(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1427) M. Dubus fait l'appel nominal à une heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. de Luesemans lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Le sieur Randaxe prie la chambre de statuer sur sa demande tendante à recouvrer la qualité de Belge. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Plusieurs professeurs, littérateurs, artistes, industriels proposent à la chambre d'assimiler la propriété intellectuelle à la propriété ordinaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Rodenbach. - Messieurs, on a déjà adressé à la chambre beaucoup de pétitions sur cet objet. Les personnes qui ont signé celle dont il s'agit en ce moment sont très honorables et très connues. Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Plusieurs habitants d'Isque réclament l'intervention de la chambre pour que le gouvernement se fasse donner un rapport détaillé sur la nomination du secrétaire communal. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Bocarmé demande un congé.
- Accordé.
M. de Denterghem demande un congé de trois jours.
- Accordé.
M. le président. - La section centrale du budget de l'intérieur, chargée, comme commission spéciale, de l'examen des crédits supplémentaires demandés en dernier lieu par le département de l'intérieur, a été complétée par le bureau de la manière suivante : MM. Destriveaux et Vilain XIIII remplacent MM. Cumont et Mascart, absents.
M. Thiéfry. - Messieurs, j'espérais voir M. le ministre de la guerre parmi nous lorsque la chambre a discuté le budget de la dette publique. Si M. le ministre avait été présent j'aurais profité de cette occasion pour lui faire une demande que je prierai l'un ou l'autre de ses honorables collègues de vouloir bien lui transmettre. M. le ministre de la guerre nous a promis un rapport complet sur l'organisation militaire. Je propose à la chambre de vouloir bien inviter M. le ministre à nous envoyer ce travail à domicile dans trois ou quatre mois au plus tard ; de cette manière, nous aurons tout le temps nécessaire pour l'étudier et l'examiner avec fruit; sinon, nous ne serions mis en possession de ce document qu'au mois de novembre ou de décembre. Comme ce rapport sera excessivement volumineux, nous n'aurions pas le loisir de l'examiner avec le soin que cet objet exige.
Si cette proposition était appuyée par la chambre, je suis persuadé que M. le ministre de la guerre y aurait égard. (Appuyé ! appuyé!)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, M. le ministre de la guerre m'a entretenu, ces jours derniers, du travail annoncé à la chambre. Ce travail sera très volumineux. Si la chambre considérait le rapport comme déposé dans cette session , et si le rapport est terminé à temps, on pourrait en commencer l'impression, et peut être le distribuer avant la session prochaine.
M. Thiéfry. - En faisant ma proposition, je n'ai eu pour but que de donner aux membres de la chambre tout le temps nécessaire pour examiner le travail qui nous a été promis par M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'observation sera communiquée à M. le ministre de la guerre. Je ne doute pas qu'elle ne rentre dans les intentions de mon collègue.
Nous aurons aussi sans doute à distribuer, entre les deux sessions, certains projets de loi que nous nous proposions de déposer à la fin de la session et qui sont accompagnés de développements assez volumineux. Il y a, entre autres, un projet de loi relatif aux sociétés de secours mutuels.
M. Cans. - Je suppose que le rapport de M. le ministre des affaires étrangères sur les effets de la loi des droits différentiels, qui a été déposé dans l'une des dernières séances, sera distribué dès que l'impression en sera terminée.
M. Thiéfry, questeur. - Assurément !
M. Orts. - Je voulais faire, relativement à un autre objet, une observation analogue à celle qu'ont présentée les honorables MM. Thiéfry et Cans.
Nous attendons, depuis assez longtemps, des renseignements importants sur le projet de loi relatif aux modifications à apporter à la contribution personnelle. Le caractère volumineux de ces documents, n'a pas permis, paraît-il, de les distribuer plus tôt. Pour qu'ils soient utiles dans la discussion du budget des voies et moyens, il faudrait que la distribution s'en fît, si cela était possible, dans l'intervalle des deux sessions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On fera ce qu'il sera possible de faire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est bien entendu que je ne puis prendre d'engagement formel, au nom de mon collègue de la guerre. La chambre doit désirer avoir un travail complet. Tous les efforts seront faits pour que le travail soit complet, et que la distribution ait lieu dans l'intervalle des deux sessions.
M. Dedecker. - Une pétition du conseil communal de Grammont, qui réclame contre la nomination d'un membre de la commission des hospices, a été renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications. Je prierai M. le ministre de vouloir bien nous donner ces explications dans la séance de demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous tâcherons de fournir ces explications. J'ignorais qu'il y eût urgence.
M. Jacques. - Au nom de la section centrale du budget des travaux publics, qui a examiné le projet de loi apportant des modifications à la concession du chemin de fer de Namur à Liège, j'ai l'honneur de déposer le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met la discussion de ce projet de loi à la suite de l'ordre du jour.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Quiconque ayant droit aux sommes provenant de la caisse de consignation du ci-devant grand conseil de Malines, de la caisse du dépositaire général en Hainaut ou de la caisse de consignation du magistrat de Gand, n'aura pas, dans les formes voulues, adressé sa requête à la cour d'appel de Bruxelles ou à la cour d'appel de Gand, respectivement désignées pour y statuer, dans l'année à compter du jour de la publication de la présente loi, sera déchu de tout droit de réclamation à charge de l'Etat du chef de ces sommes, sauf son recours contre celui qui les aura indûment reçues. »
- Adopté.
« Art. 2. Sera également déchu de tout droit de réclamation à charge de l'Etat, quiconque ayant provoqué la consignation lesdites sommes ou y ayant fait saisie-arrêt ou formé opposition à leur remise, n'aura pas, dans les formes prescrites, adressé sa requête à la cour d'appel compétente, dans les trois mois à compter du jour de la publication, par la voie àu Moniteur, de l'arrêt qui aura ordonné les publications et interpellations requises, sauf son recours contre le débiteur par les voies ordinaires. »
- Adopté.
« Art. 3. Seront définitivement acquises au trésor de l'Etat les sommes provenant desdites caisses de consignation dont le remboursement n'aura pas été réclamé par les ayants droit dans l'année à compter du jour de la publication des extraits des registres originaux et documents relatifs auxdites consignations. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 66 membres présents.
MM. Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret. Julliot, Lange, Le Hon, Lesoinne, Manilius, Mercier, Moncheur, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Sinave et Verhaegen.
(page 1434) M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la commission spéciale à laquelle vous avez renvoyé le projet de loi concernant un prêt de 1,300,000 fr. à faire à la compagnie concessionnaire des chemins de fer de Liège à Namur et de Manage à Mons, s'est réunie ce matin.
Elle ne peut s'empêcher d'exprimer ses regrets de ce que le gouvernement ait attendu jusqu'à la fin de la session pour présenter une loi qui soulève des questions de la plus haute gravité et à l'examen desquelles elle n'a pu consacrer qu'une séance.
Le rapport verbal, que je vais avoir l'honneur de vous soumettre, s'en ressentira nécessairement.
La commission a appelé dans son sein M. le ministre des travaux publics; ce haut fonctionnaire lui a fait connaître les circonstances qui ont déterminé le gouvernement à présenter immédiatement le projet de loi et à insister pour que la législature n'en diffère pas la discussion.
Lé projet de loi soulève trois questions :
1° L'Etat a-t-il un intérêt direct à ce que l'embranchement du chemin de fer concédé, compris entre Flémalle et la station des Guillemins à Liège, soit exécuté dans le plus bref délai possible ?
2° Le gouvernement n'a-t-il pas entre les mains les moyens nécessaires à l'effet de contraindre la société à exécuter cet embranchement, sans lui faire une avance de 1,300,000 francs?
3° Quelles sûretés et conditions convient-il de stipuler pour faire cette avance ?
La réponse à la première question dépend uniquement du plus ou moins d'inquiétude que doit inspirer la situation du pont du Val-Benoît. En effet, si le passage des convois par ce pont était interrompu, soit par un accident, soit par la nécessité d'y exécuter des réparations, on peut aisément se figurer quelle perturbation il en résulterait non seulement pour le commerce en général, mais encore pour les recettes du chemin de fer.
Il est évident que nos relations avec l'Allemagne par cette voie seraient complètement interrompues, et le préjudice qui en résulterait pour le commerce d'exportation et de transit serait incalculable.
Si, au contraire, l'embranchement de la rive gauche depuis le pont du Val-Saint-Lambert jusqu'à la station des Guillemins est exécuté, les inconvénients que l'on pourrait redouter ont peu d'importance.
En effet, dans ce cas, les convois de l'Etat suivraient la ligne concédée depuis le côté du pont du Val-Benoît, qui fait face à Liège, jusqu'au point de bifurcation du tronc principal et de l'embranchement près du pont du Val-Saint-Lambert, traverseraient celui-ci, et reprendraient la la ligne de l'Etat de l'autre coté du pont du Val-Benoit.
D'après les explications de M. le ministre des travaux publics, qui s'est rendu lui-même plusieurs fois sur les lieux, le pont du Val-Benoît est dans une situation telle que. bien qu'il ne présente aucun danger imminent, néanmoins il y a lieu de prévoir la possibilité d'une interruption de passage er de songer au moyen de rétablir éventuellement les communications interrompues.
La commission a reconnu, d'après les renseignements qui lui ont été donnés, que l'on ne pourrait pas songer à faire transporter les marchandises par chariots depuis la station des Guillemins jusqu'à la station la plus voisine au-delà de la Meuse.
En supposant d'ailleurs que ce système fût praticable, il suffirait sans doute, pour le repousser, de vous rappeler, messieurs, ce qui s'est passé lors de l'éboulement du tunnel de Cumptich, et les dépenses énormes qu'a coûtées l'établissement d'une voie provisoire.
Il n'y aurait donc guère qu'à faire passer les convois par Bruxelles et Namur, par le chemin de fer concédé, sur la rive gauche jusqu'au pont du Val-Saint-Lambert, puis enfin, depuis le pont du Val-Saint-Lambert, sur la rive droite, jusqu'au point où le chemin de fer concédé se relie à celui de l'Etat, de l'autre côté du pont du Val-Benoit.
En ce qui concerne la deuxième question, il est certain que la compagnie concessionnaire est tenue d'exécuter l'embranchement de la rive gauche, simultanément avec celui de la rive droite, sans que le gouvernement vienne à son aide.
Le gouvernement pouvait l'y contraindre de différentes manières : soit en mettant la compagnie en demeure, sous peine de tous dommages-intérêts; soit en provoquant sa déchéance, ou en suspendant l'approbation de tous les plans des travaux à exécuter sur le tronc principal, à moins que la compagnie n'exécutât l'embranchement de la rive gauche.
Ces moyens paraîtront, sans doute, d'une rigueur extrême si l'on considère qu'il s'agit d'une compagnie qui a exécuté pour plus de trente millions de travaux dans notre pays, et que des circonstances de force majeure mettent momentanément dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations jusqu'au bout.
D'ailleurs à quoi servirait-il d'employer contre elle l'un ou l'autre de ces moyens de contrainte, si elle né peut pas satisfaire à ses obligations?
Or, c'est ce qui paraît malheureusement bien constaté en fait. Le gouvernement est convaincu que la seule mesure praticable est de faire à la compagnie une avance de fonds, aux meilleures conditions et avec les meilleures sûretés possibles.
L'année dernière, la compagnie a été forcée de recourir à un emprunt de douze millions et demi, pour se procurer les moyens d'achever le tronc principal ; et bien que l'emprunt ait été émis à des conditions très favorables pour les prêteurs, elle n'a pu en placer que dix millions environ, avec le concours de la Société Générale, de la Banque de Belgique, de la Banque Liégeoise et de plusieurs capitalistes de Bruxelles, Liégé et Anvers.
L'embranchement de la rive gauche coûtera, selon toute apparence, deux millions environ. Toutefois, MM. Borguet et Lamarche, entrepreneurs de la compagnie, s'engagent envers le gouvernement à parachever les travaux moyennant une avance de 1,800,000 francs. D'un autre côté la Société Générale et la Banque de Belgique interviendraient chacune pour 250,000 francs. Il resterait pour le gouvernement, à prêter la somme de 1,300,000 francs indiquée par le projet de loi.
Le gouvernement peut-il faire cette avance avec une sûreté parfaite ? En supposant que les garanties laissent à désirer, peut-il contracter avec les meilleures sûretés possibles? Quelles sont les précautions à prendre? les conditions à stipuler? C'est ce que nous avons à stipuler.
Pour prouver au gouvernement qu'elle présentait les garanties les plus solides, la compagnie a dressé un tableau de sa situation financière et du degré d'avancement de ses travaux au 15 janvier 1850, que M. le ministre des travaux publics a mis sous les yeux de votre commission; il sera déposé sur le bureau pendant la discussion.
Au 1er juin prochain, la Compagnie aura dépensé, pour l'exécution de ses deux chemins, au-delà de 30 millions qui ont été produits par l'émission de 50,000 actions de 500 francs chacune et par l'emprunt mentionné plus haut.
Sa Société a joint à l'exposé de sa situation deux calculs des produits présumés de ses deux chemins, l'un d'après la moyenne des produits des lignes de l'Etat, l'autre d'après le mouvement actuel des transports des localités. Elle a cherché à prouver, par ce moyen, qu'elle peut compter, d'après la première de ces bases, sur un produit net de fr. 1,371,417-25, et, d'après la seconde, sur un produit net de fr. 2,570,511-57. Elle en conclut qu'en ne prenant que la base la moins favorable, il lui restera, après déduction de la somme à payer pour les intérêts de l'emprunt de 12,500,000 francs, une somme de 750,000 francs, qui lui permettra de payer les intérêts et d'amortir, en six années, le nouveau prêt de de 1,800,000 fr.
Votre commission croit inutile, messieurs, de signaler tout ce qu'il y a d'hypothétique dans ces évaluations.
Deux autres faits pourraient vous engager à refuser votre consentement au prêt que l'on sollicite, si des circonstances extraordinaires et les raisons de haute utilité que nous avons indiquées ne devaient pas nécessairement exercer une grande influence sur la décision que vous avez à prendre.
Par une des clauses de l'emprunt de 12,500,000 francs, non seulement cet emprunt a été privilégié sur tout l'actif de la société jusqu'à son remboursement, mais la société s'est interdit de contracter tout autre emprunt, à moins que le produit total ne soit consacré à l'extinction du premier.
D'un antre coté, un des présidents fondateurs a déposé, entre les mains du gouvernement, une protestation par laquelle « il déclare illégal et s'oppose formellement à tout subside ou prêt, sous quelque titre que ee soit, faite ou à faire à la Compagnie par le gouvernement belge ».
Cependant, en présence de l'intérêt majeur que présente pour l'Etat l'exécution de cet embranchement et qui a déterminé la commission des ingénieurs à conclure à ce qu'il fût exécuté, au besoin, même aux frais de l'Etat, le gouvernement ne croit pas que ces faits soient de nature à devoir vous détourner, messieurs, de consentir au prêt demandé.
En effet, quant au premier fait, il est à remarquer que, par une des clauses de l'emprunt de 12 millions et demi, il a été stipulé que, pour surveiller et assurer l'exécution des conditions de l'emprunt, dans l'intérêt des porteurs d'obligations, il serait institué une commission de trois membres à qui tous pouvoirs seraient donnés à cette fin, lesquels trois membres seraient nommés, l'un par la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale, l'autre par la Banque de Belgique, et le troisième par la Banque Liégeoise. Or, il paraît certain que ces trois commissions interviendront au nouvel emprunt pour l'approuver.
A l'égard de l'opposition précitée, quelles pourraient être les conséquences de ce que le gouvernement croirait ne pas devoir s'y arrêter? La compagnie serait-elle moins tenue de restituer la somme prêtée? Serait-elle moins tenue d'exécuter les autres conditions du contrat? L'avoir de la compagnie, les produits de l'exploitation cesseraient-ils d'être engagés? M. le ministre des travaux publics n'a pas hésité à repousser toutes ces objections.
L'actionnaire opposant ne pourrait pas méconnaître l'emploi utile du capital prêté, puisqu'il servirait à aider la compagnie à exécuter une obligation formelle, incontestable qui lui incombe et qu'elle ne saurait laisser inexécutée, sans encourir la peine de déchéance.
Il pourrait d'autant moins le méconnaître et contester les obligations résultant du nouvel emprunt, que le gouvernement, à défaut par la compagnie d'exécuter cet embranchement, serait, à la rigueur, en droit de l'exécuter lui-même en régie et aux frais de la compagnie.
Votre commission a porté son attention sur les conditions et stipulations de la convention à intervenir entre le gouvernement et la compagnie. En demandant que la législature lui accorde quelque latitude à cet égard, M. le ministre des travaux publics a cependant, dès à présent, indiqué les conditions principales de l'emprunt ; il a mis à cet effet sous nos yeux un projet de convention sur les bases suivantes :
Prêt de 1,300,000 francs par le gouvernement;
Prêt de 250,000 francs par la Société Générale;
Prêt de 250,000 francs par la Banque de Belgique ;
Le prêt de l'Etat serait effectué en titres de la dette publique de 3 p. c. qui sont à sa disposition et à la condition de rembourser en titres de la même nature.
M. le ministre des finances vous donnera à cet égard des explications plus étendues lorsque la discussion sera ouverte sur le projet de loi.
Moyennant l'avance de 1,800,000 francs, MM. Borguet et Lamarche s'engageraient personnellement envers le gouvernement, et à peine de tous dommages intérêts, à parachever l'embranchement de la rive gauche endéans les six mois.
L'intérêt serait de 5 p. c. et le remboursement devrait s'effectuer dans les six ans.
Pour sûreté du service des intérêts et du remboursement la société affecterait spécialement et par privilège tout son avoir et spécialement tous les produits des deux lignes, sans préjudice néanmoins du privilège précédemment consenti au profit des bailleurs de l'emprunt de 12 1/2 millions; et, en outre, les entrepreneurs subrogeraient le gouvernement à tous leurs droits et privilèges.
Si les motifs d'intérêt public, que nous avons signalés dans le cours de ce rapport et dont la gravité ne saurait être méconnue, semblent autoriser, jusqu'à un certain point, l'intervention du gouvernement au secours d'une compagnie privée, votre commission, d'accord avec le gouvernement, pense qu'il y a lieu de stipuler, au profit de l'Etat, certains avantages en compensation de cette dérogation aux principes d'une bonne administration.
Nous n'avons pu qu'applaudir, dans cet ordre d'idées, au soin que M. le ministre des travaux publics a eu d'imposer à la compagnie l'obligation de contribuer pour une moitié dans la dépense de construction d'un pont sur la Meuse, en face d'Andenne, et de stipuler en outre que l'indemnité que l'Etat pourrait avoir à payer, pour le passage éventuel de ses convois sur une partie du railway concédé, se réduirait à une part contributive dans les frais d'entretien de la voie publique. Nous pensons même qu'il serait équitable que la compagnie, en retour de la faveur exceptionnelle qui lui serait accordée, et qui ne pourra jamais tirer à conséquence pour l'avenir, dispensât l'État de toute indemnité de ce chef. Mais du reste, votre commission est persuadée que, dans la convention à intervenir, le gouvernement ne négligera rien pour sauvegarder les intérêts de l'Etat et stipuler les conditions les plus avantageuses.
En résumé, messieurs, votre commission ne s'est point dissimulé la gravité de la question qui été soumise à son examen. Toutefois, les causes d'urgence que le gouvernement lui a fait connaître et la responsabilité qui pourrait entraîner un refus d'intervention, si les communications par le pont du Val-Benoît venaient à être interrompues, ont déterminé votre commission à admettre, à la majorité de trois voix contre une et une abstention, le projet de loi qui vous a été proposé.
(page 1428) M. T’Kint de Naeyer. - La chambre entend-elle que ce rapport soit imprimé séparément? Il me semble qu'il suffirait de l'insérer au Moniteur, car autrement il serait impossible de faire distribuer ce rapport demain avant la séance.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je demande que la discussion ait lieu, au plus tard, demain si la chambre ne croit pas pouvoir discuter immédiatement.
M. Dumortier. - Ce rapport me paraît soulever de très graves questions dont plusieurs sont extrêmement importantes; notamment il faut savoir si les actionnaires se regardent oui ou non comme lésés, car il y a une protestation contre le projet de loi, par des fondés de pouvoir. On ne peut pas examiner de pareilles questions aux derniers jours de la session ; on ne peut pas faire de la chambre un hôtel à battre monnaie.
Il faut examiner des questions de cette importance sérieusement; notez qu'il s'agit de 1,300,000 francs.
Le rapport sera imprimé au Moniteur, cela va de soi ; mais, avec une épreuve du Moniteur, on peut le faire imprimer comme document de la chambre.
Quant à l'ordre du jour, on ne pourra le fixer que quand le rapport sera distribué.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je demande que la discussion soit fixée dès à présent à demain. Cela n'engage pas le vote de la chambre. Je démontrerai que les questions qui se rattachent au projet de loi ne sont pas aussi graves et n'engagent pas les intérêts de l'État, autant que le suppose l'honorable membre. I
M. Dumortier. - Je demande qu'avec le rapport on imprime les pièces, notamment la protestation.
M. T'Kint de Naeyer. - Cette protestation émane d'un directeur qui a cessé de faire partie de l'administration.
M. Dumortier. - J'ai entendu dire que cette protestation était sans importance, cependant elle a été adressée à la chambre par un fondé de pouvoirs.
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - La commission a rendu compte de tous les renseignements qui lui ont été soumis, mais je ne crois pas qu'une protestation isolée ait l'importance que l'honorable M. Dumortier y attache; je suis même convaincu que la lecture du rapport le fera changer d'opinion à cet égard.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Ce qui donne une certaine apparence de gravité au projet soumis à la chambre, c'est la franchise avec laquelle nous avons relevé toutes les objections qu'on peut faire. La protestation dont on a parlé n'a, selon nous, qu'une faible importance ; mais nous n'avons pas moins cru de notre devoir de la communiquer à votre commission, en même temps que toutes les autres pièces et tous les faits qui pouvaient exercer quelque influence sur votre décision.
- La discussion est fixée à demain.
M. le président. - Nous avons maintenant le tarif des voyageurs.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, on propose de discuter un projet extrêmement important.
Le projet qui a pour objet la modification des tarifs du chemin de fer va soulever des questions très graves. Il est impossible que la chambre s'en occupe en ce moment. Si ce projet doit être discuté à fond, il peut nous occuper pendant plusieurs jours.
Je demande la remise à la session prochaine; cela a d'autant moins d'inconvénients que le tarif actuel peut rester en vigueur jusqu'au 1er mars.
M. Dumortier. - Je suis prêt à aborder la discussion des tarifs, mais je reconnais qu'à la fin d'une session il serait difficile de suivre une discussion qui durerait plusieurs jours. Si M. le ministre se ralliait à la proposition de la section, je pense qu'il n'y aurait guère de discussion; mais j'entends dire qu'il ne s'y rallie pas ; nous devrions alors avoir une discussion très sérieuse, qui est impossible en ce moment; je le regrette, car nous avons besoin de ressources après tant de crédits que nous avons volés.
M. le ministre pourrait mettre son tarif à exécution, il ferait ainsi l'épreuve qu'il désire, ce serait le moyen le plus sage. Que M. le ministre applique son tarif par arrêté royal, comme tarif d'essai, la chambre resterait saisie du projet et elle aurait pu apprécier les effets du système quand elle serait appelée à le voter.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Si la chambre désire aborder la discussion du tarif du chemin de fer, je suis tout à ses ordres. Cependant je ne puis méconnaître qu'il est de nature à soulever une discussion assez sérieuse et probablement assez longue. Mon opinion est contraire à celle de la section centrale, quoiqu'elle soit déterminée, comme la sienne, par l'intérêt des finances ; c'est dans l'intérêt des finances que je m'oppose à l'adoption de sa proposition, dont l'application serait, à mon avis, désastreuse pour le mouvement des voyageurs et pour le produit des recettes.
M. Mercier. - Comme rapporteur de la section centrale , je suis prêt à aborder la discussion du projet de loi relatif au tarif du chemin de fer; mais je comprends que la chambre ne peut pas aborder sérieusement un projet de cette importance.
Je ne puis toutefois m'empêcher de déclarer que je ne partage pas l'opinion de M. le ministre des travaux publics sur les effets du tarif proposé par la section centrale; le déclassement dont on parle ne peut être plus considérable que celui qui s'opère sous le tarif actuel, puisque les différences de prix entre les trois classes de voitures sont atténuées pour les convois à grande vitesse par la proposition de la section centrale. Je ne veux pas aborder le fond de la discussion, mais j'ai cru devoir répondre par ce peu de mots à l'objection faite par M. le ministre des travaux publics.
M. de Mérode. - Je vois bien qu'on ne discutera pas en ce moment le projet de loi sur le tarif des voyageurs et les propositions faites par la section centrale. Il résulte de ce délai que le trésor public sera encore une fois en perte considérable sur les recettes du chemin de fer.
Cependant on nous fait constamment voter de nouvelles dépenses. Ainsi, la loi sur l'enseignement moyen, que vous venez d'adopter, amènera une nouvelle augmentation très forte de dépenses.
Je crois, messieurs, qu'on ne devrait pas mettre à exécution des projets qui entraînent de nouvelles dépenses sans avoir des recettes préalables. On nous propose une augmentation de 50,000 fr. pour la voirie vicinale. Quel moyen annonce-t-on pour faire face à ces dépenses? Des bons, du trésor rien que des bons du trésor.
Les finances n'ont aucun avenir avec un pareil système. Lorsque le gouvernement propose des voies et moyens nouveaux, la chambre ne les accepte pas. Elle n'a pas voulu d'un nouveau droit de succession, elle n’en voudra probablement point ultérieurement. Cependant nous ne pouvons continuer à dépenser sans recevoir.
Il me semble qu'il eût été beaucoup plus utile d'occuper la chambre de projets propres à rendre tenable la situation du trésor, que de projets qui doivent amener des dépenses nouvelles, comme la loi sur l'enseignement moyen. Si le gouvernement continue à marcher dans cette voie, il est certain que nos finances tomberont dans un désordre complet.
- La proposition de renvoyer à la session prochaine l'examen du projet de loi relatif au tarif des voyageurs sur le chemin de fer, est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - L'ordre du jour appelle des rapports de pétitions.
M. de Perceval. - Je propose de renvoyer ces rapports à la session prochaine et de nous occuper du feuilleton de naturalisations.
- Plusieurs membres. - Le budget des affaires étrangères.
M. Destriveaux. - Le feuilleton de naturalisations contient plusieurs demandes urgentes. Je prie la chambre de bien vouloir s'en occuper.
- La chambre décide qu'elle s'occupera du feuilleton de naturalisations.
M. Delfosse remplace M. Verhaegen au fauteuil.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin) (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour exposer à la chambre combien il importe que tous les membres s'imposent l'obligation de revenir demain. Que le projet sur lequel l'honorable M. T'Kint de Naeyer vient de faire rapport soulève ou non des questions importantes, des objections graves, il est certain qu'il doit être examiné immédiatement, qu'il y a urgence. (Adhésion).
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la chambre a renvoyé à une commission spéciale une demande de crédits supplémentaires au département de l'intérieur. Cette commission spéciale ne s'est pas trouvée en nombre; plusieurs de ses membres sont absents.
Je prie la chambre de renvoyer cette demande de crédits à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
- Cette proposition est adoptée.
Il est procédé au vote au scrutin secret sur diverses demandes en naturalisation ordinaire.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre des votants, 64.
Majorité absolue, 33.
Claude-Charles-Louis Clasquin, maître de pension, né à Bazoille-lez-Menil (France), le 19 décembre 1820, domicilié à Auffe (Namur), obtient 42 suffrages.
Charles-Corneille-Auguste Degroux, peintre d'histoire, né à Comines (France), le 5 août 1825, domicilié à Bruxelles, 54.
Pierre-Jean Francken, débitant de liqueurs, né à Venloo (Pays-Bas), le 9 avril 1811, domicilié à Bruxelles, 41.
Jean-Guillaume Grube, employé, né à Rotterdam, le 5 décembre 1812, domicilié à Anvers, 40.
Louis-Guillaume-Félix Sainclelette, directeur gérant de la société anonyme des embranchements du canal de Charleroy, né à Aix-la-Chapelle, le 28 brumaire an XII, domicilié à Haine-Saint-Paul (Hainaut).
Jean-Louis Janssens, gendarme à cheval, né à Yvemmel (Brabant), le 9 fructidor an XII, domicilié à Santhoven (Anvers).
Louis-Marie Delabaye, lieutenant au 3ème régiment de chasseurs à pied, né à Clèves (Prusse), le 8 mai 1810, 43.
Pierre-Victrice Desmonds, éclusier au canal de Charleroy, né à Saint-Aubin-de-Scellon (France), le 7 août 1782, domicilie à Feluy (Hainaut), 41.
(page 1429) François-Victor Lahu, garde-convoi à l’administration des chemins de fer de l'Etat, né à Epernon (France), le 6 frimaire an VII, domicilié à Bruxelles, 43.
Jean-Aloïs Imfeld, infirmier à l'hôpital militaire, né à Longeren (Suisse), le 19 juin 1792, domicilié à Anvers, 41.
Nicolas Havermans, infirmier-major à l'hôpital militaire, né à Oosterhout (Pays-Bas), le 12 janvier 1792, domicilié à Anvers, 42.
Alphonse-Auguste Sudot, sténographe du sénat, né à Paris, le 18 nivôse an IX, domicilié à Bruxelles, 44.
Etienne-Omer-Louis-Ghislain-Joseph Wauquière, professeur à l'Académie de dessin et de peinture, né à Cambrai (France), le 16 octobre 1808, domicilié à Mons, 50.
Charles-Julien Tencé, capitaine adjudant de place de première classe, né à Lille (France), le 11 mars 1796, domicilié à Louvain, 51.
Gérard-Gommaire Berckmans, maréchal des logis au régiment des guides, né à Lierre (Anvers), le 22 juin 1799, 44.
En conséquence, toutes ces demandes sont prises en considération.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition sans date, quelques cabaretiers et boutiquiers du canton de Waremme demandent que les agents de l'administration qui sont chargés de vérifier les poids et mesures se fassent accompagner, dans leurs visites, d'un membre du collège échevinal, et qu'il leur soit interdit d'user de surprise ou de subtilité. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée de Messancy, le 30 décembre 1849, les membres du conseil communal de Messancy présentent des observations contre la demande du conseil communal d'Aubange, tendant à faire transférer dans cette commune le chef-lieu du canton. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée de Jambe-lez-Namur, le 29 décembre 1849, le sieur Rétois demande qu'un élève d'une école primaire ne puisse être admis dans une école voisine, s'il ne produit un certificat de bonne conduite délivré par son dernier maître, ou s'il ne consent à subir, dans la nouvelle école, la punition à laquelle il a voulu se soustraire en quittant son école. »
Conclusion : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 27 février 1850, le sieur Prévost prie la chambre de lui accorder une pension. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée de Weillen, le 30 décembre 1849, le sieur Cuvelier demande une loi qui assure la fermeture des cabarets après l'heure de la retraite. »
Conclusion : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée d'Alost, le 13 janvier 1850, le sieur Vandergucht, ancien employé à la maison de détention militaire d'Alost, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir un emploi. »
Conclusion : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée de Courtray, le 21 février 1850, les huissiers-audienciers près le tribunal de première instance de Courtray demandent une loi qui leur assure un traitement pour leur service intérieur du tribunal, notamment en matière de police correctionnelle.
« Même demande des huissiers-audienciers près les tribunaux de première instance de Verviers, Turnhout, Hasselt et Termonde. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition sans date, les huissiers-audienciers près le tribunal de première instance de Marche demandent une loi qui leur assure un traitement annuel pour le service intérieur du tribunal et tous autres services attachés à leurs fonctions, et qui leur rende les significations en matière forestière. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition de janvier 1850, les bourgmestres de Rochefort, Gerdinne, Beauraing et Wellin demandent une indemnité du chef des fonctions de ministère public qu'ils remplissent auprès des tribunaux de simple police.
« Même demande des commissaires de police de Gembloux et du sieur Reynaert. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ixelles, le 19 janvier 1850, le sieur Sermertens, ancien militaire, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une augmentation de pension. »
Conclusion : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition sans date, les membres du conseil communal et plusieurs habitants d'Ursel réclament l'intervention de la chambre pour obtenir la nomination d'un instituteur dans cette commune. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Ansiau, rapporteur. - « Par pétition datée de Quaregnon, le 25 décembre 1849, plusieurs habitants de Quaregnon demandent une loi qui interdise l’établissement des octrois dans les communes rurales. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Coomans, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, en avril 1850, plusieurs gardes civiques de Bruxelles réclament l'intervention de la chambre pour que le règlement du 28 mars 1850, arrêté par le général commandant la garde civique de cette ville, soit retiré ou du moins considérablement modifié dans ses dispositions principales. »
Il paraît, messieurs, qu'on a pris des mesures extrêmement rigoureuses. Ainsi on serait allé jusqu'à exiger trois exercices par mois, depuis le 1er avril jusqu'au 30 septembre et on ajoute à cela la théorie des officiers. On comprend sans peine ce qu'il y a de vexant pour les gardes civiques dans l'adoption d'un règlement aussi sévère. Le dimanche, disent-ils, qui devrait être pour eux un jour de repos, devient un véritable jour de corvée. Plusieurs fois tous les dimanches du mois ont été consacrés au service militaire.
On conçoit que l'on habitue à la fatigue et aux exercices ceux dont le maniement des armes est l'unique profession; mais que l'on prétende soumettre à un régime quasi militaire des citoyens qui ne doivent être appelés qu'accidentellement à prendre les armes et dont la mission consiste bien plus à exercer une influence pacifique qu'à faire régulièrement la charge en douze temps, c'est ce que la commission ne peut pas admettre.
Messieurs, les conclusions sont le renvoi à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications.
M. David. - Messieurs, des pétitions du même genre ont déjà été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur; je le prierai de les examiner en même temps qu'il aura à examiner celle-ci. Il me semble que pour entrer dans les convenances d'une quantité de gardes civiques, il serait bon que M. le ministre de l'intérieur indiquât, pour ainsi dire, un règlement pour chacune des localités où la garde civique est organisée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les chefs de la garde civique sont bien plus à même que le ministre de faire un règlement approprié aux convenances locales; c'est, du reste, à eux que la loi abandonne ce soin. Le gouvernement pourrait bien faire un règlement général; mais, dans l'intérêt des gardes civiques, il conviendrait que les chefs de la garde civique restassent chargées des règlements particuliers.
M. David. - Je pense que, dans plusieurs localités, les chefs de la garde civique se sont écartés des prescriptions de la loi, et c'est dans le sens de les y rappeler que M. le ministre de l'intérieur devrait examiner les pétitions dont il s'agit.
M. Coomans, rapporteur. - Il est vrai, messieurs, qu'il convient, en thèse générale, que les commandants de la garde civique jouissent d'une certaine liberté dans la fixation des exercices militaires. Cependant il faut que le chef supérieur de la garde civique, qui est le ministre de l'intérieur, ait le droit de les arrêter lorsque leur zèle les entraîne trop loin. Il est certain que, dans ce cas-ci, le commandant a méconnu l'esprit de la loi : sous prétexte qu'il doit y avoir au moins un exercice par mois, il a décidé qu'il y en aurait trois pour le moins; de fait, les jours de corvée se renouvellent trois à quatre fois par mois. C'est évidemment trop, messieurs, surtout en temps de paix, quand rien ne menace le repos de la ville, et quand une belle armée, qui nous coûte si cher, suffit amplement à tous les besoins de la situation. Nous avons apprécié les plaintes des signataires très nombreux des pétitions adressées à la chambre, et nous les avons trouvées fondées à ces divers points de vue.
M. Prévinaire. - J'avais demandé la parole avant d'entendre les derniers mots de l'honorable rapporteur. Je voulais faire remarquer que c'est, en effet, une question d'interprétation. Il y a dans la loi sur la garde civique, un article qui détermine qu'il y aura au moins douze exercices par année. Se fondant sur cette disposition, le chef de la garde civique a pu, dans l'intérêt du service, dans un but excellent, dans l'intérêt de la bonne organisation de la garde, juger à propos de faire faire des exercices plus d'une fois par mois. C'est, comme le disait M. le rapporteur, une question d'interprétation.
M. de Perceval. - J'appuie en tous points les conclusions présentées par l'honorable rapporteur, M. Coomans, au sujet de la pétition qui émane de plusieurs gardes civiques de Bruxelles.
Je veux, avec la commission, le renvoi de cette requête à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications. J'attendrai ces explications pour saisir la chambre d'un débat qui ne sera peut-être pas inutile ni inopportun, car il me paraît, à en juger par les faits qui se passent depuis quelque temps sous nos jeux, que plusieurs chefs de corps de la garde civique sont occupés, par excès de zèle (j'aime à le croire), sont occupés à compromettre, à ébranler l'institution elle-même. Quelques-uns perdent un peu trop de vue que la garde civique se compose de citoyens, d'hommes paisibles, vivant de la vie civile, et non pas de conscrits, de militaires. Autre chose est de se trouver à la tête d'un régiment, autre chose est de commander des bourgeois, des citadins qui s'adonnent au commerce, à l'industrie, à des travaux manuels. Ils ne se refusent pas à venir une ou deux fois par mois sur le terrain pour y être exercés au maniement des armes; mais ce qui leur répugne souvent, c 'est qu'ils se voient traités comme des soldats de l’armée.
Un colonel d’une milice citoyenne doit être un peu plus tolérant, doit avoir la pratique militaire moins sévère, moins dure, s’il m’est permis de m’exprimer de la sorte, qu'un colonel qui conduit un régiment d’infanterie ou de cavalerie. Eh bien ! je n’hésite pas à le dire, dans plus d’une ville, les colonels de la garde civique montrent un excès de zèle et de rigueur qui, je le crains, finira par compromettre l’institution elle-même. Si on veut fatiguer la garde civique, mon Dieu ! qu’on dise franchement (page 1430) que c'est là le but que l'on s'efforce d'atteindre. Nous pourrons, dans ce cas, saisir la chambre d'une proposition tendante à la diviser en deux bans. Je vous accorderais alors la faculté de conduire militairement le premier ban, mais au moins le second pourrait être traité d'une tout autre manière.
J'appuie donc les conclusions de la commission des pétitions et je demande le renvoi de la requête à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable préopinant vient de demander si on a l'intention de fatiguer la garde civique. Je ne pense pas que cette question puisse s'adresser au gouvernement. Le gouvernement n'a donné aucune espèce d'instruction aux chefs de la garde civique pour rendre le service plus onéreux. Je n'ai pas entendu parler non plus de griefs à la charge des commandants de la garde civique. Quant à moi, je fais beaucoup de cas des chefs qui exécutent ponctuellement et sévèrement la mission dont ils sont chargés.
L'institution de la garde civique est une chose sérieuse; elle ne doit pas être un simple objet de parade ; elle doit présenter de la consistance. Il faut donc que les citoyens se résignent à certain service, plus ou moins onéreux, je le reconnais.
Quant à moi, il me serait impossible d'inviter les chefs de la garde à se relâcher dans les mesures qu'ils croient utile de prendre.
S'il y avait excès de zèle ou mauvaises intentions, il faudrait réprimer cet excès de zèle et condamner ces mauvaises intentions. Mais je vois qu'en général il règne la plus grande harmonie entre les chefs et les gardes ; s'il y a quelques abus, le gouvernement y est entièrement étranger, je suppose bien qu'on l'admet (Oui! oui !), et il suffirait peut-être d'une simple observation pour faire cesser ce qu'il peut y avoir d'excessif dans le zèle de certains chefs.
Quant à moi, je le répète, j'approuve hautement la conduite des chefs. Je ne trouve pas mauvais qu'ils apportent une certaine sévérité dans l'exercice de leurs fonctions, pour empêcher le relâchement du service dans la garde civique.
Messieurs, après avoir sollicité l'établissement de la garde civique, après avoir provoqué d'urgence en quelque sorte le vote d'une loi, il ne faut pas que, deux années après, on répudie cette institution. Tant que j'aurai la garde civique dans mes attributions, je ferai en sorte qu'elle présente pour l'ordre public une garantie sérieuse.
M. de Perceval. - Messieurs, je suis quelque peu surpris d'entendre l'honorable ministre de l'intérieur dire qu'on veuille blâmer l'institution de la garde civique. Je suis tout dévoué à cette institution qui est destinée à rendre de si grands services au pays, à l'intérieur des villes, dans les temps des troubles ou de désordres! Ce que j'ai blâmé, c'est l'excès de zèle que quelques colonels déploient dans nos villes, au grand détriment de la garde civique elle-même; j'ai dit, et je le répète de nouveau, que plusieurs officiers supérieurs de notre milice citoyenne ne sont pas assez pénétrés de cette idée que nos bataillons et nos compagnies sont composées, non pas de militaires, vivant sous l'empire d'une obéissance passive, d'une consigne sévère et d'une discipline quelquefois arbitraire, mais bien de citoyens, de bourgeois, d'artisans et d'ouvriers, qui, après avoir vaqué pendant six jours de la semaine à leurs affaires civiles, remplissent encore le dimanche un devoir civique. Ils n'entendent pas méconnaître ce devoir; mais ce qu'ils ont droit, dans mon opinion, d'exiger, c'est qu'ils soient traités avec la tolérance et la bienveillance que leur caractère civil réclame. La discipline n'en souffrira pas; vous diminuerez de la sorte d'une manière notable le nombre des découragés et des mécontents, et vous conserverez ainsi l'institution elle-même.
M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, je dois dire que, dans les conclusions de la commission comme dans ma pensée, il n'y a absolument rien de défavorable, soit à l'institution même de la garde civique, soit à l'honorable officier qui la commande dans la capitale. C'est précisément à cause de l'intérêt que nous portons tous à l'institution de la garde civique que la commission a appuyé la réclamation des pétitionnaires. Il faut de la mesure en toutes choses, même dans les meilleures.
Nous ne venons pas nous plaindre non plus ici de la loi qui a été faite, il y a deux ans; nous venons nous plaindre seulement de ce qu'on en exagère la portée et de ce qu'on la rend vexatoire pour beaucoup de citoyens. Or, lorsque la loi porte qu'il y aura au moins 12 exercices par an, cela ne signifie pas certainement qu'il pourra y en avoir 36, 72 ou 100.
Le commandant de la garde civique de Bruxelles a trouvé qu'au moins 12 signifiait 36. (Interruption.)
En effet, messieurs, il a décrété qu'il y aurait au moins trois exercices obligatoires par mois; ce qui fait bien 36 exercices pour l'année. Pourquoi 36? et pourquoi pas 72 ou cent?
Evidemment, il y a des tempéraments à admettre, des limites à établir ici; c'est le ministre de l'intérieur qui peut les tracer, et c'est pour cela que nous avons demandé le renvoi de la pétition à ce ministre, en l'engageant à la prendre en sérieuse et prompte considération.
L'institution de la garde civique, qui a rendu des services incontestables et qui peut en rendre de plus grands encore, restera populaire si on la maintient dans des voies raisonnables. Elle s'affaiblirait, elle retomberait peut-être dans le marasme si, pour satisfaire l'amour-propre de quelques chefs, on abusait du temps, de la fortune, de la patience cl du patriotisme des citoyens.
M. David. - Messieurs, il existe dans la loi un article qui porte que les gardes, arrivés à un certain degré d'instruction, pourront être exemptés du service. Eh bien, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il croit que les gardes pourront jamair être exemptés dans cette position-ci : Il existe un règlement, émané d'un colonel, lequel déclare qu'on ne sera exempté du service que lorsqu'on connaîtra l'exercice à feu. Or, pour pouvoir faire l'exercice à feu, il faut d'abord avoir de la poudre; eh bien, je ne pense pas que jusqu'ici M. le ministre de l'intérieur ait fait distribuer de la poudre à la garde civique.
M. de Mérode. - Messieurs, si je suis bien informé de ce qui se passe dans la garde civique de Bruxelles, les gardes qui sont suffisamment exercés ne sont pas astreints à la quantité d'exercices qu'on signale...
M. Orts. - C'est exact.
M. de Mérode. - Si c'est ainsi, je ne sais pourquoi on infligerait un blâme à des hommes qui veulent maintenir la garde civique comme une institution véritablement sérieuse. Je ne vois dans les allégations qui sont produites, que des allégations; je ne vois pas de preuves à l'appui de ces allégations. Il faut qu'il y ait des plaintes fondées, lorsqu'il s'agit de chefs qui eux aussi ont des affaires à soigner, et qui, lors qu'ils réclament plus de services de la garde, sont eux-mêmes obligés de s'en occuper davantage. Au reste, s'il y a, ce que j'ignore, quelque exagération, sous ce rapport, dans telle ou telle localité, M. le ministre de l'intérieur est là pour y porter remède.
M. Orts. - Messieurs, je me renfermerai dans l'appréciation de la pétition sur laquelle des conclusions vous sont présentées. Je crois que la commission a donné à la mesure dont se plaignent les pétitionnaires une portée plus grande que celle qu'elle avait réellement. L'honorable M. de Mérode vient de dire une chose qui est parfaitement exacte :la mesure prise à Bruxelles avait un objet purement transitoire : il s'agissait de faire parvenir, en peu de temps, à un degré d'instruction qui n'est pas précisément celui dont l'honorable M. David parlait tout à l'heure ; de faire parvenir en peu de temps à un certain degré d'instruction qui permît aux gardes civiques de se servir de leurs armes, sans compromettre leur sécurité personnelle et celle de leurs voisins dans les rangs.
On a, par une circulaire, exigé trois services par mois, jusqu'à ce que les gardes pussent former ce qu'on a appelé la première classe des gardes civiques, c'est-à dire être rangés parmi ceux qui connaissent l'école de peloton et l'école du soldat; or, ce sont, et je puis en parler par expérience personnelle, ce sont là des connaissances qu'il est très facile à un garde civique d'acquérir en peu de temps.
C'était donc, vous le voyez, messieurs, une mesure purement transitoire, et ce qui le prouve, c'est qu'aujourd'hui il est fait droit à la réclamation.
Il peut y avoir exagération dans l'interprétation donnée à la mesure par quelques chefs inférieurs, mais il a été fait droit aux plaintes dans ce qu'elles pouvaient avoir de fondé.
M. Coomans, rapporteur. - Si la disposition très sage qui exempte des exercices les hommes suffisamment exercés était bien appliquée, nul ne se plaindrait ; mais on se plaint de ce qu'il est extrêmement difficile d'être exempté, attendu qu'on exige des gardes des connaissances qu'il est presque impossible à des bourgeois d'acquérir.
En fait, on entre très difficilement dans la première classe. Je crois être l'organe de la commission en disant que le meilleur remède aux inconvénients signalés serait de faciliter l'accès de la première classe qui est exemptée des services les plus désagréables. Mais soit que les chefs tiennent à conduire à la promenade des hommes qui leur fassent honneur ou à commander une troupe nombreuse, ils s'arrangent de manière à faire rester presque tous les gardes dans la deuxième ou la troisième classe; peu d'élus pénètrent dans la première.
La commission propose le renvoi avec demande d'explications.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai donné des explications: le sujet de la plainte a disparu, quant à Bruxelles. Je pense qu'il ne faut pas jeter le découragement dans la garde civique en infligeant aux chefs un blâme immérité; on devrait plutôt les encourager à tenir la main à l'exécution de la loi. Le service n'est pas rigoureux ; d'ailleurs les chefs émanent des corps qu'ils commandent ; ils n'ont pas intérêt à vexer les gardes dont ils tiennent en partie le mandat.
La garde civique est une institution qui fait honneur au pays; elle offre quelques inconvénients personnels, j'en conviens, mais ils sont de trop peu d'importance pour affecter l'institution même. Ne l'énervons donc pas par des critiques qui prendraient un caractère de blâme officiel et de généralité, si la pétition était renvoyée avec demande d'explications.
- Le renvoi pur et simple est ordonné.
M. Coomans, rapporteur. - « Par pétition datée d'Andenne, le 8 avril 1850, le sieur Brun demande une loi qui décharge les communes des grosses réparations à faire aux églises, presbytères et cimetières anciens. »
Conclusions : renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Moncheur. - Je propose le renvoi à M. le ministre de la justice avec demande d'explications. L'objet de la requête est fort (page 1431) important. Il s'agit de fixer enfin la législation sur tout ce qui concerne le mode de la contribution des communes dans l'entretien des édifices destinés au culte et sur la propriété et l'administration des cimetières. La jurisprudence est incertaine sur ces points.
M. Orts. - Je crois que ces explications sont inutiles, une commission a été nommée pour réviser la législation en ce qui concerne les églises, presbytères et cimetières.
Cette commission a terminé son travail, le projet est préparé, je pense que M. le ministre le présentera au début de la session prochaine. La présentation de ce projet sera la meilleure explication.
M. Moncheur. - Je me contenterai pour le moment des explications données par l'honorable M. Orts, et j'attendrai le projet de loi du gouvernement. Js retire donc ma proposition.
- Le renvoi est ordonné.
M. Coomans, rapporteur. - « Par pétition datée de Fontaine-l'Evèque, le 9 avril 1850, plusieurs habitants de Fontaine-l'Evêque prient la chambre d'annuler le règlement de police adopté par le conseil communal, le 26 décembre 1849, concernant les marchands ambulants. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, autre rapporteur. - « Par pétition datée de Bovigny, le 13 mars 1850, les curés du canton de Vielsalm protestent contre une accusation dont ils sont l'objet dans le rapport triennal sur l'enseignement moyen. »
Conclusion : Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur de 1851 et renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. le ministre de l'intérieur est retenu à la section centrale; je prie la chambre d'attendre sa présence pour s'occuper de cette pétition.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 20 mars 1850, les propriétaires et locataires de maisons situées place de la Monnaie et dans les rues adjacentes réclament l'intervention de la chambre pour faire arrêter les travaux de l'établissement de l'affinage des métaux à la monnaie de Bruxelles. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications.
M. Cools. - Nous avons pu nous assurer, en passant dans les localités qui avoisinent l'hôtel de la Monnaie, combien cette réclamation est fondée. Je propose le renvoi au ministre de l'intérieur avec demande d'explications.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je puis donner sur-le-champ les explications qu'on désire. Des plaintes assez vives se sont élevées contre l'établissement d'un affinage à la Monnaie.
Le gouvernement, d'accord avec l'administration communale de Bruxelles, a nommé une commission composée d'hommes compétents, pour rechercher si en effet les plaintes sont fondées et, dans ce cas, pour aviser aux moyens d'y porter remède. On comprend que le gouvernement, du moment où il aura constaté qu'il y a quelque chose d'insalubre dans cet établissement d'affinage, fera tout ce qui dépendra de lui pour en faire cesser les fâcheux effets. La chambre peut être convaincue de la sollicitude du gouvernement. Le renvoi avec demande d'explications est donc inutile.
M. Prévinaire. - Si j'ai bien compris, c'est un établissement insalubre qui a été installé sans autorisation. Le devoir du gouvernement serait plus impérieux, de faire cesser au plus tôt les plaintes des pétitionnaires, si l'autorisation n'a pas été accordée régulièrement d'après les lois et règlements en vigueur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question a été soulevée et a donné lieu à une espèce de conflit entre le gouvernement et l'administration communale et provinciale ; il a été convenu qu'on laisserait cette question à l'écart, car elle était sans intérêt du moment qu'on prenait toutes les mesures nécessaires pour constater les faits et prendre des mesures afin de faire cesser les inconvénients signalés s'ils existent. L'affinage a été établi en vertu d'une loi ; une loi vous a été présentée et a été votée pour établir un affinage à la Monnaie. On ne pouvait pas soumettre à une information de commodo et incommodo l'exécution de la loi. Mais, je le répète , cette question ne doit pas être soulevée, d'autant moins qu'on est décidé à prendre des mesures pour faire cesser ce que peut avoir de fâcheux l'état de choses existant.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - Deux faits ont été portés à la connaissance de la commission des pétitions.
Le premier, c'est que l'on ne se borne pas, à l'hôtel des monnaies, à affiner les métaux nécessaires au service de la monnaie, mais qu'on y prépare encore des lingots destinés au commerce.
Le second fait est celui-ci : Il paraît positif que le directeur de la Monnaie, frappé des réclamations qu'on adressait de toutes parts à l'autorité, contre les inconvénients de son usine, avait demandé l'autorisation d'établir l'affinage au faubourg de Schaerbeek, et que cette demande a provoqué un si grand nombre d'oppositions que l'autorisation a été refusée.
Voilà les deux faits qui ont été portés à la connaissance de la commission des pétitions; nous ignorons s'ils sont constants.
La commission vous propose le renvoi de cette requête à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications; l'honorable M. Cools vient de proposer qu'elle soit aussi renvoyée à M. le ministre des finances, ce second renvoi ne peut que contribuer à faire prendre l'objet de la réclamation en grande considération, votre commission s'y rallie avec empressement.
M. Prévinaire. - Je ne saurais admettre l'argumentation de M. le ministre des finances. A mes yeux, il est impossible que la législature, pour une mesure semblable à celle que l'on vient d'invoquer, intervertisse les dispositions de règlements qui sont applicables à l'érection de tout établissement industriel.
Je crois que la loi à laquelle M. le ministre des finances a fait allusion, est une loi de comptabilité, rien qu'une loi de comptabilité- et que la législature n'a pu priver dans cette occasion les habitants de Bruxelles des moyens légaux de faire valoir leurs réclamations. Il serait assez curieux qu'au moyen d'une mesure législative de la nature de celle qui vient d'être indiquée, on se mît au-dessus de la position naturelle faite à tout établissement industriel.
Messieurs, récemment un industriel a été frappé par une mesure de justice, d'une manière très énergique, pour avoir établi dans son usine une fabrication de produits autres que ceux pour lesquels il était autorisé ; et le gouvernement tolérerait que, sans avoir rempli les formalités exigées pour l'érection de tout établissement industriel, on continuât au centre de Bruxelles une industrie qui est exploitée pour compte particulier! C'est ce que je ne saurais admettre, et j'espère que le gouvernement prendra cette affaire en considération assez sérieuse pour que les intéressés ne soient pas obligés de recourir aux tribunaux.
M. Cools. - Je partage entièrement la manière de voir de l'honorable préopinant. Quels que soient les termes de la loi qui a été votée en ce qui concerne l'établissement de l'affinage, elle ne me paraît pas pouvoir avoir le sens qu'y attache M. le ministre des finances. Il est évident que la chambre a envisagé l'établissement des monnaies comme un être moral et qu'elle ne s'est pas occupée des questions d'usines, des questions de local. La chambre n'a pas voulu forcer la main au gouvernement pour établir au centre de Bruxelles un établissement qui pourrait être nuisible aux habitants ou tout au moins insalubre.
C'est une question à part qui doit être réglée par l'administration et que la chambre n'a pas voulu trancher.
Je crois que la question demande un examen attentif et que le gouvernement a le droit de prendre telle résolution qu'il juge convenable.
J'insiste pour le renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et des finances avec demande d'explication.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il ne me semble pas que le moindre doute puisse s'élever sur la question telle que je l'ai posée.
Le gouvernement, à tort ou à raison, est venu solliciter des chambres un crédit, afin d'établir un affinage dans un local déterminé, lequel est le local de la monnaie.
- Un membre. - Il y a une tierce personne.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non ; le local de la Monnaie est un local de l'Etat ; c'est l'Etat qui possède le matériel ; c'est l'Etat qui a créé l'affinage. Il est venu vous demander un crédit pour établir cet affinage.
Maintenant viennent les réclamants qui disent à l'Etat : Vous auriez dû soumettre à une enquête de commodo et incommodo l'établissement que vous vouliez créer.
Le gouvernement répond deux choses :
La première, qu'il exécute la loi et que, par conséquent, il n'a pas autre chose à faire.
La seconde, que je n'avais pas dite, mais qui me paraît devoir être saisie immédiatement, c'est que c'est le gouvernement qui statue sur ces sortes d'autorisations, de sorte que c'est lui-même qui aurait décidé définitivement et en dernier ressort s'il établirait un affinage. Or, l’ayant établi, la décision existe.
M. Prévinaire. - Je demande à répondre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous répondrez; mais il est bien certain qu'un établissement de cette nature doit, aux termes de la législation existante, être autorisé par le département de l'intérieur. C'est le ministre de l'intérieur qui décide en définitive.
M. Prévinaire. - Vous avez subsidié un établissement particulier dans un local prêté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non ; c'est une législation spéciale qui régit la fabrication des monnaies. Cette fabrication des monnaies est faite par un entrepreneur particulier, mais sous le contrôle de l'Etat, sous des conditions déterminées. C'est le local de l'Etat ; c'est le matériel de l'Etat; c'est l'appareil d'affinage de l'Etat. L'entrepreneur est obligé à certaines conditions en vertu d'un contrat passé avec le gouvernement.
Mais je le répète, l'affinage établi, des réclamations se sont élevées, des plaintes assez vives ont été adressées aux autorités. Si le gouvernement avait dit : Je ne veux rien faire: ce que j'ai fait est bien fait, et cela continuera à subsister, je comprendrais qu'on réclamât. Mais le gouvernement a dit : N'examinons pas une question de droit ardue et difficile ; avisons aux moyens de faire disparaître l'inconvénient qui est signalé. Une commission a été nommée du consentement commun de l'autorité locale et du gouvernement. Cette commission s'est mise à l'œuvre ; si ma mémoire est fidèle, elle a signalé les moyens de porter remède à l'état de choses dont on se plaint. Ces moyens, on les mettra en œuvre.
Il est clair que le gouvernement, qui provoque partout l'assainissement de ce qui peut être insalubre, qui provoque les administrations communales à employer toutes les mesures hygiéniques possibles pour (page 1432) améliorer la position des populations, n'irait pas de gaieté de cœur maintenir, au centre d'une grande ville, un établissement définitivement condamné, considéré comme insalubre.
Voilà la disposition d'esprit dans laquelle nous nous trouvons, et il me semble qu'elle atteste assez notre intention de donner ainsi satisfaction à toute espèce de réclamation.
M. Coomans. - Il me semble que l'honorable ministre des finances, infidèle à sa logique habituelle, a réfuté, dans son second discours, la thèse qu'il a soutenue dans le premier. D'après l'honorable ministre, la législature aurait voulu que l'affinage se fît dans le local de la Monnaie, à Bruxelles ; c'est la loi qui aurait désigné ce local et qui, par là même, aurait rendu inutile, voire même illégale, l'enquête de commodo et incommodo, dont on regrette l'absence.
Mais comment alors l'honorable ministre peut-il dire que cependant il examinera les plaintes formulées et que, si les inconvénients qu'on signale lui sont prouvés, il établira l'affinage dans un autre local. De la faculté que se réserve M. le ministre, de faire droit aux pétitionnaires, résulte évidemment, selon moi, la preuve que la loi n'a pas déterminé le local de la Monnaie comme siège de cette industrie. Si la loi a parlé, force est de s'y soumettre. Mais l'honorable ministre n'en croit rien, puisqu'il accepte le renvoi, à son département, de la pétition dont il s'agit.
L'honorable ministre a dit ensuite : Mais quel intérêt avez-vous à renvoyer au gouvernement l'examen de cette affaire, puisque c'est le gouvernement qui statue en dernier ressort? Le gouvernement établit les ateliers ; il accorde ou il refuse l'autorisation d'exercer des industries insalubres. N'est-ce pas le nommer juge dans sa propre cause que de provoquer son intervention dans cette affaire? Messieurs, voici le but des pétitionnaires. Quand ils réclament contre l'omission des formalités ordinaires, ils veulent ouvrir une enquête qui démontrera, d'après eux, que leurs plaintes sont légitimes. Cette enquête, formalité essentielle, n'a pas eu lieu. Ils ont ainsi été privés d'une garantie importante, assurée à tous les citoyens lorsqu'il s'agit d'établissements privés.
Du reste, le directeur de la monnaie ne travaille pas pour le gouvernement seul; il exerce une véritable industrie, à ses risques et périls, pour les particuliers.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois faire remarquer à l'honorable membre que j'ai scrupuleusement, je pense, observé les règles de la logique ; je n'ai pas dit du tout que la loi prescrit au gouvernement de maintenir l'affinage à l'établissement de la monnaie, ce qui serait en contradiction, selon l'honorable membre, avec des déclarations que nous entendons examiner et au besoin faire autre chose. J'ai dit qu'il n'y a pas eu lieu à remplir les formalités parce que le crédit a été demandé pour établir l'affinage à la monnaie et que la loi a ainsi décidé la question ; mais une autre loi peut fort bien changer ce que la première a réglé. S'il était reconnu qu'on ne peut pas maintenir l'établissement de l'affinage à la monnaie, on pourrait proposer à la chambre la dépense nécessaire pour le transférer ailleurs. Tout se réduit à une question de dépense.
Le principal motif d'opposition au vœu des pétitionnaires, c'est de ne pas faire une dépense inutile. On a dépensé une centaine de mille francs, je crois, pour établir l'affinage à la monnaie; avant de sacrifier la plus grande partie de cette somme, il faut bien examiner si ce sacrifice ne peut pas être évité. Si l'établissement est définitivement reconnu nuisible, la dépense ne nous arrêtera pas ; nous demanderons à la chambre un nouveau crédit, fût-il d'une centaine de mille francs pour placer l'établissement ailleurs.
On ne peut pas facilement renoncer à l'établissement actuel, d'abord parce qu'il est possible qu'il y ait un moyen de faire disparaître l'inconvénient et ensuite parce qu'un simple transfert ne ferait que déplacer le mal.
Il faut bien que l'affinage se trouve quelque part, et partout il sera en contact avec des habitants ; ces habitants formeront les mêmes plaintes. Ils seraient peut-être moins nombreux, mais n'y en eût-il que dix, si l'atelier dégage un poison, leur plainte n'en sera pas moins digne d'être écoutée. Il ne faut empoisonner personne. On s'est donc adressé aux hommes compétents... (Interruption.) On ne pourrait guère l'établir que dans les plaines de la Campine.
M. Coomans. - Dans la forêt de Soignes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais... mais il y a non loin de là un établissement analogue, qui soulève les mêmes plaintes.
Messieurs, le gouvernement a fait tout ce qui était convenable et il est disposé à faire tout ce qui est possible pour résoudre cette question d'une manière satisfaisante. Je crois que le renvoi avec demande d'explications est tout à fait inutile; je ne saurais pas donner des explications plus complètes que celles que je viens de présenter.
M. Prévinaire. - Les dernières paroles de M. le ministre des finances sont certainement de nature à satisfaire en grande partie les pétitionnaires. Je laisserai de côté la question de l'affinage, bien qu'à mon sens, si je suis bien informé, elle n'est pas du tout telle que l'a posée M. le ministre des finances; mais je ferai un grief au ministère des finances de ne pas avoir pris pour cet établissement les précautions que l'on prend pour les plus petites usines. Il me semble qu'avant de créer au milieu d'une grande ville un établissement si insalubre il aurait bien fallu s'inquiéter un peu du voisinage.
J’ai une deuxième observation à faire, c'est que l'établissement n'officie pas exclusivement pour la monnaie, et cela est très important, car il devient dès lors un établissement industriel et rentre dans les conditions de cette espèce d'établissements; or, en admettant que l'argumentation présentée tout à l'heure par M. le ministre des finances s'appliquât à la partie d'or et d'argent destinée au service de la monnaie, pour tout le reste, l'établissement devrait toujours être considéré comme un établissement industriel ordinaire.
Je n'insisterai pas davantage, messieurs, puisque M. le ministre vous a donné l'assurance qu'on emploiera tous les moyens possibles pour faire droit au vœu des pétitionnaires. J'ai l'entière conviction qu'on y réussira, car il y a longtemps que M. Darcet a fourni le moyen qu'il faut employer : rien n'est si simple que de condenser les gaz.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - Ce que vient de dire M. le ministre des finances jette certainement beaucoup de jour sur la question; mais je dois faire remarquer que les pétitionnaires réclament depuis le 7 juillet 1849 ; au mois d'octobre dernier, M. le bourgmestre de Bruxelles les a informés que M. le ministre des finances avait nommé une commission d'hommes compétents pour examiner la question, comme l'honorable ministre vient de vous le dire. Les pétitionnaires attendent donc depuis plus de six mois. Ils avaient droit de demander qu'on mît la plus grande activité dans une affaire qui leur cause un préjudice notable. Les inconvénients de ce voisinage sont extrêmement graves.
Vous voyez donc, messieurs, que la pétition n'a pas seulement pour but de signaler ce fait, que les formalités requises pour la création des établissements incommodes et insalubres n'ont pas été observées dans le cas présent ; qu'il n'y a pas eu d'enquête de commodo et incommodo, publication de rapports d'hommes de l'art, etc., mais encore de réclamer l'intervention de la chambre pour que le gouvernement presse la solution de l'affaire et que l'on ne tarde pas davantage à faire cesser les inconvénients au moyen des expédients que la science peut avoir.
M. le président. - On paraît d'accord pour renoncer aux demandes d'explications et pour renvoyer la pétition purement et simplement à MM. les ministres de l'intérieur et des finances.
- Cette proposition est adoptée.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Tourinnes-Saint-Lambert, le 22 avril 1850, le sieur Hanquet prie la chambre de statuer sur sa demande tendante à ce qu'il soit facultatif aux brasseurs de faire, plusieurs jours à l'avance, la déclaration prescrite par l'article 13 de la loi du 2 août 1822, concernant l'accise sur les bières. »
Conclusion : renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Rotheux-Rimière, le 2 mars 1850, quelques habitants de Rotheux-Rimière demandent qu'il soit interdit aux bourgmestres et aux secrétaires communaux de tenir un cabaret ou d'exercer un commerce ; que les bourgmestres soient tenus de procéder au mariage civil dans la maison communale, et que les secrétaires communaux soient obligés de se trouve au secrétariat de la commune trois ou quatre fois par semaine, aux heures fixées par l'administration communale. »
Conclusions : renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition, datée de Rotheux-Rimière, le 24 mars 1850, le sieur Dumas, journalier à Rimière, réclame l'intervention de la chambre pour faire rectifier son acte de naissance qui lui donne la qualité d'enfant illégitime. »
Conclusions : ordre du jour.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition, datée du faubourg de Schaerbeek, le 7 avril 1850, le sieur Vandervoort prie la chambre d'accorder une pension à la veuve du poète flamand Van Ryswyck. »
Conclusions : renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition, datée de Maldeghem, le 15 mars 1850, les membres du conseil communal de Maldeghem demandent que, dans les provinces flamandes, les fonctionnaires publics fassent exclusivement usage de la langue flamande. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Van Hoorebeke. - J'appuie le renvoi de cette pétition au ministre de l'intérieur. Je pense qu'il conviendrait de joindre cette réclamation à celles du même genre qui émanent de plusieurs administrations communales, et portent les signatures les plus honorables.
L'abus dont se plaignent les pétitionnaires est très réel, très grave, et je dois appeler sur cet abus toute l'attention du gouvernement.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée d'Isenberghe, le 20 mai 1850, le conseil communal d'Isenberghe demande que les administrations provinciales et communales, dans les provinces flamandes, et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de la langue flamande. »
Conclusion : renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 8 avril 1850, le sieur Willemsen demande que le gouvernement soit autorisé à accorder, pendant un certain nombre d'années, un subside de 15,000 francs a tout éditeur d'un journal français quotidien, existant depuis quinze ans, qui consentirait à le faire paraître en langue flamande. »
Conclusion : ordre du jour.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 5 avril 1850, le sieur Desutter, serrurier-poêlier, à Gand, prie la chambre de lui faire obtenir la décoration (page 1433) de l'Ordre de Léopold, pour la part qu'il a prise au combat du Pont-de-Paille, en 1831. »
Conclusion : ordre du jour.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Louvain, le 13 avril 1850, plusieurs habitants de Louvain demandent une loi qui exempte du service de la garde civique les hommes mariés ou âgés de plus de 35 ans, ou bien qui divise la garde en deux bans. »
Conclusion : renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 17 avril 1850, Le sieur Verstraete, capitaine pensionné, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »
Conclusion : renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté,
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Houthem, le 19 avril 1850, le conseil communal de Houthem demande que, dans les provinces flamandes, les administrations provinciales et communales et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de la langue flamande. »
Conclusion : renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur.
- Adopté.
M. de T'Serclaes, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 25 avril 1850, le sieur Van Damme demande que le gouvernement fasse une enquête sur l'origine des pétitions relatives au projet de loi sur l'enseignement moyen, et sur la moralité et la position sociale des signatures. »
Conclusion : renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Dumortier. - Je ne pense pas, messieurs, qu'il soit de la dignité de la chambre de charger le gouvernement de faire une enquête sur les pétitions qui lui sont adressées. Que le gouvernement fasse des investigations, cela le concerne, mais que la chambre l'invite à s'enquérir de la moralité et de la position sociale des pétitionnaires qui se sont adressés à elle contre le pouvoir, ce serait porter atteinte au droit de pétition. Le droit de pétition est sacré et il est impossible que nous donnions au gouvernement la mission d'en contrôler l'exercice. Si des abus ont été commis, je suis le premier à le déplorer; mais ce n'est pas une raison pour jeter le blâme sur des citoyens qui n'ont fait qu'user d'un droit constitutionnel et pour les soumettre à une enquête ministérielle. Ce serait réellement renouveler ce qui s'est passé du temps des états généraux sous l'ancien gouvernement.
Si l'on insiste pour le renvoi au ministre de l'intérieur, je demanderai l'appel nominal.
M. Orts. - Je ne crains pas le moins du monde l'appel nominal sur une question semblable et lorsque l'honorable M. Dumortier aura réfléchi, il reconnaîtra que le droit de pétition, comme tout autre droit politique, est d'autant plus respectable et plus respecté, qu'il s'exerce d'une manière plus sérieuse et plus sincère. Le droit électoral est sans doute aussi sacré que le droit de pétition. Eh bien, de même que le gouvernement contrôle l'exercice du droit électoral pour empêcher qu'il ne soit exercé par de faux électeurs ou qu'il ne se commette dans son exercice des faits quelconques qualifiés crimes ou délits, de même le gouvernement fait bien de contrôler l'exercice du droit de pétition lorsqu'il est vicié dans son essence, par des faits analogues.
Non content d'appuyer les conclusions de la commission, je demande, outre le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, le renvoi à M. le ministre de la justice, car on a signalé des falsifications matérielles et plusieurs autres actes blâmables susceptibles de constituer des délits; ces actes, s'ils existent, doivent être réprimés.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis pas du tout admettre ce que vient de dire l'honorable M. Orts que le gouvernement aurait en quelque sorte la surveillance des élections. Le gouvernement n'a rien à dire dans l'exercice du droit électoral.
M. Orts. - Il doit réprimer les crimes et délits.
M. Dumortier. - Ce n'est pas le gouvernement, c'est le pouvoir judiciaire qui est chargé de cette mission. Si donc il est des personnes qui prétendent qu'on aurait abusé de leur nom, qu'on aurait mis indûment leur nom sur une pétition, elles ont le droit de s'adresser au ministère public, et certes si une falsification avait été commise, la justice userait de son droit et remplirait son devoir en sévissant conformément à la loi. Mais, messieurs, qu'avons-nous vu jusqu'ici? Nous avons vu quelques rétractations, mais nous avons vu aussi des réponses à ces rétractations.
Nous avons eu des personnes qui, pour faire la cour au gouvernement, venaient dire qu'on avait mis faussement leur nom sur une pétition, alors que c'étaient d'autres personnes, portant le même nom, qui avaient bien réellement signe.
Il ne faut pas se jeter dans le système de dénigrement qui a existé sous le gouvernement hollandais et jeter le blâme sur des pétitionnaires.
On vient nous demander quoi? de faire une enquête sur la condition sociale des pétitionnaires! Est-ce que par hasard il faut être grand seigneur pour pouvoir adresser des pétitions à la chambre? Nous n'avons pas à nous enquérir de la position des pétitionnaires; ce serait se mettre en opposition avec le texte formel de la Constitution.
Vous ne pouvez pas admettre, messieurs, que le gouvernement ait à contrôler l'exercice du droit de pétition, ni d'un droit constitutionnel quelconque. Le droit de pétition doit rester intact, c'est un des droits les plus sacrés qui existent. Je le demande à mon honorable collègue et ami, que dirait-il si on chargeait le gouvernement de s'enquérir des personnes qui font partie des associations? Quant à moi, je serais le premier à m'y opposer. Tous les droits des Belges doivent être conservés entiers, et ils ne peuvent pas être soumis à la censure ni aux critiques du gouvernement.
M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour dire que j'ai chargé quoiqu'un de voir les signatures d'un grand nombre de pétitions et que la plupart des noms renferment des erreurs de fautes typographiques; il y en a qui sont entièrement défigurés; il y a des noms qui sont substitués à d'autres. Il est impossible, d'après le Monteur, de porter un jugement sur les signatures, de dire si elles sont fausses ou réelles. J'ai fait lire notamment les pétitions de Roulers et de la banlieue, dont je connais certainement les habitants, eh bien, la moitié au moins des noms sont remplis d'erreurs. Ainsi, messieurs, quel cas pouvez-vous faire de la publication de ces noms, telle qu'elle est faite par le Moniteur? Je dis que ceux qui fondent un jugement sur cette publication s'exposent à tomber dans les plus grandes erreurs.
M. Orts. - C'est précisément pour qu'on ne formule pas des jugements erronés, que l'autorité doit vérifier les faits; elle doit examiner si aucun de ces faits ne porte atteinte aux prescriptions de la loi. C'est uniquement dans ce but que le renvoi est demandé, et si l'auteur de la pétition sur laquelle il s'agit de statuer, s'est servi des mots : « vérifier la position sociale », il ne peut avoir eu en vue qu'une chose, c'est de constater s'il est vrai, par exemple, qu'on a fait signer des enfants, incapables de comprendre ce qu'ils signent. Je crois qu'une vérification de la condition sociale des pétitionnaires, à ce point de vue, serait essentiellement convenable, car si on voulait tuer sous le ridicule le droit de pétition, l'un des plus utiles dans un gouvernement constitutionnel, on ne pourrait faire mieux que d'en user comme on l'aurait fait, d'après certaines réclamations.
Je désire qu'on puisse une bonne fois savoir à quoi s'en tenir, afin qu'on ne puisse plus dire que le droit de pétition a été vicié dans son essence, si en effet il n'a été exercé que par des personnes agissant librement et sachant ce qu'elles faisaient. Mais si des abus ont été commis, si des faux même ont été commis, alors il faut que ces délits soient réprimés. Qu'arriverait-il, par exemple, si dans une élection des gens renversaient la boîte du scrutin pour substituer d'autres bulletins à ceux qui auraient été déposés? Mais évidemment ces gens devraient être punis et seraient punis en effet. L'honorable M. Dumortier sera certes de mon avis sur ce point. Je ne demande pas autre chose relativement au droit de pétition.
Maintenant, l'honorable M. Dumortier a soulevé une question de prérogative entre la chambre et le gouvernement; il a dit qu'il ne convient pas que la chambre charge le gouvernement de contrôler les actes des personnes qui lui adressent des pétitions; mais si des abus ou des délits ont été commis à l'occasion de ces pétitions, comment le gouvernement pourrait-il le découvrir si la chambre ne le saisit pas de la question? Il faut réellement une décision de la chambre pour lui soumettre le corps du délit, les pétitions qui sont sa propriété. Sans une pareille décision, il n'aurait pas même le droit de les examiner.
Je crois donc, messieurs, que la démarche du pétitionnaire est une démarche convenable et que le libre exercice du droit de pétition doit être respecté aussi bien pour lui que pour tous les autres pétitionnaires auxquels s'intéresse l'honorable M. Dumortier.
M. de Mérode. - Messieurs, quand il serait vrai que dans quelques pétitions on aurait fait signer des personnes trop jeunes, cela ne prouverait rien contre l'ensemble des pétitions; dans un mouvement pétitionnaire comme celui-là, c'est l'ensemble qu'il faut considérer. Quant à moi, je ne serais pas étonné que, dans une foule de pétitions comme celle qui vous a été adressée, il se fût glissé quelques irrégularités. Ce n'est pas là un motif pour renvoyer les pétitions aux ministres et à des ministres qui ont présenté un projet de loi contraire à ce que demandaient les pétitionnaires. Les ministres sont trop intéressés à infirmer en quelque sorte le vœu des pétitionnaires et à rendre les pétitions plus ou moins ridicules.
Quant aux abus dont on parle, nous savons que le Moniteur est plein de fautes, et je reconnais qu'il est très difficile de copier des noms propres; les observations de M. Rodenbach peuvent être exactes; mais je dois, pour mon compte, excuser la correction du Moniteur.
Il serait par trop difficile de copier très exactement des noms qui sont écrits quelque fois très mal; tout le monde n'est pas obligé d'avoir une belle écriture.
M. Dumortier. - Messieurs, d'après ce que vient de dire l'honorable M. Orts, il semblerait que tout n'est que délit et crime dans les pétitions qui ont été adressées à la chambre...
M. Orts. - Des faux sont des crimes.
M. Dumortier. - Sans doute; mais tout le monde est en droit de dénoncer ces crimes au ministère public, et il est inutile de venir saisir le gouvernement d'une affaire qui ne le concerne en rien du tout. (Interruption.)
M. Bruneau, c'est la moralité des pétitions qui vous touche; vous parlez des fausses signatures : eh bien, si vous connaissez de fausses signatures, il est de votre devoir de les signaler; vous manquez à votre devoir, si vous ne les signalez pas. Ayez donc le courage de remplir votre devoir, et ne versez pas, pour un abus spécial qui peut avoir être commis, un blâme général sur tous les citoyens indistinctement qui, en s'adressant à ia chambre dans cette circonstance, ont usé d'un droit constitutionnel...
- Un membre. Un pétitionnaire de Tournay a dit qu'il n'a pas signé la pétition qui porte son nom.
(page 1434) M. Dumortier. - Effectivement, un sieur Decarpentries a déclaré n'avoir pas signé la pétition ; mais on lui a fait observer que la signature était celle d'un autre habitant de la ville, portant le même nom, et les journaux ont mentionné cette circonstance le lendemain.
Il faut que la chambre sache que la personne de Tournay qui est venue faire cette réclamation sollicite aujourd'hui un emploi du gouvernement, et c'est sans doute pour se rendre intéressante auprès de l'administration centrale que cette personne vient déclarer n'avoir pas signé la pétition. Non, elle n'a pas signé la pétition ; c'est la signature d'une autre personne de Tournay, portant le même nom; d'ailleurs, les noms des deux personnes ne sont pas complètement les mêmes; l'un des noms a une lettre de plus que l'autre.
Messieurs, voilà le prétendu faux qu'on vient vous dénoncer!
S'il y a eu des faux, ayez le courage de les signaler, mais ne venez pas, je le répète, verser un blâme général sur tous les pétitionnaires qui exercent un droit constitutionnel.
Le gouvernement n'a pas le droit de s'ingérer dans les affaires de la chambre, ni dans celles des citoyens; le gouvernement doit gouverner, mais il ne doit pas contrôler ce que font les citoyens. Si le gouvernement avait un pareil droit, il n'y aurait plus de libertés dans la Constitution; nous pourrions effacer alors le titre des Belges et de leurs droits, et vous serez dans la vérité.
Si des abus se sont commis à l'occasion du pétitionnement, je le déplore; mais ce n'est pas un motif pour soumettre les pétitionnaires à une enquête ministérielle. Le renvoi au ministre, à fin d'enquête, porterait atteinte au droit de pétition, et la chambre ne peut ni ne veut sans doute porter atteinte à l'un des droits les plus sacrés sur lesquels reposent nos libertés.
M. le président. - La chambre n'est plus en nombre.
- La séance est levée à 5 heures moins un quart.