(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 853) M. Vermeire fait l'appel nominal à 1 heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Vermeire présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Foulon réclame l'intervention de la chambre pour être réintégré dans ses fonctions de greffier de la justice de paix du canton de Furnes, ou pour obtenir une place équivalente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Destriveaux. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer, au nom de la commission des naturalisations, un projet de loi de grande naturalisation.
- Ce rapport, qui est mis à l'ordre du jour, sera imprimé et distribué.
M. le président. - Messieurs, il paraissait qu'hier tout le monde était d'accord ; le transfert n'a été contesté par personne ; et après les déclarations qui ont été faites par le cabinet, il semblait que toutes les inquiétudes devaient cesser : le cabinet a déclaré que l'organisation actuelle était le minimum des propositions qui seraient présentées à la législature ; que si l'on songeait à changer cette organisation, ce serait pour la renforcer, pour l'améliorer et non pour l'affaiblir. Il semble que tout le monde est d'accord et qu'il est dès lors inutile de continuer ce débat. Je fais cette observation dans l'intérêt des travaux de la chambre comme dans l'intérêt du pays.
M. Manilius. - Messieurs, il ne faut pas que la chambre reste sous l'impression de l'appréciation qui vient d'être faite, par M. le président, des déclarations du cabinet. Je me permettrai une petite rectification : le ministère s'est borné à déclarer qu'il n'y aurait jamais moins que ce qui est, mais seulement sous le rapport de la force organique, et non pas sous le rapport du chiffre ; je ne pense pas que le ministère ait déclaré que la loi de 1845 est le minimum de ce qui doit arriver pour le budget de la guerre. En tout cas, je n'ai pas ainsi compris cette déclaration ; j'ai très attentivement écouté les discours des ministres. M. le ministre des finances est à son banc ; je le prie de vouloir bien préciser le sens que le cabinet a entendu attacher à ses déclarations d'hier.
M. le président. - Je n'ai pas formulé d'opinion, je me suis permis seulement une observation ayant pour but de mettre fin à des discussions qui seraient inutiles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne sais s'il est utile que la discussion continue. Après nos déclarations, des débats qui seront toujours empreints d'une certaine vivacité, ne seraient pas dans l'intérêt du pays. Je veux dire cependant un mot sur la question, telle qu'elle vient d'être posée.
Je pense qu'il n'y a pas de différence entre l'observation qui a été faite par M. le président et ce que dit l'honorable M. Manilius. Ce qu'on cherche de part et d'autre sur tous les bancs, c'est une armée forte, répondant parfaitement au but qu'on veut atteindre. On ne cherche pas plus à droite qu'à gauche à dépenser nécessairement beaucoup d'argent. Cela admis, le gouvernement a déclaré que l'organisation définitive serait au moins le maintien du statu quo ; que l'armée ne serait pas affaiblie. Elle ne le sera à aucun prix. (Interruption.)
Maintenant, quel sera le chiffre du budget ? C'est ce qui est à examiner. Faut-il dire, si d'après les résultats aujourd'hui connus des travaux de la commission, une somme supérieure à 25 millions sera nécessaire ? Je réponds oui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ajoute, commeje l'ai répété encore hier, que ce que nous voulons avanl tout, c'est une bonne armée, et que, fallût-il, non pas 27 millions, mais 28 ou 29 millions, nous proposerons la somme nécessaire pour que notre armée soit dans les conditions voulues pour rendre, au point de vue intérieur comme au point de vue extérieur, tous les services que le pays est en droit d'attendre de l'armée.
(erratum, page 861) M. Cools. - C'est déjà une bonne déclaration.
- Plusieurs membres. - Cela suffit ! cela suffit !
M. le président. -Il paraît que l'on veut que la discussion continue parce que l'incident ou le fond c'est la même chose. La parole est à M. de Chimay.
M. Loos (pour une motion d’ordre). - Messieurs, d'après la déclaration si formelle, si positive que vient de faire M. le ministre des finances, je crois que cette discussion pourrait s'arrêter au point où elle est arrivée, en réservant à chacun le droit de discuter dans un moment plus opportun, c'est-à-dire quand le budget de la guerre sera présenté. Alors cette discussion sera à sa place, elle n'y est pas aujourd'hui.
Je demande que l'examen des besoins de l'armée ne vienne que lorsque le budget de la guerre sera présenté. Je crois que pour le moment dans tous les intérêts du pays il importe que cette discussion se termine.
M. Cools. - Dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt de l'armée, de tous les intérêts les plus élevés de la patrie, je demande que la discussion continue. Je le demande parce que les paroles de M. le ministre des finances que vous venez d'entendre n'ont malheureusement qu'une seule signification, c'est qu'on veut continuer à se réfugier le plus longtemps possible derrière l'équivoque. (Interruption.) Je ne prétends pas qu'on ne voudra pas en sortir un jour, mais je dis qu'on désire s'y maintenir le plus longtemps possible, et c'est là ce qui est fâcheux pour le pays, pour l'armée.
Comment ! alors qu'hier on est venu dire ici que tout ce qui peut arriver, c'est que l'organisation de l'armée actuelle au minimum sera conservée, et que peut-être elle sera améliorée ; et, en regard de cette déclaration, on vient encore une fois de jeter dans les débats ce chiffre fatal, ce chiffre qui a fait tant de mal depuis que l'organisation de l'armée est remise sur le tapis, le chiffre de 25 millions...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. Cools travestit ma pensée.
M. Cools. - Eh bien, tant que vous ne déclarerez pas que le chiffre de 25 millions est abandonné irrévocablement...
M. Lesoinne. - Pourquoi cela ?
M. Cools. - Parce que certainement personne de nous ne désire dépenser, pour quoi que ce soit, un centime de plus que ce qui est nécessaire, mais aussi parce que les convictions les plus obtuses doivent se rendre à cette évidence, qu'avec l'organisation actuelle on n'aura pas assez de 25 millions ni de 26 millions, c'est tout au plus si 27 millions suffiront.
Voilà pourquoi j'ai entendu, avec une douleur profonde, rappeler le chiffre de 25 millions. Je demande que la discussion continue pour faire cesser tout doute, toute équivoque.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il importe d'abord de rappeler les faits. L'honorable président, au moment où la discussion allait recommencer, a émis l'opinion qu'en présence des déclarations faites hier par le cabinet, la discussion pouvait être close. Il a rappelé que le cabinet avait déclaré hier que l'organisation actuelle était le minimum de ce qui serait présenté ; sur cette observation M. Manilius a dit que cela ne préjugeait en aucune façon le chiffre de la dépense, que ce qui était essentiel, c'était le maintien de la force armée sur le pied le plus respectable, au minimum sur le pied de l'organisation qui est en vigueur. On a vu là une apparente contradiction ; je me suis levé pour faire remarquer que la déclaration ne préjugeait pas que la dépense serait de telle somme plutôt que de telle autre, que cette question restait à examiner ; mais que, en aucun cas, l'organisation actuelle ne serait affaiblie.
J'ai été plus loin ; j'ai dit : Voulez-vous mon opinion personnelle, voulez-vous que je vous dise si je crois, d'après la connaissance que l'on a des travaux de la commission, qu'il soit possible d'avoir une force analogue à celle que nous avons aujourd'hui avec 25 millions ? Je réponds : non !
M. Coomans. - Vous n'avez pas dit cela !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit cela !
J'ai dit et je répète qu'il faudra une somme supérieure à 25 millions.
J'ai répété que si une somme, non pas de 27, mais de 28, 29 millions même, était nécessaire, cette somme sera demandée à la chambre.
Où donc est l'équivoque ? M. Cools aperçoit des équivoques là où il n'y en a pas.
Je suis aussi explicite que possible. A moins de vouloir, alors que personne n'a connaissance des faits et des documents au moyen desquels on peut se former une opinion, à moins de vouloir que dans cette situation le ministre déclare la somme par francs et centimes qu'il croie nécessaire pour notre établissement militaire, il faut qu'on admette comme parfaitement loyales et sincères nos déclarations qui annoncent suffisamment l'intention de ne rien faire, en aucun cas, qui puisse nuire à l'institution de l'armée et doivent rassurer les plus timorés.
M. le président. - Une autre proposition vient d'être faite par M. de Chimay. Elle est ainsi conçue :
« La chambre, considérant qu'il importe de faire cesser toute incertitude sur l'organisation définitive de notre établissement militaire, émet le vœu que le budget normal de la guerre soit discuté dans le courant de la présente session. »
(page 854) M. de Theux. - Je crois qu’il est inutile d’insister sur la continuation de la discussion ; elle est de droit, je pense, d’après la proposition qui vient d’être déposée par l’honorable prince de Chimay, qui avait obtenu déjà la parole de M. le président et à qui on ne peut pas la retirer après la lui avoir accordée.
Mais je dirai qu'il me paraît de la dignité du gouvernement et de la chambre que la discussion continue ; il existe dans cette chambre plusieurs membres qui ont exprimé l'opinion, que d'autres partagent, qu'il y a une urgence très grande à ce qu'on sorte de l'état d'incertitude dans lequel on se trouve relativement à la solution définitive des questions qui touchent à l'organisation de l'armée.
Eh bien, je ne pense pas qu'en présence d'un intérêt si vital du pays, dont quelques membres veulent démontrer de plus en plus l'importance, le ministère puisse s'opposer à la continuation de la discussion.
Je demande donc que la discussion continue ; cela est d'autant plus nécessaire qu'on voit qu'il y a du doute dans cette enceinte sur la portée des déclarations qu'ont faites respectivement MM. les ministres de l'intérieur et des finances.
Pour moi, j'avais compris la déclaration dans le sens qu'a indiqué M. le président avant la reprise de la discussion. Eh bien, maintenant d'autres membres pensent que tel n'a pas été le sens des paroles de M. le ministre des finances ; et M. le ministre des finances a détruit la déclaration de M. le ministre de l'intérieur. Il est donc indispensable que la discussion continue.
M. Delfosse. - J'ai dit au commencement de la discussion, en répondant à l'honorable M. Osy. que ce débat me paraissait prématuré.
Sur quoi discute-t-on ? Sur l'organisation de l'armée, qui a fait l'objet de l'examen d'une commission. Le bon sens et la prudence exigent qu'on attende que le travail de la commission nous ait été communiqué.
Il est certain que jusque-là, chacun de nous doit se réserver son libre examen et sa liberté d'action ; si nous agissions autrement, nous discuterions en pure perte et sans connaissance de cause.
Du reste, je ne m'oppose nullement à ce qu'on discute la motion de l'honorable M. de Chimay ; mais il est désirable que les membres de la chambre s'abstiennent de se prononcer maintenant sur les questions relatives à l'organisation de l'armée, sur le chiffre qui devra être dépensé.
L'honorable M. de Chimay vient de faire une proposition qui doit être discutée et mise aux voix ; mais il ne faut pas s'écarter de l'objet de cette motion. L'honorable membre demande qu'on discute le budget de la guerre dans le cours de la session actuelle. Je le veux bien, si c'est possible ; mais la question est précisément de savoir si cela est possible ; c'est sur ce point qu'il faut discuter.
M. le président. - Ansi, il y a deux propositions parfaitement distinctes : la première a pour objet de faire décider qu'on ne s'occupera pas actuellement de la question d'organisation ; c'est celle de M. Loos. L'autre, celle de M. le prince de Chimay, a pour objet d'émettre le vœu que le budget de la guerre soit discuté dans la session actuelle.
M. Cools. - Nous désirons tous qu'il n’y ait pas d'équivoque ; il faut qu'il n'y en ait pas même sur la position de la question. Quelle est la proposition de l'honorable M. Loos ? C'est tout bonnement que le débat cesse ; c'est de mettre un terme à la discussion. Une autre proposition, celle de l'honorable prince de Chimay, tend à ce que la loi soit présentée dans le cours de la session actuelle. Or, cette proposition n'exclut évidemment aucune discussion sur l'organisation de l'armée. C'est tout ce que je voulais constater.
M. Malou. - Je dois faire remarquer qu'une nouvelle proposition ayant surgi, il y a lieu purement et simplement de continuer la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous ne nous y opposons nullement.
M. Loos. - J'ai demandé la clôture avant que l'honorable prince de Chimay eût fait sa proposition. Mon but était de faire clore la discussion engagée depuis deux jours.
A présent une proposition nouvelle vient à surgir. Je ne veux pas empêcher qu'on discute la proposition de l'honorable prince de Chimay, surtout si le gouvernement pense qu'il y aura possibilité d'aborder avant la fin de la session le budget de la guerre ou la loi d'organisation de l'armée. Si, au contraire, le gouvernement pense, comme il l'a déclaré hier, que c'est impossible, j'étends ma proposition de clôture à la proposition de l'honorable prince de Chimay.
M. le président. - On paraît d'accord d'enteudre d'abord les développements de la proposition de l'honorable prince de Chimay, sauf à voir ce qu'on fera après.
M. de Chimay. - Messieurs, si j’avais eu à répondre hier au discours de l’honorable ministre de l’intérieur, je lui aurais très probablement fourni contre moi un nouvel argument dans le genre de celui qu’il m’opposait, au début d’une récente et pénible discussion ; quelques paroles empreintes de la bienveillance qui m’est si naturelle à son égard, l’eussent remercié, au nom du pays et de l’armée. Mais la nuit, dit-on, porte conseil, et si elle n’a rien changé à des dispositions affectueuses qui planent au-dessus des dissidence spolitiques, elle a singulièrement modifié mon appréciation parlementaire.
J'ai compare le discours de l'honcrable ministre des finances à celui de son collègue ; j'y ai vainement cherché la confirmation pure et simple, catégorique, de ce qu'avait dit ce dernier, et j'ai vu que l'un détruisait l'autre. Comme conclusion, j'ai retrouvè le programme de l'an dernier ; comme issue pour l’arrmée et le pays que je ne sépare jamais, l'incertitude, l'atermoiement. En un mot, on dit à l'armée et à ses amis ; Que craignez-vous ? Vous êtes encore ce que vous étiez ! Mais on ne lui dit pas ; Voilà ce que vous serez ! Voilà ce que vous serez, non pas au temps des générosités, du patriotisme, ou de la peur, non pas au temps d'une sécurité égoïste et parcimonieuse, mais dans ces temps normaux d'intelligence et de dignité nationale, si éloquemment décrits par l'honorable M. Lebeau.
Et quand le ministère le dirait, je lui répondrais que ce n'est point assez. Loin de moi la pensée de suspecter la droiture des intentions, la sincérité des paroles ! Mais la nuit, cette terrible et froide conseillère, a évoqué en moi d'autres souvenirs encore. Je me suis rappelé que d'ordinaire nos ministres, dans ces étranges débats sur la guerre, préparent les discours de leurs adversaires. L'an dernier, je combattais M. Rogier par M. Rogier, c'est encore lui qui va se répondre à lui-même par ma bouche.
Il est facile, disait-il lors de la crise de l'homogénéité libérale, d'aligner des phrases ronflantes, d'entasser de grands mots en faveur de l'armée, de parler de ses sympathies, de son dévouement sur le papier, mais il faut des actes. Messieurs, c'est précisément ce que je viens demander au ministère, je lui demande de poser un acte, de sortir une fois pour toutes des tactiques et des équivoques.
Je lui demande un acte qui prouve sa renonciation au programme de 1851, un acte par lequel le pays et l'armée apprennent d'une manière éclatante qui l'emporte enfin de l'immense majorité de l'opinion publique, ou d'une infime minorité ! Et sur ce terrain du programme, pas de détours, pas de finesses ! L'abandonnez-vous ou le soutenez-vous ? Ayez, comme vous le dites si souvent à d'autres, le courage de votre opinion, sachez formuler de votre voix stridente, un oui qui concilie toutes les dissidence, ou un non qui laisse debout toutes les défiances !
Vous aurez remarqué, messieurs, avec quelle réserve, au début de ces discussions, j'ai parlé des travaux de la commission.
Peu à peu les mystères se sont éclaircis, et puisque ces travaux sont presque devenus le secret de tout le monde, permettez-moi d'en parler à mon tour, non pour les discuter, mais pour dissiper en peu de mots les apparentes difficultés que le ministère vous appose, pour retarder une déclaration de principes qu'il décline.
Comme l'a très bien dit M. Lebeau, et comme vous l'a confirmé l'honorable ministre des finances, jamais corps délibérant n'a été constitué dans de telles conditions d'indépendance.
Laissée à ses seuls instincts, sans guide, sans direction, cette commission qui avec moins de bon sens et de dévouement pouvait, de par le ministère, ébranler sinon compromettre toutes nos institutions militaires, plus prudente que ses auteurs, elle n'a rien compromis, rien ébranlé. Nos travaux portaient sur deux points bien distincts. Je ne vous dirai rien du premier qui s'appliquait à nos établissements militaires, au matériel ; que nous les ayons renforcés ou diminués, que nous ayons réclamé pour Anvers, par exemple, des travaux résolus depuis plus de dix ans, que nous proposions quelques bastions de plus ou quelques terrassements de moins, peu importe, là n'est point la question, messieurs.
L'autre point, le seul grave, le seul qui mérite aujourd'hui toute votre sollicitude, toute votre attention, c'est l'organisation de l'armée proprement dite ; et contrairement à ce qui vous a été exprimé, je prétends qu'en présence des travaux de la commission le gouvernement peut, non dans quelques mots, non dans quelques semaines, mais dans quelques jours, vous faire connaître son opinion.
En effet, messieurs, voici comment les choses se sont passées. Nous avons procédé par questions de principes. Une fois les bases arrêtées, une sous-commission a été chargée de formuler un projet qui a succombé. Un second projet s'est produit. Conservateur de ce qui existe, il se borne à réclamer des compléments qui, pour la plupart, se résument en questions de chiffres.
Surgira-t-il un troisième projet ? Ce ne sera pas tout au moins de la part de la commission, puisqu'elle a terminé ses travaux.
L'organisation de 1843 et de 1845 fortifiée, voilà donc, messieurs, le principal résultat et, à vrai dire, le seul grand but de nos débats. Vous aurez au minimum ce qui existe, a dit l'honorable ministre de l'intérieur, adhérant dès aujourd'hui au principe de la commission.
L'honorable M. Frère lui-même peut-il refuser d'y adhérer, après avoir rappelé hier que la commission de 1851, comme celles de 1843, comme celle de 1845, réunissait dans son sein vos sommités militaires et les meilleures conditions d'indépendante appréciation ?
Serait-ce donc sur la question d'argent qu'il y aurait dissidence ? Mais l'honorable M. Frère, et je l'en félicite hautement, en a fait hier bonne et énergique justice !
Je résume et je précise les faits :
En dehors d'utopies ou d'idées individuelles dictées, je le reconnais, par les sentiments les plus louables, en dehors de systèmes plus ou moins aventureux ou désorganisateurs, et je fais au gouvernement de mon pays l'honneur de croire qu'il ne s'y associerait jamais, il ne reste que deux partis à prendre, celui de se rallier au vote de la commission, c'est-à-dire à ce qui existe en améliorant. Dans ce cas, le ministère sait ou doit savoir à quoi s'en tenir. L'autre parti est de se maintenir dans le système nuageux des 25 millions.
Vous voyez, messieurs, que dans ces deux hypothèses, le ministère (page 855) est non-redevable, dans ses allégations d’ignorance, comme dans ses désirs d’atermoiement. J’ai en conséquence l’honneur de soumettre à la chambre la proposition suivante :
La chambre, considérant qu'il importe de faire cesser toute incertitude sur l'organisation définitive de notre établissement militaire, émet le vœu que le budget normal de la guerre soit discuté dans le cours de la présente session.
J'espère, messieurs, que le ministère comprendra qu'il doit me suivre sur ce terrain, dégagé de toute ambiguïté. En l'y conviant, je veux perdre le droit de le combattre sur cette grande question nationale, qui, depuis si longtemps déjà, a fait chaque année, dans cette enceinte, l'objet de ma vive et sympathique sollicitude.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je tâcherai de répondre an discours de l'honorable prince de Chimay, non d'une voix stridente comme il m'y convie, non d'une voix flûtée ; je répondrai de ma voix naturelle.
La motion de l'honorable préopinant part d'un bon naturel. Il a des affections pour le ministère.
M. de Chimay. - Pour le ministre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il a mainte fois manifesté beaucoup de confiance en lui ; il rend hommage à son caractère, à sa loyauté. Hier, messieurs, il était sur le point de se jeter dans ses bras, de se réconcilier définitivement avec lui, tant les paroles du ministre de l'intérieur, corroborées par celles de son collègue et ami le ministre des finances, avaient rassuré l'honorable prince de Chimay.
Mais depuis lors il a eu des conseillers, des conseillers nocturnes qui sont venus dans l'ombre l'avertir que sa confiance avait été trop loin, qu'il y avait derrière ces paroles du ministre de l'intérieur et du ministre des finances quelque obscurité, quelque équivoque, quelque motif nouveau de défiance, et dans ses dispositions d'esprit de ce matin, si contraires à ses dispositions d'esprit de la veille, l'honorable prince de Chimay vient déposer une proposition qui infligerait, je n'hésite pas à le dire, le blâme le plus grave au ministère, si elle était acceptée. Nous la repoussons de toutes nos forces ; nous la repoussons comme injurieuse ou comme inutile : après la déclaration que nous avons faite hier et qui n'était que le résumé de toutes celles que nous n'avons cessé de répéter depuis deux ans, après cette déclaration la chambre doit être convaincue que notre désir est de terminer le plus promplement possible cette grande question de l'armée.
La chambre, en outre, doit être convaincue que le sort de l'armée ne court aucun risque.
A moins de mettre en doute ce qui, je pense, ne se serait jamais fait sous aucune espèce de gouvernement, à moins de mettre en doute les déclarations formelles qui ont été faites dans la séance d'hier, je pense, messieurs, que tous les hommes de bonne foi doivent reconnaître que la question de l'armée peut être considérée comme à peu près résolue, résolue dans le sens que nous avons toujours cherché, résolue dans un sens favorable à l'institution de l'armée.
Nous avons donné hier les motifs qui nous paraissaient s'opposer à ce que l'on déposât dans le cours de la session le projet de budget ; nous croyons que ces motifs existent encore. Nous ne saurons à quoi nous en tenir définitivement à cet égard qu'après que le travail de la commission nous aura été remis, fait qui n'a pas encore eu lieu et l'honorable prince de Chimay doit le savoir... (Interruption.) Je lui demande si le travail de la commission est définitivement terminé.
M. de Chimay. - Le travail de la commission est arrêté.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - N'équivoquons pas : le travail de la commission est-il signé et remis à M. le ministre de la guerre ?
M. Thiéfry. - Nous sommes convoqués pour vendredi, afin d'entendre la lecture du rapport. Je dirai plus, c'est que la commission n'aura pas encore rempli entièrement son mandat quand elle aura entendu cette lecture.
M. de Chimay. - Si l'on entend par travaux de la commission la lettre d'envoi qui doit accompagner les procès-verbaux et les transmettre à M. le ministre de la guerre, alors je conviens que nous avons été convoqués pour le 19, afin d'assister à la lecture de ces pièces ; mais si, au contraire, les travaux de la commission consistent dans l'examen des questions qui lui ont été soumises, alors je déclare de nouveau que les travaux de la commission sont terminés.
M. Thiéfry. - Je dois faire une observation.
La chambre a renvoyé à la commission un projet complet d'organisation de la force publique, dépose par l'honorable M. Jacques ; la première chose que la commission aura à faire après avoir adopté le rapport sur ses travaux généraux, ce sera nécessairement de comparer l'organisation de la force publique, proposée dans ce document, avec l'organisation à laquelle elle s'arrêtera elle-même et qu'elle n'a pas encore adoptée entièrement. (Interruption.) C'est un projet sérieux, déposé par un membre de la chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Laissez ce projet en dehors du débat.
M. Thiéfry. - Eh bien, laissant ce projet en dehors du débat, je dit qu'il a été convenu que l'on reverrait encore un rapport très consciencieux, celui des allocations, dont les conclusions eussent amené 600,000 à 700,000 francs d'économie.
M. de Chimay. - Je crois qu'il n'est pas bien nécessaire d'insister sur ce débat, mais je dois faire observer que si le gouvernement juge à propos de saisir la commission de nouveaux objets, lorsque ses travaux actuels seront terminés, il n’y a pas de raison pour que la commission finisse.
Je n’avais d’autre but que de rappeler ce qui s'est passé, je voulais rappeler a M. Thiéfry que, dans la derniêre séance, le président a annoncé que vendredi prochain nous aurions à entendre la lecture du rapport destiné à transmettre les travaux de la commission au ministre. Voilà tout ce qui reste à faire et par conséquent les travaux de la commission sont terminés.
M. Manilius. - Messieurs, l'honorable M. de Chimay vient de déclarer positivement que la commission militaire a fini ses travaux, et il justifie cette assertion par les paroles de M. le président de la commission qui a déclaré... quoi ? que dans la prochaine réunion, nous examinerions la seconde partie du rapport sur les procès-verbaux arrêtés jusqu'à ce jour.
M. le président de la commission n'a pas dit que nos travaux étaient terminés ; puisqu'on fait des révélations sur ce qui s'est fait dans le sein de la commission, je m'en vais vous dire ce qui s'y est passé : l'on a voulu mettre le gouvernement, par un premier rapport, au courant de ce qui avait été fait dans la commission, et l'on a adressé à M. le ministre de la guerre un rapport comprenant l'extrait des procès-verbaux jusqu'à une certaine date.
Maintenant on est arrivé à la seconde période des discussions ; et on va faire un nouveau rapport sur cette partie des discussions de la commission ; ces discussions ont porté sur une foule de points qui nous ont été soumis.
Mais il n'est pas exact de dire que la commission ait fini ses travaux. Après que nous aurons entendu et discuté le second rapport qui va être présenté, il s'agira de questions nouvelles qui seront soumises à la commission, et que la commission doit nécessairement examiner, discuter et résoudre. Ainsi la fin des travaux de la commission est inconnue à M. de Chimay comme à nous.
Je bornerai là mes observations, car je ne pense pas que j'aie la parole sur la motion de M. de Chimay ; si j'avais la parole sur cette motion, j'ajouterais que je ne puis en aucune façon me rallier à la proposition.
Il faut que le gouvernement reste entièrement libre d'examiner mûrement, prudemment une question aussi grave ; il faut que le ministère ait le temps de controverser les discussions qui ont précédé les résolutions prises ; car les résolutions de la commission n'ont été arrêtées qu'après de longs débats et ont été longuement controversées ; il est donc indispensable que le cabinet prenne une connaissance approfondie des motifs qui ont dicté les résolutions de la commission.
Je repousse de toutes mes forces la motion de l'honorable M. de Chimay.
M. le président. - La parole est continuée à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il résulte, des paroles qui viennent de s'échanger entre les membres de la commission, que le travail, plus ou moins complet, de la commission n'est pas encore entièrement terminé.
Ceci est très important pour la discussion. Il résulte, des déclarations qui viennent d'être faites, ce fait-ci que nous affirmons, du reste, à savoir que le travail de la commission n'est pas encore entre les mains de M. le ministre de la guerre. Pas d'équivoque.
Nous ne tenons pas compte de la proposition de l'honorable M. Jacques. Quant aux autres questions, nous prierons la commission d'ajourner toutes celles qu'il ne serait pas indispensable d'examiner immédiatement, de. nous fournir, dès demain, si c'est possible, des conclusions qui nous mettent à même de prendre un parti définitif ; nous sommes plus pressés que vous de terminer ces questions.
Mais, messieurs, en présence des faits que nous constatons, est-il convenable qu'un membre de la commission vienne mettre en demeure le gouvernement de présenter ses projets. Je commence par mettre la commission en demeure ; je la prie de fournir au gouvernement le travail dont il a besoin pour établir celui qu'il doit soumettre aux chambres. Si nous avions ce travail dès aujourd'hui, nous promettrions de l'examiner avec la plus grande promptitude, et rien ne nous serait plus agréable que de pouvoir d'ici à 15 jours déposer un projet d'organisation, accompagné d'un projet de budget.
Dans l'elat actuel des choses, il nous est impossible de prendre de pareils engagements, parce que nous ne voulons prendre que des engagements que nous pouvons tenir.
Messieurs, j'avais cru qu'après les déclarations si franches, si nettes et si complètes qui ont été données dans la séance d'hier, l'on se serait abstenu de revenir aujourd'hui à la charge ; je ne cherche pas à scruter les intentions, mais je me demande si la discussion d'aujourd'hui ne doit pas avoir pour effet de détruire jusqu'à un certain point les bonnes impressions de la séance d'hier ; il semblait qu'il s'était établi comme une sorte de communauté de vues sur la question ; j'étais sorti avec la conviction que sur ce point l'opposition avait donne son adhésion aux paroles du ministère.
Aujourd'hui on fait une proposition, qui nécessairement doit être repoussée par le gouvernement. Motivée surtout comme elle l'a été par son (page 856) auteur, cette proposition est une proposition de défiance... (interruption) de pure défiance. Le ministère vous dit que dès qu'il sera en mesure de faire une proposition à la chambre, il la fera ; c'est la son désir, son intérêt. Il vous a fait connaître sur quelles bases cette proposition sera faite ; il vous a dit qu'il ne s'agissait pas d'amoindrir l'organisation de l'armée, mais plutôt de la fortifier. Voilà nos déclarations. Ayez donc patience, ayez donc confiance, et ne venez pas nous jeter à la tête une proposition qui laisse supposer que vous doutez de nos paroles.
Veut-on se donner la satisfaction de croire et de faire croire que si le ministère a fait des déclarations rassurantes, on doit attribuer cette attitude du gouvernement à l'opposition ? Eh bien, qu'on se passe cette satisfaction ; je ne veux pas contrarier l'opposition dans ce sentiment de satisfaction qu'elle peut avoir d'elle-même. Mais veut-on aller plus loin ? Veut-on faire croire que si le gouvernement dépose les projets de loi qu'il annonce, c'est parce qu'il y a été forcé par l'opposition ? Eh bien, ici c'est vouloir trop. Deux triomphes en vingt-quatre heures, ce serait trop.
Jouissez du triomphe que vous croyez avoir remporté dans la séance d'hier, je ne vous le dispute pas ; mais vous ne pouvez pas aspirer à un nouveau triomphe aujourd'hui : il ne faut pas que la victoire vous énivre à ce point.
J'engage l'honorable M. de Chimay à revenir à ses sentiments d'hier et à retirer sa proposition d'aujourd'hui qui ne peut lui avoir été inspirée que par des sentiments tout contraires. Je répète que si nous sommes en mesure de prendre une résolution avant la fin de la session, cette résolution prise sera communiquée à la chambre qui probablement n'aura pas le temps de s'en occuper. Mais nous reconnaissons qu'il serait très utile que des propositions fussent déposées le plus tôt possible ; c'est notre intérêt. Voilà l'engagement que nous pouvons prendre.
Si, dans la session actuelle, ces propositions ne sont pas déposées, si elles ne peuvent pas l'être malgré nous, hier nous avons offert de discuter la question de l'armée dans une session d'été. Ceci prouve que nous voulons en finir de ces questions et que nous n'avons aucune intention de les ajourner. Je cherche en vain où serait l'intérêt du cabinet à agir autrement.
S'il avait les intentions que l'opposition lui suppose, je concevrais qu'il reculât devant cette tâche bien ingrate et bien difficile de venir amoindrir l'institution de l'armée.
Mais le cabinet a dit que, loin d'amoindrir, il fortifierait, et dès lors il doit être porté à donner le plus tôt possible, mais il veut s'éclairer, un nouveau gage de patriotisme au pays et à l'armée. Nous ne pouvons pas résoudre simplement cette question par le sentiment. Il y a au bout de ces questions des dépenses, des charges pour le budget, et avant de nous engager, nous demandons à réfléchir.
Vous savez s'il est facile de procurer des ressources au budget ; c'est cette difficulté que l'honorable prince de Chimay a eu sans doute en vue quand il a rappelé que je disais qu'à côté de discours il fallait des actes.
M. le prince de Chimay a fait toujours de beaux discours sur l'organisation de l'armée, mais il nous a toujours refusé de l'argent. J'ai fait des discours pour l'armée...
M. de Man d'Attenrode. - Pas pour l'armée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais j'ai fait aussi des discours et des actes pour le trésor, voilà la différence qu'il y a entre nous.
Qu'on retire donc cette proposition qui ne peut avoir aucun but utile et pratique, et qui, probablement, ne servira qu'à entraîner de longs débats.
M. de Chimay (pour un fait personnel). - Messieurs, j'avais demandé la parole pour un fait personnel ; cependant, je ne m'appesantirai pas sur ce fait. Je veux seulement rappeler à la chambre les paroles de M. le ministre de la guerre à propos de la commission. Voici ce que disait cet honorable ministre dans la séance du 15 de ce mois :
(L'orateur donne lecture de ce passage.)
Evidemment quand on attend un rapport, c'est que le travail que ce rapport concerne est achevé.
M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Je dois déclarer de la manière la plus formelle que je n'ai pas reçu le rapport de la commission. Lorsque les pièces me parviendront, j'estime qu'il me faudra de trois semaines à un mois pour les examiner. Si je puis le faire en moins de temps, nécessairement j'y apporterai tous mes soins.
M. Cools. - Je crois que, même après le discours de l'honorable ministre de l'intérieur, je dois prendre la parole pour appuyer la motion de l'honorable prince de Chimay. Je crois que cette motion n'implique aucun sentiment de défiance. Je crois qu'elle a avant tout pour but d'engager le gouvernement à faire tout ce qui lui sera possible pour présenter le projet d'organisation dans le courant de la session. Elle a cependant encore un deuxième but, c'est de constater que la chambre a, autant que le ministère, le désir de voir le sort de l'armée fixé le plus tôt possible d'une manière définitive.
Messieurs, je désire apporter une grande modération dans cette discussion. Vous le savez, depuis longtemps sur cette question de l'armée, je me suis franchement séparé du cabinet ; à certaine époque, j'ai pu n'exprimer avec vivacité. Je dois aujourd'hui tenir compte des modifications survenues dans l'attitude et dans les dispositions des membres du gouvernement.
Messieurs, aujourd'hui je crois pouvoir être rassuré au moins sur un point ; le ministère est, à l'heure qu'il est, convaincu de ceci : c'est que l'organisation de l'armée ne coûtera pas seulement 25 millions, mais 27 millions et peut-être davantage.
Voilà ce que le ministère croit aujourd'hui et ce qu'il ne croyait pas précédemment. Mais si j'ai quelque motif de me rassurer en ce qui regarde l'opinion du ministère, il me reste des doutes sur ses projets. Je ne sais si cette organisation qui sera reconnue la meilleure, il est bien décidé, quoi qu'il arrive, à la soumettre à la chambre. Sa marche continuant à être vacillante et incertaine, nous ignorons, malgré ses déclarations d'aujourd'hui, s'il est bien décidé, quoi qu'il arrive, à ne pas prolonger le terme dans lequel il lui sera possible de nous soumettre ses propositions.
Aujourd'hui, le gouvernement doit être convaincu d'une chose, c'est que le but qu'il s'est proposé en prolongeant l'incertitude qui plane sur notre organisation militaire depuis 4 ou 5 ans, était mal choisi.
Il s'était proposé, avant tout, de maintenir l'homogénéité dans l'opinion qu'il représente au pouvoir. C'est certainement un résultat très désirable. Mais s'il avait choisi un but différent, le résultat n'en eût pas moins pu être obtenu et il eût pu suivre une marche plus digne, plus franche, plus conforme à celle qu'on a le droit d'attendre de véritables nommes d'Etat. Il est évident que quand, après avoir constaté qu'il y a une division complète dans l'opinion libérale, que deux grandes fractions la divisent, on se propose pour but de réunir ces deux grandes fractions, sans indiquer de quel côté on devra se diriger, on doit non seulement apporter une grande circonspection dans ses paroles, mais à quelques minutes d'intervalle on doit lancer des paroles ambiguës à l'adresse d'une partie de ses amis, puis ensuite en faire entendre de toutes différentes pour une autre fraction ; envoyer des promesses rassurantes à ceux qui veulent une armée forte, dût-elle coûter 27 millions et même davantage, et s'abstenir de les confirmer lorsqu'on se tourne vers ceux qui veulent une armée forte aussi, mais à la condition que la dépense se rapproche du chiffre de 25 millions.
Hier, on a parlé des sentiments qui animent l'armée. Deux honorables membres en ont parlé, l'honorable M. Lebeau et M. le ministre de la guerre. Ils ont une opinion différente. D'après M. le ministre de la guerre, l'armée est pleinement rassurée. D'après l'honorable M. Lebeau, qui a consulté des membres de l'armée, elle serait loin de se trouver dans de pareilles dispositions. Je crois que cette contradiction n'est qu'apparente, qu'on peut mettre les deux assertions d'accord. Il faut seulement tenir compte de la différence des temps. Je crois que les sentiments de l'armée ne sont plus les mêmes aujourd'hui qu'il y a trois mois, et que déjà, il y a trois mois, ils n'étaient plus les mêmes qu'il y a deux ans.
Si l'armée est rassurée jusqu'à un certain point, parce qu'elle voit qu'on s'est mis à l'œuvre et qu'elle a confiance dans les hommes chargés d'élaborer le travail, ces sentiments ne sauraient être ceux qu'éprouvait l'armée sous le coup des discussions qui, l'année dernière, ont fait naître, dans son sein, une grande et légitime inquiétude. Sous ce rapport, l'honorable représentant de Huy peut parfaitement se justifier.
Je n'ai rien de désobligeant à dire à l'égard des membres du cabinet ; je crois que tous les membres du cabinet sont, en ce qui concerne nos institutions militaires, animés de sentiments hautement avouables ; je crois que tous désirent faire pour l'armée comme pour les autres institutions tout ce qui sera nécessaire. Mais, il faut bien le dire, car les preuves sont là, jusqu'à ces derniers temps, jusqu'à l'entrée du général Anoul au ministère, le cabinet eut une appréciation complétement fausse des besoins de l'armée ; il a voulu subordonner les besoins de l'armée à des considérations qui lui sont étrangères et que la nécessité de l'organisation complète de l'armée devait primer de beaucoup.
J'ai une autre conviction, c'est que le cabinet a toujours montré une réserve trop grande pour toutes les dépenses inhérentes à l'organisation militaire, que pour faire décréter ces dépenses il n'a pas apporté le même zèle, la même ardeur qu'il a mis pour faire voter des dépenses qui avaient un degré d'utilité sans doute, mais non le même degré d'urgence.
Chaque fois que la question de l'armée revient sur le tapis, nous assistons à un singulier spectacle.
A entendre certains honorables membres, même les ministres, tout le monde est d'accord sur cette question, il y a unanimité de sentiments, tout le monde a toujours voulu la même chose ; on veut donc que nous mettions complètement de côté, que nous effacions de nos souvenirs ce qui s'est passé il y a peu d'années, et ce qui fut la cause de la nomination de la commission, qu'on perde de vue le motif pour lequel le gouvernement a abordé l'examen de cette question !
Oublierons-nous ce qui s'est passé en 1849 ? C'est alors qu'a commencé la discussion de cette grande question.
La minorité d'alors avait dans cette question pour mot d'ordre : Economie.
Il y a eu des exceptions sans doute, et je cite tout d'abord M. Thiéfry ; je crois que pour lui son but principal était d'avoir une forte organisation de l'armée, mais j'ai le droit de dire que l'opinion qui s'est groupée contre le budget était dominée alors par une idée d'économie. Si vous en doutez, permettez-moi de lire quelques passages d'un discours de (page 857) l'honorable membre qui s'est mis à la tête de l'opposition sur cette question. Voici ce que disait M. d'Elhoungne. {Interruption.)
Je cherche à prouver que si aujourd'hui on retarde un peu plus qu'il n'est nécessaire de présenter la loi d'organisation de l'armée, on commet une faute. J'établis que l'armée avait des motifs légitimes d'être inquiète alors, et que cette inquiétude devra renaître si on tarde à aborder la question de l'organisation de l'armée plus qu'il n'est rigoureusement nécessaire.
M. Le Hon. - Vous oubliez ce qui a été dit plus tard.
M. Cools. - Je sais que les paroles ont souvent varié chez plusieurs orateurs ; il en est de ces paroles comme de certains ouvrages : si les éditions ne se ressemblent pas, c'est ordinairement la première qui vaut le mieux. Voici ce que je lis dans le discours de l'honorable M. d'Elhoungne.
- Plusieurs membres. - A la question ; c'est en dehors de la motion.
M. le président. - Je dois faire remarquer que M. le prince de Chimay demande que le gouvernement présente le budget dans le cours de la session actuelle ; l'orateur a donc le droit de dire les raisons pour lesquelles il appuie la motion qui est faite. Quelle que soit la discussion que cela doive amener, il m'est impossible de voir autrement les choses.
M. Cools. - Ces interruptions ne m'intimident pas ; elles sont loin de m'étonner : il est certain qu'il y a une fraction de cette chambre qui a intérêt à ce qu'on dise le moins possible sur cette question.
« Si je demande des économies sur le budget de la guerre, disait l'honorable M. d'Elhoungne, c'est que cette partie des ressources du trésor peut recevoir une destination plus utile pour la nation ; lorsque je demande des économies, c'est pourqu'on puisse faire pour le peuple bien plus qu'on n'a fait jusqu'aujourd'hui, c'est pour qu'on puisse efficacement améliorer sa condition intellectuelle, en lui assurant largement les bienfaits de l'enseignement...
« Je voudrais que dans ce but le gouvernement eût d'immenses ressources à sa disposition ; je voudrais que sur le budget de la guerre on économisât plusieurs millions, pour les faire tomber sur les écoles primaires, sur les établissements qui doivent améliorer la condition morale et matérielle du peuple. »
A la suite de ce discours, le ministère a tâché de savoir quel était le chiffre de réduction auquel il voulait s'arrêter ; et c'est à grand-peine qu’il est parvenu à faire déclarer par l'honorable membre que c'était le chiffre de 25 millions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a un second discours de l'honorable M. d'Elhoungne, que vous feriez bien de rappeler, pour être impartial ; il faut citer l'honorable M. d'Elhoungne tout entier.
M. Cools. - Je vais y venir ; vous ne saisissez pas la tendance de mon discours ; vous me comprendrez sans doute quand vous m'aurez entendu jusqu'au bout.
M. Manilius. - M. d'Elhoungne ne s'est arrêté à aucun chiffre.
M. Cools.- Il s'est arrêté à 25 millions ; il y avait alors une division complète dans la majorité, le gouvernement a dû le reconnaître lui-même, alors qu'il cherchait à ramener l'harmonie, la concorde dans le parti libéral, but fort louable sans doute, bien qu'à mon sens on y ait trop sacrifié.
Quelles étaient les tendances du gouvernement après cette déclaration de l'opposition ? Ici nous avons un document précieux, c'est le discours prononcé par M. le ministre des finances à la sortie de M. le général Brialmont du cabinet. M. le ministre, pris à l'improviste, a eu une occasion excellente de faire connaître le fond de la pensée du gouvernement, de dire quelles étaient ses vues, ses espérances.
Eh bien, si vous vouliez lire le discours de M. le ministre des finances, vous seriez convaincus que tout ce discours tendait à prouver que, dans la pensée du gouvernement, une bonne organisation était possible avec 25 millions ; qu'il fallait tâcher d'obtenir cette organisation au moyen de ce chiffre ; et que M. le général Brialmont n'a été appelé dans le cabinet que pour obtenir une organisation cadrant avec ce chiffre.
Je ne lirai pas tout ce discours, mais vous me permettrez de vous en citer quelques passages qui feront ressortir à l'évidence ce que j'avance en ce moment.
Voici ce que disait l'honorable M. Frère :
« .... Nous avions devant nous un budget de fr. 26,700,000.
« ... L'examen se réduisait à rechercher si, sur l'ensemble des crédits du budget de la guerre, on pouvait lentement, graduellement, prudemment, en prenant un temps assez long, trouver une économie de treize ou quatorze cent mille francs, afin de réduire le budget à ce chiffre de 25 millions qui pouvait être pour tout le monde, qui pouvait être pour tous nos amis une conciliation honorable, et qui ne devait en aucun cas compromettre la solidité de l'armée.
« Pourquoi ce chiffre de 25 millions ? nous a-t-on dit pendant la discussion. Parce qu'il a été indiqué par plusieurs ministres de la guerre et par M. Brabant.
« Le cabinet s'est mis d'accord sur ce point : il est désirable que dans un temps donné le budget soit ramené à 25 millions ; cela est désirable parce qu'il y aura désormais sur cette question une majorité compacte, unie, sincère et durable.
« D'accord sur ce point et voulant rechercher loyalement, sincèrement, les moyens de le réaliser, nous nous sommes adressés à M. le ministre de la guerre actuel ... »
Puis vient la lecture de la lettre adressée par le ministère à M. le général Brialmont ; nous y lisons le passage suivant :
« ... Les hommes les plus considérables de la chambre que nous avons consultés, ont élé d'avis qu'au moyen d'une réduction relativement minime et successive, on obtiendrait sur cette question une majorité très unie et pour longtemps immuable. Il ne s'agirait pour cela que d'arriver au chiffre de 25 millions.
« ... Nous raisonnons dans l'hypothèse d'une situation normale et nous vous posons les deux questions suivantes :
« Est-il possible d'opérer, en troisans, une réduction de 1,300,000 fr, sans affecter la force organique de l'armée ? Seriez-vous disposé à prendre l'engagement d'opérer une telle réduction ?
« Ch. Rogier. »
« ... L'honorable général a donc déclaré qu'il était disposé à entrer dans les vues du cabinet, en présence de cette intention, manifestée par nous, de ramener le chiffre du budget de la guerre à 25 millions de fr. »
Ce qui prouve, comme je le disais en commençant cette citation que, dans la pensée du gouvernement, il était possible de ramener le budget à 25 millions, qu'il voulait tâcher de le faire, et que M. le général Brialmont n'était entré dans le cabinet que pour opérer cette transformation (interruption), sous réserve, bien entendu, de ne pas porter atteinte à la force organique de l'armée, force que l'on supposait compatible avec un budget de 25 millions.
Voilà donc, messieurs, quelle a été la situation jusqu'à l'arrivée de M. le général Anoul.
Maintenant, vous voyez quelle fausse appréciation le gouvernement s'est toujours formée des besoins de l'armée.
Vous voyez à quelles considérations il faisait subordonner l'organisation de l'armée.Mais il y a d'autres faits plus frappants encore et qui font voir de quel zèle le ministère é'ait animé pour notre état militaire, quand on le compare au zèle qui l'animait pour d'autres intérêts du pays.
Nous avons maintenant les déclarations en ce qui concerne les travaux qui s'exécutent à Anvers, nous savons depuis quand ces travaux ont été reconnus nécessaires, indispensables même ; nous savons que dès 1847, dès avant l'arrivée de M. le général Chazal au ministère, il était reconnu par le gouvernement lui-même que, de toute manière, ces travaux étaient indispensables et que c'étaient ceux qu'il fallait exécuter en première ligne.
Et cependant, messieurs, quoique cette dépense (qu'on n'évalue qu'à 500,000 francs ; j'en accepte l'augure) fût considérée comme indispensable l'année dernière, on nous a fait voter beaucoup de travaux publics, et lorsque nous sommes venus alors demander pourquoi on n'y comprenait rien pour les besoins de l'armée, pour la défense du pays, on nous a toujours renvoyés au travail de la commission d'enquête.
On vous a dit : Nous ne pouvons rien faire parce qu'il y a une commission qui examine ; c'est donc une question que nous ne pouvons pas aborder maintenant. (Interruption.)
Vous avez dit vous-mêmes qu'avant l'arrivée du général Chazal, cette dépense était reconnue indispensable et cependant pour ces besoins vous n'avez pas demandé un centime.
Messieurs, l'armée a nécessairemenl fait ce rapprochement, comme tout le pays l'a fait. Ces souvenirs devaient peser sur les sentiments qui l'ont animée jusqu'à la composition de la commission. Aujourd'hui je dois croire qu'elle est rassurée ; je l'admets. Mais enfin, je vous le demande, que pensera l'armée, que pensera le pays, si lorsque les travaux de la commission seront terminés, si alors que le gouvernement aura examiné ces travaux, il tarde un seul jour pour présenter un projet d'organisation ? Est-ce que ces inquiétudes ne doivent pas revenir à l'instant même ? Est-ce que vous n'avez pas le plus grand intérêt à accepter la motion de l'honorable prince de Chimay, non seulement pour vous, mais pour que l'armée connaisse les sentiments qui animent la chambre, pour qu'elle sache que nous aussi, majorité, nous désirons, autant qui le gouvernement, voir décider cette question ?
J'avoue cependant que je comprends l'hésitation du gouvernement. Le moment est venu pour lui d'aborder une question délicate, de faire une dernière et douloureuse épreuve. Il devra commencer par faire quelques sacrifices d'amour-propre ; mais c'est là une considération très secondaire. Il devra reconnaître qu'il s'est trompé sur les besoins de l'armée. Mais en même temps il y a une préoccupation plus grave qui doit l'agiter, c'est qu'il doit tâcher d'amener la conciliation sur un terrain tout autre que celui qu'il a choisi, c'est qu'il doit tâcher de faire voter ses amis snr toute autre proposition que celle qu'il a annoncée et qu'on ne sait pas quel sera le résultat final de cet essai.
Voilà ce qui explique naturellement l'hésitation du gouvernement.
Cependant que le ministère ne se décourage pas. Si nous tenons compte des modifications qui s'opèrent devant nous, qui s'opèrent dans les dispositions du cabinet, le cabinet, de son côté, doit tenir compte des modifications qui se manifestent successivement dans cette fraction de ses amis politiques qui l'ont toujours combattu en ce qui concerne le budget de la guerre. Il doit tenir compte que dès l'année dernière des aveux précieux ont été faits. Le même honorable membre qui, il y a deux ans, ne voulait entendre parler que d'un budget de 2b millions, a reconnu l'année dernière que ce n'était pas sou dernier mot, qu'il ne se rattachait pas définitivement à ce chiffre, que s'il lui était démontré par le travail de la commission que l'organisation (page 858) actuelle ne comporte pas un chiffre ranins ébvé que le budget actuel, il ne supposerait pas à ce que ce chiffre soit adopté ; que tout ce qu'il pourrait faire, ce serait de s'abstenir. J'espère qu'il n" taut pas prendre cette dernière réserve au sérieux, parce qu'elle nuirait à l'homogénéité que le ministère désire, que nous devons tous désirer voir s'établir sur cette question.
Mais enfin un premier pas est fait et j'espère que d'autres suivront. Déjà le ministère, dans la séance d'hier, a tâché d'en faire faire d'autres. Déjà il a dit que si les besoins de l'armée comportaient un chiffre plus élevé que le chiffre actuel, il le proposerait ; que si le budget devait aller jusqu'à 28 millions, je crois même qu'on a risqué le chiffre de 29 millions...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui ! oui ! je l'ai dit.
M. Cools. - ... il irait jusque-là.
Eh bien, je ferai une dernière demande au ministère, c'est qu'il s'abstienne de prononcer un chiffre quelconque, c'est qu'il dise uniquement qu'il viendra proposer ce qui est nécessaire, abstraction faite de tout chiffre ; que, n'importe quel chiffre les besoins de l'armée exigeront, il sera réclamé de la chambre ; et si alors, faisant usage de son immense talent, il peut amener tous ses amis à voter ce chiffre, s'il peut arriver à cette conciliation que nous désirons, de nouveau il aura rendu un service signalé au pays.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai été mis personnellement en cause ; permettez-moi de dire un mot. L'honorable préopinant croit avoir intérêt à démontrer que je serais en contradiction avec les discours que j'aurais tenus en d'autres circonstances ; mais il paraît qu'il attache surtout un grand prix à semer la zizanie dans l'assemblée, à signaler des divisons qui pourraient exister et à essayer même de les faire éclater. C'est peut-être, à son sens et dans les circonstances actuelles, une bonne action. Pour moi, je crois que c'est une mauvaise action.
M. Cools. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. de Mérode. - On ne peut plus discuter.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, on peut discuter, mais on peut apprécier aussi.
M. de Mérode. - Pas ainsi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Chacun exprime son opinion ; l'honorable M. Cools vient d'exprimer la sienne ; j'exprime la mienne avec toute franchise.
Messieurs, je ne veux pas me donner la puérile satisfaction de démontrer qu’il n’y a pas l’ombre de modification dans mes idées ; que je suis un homme toujoiurs, partout, en toutes cironstances, très conséquent ; que, dans toutes les discussions auxquelles je me livre, je ne prononce jamais un seul mot qui soit en contradiction avec un autre mot que j’ai prononcé en d’autres occasions. Je laisse à l’honorable M. Cools le soin d’établir qu’il est, lui, toujours le même et que sa pensée est immuable. Mais je me permets de lui donner un conseil. Lorsqu’il cite un discours d’un de ses adversaires, il ne doit pas y prendre quelques phrases isolées pour les lui opposer. Les paroles qu’il invoque, les seules qu’il ait réussi à découvrir, ne signifient rien, comme je le prouverai d’un seul mot ; mais, d’ailleurs, il faut prendre l’ensemble de mes discours.
Tout ce que vous avez cité se réduit à ceci : « Est-il possible d'introduire des réductions dans le budget de l'armée ? Voilà, ce qu'il faut rechercher. » Et vous n'avez pas réfléchi qu'en effet s'il y avait eu autre chose que cette question posée, si, au lieu d'un point à examiner, il y avait eu un projet arrêté, mais la résolution aurait été exécutée immédiatement, pas n'était besoin d'examen ni de discussion !
Mais voici ce que vous ometttez dans vos citations ; voici ce que je signale constamment dans mes discours comme le point capital, comme la préoccupation principale qui me domine en cette affaire. Ecoutez : « En se constituant, le cabinet - c'est dans le même discours, remarquez-le bien, que celui que vous venez de citer - en se reconstituant, le cabinet conservait invariablement la ferme conviction qu'il faut au pays une armée respectable, que le pays en a besoin et pour sa tranquillité intérieure, et pour sa défense éventuelle contre les dangers extérieurs ; mais il crut aussi qu’il était devenu indispensable de se livrer à examen sincère, loyal de toutes les questions relatives à notre établissement militaire.
« Messieurs, le cabinet ne s'est pas posé, je dois le dire, une misérable question d'argent. Non, il avait à résoudre une difficulté beaucoup plus grave que celle-là.
« Quelque importance que puissent avoir les considérations financières, je les mets au-dessous des questions qui intéressent la dignité, l'honneur et l'indépendance du pays. »
Voilà ce que j'ai dit, dans ce même discours que vous venez de citer ! Et je n'ai pas besoin de changer de langage ; je répète encore aujourd'hui ces mêmes paroles ; encore aujourd'hui je vous dis que la question financière est tout à fait secondaire, et que la question qui, pour nous, est capitale, c'est d'avoir une bonne armée.
Tout à l'heure, messieurs, je vous ai assez fait pressentir que d'après les délibérations de la commission, il ne serait pas possible de réduire le budget de la guerre au-dessous du chiffre actuel.
Mais il faut cependant que le cabinet puisse examiner les travaux si nombreux, si considérables, auxquels la commission s'est livrée. Et lorsque mon collègue le ministre de la guerro déclare qu'il lui faut, avant d'émettre une opinion, trois semaines ou un mois, à lui, homme spécial, homme compétent, homme du métier, pour faire cet examen, on admettra qu'il nous faut bien aussi quelque temps pour nous prononcer. Je ne prétends pas avoir autant de facilité que l'honorable prince de Chimay, à qui quelques jours suffisent ; il me faudra donc quelque temps pour me prononcer sur la question.
Quoi qu'il en soit, en présence des déclarations du cabinet, que deviennent les inquiétudes, que deviennent les soupçons, que deviennent les imputations sur lesquelles on a si longtemps vécu ? Elles disparaissent. Rien n'en reste. Est-ce de désespoir de n'avoir plus cette question à nous opposer, que vous soulevez aujourd'hui ce débat ? Comme je le disais hier, comme le rappelait notre honorable président, au début de la séance d'aujourd'hui, en présence de nos déclarations, qu'y avait-il à faire ? Clore la discussion, se taire. Il n'en fallait pas demander davantage.
Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur vous a dit tout à l'heure qu'il nous serait impossible, quoique le cabinet désire terminer cette question dans le plus bref délai, il nous serait impossible de faire accueil à la proposition de l'honorable prince de Chimay.
L'honorable prince de Chimay motive sa proposition d'une manière, je dois le dire, injurieuse pour le cabinet.
M. de Chimay. - Si elle avait ce caractère, je ne la maintiendrais pas un instant.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle a pour nous ce caractère. Nous la repoussons à ce titre.
M. de Mérode. - Il faut l'adoration.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est en effet de l'adoration que vous avez pour nous.
Je dis, messieurs, que nous devons repousser cette proposition parce qu'elle est injurieuse pour le cabinet. En présence de nos déclarations, en présence des explications du ministre de la guerre, qui constatent qu'il est impossible, matériellement impossible de produire le résultat des travaux de la commission, de formuler des conclusions et de les soumettre à la chambre immédiatement ; en présence de ce fait incontestable, surtout, que ces conclusions fussent-elles formulées, il serait impossible à la chambre de prendre une résolution dans le cours de la session, je dis que la proposition est sans but, si elle n'a pas le caractère que nous lui avons assigné.
M. Cools. - M. le ministre des finances, au début de son discours a fait entendre que je n'aurais pas fait une bonne action en prononçant mon discours ; il a même été jusqu'à dire que j'aurais commis une mauvaise action. Messieurs, il y a deux manières de faire une bonne action : je ne parlerai pas du reproche que M. le ministre m'adresse d'avoir constaté qu'il y a division sur cette question dans l'opinion libérale, ce reproche est par trop singulier, alors que dans la séance d'aujourd'hui même des membres de cette opinion ont continué à faire des réserves ; ainsi la division existe, et ce n'est pas moi qui, par mes paroles, pouvais ni la créer ni la faire disparaître.
L'action que M. le minisire a voulu indiquer, je dois le croire, comme n'étant pas bonne, c'est de ne pas m'être associé à la manière dont le ministère a voulu amener la conciliation dans l'opinion libérale. Eh bien, il y a deux manières d'opérer la conciliation : l'une c'est de dire franchement ce qu'on veut, c'est de dire : Le budget de la guerre doit être établi non pas seulement d'après la force actuelle de l'armée, mais d'après telle force reconnue nécessaire à la défense du pays. Voilà la bonne manière, c'est celle que j'ai choisie. L'autre, c'est de se tenir en balance entre les deux fractions de l'opinion libérale, au lieu de rester fidèle à celle qui a toujours été favorable à l'institution de l'armée, c'est de caresser tantôt une fraction tantôt une autre et de laisser constamment du doute sur le côté vers lequel on voudra se diriger. Cette manière peut également être bonne, mais ce n'est pas la mienne.
(page 861) M. Malou. - L'honorable ministre des finances demandait tantôt si la discussion d'aujourd'hui n'était pas née du désespoir où nous nous trouverions de n'avoir plus cette question devant nous.
Eh ! messieurs, la motion de l'honorable prince de Chimay n'a pas d'autre but, elle n'est inspirée par aucune autre pensée que celle de faire disparaître le plus tôt possible, dans l'intérêt de toutes les opinions sincères, dans l'intérêt du pays, cette grande question qui revient périodiquement au préjudice de ces intérêts. Ce qui nous anime, ce n'est donc pas le désespoir de voir cette question nous échapper, c'est, au contraire, le désir de voir cette question sortir de l'arène des débats parlementaires, de l'arène des partis politiques.
Messieurs, nous sommes habitués, dans les débats, à voir le ministère faire deux parts : à nous les invectives les plus dures, à lui-même les éloges les plus exagérés. En traitant la question de l'armée, nous n'avons jamais été animés que des passions les plus mauvaises ; c'est pour nous un thème d'opposition ; nous sommes de mauvais citoyens en traitant cette question.
Le ministère, au contraire, est irréprochable, il a toujours voulu ce qu'il veut aujourd'hui, il se maintient dans la même position : il veut sauvegarder les intérêts de l'armée.
Hier encore, au nom de l'intérêt public, on nous invitait à nous taire, comme quelques jours plus tôt on nous invitait à parler. Eh bien, messieurs, de la part du cabinet sur cette question comme sur toutes les autres, je n'accepte ni l'invitation de me taire ni l'invitation de parler.
Toutes les opinions, nous dit-on, sont amies de l'armée, personne n'est son ennemi : cela peut être vrai, messieurs ; mais reconnaissons qu'il y a différentes manières de l'aimer, et que la discussion doit porter principalement sur le point de savoir quelle est la bonne manière.
Examinons d'abord en quelques mots ce qui s'est passé, au sujet de cette question. Depuis que la Belgique a terminé la question extérieure, il s'est formé, à la chambre et dans le pays, deux opinions sur la constitution de la force publique ; l'une, je me permettrai de la rappeler, l'opinion exprimée dans le programme du ministère de 1840, celle qui veut une neutralité sincère, loyale et forte ; l'autre opinion, qui a eu également des organes dans la chambre, veut que la Belgique, se fiant au respect des traités, n'ait autre chose que ce que l'honorable M. Lebeau appelait hier avec beaucoup de raison une grande gendarmerie.
Ces deux opinions si tranchées se sont fait jour dans toutes les circonstances où la question de l'armée s'est élevée, et si l'une d'elles se tait aujourd'hui, c'est que, malgré toutes les déclarations qui ont été faites, elle espère encore, elle attend quelque chose d'une solution qu'on ne lui laisse pas deviner ; sans cela, cette opinion se produirait aujourd'hui, parce qu'elle existe et qu'elle est loyale. Je n'appelle aucune division, je constate un fait.
Jusqu'en 1850, le cabinet, avec l'honorable général Chazal, avait défendu la première de ces opinions, qui veut pour la Belgique une armée fortement organisée, qui veut une neutralité sincère, loyale et forte. En 1851, au contraire, nous avons vu remettre en question ce qui était acquis à l'armée, sa charte, la consécration par les pouvoirs publics, de ce système d'organisation que je viens de définir. Et pourquoi avait-on remis en question tous ces grands intérêts ? Pour obéir à un esprit de parti.
Cela résulte de l'aveu du ministère lui-même et des paroles qui ont été prononcées alors par des amis du cabinet qui se sont séparés de lui à cette époque et qui se séparent encore de lui aujourd'hui.
Messieurs, comme je ne veux pas prolonger ce débat, je rappelle seulement en un mot à vos souvenirs la discussion de 1851. C'était pour rétablir l'homogénéité de parti, c'était pour n'avoir pas besoin, dans cette question nationale, de l'appui de la minorité, qualifié de dangereux, qu'on mettait en question les droits acquis à l'armée.
On dit aujourd'hui, renouvelant d'autres équivoques : « Nous avons voulu faire examiner ce qui était possible ! » Eh bien, non, vous vouliez plus à cette époque. En voici la preuve :
Lorsque la section centrale s'est occupée du budget de la guerre, voici le texte de la note qui lui a été remise. Il n'y a pas là, je crois, d'équivoque de cette nature :
« Les vues du cabinet sont, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la section centrale, d'arriver à ramener le budget normal de l'armée, sur le pied de paix, au chiffre de 25 millions de francs et d'atteindre ce chiffre par des réductions successives reparties sur un espace de trois ans. »
Voilà quelles étaient étaient les vues du .cabinet et voilà quel était le programme sur lequel le ministère était d'accord.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lisez la phrase suivante.
M. Malou. - Je n'ai pas ici autre chose. (Interruption.)
Vraiment de pareilles interruptions m'étonnent ; voici ce qui suit cette phrase, d'après mes souvenirs ; le cabinet énonçait telles vues, et M. le ministre de la guerre énonçait personnellement telles autres vues. Je demande à l'un de mes honorables amis de vouloir bien me procurer le document ; je lirai tout à l'heure la suite de cette note, et vous verrez si votre interruption a d'autre résultat que de prolonger inutilement le débat.
Messieurs, la résolution prise par la majorité de la chambre n'est pas moins remarquable ; la voici :
« La chambre, s'associant avec confiance à la résolution prise par le gouvernement d'examiner mûrement, avant la discussion du budget de 1852, les diverses questions relatives à notre établissement militaire, de s'entourer, à cet effet, des lumières d'une commission qu'il nommera, passe à la discussion des articles.»
Quel est le sens naturel de ce vote ? Quelle en est la conséquence ? C'est que la majorité, pas plus que la minorité qui refusait de suivre le ministère, lorsqu'il remettait en question l'organisation de l'armée, ne voulait laisser cette question indéfiniment suspendue ; elle a assigné un terme, elle a accordé, si je puis m'exprimer ainsi, une confiance à temps, et le terme qu'elle a accordé est depuis longtemps expiré.
Ce vote de la chambre, d'après la teneur de la résolution que je viens de rappeler, est périmé ; vous n'êtes pas recevables à l'invoquer, non pour que la question ne soit pas résolue avant la discussion du budget de 1852, mais peut-être même pour qu'elle ne le soit pas avant le vote du budget de 1853. [Interruption.)
Vous dites que le budget de 1852 est voté ; je vous fais remarquer précisément qu'au commencement de 1851 le vote de la chambre portait que, dans sa pensée, les questions devaient être résolues avant le vote du budget de 1852, que non seulement ce budget est voté, mais qu'aujourd'hui la chambre est saisie d'un nouveau budget provisoire pour 1853, et que si une proposition vous est faite, c'est pour que vous ayez à résoudre ces questions avant la fin de la session, avant le vote du budget de 1853. J'ai donc eu raison de dire que vous êtes en dehors du terme de confiance limité qui vous a été accordé en 1851.
On a la bonté de me remettre le document dont je parlais tout à l'heure ; je vais compléter la citation que j'ai faite, on me permettra la parenthèse :
A la suite du paragraphe que j'ai lu et qui exprime les vues du cabinet, se trouve le paragraphe suivant :
« Le ministre de la guerre déclare qu'il est prêt à introduire et à rechercher toutes les économies qu'il reconnaîtra possible de faire sans porter atteinte à la force organique de l'armée. »
Telle était donc l'opinion particulière du ministre de la guerre.
C'est ici, messieurs, c'est sur cette phrase, comme on le dit à côté de moi, que le dissentiment a éclaté en pleine chambre, lorsqu'on a reconnu que dans la pensée du ministère, il y avait une distinction entre la force organique de l'armée et l'organisation de l'armée ; c'est,je crois, la plus fameuse distinction qui ait été jamais faite dans un débat parlementaire.
Et pour le dire en passant, lorsque de pareilles distinctions ont été faites, lorsque de telles équivoques ont été cause de nominations et de démissions de ministres, nous avons mille fois le droit d'être méfiants, en présence de toutes les déclarations qui nous sont faites aujourd'hui.
Messieurs, il me semble, du reste, résulter de ces déclarations, que nous sommes aujourd'hui dans la même situation qu'en 1851. Il s'agit pour le ministère, qu'il me permette de le lui dire, d'éviter un vote, de gagner, j'allais presque dire de perdre encore un peu de temps.
A-t-on réussi à réaliser le but politique : l'homogénéité du parti ? Evidemment non.
Pouvait-on réussir, lorsqu'on formait une commission de notabilités militaires et de membres de la législature, à réaliser le programme que je viens de lire tout à l'heure, l'organisation forte et le budget réduit a 25 millions ?
Et si votre politique n'avait ni l'un ni l'autre de ces buts, quel pouvait-il être sinon de gagner du temps en laissant tout en suspens, en laissant libres des opinions, en leur donnant à tous l'espérance par des déclarations que chaque opinion peut interpréter à sa manière ?
Je dis que la situation est la même, et, en effet, messieurs, voyez où nous arrivons. Le premier jour, le gouvernement vient nous dire que la commission militaire a terminé ses travaux, mais qu'on n'a pas encore reçu les procès-verbaux. Aujourd'hui il paraît constant que les procès-verbaux des travaux de la commission vont être remis au ministre de la guerre, et il est acquis aux débats que les procès-verbaux étaient remis successivement au ministre de la guerre. C'est un fait acquis.
Ainsi, le gouvernement a connu les travaux de la commission. Il reste à remplir en ce moment une simple formalité, c'est une lettre d'envoi, un rapport, un résumé des procès-verbaux qui sont connus du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'en ai pas lu un seul.
M. Malou. - Mais M. le minisire de la guerre l'a déclaré hier dans, un discours écrit... (Interruption.)
M. Coomans. - C'est votre faute si vous ne les avez pas lus.
M. Malou. - Ainsi, au premier jour de la discussion, ob nous disait : Le gouvernement examinera, mais il n'a pas le temps matériellement nécessaire pour lire toutes les pièces avant la fin de la session. On ajoutait que les débats seraient inopportuns dans les circonstances actuelles. On opposait à une solution définitive une fin de non-recevoir que j'examinerai tout à l'heure. Et (page 862) aujourd'hui que le ministère se trouve en présence d'une solution formelle, l'honorable ministre de la guerre est venu dire tout à l'heure quelques mots qui, selon moi, sont l'argument le plus fort en faveur de la motion de l'honorable prince de Chimay.
Que vous a déclaré, en effet, M. le ministre de la guerre ? Que dans trois ou quatre semaines il serait en mesure d'avoir formulé le budget normal par suite des décisions de la commission militaire. J'ai annoté les paroles de l'honorable ministre de la guerre.
M. Rodenbach. - Il a dit quinze jours à trois semaines.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. le ministre a dit trois à quatre semaines.
M. Malou. - Ainsi, encore un fait acquis aux débats, c'est que le budget normal de la guerre peut être arrêté dans l'espace de trois à quatre semaines.
Ëh bien, cette année, comme dans d'autres circonstances analogues, lorsque les élections se présentent au milieu du mois de juin, la session ne pourrait-elle pas durer jusque vers la fin du mois de mai ? Cela s'est vu pour des motifs moins impérieux peut-être que ceux qui existent aujourd'hui, et si la session peut se prolonger jusqu'à la fin du mois de mai, le gouvernement est en mesure, d'après ses propres déclarations, de faire résoudre, dans le cours de la session actuelle, les questions qui ont été ténues en suspens plus longtemps que ne le voulait la majorité de la chambre en 1851.
Au point où en est arrivée la discussion, ai-je besoin de discuter cette fin de non-récevoir tirée de ce que le ministre des finances devrait lire des montagnes de documents ?
Mais, messieurs, rendons-nous bien compte des faits. La commission, et cela est déjà démontré par la discussion même, avait à examiner, d'après le mandat qui lui avait été donné, une simple question, agitée depuis des années dans cette enceinte et au dehors, la question de savoir si l'organisation d'une armée forte est compatible avec le chiffre auquel le cabinet voulait réduire le budget de la guerre.
Sur cette question, le ministère est non-recevable à dire qu'il n'a pas d'opinion.
Le ministère doit avoir une opinion, il l'a même exprimée, il est en mesure de présenter une solution à la chambre ; s'il ne le fait pas, c'est qu'il subordonne les intérêts de l'armée à un autre intérêt, à l'intérêt qui a fait prévaloir les idées d'ajournement en 1851.
On dit qu'on ne connaît pas les résolutions de la commission militaire et on les exécute aujourd'hui ; dans de bonnes intentions sans doute ; mais en présence des chambres, en dehor sdu budget, on fait des dépensés extraordinaires et le gouvernement déclare qu'il ne connaît pas le premier mot des résolutions de la commission.
Voilà une contradiction assez manifeste, je désire qu'on l'explique.
Nous n'avons, dit-on, touché à aucune position ; on a regardé à l'organisation de l'armée, mais on n'y a pas touché. Je désire que ces regards cessent. Il valait mieux toucher immédiatement à certaines positions que de regarder sans cesse à l'organisation en la laissant subsister, mais avec la menace de réformer toutes ses parties ; le mal a été plus grand que si, par une réforme qui s'exécute immédiatement, vous aviez brisé quelques positions ; car si vous n'avez touché à aucune vous les avez ébranlées toutes.
On nous reproche de dire au gouvernement de modifier l'organisation actuelle, nous demandons, au contraire, de faire cesser les doutes qui sesont produits par la discussion de 1851 sur le maintien de l'organisation actuelle et sur toutes les questions qui s'y rattachent. Je conçois qu'on ait pu discuter l'opportunité du vote de 1851. Il était permis de douter s'il était bien, utile pour les intérêts du pays de faire naître l'incertitude sur des positions acquises, mais on ne peut douter que c'est une chose opportune, de faire cesser l'incertitude qu'on a fait naître.
L'armée n'est pas découragée ; elle est confiante ; nous sommes les premiers à reconnaître qu'elle a résisté à ces épreuves, que son moral est bon, que son dévouement est grand, c'est vrai ; mais ne prolongez pas ces épreuves. On a fait des approvisionnements, on a complété le matériel, toutes mesures qui peuvent fortifier l'armée ; mais il ne faut pas négliger ce qui est plus essentiel, c'est-à-dire, de faire cesser l'incertitude qui plane sur elle, car ce qui fait sa force c'est sa confiance en elle-même, sa sécurité.
Cela ne sera rétabli que par la loi. Cette loi, nous la voulons dans la session actuelle, nous la voulons pour l'armée, nous la voulons pour le pays. La chambre, pour dégager sa responsabilité, doit vouloir que cette loi soit présentée, il ne faut pas, quand la nécessité de prolonger l'incertitude n'existe plus, la laisser subsister 24 heures. Le provisoire ne doit plus se prolonger, et il cessera dès que le gouvernement le voudra.
Je termine comme j'ai commencé.
Vous nous dites que c'est un misérable thème d'opposition, vous nous dites que le vote de 1811 a été provoqué pour que désormais la minorité n'ait plus à apporter au cabinet son dangereux et équivoque appui. Vous avez un moyen de nous mettre à l'épreuve ; rétablissez une situation que vous n'auriez jamais dû ébranler et nous ne vous donnerons pas un appui équivoque et dangereux, mais un appui franc et sincère comme nous avons toujours apporté jusqu'en 1851.
Sur cette question comme sur toutes celles qui touchent aux intérêts de nationalité, il n'y aura de notre part aucun esprit de parti ; nous ferons après les événements de 1848, malgré vos commentaires, ce que nous faisions alors, nous ferons toujours consister le premier intérêt comme le premier devoir de notre opinion dans la fidélité et le dévouement aux sentiments de nationalité, et nous soutiendrons tous les actes des administrations, quelles qu'elles soient, qui auront pour but de protéger ce grand intérêt ; c'est pour le sauvegarder que nous demandons la présentation de la loi d'organisation de l'armée dans le court de cette session.
(page 858) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je constate avec reconnaissance les dispositions de l'honorable M. Malou et celles de ses honorables amis ; j'y vois un nouveau gage de sécurité pour l'armée et pour le pays. L'honorable M. Malou est aujourd'hui animé d'une passion très sincère, très ardente pour l'armée ; je l'en félicite ; c'est un sentiment qui a été quelque peu lent à naître, qui n'était pas encore éclos en 1843, même en 1845. Aujourd'hui il veut pour l'armée une organisation complète et forte, n'importe à quel prix, je le remercie, je le félicite de ce progrès. L'honorable M. Malou n'est pas le seul converti, nous avons des conversions mieux caractérisées, celle de son honorable ami M. Osy, par exemple. On nous reproche d'avoir voulu réduire le budget de la guerre à 25 millions. Cela est complètement faux. (Interruption.)
Nous avons fait examiner la question de savoir s'il serait possible de diminuer le budget de la guerre sans affaiblir son organisation. De votre côté il y a plus qu'un examen sur la possibilité de réduction, il y a des votes.
C'est de votre côté, et je constate votre conversion, c'est de votre côté qu'est venu le chiffre de 25 millions. (Interruption.) Je citerai des faits, puisqu'on veut absolument revenir sur le passé.
Voici ce que nous disait l'honorable M. Osy dans la séance du 30 mars 1843 : « J'ai eu l'honneur de me trouver en section avec l'honorable M. Brabant... » (que vous ne récuserez pas, que vous ne pouvez pas récuser, car il était certes animé de sentiments tout aussi patriotiques que vous pour l'armée),« et mes idées d'économies se sont entièrement fortifiées ; et, depuis le rapport de la section centrale et le discours (page 859) si clair et si bien étudié de notre rapporteur, je me suis persuadé que les économies proposées peuvent et doivent se faire sans diminuer l’armée, et nous ne faisons tort à personne, tout étant bien prévu. »
L'honorable M. Malou, qui parle aujourd'hui de l’organisation de 1845 comme de la charte inviolable de l’armée, voyons comment il appréciait cette charte en 1845 :
« La loi, disait-il, est essentiellement par elle-même un maximum. »
Nous vous déclarons, nous, qu’à nos yeux cette loi n’est pas essentiellement par elle-même un maximum ; cette loi est, à nos yeux, un minimum.
M. Malou. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oh ! ce que je rappelle vous est très personnel en effet. Vous êtes revenu sur le passé ; j'y reviens en deux mots ; l'armée jugera dans lequel de nous deux elle peut avoir le plus de confiance ; qui de nous deux doit lui inspirer le plus de défiance : de vous qui ne l'avez défendue que dans ces derniers temps, ou de moi qui, depuis vingt ans, n'ai cessé d'être sur la brèche pour la défendre dans toutes les circonstances.
Je reprends : « La loi, disait M. Malou, est essentiellement par elle-même un maximum ; les circonstances peuvent changer ; elles peuvent être telles que le gouvernement vienne lui-même vous dire : Je puis rester au-dessous des cadres.Peut-être même viendra-t-il vous dire : « Il m'est impossible de ne pas rester au-dessous des cadres. »
Voilà de de quelle manière on considérait la charte inviolable de l'armée.
On disait : C'est un maximun, le gouvernement pourra descendre au dessous des cadres ; il est même possible qu'il soit obligé de descendre au-dessous. A cette époque l'honorable M. Malou regardait sans doute à la situation financière du pajs, qu'il trouvait probablement insuffisante ; et eu égard à cette situation financière, il prévoyait le moment où le gouvernement se verrait dans l'impossibilité de maintenir les cadres de l'organisation. Voilà quelle était l'opinion de l'honorable M. Malou, en présence de la charte de 1845.
Eh bien, nous ne toucherons pas aux cadres ; nous ne les diminuerons pas ; votre maximum est, je le répèle, notre minimum.
Plusieurs de vos amis, en différentes circonstances, ont accepté le chiffre de 25 millions. D'autres ont considéré l'organisation de 1845 comme un maximum susceptible de réduction.
Tous réunis, vous paraissez d'accord aujourd'hui pour donner à l'armée une organisation plus forte, au moyen de dépenses plus considérables.
Eh bien, je constate ce résultat et je vous en félicite, je vous en remercie.
Je ne mets pas en doute votre bonne foi ; j'accepte, moi, vos déclarations ; vous ne faites pas le même honneur aux nôtres.
Nous avons beau reproduire sur tous les tons les sentiments qui nous animent,vous vous en défiez : vous vous écriez qu'il faut rassurer l'armée, faire cesser l'inquiétude dans laquelle vous prétendez qu'elle se trouve et tous vos efforts tendent ou, du moins, doivent aboutir à entretenir dans l'armée une espèce d'inquiétude, d'incertitude, en mettant en doute la bonne foi des déclarations du gouvernement.
Voilà le rôle que vous jouez. Je laisse maintenant au pays, à l'armée, à décider lequel de nous doit inspirer le plus de défiance.
Par les considérations qu'a présentées l'honorable M. Malou, ainsi que l'honorable M. Cools, il est plus manifeste que jamais que la proposition de l'honorable M. de Chimay porte en elle le caractère de défiance le plus marqué ; c'est pourquoi nous persistons à la repousser de la manière la plus absolue.
L'honorable prince de Chimay lui-même, qui disait n'avoir attaché aucun caractère de défiance à sa motion, doit reconnaître que, interprétée comme elle l'a été par l'honorable M. Malou, il nous est impossible de l'accepter et à lui-même impossible d'y persister sans se montrer inconséquent avec le discours qu'il a prononcé.
M. le président. - La parole est a M. Malou pour un fait personnel.
M. Malouù. - Le fait personnel est minime. On n'a pas répondu à la plupart des considérations que j'ai fait valoir. Quand j'ai dit, dans la discussion de la loi de 1845 que les cadres étaient un maximum, c'était en réponse à l'observation d'un membre, qui demandait si le gouvernement serait obligé, dans toutes les circonstances, d'avoir tous les cadres remplis, de telle manière qu'il n'y eût jamais de place vacante. Je faisais partie de la section centrale ; j'ai voté la loi d'organisation. J'ai déclaré alors et je pense encore que le gouvernement peut fort bien laisser quelquefois des places vacantes ; et c'est dans ce sens que j'ai dit que la loi était une loi de cadres et un maximum pour le gouvernement.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Osy. - Avant les événements de 1848, j'étais du nombre de ceux qui crojaient qu'aussi longtemps que la monarchie de Louis-Philippe existerait, une armée de 60,000 hommes nous suffirait, mais à la condition que les miliciens restessent trois ans sous les armes. Mais le ministère m'ayant combattu alors, j'ai toujouts insisté pour qu'on nommât une commission et pour qu'on vît enfin qui de nous avait raison. Cette commission a été nommée et je rends hommage à la manière dont elle a été composée ; ce sont tous hommes impartiaux et éclairés qui en font partie, et, pour ma part, j'attends avec la plus grande tranquillité le résultat des travaux auxquels ils se livrent. S'il m'est démontré que j'étais dans l’erreur, je serai le premier à le reconnaître et à adopter les conclusions de la commission.
Mais, messieurs, il est certain que le gouvernement, trouvant convenable, dans les circonstanc’es actuelles, de faire exécuter des travaux considérables, je suis en droit de lui demander qu’il s’explique le plus tôt possible sur le point de savoir si nous connaîtrons le travail de la commission dans le cours de cette cession.
L'honorable M. Lebcau nous a dit hier que la commission a fait connaître jour par jour à M. le ministre de la guerre la marche de ses travaux ; M. le ministre a donc pu se former une opinion sur la solution qui sera donnée aux diverses questions examinées par cette commission, et, dès lors, il n'est pas bien difficile que dans trois à quatre semaînes le budget normal de la guerre soit formulé et soumis à nos délibérations.
Tout le monde doit être d'accord, je pense, sur la nécessité d'en finir promptement avec cette question de l'armée. L'Europe est tranquille en ce moment ; miis si ce repos venait à être troublé, voyez, messieurs, quelle responsabilité pèserait sur le gouvernement pour n'avoir pas accueilli la motion de l'honorable prince de Chimay.
J'irai plus loin, messieurs, et je dirai que tout ce que fait le gouvernement, il le fait de mauvaise grâce, et je le prouverai.
Le gouvernement a adopté, à ce qu'il paraît, le système qui nous a été développé, il y a quelques années, par un de nos honorables collègue, M. le colonel Eenens. D’après ce que j’ai appris de différents militaires tr !s distingués, je pense effectivement que ce système de défense est le meilleur ; mais je prouverai au ministère que ce qu’il fait, il ne le fait pas sincèrement. (Interruption.)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est trop fort. Je demande» la parole.
M. Osy. - Permettez ! je dis que j'approuve les dispositions que vous prenez pour la défense du pays.
Mais vous faites faire des travaux autour d'Anvers ; on nous a dit que ces travaux avaient été approuvés par la commission. Vous voyez donc que le gouvernement connaît l'opinion de la commission.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sur ce point-là.
M. Osy. - Mais si vous connaissez l'opinon de la commision sur ce point, si vous la mettez à exécution, ne pouvez-vous faire un pas de plus et nous remettre d'ici à peu de temps les délibérations de la commission avec la demande de crédits supplémentaires qu'il faudra voter au budget de 1852, notamment pour les travaux de défense que vous faites ! Je dis, messieurs, que nous prendrions sur nous une grande responsabilité, si nous ne pressions pas le cabinet de déposer, dans la session actuelle, ce travail et la demande de fonds nécessaires.
Messieurs, remarquez que nous pouvons encore être réunis pendant deux mois et demi. En 1850, il y avait égaleimnt des élections ; nous sommes restés réunis, je crois, jusque dans les premiers jours de juin.
D'ici à la fin de mai, vous avez encore deux mois et demi. Il me semble que, pendant ces deux mois et demi, avec un peu de bonne volonté,, on peut nous soumettre le travail de la commission et nous faire voter les dépenses nécessaires, d'autant plus que, comme je l'ai dit, vous avez des fonds en caisse pour les payer. Or, ainsi que nous le faisions remarquer l'année dernière, les travaux militaires vont avant les travaux publics, d'autant plus que les prévisions dans lesquelles on a voté ces deniers n'existent plus.
Je déclare donc que j'appuie la proposition de l'honorable prince de Chimay ; je l'appuie, non par défiance contre le gouvernement, mais dans l'intérêt du pays et pour que, dans le courant de cette session, nous nous placions dans une position qui nous permette d'attendre avec tranquillité les événements. J'engage mes honorables collègues à voter la proposition de l'honorable prince de Chimay, et je suis persuadé que pas un d'eux ne la votera dans un esprit de défiance, comme l'a prétendu M.le ministre de l'intérieur.
M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
- Plusieurs membres. - La clôture !
- D'autres membres. - Laissez parler M. Devaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je veux bien céder la parole à l'honorable M. Devaux ; j'ai seulement à rectifier quelques faits.
M. le président. - La chambre veut-elle encore entendre M. Devaux ? (Oui ! oui !) La parole est à M. Devaux.
M. Devaux. - Je ne crois pas avoir besoin d'un consentement spéc'al ; je pense que, puisque je suis inscrit, je dois avoir la parole.
M. le président. - Il y avait une demande de clôture ; je devais la mettre aux voix, si l'on persistait.
M. Devaux. - Messieurs, mon intention n'est pas de prolonger ce débat que j'aurais voulu ne pas voir naître. Personne ne désire plus vivement que moi voir cesser la situation provisoire dans laquelle le vote de l'année dernière a placé nos institutions militaires.
Je ne prends la parole que pour expliquer comment, tout en appelant de tous mes vœux la fin de cette situation, je ne puis cependant voter pour la motion de l'honorable prince de Chimay.
Notre organisation militaire n'est pas, à mes yeux, une question de politique ordinaire ; c'est par-dessus tout une question nationale. Aussi sur cette matière, je n'hésiterai jamais à me prononcer contre le (page 860) ministère de mes amis, quand j'en reconnaîtrai la nécessité. L'année dernière cette nécessité, le ministère m’y avait placé lui-même en provoquant un vote ; je n’ai pas hésité.
Mais à raison même du caractère national de cette question, je n'adopterai pas un vote d'opposition politique tant qu'une autre voie me sera ouverte. L'opposition elle-même devrait en préférer une autre, dans une matière où nous debons nous rappeler sans cesse que, si à l’intérieur, nous avons des divergences d’opinion, au-dehors et devant l’étranger, nous sommes tous Belges, et il n’y a plus qu’une opinion entre nous.
Je pense qu'il serait difficile de discuter les conclusions de la commission dans la sesion actuelle. Les lenteurs inévitables de nos délibérations, le temps moral que le ministère peut réclamer pour la préparation du budget et d'une loi d'organisation et le peu de durée que notre session aura à cause des prochaines élections me paraissent y mettre obstacle.
J'accepte donc, messieurs, la proposition faite par M. le ministre de l'intérieur de résoudre la question dans une session extraordinaire, et je crois que nous pouvons tous l'accepter. Il s'agit, rappelez-le-vous, d'un budget qui ne doit régir l'armée qu'en 1853 ; par conséquent, quant à l'organisation elle-même, que nous votions le budget un mois plus tôt, un mois plus tard, il n'y aura pas de différence.
Quant à l'effet moral, je demanderai non par un vote, mais par simple voie de persuasion au ministère que, dès qu'il aura son opinion formée, il veuille bien la faire connaître, soit à la chambre, si elle est assemblée, soit par une autre voie, afin que les incertitudes cessent le plus tôt possible ; qu'il les fasse connaître par une déclaration franche, nette, et sur laquelle la divergence des interprétations ne soit pas possible.
On ne peut pas disconvenir, messieurs, que la question n'ait fait, dans la séance d'hier, non pas un pas décisif, mais un pas heureux vers une solution, et ce n'est pas au moment où une affaire aussi grave tend à se concilier que, quant à moi, je voudrais adopter une forme acerbe,au risque d'aigrir de nouveau le dissentiment.
Je ne dirai plus qu'un mot.
J'exhorte le ministère à ne pas perdre de vue que, depuis 1848, la position de la Belgique, comme celle de l'Europe entière, est puissamment modifiée. Ce n'est pas, en réalité, depuis quelques mois que ce changement a eu lieu, il date de 1848. Les événements plus récents ne prouvent qu'une seule chose : c'est la rapidité avec laquelle, depuis 1848, toute la face des affaires peut changer dans les pays les plus importants, et les positions se modifier dans l'Europe entière.
Messieurs, ce que nous devons faire aujourd'hui, nous aurions dû, à mon avis, le faire depuis plusieurs années, et nous devrons le faire pendant longtemps encore, de quelque manière que les événements se passent.
J'exhorte le ministère à bien se rappeler que la question de la sûreté extérieure du pays n'est plus une question en quelque sorte extraordinaire, je dirai presque secondaire, comme elle l'a été autrefois dans des temps plus calmes, mais qu'elle prime de bien haut, aujourd'hui, toutes les autres.
Je l'exhorte à ne pas un seul jour négliger de regarder la situation en face, avec toutes ses conséquences et tous ses besoins.
Je l'exhorte à être prudent et prévoyant, et à s'appuyer fermement sur le sentiment national du pays, qui, dans ce moment, est unanime, énergique, admirable comme toute la conduite du peuple belge depuis vingt ans. Qu'il s'appuie résolument sur ce sentiment ; qu'il compte en toutes choses sur ces trésors de patriotisme, de dévouement et de raison que notre heureuse patrie récèle dans son sein, et sa tâche lui sera rendue chaque jour plus facile par les assistances, les sympathies qui lui viendront en aide de toutes parts.
Messieurs, je ne demande pas, dans cette discussion, s'il y a eu des changements d'opinions, s'il y en eu à gauche, à droite ou au centre ; mais je remarque et je remarque avec bonheur que s'il y en a eu ils sont tous au profit de la cause nationale, il n'y a pas eu une seule conversion en sens contraire. Eh bien, messieurs, profitons de cet heureux état des esprits, : n'aigrissons pas, concilions, tendons-nous la main devant un intérêt qui nous unit tous et dans la discussion duquel doit disparaître toute autre divergence d'opinion. J'engage M. de Chimay à retirer sa proposition.
- Plusieurs membres. - La clôture !
- La discussion est close.
M. le président. - Il y a deux propositions : celle de M. Loos et celle du prince de Chimay.
M. Loos. - Je retire ma proposition.
M. de Mérode. - Je demande la parole sur la position de la question.
M. le président. - Il n'y a qu'une manière de poser la question, c'est de mettre aux voix la motion du prince de Chimay.
M. de Mérode. - Je ne volerai pas pour cette motion.
M. le président donne une nouvelle lecture de la proposition.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- La motion de M. le prince de Chimay est mise aux voix par appel nominal.
84 membres sont présents.
23 adoptent. 57 rejettent.
4 s'abstiennent.
En conséquence la motion n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Rodenbach, Thibaut, Van Renynghe, Vilain XIIII, Clep, Coomans, Dechamps, de Chimay, de Decker, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de .Mérode-Westerloo, De Pouhon, de Theux, de T’Serclaes, Dumortîer, Landeloos, Malou, Mercier, Moncheur, Orban et Osy.
Ont voté le rejet : MM. Rogier, Rousselle (Ch.), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, Destriveaux, Devaux, d'Hofftchmidt, d'Hont, Dumon.(A.), Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre, Pirmez et Verhaegen.
Se sont abstenus : MM. Vermeire, Cools, F. de Mérode et Faignart.
M. Vermeire. - Messieurs, je me suis abstenu parce qu'en présence de la déclaration si formelle de M. le ministre de la guerre qu'il saisira la chambre le plus tôt possible de la question de l'armée, la proposition de M. le prince de Chimay me semblait inutile. Je n'ai pas voté contre cette proposition parce que je rends hommage aux sentiments qui l'ont dictée.
M. Cools. - Je continue à partager l'opinion exprimée par l'honorable prince de Chimay, je continue à penser que sa motion avait un côté utile ; il m'était donc impossible de voter contre cette motion. Mais, d'autre part, j'ai répondu à l'appel chaleureux de l'honorable M. Devaux, j'ai consenti à faire le sacrifice qu'il a réclamé de notre patriotisme en m'abstenant de voter pour.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu pour les mêmes raisons que l'honorable préopinant.
M. Faignart. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que M. Cools.
M. le président. - Nous passons à la discussion des articles du projet de loi.
« Art. 1er. Les crédits ouverts au département de la guerre, pour l'exercice 1851, sont diminués, savoir :
« Art. 1. Traitement du ministre : fr. 8,750.
« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 7,000.
« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 11,000. »
« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 1,250.
« Art. 9. Traitement du service de santé et administration des hôpitaux : fr. 13,000.
« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 47,000.
« Art. 13. Traitemement de la cavalerie : fr. 3,000.
« Art. 16. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 1,000.
« Art. 18. Traitement du personnel des établissements : fr. 2,000.
« Art. 21. Pain : fr. 193,000.
« Art. 22. Fourrages en nature : fr. 47,000.
« Art. 27. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 9,000.
« Art. 32. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 6,000.
« Art. 33. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 6,000.
« Ensemble : fr. 335,000. »
- Adopté.
« Art. 2. La somme de trois cent cinquante-cinq mille francs, retranchée des arlicles mentionnés ci-dessus, est transférée, savoir :
« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 276,000.
« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 14,000.
« Art. 23. Casernement des hommes : fr. 11,000.
« Art. 26. Transports généraux : fr. 48,000.
« Art. 29. Traitements divers et honoraires : fr. 6,000.
« Ensemble : fr. 355,000. »
- Adopté.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal pour le vote sur l'ensemble.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 83 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu à l'appel nominal : MM. Rodenbach, Rogier, Rousselle (Charles), Tesch, Thibaut, Thiéfry,. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Debroux. Dechamps, de Chimay, de Decker, de La Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, (page 861) de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dumont (Auguste), Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxbon, Orban, Orts, Osy, Pierre, Pirmez et Verhaegen.
- La séance est levée à 4 heures et un quart.