège une grande partie du transit qui se fait aujourd'hui sur cette voie. C'est une erreur, par deux motifs : en effet, le détour par Liège est insignifiant.

Le second motif, c'est que pour aller par Maestricht il faut emprunter un territoire étranger, passera travers la Hollande pour aller en Allemagne, subir les formalités de la douane. Pas un colis en destination de Cologne ne se détournera, ne quittera le chemin de fer à Landen pour aller à Hasselt et à Maestricht ; car il devrait passer par trois exploitations, exploitation de l'Etat jusqu'à Landen, exploitation d'une compagnie jusqu'à Aix-la-Chapelle, et à partir d'Aix-la-Chapelle, exploitation du chemin de fer rhénan, tandis qu'en prenant la ligne de Landen par Liège, ce colis n'aura affaire qu'à deux exploitations. Ainsi, il y aurait une douane et une ligne un plus, pour épargner 5 ou 6 kilomètres. Il est donc impossible que cela détourne aucune espèce de transit.

D'ailleurs, n'attachons pas trop d'importanca à une concurrence à une ligne de l'Etat. Ce serait admettre en principe que parce que l'Etat a doté de chemins de fer certaines parties du pays aux frais du trésor, toutes les autres parties du pays seront privées de chemins de fer, alors même qu'on offre de les construire sans aucun sacrifice pour le trésor. Ce système serait intolérable ; il serait opposé à tous les précédents législatifs.

Vous avez dans le traité de paix conclu avec la Hollande et les grandes puissances, réservé à la Belgique la faculté de faire un chemin de fer d'Anvers à Dusseldorff par le canton de Sittard.

Ce chemin de fer serait à coup sûr en concurrence directe avec le chemin de fer de l’Etat. Cependant, vu l'importance commerciale qu'il donnerait au port d'Anvers, il faudrait en accorder immédiatement la concession, si elle était demandée, et si la Hollande se prêtait de bonne grâce à la construction de ce chemin de fer.

Veus avez aboli tous les droits, presque toutes les formalités de transit, quoique le transit fasse concurrence à votre industrie, en mettant à la portée de l'étranger les objets manufacturés des autres pays. Pourquoi l'avez-vous fait ? Parce que, ainsi, vous avez augmenté l'importance commerciale de votre pays et de vos ports maritimes. Vous avez trouvé là une ample compensation à quelques pertes.

Si l'on s'arrêtait à la question de la concurrence avec le chemin de fer de l'Etat, où renverserait tous les actes pesés jusqu'à présent.

On dit : Cette compagnie va faire de très grandes affaires ; elle demande cette concession pour améliorer sa position. Certainement cette compagnie ne fait pas une mauvaise affaire ; mais qu'elle fasse des affaires extraordinairement avantageuses ainsi qu'on le dit, je ne le crois en aucune manière. Je suis convaincu que le pays fera une meilleure affaire que la compagnie.

Par compensation des avantages qu'oblient la compagnie, on veut lui imposer l'embranchement de Bilsen à Ans par Tongres. Mais la compagnie ne veut pas s'en charger ; elle consent à faire six lieues de chemin de fer ; elle ne consent pas à en faire 12 ; elle a dû faire un emprunt sur le chemin de fer de Maestricht à Dusseldorff ; elle a dû obtenir l'autorisation du gouvernement hollandais et du gouvernement prussien, et l'assentiment des actionnaires.

C'est une affaire faite ; la compagnie ne peut aller au-delà. On a voulu lui imposer l'embranchement de Bilsen à Ans par Tongres.

Mais, après avoir consulté ses actionnaires, elle a déclaré qu'il lui était impossible d'accepter cette charge. L'adoption de l'amendement de la section centrale, qui ignorait la situation de la compagnie, ou l'ajournement du projet équivaudrait au rejet pur et simple de la convention. La compagnie a traité avec des banquiers qui ne veulent pas rester en suspens qui veulent savoir à quoi s'en tenir.

On a dit que Tongres sera déshérité de chemin de fer ; en aucune manière ! Chaque fois qu'il se présentera une occasion sérieuse de doter cet arrondissement d'un ou de plusieurs chemins de fer, mes honorables collègues me trouveront prêt à les soutenir. Dans ce moment, il se présente une proposition très avantageuse à l'arrondissement da Tongres. Si nous adoptons le projet en discussion, il est probable que l'arrondissement de Tongres aura trois chemins de fer : un de Tongres à An3, un-vers Hasselt et un vers Macstricht. C'est la concession que M. Benard d8 mande au gouvernement et son projet est complètement étudié.

M. le ministre des travaux publics trouve ce projet très utile, il établit une communication directe et économique entre Liège, Tongres et Hasselt ; il l'eût préféré par Liège et Hasselt, mais il est difficile de le présenter maintenant, parce que la ville de Tongres, quoique à tort, donne la préférence au tracé de Bilsen à Ans.

Votez le projet de loi, et M. le ministre des travaux publics fera une enquête et soumettra à la chambre le projet Benard. Je suis convaincu qu'à la session prochaine la ville de Tongres sera ainsi dotée de trois embranchements de chemin de fer, si les circonstances ne sont pas changées.

Aujourd'hui, si l'amendement de la section centrale relatif à l'embranchement de Bilsen est rejeté, ces messieurs de Tongres devraient demander que M. le ministre des travaux publics accueille la demande de concession de M. Benard, qui assure gratuitement trois embranchements à l'arrondissement de Tongres. C'est une solution très avantageuse. On peut l'ajourner sans doute. Mais il est possible que l'an prochain M. Benard ne soit plus dans les mêmes dispositions qu'aujourd'hui.

Du reste, il ne s'agit pas de discuter le projet Benard, puisque M. le ministre des travaux publics n'a pas fait de proposition.

Je me borne à appuyer la proposition qu'à faite M. le ministre des travaux publics. Je la crois utile à tous égards à la province et au trésor. Ce n'est que l'exécution complète de la convention de 1845.

Ne perdons pas de vue que le Limbourg n'a que quelques lieues de chemin de fer, puisqu'il n'a que la ligne de Landen à Hasselt. Si cette province était sillonée de chemins de fer, comme va l'être la Campine anversoise par suite des votes émis dans cette session, si cette province avait trois ou quatre embranchements, toutes les bruyères seraient acquises et mises en état de culture.

Ce sont les difficultés des abords, des communications désagréables par les voitures publiques et privées, qui éloignent les étrangers de la province.

Votez le chemin de fer proposé, encouragez ainsi d'autres projets, en peu de temps la province sera dotée de nombreux embranchements et nous n'aurons plus rien à demander à l'Etat.

M. le président. - La parole est à M. Julliot.

M. Julliot. - Je serai assez long, et il est près de 4 heures et demie. Je demande à ne parler que demain.

- La séance est levée à 4 heures et demie.