(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1071) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Luesemans présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Alexandre Gendebien, présentant des observations sur le projet de loi relatif à la réduction du péage sur le canal de Charleroy, demande l'abolition des péages et des droits de barrière, ou du moins la répartition égale des péages sur les diverses voies navigables. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
M. Delehaye. - Messieurs le pétitionnaire adopte la proposition de la section centrale. La lecture de la pétition aurait pour effet d'abréger la discussion qui doit avoir lieu tout à l'heure. Je demande que la chambre en ordonne la lecture.
M. le président. - On pourrait donner lecture de la pétition, au moment où la chambre abordera la discussion du projet de loi concernant la réduction des péages sur le canal de Charleroy. (Adhésion.) S'il n'y a pas d'opposition, il en sera ainsi.
« Les sieurs de Gruytters, Van Put et Lefever Mols, fondateurs de la société d'irrigation de la Campine , demandent l'abrogation de la loi du 10 février 1843, relative à la canalisation de la Campine, l'abolition du péage sur le canal de Maestricht à Herenthals pour le transfert des engrais et des matériaux nécessaires au défrichement des landes, et la remise des droits d'enregistrement et de transcription sur les bruyères qui seront achetées par la société à des communes. »
M. Coomans. - Messieurs, cette pétition mérite d'être remarquée.
Elle vous est adressée par d'honorables habitants de la province d'Anvers, qui viennent de fonder une société d'irrigation de la Campine, société annoncée il y a quelques semaines par l'honorable M. Rogier, et autoriser par un arrêté royal du 14 mars. Leur but est de convertir nos bruyères en prairies et en champs arables. Déjà ils ont mis la main à l'œuvre du côté d'Arendonck. Le succès ne semble pas douteux, car les procédés de culture employés par les pétitionnaires ont déjà été éprouvés dans le Limbourg et donné des résultats favorables au gouvernement belge. Les fondateurs de la société dont il s'agit comptent avec raison sur le concours des chambres et du cabinet. Ils demandent trois choses qui, loin d'être onéreuses pour le fisc, augmenteraient dans un prochain avenir les ressources du trésor : D'abord l'abrogation de la loi du 10 février 1843, qui impose des charges exceptionnelles et lourdes aux riverains du canal de la Campine. Ensuite le transport gratuit sur le canal de la Campine des engrais et des matériaux nécessaires au défrichement. Enfin la remise des droits d'enregistrement et de transcription pour toutes les bruyères que la société achèterait désormais aux communes. Au moment où des sacrifices nouveaux sont demandés à l'agriculture et où des faveurs notables sont accordées à l'industrie et au commerce, la demande des pétitionnaires, qui se confond d'ailleurs avec l'intérêt général, me semble mériter d'être accueillie avec faveur. Je prie la chambre d'engager la commission des pétitions à faire un prompt rapport sur la pièce qui lui est soumise.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Coene, artiste peintre, restaurateur en tableaux, prie la chambre de lui accorder, ainsi qu'à sa femme, le passage gratuit à New-York. »
« Même demande du sieur François, artiste peintre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Thrys, détenu au dépôt de mendicité de Mons, demande sa mise en liberté. »
- Même renvoi.
Par message du 21 mars, le sénat informe la chambre que, dans la séance du même jour, il a adopté le budget du département de la guerre pour l'exercice 1849.
- Pris pour notification.
M. le président. - La parole est à M. le secrétaire de Luesemans pour donner lecture de la pétition de M. Alexandre Gendebien.
M. de Luesemans. - Voici cette pétition :
« A la chambre des représentants.
« Messieurs,
« Dans un pays aussi admirablement placé pour le commerce extérieur, dans un pays riche en matières premières, riche en intelligence, en activité ; dans un pays comme le nôtre, où l'industrie opère sur des matières pondéreuses ; la circulation sur toutes les voies de transport devrait être affranchie de tous péages. Eh bien, messieurs, c'est précisément sur le canal de Charleroy à Bruxelles, et sur la Sambre, consacrés l'un et l'autre au transport des matières pondéreuses, des matières premières indispensables à toutes les industries, que pèsent plus lourdement, plus inégalement les péages.
« Depuis 15 ans l'arrondissement de Charleroy réclame ; depuis 15 ans il ne soutient son industrie que par des sacrifices sans cesse renouvelés. Consultez, messieurs, les archives du gouvernement de la province du Hainaut, vous y trouverez la preuve authentique que l'arrondissement de Charleroy perd, tous les ans, des capitaux considérables dans sa principale et unique industrie : l'exploitation des charbons, la fabrication du fer. Notez-le bien, messieurs! il a été démontré que les pertes correspondent à la différence des péages.
« Le gouvernement propose enfin une réduction de 35 p. c. sur les péages du canal de Charleroy à Bruxelles. Permettez-moi de vous le dire, messieurs, c'est là une demi-mesure qui n'aura d'autre effet que de prolonger l'agonie des exploitants de l'arrondissement de Charleroy. C'est une demi-mesure qui va perpétuer une iniquité, une inconstitutionnalité. Un exemple rendra la chose sensible; je suppose que l'on vienne vous dire : Depuis 15 ans le droit de barrière, sur la route de Charleroy à Bruxelles, est de 4 fr. par cheval et par lieue; sur les autres routes on paye, en général, 10 centimes par cheval. Vous vous indigneriez à ce récit; vous ne manqueriez pas au devoir que vous impose l'article 112 de la Constitution : « Pas de privilèges en matière d'impôt. »
« Si, pour réparer l'injustice, on vous proposait de réduire le droit de 1 franc à 66 centimes, vous ne manqueriez pas d'exiger justice complète, et vous décréteriez, sans hésiter, l'abaissement du droit au taux normal de 10 centimes par lieue.
« Pourquoi ce qui est juste et constitutionnel pour les routes pavées ne le serait-il pas pour les canaux ?
« Les voies navigables rapportent au trésor 3,00,000 de francs. Abolissez les péages ainsi que les droits de barrière, vous ferez chose utile à tous les consommateurs, vous donnerez à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, le meilleur, le seul encouragement efficace et conforme à l'esprit de nos institutions constitutionnelles.
« Voulez-vous le conserver? Soit! mais répartissez-le sur les 284 lieues de voies navigables; ne le faites pas ruineux pour les uns, léger et quelquefois imperceptible pour les autres. En un mot, messieurs, exigez que l'article 112 de notre Constitution reçoive sa pleine et entière exécution.
« Messieurs, faites-vous donner communication de tous les tarifs des voies navigables, vous serez scandalisés des inégalités, des privilèges pour les uns, des monstrueuses surcharges pour les autres.
« Faites-vous produire la statistique des quantités transportées sur nos voies navigables ; le plus simple calcul vous démontrera que la perception moyenne de 4 à 5 centimes, par tonne et par lieue, procurera incessamment au trésor un revenu plus considérable que celui qu'il obtient aujourd'hui en ruinant les uns, en constituant un privilège pour les autres ; en un mot, en violant la Constitution et les plus simples notions de justice distributive.
« Point de demi-mesures, messieurs, parce qu'elles couvrent toujours ou une faiblesse ou une injustice. Point de demi-mesure, parce que, en présence de la question à résoudre, cette demi-mesure viole ouvertement notre Constitution et les plus simples notions de justice distributive et d'économie politique.
« Veuillez agréer, messieurs et honorables anciens et nouveaux collègues, l'expression de mes sentiments les plus distingués.
« A. Gendebien.
« Bruxelles, 23 mars 1849. »
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article unique elle se confond avec la discussion générale.
M. Julliot. - Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis ne soulève pas une question nouvelle. Déjà, à différentes reprises, on s'est occupé de ces intérêts pendant la session actuelle.
Au commencement de cette session, messieurs, en décembre, je pense, l'intention du cabinet n'était nullement de se laisser dépouiller d'une partie (page 1072) d'un de ses revenus les plus assurés. Le cabinet croyait cet impôt bien établi et entendait le conserver dans son entier.
Je prie MM. les ministres de croire que, dans tout ce que je me propose de dire, il n'y aura rien de personnel pour eux; je les estime, ils ne peuvent en douter, je suis un de ceux qui rendent hommage public à la conduite que, depuis leur entrée aux affaires, ils ont tenue en politique extérieure comme en politique intérieure.
Ainsi, loin de moi la pensée de leur être politiquement hostile. D'ailleurs, j'ai trop peu de vénération pour je ton agressif, pour que je me le permette moi-même.
Messieurs, après avoir rendu justice à la conduite politique de nos hommes d'Etat, j'ai acquis le droit de critiquer leurs vues économiques et financières.
La tendance manifeste du cabinet, c'est la centralisation, d’avoir beaucoup d'argent pour en dépenser beaucoup. Nos ministres sont heureux quand ils peuvent s'immiscer dans quelque service industriel ou commercial, soit par entreprise directe, prime, protection, subvention, prêt ou organisation, Ils ne se tiennent pas compte que, dans un pays libre, plus le gouvernement intervient dans les affaires d'intérêt privé, plus il s'affaiblit parce qu'il multiplie les appétits, il éveille la cupidité, il fait naître des armées de solliciteurs et des bataillons de mécontents. Ce sont nos devanciers, c'est nous qui le poussons aussi dans cette direction; Dans ce système, il fait croire au grand nombre qu'on peut se reposer sur le gouvernement en tout état de cause.
Ce fâcheux système de centralisation entraîne l'Etat à exploiter une foule de choses à perte, et, dans tous les cas donnés, d'une manière moins économique que le ferait l'intérêt privé, parce que ce qui appartient à tout le monde n'appartient à personne, et que l'intérêt d'une entreprise est mal servi, alors que la vivacité qu'excite la propriété fait absence, complète chez les préposés aux entreprises de l'Etat.
En voulez-vous un exemple, messieurs, entre cent? Le voici : l'année dernière encore, des ingénieurs du chemin de fer me disaient que l'Etat, en fabricant son coke lui-même, faisait une excellente affaire, et que nul adjudicataire ne pourrait le fournir au prix de revient de l'Etal. Cet excellent prix de revient montait à 12 francs. On vient d'en adjuger la fourniture, et le prix du coke ne dépasse plus 13 fr.; donc, de ce chef seul, le trésor de l'Etat fait un bénéfice annuel de 900,000francs.
Messieurs, comme cette fabrication par l'Etat passait pour excellente, je vous laisse juger du reste.
J'ai la conviction intime qu'il en est ainsi de tous les services rendus par l'Etat, et à ce point de vue j'ai le droit de déclarer, à la face du pays, que le gouvernement nous gouverne trop.
J'ai dit, messieurs, que le gouvernement d'abord ne se proposait pas de, toucher au péage du canal de Charleroy; mais le tarif du chemin de fer du 1er septembre, ayant diminué le transport par eau, tout comme la loi que vous allez voter, va diminuer à son tour le transport par chemin de fer, si elle est destinée à avoir un résultat quelconque, les intéressés du pays de Charleroy ont commencé la pression du dehors, les journaux les ont secondés, et la ville de Bruxelles est venue porter ce que j'appellerai, le coup de grâce. Dans une heure, le cabinet de décembre 1848 aura passé condamnation et la loi sera votée. On nous propose une réduction de 33 p. c, mais on n'en restera pas là, la recherche indéfinie de l'équilibre nous promet mieux que cela, déjà il nous est arrivé différentes nouvelles pétitions.
Messieurs, alors que l'Etat exerce l'industrie voiturière contre des péages, il est à remarquer que les recettes qu'il fait de ce chef varient de nature d'après l'élévation de leur chiffre.
C'est ainsi que, dans une première hypothèse, les péages d'un service voiturier sont la rémunération de ce service tant que le chiffre de ces péages ne dépasse pas les frais nécessaires à l'exploitation de ce service; mais toute la partie des recettes qui dépasse le chiffre des dépenses devient impôt de consommation à charge de ceux qui consomment les objets transportés et devient profit pour la généralité des habitants du pays. C'est l'histoire du canal de Charleroy qui produit 14 fois autant qu'il coûte à l'Etat.
Deuxième hypothèse ; quand les frais d'un service rendu par l'Etat se remboursent exactement par les recettes, qu'il ne resta ni boni, ni mali, le résultat pour la communauté est négatif, sous réserve toutefois que si ce même service était rendu pour l'intérêt privé, il coûterait beaucoup moins et le consommateur payerait moins cher sa denrée; mon coke est là pour l'attester. Je ne sais lequel de nos services je puis invoquer comme exemple, et, par prudence je m'abstiens d'en désigner.
Troisième hypothèse: Chaque fois que les dépenses faites pour un service rendu par l'Etat ne sont pas couvertes par les recettes, il y a déficit; ce déficit, comblé par la seule ressource possible, qui est l'impôt, constitue une prime au profit des consommateurs et une charge pour la généralité des habitants; tels sont nos chemins de fer, nos bateaux à vapeur, etc.
Je m'accuse volontiers de participer à cette prime pour chaque voyage que je fais de Tongres à Bruxelles et vice versa.
Il résulte donc du rapprochement de ces trois hypothèses, que les consommateurs des houilles de Charleroy payent à Gand et à Bruxelles, par exemple, primo un impôt de consommation pour péages du canal de Charleroy, plus sur leurs autres revenus une prime en faveur de la houille de Liège, afin, dit-on, d'équilibrer les situations, de pondérer les bénéfices industriels des exploitants au détriment des autres, et quand je dis les autres je crois être compris.
Je conviens, messieurs, que quand l'une partie du pays exploite telle industrie manufacturière, une autre partie du pays exploite telle industrie, toutes les deux sont intéressées à se taire et à percevoir les plus grosses primes possibles de la communauté. Mais les parties considérables du pays qui ne participent en rien à tous ces marchés, s'indignent à la vue de tous ces tripotages.
Et qu'on ne vienne pas me dire que toutes les parties du pays sont favorisées par le chemin de fer! Je vous déclare que, dans le Limbourg, onze cantons sur treize payent en moyenne, pour arriver par axe à la station la plus voisine, autant de frais de transport que coûte le même poids de cette station à Anvers. Or, différence, au détriment des localités déshéritées, de 100 p. c.
Je ne me serais pas permis d'exposer à nu ce système factice dont je suis loin de dévoiler toutes les plaies, que je réserve pour d'autres circonstances; mais ce système ne peut avoir pour effet que de greffer injustice sur injustice. En effet, à chaque occasion les diverses localités du pays, par l'organe de leurs mandataires, se sont levées dans cette enceinte pour étaler aux yeux des contribuables les prétentions les plus antiéconomiques, les plus absurdes que l'on puisse produire à une tribune.
Chacun demande des faveurs du gouvernement et des chambres. Si cependant on devait demander ce denier de protection à chacun des contribuables, on s'en garderait bien; mais à l’aide de la fiction de l'être collectif, dit gouvernement, qui s'y prête il ne se peut mieux, on demande la charité légale avec infiniment d'aplomb. Ce n'est autre chose que la mendicité officielle introduite au sein de l'assemblée délibérante, non pas humble et suppliante, mais assurée et audacieuse, ayant le verbe haut.
Messieurs, écoutez-moi, s'il vous plaît et répondez-moi; le pays jugera.
On demande la conservation des marchés dont on est en possession, il faut que la nation paye pour produire artificiellement ce fait économique.
On demande l'équilibre dans l'action industrielle des transports. Même rôle pour le contribuable, mais sur une plus vaste échelle.
On demande la pondération des profils industriels et commerciaux entre les différents exploitants, et toujours au détriment des autres.
Voilà, messieurs, le spectacle édifiant qui m'a frappé en me trouvant assis depuis 4 mois sur ce banc ; peut-on croire que l'exposé au grand jour d'une fantasmagorie économique de cette espèce puisse durer longtemps encore? qu'elle ne soit pas destinée sous peu à tomber sous le poids de son exagération même et sous les sifflets des paysans?
Pour moi, messieurs, j’ai foi dans cette exagération et j'y pousse de toutes mes forces.
L'absorption par l'Etat des intérêts individuels grossira outre mesure, chacun voudra arriver à un équilibre qui lui sera favorable; ce système aboutit à la dégradation humaine; un retour vers l'individualisme peut seul sauver le pays.
J'ai prononcé le mot de dégradation humaine, messieurs; oui, je le répète, vous ne pouvez équilibrer les forces vives du pays qu'en abattant les forts au niveau des faibles; il ne vous est pas donné de rendre fort ce qui est faible, sans que vous produisiez autre chose que de déplacer et d'empirer la faiblesse.
Quand vous attirez par votre protection un capital vers une industrie factice qui ne sait se suffire et qui, quoi que l'on fasse, ne fera rien de durable, vous ne prenez pas le capital en l'air, vous le détachez d'une autre industrie qui fonctionnait naturellement sans protection aucune et qui constituait un travail utile à la nation. Vous volez au secours d'un boiteux que vous ne guérirez pas et, en passant, vous en éclopez un autre qui marchait droit.
Mon, messieurs, il ne faudrait pas croire au progrès des idées, il ne faudrait pas se dire que le besoin de liberté qu'éprouve le siècle ne se bornera pas toujours à n'en voir qu'un côté, celui de pouvoir insulter à un fonctionnaire ou faire une tentative pour culbuter un gouvernement. D'autres destinées nous attendent, et je conjure le gouvernement qui a su se mettre à la tête de la liberté dans l'ordre politique, de nous conduire vers le port de la liberté industrielle et commerciale à l'intérieur, comme à la frontière, en ne brusquant toutefois pas sa marche. Ce sera une belle page de plus à insérer dans notre histoire.
Les finances de l'Etat sont obérées, dites-vous, mais c'est que vous le voulez bien. Effacez progressivement de vos budgets toutes vos lucratives entreprises que l'intérêt privé peut exercer pour vous. Vous parviendrez à réduire vos budgets à 80 millions, du moment que vous voudrez vous résigner à vous tenir renfermés dans le rôle de gouvernement. Vous éveillerez les forces vives du pays, vous provoquerez la circulation des capitaux, vous favoriserez leur augmentation parce qu'il vous faudra moins d'argent, et que les services rendus par l'intérêt privé ne feront aucune dépense improductive. Le pays aura les mêmes services et accumulera en capital un tiers des frais de vos exploitations officielles.
Je me résume.
Le pays doit opter entre le système ruineux établi depuis plusieurs années et le système opposé qui est la décentralisation ; celle-ci, j’en conviens, ne peut se faire brusquement, mais on peut mettre la main à l'œuvre dès aujourd'hui, par la suppression, par exemple, des bateaux à vapeur entre Anvers et Tamise, exploitation onéreuse pour l'Etat; j'appelle sur ce point toute la sollicitude de M. le ministre des affaires étrangères.
Je voterai contre toute réduction d'impôt, comme contre tout nouvel impôt, tant que je verrai le gouvernement persévérer dans ce système ; pour moi, le mot de ralliement est : décentralisation; tout ce qui porte ce caractère je l’adopte, tout ce qui est empreint du caractère opposé je le repousse.
(page 1073) Et alors, messieurs, que je me trouve parmi mes compatriotes et amis les campagnards qui aussi se plaignent de leur situation, je leur prêche la patience, le travail, la prière, l'amour des uns pour les autres, je leur dis : Ne vous reposez pas sur la crèche, la salle d'asile, l'atelier d'apprentissage; le travail de l'Etat est finalement le fronton monstre de l'invalide civil; si' vous recherchez cela, passez en Russie où le système fonctionne dans toute sa perfection. Vous serez serf. Car si vous entendez dire que l'Etat cherche à introduire ce perfectionnement moscovite dans notre civilisation, ne vous y fiez pas; il lui est impossible de rêver de pouvoir soulager tous ceux qui y auraient les mêmes droits.
Je leur dis : M. le ministre de l'agriculture a de bonnes intentions pour vous; il voudrait tous vous voir prospères, mais en attendant des temps meilleurs, construisez des fours d'Egypte pour faire éclore des poulets, et si votre industrie languit, si le tuyau de votre cheminée se refroidit, l'Etat viendra chaleureusement réchauffer votre haut fourneau par un subside, un prêt ou tout autre moyen, comme il le fait à Liège ou à Couillet; votre entreprise reprendra vie avec d'honorables volatiles que les bateaux de l'Etat transporteront gratis à Londres;
Mais en dernier résultat, n'ayez confiance qu'en vous-mêmes, soyez et restez hommes libres au physique comme au moral. Aide-toi et le Ciel l'aidera.
M. Vermeire. - Messieurs, la question des péages sur le canal de Charleroy a été, récemment encore, l'objet de discussions longues et approfondies dans cette chambre. Il reste donc peu d'arguments à ajouter en faveur de cette réduction, généralement reconnue nécessaire.
Cette réduction devrait être aujourd'hui d'autant plus, forte, que, sauf celle de 15 p. c. et qui date de 1832, c'est la seule qui ait été accordée sur ce canal pour le transport vers l'intérieur.
Il n'en a pas été de même sur les autres voies de transport appartenant à l’Etat.
Ainsi sur le canal de Pommerœul à Antoing, dont le péage primitif s'élevait à peine à la moitié du péage actuel sur le canal de Charleroy (il était de fr. 0-72 par tonne pour environ 25 kilom., soit fr. 1-40 pour 49 kilom.) ; on l’a réduit de moitié dès 1828, époque de la reprise de ce canal par le gouvernement.
Le chemin de fer, dont le tarif pour le transport des marchandises pondéreuses était en 1842 était de 10 c. par tonne-lieue, fut en 1846 à 5,5 c. et n 'est aujourd'hui plus que de 0,03 c.
De manière que du premier au deuxième tarif, il y a réduction de 45 p. c. ; de deuxième au troisième tarif de 36 p. c.. Ensemble 81 p. c. de diminution.
Il me semble donc, messieurs, que lorsque les voies de transport appartenant à l'Etat subissent des modifications aussi radicales, modifications que je suis loin de blâmer, mais que j'approuve, parce que j'estime trop à leur juste valeur les bienfaits indirects qui en résultent pour l'industrie, le commerce, et le travail, il devient de toute équité de faire subir des diminutions équivalentes aux péages sur le canal de Charleroy.
(erratum, page 1096) Avant de continuer, qu'il me soit permis, messieurs, de présenter la position du canal de Charleroy; comparée à celle des canaux de Mons à Comté et de Pommerœul à Antoing.
Canal de Mons à Condé : 24.288 mètres, péage fr. 0.029 pour le parcours entier ;
Canal de Pommerœul à Antoing : 25,050 mètres, péage fr. 0.60 pour le parcours entier ;
Canal de Charleroy à Bruxelles : 74,200 mètres, péage fr. 3.07 pour le parcours entier ;
Canal du Centre à Bruxelles, 1/3 en moins : 49,467 mètres, fr. 3.07 pour le parcours entier.
Ensemble : 173.005 kilomètres, péages fr. 6.769.
En moyenne 39 c. par kilomètre.
Ce tableau nous indique que sur le canal de Charleroy, du Centre à Bruxelles, tout en ayant égard à un parcours proportionnel de 43,250 mètres ou le quart du parcours total (je néglige les fractions) on paye dans la proportion de 51 à 1 ou 51 fois le péage du canal de Mons à Condé, et de 1 à 3 ou 3 fois celui de Pommerœul à Antoing.
Cette position exceptionnelle dans laquelle vous tenez le canal de Charleroy, ne demande-t-elle donc une réforme radicale et proportionnelle à celle que vous avez fait subir aux autres voies de transport ?
Le nier, messieurs, serait reconnaître évidemment que le canal de Charleroy a été créé dans un but fiscal, et non dans celui de rendre des services à l'industrie et au commerce du pays.
Vous connaissez trop bien le but de la création de ce canal pour que je puisse me dispenser d'établir par des citations historiques que le revenu fiscal n'y est que comme accident.
Messieurs, je crois devoir rencontrer ici une phrase de l'exposé des motifs, par laquelle M. le ministre semble faire croire que ce n'est que l'intérêt privé de quelques exploitants de mines et d'industriels des bassins de Charleroy et du Centre qui demande cette réduction avec une persévérance étonnante. La voici :
« Nonobstant ces réductions successives de péages (or notez qu'il n'y a qu'une seule réduction pour l'intérieur; celle de l'extérieur est la conséquence de notre traité avec la Néerlande ; ne pas accorder cette dernière, c’était abandonner à d'autres le marché de ce pays et ces accroissements continuels de transports, les plaintes des exploitants de mines et industriels des bassins de Charleroy et du Centre n'ont été ni moins vives, ni moins pressantes, que par le passé. »
Mais, M. le ministre oublie de nous dire que la province du Brabant, l'administration communale de Bruxelles, la députation permanente d'Anvers, la chambre de commerce d'Anvers, la chambre de commerce de Bruxelles, les industriels de Gand et bien d'autres encore se sont faits les échos des réclamations justes et fondées, tendantes à obtenir la réduction des péages en question.
La chambre de commerce d'Anvers, dans une pétition adressée à M. le ministre des affaires étrangères en date du 30 décembre 1846, traitant de la réduction des péages sur le canal de Charleroy, au point de vue de l'industrie, demande une réduction de 75 p. c. sur le canal de Charleroy, et argumente de la manière suivante :
« L'arrêté du 31 décembre 1845 pose en principe que nos fabriques indigènes ont droit à une réduction de péages, sur le transport par canaux et rivières des articles exotiques, nécessaires à leur travail. Si la houille faisait défaut en Belgique, et devait nous être importée de l'étranger, nos usines réclameraient et obtiendraient sans doute l'application de ce principe à ce grand élément de production industrielle; et aujourd'hui que nous l'avons en abondance dans le pays même, son transport jusqu’aux fabriques belges est soumis à des taxes plus élevées qu’envers l'étranger ! C'est, il faut l'avouer, une anomalie qu'en saine économie politique l'on devrait se hâter de faire disparaître ? »
Eh bien, messieurs, savez-vous quel est le résultat de cette anomalie ? C'est qu'ainsi que me l’a encore affirmé dernièrement un des principaux exportateurs de houille, le prix de cet élément de production industrielle, comme l'appelle la chambre de commerce d’Anvers, est de plus de 10 p. c. plus bas à Schiedam qu'à Bruxelles.
Je crois donc, messieurs, avoir prouvé que même avant la mise en vigueur du tarif du 1er septembre pour le transport des marchandises par le chemin de fer, une réduction radicale sur le péage du canal de Charleroy était de toute justice, de toute équité.
Ce tarif du chemin de fer, messieurs, met le canal dans une position tout à fait exceptionnelle, et en dehors du droit commun, et, comme le dit très bien l’honorable rapporteur de la section centrale, une prompte réduction devient d’autant plus nécessaire que chaque jour de retard « prolonge des misères que la loi doit soulager, paralyse les transactions commerciales et cause un préjudice au trésor. »
Messieurs, ne voulant pas abuser de nos moments précieux, je me bornerai à faire une observation sur la base sur laquelle repose le projet de loi pour établir qu’entre le tarif précédent et le tarif actuel du chemin de fer, il y a une différence de fr. 1-08 ou 35 p. c.
Si les renseignements que j'ai reçus à cet égard sont exacts, et je les crois tels les ayant puisés à des sources respectables, le mode de transport par abonnement serait pour ainsi dire abandonné, parce que les conditions de ce mode, par suite des pénalités qu'il inflige, ne récompensent pas les avantages qu'il présente. Donc, au lieu de prendre la moyenne entre fr.4-57 et 5 fr., on devrait prendre au moins 5 expéditions à fr. 5, soit fr. 25 fr., et une expédition à 4 fr. 57 c., soit 29 fr. 57 c. 1/6 en moyenne, soit 4 fr. 93 ; à déduire : 3 fr. 70.
Soit environ 40 p. c. ou 1 fr. 23 par tonne.
Ensuite, au point de vue des bateliers, rétablir l’équilibre entre la navigation et le chemin de fer, doit se comprendre de manière à arriver à prix égal, par différents modes de transport, sur un point indiqué.
Messieurs, quoique je croie que le compte de revient, joint à la pétition des propriétaires de bateaux à Molenbeek de Bruxelles, du transport d’un tonneau de charbon du Centre sur Bruxelles soit exact, je le réduirai cependant de manière qu’en faisant des concessions tellement larges qu’elles sont inacceptables par les propriétaires de bateaux, ce prix de revient par bateau constitue une faveur pour le chemin de fer de 60 p. c. (le détail de ce calcul, repris dans les Annales parlementaires, n’a pas été insérés dans la présente version numérisée.)
(page 1074) Ainsi, messieurs, et comme en convient lui-même M. le ministre dans son exposé des motifs, la mesure de réduction n'aura point pour effet d'équilibrer entièrement le prix du transport par les deux voies ; et certes cet équilibre ne peut s'établir par cette faible réduction parce qu'il avantage le transport par chemin de fer de 25 p. c.
Qu'il me soit permis d'ajouter encore un mot sur l'intérêt du trésor engagé dans cette question.
Il est certain, messieurs, que si, par un abaissement de tarif, vous pouviez remettre au canal les matières pondéreuses que le chemin de fer transporte dans cette direction, le trésor y gagnerait considérablement par le motif que les péages sur le canal se résolvent en produits nets pour le trésor, tandis que les transports par le chemin de fer ne donnent qu'un bénéfice très réduit. C'est-à-dire que si, par extraordinaire, le gouvernement bénéficie 30 p. c. sur le transport par le canal, et 2 p. c. seulement sur le transport par chemin de fer, il doit expédier dix fois autant de marchandises par le chemin de fer, pour produire au trésor un résultat équivalent.
Mais, messieurs, comme le gouvernement n'a pas dit son dernier mot ; qu’il examinera, sans doute, dans un avenir prochain, les griefs articulés depuis si longtemps contre les péages élevés du canal de Charleroy; et qu'il ne peut avoir l'intention de dépouiller les voies navigables au profit du railway pour le plaisir unique de déplacer (erratum, page 1096) inutilement des intérêts divers et majeurs, j'accorderai un vote favorable au projet de loi en question.
M. Rousselle. - Messieurs, je ne me lève pas pour m'opposer à l'adoption de la loi qui nous est soumise; je ne puis méconnaître que cette loi est nécessaire après l'abaissement qui a été apporté dans les tarifs du chemin de fer, pour le transport des houilles. Envoyé dans cette enceinte par l'arrondissement qui comprend le centre houiller le plus important du pays, et par le nombre des ouvriers qu'il occupe et par l'emploi qu'il fait d'une immense quantité de produits du sol, je n'oublierai cependant point qu'ici je dois me prononcer comme représentant de la nation entière.
Mais, messieurs, je dois avertir la chambre, je dois avertir le pays, que cette loi ne peut être considérée que comme le commencement de la réparation qui devra suivre, et le plus tôt possible encore, les mesures adoptées par le gouvernement.
Malgré le soin que l'on avait pris d'établir un certain équilibre entre les trois districts houillers de la province de Hainaut, le péage qui se perçoit sur le canal de Charleroy à Bruxelles n'empêchait pas les charbons du Centre et les charbons de Charleroy de venir successivement supplanter les charbons de Mons, ou au moins de leur faire une redoutable concurrence dans tous les marchés que Mons possédait avant l'ouverture de ce canal. Les mesures prises en vue de rendre à nos charbons le marché de la Hollande si fructueux pour Mons avant 1830, ont tourné presque exclusivement à l'avantage des houilles du Centre, de Charleroy et de Liège. Ce que Mons livre encore est tout à fait insignifiant.
Le Centre et Charleroy ne fournissaient pas Gand. En 1843, ils entraient déjà pour 23 p. c. dans l'approvisionnement de cette ville importante, en 1848 ils y sont entrés pour 45 p. c. Avec la réduction du droit de péage, Mons doit s'attendre à perdre le reste de ce marché.
Aussi, messieurs, vous avez une première preuve de l'émotion qui cause, dans le centre houiller du couchant de Mons, le projet de loi en délibération, dans la pétition déposée sur le bureau de la chambre. Cette pétition dont un exemplaire a été remis à chacun de vous, établit d'une manière irréfragable le droit de nos houillères à obtenir une juste et prompte compensation.
Permettez-moi d'en reproduire ici quelques paragraphes : « Une expérience de 20 ans et de nombreuses applications ont donc en quelque sorte consolidé, chez nous, le principe de l'équilibre. A l'abri de ce principe, sous la tutelle du gouvernement, pour ainsi dire, de nombreux capitalistes sont venus apporter à l'industrie charbonnière plus de cinquante millions ; ils ont créé, ou du moins consolidé, des établissements industriels donnant du pain à plus de 25,000 familles d'ouvriers. Serait-il juste d'anéantir complètement ces industries ? Evidemment non. Ce serait pour l'avenir ruiner la confiance en empêchant les capitaux de venir développer une industrie, et, bien loin d'être favorable à la liberté et à la concurrence, ce régime lui serait contraire. En ruinant l'industrie charbonnière, on ruine en même temps la marine qui en transporte les produits. Aussi voit-on maintenant plus de mille bateaux vides dans le canal de Mons parce que l'industrie houillère est en souffrance.
« Sous le rapport des voies de communication, l'arrondissement de Mons a été bien moins favorisé que celui de Charleroy ; depuis 1838 les canaux de Mons et d'Antoing sont nos seuls moyens d'expédition ; encore cette dernière voie est-elle devenir inutile depuis que le gouvernement français a supprimé le droit de transit de 1-50 par tonneau, lorsqu’on parcourait l’Escaut sur son territoire. L’arrondissement de Charleroy, au contraire, a été doté de plusieurs chemins de fer : celui d'Entre-Sambre-et-Meuse pour lequel 4 p. c. d'intérêts ont été garantis par le gouvernement, celui de Charleroy à Erquelinnes, enfin celui de Manage à Mons dont l'exécution, achevée avant six mois, nous fera une redoutable concurrence. En vain le Couchant de Mons réclame depuis dix ans le canal de Jemmapes à Alost et celui de Mons à la Sambre. Sous d'autres rapports de nouveaux obstacles limitent la vente de ses produits ; une navigation longue et difficile l'empêche de prendre part à Anvers à l'exportation maritime.
« Le tarif du chemin de fer du 1er septembre 1848 a favorisé le Centre et Charleroy; il a, au contraire, porté pour Quiévrain et Jurbise de 1-50 par tonneau à 1-90, le transport des charbons, et a enlevé le débouché des petites localités telles que Ath. Jurbise, Brugelette, Leuze, qui étaient autrefois naturellement desservies par le bassin de Mons.
« Nous croyons vous avoir suffisamment démontré, messieurs, quelles seraient, pour le Couchant de Mons, les déplorables conséquences d'une réduction des péages sur le canal de Charleroy , sans aucun dégrèvement pour le Couchant de Mons. Vous hésiterez, messieurs , à porter le paupérisme sur un arrondissement pour appeler, au contraire, un excès de prospérité sur un autre. Vous êtes depuis longtemps occupés à paralyser la misère des Flandres, et cette mission est trop pénible pour que vous ne cherchiez pas à éviter de pareils malheurs dans nos contrées.
a Dans cet état de choses , les exploitants des mines de houille du Couchant de Mons prient MM. les membres de la chambre des représentants de leur accorder, à titre de compensation :
« 1° Une réduction de 50 p. c. sur les droits de navigation des canaux de Mons à Condé et d'Antoing ;
« 2° L'abolition du droit du canal d'Antoing pour les bateaux qui ne le parcourent pas, c'est-à-dire pour ceux qui vont prendre l'Escaut français à Condé pour descendre ensuite l'Escaut belge ou qui se rendent, par la France, à Menin et autres destinations de la Haute-Lys belge.
« Ces réductions ne formeront qu'une légère compensation aux nouvelles faveurs accordées aux bassins rivaux et aux voies de communication importantes qui leur permettront de venir nous combattre , non seulement sur les marchés dont jadis nous étions seuls en possession, mais sur nos propres rivages d'où toutes nos voies de navigation leur seront ouvertes. »
Messieurs, ce serait faire injure au gouvernement et à la chambre que de penser que des considérations si puissantes n'exciteront pas leur vive sollicitude. Il y a donc une haute question à examiner et qui, je le reconnais, ne peut être résolue qu'après avoir entendu tous les intéressés, qu'après avoir approfondi tous les moyens de concilier le bien-être de tous.
Mais pour que le gouvernement puisse être en mesure de rendre complète justice après ces études terminées, il convient que la législature l'investisse d'une faculté analogue à celle qui lui a été déléguée pour les concessions de péages et pour les tarifs du chemin de fer. Les députés de l'arrondissement de Mons ont donc formulé ce but dans un amendement que je vais déposer entre les mains de M. le président. Cet amendement est ainsi conçu :
(page 1096) « Art. 2. Le gouvernement est également autorisé:
« 1° A réduire de 50 p. c. les droits de navigation, tant sur le canal de Mons à Condé que sur celui de Pommerœul à Antoing ;
« 2° A ne plus assujettir au payement des droits perçus sur ce dernier canal les bateaux qui, ne le parcourant pas, transitent par les eaux françaises pour rentrer en Belgique. »
(page 1074) Le premier paragraphe de cet amendement tend à donner au gouvernement la faculté d'abaisser les droits des deux canaux de Mons à Condé et de Pommerœul à Antoing, dans la proportion qui sera reconnue juste après l'étude de la question, mais qui ne pourra dépasser 50 p. c. Une pareille disposition peut s'apprécier a la simple lecture.
Le deuxième paragraphe tend à autoriser le gouvernement à faire disparaître cette anomalie, à savoir : que les bateaux chargés en Belgique et qui prennent les eaux françaises pour entrer dans l'Escaut à Antoing, payent un droit plus fort que les bateaux chargés en France, et par là nos expéditeurs sont forcés de renoncer à une voie navigable parallèle au canal de Pommerœul à Antoing et qui serait bien moins coûteuse pour eux. On ne comprend pas que les Belges soient traités plus durement que les étrangers.
Les députés de l'arrondissement de Mons, au nom desquels je parle en ce moment, espèrent de la chambre un accueil favorable à cet amendement, par lequel nous ne voulons rien préjuger, et consacrons uniquement la faculté de faire justice aux droits et aux intérêts de tous, quand ils auront été débattus et reconnus.
Je me suis aussi chargé, messieurs, d'exprimer à la chambre les regrets de mes honorables amis, MM. Dolez et de Royer, d'être empêchés par une indisposition, de venir prendre part à vos délibérations sur cette importante affaire. Leur concours nous manque donc, surtout la parole, toujours si favorablement accueillie dans cette enceinte, de celui de ces amis qui siège ordinairement à côté de moi. J'ose espérer que nous retrouverons dans la surveillance de la chambre ce qui nous manque par l'absence de ces estimables collègues et amis.
J'aime à croire aussi que M. le ministre des travaux publics qui recherche avec ardeur, avec conscience, les moyens de faire justice à tous, nous prêtera son appui pour l'adoption de notre amendement.
(page 1075) M. Faignart. - Le projet de loi présenté par l'honorable ministre des travaux publics me paraît incomplet sous deux rapports; le premier, en ce que le chiffre de la réduction est trop peu élevé pour mettre le canal de Charleroy à même de rivaliser avec le chemin de fer, en rapprochant ses péages de ceux établis sur les autres canaux; le second, en ce qu'il ne fait point disparaître une injustice criante, une bizarrerie que, jusqu’à présent, l’on a essayé d’expliquer en s’appuyant sur des renseignements erronés, en invoquant des principes dont le maintien et l’application apparaissent chaque jour de plus en plus impossibles. Oui, messieurs, je dis que s’il est juste de mettre le canal de Charleroy en rapport pour les péages avec les autres canaux de la Belgique, il n'est pas moins juste d'établir sur ce canal un péage par distance, et de ne plus astreindre les exploitants du Centre qui, dans la direction de Bruxelles, ne le parcourent que sur huit lieues, au même péage que ceux de Charleroy, qui le parcourent sur quatorze ; d'autres se sont chargés et se chargeront de démontrer que la réduction, pour être efficace, doit être bien supérieure à celle que propose M. le ministre.
Quant à moi, messieurs, je suis d'avis qu'à moins de vouloir maintenir une injustice, on doit sur le canal de Charleroy, comme sur tous les autres canaux de la Belgique, comme sur les chemins de fer, comme sur les routes, comme partout enfin, établir un péage par distance et laisser à chacun les avantages respectifs de sa position, sans vouloir faire plus que la Providence qui laisse à tous le libre emploi des ressources, des facultés qui leur sont échues en partage.
Si l'on fait participer le bassin de Charleroy aux débouchés qui sont plus rapprochés du Centre, pourquoi ne faciliterait-on pas également au bassin du Centre l'accès des marchés qu'exploite Charleroy et qui sont beaucoup plus vastes; si l'on veut maintenir la fiction qui fait considérer les charbonnages de Charleroy comme étant aussi rapprochés de Bruxelles que ceux du Centre, que l'on soit conséquent, et que l'on accorde par une juste réciprocité à ces derniers le libre parcours du canal vers Charleroy. Il serait difficile, en effet, d'éviter cette alternative, ou d'obliger les exploitants de Charleroy au péage du canal depuis la Sambre jusqu'à Seneffe, ou d'accorder à ceux du Centre le libre parcours depuis Seneffe jusqu'à la Sambre.
Si, effrayée par l'idée peu juste de causer un trop grand préjudice au trésor, la chambre ne croyait pas pouvoir établir immédiatement, le péage par distance, on ne peut au moins refuser au bassin du Centre la juste réciprocité du libre parcours vers Charleroy. Cette légère compensation, qu'on lui accorderait, en attendant qu'une mesure générale dont M. le ministre reconnaît la justice, établisse des droits communs pour tous les canaux, cette légère compensation, dis-je, n'aurait sur les recettes aucune influence fâcheuse. Les charbonnages du Centre, en effet, ne peuvent maintenant expédier vers la Sambre, ou du moins ces expéditions sont si rares qu'autant vaut ne pas tenir compte des recettes qu'elles procurent.
L'honorable ministre des travaux publics, dans son exposé des motifs, et la section centrale, dans son rapport, ont reconnu la justice des tarifs proportionnels à la distance parcourue ; mais par des considérations dont je ne vois ni la force ni la justesse, on en refuse l'application actuelle au canal de Charleroy ; eh bien, messieurs, le bassin du Centre qui depuis si longtemps souffre d'une injustice flagrante, le bassin du Centre qui depuis l'inauguration du canal de Charleroy soutient une si large part des charges publiques, le bassin du centre vient vous demander, comme compensation à une injustice que vous reconnaissez, l'adoption d'une mesure dont vous ne pouvez contester le principe. Cette réparation si naturelle ne coûterait au trésor que trois à quatre mille francs, et encore, messieurs, peut-on assurer que les recettes sur la Sambre en seront augmentées pour le moins d'autant. Je ne crois donc pas que vous puissiez vous refuser à cette demande, messieurs ; non, vous ne soutiendrez pas un système dont la fausseté vous a été suffisamment démontrée. Il suffira que la chambre ait apprécié tout ce qu'il y a d'exorbitant, de contraire au droit commun dans un pareil système, pour qu'elle n'hésite pas à y introduire, sans aucun préjudice pour le trésor, au profil du Centre, une juste réciprocité des avantages dont Charleroy jouit à son détriment. Il ne suffira pas, je l'espère, pour repousser notre demande, de s'appuyer sur les faits accomplis; il est des droits qui de leur nature sont imprescriptibles, et si jusqu'ici les nôtres ont été méconnus, est-ce une raison pour qu'il en soit toujours de même? Ma confiance dans l'impartialité du ministère et de la chambre est grande, messieurs, et j'espère pouvoir compter enfin sur le redressement d'une injustice dont, depuis trop longtemps, les charbonnages du Centre ont souffert.
M. le président. - La parole est à M. Prévinaire.
M. Prévinaire. - J'y renonce.
M. Pirmez. - Pour appuyer son amendement, l'honorable M. Rousselle a fait l'énumération des avantages que l'arrondissement de Charleroy avait reçus du gouvernement en ce qui concerne les voies de communication. L'honorable représentant a puisé probablement ses renseignements dans une pétition des exploitants des mines de houille du Couchant de Mons, qui nous a été remise ce matin.
Messieurs, il n'est rien de plus inexact que les faits allégués par les pétitionnaires et reproduits par l'honorable M. Rousselle. Vous pourrez en juger. L'arrondissement de Charleroy, disent-ils, a été doté de plusieurs chemins de fer. Celui d'Entre Sambre-et-Meuse, pour lequel 4 p. c. d'intérêts ont été garantis par le gouvernement ; celui de Charleroy à Erquelinnes. Or, le gouvernement ne garantit, ni 4 p. c, ni aucun intérêt quelconque au chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, c'est ce que presque personne dans la chambre n'ignore. Le chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse a été entrepris sans le secours du gouvernement.
Quant au chemin de fer d’Erquelinnes, l'Etat n'y intervient pas davantage, cl ce chemin n'existe pas encore. De ces assertions, que vous pouvez tous facilement apprécier, vous pouvez conclure sur l'exactitude des autres. Ainsi, par exemple, il n'est pas plus exact de dire qu'à diverses époques, il avait été reconnu et établi par enquête la nécessité de maintenir sur le canal de Charleroy à Bruxelles une surtaxe en faveur du couchant de Mons. Ce qui est vrai, c’est que sans enquête et d’un trait de plume, le gouvernement provisoire diminua de moitié le péage sur le canal d’Antoing.
M. Dechamps. - Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'étendre beaucoup cette discussion. Jusqu'à présent le projet de loi n'a pas été attaqué, car l'honorable M. Rousselle a commencé par reconnaître qu'une fois le tarif du 1er septembre établi, la réduction des péages sur le canal de Charleroy en était la conséquence nécessaire. Je ferai une première remarque.
La seule opposition qui peut être faite au projet de loi présenté, indépendamment de la réserve que nous ferons nous-même en ce qui concerne l'insuffisance de la réduction proposée, cette opposition a pour objet le tarif du 1er septembre sur le chemin de fer. Or, veuillez ne pas l'oublier, la chambre a admis implicitement l'existence de ce tarif, au moins pour une année. La chambre se souvient que lorsque nous avons discuté le projet de loi ayant pour but de proroger d'une année la loi qui donne au gouvernement le pouvoir de régler les tarifs du chemin de fer, la section centrale avait proposé de ne proroger cette loi que jusqu'au 1er juin, afin de soumettre le tarif du 1er septembre à une révision.
Après une discussion, la chambre à la presque unanimité (car il ne s'est trouvé que six membres pour adopter la proposition de la section centrale), a admis la proposition du gouvernement, et lui a ainsi accordé le pouvoir de régler les tarifs du chemin de fer, pendant une année. Le gouvernement a déclaré qu'il maintenait le tarif du chemin de fer, comme bon et utile au point de vue de l'intérêt industriel et commercial et même du trésor public. Je crois que le gouvernement a raison. Une fois ce fait établi, je dis que c'est au nom du trésor public que tous nous devons adopter la loi.
Evidemment si l'on ne réduit pas les péages du canal de Charleroy, la conséquence nécessaire, immédiate sera que la navigation serait interrompue, et les produits du canal disparaîtront.
Ainsi, je crois inutile d'entrer dans la discussion du tarif du 1er septembre. Il existe; c'est un fait accompli; nous sommes appelés à régulariser la position que ce tarif a faite au canal de Charleroy.
Mais permettez-moi cependant de répondre à une objection que souvent j'ai entendu faire ou plutôt à une crainte que l'on a maintes fois exprimée.
On craint que cette réduction n'amène, d'une manière permanente, un déficit dans les revenus du trésor.
Il faut remarquer d'abord que le tarif du 1er septembre, favorisant les transports des produits pondéreux par la voie ferrée, les revenus de notre chemin de fer augmenteront. On y trouvera une compensation au décaissement supposé dans les produits du canal. L'extension qui peut être donnée aux transports des marchandises sur le chemin de fer peut être bien plus grande que la plupart ne le supposent.
Mais est-il bien vrai qu'une réduction dans ce péage exorbitant de 22 centimes par tonne-lieue établi sur le canal de Charleroy, provoquera une diminution proportionnelle dans les revenus de ce canal?
Les faits vont répondre à cette question. Je pourrais citer ce qui est résulté de la lutte des chemins de fer et des canaux en Angleterre, où des réductions parallèles de tarifs sur des chemins de fer et des canaux en concurrence, ont créé des transports plus nombreux pour les deux voies et n'ont pas déprécié la valeur des actions des canaux.
Je me bornerai à vous parler de la Belgique. Je dis que toutes les réductions de péages, admises en Belgique depuis 1830, ont eu invariablement pour conséquence, non seulement une augmentation de transports, mais encore une augmentation de produits. Permettez-moi de citer quelques chiffres :
En 1831, le gouvernement provisoire réduisit de moitié les péages du canal d'Antoing. Les produits de ce canal, depuis cette réduction, augmentèrent dans une proportion très considérable.
Pour la Sambre canalisée, chacun de vous sait qu'en 1840, le gouvernement a réduit de moitié les péages, pour les transports vers Paris. Quels ont été les résultats de cette réduction? De 1836 à 1840 (date de la réduction), les produits avaient diminué sensiblement. Ils étaient descendus, en 1839, à 336,000 fr. En 1841 (l'année qui a suivi la réduction) ils se sont élevés à 422,000 fr., pour atteindre, en 1847, la somme de 737,000 fr. C'est-à-dire qu'il y a une augmentation de plus de 100 p. c.
En 1842, le gouvernement a fait admettre par la chambre une réduction de 75 p. c. pour les houilles exportées par mer et vers la Hollande. Je dois faire cette remarque, pour être exact, que cette réduction de 75 p. c. a coïncidé avec la suppression d'un droit de navigation différentiel qui existait en Hollande, avant le traité de paix. Ainsi il y a eu double réduction de péages ; réduction en Hollande et réduction sur nos canaux.
Quels ont été les résultats de cette double réduction? C'est qu'en 1841, nos transports de houille vers la Hollande n'étaient que de 95 millions de kilogrammes et qu'en 1847 ils se sont élevés progressivement à 236 millions de kilog. ; c'est-à-dire qu'il y a eu augmentation de près de 150 p. c. Depuis cette réduction, les produits du canal de Charleroy (page 1076) ont suivi une marche ascendante ; du chiffre de 1,300,000 fr., il se sont élevés à 1,600,000 fr.
Le même résultat a eu lieu, dans une proportion plus faible, parce que la réduction est plus récente, sur la basse Sambre.
Je pourrais citer plusieurs autres faits encore à l'appui de mon assertion, je me borne à rappeler celui qui les résume tous. C'est que, malgré toutes ces réductions de péages opérées à diverses époques, les produits généraux de nos voies navigables, qui n'étaient que de 840,000 fr. en 1838, se sont élevés à 3,500,000 fr. en 1847.
Ainsi donc, il est d'expérience chez nous, comme ailleurs, que toute réduction de péages a coïncidé avec des transports plus grands et avec des produits plus considérables.
Dès lors, je vous le demande, par quel motif ce fait qui a toujours été remarqué, irait-il nous faire défaut à propos du canal de Charleroy ? Je crois que ce même fait se produira.
Mais, je dois le dire, comme la réduction de 35 p. c. me paraît insuffisante, comme elle ne sera pas assez efficace pour provoquer des transports immédiatement beaucoup plus grands, je crois qu'il y aura momentanément une diminution de recettes, mais que cette diminution ne sera pas aussi forte que quelques-uns le craignent, et qu'elle fera place à un accroissement de revenus et sur le canal et sur le chemin de fer, quand on aura permis à ces voies de transport de prendre tout leur développement naturel.
Pour moi, messieurs, je n'accepte le projet que comme un jalon posé vers un système plus équitable et plus rationnel. J'ai eu occasion de défendre le principe que je regarde comme devant triompher tôt ou tard, celui d'un péage proportionnel d'après la distance parcourue sur nos canaux, comme cela existe sur nos chemins de fer et comme on tend à l'établir en France.
C'est parce que le projet est un pas vers ce but, que je l'adopte. Je regrette que le gouvernement n'ait pas cru pouvoir aller plus loin ; la réduction de 35 p. c. c'est la taxe, postale de 20 c. que la chambre a rejetée; elle a cru que la taxe à 10. c, en provoquant des transports de lettres plus nombreuses, ramènerait plus tôt l'équilibre dans les recettes.
C'est au fond ici la même question ; et si je ne savais pas qu'un amendement n'a aucune chance d'adoption, je proposerais une réduction plus forte. J'accepte donc le projet comme une transaction, comme une première réparation qui devra être plus complète pour être juste.
Mais j'ai besoin de faire une réserve formelle à l'égard des calculs présentés par M. le ministre et tendant à prouver que la réduction de 35 p. c. rétablit l'équilibré rompu entre le canal et le chemin de fer. Je n'entrerai pas dans des détails de chiffres, mais je maintiens l'exactitude des faits que nous avons signalés dans une autre discussion, et desquels résulte la nécessité, pour rétablir cet équilibre, d'opérer une réduction beaucoup plus considérable. L'avenir le prouvera.
Messieurs, je ferai une observation de détails. Je ne puis comprendre les motifs pour lesquels M. le ministre ne veut appliquer la réduction de 75 p. c. pour les houilles transportées par mer vers la Hollande, que sur les droits que l'on supprime et non pas sur les droits que l'on établit.
Messieurs, je n'insisterai pas ; je ne proposerai pas d'amendement ; je soumets cette observation à M. le ministre. Il me paraît qu'il est plus ou moins étrange que la loi établisse une réduction de 75 p.c. sur toutes les voies navigables, et que, pour le cas où cette diminution est applicable au canal de Charleroy, on maintienne l'ancien péage tandis qu'on le réduit pour les autres cas. Il en résultera, en fait, que pour le canal de Charleroy, la réduction ne sera plus que de 60 p. c, tandis que pour les autres voies navigables, elle sera de 75 p. c. (Interruption.) Je fais remarquer à l'honorable M. Rousselle qui vient de parler, que, pour les exportations en Hollande, la réduction ne sera plus que de 60 p. c. sur le canal de Charleroy, et qu'elle sera de 75 p. c. sur les canaux de Mons. C'est entrer davantage encore dans ce système d'équilibre que j'ai combattu par de bonnes raisons dans une séance précédente.
Je soumettrai à M. le ministre une observation et je suis convaincu qu'il s'y rendra volontiers. Il s'agit, non pas d'un amendement, mais de l'application de la loi. La réduction de 75 p. c. ne porterait que sur le droit supprimé.
Vous savez, messieurs, que les exploitants doivent consigner le droit; c'est une avance onéreuse qui leur est imposée; je demanderai à M. le ministre s'il entend qu'ils devront consigner le droit de 3 fr. 7 centimes, pour qu'on aille plaisir de leur restituer quelque temps après 2 fr. 30 c. ? Je crois qu'il serait très facile de ne leur faire consigner que le droit de 2 francs. Je crois que M. le ministre, d'après ce qu'il m'a dit lui-même tout à l'heure y est disposé à appliquer la loi dans ce sens.
L'honorable M. Rousselle a présenté un amendement tendante réduire de 50 p.c. les péages sur le canal de Condé et sur celui de Pommeroeul. Je n'ai pas besoin de dire que je ne me rallie pas à ce principe, puisque je l'ai déjà combattu plusieurs fois. Ce serait rentrer plus avant encore dans le système d’équilibre que M. Julliot a combattu tout à l'heure par d'excellentes raisons. Charleroy se plaint à juste titre du système établi, il s'en plaint depuis 15 ans et aujourd'hui qu'il s'agit de réduire de 35 p. c. les péages qui frappent les produits de Charleroy, M. Rousselle propose de réduire de 50 p. c. les péages des canaux de Mons, c'est-à-dire que sur le canal d'Antoing on ne payerait plus que 2 cent. et 1/2 au lieu de 5 centimes, tandis que, d'après le projet de loi, on payera encore 15 centimes sur le canal de Charleroy. Il suffit d'indiquer ces faits pour que la chambre apprécie et repousse l'amendement.
M. Mercier. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire connaître les motifs de mon vote, qui sera approbatif du projet de loi considéré, ce projet comme une conséquence nécessaire, inévitable du tarif du 1er septembre sur les péages du chemin de fer. C'est pour ne pas subir cette conséquence qu'au nom de la section centrale, j'avais proposé à la chambre de ne proroger la loi qui permet au gouvernement de fixer les tarifs du chemin de fer, que pour trois mois, au lieu de la proroger pour un an. La chambre, en repoussant cette proposition de la section centrale, a implicitement approuvé, au moins temporairement, le tarif du 1er septembre. Maintenant nous devons nous résigner à ses conséquences.
Du rester je ne comprends pas comment la réduction du péage sur le canal de Charleroy, dans l'état actuel des choses, donnera lieu à une réduction de produits. J'aurais besoin, à cet égard, d'une explication du gouvernement; car il me semble qu'avec le péage actuel du chemin de fer, il n'y aura pas de transports possibles sur le canal d'une manière permanente ; je désirerais savoir par quels motifs le gouvernement s'attend à une réduction de produits par suite de la mesure proposée.
Je ne m'étonnerai pas avec l'honorable M. Dechamps que le gouvernement ne suive plus la proportion de 75 p. c. avec les nouveaux droits pour la réduction sur les transports des marchandises destinés à l'exportation; car il faut considérer, non la proportion de la remise, mais, le taux même du droit qui reste à payer ; or, lorsqu'on a décrété, en 1842, une réduction de 75 p. c, on a eu en vue une quotité déterminée; la proportion n'est plus conservée, mais le droit que l'on a voulu établir subsiste pour cette espèce de transport..
M. Rousselle. - Messieurs, l'honorable M. Pirmez vient de présenter à la chambre des considérations et des articulations de faits qui tendent à détruire la citation que j'ai faite de certains paragraphes d'une pétition déposée sur le bureau de la chambre, et il a relevé l'erreur dans laquelle il prétend que je suis tombé.
Certes, messieurs; il m'a été impossible de vérifier les assertions qui se trouvent dans cette pétition, dont je n'ai reçu un exemplaire que deux ou trois heures avant la séance. Mars je devais croire que les faits qui y sont rappelés étaient complètement exacts, puisque le mémoire est signé par des hommes font honorables et connaissant parfaitement la matière qui y est traitée. Il m'était impossible de ne pas croire que leurs assertions étaient incontestables. L'honorable M. Pirmez en présente d'autres que je respecte aussi, que je dois respecter, émises par un homme que j'honore ; mais dans ce conflit, il me permettra, je l'espère, de rester en doute, jusqu'à ce que j'aie vérifié personnellement les points contestés.
L'honorable M. Dechamps s'oppose à l'amendement que les députés de l'arrondissement de Mons, par mon organe, ont déposé sur le bureau de la chambre, et que d'honorables membres de cette assemblée ont bien voulu appuyer. Mais je prie la chambre de considérer que cet amendement n'a réellement pas d'autre but que de demander au gouvernement d'examiner la question, de la peser dans sa justice, et ensuite de décider ; mais pour qu'il puisse décider, il faut bien l'armer de la faculté que la proposition des députés de Mons tend uniquement à lui conférer. Nous ne voulons préjuger aucune question; nous n'avons pas eu le temps de vérifier des calculs, de poser des chiffres qui eussent pu faire impression sur la chambre. Dans cet état, il nous a paru convenable de laisser au gouvernement à prononcer, comme il le fait pour les tarifs des chemins de fer et pour les concessions de péages.
M. Ch. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, j'ai fort peu de chose à dire pour soutenir les conclusions de la section centrale; ces conclusions n'ont été attaquées que par un seul orateur, par M. Julliot, qui peut avoir dit d'excellentes choses, qui a rappelé des principes économiques très sages, mais dont pas un n'a une application actuelle. L'honorable membre me permettra de lui dire que c'est un hors-d'œuvre.
Il ne s'agit pas ici - sans cela, je ne répondrai pas à l'honorable membre, - il ne s'agit pas ici de diminuer les impôts ou de les augmenter; et par conséquent, j'espère que l'honorable M. Julliot pourra donner un vote favorable au projet de loi. S'il s'agissait d'augmenter on de diminuer les impôts, je ne répondrais pas à ses arguments, puisqu'il a pris l'engagement de ne plus voter des lois d'impôts.
A part donc l'honorable membre, le projet de loi a été défendu par tous les autres orateurs, mais je dois dire que, tout en le défendant, l'honorable M. Dechamps a méconnu complètement l'esprit de la loi.
L'honorable membre, après avoir cité des chiffres qui n'ont rien à faire dans la question, a dit qu'il admettait qu'il y aurait une diminution momentanée de produits; C'est aussi là ce qui retient l'honorable M. Julliot.
Non , il y aura, au contraire, une augmentation immédiate de produits. Il faut accepter les faits posés par le tarif du 1er septembre. En vertu de ce tarif, qu'est-il arrivé? que doit-il arriver encore? C'est que la navigation est et sera paralysée sur le canal de Charleroy. Avant qu'il ne fût question de présenter le projet actuel, la diminution était déjà extrêmement sensible. Ainsi, en tenant compte des jours de gelée et des jours où la navigation est praticable sur le canal, dans les mois de janvier et de février , jusqu'en 1848, le mouvement journalier sur le canal était de 43 navires, tandis que, dans l'année 1849, il n'y en a plus que 17.
Il ne faut donc pas accepter le produit du canal, tel qu'il était en 1848, puisque vous avez posé, le 1er septembre, un fait qui détruit la navigation ; (page 1077) il faut examiner la question d'après l'état actuel de la navigation. Maintenant, le canal reprenant son activité première, il y aura nécessairement une diminution, et peut-être une diminution correspondante sur le parcours du chemin de fer. Encore une fois, et on l'a dit dans une discussion précédente, tout est bénéfice dans les péages du canal, et il n'y a qu'une toute petite fraction de bénéfice dans les péages des chemins de fer. Eh bien, le projet de loi, au pis-aller, ne changera pas la somme des recettes ; mais dans cette somme de recettes, l'Etat fera un bénéfice beaucoup plus considérable que si les transports se faisaient par le chemin de fer.
Ainsi donc, loin de demander un changement d'impôts ou une diminution de ressources, les choses restant dans leur état actuel, c'est une augmentation de ressources qu'il s'agit d'assurer à l'Etat. C'est donc à la fois un acte de justice qu'on propose, et une bonne mesure financière.
Je sais bien que dans les sections on a fait valoir un argument pour s'opposer au projet de loi. On a dit : Voter aujourd'hui la diminution de 35 p. c, c'est consacrer la diminution que le gouvernement a établie sur le chemin de fer par le tarif du 1er septembre.
Cela est vrai, mais la majorité de la chambre a consacré ce principe; maintenant il n'y a pas moyen d'en revenir; la loi est votée, le gouvernement dispose librement des péages sur le chemin de fer; vous ne pouvez pas faire qu'il n'en dispose pas ou qu'il relève les tarifs ; votre vote négatif ne serait autre chose que la consécration d’une injustice contre une partie du pays, et en outre, la privation, pour le gouvernement, d’une ressource.
L'honorable M. Dechamps désire savoir si le gouvernement demandera à ceux qui veulent exporter du charbon, le dépôt d'un péage de 3fr. 7 c. qui n'existe plus, ou du péage réduit. Mon Dieu! poser une pareille question, c'est la résoudre; l'honorable M. Dechamps le savait, -car il avait posé la question à M. le ministre des travaux publics avant la séance, et M. le ministre lui avait clairement donné la seule réponse qui fat possible.
C'est une question que l'on -ne peut résoudre que d'une manière. Le droit de 5 3. 7 c. n'existant plus, on ne peut pas en déposer le montant. Pourquoi exige-t-on le dépôt du droit? Pour avoir la certitude que le péage sera payé dans le cas où le charbon ne sortirait pas du pays. Ce sont de ces choses qui frappent le sens commun.
L'honorable M. Roussette a proposé un amendement inadmissible. Je ne comprendrais pas qu'on amendât un projet de loi en disant : Nous n'avons pas examiné la question, le gouvernement ne l'a pas examinée non plus, mais en attendant qu'il l'ait examinée, nous lui donnons la faculté d'agir.
Je crois qu'il serait plus logique d'engager le gouvernement à examiner cette question, et s'il la résout dans le sens prévu par l'honorable député de Mons, à faire pour le canal de Pommerœul à Antoing ce qu'il fait aujourd'hui pour le canal de Charleroy. J'ai dit.
M. de Theux. - J'ai demandé la parole pour faire, en ce qui concerne l'amendement de M. Rousselle, les mêmes observations que l'honorable M. de Brouckere; adopter cet amendement serait sortir de notre système de législation. Nous avons décidé que les tarifs des péages sur les canaux ne pourraient plus être modifiés que par la loi. Restons dans ces errements; nous voulons y rentrer quant aux tarifs des chemins de fer, ne donnons pas l'exemple d'un écart du système que nous voulons généraliser bientôt.
En ce qui concerne le canal de Charleroy, je n'ai qu'une seule observation à faire, c'est que si les observations de M. de Brouckere sont justes, l'abaissement des tarifs du chemin de fer, au point de vue des intérêts du trésor et de la concurrence que le chemin de fer fait, eu canal pour le transport des houilles, est condamné.
M. de Mérode. - Messieurs, jamais, je crois, on ne s'est joué des ressources du trésor de l'Etat, c'est-à-dire de ce que paye la généralité des contribuables, avec une plus grande légèreté, un despotisme plus absolu, qu'on ne le fait aujourd'hui. Il est vrai qu'un ministre ne peut ajouter légalement un centime aux contributions; mais il lui est libre, par une simple signature lâchée la veille de sa translation d'un ministère à un autre, de décréter la ruine d'une des meilleures propriétés de l'Etat, d'une propriété qui aidait ces contribuables à supporter les charges publiques par une recette, en faveur du trésor, d'un million et demi.
Et quand on pense qu'avant ce trait de plume de M. le ministre actuel des finances, le canal de Charleroy était dans la plus satisfaisante activité; que les bateaux s'y succédaient sans relâche, et que ce malencontreux fetfa est venu renverser une si belle et féconde exploitation, on ne peut trop se révolter contre le système qui laisse à des ministres un arbitraire non moins dangereux que contraire à l'esprit de toutes les lois du pays.
Remarquez, en passant, messieurs, que pour abriter de pareilles mesures derrière des avis favorables, on consulte telle ou telle chambre de commerce. Il semble, en effet, que la fortune entière de la nation appartienne à une certaine fraction du commerce, et que, pour la satisfaire, il faille sacrifier toutes les ressources de la société. C'est ainsi qu'une portion dominatrice de quelques spéculateurs, dans les grandes villes et quelques grands centres d'industrie, règne souverainement aujourd'hui sur la bourse des autres citoyens, qui ne spéculent pas, et sur la généralité des petites villes et des campagnes.
Celles-ci ne sont jamais consultées en rien, et jamais on ne leur demande s'il leur convient de payer des impôts pour couvrir les munificences du gouvernement Récemment les voituriers, entre Charleroy et Bruxelles, ont réclamé une diminution du droit de barrière par suite des réductions de péages des canaux et chemins de fer; mais comme ces voituriers sont des gens de campagne, on n'a pas même fait semblant de les entendre.
Pour le village, messieurs, la féodalité n'est plus dans les châteaux dont les fossés et les tours ont disparu, elle est dans la haute baronnie de la spéculation qui fait faire à leur compte des emprunts par l'Etat, emprunts qu'ils ont le droit de payer au profit des seigneurs du temps présent, comme les serfs avaient le droit de cultiver la terre gratis pour les seigneurs du temps passé.
Voulant la réforme de l'acte si nuisible à nos finances qui a été produit en septembre dernier et le rétablissement de l'état de choses antérieur si favorable à la navigation du canal de Charleroy, je ne voterai pas la réduction proposée.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Tous les membres qui ont porté la parole dans cette discussion ont donné leur approbation au projet, à l'exception seulement de M. le comte de Mérode et de. M. Julliot.
L'honorable M. de Mérode a saisi cette occasion pour diriger une attaque nouvelle contre le tarif du chemin de fer et contre celui qu'il persiste à regarder comme son seul auteur, mon honorable collègue et ami M. le ministre des finances. Il a déploré qu'un ministre, à la veille de passer d'un département à un autre, ait cru pouvoir détruire, d'un trait de plume, les ressources de l'Etat et l'équilibre du commerce et de l'industrie.
Il regarde le tarif du 1er septembre comme une chose déplorable pour le pays, comme une conquête nouvelle de quelques grands centres commerciaux et industriels sur les pauvres habitants des campagnes, que le gouvernement et la chambre semblent dédaigner.
Je dois protester contre cette accusation. J'assume de nouveau bien hautement la responsabilité du tarif du 1er septembre, et de toutes les mauvaises conséquences qu'il a pu produire.
Je l'ai dit assez clairement, et je ne puis trop le répéter : Oui, l'œuvre a été préparée par mon honorable collègue, mais c'est moi qui l’ai consommée. Si le tarif du 1er septembre a produit tout le mal qu'on lui attribue, il est juste que la responsabilité en pèse sur nous deux.
Mais sous quel rapport est-on en droit d'attaquer le tarif du 1er septembre ? Je l'ai demandé inutilement. Où est le bas prix qu'il a produit pour le transport des marchandises? Qui donc jusqu'à présent a démontré qu'il doit en résulter une diminution de recettes pour le trésor? On procède toujours par pétition de principe, et l'on se borne à dire qu'il ne faut pas ainsi fouler aux pieds l'intérêt ne nos finances, que ce n'est pas au moment où le gouvernement cherche à se procurer des ressources nouvelles qu’il doit jeter de ses mains celles qu'il possède, celles que la législature a mises à sa disposition.
Si l'on commençait par démontrer ce qu'on pose en fait, on serait tout à la fois plus fidèle à la logique et aux principes de l'équité.
Faut-il d'un seul mot détruire cet échafaudage? Que l'on compare le produit du transport des marchandises pendant les huit premiers mois de l'année 1848 avec celui des quatre mois qui l'ont suivi.
Pendant les 8 premiers mois, avant l'introduction des nouveaux tarifs, il a été transporté 530,471 tonneaux qui ont produit une recette de 2,895,689 francs; et pendant les 4 mois suivants le mouvement des marchandises a été de 313,884 tonneaux et la recette de 1,707,521 fr.
La distance moyenne des transports ayant été en 1845 de 11 lieues 369/1000;
En 1846 et en 1847 de 12 lieue 742/1000 ;
Oh peut en conclure, sans crainte d'erreur, qu'elle doit avoir été aussi, en 1848, d'environ 12 lieues.
Or, en multipliant le nombre des tonneaux transportés par la distance parcourue, et en divisant le produit par le montant de la recette, on trouve qu'un tonneau de marchandise a produit, en moyenne, par lieue, avant le 1er septembre, 45 cent. 03 et, depuis la même date, 45 cent. 03, en sorte que, sous l'empire du tarif du 1er septembre, le produit, par tonne et par lieue, est resté sensiblement le même qu'auparavant. D'où cela résulte-t-il? De ce que le tarif du 1er septembre a eu en vue bien moins une baisse considérable sur le prix des transports, qu'une simplification et un nivellement qui étaient impérieusement réclamés par les intérêts du commerce. Si l'on a baissé le transport des marchandises dans certains cas, on l'a relevé dans d'autres; et l'on est arrivé à ce résultat qui avait été expliqué et prévu dans le mémoire qui a servi de base au nouveau règlement, à savoir que le transport des marchandises de toute nature, sans distinction de catégories, est à peu près aujourd'hui ce qu'il était avant le 1er septembre dernier.
Mais y a-t-il quelque exagération de bas prix dans le tarif privilégié, qui s'applique aux marchandises destinées à l’exportation ou au transit, aux denrées alimentaires, aux marchandises pondéreuses chargées en vrac? Qu'on juge par la comparaison avec ce qui existe sur d'autres lignes, par exemple, sur la ligue française.
L'honorable M. Dumortier a souvent cité avec éloge l'exemple de la compagnie du chemin de fer du Nord. Eh bien, ce que j'ai dit de ses dispositions, dans une discussion précédente, s'est vérifié depuis. J'ai annoncé que cette compagnie qui, je le reconnais, entend parfaitement ses intérêts, et qui transportait dès lors les charbons à des conditions plus favorables que les nôtres, ne tarderait pas à faire subir à ses prix des réductions plus considérables encore. Cette prédiction s'est réalisée.
(page 1078) J'ai sous les yeux le tableau comparatif du tarif actuel et de celui qui sera mis en vigueur à partir du premier avril prochain.
Il en résulte que, de notre frontière jusqu'à Paris, les houilles qui se transportent aujourd'hui au prix de 27 c. 08 par lieue et par tonne, se transporteront, à partir du premier avril prochain, au prix de 23 c. 05. Le prix le plus élevé de toute la ligne sera de 30 centimes. Or, le prix de transport, sur les chemins de fer belges, n'est pas, comme on se plaît à le dire et à le répéter sans cesse, de 30 c, mais de 30 c, plus un franc de frais fixes qui se répartit sur toute la distance parcourue, et qui, à une distance de dix lieues, élève le prix de transport à 40 centimes par tonneau.
Dira-t-on que la compagnie du chemin de fer du Nord peut avoir un intérêt particulier à transporter la houille à des conditions plus favorables que d'autres marchandises? Pour répondre à cette supposition, je citerai d'autres prix.
Les plâtres, les pierres à bâtir, se transportent de Paris vers la frontière à raison de 17 centimes par tonneau et par lieue.
Les fontes, les minerais, les rails, les marbres, le plomb, le zinc en saumons, etc., à 28 centimes.
Les sucres bruts, qui n'appartiennent pas à une catégorie privilégiée, à 48 centimes.
Comparez ensemble les deux tarifs, et demandez-vous si l’on peut dire avec raison, en présence des faits que je viens de citer, que nos prix ont été déprimés outre mesure.
Je sais qu'en France, il y a des marchandises, rangées dans d'autres catégories, qui payent un prix beaucoup plus élevé.
Mais qui de nous ne sait que, le jour où l'on élèverait en Belgique le tarif des marchandises non pondéreuses dans une proportion quelque peu sensible, il surgirait de tous côtés des concurrences qui nous en enlèveraient le transport.
Je pourrais vous citer l'exemple de commissionnaires qui, le lendemain de la publication des tarifs du 1er septembre, ont envoyé à tous leurs correspondants des circulaires pour leur offrir le transport par roulage à 5 p. c. plus bas que par le chemin de fer.
Si, même avec les tarifs en vigueur, nous avons à lutter contre le roulage, que serait-ce si nous songions à les relever?
On a dit que le gouvernement, en établissant les tarifs comme il l'a fait, a particulièrement favorisé les intérêts liégeois, et détruit au profil du bassin de la Meuse l'équilibre qui existait auparavant entre ce bassin et ceux de Charleroy et du Centre. Pour apprécier la valeur de cette accusation, il pourra vous paraître intéressant de connaître l'importance du transport de charbons des diverses stations du bassin de la Meuse, depuis la mise en vigueur des nouveaux tarifs.
En 1847, les stations de Liège, de Chênée et d'Ans réunies ont expédié 85,716 tonneaux; en 1848, 75,313 tonneaux ; différence en moins, 12,401 tonneaux.
Pendant les quatre derniers mois de 1847, le transport de ces stations a été de 32,211 tonneaux, et pendant les quatre derniers mois de 1848, sous l'empire du tarif du 1er septembre, il a été de 32,887 tonneaux ; donc en plus, 676 tonneaux, c'est-à-dire 5 1/2 tonneaux ou 1/12 de bateau par jour.
On a prétendu que le chemin de fer a dépossédé le canal de Charleroy sur la ligne même qui le double. C'est encore une erreur complète qui ne résiste pas à l'examen des faits. Les stations de Charleroy et du Centre ont expédié en 1847, 122,776 tonneaux; en 1848, 152,075 : différence en plus, 30,199 tonneaux, et pour les quatre derniers mois 8,796 tonneaux qui correspondent à 72 tonneaux par jour, c'est-à-dire environ un bateau ; et vous avez entendu tout à l'heure par l'honorable M. de Brouckere quelle est la moyenne du nombre des bateaux qui naviguent sur le canal.
Je crois, messieurs, avoir réduit à leur juste valeur les objections qui ont été présentées par l'honorable M. de Mérode contre le résultat financier de la mesure proposée et les causes auxquelles il l'attribue. Si l'honorable membre s'était mieux rendu compte des faits, je suis persuadé qu'il aurait reconnu que nous n'avons porté aucune atteinte aux recettes de l'Etat.
Il serait inutile, en présence de l'assentiment que le projet paraît rencontrer dans la chambre, de le justifier en lui-même. Vous savez sur quelles bases la réduction a été calculée. Nous sommes intimement convaincus que nous faisons ce qui est juste, mais qu'il ne faut pas faire davantage. Les calculs qui avaient été présentés pour démontrer qu'il y avait entre les prix de transport par chemin de fer et par canal une différence au préjudice de la voie navigable, de 2 fr. 30 cent., nous les avons détruits, et nous sommes prêt à les détruire encore, s'ils se reproduisent.
Nous croyons, du reste, ne pas pouvoir accepter l'amendement proposé par l'honorable M. Rousselle. Il doit être évident pour tout le monde que si la législature donnait au gouvernement le pouvoir de réduire de 50 p. c. les péages sur les canaux de Mons à Condé et à Antoing, elle le mettrait implicitement dans la nécessité d'accorder cette réduction. Le droit se traduirait en un devoir que nous devons décliner.
M. Dumortier. - Messieurs, avant de prendre la parole, je désirerais avoir un renseignement. Je désirerais connaître les recettes comparatives du canal de Charleroy pendant le mois de février 1847, et le mois de février 1848. Si je suis bien informé, il y a une énorme différence de recettes, et il faut que la chambre puisse savoir, avant de voter, quelle est cette différence de recettes. Déjà l'honorable M. de Brouckere nous a donné des chiffres; mais je voudrais que celui-ci se réalisât en argent dans le trésor public.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Le renseignement que demande l'honorable M. Dumortier se trouve parmi les pièces qui sont à la suite de l'exposé des motifs.
M. Dumortier. - Messieurs, je vois dans le tableau que nous présente M. le ministre des travaux publics, que la recette du mois de février qui, l'an dernier, pour 21 jours (car il a gelé jusqu'au 8 février) a rapporté 98,155 francs, n'a été, en 1849, pour le mois entier, que de 41,900 francs.
Il en résulte que par suite des modifications introduites dans la tarification du chemin de fer la recette du canal a baissé des deux tiers.
Maintenant, messieurs, je dois répondre quelques mots à ce qu'a dit M. le ministre des travaux publics au sujet de la réduction des tarifs.
M. le ministre des travaux publics vient de vous dire, et il l'a répété en terminant, que son système n'avait pas porté atteinte aux recettes de l'Etat; que le gouvernement, en modifiant les tarifs, n'avait pas porté atteinte aux recettes de l'Etat.
Je vous demande, messieurs, comment il est possible devenir dire à cette chambre que le système de modification des tarifs du chemin de fer n'a pas porté atteinte aux recettes de l'Etat, dans un moment où les recettes du canal parallèle ont baissé des deux tiers, et où l'on discute un projet qui aura pour résultat direct, pour résultat évident de réduire nos recettes d'un demi-million de francs ! (Interruption.)
Cette réduction est avouée par M. le ministre.
Le canal de Charleroy rapportait annuellement 1,500,000 à 1,600,000 fr. Vous proposez une réduction d'un tiers sur les péages; la perte pour le trésor sera donc d'un demi-million. Comment peut-on venir dire après cela qu'on ne nuit pas aux recettes de l'Etat, lorsqu'on présente un pareil projet?
Il était évident, messieurs, que l'Etat devait être froissé dans ses recettes, le jour où il venait se faire concurrence à lui-même. M. le ministre des travaux publics nous parle des opérations qui ont été faites par M. de Rothschild, il dit que M. de Rothschild transporte aujourd'hui la houille sur le chemin de fer du Nord à raison de 27 8/10 centimes par lieue et qu'au 1er avril ce prix sera réduit à 23 5/10 centimes par lieue. Mais je le conçois fort bien. A qui M. de Rothschild fait-il concurrence? Au canal de Saint-Quentin, qui ne lui appartient pas.
Et vous, à qui faites-vous concurrence? Vous faites concurrence au canal de l'Etat, qui vous appartient; vous vous faites concurrence à vous-mêmes ; et soyez persuadés que M. de Rothschild ne serait pas assez mal avisé, lui qui connaît les finances comme peu de personnes au monde, pour venir se faire concurrence à lui-même, et pour se priver, pour le plaisir de transporter la houille plus vite à Paris, des produits de son canal. Se faire la concurrence à soi-même, c'est là une opération évidemment fausse et ruineuse. Il est certain que les frais du canal ne sont que des frais fixes : ce sont des frais de traitement, des frais de réparation. Ces frais une fois payés, tout ce que vous recevez en sus forme un bénéfice.
Si vous avez un demi-million de recettes en plus, c'est un demi-million de bénéfice; tandis que si vous recevez un demi-million sur les chemins de fer, vous avez à en déduire les frais de traction, la consommation du coke, l'usé des rails, l'usé des waggons. Votre bénéfice est donc bien moins considérable. C'est une opération absurde pour une personne à la fois propriétaire d'un chemin de fer et d'un canal parallèles que de chercher à transporter par le chemin de fer ce qu'il transportait par le canal. Il n'est pas un père de famille qui consentît à agir de la sorte dans l'ordre de ses propres finances.
Tout le monde cherchera à avoir le plus grand bénéfice et préférera certainement à transporter par une voie qui, rapportant un demi-million, donne un bénéfice net de pareille somme, de préférence à la voie qui, rapportant un demi-million, ne donne que 150,000 à 200,000 fr. de bénéfice.
Il est évident, messieurs, qu'on a pris une fausse mesure et qu'il serait mieux de la rapporter en rétablissant purement et simplement l'ancien tarif sur les houilles. Par là on éviterait au trésor public la perte considérable qu'il va subir et qui devra être remplacée par des impôts.
Dans la première discussion qui s'est engagée dans cette chambre, à l'occasion de la modification des tarifs du chemin de fer, quand nous disions à M. le ministre des finances : Par suite de votre tarif vous arriverez à ce résultat inévitable de devoir présenter un projet de loi réduisant les péages sur le canal de Charleroy. M. le ministre des finances répondait que cela n'était pas nécessaire, que la situation du canal de Charleroy était aussi prospère qu'auparavant.
Il a dit pendant longtemps qu'il n'en présenterait pas. C'est plus tard seulement qu'il a été moins explicite à cet égard.
Voilà donc, messieurs, ce que coûtent au pays de pareilles expériences. C'est un demi-million de réductions de recette que nous avons à voter. Pour moi, je déclare que dans les circonstances actuelles je ne puis pas donner mon vote à de pareilles réductions, car, en définitive, la perte que nous allons faire sur le canal de Charleroy devra être couverte par de nouveaux impôts dont il faudra grever le peuple. Or, je ne suis pas du tout disposé à frapper le peuple de nouveaux impôts pour donner à M. le ministre le plaisir de faire des expériences. Je trouve que la plus belle expérience serait de rétablir le tarif du chemin de fer tel qu'il était avant le 1er septembre. Pourquoi demande-t-on une réduction sur le canal de Charleroy ? C'est parce que le chemin de fer lui fait concurrence ; eh bien, rétablissez les tarifs du chemin de fer à l'ancien taux (page 1079) vous ferez cesser la concurrence et vous n'aurez pas à perdre un demi-million.
Remarquez-bien, messieurs, que les exploitants du canal ont déjà dit que la réduction proposée n'est point assez forte et que, d'un autre côté, l'honorable M. Rousselle est venu, avec infiniment de justice, demander aussi une réduction sur les canaux du couchant de Mons. Eh bien, vous devez avoir égard à la justice distribuée, et si vous réduisez les péages sur un canal vous devez les réduire sur l'autre. (Interruption.) Un honorable collègue me dit que le canal de Charleroy paye plus que tous les autres; mais, messieurs, par qui le canal a-t-il été fait ? Il a été fait par une société particulière, et si l'Etat ne l'avait pas acheté vous auriez eu bonne grâce à venir demander une réduction de péages ; les actionnaires auraient bien mieux aimé mettre un million et demi dans leur caisse que d'en abandonner une bonne partie, comme le fait le gouvernement.
- Un membre. - Ils n'auraient pas transporté.
M. Dumortier. - Ils n'auraient pas transporté si l'Etat leur avait fait concurrence ; mais alors il ne fallait pas racheter le canal. Vous avez racheté le canal pour faire une bonne opération, et le canal est devenu en effet une bonne opération. Vous avez fait beaucoup d'autres opérations très mauvaises ; eh bien, l'une devrait au moins compenser l'autre. Ce n'est pas ainsi que vous l'entendez : vous aimez mieux vous faire concurrence à vous-mêmes.
J'ai parlé de mauvaises opérations. Le chemin de fer, qui nous coûte annuellement près de 20 millions, n'a produit en 1848 que 12 millions, par conséquent il vous a imposé l'année dernière une perte de 7 millions et 1/2. On vous parle de déficits accumulés, mais il est facile de voir que les déficits qui ont engendré les emprunts forcés ne sont rien autre chose que les déficits accumulés du chemin de fer. (Interruption.) J'entends un de MM. les ministres contester ce fait ; eh bien, je vais le prouver à l'instant même, pièces en mains.
Le rapport de l'honorable M. Frère, sur les dépenses du chemin de fer, porte à la page XXXIV ce qui suit :
« Les dépenses de toute espèce, résultant de l'établissement du chemin de fer, s'élèvent, au 31 décembre 1847, à 237,774,109 francs 90 centimes.
Voilà, d'après M. le ministre des finances lui-même, le chiffre des dépenses de toute nature faites pour l'établissement du chemin de fer.
De ce chiffre de 237 millions il faut déduire les excédants de produits sur les frais d'exploitation depuis l'ouverture du chemin de fer. Eh bien, j'en ai fait le relevé, d'après les rapports officiels présentés chaque année aux chambres, et ces rapports, certainement, méritent toute espèce de confiance puisqu'ils ont été présentés successivement par les divers ministres des travaux publics.
Voici ce qui en résulte :
En 1834, 1835 et 1836, l'excédant a été de 404,221 fr. 95 c. ; en 1837, il a été de 227,118 fr. ; en 1838, de 349,184 fr. ; en 1839, de 1,170,846 et en 1840, de 2,080,655.
En 1841, par suite de l'établissement du tarif provisoire qui a amené un préjudice aux recettes en réduisant les péages du chemin de fer.....
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pas du tout. Il n'y a pas eu de préjudice pour l'Etat.
M. Dumortier. - Je l'ai démontré en 1841, et je suis prêt à le démontrer encore.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est votre tarif qui a porté préjudice à l'Etat.
M. Dumortier. - Je prouverai le contraire tout à l'heure.
Je disais donc qu'en 1841 l'excédant n'a été que de 1,686,674 fr.
En 1842, à la suite de l'adoption du tarif de la commission qui a été si amèrement critiqué par mon interrupteur, et dont les résultats ont été si favorables à nos finances, l'excédant s'est élevé à 2,758,417 fr. En 1843 il a été de 3,547,823 fr. En 1844, de 5,465,062 fr. (Interruption.)
Messieurs, c’est M. le ministre des travaux publics qui a fait naître cette discussion. Il faut bien que je vous suive sur le terrain où vous vous êtes placé. On ne parlait pas du chemin de fer; vous en avez parlé le premier. En 1845 l'excédant a été de 6,081,629 fr. En 1846, il a été de 6,410,142 fr. En 1847, il a été de 5,517,261 fr.
Additionnons tous ces excédants des recettes sur les dépenses d'exploitation ; ils produisent une somme de 35,669,067 fr. 23 c.
Voilà, messieurs, d'après les comptes rendus officiels qui ont été présentés par les ministres et distribués à chacun de nous, voilà l'excédant de toutes les recettes du chemin de fer sur les dépenses d'exploitation, année par année.
Si maintenant vous déduisez ces 35 millions du chiffre total que M. Frère indique comme celui qu'a coûté le chemin de fer et qui est de 237,774,109 fr. 90 cent., il vous reste pour les frais de premier établissement du chemin de fer, la somme de 202,105,040 fr. Mais d'après le même rapport les emprunts ont réalisé 167,314,594 fr. 59 c, d'où résulte que les voies et moyens ordinaires du budget, c'est-à-dire, que les impôts ont dû fournir pour le chemin de fer une somme de 34,790,446 fr. 28 c.
Voilà, messieurs, indépendamment des impôts, ce que les contribuables ont dû payer pour le chemin de fer.
Eh bien, messieurs, qu'est-ce que cette somme de 35 millions? C'est, à bien peu de chose près, le montant des deux emprunts forcés que vous avez dû imposer aux contribuables pour couvrir les bons du trésor.
Voilà où nous en arrivons avec ce système funeste de perdre chaque année des sommes considérables sur le chemin de fer. J'ai cru devoir éclairer la chambre sur ces faits, car il faut bien savoir où l'on marche en finances, car en matière de finances quand on ne porte pas à ce qu'on fait l'attention la plus scrupuleuse, on arrive à de cruels mécomptes qui nécessitent le vote de nouveaux impôts.
Pour moi, je suis convaincu que par une bonne révision des tarifs du chemin de fer, sans y porter aucune exagération, nous pourrions parvenir à avoir nos recettes au niveau de nos dépenses.
Il est des personnes, et notamment M. le ministre des travaux publics, qui pensent que, plus on abaisse les péages du chemin de fer, plus on obtient de produits. M. le ministre de l'intérieur, tout à l'heure, a aussi soutenu cette thèse, et il a demandé la parole pour me répondre ; mais avant de pouvoir me répondre, il doit nécessairement m'entendre.
Je vais démontrer que l'expérience qui a été faite en 1841 n'a pas été heureuse; je ne me livre à aucune critique ni directe ni indirecte de ce qui a été fait ; je veux seulement constater les faits que j'ai examinés, pour arriver de là à la connaissance de la vérité.
Messieurs, le tarif du 10 avril 1841 avait amené une réduction considérable sur le transport; trois mois d'expérience ont été tentés; voyons quel a été le résultat de cette expérience.
La commission des tarifs, dont on a souvent parlé et qui a examiné les résultats de cette expérience, est arrivée à des comparaisons qui reposent chiffre par chiffre sur les documents officiels.
Il résulte de ces comparaisons qu'en 1841, il y a eu 142,000 voyageurs de plus qu'en 1840 pendant les mêmes mois correspondants, et que cependant les recettes ont été moindres sur les voyageurs, de plus de 101,000 fr. et sur les bagages de plus de 7,000 fr. Cette démonstration prouve ce que l'on doit attendre de l'abaissement des tarifs. Je pourrais donner d'autres preuves, mais la chambre est fatiguée; je reviendrai à ces détails dans une autre occasion. Je retourne à M. le ministre des travaux publics.
Messieurs, quand il vient vous dire que le chemin de fer français transporte à 16 centimes le plâtre et les pierres à bâtir, M. le ministre des travaux publics ne nous dit pas dans quelles conditions le chemin de fer français agit de la sorte. Le chemin de fer français, qui transporte une quantité considérable de marchandises de Lille vers Paris, doit ramener ses waggons à vide; il est donc fort heureux pour lui de pouvoir, au retour, fût-ce même à un taux plus bas encore, transporter des plâtres et des pierres à bâtir. Ce fret en retour est pour lui un bénéfice. Rien de semblable n'existe chez nous. Il n'y a donc pas de comparaison à faire.
Messieurs, on a réduit le tarif du chemin de fer; par suite de cette mesure, on a dû venir demander la réduction du péage sur le canal de Charleroy. Quand vous aurez réduit le péage sur le canal de Charleroy, vous devrez forcément réduire le péage sur les autres canaux du Hainaut ; et de réduction en réduction, vous arriverez à ce résultat, que l'expérience qu'a voulu faire M. le ministre des travaux publics vous coûtera bien cher.
Si MM. les ministres veulent faire des expériences, qu'ils y consacrent à leur fortune personnelle, mais qu'ils ne fassent pas ces expériences aux frais du trésor public, expériences ruineuses et qui se résolvent toujours n nouveaux impôts.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable préopinant et plusieurs de ses amis cherchent toutes les occasions de se livrer à de vives et injustes attaques contre les tarifs du chemin de fer. L'honorable préopinant a réveillé une discussion qui déjà en 1841 et en 1842, sous l'honorable M. Desmaisières, avait occupé la chambre pendant plusieurs semaines ; il est venu de nouveau jeter la pierre aux tarifs de 1841 que j'ai eu l'honneur de signer.
Messieurs, le tarif de 1841 avait en effet pour but d'abaisser dans une certaine mesure le péage pour les voyageurs. Ce tarif a été appliqué pendant trois mois, et je puis le dire, appliqué avec beaucoup de mauvaise volonté. L'on a cru qu'après cette expérience de trois mois, le tarif était jugé, et l'on a substitué à ce tarif modéré, un tarif auquel l'honorable M. Dumortier avait pris une large part.
M. Dumortier. - Je m'en fais gloire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le tarif dont l'honorable M. Dumortier se fait gloire était si sagement combiné, qu'après quinze jours, je me trompe, qu'après huit jours d'expérience, il croula tout entier sous la réprobation publique. (Interruption de M. Dumortier.)
Je vous demande pardon, ce tarif n'a jamais été rétabli, et jamais vous n'en avez proposé le rétablissement.
Lorsque le chemin de fer a été établi, il l'a été avec des tarifs extrêmement modérés.
On peut se rappeler quelle était chaque jour la population des voyageurs en waggons transportés par le chemin de fer, alors que le tarif était modéré. Cela ne plut pas; il parut exorbitant que, chique jour, le chemin de fer transportât des masses de voyageurs d'une localité à l'autre. Qu’arriva-t-il? Pour empêcher ces transports extraordinaires, on commença par déclarer que les waggons ne seraient pas couverts, afin que (page 1080) les gens du peuple, ainsi exposés à l'intempérie des saisons, ne pussent pas voyager comme les autres citoyens belges,
A peine arrivé au ministère, je prescrivis de rétablir les waggons couverts. Mais cela n'avait pas suffi. Après avoir repoussé du chemin de fer les classes populaires en les exposant aux intempéries des saisons, on avait élevé les tarifs. Quel en fut le résultat ? Le chemin de fer, qui avait si utilement servi aux relations populaires devînt désert. Au bout de quelque temps un million de Belges fut privé du transport par le chemin de fer. Le calcul en a été établi. Un million de paysans et d'artisans furent exclus des waggons. Nous crûmes qu'il fallait porter remède à cet état de choses et rétablir les péages à leur taux primitif.
Le nouveau tarif fut mis à exécution, mais on n'en fit pas une expérience suffisante. A peine établi, on le supprima pour lui substituer celui auquel M. Dumortier concourut et dont il se fait un titre de gloire; ce dernier tarif ne put résister 15 jours à la réprobation publique.
En 1841, une autre réforme fut introduite. Il était passé jusque-là en règle administrative que le chemin de fer n'était pas capable de transporter des marchandises; on craignait que ce transport ne lui causât quelque légère lésion, on croyait qu'il n'était destiné qu'au transport des voyageurs. Par le tarif de 1841, les marchandises furent admises sur une large échelle, et d'accroissements en accroissements successifs elles donnèrent une recette presque égale à celle des voyageurs. Voilà les avantages résultant de l'introduction des tarifs de 1841.
Messieurs, il est vraiment regrettable de devoir à chaque instant interrompre nos discussions pour défendre le chemin de fer et traiter des questions de tarif. Il serait à désirer que les adversaires des tarifs du chemin de fer réservassent leurs armes de guerre pour certaines circonstances, comme la discussion du budget des travaux publics ou la discussion des lois de tarif. Mais revenir constamment sur ces questions avec une sorte d'acharnement que je ne puis pas m'expliquer, c'est engager, sans utilité, la chambre dans une foule de discussions incidentes.
Je sais que MM. de Mérode et Dumortier ont pris pour thèse de démontrer que le chemin de fer cause la ruine du trésor public.
Voilà la tâche difficile dont ils se sont chargés ; mais du moins , je les engage à se livrer à une étude approfondie de la question, à ne pas se réfugier, dans une absence de mémoire des chiffres et surtout à s'abstenir de toute exagération.
Réservons, je le répète , ces questions pour un temps opportun, ne venons pas présenter l'institution la plus populaire du pays comme une cause de ruine pour le pays.
M. Dumortier. - Il faut qu'on dise la vérité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, il faut dire la vérité.
M. Dumortier. - Je dis seulement que cela n'est pas exact.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). -J'engage M. Dumortier a retirer l'expression dont il s'est servi en premier lieu. Je prie M. le président d'inviter M. Dumortier à s'expliquer.
M. le président. - Les paroles prononcées par M. Dumortier ne sont' pas arrivées jusqu'au bureau, je ne les ai pas entendues.
M. Dumortier. - Il est étrange que M. Rogier, à propos d'une discussion financière, vienne, comme hier son collègue des finances, jeter de l'irritation dans ces débats, nous prêter des intentions odieuses, et nous mettre en quelque sorte aux prises avec les masses populaires; nous représenter comme leur ennemi, comme voulant nous opposer à leur bien-être, à ce que les masses populaires puissent circuler au moyen du chemin de fer. De telles insinuations sont attentatoires à la liberté du député; si nous ne pouvons plus discuter ici l'administration des ministres, soutenir les réclamations dont elle est l'objet, nous n'avons plus qu'à sortir de cette enceinte et à y laisser les ministres seuls.
Si nous ne pouvons plus défendre le peuple contre les impôts dont on veut le grever, montrer la plaie du trésor public, je le répète, nous n'avons plus rien à faire ici; sortons, et les ministres seuls resteront dans l'assemblée. Nous ne pouvons pas tolérer que les ministres nous mettent aux prises avec les masses populaires.
Tous ici nous sommes pénétrés du même dévouement pour elles, tous nous voulons leur bien-être, nous nous sommes disposés à tout faire pour leur être utile. Nous pouvons différer sur les moyens, mais notre but est le même.
Il n'appartient pas à un ministre de nous mettre aux prises avec les masses populaires, d'incriminer nos intentions. Si quelque chose est exorbitant, c'est bien l'accusation qu'on nous a adressée à propos d'une question de tarif.
M. le président. - Je prie M. Dumortier d'expliquer nettement su pensée.
M. Dumortier. - J'ai voulu dire que les faits sur lesquels on s'appuyait n'étaient pas exacts ; je puis le prouver.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai à répondre à M. Dumortier, mais auparavant j'insiste sur la motion que j'ai faite à raison de paroles prononcées par lui. (Interruption.)
M. Dumortier. - Il est exorbitant de nous présenter comme ayant, dans nos observations, le but mal intentionné d'empêcher le chemin de fer de servir au transport du peuple ; quand vous nous représentez comme hostiles aux masses populaires, que vous nous mettez ainsi aux prises avec elle, je dis que cela n'est pas exact. Nous avons les mêmes sentiments pour les masses populaires, toute notre conduite proteste du notre dévouement pour elles et il n'appartient à personne de nous accuser de sentiments contraires.
M. le président. - M. Dumortier a maintenant nettement expliqué sa pensée; les expressions dont il vient de se servir portent sur des choses et non sur les personnes. Les intentions n'ont en aucune manière été incriminées; M. le ministre peut, je crois, se contenter de cette explication, et dès lors il n'y a pas lieu à donner suite au débat.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - A la rigueur, je puis me contenter de cette explication ; je ne veux pas insister plus longtemps là-dessus, pour ne pas jeter d'irritation dans la discussion. Si j'ai fait intervenir le peuple, c'est pour répondre à l'honorable député de Tournay.
Que nous avait-il dit? Que pour dégrever le chemin de fer, pour être utile au commerce, nous viendrions demander de nouveaux impôts, qui devraient surcharger le peuple. C'est lui qui a parlé des impôts que le peuple devrait supporter par suite du système du gouvernement. Si le peuple figure dans la discussion, c'est donc l'honorable M. Dumortier qui l'y a introduit. Nous n'avons pas l'habitude de prendre l'initiative de ces manifestations. Nous avons une politique favorable aux intérêts du peuple, mais sans flatter le peuple, sans invoquer constamment son nom dans cette enceinte.
M. de Bocarmé. - Je ne chercherai pas, messieurs, à contrarier les calculs que vient de vous faire M. le ministre des travaux publics.
Peut-être même, serait-il impossible de prouver qu'à une époque donnée, les résultats du tarif du 1er septembre ne seront pas nuisibles aux intérêts du trésor... Mais s'ensuit-il, en tous cas, messieurs, que ce brusque changement ait été une bonne mesure, une mesure exemple de graves inconvénients, de perturbations regrettables?
Je ne le pense pas, messieurs, et les votes que nous allons émettre en sont la preuve. Quel sera le motif le plus puissant qui commandera la plupart de ces votes ? Certainement les souffrances du commerce intéressé à la navigation du canal de Charleroy ; souffrances qui durent depuis à très peu près sept mois et qui ont, peut-être, rendu très difficile l'existence d'un grand nombre d’ouvriers... Je l'avoue, messieurs, vis-à-vis de cet état de choses, je n'hésiterai pas à voter la réduction demandée, toutes considérations possibles s'effaçant à mes yeux, quand il s'agit d'une question d'équité.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, puisqu'on ne se lasse pas de nous adresser les mêmes reproches, nous ne nous lasserons pas de les repousser. « Vous avez brusquement changé, dit-on, tous les rapports: la population batelière a souffert, pendant six mois, par la conséquence du fait que vous avez posé. Vous mettez la législature dans la nécessité de réduire d'un demi-million les revenus de l'Etat. »
Les populations ont souffert pendant six mois ! Comment justifiez-vous cette assertion, alors que je prouve, tableaux en main, que la navigation a été plus active pendant les quatre derniers mois de 1848 qu'elle ne l'avait été pendant les quatre derniers mois, d'aucune année antérieure ?
- Un membre. - En naviguant à perte.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Les frets ont été les mêmes qu'auparavant; si la navigation a considérablement diminué depuis, c'est, nous en avons la conviction, par des causes indépendantes du chemin de fer, et ce sont les mêmes causes qui ont diminué la navigation partout ailleurs.
On me dit que, s'il en est ainsi, la conséquence directe qui en découle, c'est qu'il ne faudrait pas réduire les péages. C'est une erreur.
Il suffit en effet qu'il soit bien démontré, comme il l'est à nos yeux, aujourd'hui, que le chemin de fer jouit d'un avantage notable sur le canal, pour qu'on puisse prévoir avec certitude que la navigation en devra souffrir et pour que le gouvernement croie devoir prévenir ses souffrances, en lui accordant un avantage égal à celui qu'il a accordé au transport par la voie ferrée.
Mais dit-on : « il en résultera pour le trésor une perte d'un demi-million. Le gouvernement aurait été mieux avisé de maintenir son tarif, que de mettre le chemin de fer de Bruxelles à Charleroy eu concurrence avec le canal. On oublie que le tarif a été fait, non pour la ligne de Charleroy à Bruxelles, mais pour le pays entier.
Ce tarif étant bon en lui-même (pour prouver le contraire, il faudrait d'autres arguments que ceux qui ont été mis en avant), il en résulte que, pour en faire jouir le pays, nous ne devions pas reculer devant la nécessite d'en faire l'application même aux pays de Charleroy et du Centre. Les excepter de la mesure, c'eût été consacrer un privilège odieux, injuste.
La perte d'un demi-million, qui est l'extrême limite des conséquences de la réduction proposée sur le péage du canal, sera-t-elle compensée par une augmentation de mouvement et de produits sur le chemin de fer? Nous osons l'espérer et, dans ce cas, nous n'aurons pas à regretter les effets des nouveaux tarifs.
Un seul mot, pour répondre à ce que vient de dire l'honorable M. Dumortier.
Il prétend que les diminutions de tarifs n'augmentent pas les transports et les recettes. Voici de nouveaux faits qui prouvent le contraire. J'ai fait établir la comparaison entre les tarifs pour voyageurs de (page 1081) 10 chemins de fer prussiens et le nôtre. Ces dix chemins de fer ont ensemble une étendue de 347 1/2 lieues de 5 kilomètres, formant environ le triple du nôtre, dont l’étendue, en 1847, était de 113 lieues 3/10.
Les prix sur ces chemins sont de centimes par lieue, pour la première classe, 37 centimes pour la seconde, 25 centimes pour la troisième; tandis qu'en Belgique, les prix sont de 39, 29 et 19 centimes, c'est-à-dire à peu près de 25 p. c. moins élevés que les premiers.
Le nombre des voyageurs qui ont parcouru les chemins de fer prussiens en 1847 a été de 5,289,631 ; tandis que, en Belgique, abstraction faite des convois militaires et extraordinaires, le nombre s'est élevé à 3,681,765 fr.
C'est-à-dire, en égard à l'étendue des lignes, à plus du double de ce qu'il a été en Prusse.
En Prusse, la recette a été de 13,496,600 fr. 88 c, et en Belgique, sur une ligne trois fois moins étendue, elle s'est élevée à 6.849,165 fr. 68, tandis que, dans la proportion du parcours, elle n'eut été que de 4,498,866 fr. 96 c.
Enfin le produit moyen des voyageurs par lieue a été, pour les chemins de fer prussiens, de 27 35 c. tandis qu'en Belgique, ce produit s'est élevé à 27.88 cent.
Au premier abord, il doit paraître surprenant que l'application d'un tarif de 23 p. c. plus élevé que le tarif belge, pour le transport des voyageurs, donne, en résultat, un produit brut pour ainsi dire absolument égal, d'un côté comme de l'autre.
Cette singularité s'explique par deux causes : la première, qu'en Prusse chaque voyageur jouit du transport gratuit de 25 kilog. de bagage; la seconde, que la modération des prix belges, jointe, nous l'avouons, à la différence de richesse des deux peuples, amène une plus forte proportion de voyageurs de première et de deuxième classe.
M. de Mérode. - Quelle a été la recette nette ?
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Il serait impossible de la calculer d'une manière exacte ; car les frais d'exploitation s'étendent tout à la fois aux voyageurs et aux marchandises. Mais nous admettons sans difficulté qu'un nombre de voyageurs double a dû causer au chemin de fer belge des frais d'exploitation plus considérables. Mais en tenant compte de cette augmentation de frais, personne ne sera tenté de croire qu'elle puisse s'élever à plus de moitié de la différence de tarif ; et, en revanche, notre chemin de fer aura rendu deux fois plus d'utilité que les dix chemins de fer prussiens auxquels nous venons de le comparer.
- Plusieurs membres. - La clôture.
M. Faignart. - Je demande la parole contre la clôture. Je désire que la discussion continue pour que je puisse adresser une question à M. le ministre.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter :
1° un projet de loi relatif à l'ouverture, au département de l'intérieur, d'un crédit de 153,070 fr., savoir 140,000 fr. pour dépenses arriérées et 13,970 fr. pour traitements et abonnements des commissaires d'arrondissement, pendant le premier trimestre de 1849;
2° un projet de loi relatif aux vices rédhibitoires.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces deux projets.
La chambre en ordonne l'impression et le renvoi aux sections.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer un troisième projet de loi, dont je donnerai lecture, vu son importance et sa brièveté.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de un million de francs (fr. 1,000,000) pour aider au maintien du travail agricole, industriel et artistique, pour toutes autres mesures à prendre dans l'intérêt des classes ouvrières, et particulièrement pour celles qui sont indiquées ci-après :
« A. Encouragements à l'industrie» et au commerce d'exportation ;
« B. Améliorations agricoles, colonisation intérieure ;
« C. Assainissement des villes et communes dans les quartiers occupés par la classe ouvrière;
« D. Amélioration de la voirie vicinale.
« Art. 2. La moitié de ce crédit (500,000 francs) sera prélevée sur l'excédant de ressources prévu pour l'exercice 1849, et formera l'article 114 du budget du ministère de l'intérieur pour cet exercice.
« L'autre moitié sera rattachée au budget de l'exercice 1850.
« Art. 3. Les rentrées à opérer sur le fonds spécial indiqué en l'article précédent et celles qui pourront être remboursées sur le crédit de 2,000,000 de francs, alloué par la lot du 18 avril 1848, pourront être employées pendant une période de trois années aux dépenses désignées ci-dessus, sous les lettres A et B.
« Il sera rendu compte annuellement aux chambres des dépenses et recettes faites en vertu de la présente disposition. »
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de foi; il sera imprimé et distribué. Il est renvoyé à l'examen des sections.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à réduire le tarif du canal de Charleroy à Bruxelles à concurrence d'une quotité qui ne pourra excéder 35 centièmes des droits existants.
« Il n'est rien innové, quant aux péages à percevoir : 1° sur les productions du sol et de l'industrie du pays qui sont exportées; 2° sur les matières premières exotiques servant à l'industrie nationale.
« Ces péages continueront d'être réglés par la disposition de l'arrêté du 7 janvier 1849, rendu en conformité de la loi du 30 décembre 1848. »
- Cet article est adopté.
L'amendement, présenté par M. Rousselle, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. Ch. de Brouckere, rapporteur. - Je proposerai une disposition qui formerait l'article 2, et qui serait ainsi conçue :
« Art. 2. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »
- Cette disposition est adoptée.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
84 membres sont présents.
70 votent l'adoption.
9 votent le rejet.
5 s'abstiennent.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Ch. de Brouckere, M. de Brouckere, Debroux, Dechamps, de Chimay, de Denterghem, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans. de Meester, de Perceval, de Pilleurs, De Pouhon, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dumont, Faignart, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van den Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Cumont, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debourdeaud'huy et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. de Breyne, de Man d'Attenrode, de Mérode, de T'Serclaes, Dumortier, Julliot, Vanden Branden de Reeth, Boulez et Clep.
Se sont abstenus : MM. de Haerne, de Theux, Jacques, Cools et Coomans.
M. de Haerne. - Je me suis abstenu, messieurs, parce que je n’étais pas assez éclairé sur la question ayant été dans l'impossibilité d'assister à la discussion.
M. de Theux. - J'ai considéré la mesure proposée comme une réparation envers ceux qui sont intéressés dans l'exploitation du canal de Charleroy; mais d'autre part, je pense que les avantages du tarif du 1er septembre ne suffiront pas pour compenser la perte que le trésor va éprouver.
M. Jacques. - Je me suis abstenu, parce que la réduction des péages sur le canal de Charleroy me paraît justifiée par le trop bas prix du tarif du 1er septembre, que je désapprouve. C'est parce que je désapprouvé ce tarif, que je n'ai pas voté pour le projet. Et d'un autre côté, je n'ai pas voulu le repousser, parce que, en présence du tarif du 1er septembre, la réduction me paraît indispensable.
M. Cools. - Chacun de vous, messieurs, admettra avec moi, que le devoir d'un mandataire de la nation n'est pas de rejeter toute demande d'impôts nouveaux, au moment où il est cependant démontré que les ressources du budget ne sont plus au niveau des besoins ; mais bien de s'opposer d'abord, et avant cette époque, à toute mesure qui rend la création de nouveaux impôts indispensable. A ce point de vue, j'aurais dû peut-être repousser le projet qui nous a été soumis, l'adoption de ce projet devant, de l'aveu du gouvernement, creuser toujours plus avant le gouffre du déficit et faire répartir sur la généralité des contribuables une nouvelle charge de 500,000 fr. J'ai cependant été embarrassé sur le vote que j’avais à émettre. Les réclamations qui ont amené le gouvernement à nous saisir, un peu tardivement, il est vrai, d'une proposition au sujet des péages sur le canal de Charleroy sont fondées, au moins en principe, on doit le reconnaître. La navigation, sur ce canal, ne s'est plus trouvée dans des conditions normales. Sous ce rapport, il y avait quelque chose à faire, seulement il eût été préférable, à mon avis, de s'arrêter à une mesure qui eût donné satisfaction à des intérêts compromis, sans rompre de nouveau et d'avance la balance de nos recettes et de nos dépenses, avant même que nous soyons parvenus jusqu'à présent à rétablir cette balance.
Le moyen n'était pas difficile à trouver, car il a été indiqué assez souvent au gouvernement. C’était de faire disparaître des tarifs de notre chemin de fer les vices qu'ils contiennent et qu'on s'applique à rendre plus saillants par une fausse appréciation de la nature de ces défauts. La nécessité d'un abaissement des péages sur le canal de Charleroy ne se serait pas fait sentir, si une pensée différente avait présidé au dernier remaniement des tarifs du chemin de fer, si on les avait modifiés, beaucoup moins dans le but d'augmenter les avantages des transports à grande distance, ou d'élever le chiffre des péages pour une catégorie quelconque de transports, comme quelques membres le demandent même pour toutes, que dans celui d'introduire dans ces tarifs le principe, qu'on ne parvient pas à y découvrir, d'une bonne justice distributive (page 1082) à l’égard de toutes les localités qui sont à proximité des lignes parcourues par ce chemin.
Mais pour pouvoir espérer de faire substituer ce moyen à celui qui nous est proposé et que je ne pouvais repousser qu'à cette condition, il fallait convaincre la chambre et le gouvernement des avantages que présenterait la réforme que je voulais et que je devais indiquer d'abord avec clarté et netteté. Or le temps m'a manqué pour me mettre en état de m'acquitter de cette tâche, par la manière tout à fait inusitée dont ce projet a été lance dans nos débats. Dans cette situation, je n'avais qu'un parti à prendre; c'était de m'abstenir.
M. Coomans. - Je n'ai pas voté pour le projet, parce que le moment me semblait inopportun pour réduire les ressources du trésor ; d'autre part je n'ai pas voté contre, parce que je reconnais que la position actuelle des personnes intéressées au canal de Charleroy n'est pas soutenable.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.