Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 1 août 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1781) M. Ansiau procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Plusieurs commerçants à Marche demandent la réforme postale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Schoore demandent l'exécution des travaux proposés par M. l'ingénieur en chef de Sermoise, pour compléter les moyens d'écoulement des eaux d'inondation de la Lys. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.


« La chambre de commerce et des fabriques de Tournay demande la construction d'un canal à grande section de Zwynaerde à Melle, et prie la chambre de réduire le plus possible les péages sur le canal de Pommerœul à Antoing. »

- Même renvoi.


« Quelques habitants de Louvain demandent que la garde civique soit divisée en deux bans. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Brusseghem prient la chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'abolition de quelques taxes communales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le conseil communal de Gembloux demande que la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg soit tenue d'exécuter la ligne de Louvain à Wavre et l'embranchement de Gembloux dans la direction de Charleroy. »

M. Lelièvre. - J'appuie cette pétition, et j'en demande le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics, avec prière de faire un rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs propriétaires, industriels, négociants, bourgmestres et membres de conseils communaux dans la Flandre orientale déclarent adhérer aux résolutions prises par le conseil provincial du Brabant dans l'intérêt de la vallée de la Dendre. »

- Même renvoi.


« La comtesse de Hompesch communique à la chambre sa protestation contre la vente judiciaire de sa terre de Wisbecq, et demande que le gouvernement fasse une proposition sur sa pétition du 17 janvier dernier. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Vanhoorenbeke de Vlieghere prie la chambre d'autoriser le gouvernement à recevoir les récépissés et les obligations de l'emprunt forcé en payement de titres de rentes viagères délivrées par la caisse générale de retraite. »

- Même renvoi.


Par dépêche du 1er août, M. le ministre de l'intérieur transmet à la chambre les explications demandées sur la requête par lequelle des habitants de Visé réclament contre la transformation de l'école industrielle et commerciale de cette ville en école moyenne de l'Etat.

- Dépôt au bureau des renseignements.


M. le président. - La commission chargée d'examiner le projet de loi ratifiant la limite séparative entre les communes d'Ixelles et de Saint-Gilles, est composée de MM. Ch. de Brouckere, de Man, Thiéfry, de T'Serclaes et Prévinaire.

Projet de loi augmentant l’accise sur les distilleries

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue. La parole est à M. Mercier.

M. Mercier. - Je désirerais que M. le ministre des finances voulût bien nous faire connaître son opinion sur les amendements qui ont été présentés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela ne concerne pas la discussion générale. Je m'expliquerai lors de l'examen des articles.

M. Mercier. - Lorsque j'ai demandé la parole, il y avait neuf orateurs inscrits avant moi. Je supposais que les amendements auraient été combattus. Ils ne l'ont pas été jusqu'à présent. Par conséquent, pour le moment je renonce à la parole.

M. Osy. - Messieurs, je ne veux qu'en peu de mots motiver mon opinion sur la loi en discussion. Moi qui ne veux pas tous les travaux publics proposés par le gouvernement, comme je l'ai déjà dit à la section centrale et comme je le développerai en séance publique, je suis beaucoup plus à l'aise que ceux qui veulent bus les travaux publics et qui ne veulent pas accorder au gouvernement les voies et moyens pour les exécuter.

Je crois effectivement que, quant à l'impôt sur les distilleries, il y a quelque chose à faire. Sous ce rapport, j'appuierai la proposition de l'honorable M. Van Grootven, qui tend à augmenter d'un quart l'impôt actuel ; mais je ne pourrai pas me rallier à la proposition du gouvernement qui demande une augmentation de 50 p. c. sur le droit voté en 1842.

Messieurs, je crois que l'augmentation du droit sur le genièvre ne diminuera pas ou diminuera très peu la consommation.

Celui qui est adonné à la boisson continuera à s'y adonner, malgré l'augmentation que le genièvre subira.

Il y a d'autres moyens de moraliser le peuple, c'est de lui donner une instruction religieuse et morale. Que dans tous les établissements d'instruction, ceux du gouvernement comme les autres, il y ait une bonne instruction ; que, sous ce rapport, le gouvernement s'entende avec le clergé : voilà le véritable moyen de moraliser le peuple. Mais ce ne sera pas parce que le genièvre coûtera quelques centimes de plus qu'on en boira moins.

Messieurs, les distilleries n'existent pas seulement pour la fabrication du genièvre : elles existent principalement pour fertiliser nos terres, pour engraisser notre bétail.

En Hollande, il y a beaucoup plus de prairies qu'en Belgique. On peut, pendant l'été, suspendre la fabrication des eaux-de-vie, parce que le bétail peut se nourrir sur les prairies. Chez nous, au contraire, le bétail doit être engraissé dans les étables ; il y a trop peu de prairies pour que nous puissions nous passer du résidu pour engraisser le bétail.

Si donc nous établissions une augmentation de droit trop considérable, et si nous diminuions trop la restitution à la sortie, nous pourrions faire beaucoup de mal à l'agriculture que nous voulons tous protéger.

Je crois, messieurs, que l'augmentation de 25 centimes donnera à peu de choses près le chiffre que demande le gouvernement. Je crains que si nous fixions le droit à 1 fr. 50 c, et en tenant compte des droits d'octroi qui existent dans nos grandes villes, le prix du genièvre reviendrait à un taux trop élevé pour que nous n’eussions pas à redouter la fraude de l'étranger et peut-être même les importations légales des eaux-de-vie étrangères.

Je n'aime pas beaucoup à citer des précédents, surtout quand on ne persiste pas dans la même opinion ; cependant je suis obligé de citer l'opinion d'un homme qui remplit un poste extrêmement élevé. En 1842, l'honorable M. Verhaegen ne voulait pas même de l'impôt de 1 franc ; il ne vol'ait même pas le chiffre de 80 centimes proposé par la section centrale, et il a voté le maintien des 60 centimes. Eh bien les arguments présentés alors par notre honorable président actuel, ont conservé toute leur valeur ; il s'agissait notamment de la crainte de la fraude, de la crainte de l'importation, même légale, des spiritueux étrangers. L'honoiable M. Verhaegen disait aussi qu'on ne moraliserait pas le peuple par une augmentation du prix du genièvre. Je ne citerai pas, messieurs, les paroles de notre honorable président, nous les avons tous sous les yeux. Eh bien, messieurs, les raisons qu'il donnait me font encore croire aujourd'hui que nous ne devons pas aller au-delà de ce que propose l'honorable M. Van Grootven.

On a fait remarquer, messieurs, qu'en 1842, l'honorable M. Smits avait à combattre quatre anciens ministres des finances, qui tous avaient été longtemps, non seulement dans l'administration, mais encore au timon des affaires, et qui devaient en savoir plus qu'un ministre qui venait d'arriver.

Ces hommes d'expérience appuyaient l'honorable président actuel de la chambre pour combattre la proposition de l'honorable M. Smits. Je partage l'opinion qu'ils ont exprimée, et je dis que la crainte de la fraude et même de l'importation légale doit nous empêcher de voter une augmentation aussi forte que celle qui est proposée par le gouvernement.

Si le gouvernement voulait se rallier à un chiffre intermédiaire, il obtiendrait l'adhésion de beaucoup de monde, et sa loi serait moins mal vue dans le pays.

Eh bien, je suis persuadé que s'il adhérait au chiffre de 25 centimes, il n'y aurait pas grande différence entre le produit de cette augmentation et ses prévisions.

Mais, messieurs, une condition sine qua non de mon vote en faveur d'une augmentation quelconque, c'est de changer ce qui concerne le travail du dimanche. Il faut que ceux qui ne veulent pas travailler le dimanche ne soient pas tenus de payer l'impôt. J'espère que le gouvernement se rendra, sous ce rapport, à toutes les observations qui lui ont été faites.

Ensuite, messieurs, les amendts introduites dans la loi sont beaucoup trop fortes.

L'honorable M. Lelièvre a proposé hier un amendement qui change le minimum, mais qui augmente considérablement le maximum ; il a proposé de 100 fr. à 2,000 fr. Je ne puis nullement me rallier à cette proposition ; je désire que le minimum et le maximum soient beaucoup plus rapprochés et je crois même qu'il y a là une erreur de plume de la part de l'honorable M. Lelièvre. Dans tous les cas, il devra modifier sa proposition.

J'ai également quelques mots à dire sur le drawback. L'année (page 1782) dernière, nous avons diminué de 6 fr. (de 28 à 22) la restitution à la sortie, et d’après tous les calculs qui ont été faits, je crois qu’on sera obligé de la fixer à 33 fr. Je ne puis donc pas me ralliera la proportion de M. Cools.

Je demande d'autant plus le chiffre de 33 fr. que puisque nous devons craindre l’importation, soit légale, soit frauduleuse, des eaux-de-vie étrangères, nous devons chercher par tous les moyens possibles à développer nos exportations.

Messieurs, le chiffre de 33 fr. ne diffère que de 2 fr. 50 de celui qui est proposé par M. le ministre ; eh bien, si nous exportions même 10,000 hectolitres, ce ne serait jamais qu'une différence de 23,000 fr. Or les distilleries n'existant pas seulement en vue de la fabrication du genièvre, mais leur but principal étant l'intérêt de l'agriculture, nous devons trouver le moyen d'exporter le plus possible, afin d'avoir d'autant plus de résidu pour engraister le bétail et fertiliser nos terres.

Je dis donc, messieurs, que je me rallie à la proposition de M. Van Grootven, et j'espère que le gouvernement fera des changements en ce qui concerne le dimanche, qu'on abaissera le taux des amendes, qui, d'après moi, est beaucoup trop considérable.

J'ajouterai un mot encore relativement à ce dernier point. Il est impossible, messieurs, que le distillateur soit toujours dans sa distillerie ; il sera donc obligé de faire faire les annotations exigées par la loi, par des ouvriers, car les contremaîtres eux-mêmes ne peuvent pas se trouver partout. Eh bien, il pourra arriver que des ouvriers excellents soient incapables de tenir convenablement de pareilles annotations ; il en résultera que, soit par erreur, soit par négligence, soit même par malversation, dans le but de nuire à leur maître, ils exposent le distillateur à payer des amendes excessivement fortes.

J'espère donc que le gouvernement ne maintiendra pas les propositions qu'il a faites sous ce rapport, et qu'il diminuera même encore le chiffre proposé par la section centrale.

M. Jacques. - Messieurs, lorsque nous avons discuté dernièrement la loi sur les brasseries, j'ai présenté quelques observations tant sur les travaux publics que sur les impôts qu'on propose d'y affecter. Je croirais abuser des moments de la chambre si je venais répéter ces observations dans tous leurs détails. Toutefois je pense pouvoir me permettre d'en reproduire au moins les conclusions, en quelques mots.

Je n'admets pas, comme je le disais, les négociations parlementaires qui ont donné naissance aux projets de lois de travaux publics et d'impôts. Je n'approuve pas non plus les avantages pécuniaires ou autres que le cabinet propose d'accorder à des sociétés qui n'ont pas rempli les engagements qu'elles avaient contractés. Mais je suis néanmoins favorable aux travaux publics ; je préfère la construction par l'Etat pour les lignes importantes de canaux et de chemins de fer, et je suis disposé à voter l'emprunt nécessaire, même jusqu'à concurrence de 140 millions, afin qu'on puisse donner satisfaction aux demandes légitimes des diverses parties du pays.

J'ai voté contre le projet de loi sur les brasseries ; je me suis prononcé également contre le projet de loi sur le droit de débit du tabac ; et je me prononcerai de même contre le projet de loi sur les distilleries, qui est en discussion, à moins qu'on ne se décide à limiter le chiffre de l'accise à 1 fr. 20 cent, par hectolitre, au lieu de 1 fr. 50 cent, comme le propose le gouvernement.

Voilà quelles étaient les conclusions que je soumettais dernièrement à la chambre, et que je maintiens maintenant, sans y rien changer.

Si je repousse la plupart des impôts que le gouvernement nous propose, on ne peut cependant pas me reprocher d'admettre les travaux publics et de refuser les moyens de les payer.

Si je repousse ces impôts, c'est parce qu'ils me paraissent contraires aux principes que professe la majorité libérale ; - c'est parce que (si je puis me servir d'une expression qui a déjà été employée) ces impôts sentent mauvais ; - c'est parce que je trouve préférable d'y substituer des ressources qui me paraissent plus convenables. J'ai eu soin, du reste, d'indiquer ces ressources jusqu'à concurrence d'un produit annuel de sept millions, somme nécessaire pour couvrir la rente du capital que je consens à affecter aux travaux publics.

On ne peut pas me reprocher non plus de n'offrir en remplacement des impôts auxquels je refuse mon assentiment que des impôts qui seraient repoussés par la majorité de la chambre. Car, parmi les ressources que j'ai indiquées, pour couvrir la rente de sept millions, il n'y a de nouvel impôt que 20 centimes à ajouter à l'accise sur les distilleries ; et cette augmentation, je suis tout disposé à la voter maintenant avec la presque unanimité de la chambre. Toutes les autres ressources que j'ai indiquées se trouveront à la disposition du gouvernement dès qu'il voudra se décider à en faire usage.

Je crois utile maintenant d'appeler de nouveau l'attention de la chambre sur deux des ressources que j'avais indiquées. J'espère parvenir à vous faire comprendre que nous pouvons en toute sécurité, à l'aide de ces deux ressources, nous dispenser d'élever le droit d'accise sur les distilleries à plus d'un franc vingt centimes. Les deux ressources dont je veux parler, ce sont les droits sur les vins et les économies sur le budget de la guerre.

A partir du 10 août 1852, jour de l'expiration de notre traité de commerce avec la France, il nous sera libre de rétablir les droits sur les vins étrangers au taux intégral de fr. 35 37 par hectolitre, taux qui est fixé par les lois en vigueur, savoir 2 fr. 32 c. de droit d'entrée, y compris les 10 centimes additionnels, et 33 fr, 05 c. de droit d'accise, y compris les 20 centimes additionnels et les dix pour cent de timbre collectif.

Nous ne percevons maintenant, sur les vins, d'après le traité qui est en vigueur avec la France, que le quart du droit d'entrée, et les trois quarts du droit d'accise : il y a ainsi une réduction de 1 fr. 74 c. sur les droits d'entrée, et une autre réduction de 8 fr. 26. c. sur les droits d'accise.

Ces deux réductions font ensemble dix francs par hectolitre.

Or, comme la Belgique consomme à peu près 90,000 hectolitres de vins de France, chaque année, la réduction de dix francs par hectolitre fait perdre annuellement au trésor public une somme de neuf cent mille francs.

L'expérience a d'ailleurs constaté que la réduction des droits n'a pas eu d'influence sérieuse sur l'importation des vins de France en Belgique.

La Belgique consomme à peu près, depuis cette réduction, la même quantité de vins de France qu'elle consommait auparavant. Il y a une augmentation faible, mais elle ne répond qu'à l'accroissement normal de la fortune publique. Il y a eu, ainsi qu'on me le fait remarquer, quelques années pendant lesquelles l'augmentation a été très forte ; mais il y a eu d'autres années où l'importation des vins de France en Belgique a été très faible.

De manière qu'en général, la moyenne n'est pas plus élevée qu'elle ne doit l'être, eu égard au simple accroissement normal de la fortune publique.

Je pense donc que la France n'a pas d'intérêt réel à faire maintenir la réduction des droits de douane et d'accise sur les vins de France qui se consomment en Belgique. Je conclus de là qu'elle n'insistera pas sérieusement pour le maintien d'une stipulation qui est sans valeur pour elle.

Du reste, s'il n'en était pas ainsi, la Belgique doit être maîtresse chez elle : elle doit régler ses droits de consommation comme elle l'entend. Ce n'est pas pour des avantages plus ou moins chimériques, comme le sont ceux d'un traité de commerce avec la France, que je consentirais à voir réduire d'une manière très forte les droits sur les vins.

J'espère que la majorité libérale ne voudra pas se prêter au maintien de cette réduction de droits sur les vins. Lorsqu'on grève d'impôts des objets de consommation, tels que le tabac, le genièvre, la bière, on ne doit pas se laisser aller à réduire les droits sur les vins. Lorsqu'on fait payer 20 centimes d'accise par litre sur le genièvre de l'ouvrier, c'est bien le moins que l'on perçoive intégralement les 35 centimes de droits d'entrée et d'accise que nos lois imposent par litre sur les vins du rentier ; et il serait absurde de continuer à accorder, sur les 35 centimes, une réduction de dix centimes.

Si la majorité libérale se laissait aller à maintenir une pareille réduction de droits sur les vins, ce serait renier ses principes d'une manière que je dirai scandaleuse.

Il ne suffit pas d'afficher de beaux sentiments, ou de faire de beaux discours dans l'intérêt de la classe ouvrière ; il faut aussi savoir mettre les actes d'accord avec les paroles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est très vrai. C'est ce que nous faisons aussi.

M. Jacques. - J'espère donc qu'à partir du 10 août 1852 nous rétablirons la perception intégrale des droits d'entrée et d'accise sur les vins étrangers, et que nous procurerons ainsi au trésor une augmentation de recette de 900,000 fr., augmentation qui me paraît mieux justifiée que toutes les augmentations d'impôt que le gouvernement nous propose.

J'arrive maintenant à ce qui concerne les économies possibles sur le budget de la guerre. (Interruption.)

Si la chambre le désire, je n'en parlerai pas maintenant.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il s'agit de genièvre.

M. Jacques. - Je laisse donc de côté les observations que je comptais présenter sur les économies à introduire dans le budget de la guerre, et je me borne à dire que, d'après le projet de loi que j'ai soumis dernièrement aux délibérations de la chambre sur l'organisation militaire, je suis autorisé à compter de ce chef sur une économie de 500,000 fr.

En réunissant l'économie de 500,000 fr.sur le budget de la guerre aux 900,000 francs qu'on récupérera sur les vins, j'arrive à un total de 1,400,000 fr. ; il ne manque donc que 100,000 fr. pour atteindre le chiffre de 1,500,000 fr. que M. le ministre compte obtenir des distilleries.

Je pense que cette différence de 100 mille francs sera couverte par la disposition du projet de loi qui prescrit la perception du droit à chaque renouvellement de matière, au lieu d'une perception par 24 heures, comme cela existe maintenant. Au surplus, comme je le disais en commençant, je ne m'oppose pas à ce qu'on ajoute 20 c. au droit d'un franc qui frappe maintenant les genièvres. Je déposerai donc un amendement dans ce sens. Cette augmentation de 20 p.c. sur une accise qui rapporte maintenant 3,750,000 fr. procurera une nouvelle recette de 750,000 francs au trésor public, et cette augmentation, réunie à celle que j'ai indiquée sur les vins, procurera au trésor plus que la somme dont M. le ministre des finances croit avoir besoin.

Un des motifs qui ne me permettent pas de consentir à l'élévation du droit au-delà de 1 fr. 20 c, c'est que je veux arriver sans délai, dès le 1er janvier prochain, la suppression complète des octrois communaux. Je pense avec la commission qui a examiné la question il y a quelques années, qu'une réduction partielle des octrois ne serait qu'un remède (page 1783) incomplet, un palliatif de peu d’utilité. Je veux donc la suppression complète des octrois communaux.

Je reconnais cependant qu’on ne peut pas supprimer entièrement les octrois sans offrir aux communes des compensations pour couvrir leurs dépenses. Je reconnais aussi qu'on ne peut pas leur abandonner, comme le proposait la commission des octrois, la contribution personnelle et celle des patentes.

Ce n'est pas quand on recherche les moyens d'augmenter les ressources du trésor, qu'on peut abandonner aux communes des contributions aussi productives que la personnelle et les patentes.

Je pense donc que, pour arriver à la suppression des octrois, nous serons obligés de recourir à des augmentations de droits d'accise, à des augmentations des droits d'entrée et à des centimes additionnels sur les contributions directes.

Comme nous pourrons nous occuper de cet objet, quand nous discuterons la proposition de M. Coomans, je n'en dirai pas davantage en ce moment.

Cependant je crois ulile de faire connaître, dès maintenant, le système qui me paraît le plus convenable, le plus pratique pour arriver à la suppression des octrois.

Je déposerai donc comme sous-amendements aux amendements de M. Mercier, qui concernent les droits d'octroi, les cinq articles qui constituent mon système, et je demanderai à la fois le renvoi de l'amendement et du sous-amendement à la section centrale chargée d'examiner la proposition de M. Coomans.

Je déposerai également sur le bureau les sous-amendements que je propose de renvoyer à la section centrale qui s'occupe de la proposition de l'honorable M. Coomans. Si on le désire, j'en donnerai lecture ; mais ils sont fort longs.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. le président. - Ces amendements se rattachent-ils à la loi actuelle ?

M. Jacques. - Je crois pouvoir les déposer comme sous-amendements aux amendements de l'honorable M. Mercier. Je dois cependant reconnaître que mes propositions constituent un système complet pour la suppression des octrois et ne se rattachent que d'une manière indirecte à la loi des distilleries ; de manière que je consens à ce qu'on les laisse là.

M. le président. - M. Jacques consent à ce qu'on laisse là ses amendements (interruption), de manière qu'il n'y a en discussion que celui qui propose de porter l'augmentation du droit à 20 centimes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je pense qu'il est temps de résumer la discussion à laquelle la chambre se livre depuis plusieurs jours.

Si j'en croyais quelques-uns des orateurs qui ont été entendus, il serait très simple, il serait très facile d'exécuter le programme du cabinet et de décréter les travaux publics. Nous n'aurions presque pas besoin de ressources nouvelles pour y faire face.

Cependant, lorsque j'ai eu l'honneur de faire connaître les intentions du gouvernement, j'ai indiqué quelle était l'importance des travaux qu'il s'agissait de décréter, quelle était l'importance des engagements que le gouvernement se proposait de contracter. J'ai indiqué enmême temps quelles étaient les ressources à l'aide desquelles nous entendions pourvoir à nos obligations.

Nos chiffres ont-ils été contestés ? En aucune manière.

A-t-on prétendu qu'en estimant à deux millions environ les recources nouvelles qui étaient indispensables pour les travaux publics, nous réclamions des sommes exagérées ? Personne ne l'a dit.

Je crois que la modération de nos calculs est, au contraire, approuvée par tout le monde. Je ferai appel à l’un de nos adversaires dans cette discussion, à l'honorable M. Osy ; il ne sera assurément pas suspect aux adversaires du projet du gouvernement.

L'honorable M. Osy reconnaît avec moi qu'en demandant environ 2 p. c. des minimums garantis aux compagnies, nous restons dans des termes sages et modérés, nous sommes prudents.

L'honorable M. Osy reconnaît également qu'en réclamant de quoi faire face aux intérêts du capital qu'il s'agit d'emprunter, nous sommes encore prudents, nous sommes modérés.

De ces deux chefs, suivant le projet du gouvernement, il faudrait environ deux millions de francs.

Or les sections ont examiné maintenant le projet du gouvernement. La section centrale a examiné les propositions des sections.

Les travaux qu'il s'agit d'exécuter sont encore plus importants que ceux qui vous avaient été proposés par le gouvernement.

On propose d'ajouter aux travaux à exécuter par des compagnies avec garantie de minimum d'intérêt, environ 16 millons. De ces 16 millons, 7,500,000 francs seulement exigeraient immédiatement des voies et moyens. Il n'y aurait pas d'obligations formelles et actuelles au-delà de cette somme.

Eh bien, en prenant cette somme de 7,500,000 fr. qui est le minimum, il me faudrait encore, rigoureusement parlant, plus de ressources que je n'ai proposé d'en créer.

Qu'est-ce que cela prouve ? Qu'il m'est impossible de me départir des propositions que j'ai soumises à la chambre.

La chambre a voté le droit de débit sur le tabac. Nous espérons de ce chef 300,000 fr.

La chambre a régularisé l'accise sur les bières ; elle n’a pas augmenté cette accise, comme quelques-uns l’ont encore répété ; mais elle a uniquement décidé une meilleure, une plus équitable répartition de l'impôt en dégrevant certains brasseurs qui payaient trop et en faisant payer à d'autres ce qu'ils devaient légitimement. De ce chef nous espérons encore 300,000 fr.

Nous disons que le droit d'accise sur les distilleries, en le supposant augmenté de 50 p. c, peut procurer au trésor une s onmede 1,500,000 francs.

C'est ici, messieurs, que la contestation commence.

Je mets à l'écart certaines exceptions, certaines individualités dans cette chambre, ayant des systèmes qui ont le malheur, quant à présent, de ne pas réunir la majorité. Je mets à l'écart ceux qui trouvent à propos de voter les travaux et de rejeter, sous des prétextes plus ou moins plausibles, toute espèce d'impôts.

Cela fait, je dois dire que l'immense majorité, dans cette chambre, à peu près tous ceux qui veulent des travaux publics, veulent également les ressources.

Je rencontre pour adversaires de l'augmentation de l'impôt au taux de 50 p. c, par exemple, les honorables députés de Gand. Eh bien, ils ne prétendent pas que le trésor ne doit pas obtenir 1,500,000 fr. de l'accise sur les genièvres. Ils sont d'accord avec moi que cette somme de 1,500,000 fr. est nécessaire et doit être trouvée. La différence qu'il y a entre les honorables membres et moi consiste en ceci : c'est qu'ils soutiennent qu'avec une augmentation d'accise de 25 centimes au lieu de 50 c. et la limitation du renouvellement à 24 heures, j'obtiendrai une somme équivalente à 1,500,000 fr.

Cela posé, je me dis que si, à des hommes de bonne foi, comme sont les honorables opposants, je parviens à démontrer qu'il m'est impossible d'obtenir, avec une augmentation de 25 p. c. seulement, les 1,500,000fr. qu'ils reconnaissent nécessaires, ils seront amenés à voter le chiffre demandé par le gouvernement.

Est-il difficile de démontrer que l'augmentation de 50 p. c. seulement peut nous donner les 1,500,000 fr. ? Là est la question.

Que produit actuellement l'accise sur le genièvre ?

J'écarte les années calamiteuses de 1846 etde 1847 pour lesquelles les revenus sont relativement trop peu élevés.

L'accise sur le genièvre a produit en 1848 3,347,000 fr., en 1849 3,603,000 fr. et en 1850 3,839,000 fr. Ainsi la moyenne est de 3,600,000 fr.

Si l'on augmente l'accise sur le genièvre de 50 p. c, si l'on suppose qu'il n'y aura aucune espèce de réduction dans la consommation, qu'il n'y aura aucune espèce de réduction dans l'impôt par suite des perfectionnements qu'on parviendra à introduire dans la fabrication, nous devrions obtenir 1,800,000 fr.

Eh bien, messieurs, je pose cette question : Est-il raisonnable d'admettre qu'une augmentation (et je ne veux pas exagérer ici le côté moral de la loi), qu'une augmentation de 50 p. c. dans l'accise sur le genièvre n'exerce pas une certaine influence sur la consommation ? Vous voyez que je suis très modéré. Il est impossible de dire que cela n'exercera aucune influence. Cela ne s'est pas vu, cela ne saurait pas se voir : toujours, avec une certaine augmentation d'impôt, il y a eu une certaine diminution de la consommation. Je ne puis donc pas espérer 1,800,000 fr.

Mais il y a plus, messieurs, il est certain que, sous l'aiguillon de l'impôt, les industriels seront excités à trouver le moyen d'obtenir de plus grands produits des matières mises en macération et ils y réussiront, cela est incontestable ; ils y réussiront, et, partant, ils alimenteront la consommation avec les quantités plus considérables qu'ils obtiendront, mais qui échapperont à l'impôt

C'est encore ce qui s'est vu constamment lorsqu'il y a eu des augmentations un peu notables du droit d'accise en cette matière. De là une deuxième cause de diminution qui ne permet pas d'estimer le produit probable à plus de 1,500,000 francs.

Mais on nous objecte que nous obtiendrons par la limitation du travail à 24 heures un produit plus considérable. D'abord, messieurs, je demande à mes honorables adversaires qui m'allouent fort libéralement 400,000 fr. de ce chef, je leur demande, au lieu d'une affirmation, une preuve, un indice quelconque qui vienne étayer leur affirmation. Il ne suffit pas d'allouer ainsi au trésor 400,000 fr., il ne suffit pas de l'affirmer ; il faut le prouver ; or sur quoi cela se base-t-il ? Sur ce que l'on opère, dans l'état actuel des choses, plus de renouvellements que ne le suppose la loi, sur ce que l'on renouvelle plus souvent qu'une fois par 24 heures.

Messieurs, je ne veux pas m'emparer dans cette discussion, contre mes adversaires, de ce qui a été affirmé dans la discussion de la loi de 1850 sur la décharge à l'exportation : je soutenais que la moyenne de la durée du travail était de 24 heures 5 minutes ; on me répondait que la durée du travail était bien plus considérable, qu'on ne travaillait qu'en 30 heures, qu'en 36 heures. Je ne veux pas me prévaloir de cela. Pour moi, le travail est aujourd'hui ce qu'il était alors, ce qu'il était hier ; je répèle aujourd'hui ce que je disais en 1850 ; je dis que la durée moyenne du travail, dans l'état actuel des choses, est de 24 heures 5 minutes et que depuis 1843 elle flotte entre 23 et 24 heures.

Voilà ce qui résulte des faits constatés par l'administration dans les diverses usines du pays.

(page 1784) - Un membre. - C'est vrai.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, que résulte-t-il de là ? Si les faits que je viens d'articuler sont exacts, quel est le mathématicien qui va me calculer qu'il y aura une augmentation de 400,000 francs ? Je veux bien admettre qu'il y aurait une certaine augmentation : je parle de la durée moyenne, et il faut bien qu'il y ait un certain nombre de distillateurs qui travaillent plus vite ; il y aurait donc une certaine augmentation si l'on pouvait admettre qu'ils continueront à travailler de la même manière qu'aujourd'hui.

Mais vous allez comprendre immédiatement, messieurs, que cela est impossible.

Quelle est aujourd'hui la législation ? La législation fait payer l'accise par jour de travail et par vingt-quatre heures. Elle ne s'occupe pas du nombre plus ou moins grand de renouvellements pendant cette journée. Donc la législation excite tous les distillateurs à travailler le plus rapidement possible, et bien que cette excitation existe de par la loi, vous voyez cependant que les faits nous donnent la moyenne que je viens d'indiquer.

Quelle sera la législation nouvelle ? La législation nouvelle limitera le travail par renouvellement de vingt-quatre heures et si l'on travaille plus rapidement, on payera un supplément d'impôt. Donc la législation nouvelle aura pour effet de porter tous les distillateurs à ne travailler qu'en vingt-quatre heures. Cela est de la plus entière évidence, leur intérêt d'ailleurs l'exigera ainsi.

Donc, il est certain que je ne puis pas espérer une augmentation d'un centime du chef de la limitation du travail. Ainsi, il faut retrancher les 400,000 francs. Vous me les avez alloués fort libéralement ; mais je ne puis les accepter. Je ne recevrai rien de ce chef.

Il résulte, je pense, de ce que je viens de dire que, pour obtenir le produit de 1,500,000 francs jugé nécessaire par tout le monde, comme par les honorables députés de Gand, qui me combattent plus particulièrement que les autres membres de la chambre, il est indispensable d'augmenter l'accise de 50 p. c.

Viennent maintenant les objections contre une pareille augmentation. Vous allez, me dit-on, exciter à la fraude, je parle de la fraude par les distillateurs du pays, pour échapper à un impôt aussi élevé.

Deux manières de frauder sont possibles : l'une par la distillation clandestine, l'autre à l'aide de cuves cachées.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer a particulièrement insisté là-dessus. Mais un homme qui a l'expérience de la distillation, M. Dautrebande, lui a répondu, avec beaucoup de raison, qu'il est impossible d'admettre la distillation clandestine. C'est trop facile à découvrir ; cela exposerait celui qui s'y livrerait à des peines tellement fortes que, pour le bénéfice éventuel à retirer de la distillation clandestine, personne ne s'y exposerait.

A l'aide de cuves cachées, c'est évidemment plus possible ; mais encore pour frauder avec des cuves cachées, il faut que le distillateur mette dans sa confidence les ouvriers qu'il emploie.

- Une voix. - Un seul suffit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Soit ; il faut donc qu'il y ait quelqu'un dans la confidence de ses fraudes ; il faut donc qu'il soit à la discrétion de quelqu'un. Or, le distillateur chez lequel des cuves cachées seraient trouvées s'exposerait à des amendes qui le ruineraient inévitablement.

On est convaincu dans l'administration que les cuves cachées n'existent pas. Je n'admets donc point que de ces deux chefs et à raison de l'augmentation de l'accise (augmentation malgré laquelle le droit sera encore inférieur à ce qu'il est en Hollande et ailleurs), nous ayons à redouter la fraude de la part des distillateurs mêmes.

Mais la fraude venant de l'étranger et nuisant ainsi à nos distillateurs, est-elle à redouter ? Il suffit, pour se tranquilliser, de consulter les faits. Quel a été le prix des trois-six au premier jour de chaque semestre, depuis 1838 jusqu'en 1851 ? le prix des trois-six de Montpellier, sur place, par hectolitre à 85 degrés était :

Au 1er janvier 1838 de 64, au 1er juillet 1838 de 74, au 1er janvier 1839 de 91, au 1er juillet 1839 de 74, au 1er janvier 1840 de 67, au 1er juillet 1840 de 73, au 1er janvier 1841, de 60, au 1er juillet 1841, de 57, au 1er janvier 1842 de 54, au 1er juillet 1842, de 45 50, au 1er janvier 1843, de 47 75, au ler juillet 1843 de 46, au 1er janvier 1844, de 83, au 1er juillet 1844 de 80, au 1er janvier 1845 de 75, au 1er juillet 1845, de 97 50, au ler janvier 1846 de 105, au 1er juillet 1846 de 117 50, au 1er janvier 1847 de 114, au 1er juillet 1847 de 73, au 1er janvier 1848 de 57, au 1er juillet 1848 de 46 50, au 1er janvier 1849 de 43 75, au 1er juillet 1849 de 42 25, au 1er janvier 1850 de 52 25, au 1er juillet 1850 de 49, au 1er janvier 1851 de 54, au 1er juillet 1851 de 52 50.

L'importation des eaux-de-vie étrangères dans de pareilles conditions est-elle possible d'une manière quelque peu notable ? Personne

M. Rodenbach. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Personne, je le répète, ne soutiendra une pareille opinion.

Lorsque le prix des trois-six à Montpellier s'élèvera à 52 fr., le coût de 600 litres sera de fr. 361 25, et avec les droits de douane et d'accise montant à 540 fr., il sera de fr. 901 23.

D'après les renseignements fournis par un distillateur rectificateur, le prix actuel des spiritueux indigènes à 95 degrés est, par hectolitre, de 105 fr., soit pour 600 litres, 630 francs ; il y a donc une différence de 271 fr.25.

Après l'adoption de la loi, l'hectolitre sera de 125 fr. et de 750 fr. les 600 litres ; il y aura par conséquent encore une différence de 151 fr. 25c. ou une protection de 25 fr. 20 c. par hectolitre, en faveur des distilleries indigènes.

En supposant que le prix des trois-six descende à 40 fr., ce qui n'existe pour aucune des cotes que j'ai indiquées depuis 1838, il en résulterait encore une différence de 77 fr. 80 c. entre le prix des trois-six étrangers et celui des eaux-de-vie indigènes, ou une protection de 12 fr. 96 c. par hectolitre. Dans cette situation, il est indubitable que les eaux-de-vie indigènes n'ont, en aucune façon, à redouter la concurrence des eaux-de-vie étrangères.

Mais il y aura une introduction frauduleuse !

Messieurs, bien qu'il y ait aujourd'hui, par la différence de droits, un grand appât à la fraude elle ne se pratique pas, et l'on ne peut admettre qu'elle se développera parce que l'accise aura été augmentée de moitié. La fraude existe, l'honorable M. Delehaye le dit ; mais il avoue qu'il ne peut en administrer la moindre preuve.

M. Delehaye. - Je ne puis qu'indiquer des chiffres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oh ! quant à ces indications, je puis me borner à renvoyer à la discussion de la loi de 1842 ; vous y trouverez exactement, dans les mêmes termes, les mêmes allégations que celles qui sont produites dans la discussion actuelle ; c'est-à-dire que chaque fois que l'on parle de l'augmentation de l'accise sur le genièvre, il se rencontre quelque négociant qui déclare être prêt à fournir des spiritueux étrangers à un prix tel que nos distillateurs ne sauraient pas soutenir la concurrence ; mais, quand la loi est votée, cela ne se réalise jamais.

La fraude a existé, elle était considérable avant la révolution. Elle a encore existé immédiatement après pendant un certain temps ; mais on peut affirmer (et je vais citer quelques documents pour le prouver) qu'elle a presque entièrement disparu depuis la loi de 1843 sur la répression de la fraude.

Depuis cette époque, les distillateurs rectificateurs ont aussi fait de grands progrès, et l'eau-de-vie indigène est, dans bien des cas, préférée par les consommateurs. C'est ce qui est attesté par tous ceux qui se sont occupés de cette matière.

Voici, par exemple, l'extrait d'un rapport du directeur des contributions à Bruges, en date du 20 novembre 1847 ; ce fonctionnaire était consulté, d'une manière générale, et ceci n'a donc pas été écrit à l'occasion de la discussion actuelle.

« Ce n'est pas en 1841 qu'il faut remonter pour trouver une fraude très considérable d'esprit et d'eau-de-vie en Belgique. C'est avant la révolution ; mais cependant on a vu encore depuis des bandes de 25, 50 et même 75 contrebandiers portant chacun, dans un tonnelet de 30 à 35 litres esprit 3/6. Les quantités fraudées n'étaient pas moins de 5 à 600 hectolitres par an jusques en 1843, époque où la loi sur la répression de la fraude, jointe aux progrès de la falsification des esprits indigènes, est venue donner en quelque sorte le coup de mort à cette fraude si préjudiciable aux intérêts du trésor.

« Avant la révolution, cette fraude était bien plus considérable encore ; mais nous étions alors en présence d'un droit de 33 fr. 20 c, additionnels et timbre compris, sur nos genièvres indigènes. Alors même on fraudait du genièvre français, mais il était tellement mauvais qu'on l'a depuis tout à fait abandonné.

« Il y a plus ; en 1846, alors que le prix des esprits à 85 degrés Gay-Lussac était de 117 fr. 50 centimes à Montpellier, en entrepôt ou avec restitution des droits, un distillateur de cette province a fait plusieurs exportations avec décharge des droits. Il a dû les cesser, parce que le prix était à Montpellier, au 1er juillet 1847, à 73 fr., et qu'il est même descendu depuis à 63 fr. En 1845 et 1846, ce distillateur a exporté une quantité de 888 hectolitres esprit à 85 degrés. »

Dans le même rapport, M. le directeur de Bruges a encore dit :

« Il n'y a jamais eu de prime d'assurance proprement dite pour l'importation en fraude des esprits ou des eaux-de-vie de France. Ceux qui s'occupaient de ces sortes d'opérations, le faisaient pour leur propre compte, c'est-à-dire qu'ils fixaient d'avance un prix de vente à leurs acheteurs au-delà du rayon réservé de la douane.

« Lorsque cette fraude était la plus active, ils pouvaient réaliser, déduction faite des frais de portage, coulage, saisies, vols, etc., un bénéfice de 55 à 60 cent, par litre d'esprit.

« Ces esprits étaient destinés à faire ce que l'on nomme vulgairement (page 1785) de l’eau-de-vie coupée, ou r »duite à 50 degrés ; et à cet égard, je suis heureux de pouvoir dire ici que notre fabrication d’esprit est tellement perfectionnée que l’eau-de-vie coupée qui en provient est préférées à celle que l’on obtient des esprits de France.

« Cette fabrication indigène perfectionnée, et surtout la loi du 6 avril 1843, voilà donc les deux grandes causes de la presque cessation des fraudes de spiritueux.

Un autre fonctionnaire de l'administration, le receveur des douanes à Tournay, a été chargé de recueillir également des renseignements sur la fraude. Voici ce qu'on lit dans son rapport du 23 octobre 1847 :

« La fraude est nulle aujourd'hui ; il n'y a réellement que ce que l'on est convenu d'appeler des infiltrations. Toutefois on peut estimer à 12 ou 15 hectolitres par mois les importations frauduleuses d'esprit qui se pratiquent par la partie de la frontière que j'ai parcourue.

« Ce chiffre de 12 hectolitres, je ne le jette pas ici au hasard. C'est le résultat de conversations particulières que j'ai eues avec six individus faisant le commerce d'esprits et dont les habitations sont attenantes aux chemins mitoyens.

« La paralysie dont est pour ainsi dire frappée depuis quelques années la fraude des esprits doit être particulièrement attribuée aux effets de la loi du 6 avril 1843 qui a prononcé contre les fraudeurs des peines très grandes, et aussi à la perfection qu'on est parvenu à donner aux esprits indigènes, tant pour la force que pour la qualité. Dans le commerce ces esprits remplacent très convenablementet presque partout les esprits français. Le prix des premiers est d'ailleurs moins élevé que le prix des seconds. »

Ainsi, vous le voyez, voilà deux fonctionnaires qui sont entendus séparément ; ils se livrent tous les deux à une sorte d'enquête sur les faits relatifs à la fraude et tous deux ils constatent qu'elle a pour ainsi dire cessé complètement depuis 1843, depuis la loi sur la répression de la fraude, et que, par suite des perfectionnements donnés aux eaux-de-vie indigènes rectifiées, celles-ci n'ont plus rien à redouter de la concurrence étrangère, Cependant, selon l'honorable M. T'Kint, ce qui prouverait que les augmentations successives de l'accise ont causé du préjudice à l'industrie, c'est qu'on a vu un grand nombre de distilleries disparaître ; l'honorable membre a déclaré que le nombre des distilleries était de 1,140 au 31 décembre 1842 et que ce nombre se trouve actuellement réduit à 558 et même à un chiffre inférieur. L'honorable membre s'est trompé.

M. T’Kint de Naeyer. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre s'est trompé ; il a pris pour 1842 le nombre des distilleries établies dans le royaume, c'est-à-dire des distilleries qui étaient en activité et de celles qui ne l'étaient pas ; tandis que pour 1850, il n'a pris que le nombre de distilleries en activité. Cette comparaison n'est évidemment pas juste ; il faut pour chaque époque comparer les mêmes éléments. Or, combien y avait-il de distilleries en activité en 1840 ? Combien y en a-t-il en 1850 ? Voici pour différentes années le nombre des distilleries ; il y en avait :

En 1839, 765 en activité et 411 en non-activité, ensemble 1,174 ;

En 1843, 767 en activité et 325 en non-activité, ensemble 1,092 ;

En 1844, 724 en activité et 323 en non-activité, ensemble 1,047 ;

En 1845, 589 en activité et 346 en non-activité, ensemble 1,070 ;

En 1846, 577 en activité et 431 en non-activité, ensemble 1,020 ;

En 1847, 577 en activité et 401 en non-activité, ensemble 978 ;

En 1848, 591 en activité et 368 en non-activité, ensemble 959 ;

En 1849, 585 en activité et 320 en non-activité, ensemble 905 ;

En 1850, 587 en activité et 207 en non-activité, ensemble 894.

Le nombre des distilleries en activité comprend les distilleries à pépins et à noyaux.

Voilà, messieurs, la vérité. Il y a une diminution ; mais je dirai que cela importe peu ; il s'agit uniquement de savoir ce que ces distilleries ont produit ; là est toute la question.

L'honorable membre a raisonné absolument de la même manière que ces industriels dont j'ai parlé dans la discussion de la loi sur les brasseries, qui invoquaient la réduction du nombre de ces usines pour en conclure qu'il y avait une diminution dans la production des bières. Rien de moins exact que cette manière de raisonner ; le nombre des distilleries est diminué ; cela est vrai ; mais le produit en est encore aussi considérable, voire même supérieur ; donc cet argument tiré du nombre des distilleries ne signifie absolument rien.

Voyons, messieurs, quelles étaient les contenances déclarées à l'impôt, tout en prenant en considération le nombre d'heures employées à la fermentation ; voyons s'il y a eu réduction ; si cette réduction est réelle ; alors seulement l'argument de l'honorable M. T'Kint peut être de quelque valeur, car il y aurait eu, en effet, introduction frauduleuse.

Les contenances déclarées à l'impôt se sont élevées en 1843 à 4,291,545 hectolitres et en 1850 à 4-,94,935. En admettant une durée moyenne de travail de 24 heures, on arrive à constater que le nombre d'hectolitres de matières macérées a été plus considérable en 1850 qu'en 1843.

Pour me résumer sur ces derniers points, nul doute que, pour obtenir 1,500,000 francs, il ne faille porter le droit à 50 p. c. ; avec ce taux, pas de danger de fraude, soit de la part des distillateurs, soit de la part de l'étranger qui voudrait nuire à nos distillateurs ; cela n'est à craindre sous aucun rapport.

Ce sont là les seules objections qui aient été indiquées dans la discussion générale.

Maintenant quelques autres objections ont été faites en faveur de ce qu'on appelle les petites distilleries, en faveur des distilleries agricoles.

L'honorable M. de Steenhault s'est particulièrement occupé de cet objet ; il a affirmé, et en cela il a été appuyé par les honorables MM. Allard et Faignart, il a affirmé que les distilleries agricoles ne pouvaient pas soutenir la concurrence des grandes ; qu'elles allaient en dépérissant ; que chaque jour on en voyait disparaître quelques-unes ; qu'il y aurait à faire, pour elles, quelque chose, ou bien leur permettre de se servir d'ustensiles d'une plus grande capacité que celle des vaisseaux qu'elles peuvent employer aujourd'hui, ou bien encore, augmenter la protection accordée, comme le propose l'honorable M. Allard.

Messieurs, les faits sont-ils conformes aux allégations de ces honorables membres ? D'abord la science et l'expérience sont d'accord pour constater que l'on peut dans ces petites distilleries obtenir un rendement aussi élevé que dans les grandes usines. Ainsi sous ce rapport il n'y a pas la moindre différence ; et en fait dans la réalité, les petites distilleries parviennent à travailler une aussi grande quantité de matières que telle distillerie de troisième ordre qui ne jouit pas de la déduction accordée aux distilleries agricoles, parfois même elles en travaillent davantage.

M. de Steenhault. - C'est l'abus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne faut donc pas accroître encore la différence.

Dans un certain nombre de distilleries, dites agricoles, les contenances soumises à l'impôt en 1850 s'élèvent :

Par jour à 50 hectol. 04 lit., et pour l'année à 12,547 hectol 58 lit. ;

Par jour à 47 hectol. 29 lit., et pour l'année à 11,175 hectol 97 lit. ;

Par jour à 54 hectol. 45 lit., et pour l'année à 14,395 hectol 57 lit. ;

Par jour à 34 hectol. 32 lit., et pour l'année à 10.213 hectol 58 lit. ;

Par jour à 33 hectol. 04 lit., et pour l'année à 9,153 hectol 76 lit. ;

Tandis que des distillateurs qui ne jouissent pas de la déduction de 15 p. c. ont été imposés pour des quantités moins considérables.

Ainsi, messieurs, je ne pense pas que l'on doive chercher les moyens d'accroître encore les différences de position qui existent, selon que ces industriels se servent de tels vaisseaux ou de tels autres ayant une capacité différente. Est-il vrai que les petites distilleries ont péri ? est-il vrai qu'elles ont disparu, comme on l'atteste ? L'honorable M. de Steenhault a été évidemment trompé, cela résulte d'ailleurs du tableau suivant :

Nombre d’usines en activité :

1839 : distilleries non-agricoles : 334 (44 p. c.) ; distilleries agricoles : 429 (56 p. c.)

1843 : distilleries non-agricoles : 282 (38 p. c.) ; distilleries agricoles : 455 (62 p. c.)

1844 : distilleries non-agricoles : 262 (36 p. c.) ; distilleries agricoles : 462 (64 p. c.)

1845 : distilleries non-agricoles : 252 (36 p. c.) ; distilleries agricoles : 455 (64 p. c.)

1846 : distilleries non-agricoles : 217 (38 p. c.) ; distilleries agricoles : 358 (62 p. c.)

1847 : distilleries non-agricoles : 203 (37 p. c.) ; distilleries agricoles : 344 (63 p. c.)

1848 : distilleries non-agricoles : 207 (36 p. c.) ; distilleries agricoles : 369 (64 p. c.)

1849 : distilleries non-agricoles : 199 (35 p. c.) ; distilleries agricoles : 364 (65 p. c.)

1850 : distilleries non-agricoles : 203 (36 p. c.) ; distilleries agricoles : 368 (64 p. c.)

Il s'agit maintenant de savoir si les distilleries agricoles et non agricoles se sont maintenues dans les mêmes conditions de production. Le tableau suivant lève tout doute à cet égard.

Contenances déclarées

Distillateurs non agricoles

1843 : 3,379,692.89 (79 p. c.) ; 1844 : 3,789,754.02 (78 p. c.) ; 1845 : 3,502,197.60 (79 p. c.) ; 1846 : 2,890,887.10 (82 p. c.) ; 1847 : 2,608,354.63 (82 p. c.) ; 1848 : 3,297,853.04 (79 p. c.) ; 1849 : 3,560,261.12 (80 p. c.) ; 1850 : 3,653,456.98 (79 p. c.)

Distillateurs agricoles

1843 : 908,043.91 (21 p. c.) ; 1844 : 1,058,732.83 (22 p. c.) ; 1845 : 943,372.70 (21 p. c.) ; 1846 : 644,118.00 (18 p. c.) ; 1847 : 586,152.71 (18 p. c.) ; 1848 : 848,125.95 (21 p. c.) ; 1849 : 906,602.22 (20 p. c.), 1850 : 960,291.77 (21 p. c.)

Comme on le voit, en 1843, la proportion était de 79 p. c. pour les distilleries non agricoles et de 21 p, c. peur les distilleries agricoles, et cette situation est restée la même en 1850.

Vous voyez que les gens qu'on vous a fait tuer se portent assez bien !

Il ne faut pas s'occuper des distilleries qui disparaissent ; cela tient aux conditions qui dominent toute l'industrie. La même proportion a été maintenue dans le nombre et dans la contenance imposée ; par conséquent sous tous les rapports les conditions respectives ont été maintenues.

Rien ne légitime le changement radical de la législation en ce qui touche la protection accordée aux distilleries dites agricoles. C'est aussi tout ce que demande le gouvernement ; il n'introduit aucune innovation : cependant, en fait, ces distilleries trouveront une amélioration dans la loi, en ce que, au lieu d'obtenir une réduction de 15 p. c. sur un franc, elles l'auront sur un franc 50 centimes. Par conséquent, je ne puis admettre les propositions faites par l'honorable membre, qui sont fondées sur des faits manifestement inexacts.

Les sommes qui ne sont pas entrées au trésor du chef de la différence de 15 p. c. depuis l'époque où elle a été établie, sont assez importantes ; elles ne sont pas à dédaigner.

Quand on prétend que rien n'arrive à l'agriculture, on se trompe ; ces distilleries dites agricoles sont plus utiles à l'agriculture que d'autres ; c'est possible, mais il faut le démontrer ; toujours est-il qu'elles ont reçu un avantage assez notable et qui ne s'élève pas à moins d'un million de francs pour les années 1843 à 1850, soit en chiffres exacts 963,118 fr. 99 c.

Je ne crois pas devoir m'occuper ici des divers amendements qui se reproduiront utilement lors de la discussion des articles ; ce serait prolonger inutilement la discussion générale. Je crois devoir seulement faire connaître à la chambre que si l'impôt de 50 centimes réclamé par le gouvernement était voté, je croirais pouvoir faire alors une concession qui, j'espère, concilierait bien des opinions divergentes.

On a beaucoup parlé du travail du dimanche ; on a représenté l'impôt qui frappe les distillateurs pour les jours de fête, comme étant une atteinte indirecte portée à la liberté de conscience. Dans la réalité on se trompe ; selon moi, les distillateurs sont parfaitement libres de travailler ou de ne point travailler le dimanche.

- Un membre. - En payant.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sur quoi cela est-il fondé ? Voilà la question.

Plus la durée de la fermentation est longue et plus l'on peut utiliser de matières premières, plus on peut retirer de produits.

D'après le système de la loi nouvelle, que serait-il arrivé ? C'est que le distillateur aurait fait sept renouvellements en une semaine, n'aurait pas travaillé le dimanche, et n'aurait rien eu à payer de ce chef. Celui qui n'aurait pas fait ses sept renouvellements aurait laissé sa dernière fermentation se prolonger pendant 48 heures et aurait payé 25 centimes, mais ni l'un ni l'autre ne se seraient livrés à aucune espèce de travail manuel. Réclamer l'abolition de cette taxe payée pour le dimanche, pour les produits plus grands que l'on retire d'un travail de 48 heures, réclamer, dis-je, cette abolition, c'est en réalité demander une nouvelle diminution de l'impôt, et en cela les honorables députés de Gand qui appuyaient une taxe portée seulement à 25 p. c. se sont trompés ; l'abolition de la taxe du dimanche amènerait une réduction de produits beaucoup plus notable qu'ils ne paraissaient le croire. (Interruption.)

Vous n'en avez pas déduit les 400,000 francs que vous m'allouiez. Il aurait fallu au moins défalquer cette somme, puisque le trésor ne la percevra pas. C'est donc, en réalité, une réduction de la taxe. Nous y consentons bien volontiers si nous obtenons le chiffre de 50 centimes. Nous consentirons à ne rien réclamer pour le dimanche. C'est cela surtout qui paraît être principalement désiré par un très grand nombre de distillateurs, car j'ai pu constater par moi-même que le plus grand nombre est assez indifférent à l'augmentation, que le plus grand nombre ne se préoccupe pas de l'augmentation de 50 centimes, que le plus grand nombre se préoccupe avant tout des dispositions accessoires du projet, des moyens de fixer les conditions du travail du dimanche.

Si quelques-uns pensent que ce soit là une entrave au libre exercice de la foi religieuse, ce serait une raison pour la faire disparaître ; car notre principe n'est pas qu'on contraigne à travailler pas plus qu'on n'interdise le travail le dimanche. Notre principe est qu'on ail la liberté de faire comme on l'entend.

En abolissant cette taxe pour le dimanche, on donnera donc satisfaction à un grand nombre de distillateurs dont les réclamations, sous certains rapports, peuvent avoir quelque chose de fondé, mais qui sont surtout fondées en ce sens que c'est une réduction d'impôt.

J'espère que cette concession aura pour effet de rattacher un grand nombre de voix au chiffre de 50 centimes proposéé par le gouvernement.

M. de Denterghem. - Dans le but d'abréger cette discussion déjà assez longue, je me renfermerai dans un cercle assez rétréci.

Quant aux chiffres, je suis sûr que l'honorable M. Mercier, qui s'est principalement occupé des octrois, répondra à M. le ministre des finances.

Seulement, je ferai remarquer ceci, c'est que les chiffres, fournis par la statistique, ne sont pas toujours d'une rigoureuse exactitude.

Vous avez entendu un honorable membre citer des chiffres puisés dans les renseignements statistiques qui ne se cordonnent pas. Il résulte de là la preuve qu'ils ne sont pas parfaitement exacts.

Pour moi, je compte vous montrer la différence qu'il y a entre les distilleries urbaines et les distilleries agricoles.

Je tâcherai de vous démontrer que ces 15 p. c, dont on parle, ne sont pas une faveur, mais une compensation aux désavantages imposés à ces sortes d'organisations.

Je réclamerai en faveur des distilleries agricoles le droit de profiter des progrès faits par la science.

Je vous démontrerai la nécessité de cette modification à apporter à la loi de 1842.

Enfin je proposerai un moyen d'obvier aux abus qui se sont glissés dans la loi qui fonctionne aujourd'hui.

En définitive, je vous démontrerai la nécessité de conserver l'organisation des districts agricoles dans le pays.

La différence qui existe entre les distilleries urbaines et les distilleries agricoles est patente, les unes (les distilleries urbaines) ont en vue un seul et unique but, qui est le commerce des alcools.

Les distilleries agricoles ont un double but : il y a d'abord ce qui concerne les alcools. Il y a ensuite ce qui concerne la culture de certains terrains qui, sans les distilleries agricoles, deviendrait impossible ; les distilleries urbaines sont complétement inutiles à l'agriculture, je vais vous le démontrer.

D'abord, elles existent dans de grands centres de population où les fumiers sont toujours abondants.

Si les distilleries agricoles venaient à cesser, les drêches provenant des bières et qui servent aussi à l'alimentation du bétail les remplaceraient.

Car il faut remarquer que les drèches des distilleries urbaines servent, non pas à l'engraissement, mais seulement à la nourriture du bétail.

L'honorable M. Delehaye vous a fait valoir que les loyers étaient beaucoup plus élevés dans les villes que dans les campagnes. Quand on veut entrer dans l'examen des faits, on reconnaît que c'est là une erreur. Lorsqu'il y a des distilleries établies dans les grandes villes, elles ne sont jamais situées dans les quartiers populeux. Elles se trouvent dans les quartiers retirés, dans les quartiers écartés où les loyers ne sont pas très chers.

Ainsi, à Bruxelles, s'il y a des distilleries, elles ne sont pas situées aux environs du Parc, mais aux environs de la porte d'Anderlecht ou de la porte de Flandres, où les loyers ne sont pas aussi élevés. Croyez-vous qu'entre les loyers dans ces quartiers et les loyers dans les grandes communes, il y ait une forte différence ?

J'admets cependant qu'il y ait une différence. Mais remarquez, je vous prie, que les distilleries urbaines se bornent à une fabrique alcoolique, tandis que pour les distilleries agricoles il faut tout le matériel qui se rattache à une exploitation agricole.

Le local devient immédiatement beaucoup plus considérable, et de là nécessairement une augmentation dans les loyers ; en résumé donc le loyer ne devient pas beaucoup plus cher pour les distilleries urbaines que pour les distilleries agricoles, parce que celles-ci doivent avoir un bien plus grand matériel que les autres.

On nous a dit que les charbons sont imposés dans les villes et que par conséquent ils y sont beaucoup plus chers. Je dis qu'il y a encore ici une compensation.

Si les charbons sont plus chers dans les villes à cause de l'octroi, ces villes sont à côté des canaux, à côté des grandes routes, et le charbon y est transporté à meilleur marché qu'à la campagne, dont les habitants doivent souvent aller chercher le charbon où vous le prenez vous-même. Croyez-vous que ces frais de transport ne sont pas aussi considérables que les droits d'octroi et qu'ils ne doivent pas être portés en ligne de compte ? Il est évident que les uns compensent les autres et que le prix du charbon n'est pas plus avantageux pour les distillateurs des campagnes que pour les distillateurs des villes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a des chemins de fer.

M. de Denterghem. - Voulez-vous doter toutes les communes (page 1787) d’un chemin de fer ? Voulez-vous faire arrêter les convois partout où nous vous le demanderons ?

Il est évident, aujourd'hui, que les canaux et les chemins de fer ne nous servent que très peu pour la plupart des communes.

Messieurs, il est un point essentiel que je vous prie de remarquer. L'honorable M. Delehaye vous a dit hier qu'il y avait une foule d'industries qui employaient les alcools comme matière première, et cela est parfaitement exact. L'alcool sert pour la fabrication des liqueurs fines ; des vernis, des vinaigres et de plusieurs autres produits. Or, toutes ces industries s'exercent dans les villes ou du moins dans des localités populeuses. Elles s'exercent par conséquent au profit des distilleries urbaines ; les distilleries agricoles n'en retirent aucun bénéfice à cause des octrois.

Vous avez donc pour les distilleries urbaines plusieurs modes de placement tandis que pour les distilleries agricoles vous n'avez qu'un seul et unique mode de placement, la consommation comme boisson ; vous n'en avez pas d'autre, et j'appelle l'attention de la chambre sur ce point.

Puis encore, messieurs, les distilleries agricoles ne peuvent pas, comme les distilleries urbaines, donner à leur exploitation tous les développements nécessaires ; elles sont limitées ; la loi les force à rester dans certaines limites ; et il est certain que lorsque vous produisez en petite quantité, vous ne pouvez produire à aussi bon marché que lorsque vous fabriquez sur une grande échelle.

Enfin, messieurs, les distillateurs agricoles ont encore ce très grand désavantage : ils sont obligés d'entrer dans une foule de détails qui sont complètement étrangers aux distilleries urbaines. Ainsi, les distillateurs urbains se bornent à verser leur drêche dans des fosses, et elles n'ont pour tout matériel qu'une pompe pour les extraire. Les distillateurs agricoles, au contraire, sont obligés d'avoir une organisation agricole complète autour d'eux, d'avoir des étables toujours garnies ; et vous savez ce qui résulte de cette circonstance, c'est qu'on est exposé aux épizooties.

Les animaux changent fréquemment ; pouvez-vous être assurés que ceux qui entrent sont toujours sains ? Combien de fois n'avez-vous pas eu des exemples, combien de fois ne s'est-on pas plaint que c'était par les animaux des distilleries que les épizooties étaient amenées dans certaines localités ! Combien de fois n'avez-vous pas vu éclater la maladie dans les étables des distillateurs !

Messieurs, je vous prie de considérer que quand une maladie de ce genre vient s'emparer de l'étable d'un distillateur, c'est pour lui une perte très considérable, une perte qui peut amener sa ruine si elle se renouvelle.

Voilà des désavantages très grands qu'éprouvent les distillateurs agricoles et qui n'alteignent pas les distillateurs urbains.

Je disais, messieurs, que très souvent la maladie surgissait dans les étables des distillateurs.il y a à cela un motif que je veux vous indiquer, et c'est précisément là un des motifs pour lesquels j'ai l'intention de vous proposer un amendement.

On a souvent dit qu'en imposant aux distilleries agricoles l'obligation de se servir seulement d'un alambic et de l'employer alternativement pour la bouillée et pour la rectification des phlegmes si la matière n'était pas parfaitement travaillée, s'il restait quelques parties saccharines, elle pouvait tournera l'avantage du bétail que l'on engraissait. Messieurs, ces parties saccharines servent, il est vrai, à la nourriture du bétail ; mais remarquez bien que ce ne sont pas les parties saccharines qui portent à l'engraissement, ce sont les parties azotées qui restent dans la drêche. Eh bien, par la distillation, ces parties azotées ne disparaissent en aucune manière, elles restent intactes. Seulement les parties saccharines qui restent dans la drêche sont des parties altérées par l'opération elle-même ; il est tout simple que ces parties soient portées à la putréfaction ; elles s'aigrissent, et de là nécessairement perte en qualité pour la drêche dont les distillateurs veulent se servir pour leurs animaux.

Il a été démontré que lorsque ces parties sont arrivées à un point de décomposition fecile à atteindre, lorsque les distillateurs ne sont pas soigneux, elles développent le germe de la maladie. J'ai souvent entendu parler de la drêche comme d'une nourriture malsaine, parce qu'il a été constaté qu'elle développait le germe de la maladie, et je pense que personne ne contestera ce fait. Eh bien, si la drêche développe le germe de la maladie, pourquoi ne servirait-elle pas à faire naître ce germe ? Servez-vous fréquemment des drêches altérées et la maladie naîtra indubitablement.

Messieurs, pourquoi les drêches sont-elles de moins bonne qualité ? Mais c'est parce que la matière n'est pas suffisamment travaillée C'est parce qu'il reste trop de parties saccharines altérées. Servez-vous d'outils plus perfectionnés comme sont ceux des distilleries urbaines, et vous éviterez l'inconvénient.

Voilà en partie pourquoi, messieurs, je vous demanderai à pouvoir établir des machines perfectionnées, précisément pour remédiera cet inconvénient.

Ensuite, messieurs, je vous ai démontré tout à l'heure que l'alcool provenant des distilleries agricoles, est particulièrement livré à la consommation des hommes ; eh bien, messieurs, quand on est obligé de se servir alternativememt du même matériel, et pourra bouillée et pour la rectification, il est impossible que l'appareil soit constamment propre, et quand vous arrivez à la rectification avant que l'alcool ne soit condensé, s'il y a des parties insalubres qui sont restées dans le serpentin par exemple, il se forme un oxyde qui finit par être entraîné, et qui se mêle à la boisson destinée à la consommation ; il peut s’y mêler jusque dans la proposition d’un dix-sept millième, et cela, nécessairement rend la liqueur mauvaise.

Il résulte, messieurs, de ces deux faits une double perte pour le distillateur ; il perd sur la fabrication, et il perd sur la qualité du produit.

Je ne propose pas, messieurs, de pouvoir améliorer le matériel des distilleries agricoles sans penser aux abus et aux inconvénients qui pourraient se produire ; je désire autant que qui que ce soit faire disparaître les abus ; je ciois que quand une distillerie agricole acquiert un trop grand développement, elle n'est plus ce que la loi veut qu'elle soit ; je désire que les distilleries agricoles soient sérieusement des distilleries agricoles, des distilleries qui rendent des services à l'agriculture, des distilleries qui servent à l'amélioration de notre sol ; et remarquez, messieurs, que c'est précisément aujourd'hui qu'une telle organisation devient extrêmement nécessaire : le gouvernement favorise le transport du charbon, du bois et d'autres articles de ce genre ; je ne désapprouve par les mesures prises dans ce but, mais remarquez bien, messieurs, que quand le charbon et le fer, par exemple, peuvent ainsi s'introduire dans les campagnes, on n'y consommera plus autant de bois.

Que reste-t-il donc à faire ? Il reste à employer à d'autres usages les parties du territoire qui autrefois produisaient du bois. Eh bien, croyez-vous qu'un terrain qui a longtemps rapporté du bois soit immédiatement susceptible de culture ? Il faut nécessairement un certain temps pour former ce sol. J'en ai l'expérience ; les terrains récemment défrichés que produisent-ils ? Du seigle, des pommes de terre, du sarrasin ; mais il est impossible de soumettre ces terres à un système complet de rotation de culture, il serait impossible d'y obtenir des belteraves, d'y obtenir surtout le trèfle.

Or, je le demande à tous ceux qui connaissent l'organisation d'une ferme, y a-t-il moyen d'entretenir un certain nombre d'animaux alors qu'on ne peut pas cultiver le trèfle ? Il est de rigueur, quand on organise une ferme, de pouvoir cultiver alternativement les différents produits dont on a besoin. Si vous vous trouvez dans des conditions inférieures, sous ce rapport, vous ne pourrez pas maintenir votre ferme dans des conditions normales.

Mais quand il s'agit de terres récemment défrichées, vous êtes encore obligés de forcer le nombre du bétail, parce que vous êtes obligés de vous servir de fumiers naturels et principalement de celui qui ptovient des animaux de la race bovine, parce qu'à l'aide de ce fumier seul on parvient à former le sol. Lisez à cet égard les auteurs les plus distingués, ils sont unanimes à le dire. Ainsi, messieurs, que reste-t-il à faire ? Mais rien aulre chose que d'organiser une distillerie qui vient alors nous procurer ce qui nous manque pour la nourriture de notre bétail.

Voilà, messieurs, dans quelles circonstances les distilleries agricoles sont susceptibles de rendre de très grands services. C'est afin de pouvoir aider à ces sortes de besoins qui se manifestent particulièrement aujourd'hui, c'est dans ce but que je viens réclamer des améliorations que je crois nécessaire d'introduire dans cette industrie. Pourquoi donc les agriculteurs resteraient-ils comme attachés à un poteau immuable en face des progrès de toute nature qui se produisent devant eux ? Pourquoi resteraient-ils privés de leur part des bénéfices des progrès scientifiques ?

Je vous prie, messieurs, de remarquer que dans la loi du 27 juin 1842, le littera A du paragraphe premier de l'article 5, prescrit de se servir du même appareil alternativement pour la bouillée et pour la rectification ; cette disposition force le distillateur à se servir d'une machine inférieure à 5 hectolitres, mais M. le minisire a démontré tout à l’heure que même avec cette rédaction, l'on pouvait arriver à un produit très élevé, en renouvelant fréquemment et qu'il est possible d'abuser de la latitude que la loi vous donne.

Maintenant, messieurs, c'est dans le but de prévenir les abus qui nuisent et afin de donner à nos agriculteurs la possibilité de jouir du bénéfice des inventions et des progrès qui s'introduisent, c'est afin d'enlever à la loi cette chose qui, certainement n'est pas dans nos mœurs et qui consiste à mettre des populations, malgré elles, dans un état d'infériorité, à les empêcher de profiter des améliorations qui se réalisent autour d'elles, c'est dans ce but que je propose l'amendement suivant :

« Le littera A du paragraphe premier de l'article 5 de la loi du 27 juin 1842, est abrogé. Il est remplacé par les mois suivants :

« Ils n'emploient que deux appareils, l'un servant uniquement à la bouillée, l'autre servant uniquement à la rectificalion des phlegmes.

« La totalité des matières macérées dans les cuves servant à l'alimentation de ces appareils, ne pourra pas dépasser 30 hectolitres par 24 heures de travail. »

De cette manière, messieurs, il devient impossible d'abuser de la loi. Il y a deux appareils : celui dont on se servira pour la rectification sera un appareil étamé ; celui employé pour la bouillée ne peut pas l'être. S’il l'était, l'étamage serait immédiatement enlevé. Il sera extrêmement facile à un employé quelconque de constater immédiatement si l'appareil de la notification sert pour la bouillée.

Messieurs, pour ce qui concerne l'honorable M. de Steenhault, il avait manifesté l'intention de présenter un amendement dans le même sens, je lui ai communiqué celui que je viens de présenter, il s'y est rallié.

M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour répondre à M. ? le ministre des finances quand il a parlé de la fraude.

(page 1788) Je ne partage pas tout à fait l’opinion que M. le ministre a émise à cet égard. Je conviens que la fabrication des alcools a fait d'immenses progrès en Belgique, mais je ne conviendrai jamais que nos alcools valent les alcools français. Tout le monde sait, il n'est pas nécessaire d'être chimiste pour cela, que l'alcool fait avec du vin est meilleur que celui qu'on fait avec des pommes de terre ou du grain.

Je sais que M. le ministre a dit que les spiritueux belges étaient dix pour cent plus forts que les spiritueux français, mais ces dix pour cent sont compensés par la qualité, les alcools français sont dix pour cent meilleurs que les nôtres.

Le prix courant de France, a dit M. le ministre, cote les alcools à 52 francs l'hectolitre, et l'on doit savoir qu'il revient, en Belgique, à 105 francs.

Je conviens que quand on veut payer tous les droits de douane, il y a impossibilité d'introduire les alcools français ; mais quand on met une augmentation de 50 p. c. sur la fabrication, je soutiens qu'à la frontière il y aura moyen d'introduire frauduleusement des alcools.

Comment, quand à Lille on peut acheter 52 fr. ce que l'on vend en Belgique 105, 115 et même 120 fr., avec la nouvelle loi cela ira à 125 fr. ; de 52 à 125 fr. n'est-ce pas un appât considérable à la fraude !

Je crois que la France la protège même ; si je suis bien informé, les employés de l'administration française accompagnent les fraudeurs jusqu'à la frontière et protègent ce commerce interlope qu'on a qualifié d'immoral. La preuve ne serait peut-être pas difficile à faire.

Je dis donc que sur la frontière avec cette augmentation de 50 centimes la fraude se fera, à moins que M. le ministre ne renforce le cordon de douane.

Moyennant une augmentation de surveillance à la frontière, la concession qu'il fait pour le travail du dimanche et la promesse formelle d'examiner la question des octrois qui est immense, on pourra adopter sa proposition. Les distillateurs eux-mêmes ont déclaré qu'ils l'accepteraient.

On a dit aussi, je crois que c'est M. le ministre des finances, que sur la frontière hollandaise, la fraude n'était pas possible. Messieurs, les Hollandais savent fabriquer à meilleur marché que nous ; la preuve, c'est qu'ils vendent sur les marchés transatlantiques à meilleur marché que nous.

Ils ne sont pas tenus de travailler en 24 heures, ils peuvent laisser leur cuve travailler 48 heures, ils ne font pas fermenter autant de grain ; au lieu de 11 à 14 kilog., ils en mettent beaucoup moins parce qu'ils le laissent fermenter 48 heures. Cela revient à meilleur marché. De plus ils ne travaillent qu'en hiver quand ils peuvent faire les spiritueux à bon compte. Si on admet que les Hollandais peuvent fabriquer à meilleur marché que nous, ils peuvent infiltrer leurs produits chez nous. Quand ils vendent à l'extérieur, dit-on, ils doivent opérer l'exportation en plein jour et par certaine quantité assez considérable. Soit, mais une fois en mer on divise, on transvase dans de petits tonneaux qu'on fait passer sur de petits bateaux et qui s'infiltrent par les canaux ou les côtes.

Je dis donc qu'avec l'augmentation de droit on donnera un nouvel appât à la fraude, qu'elle se fera surtout sur la frontière de France, de manière à rendre la concurrence impossible à nos distilleries. Si M. le ministre promet de fortifier la douane, peut-être pourra-t-on empêcher la fraude.

Quant à la Prusse, il est inutile d'en parler, le traité va expirer, et je crois que plus tard, lorsque le traité avec la Prusse ne sera pas renouvelé, les Prussiens pourront fabriquer, comme nous, des esprits à des degrés excessivement élevés, et les introduire dans le pays où on les coupera, comme on coupe les eaux-de-vie venant de France.

Puisque M. le ministre des finances fait la concession du dimanche, je pense qu'on pourrait élever le droit jusqu'à 30 ou 40 c. Mais il ne faut pas qu'il ruine les distilleries sur la frontière.

Une chose importante dont on a parlé à la section centrale, c'est que quelques villes, par l'exagération du taux de la décharge, exploitent nos campagnes.

Je crois que M. le ministre des finances, qui a à cet égard des idées arrêtées, devrait déclarer formellement qu'à dater du 1er janvier prochain il fera disparaître cette injustice dont sont victimes les trois quarts des distillateurs de la Belgique.

J'attendrai la réponse de M. le ministre des finances sur cette question qui est d'une haute gravité.

Je me réserve de prendre la parole dans la discussion sur les articles.

M. T'Kint de Naeyer. -Messieurs, le différend qui existe entre M. le ministre des finances et moi roule sur une question de principe.

J'ai soutenu que les recettes ne s'élèvent pas en raison directe de l'augmentation des impôts. J'ai cité des chiffres, et jusqu'à présent je pense que ces chiffres n'ont pas été réfutés.

Ainsi lorsqu'on 1842 on a voulu porter l'accise à 1 fr., l'honorable ministre des finances, M. Smits, espérait obtenir de ce droit un produit de cinq millions à cinq millions et demi, tandis que l'on n'a obtenu en moyenne que 3,700,000 fr.

Je le répète donc, avec une augmentation d'impôt de 120 p. c, on a eu en moyenne une augmentation de recette de 15 p. c.

Voulez-vous d'autres preuves à l'appui de mon argumentation : En 1841, lorsque le droit a été porté à 60 centimes, on a déclaré pour la fabrication 279,962 hectolitres de moins de matières mises en macération qu'en 1839. Une différence de 1,600,000 litres de genièvre.

Si vous comparez 1841 et 1840 vous trouverez d'après des tableaux qui ont été produits par le gouvernement lui-même, 398,662 hectolitres de matière en moins, soit 2,500,000 litres.

Cependant, la consommation n'a pas diminué, cela a été démontré à la dernière évidence. La fraude est devenue plus ingénieuse et en même temps plus considérable.

L'honorable ministre des finances nous dit que la fabrication clandestine est impossible. Je le voudrais.

Les distillateurs redoutent la fabrication clandestine, leurs pétitions en font foi. Ils ne veulent pas se soustraire à l'action de la loi, mais qui peut répondre qu'il n'y aura pas de fâcheuses exceptions ? L'appât sera très grand ; le secret facile à garder, bien que l'on ait soutenu le contraire, car, il suffit de mettre un seul ouvrier dans la confidence.

Il ne faut pas oublier ce qui s'est passé sous le régime de la loi de 1822, malgré la sévérité des peines.

M. le ministre des finances croit avoir des garanties suffisantes contre les importations et les réimportations illégales. Ce que l'argumentation la plus brillante ne parviendra jamais à détruire, ce sont les faits.

Or, tout le monde sait que la fraude s'exerce sur une assez grande échelle, notamment du côté de la France. N'est-il pas évident qu'elle se développera à mesure que les bénéfices seront plus considérables ? Cela me paraît incontestable.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela est très contestable.

M. T’Kint de Naeyer. - Fort peu de saisies ont été opérées. Mais cela ne prouverait-il pas que la fraude s'est perfectionnée ?

J'ai déjà démontré, messieurs, que les aggravations de l'impôt avaient eu pour résultat de diminuer le nombre des usines et d'écraser les petites distilleries.

Les chiffres que j'ai cités, je les ai puisés dans les annexes du rapport de la section centrale sur le projet de loi de 1842 et dans le recensement général. Ce sont des documents officiels.

L'honorable ministre des finances me fait une objection. Il me dit que je n'ai pas tenu compte des distilleries qui étaient en non-activité en 1842. Je pense que la section centrale n'avait pas à s'enquérir des établissements qui chômaient.

Quoi qu'il en soit, en faisant même une concession sur le chiffre, il n'en reste pas moins vrai que le nombre des petites distilleries a constamment diminué depuis 1835.

Eh bien, messieurs, je crois que c'est là un résultat fort regrettable. Cela nous intéresse d'autant plus que dans les Flandres, l'agriculture ne peut pas se passer des distilleries. Le nombre des grandes usines y est fort restreint ; ce sont les seules qui aient quelque chance de se maintenir.

L'honorable ministre des finances nous a dit que le nombre des distilleries ne prouve rien, que la contenance déclarée n'a pas diminué dans la même proportion.

S'il en est ainsi, j'avais raison de dire que les petites distilleries seront sacrifiées aux grandes.

Si je ne me préoccupais que de ces dernières, je craindrais moins l'aggravation de l'impôt, surtout aussi longtemps que l'exportation sera possible.

Ce que je voudrais empêcher, c'est une perturbation complète dans une industrie qui a déjà tant souffert depuis quelques années.

Je persiste à croire, messieurs, que ce n'est pas en élevant les droits outre mesure que le gouvernement atteindra son but. La clôture ayant été demandée, je ne prolongerai pas le débat ; et dans le désir d'arriver à une transaction, je me rallierai à l'amendement qui a été proposé par mon honorable ami, M. Manilius.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai tout à l'heure rectifié une erreur de l'honorable M.T'Kint de Naeyer, en ce qui concerne le nombre des distilleries. Il est bien obligé de convenir que cette erreur existe.

J'ai oublié de rectifier une autre erreur en ce qui concerne l'évaluation des produits. Il répète son affirmation précédente. Il affirme qu'une augmentation de droit notable proposée en 1842, n'a pas eu pour résultat de donner le produit annoncé par le ministre des finances de l'époque.

L'honorable M. T'Kint n'a pas remarqué que si, dans l'exposé des motifs de la loi du 27 juin 1842, l'honorable M. Smits, alors ministre des finances, a estimé que l'augmentation ferait élever le produit de l'accise à 5 millions ou 5 millions et demi, c'était en calculant sur la proposition qu'il soumettait à la chambre. Quelle était la proposition de l'honorable M. Smits ? C'était de porter l'accise à 1 fr. avec 10 c. additionnels. Or, on a rejeté ces 10 c. additionnels. Tenez compte de ce fait quand vous produisez les chiffres que vous prenez dans l'exposé des motifs. N'estimez plus le produit à 5 millions ou 5 millions et demi ; au lieu de ce produit, vous ne trouverez plus que celui de 4 millions et demi à 5 millions.

Cependant les produits n'ont pas encore répondu à cette augmentation probable, parce qu'il est toujours vrai qu'une augmentation de l'impôt affecte la consommation et excite surtout les distillateurs à introduire des perfectionnements qui leur permettent d'obtenir des produits plus considérables.

Lorsque l'honorable M. Mercier a proposé une augmentation de l'accise en 1841, il a parfaitement indiqué, dans l'exposé des motifs, que l'on devait s'attendre à de semblables résultats, comme je le dis encore ici. Il est impossible de compter sur une augmentation mathématique de l'impôt, de compter sur une augmentation de revenu de 50 p.c. parce (page 1789) que l'impôt est augmenté de 50 p. c. Il y a diverses causes qui affectent les produits, et la cause principale se trouve dans les perfectionnements qu'introduisent les distillateurs. C'est pourquoi vous avez tort de supposer que l'augmentation de 50 centimes nous donnera un produit supérieur à 1,500,000 francs. C'est le maximum que je puis obtenir.

Or, en faisant la concession dont vous ne paraissez pas tenir compte et je le regrette...

M. T’Kint de Naeyer. - C'est pour cela que je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Manilius.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais vous ne me faites aucune espèce de concession. Vous portez l'augmentation de 25 à 30 cent. ; c'est toute la différence entre l'honorable M. Van Grootven et vous. Eh bien, que représente la suppression du chiffre pour le travail du dimanche ? Elle représente précisément cette même quotité, de manière que vous ne me faites aucune espèce de concession.

M. Delehaye. - C'est une erreur,

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas une erreur. Que représente la suppression du chiffre pour le travail du dimanche ? Je vais vous le dire. Elle représente un chiffre de 165,000 fr.

Vous voulez en réalité deux réductions : l'une du chef du travail du dimanche, et l'autre qui doit consister en une réduction de la quotité de l'impôt proposé. Cela est de toute évidence.

Messieurs, j'affirme que des distillateurs m'ont proposé, pour la suppression de l'impôt du dimanche, de porter l'accise à 1 fr.55 c. et m'ont déclaré qu'ils acceptaient la loi dans ces conditions.

Par conséquent, ils estiment que la quotité qui était demandée pour le travail du dimanche se traduit en chiffres ; c'est une quotité d'impôt que l'on paye de ce chef.

En proposant l'augmentation de 50 p. c. combinée avec la suppression du chiffre de l'impôt pour le travail du dimanche, je fais, je pense, une concession large et suffisante.

M. le président. - La parole est à M. Boulez.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Boulez. - Si la chambre veut clore, je demande à pouvoir faire insérer mon discours dans les Annales parlementaires. (Oui ! oui !)

- La chambre décide que M. Boulez pourra faire insérer son discours dans les Annales parlementaires.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le droit d'accise sur les eaux-de-vie indigènes, établi par la loi du 27 juin 1842, est porté à un franc cinquante centimes par hectolitre de contenance des vaisseaux imposables.

« Ce droit est exigible à raison d'un seul renouvellement de matière par 24 heures ; le distillateur qui travaille plus rapidement est tenu d'acquitter un droit supplémentaire proportionnel, à calculer sur les contenances utilisées en plus pour la macération et la fermentation des matières ; dans le décompte à établir de ce chef, à l'expiration de chaque déclaration de travail, les jours de dimanche et de fête légale pour lesquels les distillateurs réclament la modération du droit, sont négligés.

« La quotité de l'impôt, dans les cas prévus par le paragraphe 3 de l'article 2 de la loi du 27 juin 1842, est fixée à 30 centimes.

« L'impôt pour les distillateurs de fruits à pépins ou à noyaux est porté à 90 centimes sans déduction.

« Le taux de la décharge est fixé à fr. 30-70. »

M. le président. - La section centrale propose au paragraphe 3 de substituer le chiffre de 25 cent, à celui de 50 cent.

Au paragraphe premier il y a trois amendements.

M. Manilius propose de fixer le droit à 1 fr. 30.

M. Van Grootven propose de le fixer à 1 fr. 25.

M. Jacques propose 1 fr. 20.

Au paragraphe 2 il y a un amendement de M. Dautrebande.

Au dernier paragraphe, il y a un amendement de M. Dautrebande, qui porte le taux de la décharge à 25 fr., et un amendement de M. Cools, adopté par la section centrale, qui le porte à 29 fr. 70.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faudrait d'abord voter sur le premier paragraphe de l'article premier.

M. Delehaye. - Il faut avant tout discuter l'article premier. Je suis inscrit sur cet article.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne m'oppose pas à ce que l'on discute encore. J'indique seulement l'ordre des votes.

Si le paragraphe premier, portant le droit à 1 fr. 50 c, est adopté, je ferai alors la concession relative au dimanche. Il y aura lieu de modifier la dernière partie de l'article, et je proposerai à cet égard une rédaction nouvelle.

M. Mercier. - Ma proposition relative aux octrois se rattache également à l'article premier.

M. le président. - Les propositions de M. Mercier ont été considérées comme des articles additionnels. Du reste, il n'y a pas à cela d'inconvénient ; le résultat restera le même. Ainsi, certain membre pourra voter le droit de 1 fr. 50 c, si telle ou telle proposition est admise. Mais, s'il en était autrement, il resterait le vote sur l'ensemble. Tout le monde peut donc voter comme il l'entend.

M. Rodenbach. - Messieurs, si M. le ministre ne fait pas une déclaration en ce qui concerne les octrois, nous serons dans l'indécision. La question des octrois est très grave, et, quant à moi, je ne pourrai pas (page 1790) voter pour le chiffre de 50 cent., si je ne suis pas fixé par les explications de M. le ministre. Il me semble qu'il peut d'autant mieux donner ces explications, qu'il a son opinion faite et qu'il l'a exprimée au sein de la section centrale.

M. le président. - Commençons par ouvrir la discussion sur l'article premier et les amendements qui s'y rattachent. Les observations que vient de faire M. Rodenbach trouveront leur place dans cette discussion.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je puis immédiatement répondre à la question posée par l'honorable M. Rodenbach. J'ai eu l'honneur de faire observer à la section centrale que la question soulevée par l'amendement de l'honorable M. Mercier, est difficile, complexe ; qu'elle intéresse les revenus des communes, qu'elle peut avoir sous ce rapport une importance assez grande et qu'il convient de ne rien décider avant d'avoir étudié mûrement cette matière. J'ai proposé à la section centrale de décider que les octrois communaux seront révisés dans un délai à déterminer.

La section centrale s'est ralliée à cette proposition. Je crois lui avoir cité, en effet, des faits fort graves : par exemple, dans la ville de Bruxelles le droit sur la fabrication des eaux-de-vie est fixé à 33 centimes, la décharge à l'exportation est de 7 francs 60 centimes ; cela suppose un rendement de 4 litres 1/3 ; c'est un rendement qui, de l'aveu de tout le monde, est véritablement trop peu élevé. Que résulte-t-il cependant des faits constatés ? En résulte-t-il que les distillateurs de la ville de Bruxelles exportent des quantités considérables et qu'ils font une grande concurrence aux distillateurs de l'extérieur ? Tout au contraire, on importe dans la ville de Bruxelles une quantité de 9,000 hectolitres.

Sous le rapport des finances de la ville, qu'en résulte-t-il ? La ville de Bruxelles perçoit du chef de l'importation de ces 9,000 hectolitres une somme de 97,000 fr. La proposition de M. Mercier, appliquée à la ville de Bruxelles, lui faisait perdre évidemment 50,000 fr. Remarquez que la proposition de cet honorable membre portait en outre qu'on ne pourrait pas augmenter le droit d'accise au profit des villes. Si encore l'on avait pu augmenter l'accise au profit des villes, l'on aurait pu compenser la perte qui devait résulter, pour elles, de l'espèce de réduction très notable du droit d'importation dans la ville.

Sous ce rapport l'amendement de M. Mercier est tout à fait inexécutable, mais j'ai cité le fait pour prouver qu'il convient d'étudier complètement ces matières avant de formuler un système applicable à toutes les communes, et de nature à pouvoir être accepté également par les villes.

C'est dans ce sens que j'ai formulé la proposition qui a été adoptée par la section centrale. Je crois que l'honorable M. Rodenbach ne peut pas demander autre chose : la loi prescrira la révision dans un délai déterminé.

M. le président. - M. Osy vient de déposer un nouvel amendement, qui porte la décharge à 33 fr.

Il y a donc maintenant quatre chiffres en présence quant au dernier paragraphe : celui de M. Osy, 33 ; celui du projet, 30.70 ; celui de M. Cools, adopté par la section centrale, 29.70 ; et celui de M. Dautrebande, 23.

M. Delehaye. - Je comprends très bien qu'après plusieurs jours de discussion, la chambre ait hâte d'en finir, et je serai très court.

Je regrette que M. le ministre des finances ait cru devoir invoquer l'opinion individuelle d'un distillateur. J'aime que l'on consulte les chambres de commerce et les personnes intéressées, mais je ne suis pas très grand partisan de l'opinion d'un industriel isolé consulté dans le cabinet du ministre.

Il est impossible, messieurs, qu'un distillateur n'ayant pas quelque intérêt caché puisse consentir à l'établissement du droit de 1 fr. 50 c ; je dis que ce droit est incontestablement la destruction des petits distillateurs dans les Flandres, où il n'y a guère que de petites distilleries.

En parlant de petites distilleries, qu'il me soit permis de dire un mot des observations de l'honorable M. de Denterghem.

Cet honorable membre voudrait que les distilleries agricoles fussent, tout à coup, mises dans les conditions où se trouvent les autres distilleries, tout en conservant les faveurs dont elles jouissent, quant au droit. Il veut que les distilleries agricoles puissent augmenter la capacité des cuves-matières, et employer des instruments beaucoup plus considérables que ceux qu'elles peuvent employer aujourd'hui ; mais la proposition de l'honorable membre aurait pour effet de placer les distilleries agricoles dans des conditions plus favorables qu'elles ne le'sont aujourd'hui.

L'honorable M. de Denterghem avait demandé que les distilleries agricoles aient la faculté d'augmenter leurs usines ; en même temps qu'il aurait désiré que les distilleries urbaines d'une importance donnée, ne soient pas obligées d'entretenir du bétail ni de cultiver des terres.

Je donnerais mon assentiment à son projet, mais déjà ces usines pour lesquelles il demande de nouvelles faveurs sont dans les conditions les plus favorables. Je l'ai démontré dans la discussion générale.

Je suis d'accord avec M. le ministre des finances, qu'il serait bon qu'on obtînt l,500,000 fr. Cependant je ferai remarquer à la chambre qu'aucun des travaux proposés n'est encore adopté et qu'il se pourrait que quelques-uns de ces travaux ne fussent pas exécutés ; et dans ce cas le chiffre que je viens de citer ne serait pas nécessaire.

Mais admettons que tous les travaux soient votés et exécutés ; je dis qu’avec l’amendement de l’honorable M. Manilius, vous avez beaucoup (page 1791) plus de chances d'obtenir la somme la plus élevée qu'avec la proposition de M. le ministre des finances.

Pour prouver la vérité de cette assertion, je ferai un retour sur ce qui s'est passé depuis 1830. En 1831 et en 1832 nous avions le droit de 22 centimes et nous percevions 2,000,000 de francs. Le droit fut porté de 22 centimes à 40 centimes ; eh bien, l'on ne reçut, somme ronde, que 3 millions. Plus tard, on augmenta le droit de 40 centimes à 60 centimes ; il aurait fallu recevoir 4,500,000 francs pour avoir une augmentation de recette proportionnée à l'augmentation du droit ; eh bien, on ne reçut que 3,700,000 francs.

De 60 c. on est monté à 1 fr. ; croyez-vous qu'on ait reçu moitié en sus ? Non, on a reçu à peu près la même somme qu'auparavant. Il est donc exact de dire que plus le droit sera élevé, plus la fraude sera considérable.

Hier, messieurs, un fait s'est passé à Anvers, on pourra le vérifier. Des distillateurs d'Anvers m'ont donné l'assurance positive que depuis hier des quantités considérables de genièvre hollandais ont été déposées à l'entrepôt libre de cette ville. Que signifie ce fait ?

Le commerce, en général, voit toujours parfaitement tout ce qui peut augmenter ses bénéfices ; eh bien, dans la prévision de l'adoption de cette loi, prévision qu'on a dû avoir par l'enthousiasme avec lequel les projets de travaux publics ont été accueillis, dans cette prévision l'on a déposé ces quantités de genièvre hollandais à l'entrepôt libre d'Anvers, pour les livrer à la consommation quand la loi sera publiée.

N'est-ce pas une preuve certaine que vous allez avoir des difficultés à percevoir la somme que M. le ministre des finances attend de la loi ?

Mais, dit M. le ministre, je vous fais une concession pour le dimanche. Cette concession est une très grande chose sans doute, et je l'en remercie quoique cette concession ne soit importante que sous le régime actuel ; sous ce régime on pourrait faire un léger sacrifice pour ne pas travailler le dimanche ; mais lorsque le droit sera augmenté cela ne se fera pas. En effet sous le régime de la nouvelle loi, force serait de commencer le travail parce que le chômage entraînerait un trop grand sacrifice.

A l'appui de son opinion, M. le ministre nous a dit qu'il fallait 24 heures cinq minutes pour l'opération parfaite de la distillerie. En thèse générale, cela est vrai ; mais cinquante circonstances peuvent avoir pour effet qu'il n'en soit pas ainsi. Quand fait-on le sacrifice des droits ? C'est quand le grain est cher ; alors on sacrifie les droits pour économiser les céréales. Quand, au contraire, le grain est à bas prix, on le sacrifie, pour gagner le droit.

Voilà, messieurs, ce qui se pratique, et je suis certain de n'être contredit par aucun des distillateurs des Flandres.

Je n'ajouterai plus qu'un mot ; je voudrais, je le dis franchement, loyalement, je voudrais pouvoir donner mon assentiment au projet de loi ; mais la chambre ne peut pas vouloir que, représentant d'un des districts les plus importants du pays, j'approuve un projet de loi contraire à ses intérêts.

L'honorable M. Manilius vous a exprimé le même sentiment ; mais il importe que notre opinion ne soit pas mal interprétée. Les distillateurs, chez nous, n'appartiennent généralement qu'à la classe de la moyenne bourgeoisie qui travaillent sur une très petite échelle. Je ne sache pas qu'il y ait dans toutes les Flandres trois grands distillateurs. Tous les autres doivent faire de grands efforts pour se procurer une existence honorable. Eh bien, en présence de ce fait, en présence de ce qui s'est passé récemment à Anvers, je crois, en conscience, ne pas pouvoir donner mon assentiment au projet de loi, si avec la faculté concédée par M. le ministre, le droit n'est pas fixé à 1 fr. 50 c. Avec ce droit, les petits distillateurs pourront continuer à travailler, difficilement, sans doute, mais enfin ils le pourront ; et le trésor obtiendra plus qu'il n'obtiendrait avec le droit proposé.

Vous n'aurez pas du moins sacrifié une industrie qui rend de si grands services à l'agriculture, cette industrie qui, tout en prospérant, fertilise et enrichit en même temps une partie si considérable de notre territoire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est vraiment regrettable que, dans une discussion de ce genre, on se livre à de pareilles exagérations ; mais ces exagérations même vont directement contre le but de ceux qui croient pouvoir se les permettre. Elles se reproduisent chaque fois qu'on discute la même question : lisez la discussion des lois de 1837, de 1841 et de 1842, vous y verrez la même allégation suivant laquelle, avec une augmentation d'impôt on va détruire les distilleries ; elles périront, dit-on, cela est indubitable. La même affirmation est reproduite chaque fois exactement dans les mêmes termes et généralement aussi par les mêmes personnes, défendant exactement les mêmes idées, les mêmes intérêts.

M. Delehaye. - C'est chez nous que la réduction a eu lieu.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Chez vous la réduction n'a pas eu lieu. Voici le tableau des produits depuis 1828 ; vous pourrez y voir la condamnation de votre affirmation.

M. Delehaye. - J'ai parlé d'après vos chiffres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quels chiffres ? Je n'en ai pas cité.

M. Delehaye. - Sous l'empire du droit à 60 centimes vous avez perçu autant qu'avec le droit à un franc, ou du moins la différence est insignifiante. Le trésor a perçu à peu près la même chose avec les deux droits ; ce sont vos propres chiffres qui le démontrent.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Encore une fois, quels chiffres ? Je voudrais bien que vous me les indiquassiez. Citez des faits positifs, nous pourrons les contrôler, mais ne vous bornez pas à de simples affirmations.

M. Delehaye. - Sous l'empire du droit à 60 centimes vous avez perçu environ 3,700,000 francs ; avec le droit à un franc, vous avez obtenu environ 3,600,000 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous lisez mal les chiffres. Je vais rectifier immédiatement cette affirmation. En 1842, nous avons perçu 3,499,000 fr., partie au droit de 40 cent., partie au droit de 60 c, et partie au droit d'un franc. Ainsi, que pouvez-vous conclure de là ?

M. Delehaye. - Mais qu'avez-vous perçu avec le droit d'un franc ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En quelle année ?

M. T’Kint de Naeyer. - Donnez-nous votre propre moyenne.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En 1843, nous avons perçu 3,788,000 francs, partie au droit de 60 c. et partie au droit d'un franc, par la raison toute simple que des termes de crédit sont accordés et qu'ils ne viennent à expirer qu'a des époques postérieures à celles où les impôts sont augmentés. Citez-moi une perception faite complètement au droit de 60 c. pour la comparer à une perception faite intégralement au droit d'un franc et je pourrai contrôler.

M. Delehaye. - Prenez une année entière sous l'empire du droit d'un franc.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais il faudrait avoir aussi un chiffre intégralement produit par le droit à 60 centimes. Ce chiffre, je ne saurais pas le trouver, attendu qu'il n'a jamais existé ; je ne puis donc pas établir de comparaison. Que voulez-vous conclure de tout cela ? Une perception a été faite intégralement en 1847 au droit d'un franc ; mais la crise alimentaire a exercé pendant cette année une très grande influence sur les recettes, et nous n'avons perçu que 2,870,000 francs avec le droit d'un franc. Quelle conclusion voulez-vous tirer de là ?

Evidemment aucune. Je dis qu'on a produit la même affirmation à toutes les époques ; qu'on relise les discussions et l'on retrouvera les mêmes paroles, les mêmes allégations sur la ruine inévitable des distilleries, sur la fraude, sur les offres d'introduire à des prix très bas les produits étrangers. Aujourd'hui on nous parle de l'introduction en entrepôt de genièvre hollandais. Je n'ai pas eu le temps de vérifier le fait ; mais fùt-il même exact, on ne pourrait encore en tirer aucune conséquence contre le projet de loi.

Ce qui est évident, c'est que les distilleries dont on a si souvent annoncé la mort, en 1837 en 1841, en 1842 et en 1850 à l'occasion de la suppression du drawback, ont continué à subsister et qu'elles livrent encore la même quantité de spiritueux à la consommation.

Et quand vous auriez établi que des augmentations d'impôt n'ont pas produit mathématiquement la somme correspondante à ces augmentations, vous n'auriez encore rien prouvé, par la raison que j'ai déjà indiquée, que deux causes agissent dans ce cas, d'une part, une certaine réduction dans la consommation par suite des augmentations de droit, et, d'autre part, les progrès introduits dans la fabrication.

Voilà deux causes qui influent sur les recettes, causes qui ont été signalées à toutes les époques.

Nous ne pouvons donc pas nous arrêter à de semblables considérations. Nous ne pouvons pas nous arrêter non plus à l'affirmation de l'honorable M. Delehaye, qui déclare qu'avec 1 fr. 25 c. et la suppression du travail du dimanche, le trésor recevra 1,500,000 francs. Je déclare, moi, que cela est impossible. Quelle vraisemblance y a- t-il que ce chiffre puisse être atteint, alors qu'il est prouvé mathématiquement que cela est impossible.

Il ne suffit pas de raisonner, il faut encore démontrer. Faites des calculs et prouvez-moi comment avec 1 fr. 25 c. j'obtiendrai 1,500,000 francs, et supposez après cela qu'il y aura augmentation de consommation. Or, comment admettre la possibilité d'une augmentation de consommation en même temps qu'une augmentation d'impôt ? Comment admettre qu'aucun essai ne sera tenté pour obtenir un produit plus considérable alors que l'impôt sera augmenté ? Je fais la concession qu'on s'occuperait peut-être moins à chercher à produire davantage si le chiffre était seulement de 1 fr. 25 c. au lieu de 1 fr. 50 c ; mais, à votre tour, concédez-moi que la fraude s'exercera dans une certaine mesure ; donc encore une réduction ; et vous affirmez que j'aurai 1,500,000 fr., et vous reconnaissez qu'il est désirable de faire produire à cet impôt 1,500,000 francs de plus qu'il ne produit aujourd'hui. Que devient la logique ?

Il faut vouloir les deux choses, le produit et les moyens de l'obtenir ; vous ne pouvez pas l'obtenir par les moyens que vous indiquez. Je considère le droit que j'ai proposé, avec la concession que je fais pour le travail du dimanche, comme satifaisant à tous les intérêts des industriels qui, à un très petit nombre d'exceptions près, acceptent une pareille position.

M. Mercier. - Messieurs, il n'est question de droit d'accise qu à l'article premier ; les autres articles sont réglementaires. On conservera les pénalités prononcées en cas de contravention. Nous ne pouvons donc parler du droit qu'à l'article premier. Or, la section centrale modifie le droit perçu sur le produit des distilleries agricoles ; cette question se rattache à celle des octrois ; je ne puis donc m'empêcher de m'occuper ici des propositions que j'ai faites relativement aux octrois. D'ailleurs, c'est dans l'intérêt de la discussion. J'ai entendu plusieurs membres déclarer qu'ils voteront l'augmentation de 50 centimes si la disposition relative aux octrois est adoptée et que, dans l'incertitude, ils devront probablement s'abstenir.

La section centrale a fait droit au principe de ma proposition dans l'amendement qu'elle présente ; elle a voulu que toute protection, toute prime fût supprimée sur le produit des distilleries établies dans les (page 1792) villes ; sous ce rapport, elle partage entièrement mon opinion ; maïs elle ajoute qu'elle veut supprimer aussi la déduction de 15 p. c. accordée sous certaines conditions aux distilleries agricoles. En faisant cette proposition, elle n'a pas considéré que cette déduction n'est ni une faveur ni un privilège.

Le législateur en l'établissant a agi dans un intérêt général, dans l'intérêt agricole, et par contre il a imposé des restrictions qui entravent le développement de l'industrie et augmentent le prix de revient des produits de ces distilleries ; à titre de compensation, il leur a offert une déduction sur le montant de l'impôt. Cette déduction existe depuis longtemps ; sous le gouvernement des Pays-Bas, la loi de 1822 accordait une déduction, non de 15 mais de 20 p. c. ; elle l'avait surbordonnée à certaines conditions moins restrictives que celles qui ont été imposées depuis lors.

Les distilleries agricoles pouvaient avoir un alambic d'une capacité de dix hectolitres.

Comme aujourd'hui ces distilleries ne pouvaient avoir qu'un seul alambic, servant tant pour les bouillées de matière macérée que pour les rectifications.

Le distillateur agricole était tenu de nourrir et engraisser du bétail ; mais la quantité n'était pas déterminée.

La loi de 1837 n'a plus accordé de réduction qu'aux distillateurs qui ont un alambic d'une capacité de cinq hectolitres et au-dessous.

Elle a exigé, en outre, que les distillateurs de cette catégorie nourrissent au moins quatre têtes de gros bétail.

Enfin la loi de 1841, votée sur ma proposition, a imposé de nouvelles conditions aux distillateurs de cette catégorie ; elle exige, outre toutes les restrictions précédemment établies, que le distillateur nourrisse une tête de gros bétail et cultive par lui-même un hectare de terre pour chaque hectolitre et demi des vaisseaux soumis à l'impôt.

Ce n'est pas une faveur gratuite ; c'est une mesure prise dans un intérêt général ; tous ceux qui veulent se soumettre à ces conditions sont placés sous ce régime.

Intérêt industriel ; Intérêt financier ; Intérêt agricole.

Les deux premiers demandent de grandes distilleries.

Le dernier, des distilleries disséminées sur tout le territoire.

Le but est d'augmenter sur tous les points la masse du fumier et l'engraissement.

Dans l'industrie du distillateur plusieurs intérêts sont en cause ; l'intérêt financier, l'intérêt industriel et l'intérêt agricole. S'il ne s'agissait que de l'intérêt financier et industriel, nous souhaiterions qu'il n'y eût que de très grands établissements ; les produits seraient meilleurs et à meilleur marché, et la surveillance serait plus facile. Mais un puissant intérêt agricole se rattache à cette question ; c'est ce qui a fait accorder une déduction aux établissements qui ont principalement l'agriculture pour but ; ce n'est pas une faveur qu'on leur a faite, car, je le répète, on leur a imposé en même temps des restrictions qui entravent leur développement industriel.

Peut-on attribuer une origine et un but analogue aux octrois que les villes ont établis ? Y a-t-il là un grand intérêt public comme celui qui est engagé dans les distilleries agricoles ? Est-ce même en vertu d'un système arrêté par une loi ou par des règlements généraux que des droits protecteurs, des primes ont été établis par ces octrois ? Non, jamais on n'a posé en principe que les villes pourraient créer une protection en faveur des industries exercées dans leur sein contre la concurrence des autres localités du pays ; ce sont des abus qui se sont infiltrés peu à peu sans jamais avoir été autorisés par des lois particulières ou générales. Et cependant il ne s'agit pas là d'une protection de 15 p. c, mais de 200, 300 et 400 p. c. du montant des droits d'octroi.

Voilà dans quelle proportion les protections sont accordées aux distillateurs de certaines villes à octroi. Ces privilèges cependant ont toujours été interdits ; ce sont, je le répète,des abus qui se sont glissés au moyen de faux calculs présentés adroitement et qui n'ont pas été bien appréciés par l'autorité supérieure.

La loi fondamentale des Pays-Bas les prohibait formellement, comme le fait également la Constitution belge.

L'article 157 de la loi fondamentale, en parlant des taxes communales, portait :

« Les états veillent à ce que l'impôt n'établisse pas sur l'importation des produits du sol et de l'industrie d'autres provinces, villes ou communes rurales, des droits plus élevés que ceux perçus sur le produit du lieu même où l'impôt est établi. »

Un arrêté du 10 novembre 1826 a appliqué spécialement ce principe à l'entrée et à la fabrication des bières.

C'est dans le même esprit que l'article 108 de notre Constitution fait intervenir le Roi et le pouvoir législatif dans les taxes communales pour empêcher que les conseils communaux ne blessent l'intérêt général, et que l'article 112 porte qu'il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts.

Cette disposition concerne aussi bien les associations et les communes que les personnes isolées.

Ce sont donc des abus qui se commettent au mépris des lois que nous avons à faire disparaître.

Ainsi pour les octrois, ce sont des abus, qui se sont glissés au mépris des lois, abus qu'on doit s'empresser de faire disparaître aussitôt qu'ils sont signalés, et qui n'ont que trop longtemps existé.

C'est ce qu'a reconnu l'honorable rapporteur de la section centrale au sujet de la loi du 5 mars sur le drawback.

Un honorable membre de cette chambre, quoique bourgmestre d'une grande ville, nous disait également qu'il y avait évidemment là des abus, qu'il ne défendrait pas.

Une objection élevée contre mon amendement, c'est qu'il existe des doutes sur le rendement vrai que l'on obtient d'un hectolitre de matière macérée. Mais ces doutes ne peuvent s'appliquer au rendement modéré que je propose ; il est de six litres et demi. Il est de notoriété que le rendement est de beaucoup supérieur.

Déjà la loi de 1822 avait fixé le rendement à plus de 7 litres en moyenne. Or, depuis ce temps, l'industrie a fait beaucoup de progrès. Le rendement est supérieur, aujourd'hui que l'industrie a fait de grands progrès.

Indépendamment de ces progrès et de la notoriété publique, nous avons l'autorité de M. le ministre des finances ; lorsqu'il s'agissait du drawback à l'exportation des genièvres, il nous fit communication d'une lettre qu'il avait reçue, disait-il.

Voici le passage cité :

« Aucun distillateur n'oserait soutenir que le rendement d'un hectolitre de matière n'est pas 6 1/2 litres. »

Voilà, dit M. le ministre, ce que déclare un distillateur parfaitement compétent : « Il ne fait, au surplus, que confirmer des faits qui sont à la connaissance parfaite de l'administration. »

L'honorable rapporteur de la section centrale, dans la discussion, nous a appris qu'un rapport du contrôleur des accises prouvait qu'à Anvers on obtient aujourd'hui ? litres par hectolitre de matière en vingt heures.

L'honorable M. Deliége, en invoquant les paroles de l'honorable M. de Brouckere, disait : « Que fait-on dans les villes ? Par le système de drawback on accorde des primes au détriment des industriels des campagnes. »

Que fait l'administration delà ville d'Anvers ? Elle a fixé le rendement à 6-60, mais prévoyant que ce rendement était insuffisant, cette administration si longtemps dupe du système de prime parce qu'elle ne percevait presque rien, quelques milliers de francs seulement, là où elle aurait dû voir entrer dans ses caisses 50 à 80 mille francs. Elle a pensé que ce rendement de 6-60 élait probablement trop faible pour lui garantir le revenu qu'elle avait en vue, et elle a stipulé qu'un minimum de 45 mille francs serait en tout cas versé dans les caisses communales.

Vous voyez donc, messieurs, que le doute ne peut pas exister lorsqu’il ne s'agit que d'un rendement de six litres et demi. Or mon amendement est basé sur ce rendement.

Je l'ai donc évalué au-dessous de ce qui est de notoriété publique, au-dessous de ce qui est à la parfaite connaissance de l'administration.

On a allégué différents motifs pour prouver que les villes sont en droit d'accorder un certain avantage aux produits des distilleries établies dans leur sein.

Ces motifs sont en général sans fondement ou ne pourraient tendre qu'à une protection d'une petite fraction de centime.

Je citerai celui que l'on invoque principalement et qui a rapport au droit d'octroi qui frappe le combustible employé dans les distilleries.

D'après des calculs qui ont été faits, on brûle environ 150 kil.de houille, en moyenne, pour la production de 100 litres de genièvre dans les distilleries ordinaires, et 100 kil.dans les distilleries perfectionnées.

L'octroi sur la houille est à Anvers de 11 centimes les 100 kil. C'est donc environ 1/9 de centime par kil. Et comme il n'y a dans cette ville que deux distilleries bien perfectionnées, il s'ensuit que cette charge n'est que de 1/9 de centime par litre, et cependant la surtaxe à l'entrée est de 4 centimes 29/100.

A Gand, l'octroi est de 5 1/2 cent, l'hectolitre, c'est environ 7/100 de centime par litre pour ceux qui ont des appareils perfectionnés ; et 1/10 pour les autres.

A Tournay, le droit n'est que de 4 cent. par hectolitre, cependant le droit à l'entrée est quadruple de celui qui est établi à la fabrication.

A Bruxelles, le droit est plus élevé, il est de 40 centimes les 100 kil.

C'est donc 4/10 de centimes par litre d'eau-de-vie dans les distilleries perfectionnées, et 6/10 dans les autres.

On voit que l'augmentation de prix qui peut résulter du droit d'octroi sur la houille est, en général, insignifiante et qu'elle n'a une importance d'ailleurs très faible qu'à Bruxelles.

Depuis longtemps, disait l'honorable rapporteur de la section centrale, les distillateurs agricoles et ceux qui sont établis dans les localités oû il n'y a pas d'octroi font entendre des plaintes amères, et prétendent qu'ils ne pourront plus soutenir la concurrence contre les distillateurs des grandes villes à cause des avantages accordés à ceux-ci par les règlements communaux.

On nous dit que le prix de la main-d'œuvre, que les loyers des habitations, des usines et des magasins, sont plus élevés dans les villes que dans les autres communes ; ces observations s'appliquent à toutes les industries ; cependant on ne voit pas les industries déserter les villes pour se fixer dans les communes rurales ; c'est le contraire qui arrive.

Au surplus, quant à la main-d'œuvre, il n'y a pas d'industrie qui en réclame moins que celle du distillateur.

Quelques ouvriers seulement suffisent au plus grand établissement. D'ailleurs, si pour de semblables motifs on accorde une protection aux produits des distilleries, il faut en agir de même à l'égard de tous les (page 1792) produits des industries qui s'exercent dans les villes. Il n'y a aucun motif pour ne point leur accorder la même protection.

Je dirai que chaque industrie doit choisir le siège qui est le plus favorable à ses intérêts. Il y a des industries qui peuvent s'exercer plus utilement dans telle localité que dans telle autre. Ainsi l'industrie métallurgique doit se rapprocher des houillères ; le commerce appartient aux villes du littoral. D'autres industries qui ont pour objet les denrées coloniales se porteront du même côté. L'industrie des distillateurs s'exerce-t-elle avec plus d'avantage dans les communes rurales ? Cela est douteux.

Les villes offrent toujours un immense avantage par le grand nombre de consommateurs qui y trouvent les produits du distillateur.

L'honorable M. Delehaye, le seul qui se soit occupé jusqu'ici de cette question, faisait l'objection que cette mesure tournerait au détriment des distillateurs des communes rurales eux-mêmes, parce que les distillateurs des villes iraient s'établir à la campagne.

D'abord je ne crois pas que les distillateurs des villes aillent, malgré cette disposition s'établir ailleurs que là où ils se trouvent et où ils ont de nombreux consommateurs. Mais lors même qu'il en serait autrement, je ne vois pas le préjudice qui en résulterait pour les distillateurs des campagnes. Il n'y aurait qu'une seule différence pour ces derniers, c'est qu'au lieu de trouver des concurrents fortement privilégiés, ils trouveraient des concurrents placés dans les mêmes conditions qu'eux.

J'ai encore un point à toucher, c'est celui qui est relatif à la réduction du produit des octrois.

Messieurs, il n'y a, je crois, qu'une seule ville qui éprouverait un préjudice quelque peu notable de la mesure proposée ; un des amendements que j'avais présentés portait peut-être obstacle à ce qu'on pût dédommager facilement cette ville. Eh bien, ce premier amendement, je le retire. Je l'ai déjà retiré au sein de la section centrale. Je ne l'avais présenté que dans l'intérêt du trésor. Du moment que M. le ministre des finances, qui est le défenseur du trésor, ne me vient pas en aide, j'abandonne cet amendement.

Je reconnais cependant qu'il faut que les administrations communales aient quelque temps pour revoir leurs taxes municipales s'il y a lieu. Je modifie donc mon amendement en ce sens que l'égalité ne sera établie qu'à partir du 1er janvier 1852.

L'honorable ministre des finances avait proposé en section centrale, après des débats assez longs, une disposition très simple ; c'est celle-ci :

« Les octrois communaux, en ce qui concerne les eaux-de-vie indigènes, seront revisés au plus tard le 1er juillet 1852. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'avais dit le 31 décembre.

M. Mercier. - Peu importe. C'est sur le fond que je veux parler. '

Nous avons trouvé que cette disposition était trop vague, qu'elle n'avait pas de signification et qu'elle n'avançait pas la question ; la section centrale a voulu que les bases mêmes de la révision fussent comprises dans la loi. J'aurais retiré mon amendement si ces bases avaient été indiquées dans celui qu'a proposé M. le ministre.

La section centrale a donc été d'accord pour comprendre dans la loi les bases de cette révision. Elle a cru qu'il fallait faire cesser la protection et les primes qui sont accordées aujourd'hui aux produits des distilleries des villes au détriment des distilleries établies à la campagne.

La section centrale a voté ce principe, et en même temps elle en a voté un second : c'est, comme je l'ai dit, la suppression des 15 p. c. accordés aux distillateurs agricoles, non pas à toutes les distilleries établies dans les communes rurales, mais seulement à une catégorie d'enlre elles.

Je me suis expliqué à cet égard. Je me borne en ce moment à faire remarquer que l'amendemement de M. le ministre des finances ne fait pas faire un pas à la question, n'énonce absolument rien quant au principe. Je veux bien que, quant au chiffre, on laisse au gouvernement le temps nécessaire, mais quant au principe, il faut qu'il soit dans la loi.

Nous trouvons aujourd'hui une occasion qui ne se présentera peut-être plus de rectifier un abus criant qui dure depuis trop longtemps.

M. le président. - Ainsi, M. Mercier propose de rédiger son amendement de cette manière :

« A partir du 1er janvier 1852, l'égalité sera établie entre les taxes municipales sur la fabrication de l'eau-de-vie indigène qui sont perçues à la fabrication, celles qui sont prélevées à l'entrée des villes et communes à octroi et la décharge des mêmes taxes à la sortie ; à cette fin, le minimum de la production par hectolitre de matière mise en macération, a raison d'un renouvellement par 24 heures au plus, est fixé à 6 1/2 litres d'eau-de-vie, marquant 50 degrés de l'alcoomètre de Gay-Lussac à la température de 15 degrés au thermomètre centigrade. Si l'eau-de-vie marque un degré de concentration supérieur ou inférieur, la quantité sera augmentée ou diminuée dans la proportion de la différence.

« Des arrêtés royaux pourront modifier ces bases, savoir : par une augmentation de production par hectolitre de matière et par une diminution de durée de travail de macération, à mesure que les faits auront été constatés par l'administration ou que de nouveaux procédés auront été ntroduils dansles distilleries. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous nous écartons de la discussion de l'article premier, cela est manifeste. Nous nous occupons d'un objet qu'on peut dire étranger à la loi.

M. de Theux. - Pas du tout.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais ce sont des articles additionnels que l'on propose. Il est impossible de dire que les articles rédigés par l'honorable M. Mercier se rattachent à l'un ou l'autre des articles du projet de loi.

Lorsque la section centrale a eu à examiner ces propositions, j'ai été appelé dans son sein. J'ai fait valoir de nombreuses objections. J'avais dû prendre très rapidement l'avis de mon collègue de l'intérieur, qui a les octrois dans ses attributions, pour savoir quelle était également son opinion sur ces amendements.

Nous avons été unanimes à reconnaître que ces amendements, et l'honorable M. Mercier le reconnaît lui-même, puisqu'il est obligé de modifier ses propositions, que ces amendements, dans les termes où ils étaient présentés, étaient tout à fait inacceptables.

Nous n'avons pas méconnu que le système actuel des octrois, en ce qui touche la fabrication des eaux-de-vie indigènes et l'introduction des eaux-de-vie dans l'intérieur des communes, présente des vices patents, manifestes et qu'il y a lieu d'y introduire de profondes améliorations. Nous l'avons reconnu. Nous déclarons en outre que nous sommes disposés à introduire ces améliorations ; mais nous demandons, messieurs, qu'une mesure aussi grave, qui intéresse à ce point l'industrie, qui intéresse à ce point les finances des communes, ne soit pas prise aveuglément, sans examen.

Il est évident qu'on n'avait pas examiné, puisque les seuls faits que j'ai cités ont arrêté l'auteur des amendements ; il a été obligé de modifier sur-le-champ ses propositions. On arrivait à des conséquences très fâcheuses si ses amendements avaient été adoptés.

En suite de cela, j'ai proposé une disposition qui était de nature, je pense, à satisfaire les plus exigeants. J'ai déclaré qu'il y a là matière à révision, qu'il y a là des abus. J'ai proposé de déterminer une époque endéans laquelle cette révision aurait lieu. Je maintiens cette proposition.

La section centrale a dit avec beaucoup de raison : Si l'on veut adopter les modifications que propose l'honorable M. Mercier, si on veut déterminer qu'il faut établir un rapport d'égalité entre le droit à la fabrication et le droit à l'importation, si l'on ne veut de protection pour personne, de privilège pour personne ; si la Constitution défend toute espèce de privilège en matière d'impôts, vous arrivez nécessairement à la suppression de la protection que vous accordez aux distilleries agricoles.

Je défie que l'on cite une seule raison contre les octrois communaux, tels qu'ils sont établis, qui ne s'applique directement, mot à mot, à la protection que la loi accorde aux distilleries agricoles.

M. Mercier. - J'ai cité ces raisons.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'en avez pas cité ; ce sont de pures distinctions qui ne résistent pas au moindre examen.

Que dit-on, en faveur de l'octroi tel qu'il est établi ? On dit : les distillateurs qui se trouvent dans les villes sont soumis à des conditions beaucoup plus onéreuses que ceux qui se trouvent à la campagne.

Ils ont des loyers plus élevés à supporter ; ils ont une main-d'œuvre plus chère ; ils supportent des droits d'octroi sur des matières qu'ils emploient ; ils supportent des droits d'octroi sur toutes les matières qui servent à leur alimentation. Ils ne sont donc point placés dans des conditions identiques à celles faites aux distillateurs à l'extérieur des villes. De là, dit-on, la nécessité de certaines différences entre les droits à établir à l'intérieur et à l'exportation.

Que dit-on en faveur des distilleries agricoles ? On dit quelles ne sont pas placées dans les mêmes conditions que les distilleries des villes ; qu'elles n'ont pas d'aussi grandes facilités de production ; qu'elles n'ont pas les mêmes avantages quant au nombre de consommateurs.

Toutes les raisons données de part et d'autre sont identiques. Il faut les appliquer logiquement, loyalement dans tous les cas.

L'honorable M. Mercier cherche une autre raison.

Il dit : La protection que l'on a accordée aux distilleries agricoles n'a pas été déterminée par l'intérêt de certains distillateurs ; ce n'est pas pour l'intérêt de cela qu'on a fait la distinction ; c'est dans l'intérêt général ; c'est dans l'agriculture.

M. Mercier. - Il y a des conditions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne comprends pas véritablement l'objeclion que me fait l'honorable M. Mercier. Il y a des conditions. Mais supprimez la déduction et il n'y aura plus de conditions. La déduction de 15 p. c. ne se fera plus, mais aussi on sera parfaitement libre d'avoir des appareils d'une capacité supérieure à cinq hectolitres, on ne sera pas obligé de cultiver une certaine étendue de terre, d'entretenir un certain nombre de têtes de bétail.

Ne vous faites pas un titre des obligations qu'on impose aux distilleries agricoles puisqu'elles disparaîtraient en même temps que disparaîtrait la protection. (Interruption.) Permettez. Quand on veut être juste, il faut être juste pour tout le monde. Vous dites que c'est dans l'intérêt général qu'on a fait cela, eh bien je fais un appel aux défenseurs les plus ardents des distilleries agricoles et je leur demande si, dans l'état actuel de la législation, le but est atteint et si les distilleries qualifiées agricoles sont des distilleries d'un autre genre que les autres distilleries du royaume ? Il n'y a aucune espèce de différence. Je comprendrais très bien que les distilleries placées dans telles localités, dans les landes, au milieu des terrains incultes, faisant tels ou tels travaux, engraissant tel nombre de têtes de bétail, je comprendrais très bien, dis-je, que des distilleries placées dans ces conditions jouissent de certains avantages. Mais qu'on dise qu'une distillerie, établie à la porte de la ville, (page 1793) produisant tout autant que les distilleries de l'intérieur de celle ville, produisant les mêmes quantités, obtenant les mêmes produits, travaillant les mêmes quantités de matières...

M. de Steenhault. - C'est l'abus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de Steenhault, dont certainement le témoignage n'est pas suspect, me dit : « C'est là l'abus. »

Il faut donc réviser tout cela ; il faut réviser toute cette législation. Eh bien que dit la section centrale ? Elle dit précisément que l'on révisera le tout : on révisera l'octroi ; on révisera cette partie de la législation, que tout le monde reconnaît vicieuse ; mais on ne révisera pas sans consulter les faits, sans s'être assuré des avantages ou des inconvénients que peut produire la révision.

J'espère, messieurs, qnc nous sommes assez explicites : nous ne cachons rien, nous reconnaissons les abus ; nous en voulons la réforme ; et nous fixons le délai dans lequel cette réforme devra être opérée. Nous ne proposons pas le 1er juillet comme la section centrale ; il nous faut quelques mois de plus, mais nous consentons à ce que vous fixiez le 1er septembre. Dans ce délai, on révisera tout ce qui concerne soit les octrois, soit les distilleries agricoles, de manière à opérer une réforme bien mûrie et bien complète. C'est seulement ainsi que nous pourrons faire quelque chose de sérieux. Quant à déterminer dès à présent quelle sera la base de cette réforme, c'est ce qu'il est impossible de faire.

- La clôture est demandée.

M. Cools (sur la clôture). - Peut-être, messieurs, pourrions-nous facilement clore la discussion si M. le ministre voulait se prononcer sur tous les amendements qui devront être mis aux voix. Il en est sur lesquels nous ne connaissons pas l'opinion du gouvernement ; je citerai entre autres la question du drawback sur laquelle il y a 3 ou 4 amendements.

M. le président. - L'opinion du gouvernement est formulée dans le projet de loi.

M. de Theux. - Il est bien entendu qu'on pourra discuter ultérieurement l'amendement de l'honorable M. Mercier.

- Plusieurs voix. - Oui ! oui !

M. le président. - Comme articles additionnels.

M. de Theux. - Quant à moi, je considère la question des octrois comme une question vitale pour cette industrie ; c'est pourquoi mon opinion sur la hauteur du droit est subordonnée à la solution que recevra la question de l'égalité du commerce de commune à commune.

M. Van Grootven. - La suppression de tout droit pour ceux qui ne travailleront pas le dimanche, et à laquelle le gouvernement vient de se rallier, exercera, j'en conviens, une certaine influence sur le produit de l'impôt. Par suite de cette importante concession, qui ne peut manquer d'être bien accueillie par tous les distillateurs, je consens à retirer mon amendement et me rallie à celui de mon ami, M. Manilius, élevant à 30 p. c. le chiffre de 25 p. c. que j'avais proposé.

M. Loos. - Quand on a demandé la clôture, j'ai pensé qu'elle devait être prononcée surtout au sujet de l'amendement de l'honorable M. Mercier, car c'est celui qui a été le plus longuement discuté. L'honorable M. de Theux demande si l'on pourra parler encore sur cet amendement et j'ai entendu répondre oui de plusieurs côtés. Il me semble au contraire que c'est particulièrement à cet amendement que devra s'appliquer la clôture si elle est prononcée. Quant à moi, je me réserve de parler sur l'une des dispositions générales de l'article, qui n'a pas encore été abordée.

M. le président. - Il y a plusieurs amendements à l'article premier, les amendements de l'honorable M. Mercier ne s'appliquent évidemment pas à cet article ; ce sont des dispositions additionnelles. On a demandé la clôture sur l'article premier et les amendements qui s'y rattachent ; c'est cette clôture que je vais mettre aux voix.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut d'abord que la chambre se prononce sur le paragraphe premier de l’article premier, attendu qu'il y aurait lieu à une modification si la proposition du gouvernement était admise.

Je crois que tout le monde sera d'accord.

L'article prmeier comprend d'abord un paragraphe premier relatif à la quotité du droit. J'ai fait connaître que si le droit était voté tel que le propose le gouvernement, j'introduirais un amendement en ce qui concerne le travail du dimanche. Cette proposition n'est que conditionnelle ; la présentation en est subordonnée au vote du paragraphe premier proposé par le gouvernement. Il ne faut donc clore la discussion que sur ce paragraphe pour qu'il soit permis de proposer une modification aune autre disposition du même article.

- La chambre prononce la clôture sur le paragraphe pemier.

M. le président. - D'après le projet du gouvernement, le droit serait de 1 fr. 50 ; M. Manilius propose 1 fr. 30 ; M. Van Grootven a retiré son amendement qui tendait à fixer le droit à 1 fr. 25 ; enfin M. Jacques propose 1 fr. 20.

D'après les usages établis, c'est le chiffre le plus élevé qui doit d'abord être mis aux voix.

M. Coomans. - Je pense, au contraire, qu'il faut voter d'abord sur l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition principale.

M. le président. - En matière de chiffres, on a toujours suivi l’usage de voter d'abord sur le chiffre le plus élevé. C'est donc le chiffre de 1 fr. 50 que je vais mettre aux voix.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal.

- Il est procédé à l'appel nominal sur la proposition du gouvernement.

81 membres y prennent part.

47 adoptent.

32 rejettent.

2 s'abstiennent (MM. de Theux et Faignart).

En conséquence, le chiffre de 1 fr. 50 est adopté.

Ont répondu oui : MM. Allard, Anspach, Boulez, Bruneau, Cans, Cumont, Dantrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Haerne, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Steenhault, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lebeau, Lesoinne, Loos, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vilain XIIII et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Ansiau, Clep, Cools, Coomans, David, de Breyne, Dedecker, de Denterghem, de La Coste, Delehaye, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de Renesse, de T'Serclaes, Jacques, Landeloos, Lelièvre, Malou, Manilius, Orban, Osy, Peers, Pirmez, Rolin, Roussel (Adolphe), Sinave, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven et Vermeire.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.

M. de Theux. - Messieurs, j'aurais voté le chiffre de 50 c. si j'avais eu mes apaisements sur l'égalité du commerce intérieur, c'est-à-dire sur la question des octrois soulevée par les amendements présentés par M. Mercier. Mais comme il est possible que ces amendements soient rejetés et qu'alors l'augmentation du droit aurait pour effet d'accroître l'inégalité déjà trop choquante qui existe, je ne lui ai pas donné mon assentiment.

M. Faignart. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de Theux.

M. le président. - Nous en venons au deuxième paragraphe, auquel se rattache l'amendement de M. Dautrebande.

M. Dautrebande. - D'après la déclaration de M. le ministre, je retire mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose de rédiger le deuxième paragraphe comme suit :

« Ce droit est exigible à raison d'un seul renouvellement de matières par 24 heures ; le distillateur qui travaille plus rapidement est tenu d'acquitter un droit supplémentaire proportionnel, à calculer sur les contenances utilisées en plus pour la macération et la fermentation des matières :

« Aucun impôt n'est dû dans les cas prévus par le paragraphe 3 de l'article 2 de la loi du 27 juin 1842. »

Dans le décompte à établir à l'expiration de chaque déclaration, pour constater le nombre des renouvellements, les jours de dimanche et de fête légale pendant lesquels les distillateurs déclarent n'effectuer aucun travail sont négligés. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

« § 4. L'impôt pour les distillateurs de fruits à pépins ou à noyaux est porté à 90 centimes sans déduction. »

- Adopté.

M. le président. - Reste le cinquième paragraphe relatif au drawback.

M. Cools. - Je croyais pouvoir me dispenser de prendre la parole ; je pensais que le gouvernement se serait rallié à mon amendement qui a été admis sans opposition par la section centrale ; puisqu'il n'en est rien, puisque M. le ministre a déclaré tout à l'heure de son banc qu'il maintenait le chiffre proposé par lui, je dois dire quelques mots.

La décharge d'après le projet est calculée sur un rendement de 5 3/4 ; d'après un calcul reposant sur ce chiffre, la prime est la même pour la décharge proposée avec l'impôt nouveau que pour celle qui existe aujourd'hui. Si au contraire le rendement est en réalité de 6 1/2, comme je le prétends, il y aurait augmentation d'un septième sur le taux de la prime. Cette prime, qui est comprise jusqu'à concurrence d'une somme de 6 fr. 62 c. dans la décharge actuelle, sera portée à 7 fr. 62 c, si on porte cette décharge à 30 fr. 70 c, comme le gouvernement l'a proposé. L'intention de la chambre sur les primes est connue ; si elle ne veut pas les abolir toutes brusquement, une majorité imposante s'est du moins prononcée contre toute extension qu'on voudrait encore leur donner, et cependant c'est une extension nouvelle que la chambre leur donnerait si elle n'adoptait pas mon amendement.

Que le rendement soit de 6 1/2 au moins, c'est ce que personne ne conteste, les intéressés eux-mêmes déclarent assez généralement qu'on peut facilement l'évaluer à 7. Le gouvernement vous a lu, l'année dernière, une lettre d'un grand distillateur, qu'il vous a déclaré être parfaitement exacte et sincère, où l'on disait que le rendement était de 6 1/2 au moins.

La chambre, malgré tout ce qui a été dit et écrit à ce sujet, pourrait encore adopter la proposition du gouvernement et croire qu'elle n'augmente pas la prime. Mais ce serait seulement dans le cas où elle consentirait bénévolement à accepter la fiction pour la réalité, pour autant qu'elle voulût bien accepter, sans examen, l'allégation que le rendement (page 1794) en moyenne, ne dépasse pas 5 3/4. Mais si, sous ce rapport, elle veut s'en tenir à ce qui est vrai, elle ne consentira pas à voter un chiffre supérieur à 29-70.

Une proposition a été faite par l'honorable M. Osy ; celle-là manque complètement de base.

L'honorable membre a fait ce raisonnement ; la décharge est aujourd'hui de 22 fr., on augmente le droit de 50 p. c ; pour rester dans la proportion, il faut porter la décharge à 33 fr. Il n'a pas fait attention que dans la décharge il y a deux choses : la restitution du droit et la prime. Si on augmente la décharge dans la même proportion que le droit, la prime ira nécessairement en augmentant. Avec la proposition de M. Osy, la prime sorait portée de fr. 6-62 à 9-92 c. Je n'en dirai pas davantage sur cette proposition, chacun comprendra qu'elle manque complètement de base.

M. Rodenbach. - La question du drawback est très importante ; des notes sur cette question ont été envoyées qui n'ont pas été communiquées à la chambre, nous sommes en séance depuis midi, je demande le renvoi à demain.

M. Lebeau. - La chambre est fatiguée de cette longue discussion. On va étrangler la discussion d'une des dispositions les plus importantes au point de vue fiscal comme au point de vue des principes ; ce n'est pas par la lassitude qu'on tranche des questions semblables.

- La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures 40 minutes.