(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 788) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Beaumont demandent que le transport, l'exposition en vente, la vente et l'achat de toute espèce de gibier pris au lacet, à l'exception des grives et des allouettes, soient interdits en tout temps et que la chasse au chien courant soit permise en temps de neige. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur d'Henry, avocat à Anvers, présente des observations sur la nécessité de créer immédiatement le timbre postal. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de la commune de Moll demandent le rétablissement des droits d'entrée sur le bétail. »
« Même demande du conseil communal de Westwezel et Exel. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Plusieurs propriétaires, industriels et agriculteurs à Estinnes-au-Val prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Mareschal demande que la loi sur le notariat ou une loi spéciale établisse un timbre proportionnel pour les actes sous seing privé. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le notariat.
« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le marquis d'Auxy demande des réductions sur les appointements et les pensions. »
-Même renvoi.
« Le sieur Degernier, sergent pensionné, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arriérés de sa pension. »
- Même renvoi.
M. de Villegas, retenu par le décès de sa belle-mère, informe qu'il ne peut, pour le montent, assister aux séances de la chambre.
- Pris pour notification.
M. Simons (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je pense que dans l'état actuel des choses, relativement au projet de loi dont il est question, il est impossible que nous abordions cette discussion aujourd'hui. La chambre se rappellera que depuis 1844, époque à laquelle ce projet a été présenté par le gouvernement, il lui est arrivé une pétition du conseil provincial du Limbourg, de laquelle il résulte que ce collège, après avoir fait un examen approfondi de la question, a été d'avis qu'il y avait une erreur radicale dans les opérations du cadastre pour la province de Limbourg. Voici ce que les pétitionnaires mettent en fait :
« Que le revenu net imposable y avait été établi, non en prenant pour base le produit réel que donnaient les biens-fonds et les habitations, pendant la période antérieurement suivie, mais sous l'influence de l'augmentation que plusieurs baux ont subie durant une période beaucoup plus rapprochée de nous :
« Que cette manière de procéder a eu pour résultat direct de faire placer dans les première et deuxième classes une grande partie de biens-fonds qui, à raison de leur revenu, et en le prenant à l'époque où les sept autres provinces ont été cadastrées, auraient certainement été classées tout autrement. »
Ainsi, au lieu de suivre pour le Limbourg la base qui avait été suivie dans les opérations cadastrales pour les autres provinces, le revenu net a été considérablement augmenté. Pour apprécier le mérite de la pétition du conseil provincial, nous avons demandé au gouvernement que toutes les pièces relatives à ces opérations nous fussent soumises. Le gouvernement a dû successivement ajourner le vote de la loi, faute d'avoir produit ces renseignements. Maintenant, on vient de réclamer ces pièces, et hier M. le ministre des finances a annoncé que les pièces arriveraient, si pas aujourd'hui, du moins demain. Je vous le demande, dans cette circonstance pouvons-nous entamer une discussion, pendant que les pièces qui doivent servir d'éléments de notre conviction, ne sont pas encore arrivées ? Certainement non.
Nous sommes à même de prouver, par des renseignements particuliers, qu'il y a eu des erreurs importantes ; mais nous désirons, pour prévenir toute objection, nous appuyer sur les pièces officielles ; lorsque nous aurons les pièces, nous démontrerons à l'évidence qu'on a suivi une toute autre base dans le Limbourg que dans les autres provinces. De là aussi l'augmentation du revenu net qui doit servir d'assiette à la répartition de la contribution ; de là, par conséquent, le surcroît du contingent de la province de Limbourg qui a été augmenté dun cinquième.
D'ailleurs, il n'y a nulle urgence. Si nous étions à la veille de la discussion d'un budget des voies et moyens, je concevrais l'insistance à discuter immédiatement ce projet ; mais pour le moment rien n'empêche d'ajourner momentanément cet objet. Il est même indispensable que nous attendions les pièces que M. le ministre des finances nous annonce, afin de pouvoir discuter avec fruit la loi importante à l'ordre du jour.
Je vous demande donc que la discussion soit remise jusqu'à ce que les pièces annoncées par le gouvernement puissent être consultées par nous, et que nous soyons mis à même de justifier le fondement des réclamations du conseil provincial.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - S'il pouvait résulter des paroles de l'honorable préopinant que le gouvernement ne se serait pas mis en mesure de se procurer aussitôt que possible les pièces qui lui ont été réclamées, je croirais devoir m'en expliquer.
A peine la demande était-elle faite, que les dépêches pour en recommander l'envoi sont parties. J'ai reçu l'avis de l'expédition de Hasselt.
Pour cette province l'ensemble de tous ces documents forme une masse considérable ; il y ea a plus d'un mètre cube.
Si les honorables députés du Limbourg avaient l'intention de faire des recherches nombreuses, il leur fandrait bien du temps. Qu'ils me permettent de leur demander si les renseignements qu'ils veulent puiser dans les documents du cadastre sont de telle nature que la connaissance en est indispensable à leur argumentation, en faveur d'une modification du contingent assigné à la province ; car ce ne serait que dans ce cas que la remise de la discussion du projet de loi pourrait être justifiée. Déjà à plusieurs reprises ce projet a été porté à notre ordre du jour ; je crois être à même de répondre aux considérations que les députés du Limbourg se proposent de faire valoir pour établir que cette province est défavorablement traitée. La discussion peut très bien s'établir sur ce terrain, et j'en exprime le désir parce qu'il serait fâcheux qu'au moment d'aborder la discussion du projet de loi, la chambre l'ajournât encore.
M. Delfosse. - Savez-vous, messieurs, quel serait le résultat de la motion qui vient d'être faite ? C'est que la chambre se donnerait une vacance, car après la péréquation cadastrale, nous n'avons à l'ordre du jour que le projet de loi sur le notariat, et on ne peut pas aborder aujourd'hui la discussion de ce projet. M. le ministre de la justice n'est pas présent, et cette discussion qui prendra plusieurs séances devrait être interrompue demain ; nous avons demain un autre ordre du jour, nous avons le second vote du projet de loi apportant des modifications au tarif de douanes et divers rapports de pétitions.
(page 789) Si la motion d'ordre est adoptée, il n'y a plus qu'à lever la séance. Examinons toutefois la motion d'ordre en elle-même. Elle n'est que la reproduction d'une autre motion faite il y a quelques jours par l'honorable M. de Corswarem. J'ai combattu cette motion et demandé le maintien de l'ordre du jour ; la chambre a accueilli ma proposition en repoussant celle de M. de Corswarem.
Que vient-on nous dire aujourd'hui ? On vient nous dire qu'on n'a pas lès pièces qui seraient nécessaires pour apprécier la nature des opérations cadastrales effectuées dans le Limbourg ; c'est précisément ce que disait M. de Corswarem.
Il y a quatre ans que le projet de loi est présenté. La commission qui l'a examiné se composait entre autres d'un représentant du Limbourg et d'un représentant du Luxembourg ; ces honorables membres ont été entendus ; l'un d'eux, le représentant du Luxembourg, a trouvé les communications du gouvernement satisfaisantes et il a adhéré au projet. Notre collègue du Limbourg est le seul membre de la commission qui ait trouvé les communications insuffisantes ; mais la section centrale a passé outre, elle a cru qu'il y avait des motifs suffisants pour adopter le projet et je crois que la chambre pensera de même, quand elle aura entendu la discussion.
On dit encore, pour motiver l'ajournement, qu'il n'y a pas d'urgence parce que nous ne sommes pas à la veille de discuter un budget des voies et moyens. Mais quand nous avons voulu discuter ce projet avant le budget des voies et moyens de 1848, on nous disait qu'il fallait l'ajourner ; la discussion, disait-on, serait longue et le temps manquerait pour lui donner tous les développements qu'elle comporte.
Quand nous étions à la veille de discuter un budget des voies et moyens, on soutenait qu'il fallait ajourner ce projet, et l'on donnait précisément pour motif que nous étions à la veille de discuter le budget des voies et moyens, et aujourd'hui on vient nous dire qu'il faut ajourner parce qu'il n'y a pas d'urgence, parce que nous ne sommes pas à la veille de discuter le budget des voies et moyens.
L'honorable M. Simons a encore fait valoir la surtaxe que le projet de loi ferait peser sur la province de Limbourg. La province de Liège et d'autres provinces n'ont-elles pas aussi payé beaucoup plus, par suite des opérations cadastrales ? La province de Limbourg a au moins obtenu cet avantage que la surcharge, qui pèse sur d'autres provinces, depuis 1836, n'aura pesé sur elle qu'à partir de 1844.
Je demande que la chambre maintienne son ordre du jour ; elle n'a que trop de vacances ; il y a trop de séances sans résultat ; il ne faut pas qu'aujourd'hui on lève la séance aussitôt après l'avoir ouverte.
M. de Corswarem. - Il va de soi que mon honorable ami, M. Simons, n'a eu nullement l'intention de soupçonner la loyauté de l'honorable ministre des finances. Je suis convaincu que M. le ministre a réclamé les renseignements que j'avais demandés et dont la communication n'a pas eu lieu. M. le ministre demande quelles conclusions nous voulons tirer des pièces dont nous avons demandé le dépôt. Nous voulons prouver par ces pièces qu'en 1844, on a évalué les maisons à un taux infiniment supérieur à celui de 1827. Nous voulons prouver qu'en 1844, on a rangé dans la première classe (terres, prés, etc.), une infinité de propriétés qui n'y étaient pas en 1827.
M. Sigart. - Nous ne nierons pas cela.
M. de Corswarem. - Nous voulons prouver que le nombre des terres de première classe ayant été considérablement augmenté, on en a considérablement augmenté le revenu.
Voilà bien des motifs pour nous faire décider l'ajournement jusqu'après la remise des pièces.
Je conviens avec l'honorable M. Delfosse que la chambre a décidé que l'ordre du jour ne sera pas interverti. C'est samedi dernier que cela s'est passé. Tout le monde espérait alors que les pièces seraient arrivées lundi. Depuis lors, tous les jours, et aujourd'hui même encore, nous avons été au ministère pour voir si les pièces étaient arrivées. Elles n'y étaient pas.
Si l'on n'a pas prononcé l'ajournement, c'est parce qu'on supposait que les pièces seraient arrivées avant l'ouverture de la discussion.
Ces motifs me font croire qu'il faut adopter la proposition de l'honorable M. Simons.
M. Sigart. - Nous ne voyons pas qu'il soit utile de remettre la discussion ; car l'honorable M. de Corswarem veut prouver qu'il y aurait des différences entre les résultats des opérations provisoires et ceux des opérations définitives. Or, nous ne nions pas que ce soit possible. Ce qu'il pourrait trouver dans les pièces, nous le lui concédons. Nous l'admettons dès à présent à en tirer ses conclusions. Tout à l'heure il verra qu'il confond l'évaluation, opération qui détermine une valeur absolue, avec la péréquation, opération de comparaison qui établit un rapport, une proportion.
M. Raikem. - Je viens appuyer la demande d'ajournement faite par l'honorable M. Simons. On en sentira aisément la raison, c'est que les pièces demandées par l'honorable M. de Corswarem et que M. le ministre a consenti à communiquer ne sont pas encore arrivées.
On a dit que le projet de loi avait été présenté depuis longtemps, que la majorité de la section centrale avait trouvé les explications suffisantes. Mais chacun a le droit de s'éclairer et de voir ce qui peut résulter de pièces concernant un objet à l'ordre du jour maintenant, et que nous ne pouvons discuter à défaut de renseignements suffisants.
Le projet est présenté depuis longtemps. Mais le membre de la section centrale auquel on a fait allusion était nouveau dans cette partie, puisqu'il ne connaissait pas tous les antécédents, et qu'il n'avait pas eu le temps de les examiner. Il avait donc le droit de dire que les renseignements donnés à la section centrale n'étaient pas suffisants.
Je ne parlerai pas maintenant de ce qu'on a dit relativement aux surcharges qui auraient pesé sur d'autres provinces.
C'est là le fond de la question, et je crois qu'il ne sera pas très difficile d'établir que cette surtaxe dont on a parlé n'existe pas réellement. Mais je veux me tenir dans la motion d'ordre.
Un autre orateur a dit qu'il ne contestait nullement la différence entre les évaluations qui avaient été faites en 1830 et celles qui avaient été faites postérieurement : mais que ces différences ne signifiaient rien.
C'est, messieurs, justement la question. C'est véritablement résoudre la question par la question, et pour cette résolution nous n'avons pas les pièces qui nous sont nécessaires. Car de quoi se plaint-on ? De ce que dans le Limbourg et le Luxembourg on a pris l'état de choses existant en 1843 pour faire le classement et les évaluations, tandis que pour les autres provinces on a suivi un état de choses différent. Pour les provinces dont les opérations ont été terminées en 1831 et 1832, les opérations qu'on qualifie de provisoires et qui ont été terminées en 1830, ont nécessairement été prises en considération ; et ces opérations se basaient sur la valeur des propriétés dans une période déterminée finissant en 1825 ou 1826. Pour les deux autres provinces, au contraire, on a pris un état de choses postérieur pour faire les évaluations, tandis qu'aux termes des lois et règlements, on devait suivre la même période pour toutes les provinces.
Voilà donc, messieurs, le point de la difficulté qu'on décide, on peut le dire, sans aucun examen.
Pour décider la question qui est maintenant soulevée, il est nécessaire d'avoir les pièces qui établissent les évaluations de 1827 et de 1830. Ce sont les pièces qui ont été demandées à M. le ministre des finances et qu'il a consenti à déposer.
Ce sont, messieurs, ces pièces que nous attendons et que nous devions examiner avant d'entamer la discussion. Je crois donc, qu'il y a lieu d'adopter l'ajournement proposé.
M. Mercier. - Messieurs, je regrette que nos honorables collègues du Limbourg n'aient pas fait plus tôt leur demande de renseignements. Car déjà plusieurs fois cette discussion a été ajournée.
Mais ces renseignements sont-ils bien nécessaires ? Pour moi, je trouve que l'honorable M. Sigart a fait une réflexion très juste. Supposons exacts les faits sur lesquels MM. les députés du Limbourg veulent s'appuyer. Ils disent qu'il y a certaines parcelles qui ont été portées dans une classe plus élevée, et que les évaluations générales ont été également augmentées. La chose est fort possible. Le cadastre n'était pas terminé en 1830. Il n'y avait que des évaluations qui n'étaient pas définitivement adoptées. Car ce n'est que lorsque toutes les opérations sont sanctionnées par le gouvernement que le cadastre peul être considéré comme achevé. Or, si des rapprochements que l'on fait des cantons entre eux et ensuite des provinces entre elles, il résulte que des évaluations générales dans certains cantons ou dans une province sont trop faibles ou si par suite des vérifications faites il est constaté qu'il y a défectuosité dans le classement, des changements doivent nécessairement être faits aux premières opérations.
Les honorables députés du Limbourg n'auront donc rien prouvé lorsqu'ils auront établi que le premier cadastre, qui n'était pas achevé, a subi des modifications.
Je pense, messieurs, que rien ne s'oppose à ce que la discussion soit entamée. Que les honorables membres raisonnent comme si les faits étaient bien établis, comme s'ils étaient constants, et nous apprécierons si ces motifs sont de nature à faire dégrever la province de Limbourg.
L'honorable M. Raikem pense qu'on n'a pas opéré dans le Limbourg d'après les anciens errements. C'est une erreur, on a adopté pour toutes les provinces les mêmes périodes de baux, c'est-à-dire la période de 1812 à 1816 pour les propriétés non bâties et celle de 1816 à 1825 pour les propriétés bâties. En outre, les instructions les plus formelles ont été données aux agents du cadastre pour qu'ils eussent égard à l'état des propriétés tel qu'il existait avant 1830 et non aux améliorations qu'elles avaient pu éprouver depuis cette époque.
Je bornerai là mes observations, je crois en avoir dit assez pour démontrer qu'il n'y a pas d'inconvénient à passer à la discussion et qu'en le faisant nous ne préjudicions en rien aux arguments que les honorables députés du Limbourg auront à faire valoir.
M. Simons. - A entendre nos honorables adversaires, il semblerait, messieurs, que les députés de la province de Limbourg ont constamment reculé devant la discussion. Mais je ferai remarquer que ce sont précisément ces membres qui ont constamment demandé la discussion ; car la province paye déjà, depuis 1844, la surcharge que les opérations cadastrales ont fait peser sur cette localité. Depuis 1844, les députés du Limbourg n'ont cessé de demander au gouvernement les renseignements qui leur étaient indispensables pour justifier les motifs de leur opposition. Je ne dis pas que l'honorable ministre des finances actuel ait été en défaut sous ce rapport, mais ses prédécesseurs l'ont été. C'est à tel point que l'année dernière, pour déterminer l'honorable ministre des finances à satisfaire à nos justes réclamations, j'ai cru devoir (page 790) lui déclarer que, si les renseignements demandés n'étaient pas fournis, je me trouverais obligé de voter contre le budget des voies et moyens. Vous voyez donc bien, messieurs, que ce n'est pas nous qui avons entravé la discussion. Nous l'avons, au contraire, provoquée de toutes nos forces.
Dans cet état de choses, messieurs, puisque nous mettons en fait des choses que nous ne pouvons prouver qu'au moyen des pièces que nous avons réclamées, il est évident que la discussion ne peut être entamée utilement aujourd'hui. Les pièces arriveront demain, et si nous remettions la discussion après celle de la loi sur le notariat, nous atteindrions le but que nous devons tous avoir en vue ; nous pourrions alors, les pièces sous les yeux, nous prononcer consciencieusement, sur un projet de loi d'une si haute importance. Je n'hésite pas à déclarer que le projet de loi, tel qu'il vous est présenté, consacre une grave injustice, pour le Limbourg. En effet, messieurs, je suis à même de constater, par différents baux authentiques que j'ai entre les mains, que la base qui a été suivie dans les autres provinces, ne l'a pas été dans la nôtre. Mais à quoi servirait de mettre sous vos yeux ces données qui, on l'a déjà annoncé, ne seraient accueillies que comme des erreurs partielles, qui ne prouvent rien ? Il est donc indispensable que nous attendions les pièces de l'administration du cadastre, afin de démontrer que ce ne sont pas des erreurs partielles, mais que c'est un système général qui a été suivi dans toute notre province ; et dès lors il est évident que la chambre n'adoptera pas un projet de loi aussi défavorable au Limbourg.
Je persiste dans la demande tendant à ce que la discussion soit remise jusqu’après celle du projet de loi sur le notariat ; et si, contre toute attente, ma motion était repoussée, il ne me resterait qu'à protester, par mon vote, contre un projet qui, à mon avis, consacrera une injustice flagrante à charge de la province de Limbourg.
M. d'Huart. - L'honorable M. Delfosse a dit tout à l'heure, messieurs, que le représentant de la province de Luxembourg, qui se trouvait dans la commission chargée d'examiner le projet de loi qu'il s'agit de mettre en discussion, s'était montré satisfait des explications données par le gouvernement et qu'il avait voté pour le projet de loi. Ce membre, messieurs, c'est moi, et l'opinion que j'avais dans la commission, je l'ai encore maintenant, et je me suis même fait inscrire pour appuyer ce projet de loi. Cependant, messieurs, les honorables députés du Limbourg demandent l'ajournement par le motif qu'ils sont dans l'impossibilité de vérifier les opérations cadastrales, de démontrer, selon eux, que les prétentions du conseil provincial du Limbourg sont fondées. En présence de cette situation énoncée par les députés du Limbourg, il serait peut-être rigoureux d'aborder la discussion immédiate, alors que l'ajournement qu'ils demandent ne sera probablement que de peu de jours, puisqu'ils proposent de remettre la loi à l'ordre du jour après celle du notariat.
Je ne m'opposerai donc pas à l'ajournement, quoique je pense que les renseignements réclamés par les députés du Limbourg ne les conduiront pas au but qu'ils se proposent, attendu que plusieurs des assertions qu'ils ont produites, sont erronées ; celle-ci, par exemple, qui est extrêmement importante, qu'on n'aurait pas suivi pour le Limbourg et le Luxembourg les bases qui avaient été adoptées pour les opérations cadastrales relatives aux sept autres provinces.
Quoi qu'il en soit, je le répète, je voterai pour l'ajournement, parce que, quand les députés d'une province qui doit être frappée d'une aggravation notable d'impôts déclarent être dans l'impossibilité de se prononcer à défaut de documents, il y a en quelque sorte nécessité à accorder l'ajournement. Je regrette que cet ajournement doive faire perdre à la chambre le reste de cette séance ; mais cet inconvénient serait peut-être moins grave que celui de forcer les députés du Limbourg de prendre part à la discussion, alors qu'ils vous déclarent qu'ils n'ont pas entre les mains tous les éléments nécessaires.
- La discussion de la motion d'ordre est close.
M. le président. - Je mets aux voix l'ajournement demandé par M. Simons et qui s'étendrait jusqu'après le vote de la loi du notariat.
- L'ajournement n'est pas adopté.
M. le président. - La discussion générale du projet de loi sur la péréquation cadastrale est en conséquence ouverte.
La parole est à M. Zoude.
M. Zoude. - Chaque fois qu'il a été question de la péréquation cadastrale, nous nous sommes plaints de la manière brusque avec laquelle on a exigé le payement de l'augmentation, tandis qu'on a usé de ménagements dans les autres provinces.
On nous a répondu que nous avions obtenu une compensation suffisante, en ce que nous n'avons supporté l'augmentation qu'en 1845, tandis que les autres provinces l'ont supportée depuis 1856.
Cela serait vrai, si nous n'avions à nous plaindre de surtaxes.
Nous avons expliqué précédemment comment l'honorable M. Mercier, pour lors ministre des finances, avait pu être trompé, lorsqu'il a parlé d'un recèlement considérable de terres arables ; nous avons dit qu'on avait rangé parmi les terres labourables des terrains fraîchement défrichés.
Mais il est une autre nature de propriété sur laquelle la surtaxe nous a paru plus évidente : je veux parler de nos bois et forêts qui contiennent dans nos provinces plus de 140 mille hectares.
Eh bien, dans la partie ardennaise, où se trouvent les plus grandes forêts, nous avons lieu de croire que les bois y sont portés à un revenu plus élevé qu'il ne l'est dans les provinces de Namur et de Liège, dont le sol, de meilleure qualité, permet l'exploitation des coupes de 15 à 20 ans, tandis que partout dans le Luxembourg, elle ne peut avoir lieu que tous les 30 ans.
Je ne m'opposerai cependant pas à la discussion immédiate du projet, mais je prierai la chambre de ne le voter que lorsque le ministre nous aura produit les pièces qui ont servi aux opérations cadastrales ; la chambre jugera alors en connaissance de cause, et ne prononcera pas contre son intention, sans doute, un jugement injuste.
J'insiste donc pour que la chambre suspende son vote jusqu'à la production des pièces que M. le ministre espère nous communiquer en très bref délai.
M. d'Huart. - Il sera fort difficile pour la chambre d'entrer dans tous les détails des opérations cadastrales. Si des membres de cette assemblée jugent toutefois nécessaire .l'aborder cet examen, il trouverait naturellement sa place lorsque nous arriverons à la discussion de l'article premier du projet, qui fixe le contingent de chaque province dans l'impôt.
Pour ce qui me concerne, du moins, je me bornerai maintenant à quelques considérations générales.
La loi de péréquation, adoptée en 1835 pour les sept provinces cadastrées à cette époque, en établissant l'égalité proportionnelle de l'impôt foncier sur les immeubles de toute nature, a été un grand acte de justice distributive, et je m'honorerai toujours d'avoir contribué de tous mes efforts, comme ministre des finances, à obtenir ce résultat.
Vous le savez, messieurs, ce sont les Flandres qui ont particulièrement retiré les plus grands avantages de cette mesure ; elle leur a en effet procuré un dégrèvement annuel de l'impôt foncier, s'élevant à plus de quinze cent mille francs ; c'est-à-dire que, sans la péréquation cadastrale, les contributions foncières étant restées comme elles existaient sous l'empire français et sous le royaume des Pays-Bas, les Flandres eussent eu à supporter, depuis 1836 jusqu'aujourd'hui, une somme de dix-huit millions plus élevée que celle qu'elles ont versée au trésor.
Maintenant que ces provinces ont tant de calamités à subir, combien ne devons-nous pas nous féliciter d'avoir allégé leurs charges, ainsi que je viens de le rappeler !
Cette loi de 1835, messieurs, est une preuve éclatante de la confraternité sincère qui unit nos provinces entre elles, et l'équité nationale de la Belgique s'est manifestée ici d'une manière d'autant plus sensible, que le dégrèvement considérable que les Flandres ont obtenu est retombé en entier à la charge des autres parties du pays.
Le projet qui nous est soumis en ce moment est la conséquence nécessaire de la loi de 1835 ; il s'agit, à présent que les opérations cadastrales sont terminées dans le Limbourg et le Luxembourg, de leur appliquer définitivement le niveau des évaluations du revenu foncier constaté d'après des principes et des règles uniformes dans les neuf provinces du royaume.
Il en résulte, pour la province où j'ai reçu le mandat en vertu duquel je siège ici, une aggravation considérable de l'impôt, aggravation qu'elle supporte déjà provisoirement depuis 2 ans ; mais il faut bien que je me résigne à l'admettre d'une manière définitive par mon vote, en présence de l'égalité proportionnelle établie au moyen d'évaluations dans lesquelles je dois nécessairement avoir une confiance égale à celle que j'accordais aux évaluations semblables qui ont servi de base à la loi de 1835.
Je ne veux pas prétendre qu'aucune erreur n'a été commise dans l'immense travail du cadastre, qu'aucune réclamation n'est fondée ; j'admets même que quelque inégalités partielles subsistent ; mais si j'envisage ce travail d'une manière un peu générale, si j'entre dans l'examen des conditions et des garanties qui ont présidé à sa confection, je reste persuadé qu'il est aussi parfait qu'on peut humainement l'exiger.
Confié à des fonctionnaires habiles, le cadastre s'est effectué à l'aide d'éléments divers subissant entre eux un contrôle réciproque ; éclairé dès le premier jour par l'intervention des communes, débattu par les réclamations provoquées près des propriétaires intéressés eux-mêmes, livré ensuite à un examen sévère dans des assemblées cantonales composées d'hommes expérimentés appartenant à toutes les localités, jugé enfin par les administrations provinciales et par l'administration centrale, le travail du cadastre présente incontestablement les gages de l'exactitude, ainsi que le cachet d'une impartialité d'autant plus réelle que le gouvernement de même que ses agents se sont trouvés absolument désintéressés quant au résultat final de l'opération.
Qu'importait en effet au trésor que le revenu territorial constaté fût plus ou moins élevé ? Le contingent de l'impôt connu, préexistant, lui était en tout cas irrévocablement assuré.
Toutes les instructions émanées de l'autorité supérieure attestent cette absence d'intérêt fiscal.
L'objection principale que rencontrent les résultats du cadastre dans le Limbourg et le Luxembourg, est motivée sur ce que les expertises ayant eu lieu un certain nombre d'années après la période de 1812 à 1826, il aurait été presque impossible de se rendre un compte assez exact de l'état des natures de culture telles qu'elles se présentaient dans cette période, et que forcément les améliorations survenues depuis 1826 dans la culture ont influencé les évaluations.
Il est d'abord très essentiel de remarquer que les agents du cadastre n'ont pu se tromper sur les changements de nature de culture ; heureusement les plans parcellaires avaient été levés avant 1830, de sorte que (page 791) les tableaux indicatifs ont rendu toute erreur impossible de ce chef. Ainsi, par exemple, un terrain qui existait à l'état de bruyère avant 1826, transformé depuis en terre labourable, en bois, ou en prairie, était renseigné comme bruyère dans ces tableaux et a été évalué comme telle.
Quant aux terrains qui n'ont pas subi de changement de culture, mais auxquels il aurait été apporté des améliorations, on ne peut se dissimuler qu'il a dû être parfois difficile aux estimateurs de se représenter parfaitement l'état primitif de ces terrains ; ils ont cependant eu, pour se fixer, les indications du délégué communal, puis les réclamations des propriétaires. Ces cas, sans doute exceptionnels, ne sauraient avoir amené que de bien insignifiantes inégalités, qu'il serait au surplus impossible de rectifier, les termes d'appréciation devenant bien moins sûrs maintenant que nous sommes de six ans plus éloignés de la période cadastrale et que de nouvelles améliorations ont encore été apportées à ces mêmes terrains.
D'après la pétition adressée à la chambre par quelques propriétaires du Limbourg, pétition qui se trouve déposée sur le bureau, les évaluations dans cette province se seraient tellement ressenties de l'influence que les améliorations survenues depuis 1826 auraient exercée dans l'esprit des agents du cadastre, que ces évaluations représenteraient le revenu imposable actuel et nullement celui de la période de 1812 à 1826.
Cette assertion, quand même elle serait vraie, ne prouverait pas que les évaluations sont inadmissibles, car, si concordant entre elles dans tous les cantons de la province, elles se trouvent en harmonie avec les provinces limitrophes, ainsi que le prouvent sans doute les procès-verbaux périmétriques, la surévaluation ne léserait point le Limbourg, puisque le but est d'obtenir l'égalité proportionnelle ; cela prouverait seulement que les évaluations sont trop élevées dans tout le pays.
Mais, messieurs, les pétitionnaires se trompent évidemment ; un nombre considérable de baux appartenait à la période de 1812 à 1826 ont été ventilés dans le Limbourg ; or, il se trouve que les évaluations y ont été fixées moyennement à 9 pour cent en dessous des prix de location des beaux compris dans cette ventilation ; résultat qui témoigne incontestablement de la modération de l'expertise.
Lorsqu'en 1835 la discussion s'établit dans les deux chambres sur l'application des opérations cadastrales, de vives réclamations s'élevèrent contre ces opérations, leur exactitude fut même sérieusement contestée. Il n'y avait en cela rien de surprenant ; la perturbation générale ou plutôt les modifications importantes qui devaient être apportées dans les contributions particulières de chaque propriétaire, les augmentations surtout qui devaient atteindre un grand nombre d'entre eux, ne pouvaient manquer d'exciter de nombreuses oppositions. Mais aussitôt que l'arrêt législatif fut porté, les plaintes s'évanouirent, et j'en appelle à chacun de vous, messieurs, n'est-il pas vrai qu'aujourd'hui les plans et les évaluations du cadastre inspirent une confiance telle, qu'ils servent généralement de guide dans les actes publics et dans les transactions particulières et qui s'appliquent à la propriété foncière ?
Ce qui s'est passé pour les sept provinces placées en 1835 sous le régime de la péréquation peut nous servir d'enseignement par rapport aux deux autres provinces dont l'impôt foncier va être définitivement réglé de la même manière.
Nous voyons, messieurs, par les chiffres produits dans l'exposé des motifs du projet en discussion, que le revenu imposable, bien que fixé selon les limites de la période de 1812 à 1826, s'est augmenté depuis 1835 d'une manière assez notable, d'abord par l'égalité proportionnelle introduite dans le Limbourg et le Luxembourg, et ensuite par l'accroissement du nombre des propriétés bâties dans les sept provinces cadastrées antérieurement.
A la rigueur, et pour rester fidèle aux intentions du législateur qui a posé les bases fondamentales du cadastre dans la loi du 3 frimaire an VII, l'augmentation du revenu territorial aurait dû tourner au profit des contribuables, en ce sens que la contribution foncière afférente à la nouvelle matière imposable serait venue diminuer leur quote-part dans la répartition d'un contingent invariable.
Mais dans la situation actuelle des choses, alors que les chambres et le gouvernement ont en perspective la dure nécessité de recourir à de nouveaux impôts pour assurer l'équilibre dans les recettes et les dépenses de l'Etat, il y aurait inconséquence à diminuer un impôt existant, équitablement réparti, et à ne point attribuer au trésor une amélioration qui, accumulée dans ses caisses, est notable, tandis que subdivisée entre le grand nombre de propriétaires fonciers qui existent, elle serait absolument insignifiante.
J'adopterai donc, pour ce qui me concerne, la proposition faite en ce sens par le gouvernement et appuyée par la majorité de la section centrale.
J'ai dit en commençant qu'il me paraissait que la discussion des détails qui se rapportaient au projet de loi, devait être reportée à l'article premier ; je crois qu'il convient d'agir ainsi, si l'on veut que la discussion soit facile et prompte. J'attendrai donc la discussion de l'article premier pour répondre quelques mots à l'honorable M. Zoude qui pense que les bois du Luxembourg ont été surévalués comparativement aux bois du Limbourg. Je me réserve de donner à cet égard quelques renseignements qui seront de nature, je pense, à calmer les inquiétudes de l’honorable membre à ce sujet.
M. d'Hane. - Messieurs, j'aurais désiré que M. le ministre des finances, en nous présentant un projet de répartition pour les deux provinces non cadastrées, eût fixé une époque rapprochée pour une révision générale du cadastre du royaume.
Tout le monde le sait, et personne ne peut le nier : des injustices criantes existent, non pas depuis dix ans, mais depuis cinquante ans, dans la répartition foncière du royaume belge.
Les provinces les plus taxées ont été très légèrement dégrevées, il y peu d'années, et cependant ces provinces jusqu'aujourd'hui n'ont adressé aucune réclamation à la chambre pour parvenir à une répartition plus juste ; car dans un royaume comme la Belgique, il faut que chacun paye la quote-part des contributions qu'il doit à l'Etat.
Je connais parfaitement bien le pays, j'ai parcouru toutes les provinces ; eh bien, ceux qui se plaignent le plus sont ceux qui payent le moins et qui possèdent les meilleures terres. Les deux Flandres ont une renommée brillante en Europe, quant à la qualité de leurs terres ; mais nous autres Flamands, nous connaissons notre territoire, et nous savons que les deux Flandres ne sont presque composées que de terres sablonneuses, de landes et de bruyères, défrichées en partie dans la Flandre orientale.
Nous possédons seulement deux arrondissements où les terres sont fortes : ce sont les arrondissements d'Alost et d'Audenarde ; tout le reste de cette contrée ne consiste qu'en bruyères et terres sablonneuses, et de plus, une dune qui part de Dam jusqu'à Anvers et qui traverse tout le pays de Waes ; on est parvenu à la cultiver à grands frais.
Messieurs, cette injustice est si frappante qu'il suffira, pour vous en convaincre, de vous citer le revenu net imposable de toutes les provinces ; je vais vous en donner lecture.
Le revenu net imposable des terres labourables par hectare est fixé pour la province d'Anvers à 40 fr. 34 c, pour la province de Brabant à 57 fr. 90 c, pour la Flandre occidentale à 56 fr. 30 c, pour la Flandre orientale à 63 fr. 19 c, pour le Hainaut à 59 fr. 79 c, pour la province de Liège à 42 fr. 98 c, et pour la province de Namur à 29 fr. 24 c. La différence est encore bien plus frappante dans le revenu net imposable des prairies ; pour la province d'Anvers il est de 51 fr. 28 c, pour le Brabant de 76 fr. 35 c, pour la Flandre occidentale de 78 fr. 59 c, pour la Flandre orientale, par exception, de 103 fr. 81c, pour le Hainaut de 76 fr. 21 c, pour la province de Liège de 62 fr. 37 c, et pour, la province de Namur de 42 fr. 51 c.
Pour la partie des bois, la province d'Anvers a un revenu net imposable de 17 fr. par hectare, le Brabant de 33-30, la Flandre occidentale de 35-70, la Flandre orientale de 33-84, le Hainaut de 24-38, la province de Liège de 13-69, Namur de 15 fr.
D'après la lecture que je viens de vous donner, vous voyez clairement que ce sont les provinces les plus pauvres par leur sol qui sont taxées d'un revenu net imposable à la somme la plus élevée.
Quant aux bois, dans les pays boisés du Hainaut et de la province de Liège, les bois sont bien supérieurs à ceux des Flandres, car nous n'avons en bois que les terres les plus arides, les terres incultivables ; c'est au point que si nous pouvions les défricher, ces terres ne resteraient pas dans leur état actuel. C'est alors que je vois que des provinces qui n'ont rien payé depuis 50 ans viennent se récrier contre une répartition plus juste de l'impôt.
Je crois, messieurs, pour ne pas faire durer trop longtemps cette discussion, que le gouvernement sera juste dans la répartition future qui doit se faire par une revue générale du revenu cadastral. Les chambres elles-mêmes ont le plus grand intérêt à ce que cette répartition se fasse avec toute la justice possible. Je sais que dans toutes les provinces on a trompé le cadastre. Le cadastre n'est jamais parvenu à connaître le revenu réel des terres ; on lui a fourni des baux très bas ; on savait pourquoi on le faisait. Mais je donnerai au gouvernement les moyens de connaître la vérité ; qu'il se fasse délivrer par les hospices et les bureaux de bienfaisance les baux passés en faveur de ces bureaux de bienfaisance. Chaque partie du royaume a le plus grand intérêt à porter la valeur des biens appartenant aux pauvres au plus haut revenu possible. Il ne faut pas les prendre à la lettre parce que les revenus de ces biens sont exagérés ; mais c'est une base qui le mettra à même de ne plus être trompé, j'engage M. le ministre des finances à s'occuper le plus tôt possible de cette révision ; il rendra un grand service au pays.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Les travaux du cadastre ont été terminés dans sept provinces en 1834, et dans les deux autres dix ans plus tard. C'était une œuvre immense, à laquelle l'administration a consacré beaucoup de temps et beaucoup de soins. Des erreurs peuvent s'y être glissées çà et là, il faut bien l'admettre ; car la nature même des opérations le comporte. Mais je crois que l’on est généralement d’accord pour reconnaître que, quant à son ensemble, ce grand travail du cadastre belge est un des meilleurs qui existent en Europe. J'en conclus qu'il ne faut pas se hâter d'en faire la révision. Promettre cette révision comme prochaine serait aussi s'engager à faire de nouvelles et de grandes dépenses ; une révision générale du cadastre exigerait une somme de 5 à 6 millions ; elle replacerait le gouvernement dans la nécessité de créer un nombre considérable d'emplois, dont les titulaires, après l'achèvement du travail, ne pourraient être que très difficilement répartis entre les diverses administrations. Aujourd'hui il y a encore plusieurs anciens employés du cadastre qui n'ont pas pu être placés.
Il y a aussi à prendre en considération les intérêts de l'agriculture. Quand on a entrepris les opérations cadastrales, c'était avec l'intention qu'il n'y serait pas apporté de modifications dans un avenir prochain.
(page 792) On a voulu y donner de la fixité, de la stabilité. D'ailleurs, s'il existe des inégalités, on peut dire que c'est l'exception et il faudrait que cette exception devînt la règle pour justifier une révision générale et toutes les dépenses et tous les soins qu'elle doit entraîner. Je dis une révision générale du cadastre ; car la révision des propriétés bâties seules ne conduirait pas au but que se propose l'honorable membre.
Pour que les opérations soient justes et complètes, il faut mettre en corrélation, en harmonie, les propriétés bâties et les propriétés non bâties. C'est un travail immense.
S'engager à l'entreprendre dans ces premières années, serait agir avec précipitation. Réservons-nous de faire cette révision ; mais différons d'en préciser l'époque. Je la regarde comme étant encore éloignée. A peine les dernières opérations pour deux provinces sont-elles achevées ; elles vont seulement devenir définitives.
C'est sous ces points de vue que je crois devoir envisager la question soulevée par l'honorable comte d'Hane.
M. de Corswarem. - Le contingent de la province de Limbourg, dans la contribution foncière, qui était jusqu'en 1844 de 493,297 fr., a été élevé de 40 p. c. par le projet en discussion et porté à 686,156 francs.
Ce nouveau contingent a déjà été levé trois fois, en vertu d'autant d'exécutions provisoire de la loi aujourd'hui soumise à vos délibérations.
Cette charge considérable d'une majoration d'environ /5 a été imposée d'emblée à la province et en totalité, à partir du 1er janvier 1845.
En agissant ainsi on n'a pas ménagé une transition, comme on l'avait fait en 1835, pour les provinces dont le contingent avait dû être augmenté alors, en fractionnant par tiers et en échelonnant sur 3 années le surcroit qui allait les atteindre.
Les provinces les moins opulentes, et qui ont été si cruellement sacrifiées en d'autres circonstances, semblent cependant avoir au moins un droit égal à cette faveur.
Cet état de choses a d'abord provoqué des plaintes dans plusieurs parties de la province et a éveillé toute la sollicitude du conseil provincial, qui, dans sa session de 1845 et à l'unanimité de ses membres, a décidé que des démarches seraient faites, tant auprès du gouvernement qu'auprès de la législature, afin que le contingent et la surcharge assignés à la province de Limbourg soient diminués et que l'augmentation qui sera reconnue devoir être imposée, soit opérée en trois ans.
En exécution de cette décision du conseil, la députation permanente vous a adressé une première pétition, sous la date du 31 octobre 1845. Le grief dont se plaignait le conseil étant resté debout, il a, dans sa session de 1847 chargé derechef la députation permanente de vous adresser de nouvelles réclamations contre la surcharge qui pèse si onéreusement et si inéquitablement sur ses administrés.
Pour se convaincre de tout le fondement des plaintes de la province et du conseil provincial, il suffit de connaître la manière dont les opérations ont été faites.
L'arpentage, le classement et les évaluations des propriétés dans plusieurs cantons étaient entièrement terminés en 1830.
Le soin, bien connu, du gouvernement hollandais de faire produire à tous les impôts quelconques le maximum de ce qu'il était possible d'en tirer, est un sûr garant que ses agents ont opéré alors de manière à faire supporter par la propriété foncière la charge la, plus élevée que les lois permettaient de lui imposer.
L'époque à laquelle ils ont fait leurs opérations est une garantie, tout aussi incontestable, qu'ils ont assigné aux propriétés la valeur réelle qu'elles avaient en 1826.
Une circonstance très essentielle, qu'on ne doit pas perdre de vue un seul instant, c'est que l'impôt foncier étant réparti entre les autres provinces d'après la valeur qu'avaient les propriétés en 1826, c'est d'après la valeur qu'avaient les propriétés à la même époque dans le Limbourg et le Luxembourg, que l'impôt doit être réparti sur ces deux provinces.
Les opérations commencées en 1827 et terminées en 1830 étaient donc les seules qui pouvaient réellement constater la valeur des propriétés à cette époque.
Ainsi, c'est à tort qu'en 1844 on a eu la prétention de vouloir constater la valeur qu'avaient les propriétés en 1826 d'une manière plus exacte qu'elle avait été constatée de 1827 à 1830. L'aspect, la nature, la qualité des propriétés avaient changé ; la valeur de leurs produits, les peines, les frais de leur culture et de leur entretien avaient changé ; rien, en un mot,, de tout ce qui les concerne directement ou indirectement n'était resté dans le même état : les agents qui opéraient en 1844 n'avaient aucune connaissance de l'importance de tous ces changements, et, en eussent-ils eu une connaissance parfaite, ils ne leur était pas permis de les prendre en considération, ni d'y avoir le moindre égard.
Cette assertion paraît extraordinaire à beaucoup d'entre vous ; rien n’est cependant plus exact, et pour en avoir la conviction la plus intime, il suffit de savoir que les instructions générales, données du temps de l'empire et toujours en vigueur, défendent aux employés de classer les propriétés « sur renseignement » et leur prescrivent de la manière la plus absolue de ne les classer que sur leur vu, ce qui les a forcés à ranger dans les première et deuxième classes des pièces que leur état y plaçait effectivement en 1844, mais qui en 1826 ne se trouvaient qu'à l'état des troisième et quatrième classes.
Ainsi, les employés qui ont vu les propriétés en 1844 ont dû les classer telles qu'elles se trouvaient alors, en supposant qu'elles se trouvaient dans le même état qu'en 1826, sans avoir aucun égard aux changements qu'elles avaient subis depuis. Et, d'après le projet de loi, ceux qui les ont vues en 1844 les auraient mieux rangées dans les classes qu'elles occupaient en 1826, que ne l'ont fait ceux qui les ont vues en 1827. Ceci, permettez-moi l'expression, n'est qu'une véritable absurdité.
Absurdité dont les deux provinces sont malheureusement victimes.
Savez-vous quelles raisons on invoque pour ne pas s’en tenir aux opérations de 1827 à 1830 ?
C'est que les pièces constatant les opérations n'ont pas été soumises à la révision du conseil cantonal et qu'elles ne sont pas revêtues de la signature du gouverneur, que par conséquent, n'ayant pas subi toutes les formalités voulues, elles sont imparfaites, elles sont incomplètes.
Ces allégations sont exactes, mais les conséquences qu'on en tire ne le sont pas.
Examinons d'abord quelle est la portée de la révision par le conseil cantonal.
Lorsque les agents du cadastre ont entièrement terminé leurs opérations, comme ils l'avaient fait dans plusieurs cantons du Limbourg en 1830, ils soumettent le résultat de ces opérations à la révision du conseil cantonal.
Ce conseil se garde bien de réclamer s'il trouve les évaluations trop basses, il ne réclame pas s'il les trouve justes, et il réclame bien hautement s'il les trouve trop élevées.
Le résultat de la révision, s'il en obtient un, ne peut donc être qu'un abaissement des évaluations.
Cet abaissement n'ayant pu être réclamé, les évaluations de 1827 doivent donc nécessairement être plutôt trop élevées que trop basses. Et voilà cependant la circonstance qu'on invoque pour ne pas s'en tenir à ces évaluations ! Elles nous sont donc plutôt défavorables qu'avantageuses ; mais telles qu'elles sont, nous nous y soumettons, nous les acceptons.
Voyons maintenant la valeur de l'argument tiré de l'absence de signature du gouverneur.
Ce n'est pas le gouverneur qui a fait les opérations, elles ont été faites par les agents du cadastre, et les pièces sont revêtues des signatures de tous ces messieurs.
Les opérations étaient tout à fait terminées, non seulement pour certaines communes, mais aussi pour des cantons entiers, lorsque les événements de la révolution sont venus les interrompre, en 1830, dans d'autres cantons où elles n'étaient pas encore achevées.
Si le gouverneur eût signé les pièces concernant les communes ou cantons où les opérations étaient terminées, au fur et à mesure qu'elles lui étaient adressées, revêtues de toutes les signatures des agents du cadastre, il eût par là successivement soumis les localités où les opérations étaient terminées, à la répartition nouvelle, tandis que les autres restaient soumises à l'ancienne répartition.
En agissant ainsi, il serait sorti des bornes de l'équité et de la bonne administration. En agissant ainsi, le contingent entier de la province, avec celui de chaque commune, aurait dû être changé, non tous les ans, mais plusieurs fois par an, chaque fois que le gouverneur aurait reçu les pièces concernant une commune où les opérations venaient d'être achevées ; ce qui était physiquement impossible.
Les pièces concernant les opérations terminées dans chaque commune, devaient rester déposées au gouvernement provincial, jusqu'à ce que toutes celles concernant la totalité des communes de la province y fussent parvenues. Alors seulement le gouverneur devait signer toutes les pièces en même temps, et alors seulement le contingent de la province pouvait lui être assigné.
Voilà la seule raison pour laquelle les pièces concernant les opérations terminées ne sont pas signées du gouverneur. Elles n'en prouvent pas moins que les opérations, dans les localités qu'elles concernent, ont été complètes et définitives. L'équité exige donc que le résultat de ces opérations serve de base à la répartition du contingent de la province et s'oppose à ce que la répartition du contingent soit basée sur les opérations de 1844, qu'il a été impossible, aux agents qui ont opéré alors, d'établir exactement, malgré toutes les connaissances qu'ils pouvaient avoir, malgré tout le bon vouloir dont ils pouvaient être animés.
Ils n'avaient d'ailleurs pas en 1844 les éléments les plus indispensables pour établir une appréciation exacte de la valeur des propriétés en 1826, c'est-à-dire un nombre suffisant de baux, et ceux qu'ils avaient, ils les jugeaient insuffisants ; car lorsqu'il s'est agi d'établir les évaluations de la commune la plus populeuse de la province, la ville de Saint-Trond, voici ce que le contrôleur et l'expert, chargés de cette besogne, écrivaient à leur chef.
« Le nombre des baux étant insuffisant pour servir de base à l'évaluation des maisons de la ville de St-Trond, les soussignés sont d'avis de maintenir les estimations provisoires et de considérer seulement cet état comme renseignement à consulter au besoin. »
Ainsi, si le nombre des baux était insuffisant dans la commune la plus populeuse, la seule qui contenait au-delà de 1,500 maisons, je vous laisse à juger de ce qu'il en a été dans les autres. Il y a eu des cantons entiers, celui de Bilsen entre autres, où les agents du cadastre n'ont pas trouvé un nombre de baux, jugé suffisant par eux, pour servir de base à l'évaluation des propriétés non bâties.
Lorsqu'on voit les agents du cadastre déclarer qu'ils ne trouvent pas un nombre de baux suffisant, à leur avis, pour servir de base à l'évacuation des maisons, dans une ville qui en contient 1,500, ni pour (page 793) servir de base à l'évacuation des propriétés non bâties, dans un canton des plus fertiles, contenant 14,550 hectares, il est permis de supposer que ce n'est qu'un nombre suffisant de baux les autorisant à porter l'évaluation de ces propriétés à la hauteur où ils l'ont portée, qu'ils n'ont pas trouvé. Et il n'est nullement étonnant qu'ils n'aient pas trouvé des baux de cette espèce, puisqu'il n'en existe pas.
Une justice que je suis obligé de rendre aux agents du cadastre, c'est qu'ils ne pouvaient agir autrement. Car ils ne pouvaient, en 1844, appliquer à l'évaluation de terres se trouvant alors à l'état de première classe, les baux faits de ces mêmes terres antérieurement à 1826, lorsqu'elles ne se trouvaient qu'à l'état de deuxième ou troisième classe.
Voici ce qui s'est passé dans l'assemblée cantonale de Saint-Trond, d'après le procès-verbal des délibérations de cette assemblée, rédigé par un agent du cadastre :
« Messieurs les délégués précités, de Mielen et Ordange, demandent communication du travail commencé en 1827, pour le comparer à celui présenté à l'assemblée. Les agents du cadastre répondent que les premiers travaux n'étaient pas arrivés au degré d'avancement fixé par la loi pour pouvoir être communiqués aux propriétaires, et que, par ce motif, il n'y a pas de comparaison à établir avec les résultats du travail actuel, qu'au surplus l'administration du cadastre ne peut et ne doit communiquer à l'assemblée que les pièces sur lesquelles elle est appelée à délibérer. »
Plus loin on lit, dans le même rapport :
« M. l'inspecteur, sur la question posée dans ce rapport relativement à la communication des pièces de l'expertise commencée en 1827, répond qu'aussi longtemps que l'arrêté d'admission provisoire, à prendre en vertu de la loi par M. le gouverneur, n'a pas été pris, les agents du cadastre ne peuvent communiquer aucun chiffre d'évaluation, que ces chiffres n'ont rien d'arrêté ni d'officiel et qu'ils peuvent être modifiés jusqu'à l'accomplissement de la formalité précitée ; qu'au surplus les évaluations actuelles sont justifiées par la ventilation des baux. »
Ceci n'est pas d'accord avec la déclaration de l'agent et du contrôleur qui disaient que le nombre de baux était insuffisant pour servir de base.
Ainsi, vous le voyez, les agents du cadastre possédaient le travail de 1827, mais ils refusèrent positivement de le communiquer à l'assemblée de crainte sans doute que celle-ci ne parvînt à voir clair dans la question. Et la preuve que celle-ci n'y voyait pas clair, c'est que sur deux propositions de réductions qui lui étaient faites, des vingt-sept délégués présents, vingt se sont abstenus sur la première et vingt et un se sont abstenus sur la seconde.
. Pour faciliter et accélérer ses travaux, cette assemblée nomma, dans son sein, une commission de cinq membres chargée d'examiner attentivement les pièces et d'en faire rapport à l'assemblée.
Cette commission, à l'unanimité, fit un rapport dans lequel on lit : « Il résulte des investigations auxquelles votre commission a pu se livrer, que le revenu net résultant des opérations de 1844 excède, pour toutes les communes du canton de Saint-Trond, celui de 1827, à l'exception de 5 communes.
« En conséquence votre commission pense à l'unanimité qu'il y a lieu de demander pour les propriétés non bâties et pour toutes les communes du canton une réduction de 7 et demi p. c, et pour les propriétés bâties une réduction de 10 p. c. Cette réduction, qui paraîtra plus importante, se justifie parce qu'il nous a été déclaré par M. l'inspecteur du cadastre que la ventilation des baux pour ces sortes de propriétés n'avait pas servi de base aux opérations de l'administration.
« Nous avons également pensé, messieurs, que si MM. les agents du cadastre de 1844 avaient droit à toute notre confiance, il en a été de même en 1827 : nous dirions déplus que nous serions en droit d'avoir une confiance plus grande dans les opérations faites en 1827, parce qu'elles se rapprochent davantage de la période qui a servi de base aux opérations, tandis que celles qui ont été faites en 1844, environ 20 ans après, doivent infailliblement se ressentir de l'augmentation générale des valeurs locatives. Ce sont là des influences auxquelles il est bien difficile de se soustraire en raison du temps et des circonstances. »
Ce rapport fut adopté par l'assemblée, sans qu'aucune voix opposante s'y soit élevée ; mais l'administration a passé outre sans y avoir le moindre égard.
Après cette manière de procéder, je me demande, et chacun de vous se demandera sans doute également, à quoi servent les assemblées cantonales ? Evidemment à rien, si ce n'est à faire accroire aux contribuables qu'on désire connaître leurs avis.
Vous n'attendez pas de moi que je vous indique le grief particulier contre lequel réclame chacune des deux cents et tant de communes de la province. Si je le voulais, je ne le pourrais qu'en plusieurs jours, et vous n'auriez sans doute pas la patience ni le temps de m'écouler. Je me bornerai donc à vous en signaler un petit nombre, dans un seul et même canton, celui de Saint-Trond, le seul concernant lequel j'ai des renseignements d'après lesquels vous pourrez juger du reste, car partout on a opéré de la même manière.
Une observation essentielle à faire au préalable, c'est que le nombre des classes de terre arable avait déjà été réduit en 1827 à cause des améliorations faites à ces terres depuis 1811, époque à laquelle le premier cadastre avait été dressé par les agents du gouvernement français.
La plus basse classe fut supprimée et toutes les terres qui s'y trouvaient furent portées dans les classes supérieures. Inutile d'ajouter que cette opération des agents de 1827, dont résultait une augmentation de charges considérables pour les propriétaires, a été maintenue par les agents de 1844.
Dans 4 communes du canton de Saint-Trond, les améliorations faites aux terres ont été imposées ainsi.
Dans 4 autres communes du même canton, pareille opération a eu lieu pour les vergers, prés et pâtures ; à St-Trond même on a supprimé en outre la plus basse classe de jardins.
Il est bien évident qu'en établissant en 1844 sur simple vu, la valeur que les propriétés étaient censées avoir eue en 1826, on a rangé des terres dans des classes supérieures à celle où elles auraient dû se trouver. On a par conséquent imposé les améliorations qu'elles ont subies depuis et on a été influencé par les circonstances plus favorables dans lesquelles on se trouvait alors : opérations dont la conséquence inévitable a été la surtaxe contre laquelle les contribuables réclament si vivement et contre laquelle nous nous élevons en ce moment.
La preuve irréfragable de ce que j'avance, c'est que le nombre d'hectares de terres rangées dans la première classe en 1827, a été augmenté en 1844 dans les deux communes, les premières en rang par ordre alphabétique, et les seules pour lesquelles ce renseignement est porté à l'extrait que je possède, de la manière suivante :
A Aelst, ce nombre a été porté de 54 hectares à 101, il y a donc presque été doublé.
A Binderveld, il a été porté de 46 à 65, c'est-à-dire, presque augmenté de moitié.
Si les documents qui ont été refusés deux fois au conseil cantonal, que j'ai demandés et qui nous ont été promis la semaine dernière, étaient arrivés, je vous prouverais que pareille augmentation des terres composant la première classe a eu lieu dans toutes les communes ; mais comme ces pièces ne sont pas encore à notre disposition, je ne puis mettre sous vos yeux la preuve matérielle de ce fait, et me vois réduit, (bien malgré moi je vous prie d'en être assurés), à vous prier de vouloir partager ma conviction, qu'il en a été partout comme dans les deux communes que je viens de citer.
Ce qui corrobore complètement cette présomption, c'est que le contingent de ce canton a été porté de fr. 77,886 à fr. 112,642, c'est-à-dire augmenté de fr. 34,756 ou de près de moitié. Et comme le canton avait été entièrement cadastré en 1811, qu'alors déjà il ne contenait plus aucun terrain inculte, l'augmentation lui imposée ne provient pas de terrains qui avaient jusqu'alors échappé à l'impôt, ni de terrains nouvellement défrichés, mais elle provient uniquement des améliorations faites aux terrains depuis notre régénération politique, qui par conséquent ne devaient pas encore être imposés.
Et le revenu de chaque hectare de terre de cette même première classe fixé en 1821, a été porté en 1844, savoir : (suit le détail par commune, non repris dans la présente version numérisée).
Par suite de cette augmentation du nombre d'hectares rangés dans la première classe et de l'évaluation de ces terres, la moyenne a été augmentée partout hormis dans 5 communes.
Vous voyez combien sont fondées les plaintes des contribuables contre l'évaluation des propriétés non bâties. Celles qu'ils élèvent contre l'évaluation des propriétés bâties sont cependant bien plus fondées encore. Il ne peut en être autrement lorsqu'on voit les agents du cadastre déclarer à leurs chefs que dans la commune la plus populeuse de la province la ville de Saint-Trond, qui contient 1,540 maisons, outre une infinité d'autres bâtiments, ils ne trouvent pas un nombre de baux suffisant, à leur gré, pour servir de base à l'évaluation des maisons, en déclarant qu'on doit maintenir les estimations provisoires.
(page 794) Ainsi, en 1844 ils ont évalué la valeur que les maisons de Saint-Trond devaient avoir, selon eux, en 1826, et cela sur leur simple vu, sans se baser sur des baux et sans pouvoir recourir aux renseignements, ce qui, considération essentielle encore, leur était strictement défendu par leurs instructions générales.
Les agents néerlandais avaient aussi évalué la valeur de ces maisons en 1827 et je suppose qu'ils avaient opéré de la même manière que les agents belges en 1844. Mais du moins les Hollandais en 1827, sous l'influence des circonstances d'alors, voyaient les maisons dans la position où elles se trouvaient alors et se trouvaient-ils dans la possibilité de voir juste et clair.
Tandis que les agents belges en 1844, sous l'influence des circonstances plus favorables de 1844, ne pouvaient voir la position dans laquelle se trouvaient les maisons en 1826 et se trouvaient-ils dans l'impossibilité de voir juste et clair, de leurs yeux, ce qui avait existé 18 ans auparavant.
La saine raison prescrit, de se tenir au témoignage de ceux qui ont pu voir juste, de leurs propres yeux, plutôt qu'à celui de ceux qui se sont trouvés dans l'impossibilité de voir juste. C'est cependant le contraire qu'on vous propose.
Si nous avions les pièces deux fois refusées en 1844, promises, depuis la semaine dernière et non encore arrivées aujourd'hui, je pourrais faire voir à la chambre combien grande est la différence entre les évaluations de ceux qui ont vu et de ceux qui n'ont pu voir.
En l'absence de ces pièces je suis autorisé par des personnes respectables à affirmer à la chambre que hormis une seule maison servant d'hôtel, ce qui est un cas tout à fait exceptionnel, jamais aucune autre n'a été ni n'aurait pu être louée à Saint-Trond avant 1826, au revenu net assigné, par les opérations de 1844, aux maisons composant la cinquième classe.
Cette manière d'agir a eu pour résultat de porter le contingent de la ville de Saint-Trond de fr. 16,881 à fr. 38,977, c'est-à-dire d’augmenter de fr. 6,000 au-dessus du double.
Ces considérations me paraissent établir à la dernière évidence que les plaintes du Limbourg sont fondées et me font espérer que la chambre accueillera favorablement l'amendement que nous aurons l'honneur de lui proposer lorsque nous en serons à la discussion de l'article premier.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - A entendre l'honorable préopinant qui a formulé une série de griefs, on serait porté à croire que les opérations du cadastre qui ont eu lieu dans le Limbourg laissent beaucoup à désirer. Mais s'il en était ainsi, comment nous expliquer ces réclamations si peu nombreuses qui se sont élevées, lorsque le premier résultat des opérations a été porté à la connaissance des parties intéressées ? Sur 494,018 parcelles que comprend la province, 2,085 seulement ont fait l'objet de réclamations.
Sur ce dernier nombre, les réclamants ont, après des explications que l'administration leur a données, déclaré se désister pour 962 parcelles. Pour 266 autres, le classement primitif a été maintenu sans l'assentiment des intéressés, et 857 parcelles ont subi quelques modifications qui ont donné satisfaction aux réclamants. Il ne restait donc, en définitive, que les propriétaires des 266 parcelles, qui fussent encore en droit de se plaindre, comme n'ayant rien obtenu. Ce nombre est bien insignifiant, quand on le rapproche du chiffre total.
Voyons maintenant quel est le jugement que les délégués de la province ont porté des opérations, lorsqu'elles étaient terminées.
Dans l'exposé de la situation administrative présenté par la députation permanente, dans la session de 1844, je lis qu'en adoptant les résultats de l'expertise des cantons d'Achel, Bréé, Beeringen, Peer, Herck-la-Ville et :Hasselt, les délégués ont témoigné le désir que l'on consignât, dans les procès-verbaux de l'assemblée, leur reconnaissance pour les soins et la régularité apportés par les agents du cadastre dans leurs opérations, ainsi que dan, les proportions établies.
« Les membres de notre, collège qui ont présidé les assemblées (ajoute la députation) ont cru devoir donner dans leurs rapports à M. le gouverneur de justes éloges au zèle et au dévouement dont l'inspecteur provincial et tous les fonctionnaires et employés sous ses ordres ont fait preuve dans la conduite des difficiles opérations qui leur ont été confiées. »
Un autre point qui mérite votre attention, messieurs, c'est la comparaison des évaluations suivant les classes des communes du Limbourg avec les communes limitrophes.
Ainsi, par exemple, dans la commune de Corswarem (Limbourg), la deuxième classe des terres labourables, a été expertisée à 25, et la même classe à 26 pour la commune de Bettincourt, à 27 pour les communes de Berlooz et de Rosoux dans la province de Liège.
Pour les terres de la première classe dans la commune de Montenaecken (Limbourg), le chiffre est de 32, et pour cinq communes limitrophes, toujours de la province de Liège, il est de 31, 30, 35, 35 et 32 de la même classe.
Si nous faisons la comparaison avec le Brabant, nous trouvons pour Gingelom (Limbourg), première casse, 31, 2ème 24, 3ème 17 et 4èùe 10, terres labourables, et pour ces mêmes classes dans trois communes limitrophes du Brabant : Wezeren 32,28, 18,12 Landen, 35,29, 18,10,et Attenhoven, 35, 30, 18 et 40. Je pourrais citer des chiffres pour les vergers et les prés, et je me crois fondé à en conclure que les bases n'ont pas été défavorables au Limbourg ; qu'au contraire, pour la plupart du temps, il y a eu une différence, parfois assez marquée, en faveur de cette province.
L'honorable M. de Corswarem vous a parlé de la manière d'opérer pour les propriétés non bâties, en ayant recours à des baux. Voici quelques renseignements à cet égard.
Les estimations cadastrales des propriétés non bâties ont été réglées d'après les produits et les baux de la période de 1816 à 1826 ; sur une contenance de 136,149 hectares de terrains cultivés dans la province, 29,915 hectares ont été loués pendant cette période et compris dans la ventilation des baux faite par les agents du cadastre et si l'on compare les résultats obtenus par cette opération qui a été faite avec le concours des propriétaires ou des locataires intéressés, on trouve que ces 29,915 hectares ont été loués, abstraction faite des déductions prescrites par la loi, pour une somme de fr. 1,292,020 82 et que les résultats des évaluations cadastrales de ces mêmes propriétés s'élèvent à fr. 1,187,949 61 ; d'où il résulte que les évaluations cadastrales sont inférieures aux prix des baux d'une somme de fr. 104,071 j ce qui correspond à 9 p. c. Cette masse de baux, dont le nombre a été de 7,583, est suffisante pour justifier les évaluations cadastrales des terrains cultivés et prouver que les agents n'ont pas adopté une base différente pour le Limbourg ; ce qui est le point essentiel d'où dépend la solution de toute la question. Faute de baux de la province même, les agents se sont attachés à évaluer les propriétés par comparaison avec d'autres propriétés situées dans les communes des provinces voisines, en contact avec celle du Limbourg.
Quant à des propriétés bâties voici d'autres renseignements.
Pour les usines, par exemple, la province possède 240 moulins pour diverses industries. Les agents du cadastre ont été à même de consulter 52 de ces baux. Les résultats de la ventilation établissent que ces moulins ont été loués, pendant la période de 1816-1826, déduction faite des frais d'entretien, de réparations, etc., suivant ce qu'autorise la loi, pour une somme de 25,261 fr. 86 c ; tandis que les évaluations cadastrales ne donnent que 19,204, soit une différence de 6,057 86, ou 31 p. c. de moins. Peut-on prétendre, à cette heure, que les estimations cadastrales de ces usines n'ont pas été faites avec modération ?
Je dirai aussi quelques mots des maisons :
La province de Limbourg renferme 52,417 maisons, qui ont été évaluées par le cadastre à 1,007,892 fr. D'où il résulte en moyenne que chaque maison est imposée à un revenu net de 31 fr. 38 c., et.si on applique à ce revenu la proportion de la contribution foncière de l'année 1847, il s'ensuit que chaque maison ne paye, en moyenne, en contribution foncière que 4 francs 40 centimes. Peut-on dire qu'il y a surévaluation pour les maisons ?
Peu de baux ont pu être consultés pour cette espèce de propriétés, l’honorable M. de Corswarem a eu raison de le dire : mais faute de baux, il y a eu le chiffre que je viens de mentionner qui peut aussi servir de moyen général d'appréciation ; et toutes les fois qu'on n'a pas pu se procurer des baux dans la province même, on a cherché des points de comparaison dans les communes d'une province limitrophe.
L'honorable M. d'Huart vous a parfaitement expliqué dans quel esprit les travaux du cadastre ont été entrepris et achevés. Leur but a été une répartition égale de l'impôt foncier entre les propriétaires, les communes, les cantons et les provinces. On a fait tout ce qui était possible pour arrivera la connaissance de la vérité ; les lois et les instructions ont été soigneusement observées.
La marche suivie pour les opérations cadastrales du Limbourg a été conforme à la marche suivie dans toutes les autres provinces du royaume.
Ce sont là les meilleures garanties pour ces travaux. L'administration était parfaitement désintéressée, elle n'avait en vue que d'arriver à ce qui est juste et vrai ; elle n'a cessé de recommander à ses agents de se guider d'après les mêmes principes.
M. de Tornaco. - Un honorable membre qui a pris la parole, au commencement de cette discussion, a exprimé le désir de voir les opérations cadastrales révisées prochainement. Je ne saurais partager cette opinion ; je suis convaincu que si l'on révisait le cadastre il résulterait de ce travail une augmentation d'impôt foncier ; or je le dis franchement, je suis très opposé à toute augmentation d'impôt sur la propriété foncière ; je suis persuadé que l'impôt foncier est déjà trop pesant aujourd'hui.
Je suis persuadé que l'impôt foncier est beaucoup trop élevé pour que l'agriculture, dont vous désirez tous la prospérité, puisse prospérer. Mais aujourd'hui, nous voyons beaucoup de personnes qui, d’une part semblent désirer la prospérité de l'agriculture, et qui, d'un autre côté, entravent sa marche, lui imposent mille charges, lui créent des obstacles de tout genre.
Je suis d'autant plus contraire à une augmentation de l'impôt foncier que je tiens pour certain que les charges qui pèsent directement ou indirectement sur la propriété foncière sont pour beaucoup dans la misère qui règne dans nos campagnes. Cette misère ne doit pas être exclusivement attribuée à ce que l'industrie est languissante. Elle règne dans toutes les parties au pays. Non pas seulement dans les Flandres, mais aussi dans la province de Liège, dans toutes les provinces, partout la misère envahit les campagnes, et cette misère fait un contraste pénible avec le luxe qu'on voit régner dans la capitale.
(page 795) Autant donc, messieurs, qu'une révision cadastrale doive amener une augmentation d'impôt foncier, je suis opposé à cette révision. Je ne veux pas critiquer l'opinion de l'honorable M. d'Hane, en ce qu'il a dit de la surtaxe de la propriété dans les Flandres. D'après des comparaisons que j'ai eu l'occasion de faire, je suis porté à croire que les Flandres ont été surtaxées ; j'attribuerai même, en partie, leur malheur à cette surtaxe. Mais je crois devoir contredire des idées que l'honorable représentant de Gand a émises.
Pour étayer son opinion afin de prouver que les Flandres ont été surtaxées, cet honorable membre vous a dit que les Flandres payaient je ne sais combien de francs par hectare ; il a comparé le revenu net imposable des Flandres, d'après le cadastre, au revenu net des autres provinces. Mais cet honorable membre n'a pas du tout distingué les classes ; il les a confondues toutes, et il a établi une moyenne qui a servi de base à son raisonnement. Or, cette base est complètement fausse, et son emploi entraînerait des conséquences très fâcheuses.
L'honorable membre, pour pouvoir raisonner d'une manière juste, aurait dû distinguer toutes les classes, comparer celles d'une province à celles d'une autre province, en un mot, faire ce que le cadastre a fait, pour contrôler ainsi ses opérations.
La nécessité d'en agir ainsi est démontrée par cette circonstance que dans une province les terres varient à l'infini ; d'un quart de lieue à un quart de lieue, vous avez des terres de première classe et des terres de cinquième classe. On doit donc tenir compte de la plus ou moins grande quantité des terres des premières ou des dernières classes qui se trouvent dans une province.
Si une province a beaucoup de terres de classes inférieures, cette quantité de terres doit influer sur le chiffre moyen du revenu, d'une manière défavorable.
C'est ce que l'honorable représentant de Gand n'a pas considéré. Il a raisonné purement et simplement sur la moyenne du revenu, c'est-à-dire qu'il a comparé en dernière analyse les mauvaises terres qui existent dans les Ardennes, dans la Campine ou dans la province de Liège aux terres des Flandres cultivées depuis plusieurs siècles. Dans les Flandres, messieurs, presque toutes les terres sont cultivées ; il n'y a pour ainsi dire pas de distinction à établir. Il est donc tout simple que la moyenne du revenu imposable y soit plus élevée que dans les provinces où les terres vaines ne produisent rien, sont d'une assez grande étendue.
Une autre opinion que l'honorable membre auquel je réponds a exprimée, est celle que dans le cas où une révision cadastrale aurait lieu, on devrait prendre pour base de cette révision les baux qui sont passés au profit des établissements de charité.
Messieurs, je m'élève contre cette opinion et le plus fortement que je le puis. Si l'on prenait pour base des opérations cadastrales ces baux, on ruinerait l'agriculture de la manière la plus complète. Car les prix de presque tous ces baux sont exagérés. En général, je crois pouvoir affirmer que les terres qui sont louées le plus cher par toute la Belgique, sont les terres qui appartiennent aux bureaux de bienfaisance.
Messieurs, j'ai cru ne pas pouvoir laisser sans réponse des opinions que je regarde comme devant produire des conséquences fâcheuses pour l'agriculture.
M. de Theux. - Messieurs, j'ai aussi demandé la parole dans la discussion générale, pour combattre l'opinion émise par l'honorable député de Gand, que l'on devrait surtout s'attacher aux baux publics pour connaître la valeur locative réelle des terres. C'est là, messieurs, une erreur fondamentale, qui pourrait induire le gouvernement et le pays à prendre des mesures tout à fait désastreuses pour l'agriculture.
Dans les baux publics, messieurs, on n'a aucun égard aux anciens possesseurs ; ce sont les plus enchérissants qui obtiennent toujours la préférence. On n'a pas non plus égard à la qualité des bons cultivateurs, c'est la concurrencé qui détermine les prix.
Et, messieurs, qu'il me soit permis de dire ici, en passant, que l'une des causes qui ont le plus contribué à élever le loyer des terres, ce sont précisément les baux publics faits par les administrations des hospices, des bureaux de bienfaisance et des biens d'Eglise. Car beaucoup de propriétaires prennent plus ou moins en considération les baux publics qui se font. Mais les propriétaires qui entendent bien leurs intérêts cherchent toujours à conserver de préférence les anciens locataires, plutôt que de chercher, au moyen de la concurrence, à obtenir un prix plus élevé.
Une autre considération, messieurs, c'est que les baux des biens des administrations publiques se font ordinairement en détail, ce qui excite une concurrence exorbitante et est encore une cause tout à fait anormale de la surélévation du prix des baux. Et ici, messieurs, nous trouverons peut-être encore une des causes des plaintes élevées particulièrement dans le canton de St-Trond, à l'égard de la péréquation cadastrale ; c'est que l'administration des hospices de St-Trond et le bureau de bienfaisance possèdent des propriétés considérables dans toutes les communes du canton, et que les baux qui ont été faits pour ces propriétés ont été probablement une des causes déterminantes de la surtaxe dont on se plaint.
Je n'entrerai pas, messieurs, pour le moment dans la discussion des détails du projet.
L'honorable M. de Corswarem a examiné aujourd'hui avec l'attention la plus scrupuleuse toutes les pièces qui lui ont été communiquées et il a bien voulu vous faire part des observations qu'elles lui ont suggérées. Je m'en réfère à celles qu'il vous a présentées.
M. d'Hane. - Messieurs, je pense que mon honorable ami, M., de Tornaco, m’a très mal compris. Pas plus que lui, je ne veux une aggravation de la contribution foncière. Je suis propriétaire comme lui ; la plupart de nous le sont ; nous connaissons ce que nous payons chacun. Mais lorsque j'ai posé en principe que pour connaître la vérité, pour connaître le revenu net possible du cadastre, il fallait aller à une source positive, que cette source, suivant moi, était les adjudications publiques qui sont faites à l'occasion des baux des bureaux de bienfaisance, je n'ai pas dit que ces locations, parfois très exagérées, devaient servir de base au nouveau revenu cadastral. Mais j'ai dit que c'était un point de départ plus positif que toutes les mesures qui avaient été employées jusqu'aujourd'hui. Je ne pense pas que j'aie dit autre chose ; et je le répète encore.
Du reste, ce que j'ai trouvé dans les points de comparaison entre les provinces, ce n'est pas mon travail ; je l'ai trouvé dans le travail de M. Heuschling, employé du cadastre ; et je crois que M. Heuschling a parfaitement bien compris la question.
M. de Muelenaere. - Je croyais avoir compris la pensée de l'honorable député de la Flandre orientale, telle qu'il vient de vous la présenter ; et lorsque j'ai demandé la parole, c'était pour donner quelques explications à cet égard.
Il est évident, messieurs, que si l'on prenait pour base des évaluations le prix des locations publiques, on tomberait dans une exagération excessive ; pour me servir de l'expression d'un honorable préopinant, ce serait, sans doute, une mesure détestable.
Mais ce n'est pas là, je pense, ce qu'a voulu l'honorable député de Gand. Lorsqu'il a parlé des baux publics, il les a considérés seulement ; non pas comme base d'évaluation pour l'assiette de l'impôt ; mais seulement comme un terme de proportion entre les provinces. Or, sous ce point de vue, je suis de l'avis de l'honorable membre. S'il fallait procéder à une révision des opérations cadastrales, je crois que le seul moyen d'arriver à une proportion exacte, à une répartition autant que possible équitable entre les provinces, ce serait de prendre pour base entre elles le prix des locations publiques, et le prix des baux faits par actes publics.
Mais évidemment, messieurs, je le répète, ce prix ne devrait point, vis-à-vis de l'Etat, servir de base pour la fixation de l'impôt.
Il est une erreur dans laquelle on tombe depuis quelque temps. Jusqu'à présent, et d'après la loi, l'impôt foncier a été considéré comme un véritable impôt de répartition ; certaines personnes paraissent vouloir le convertir en impôt de quotité. Maïs lorsqu'il n'est qu'un impôt de répartition, pour arriver à un résultat juste, équitable, il suffit d'avoir entre les provinces un terme de proportion exact, et je crois qu'il n'y en a pas de meilleur que les baux publics. Sous ce rapport, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable député de la Flandre orientale et je crois que c'est ainsi que sa pensée doit être comprise.
M. Lebeau. - Messieurs, je suis de l'avis de M. le ministre des finances et de plusieurs de nos honorables collègues ; il ne faut pas se livrer trop légèrement, trop brusquement à de nouvelles opérations cadastrales, à une nouvelle révision du cadastre que vous allez arrêter. Je ne voudrais pas cependant qu'on poussât ce principe trop loin. Je pense que s'il est un pays où les événements accomplis depuis l'époque à laquelle les dernières opérations cadastrales ont été faites, justifieraient la révision plus ou moins prochaine des opérations dont il s'agit, ce pays est bien certainement la Belgique ; et si une certaine augmentation de la contribution foncière, comme paraît le craindre un honorable préopinant, devait être la conséquence d'une telle révision, ce serait, pour moi, une raison de l'accélérer.
Dans l'opinion du législateur, aujourd'hui l'impôt foncier doit être, en principal, de 10 p. c. environ du revenu net ; c'est là ce que les chambres ont voulu voter chaque année, 10 p. c. en principal sur le revenu net, à une légère fraction près.
Eh bien, messieurs, si cette proportion a été déduite d'opérations arrêtées antérieurement à l'année 1834, il est évident que cette base doit être profondément modifiée par tout ce qui s'est fait en Belgique depuis environ 18 ans. Depuis 14 ou 15 ans, messieurs, on a fait en Belgique, aux dépens du trésor public, des caisses provinciales et des caisses communales, des chemins de fer, des routes et des canaux pour une somme de 300 à 400 millions de francs ; et cela au grand avantage de la propriété. C’est à tel point qu'à ma connaissance, dans certaines localités, par le seul effet de d'établissement de routes, des propriétés ont quintuplé de valeur. Je pourrais en parler par suite d'expérience personnelle.
Je sais, messieurs, qu'on viendra soutenir, à l'encontre des craintes exprimées tout à l'heure par un honorable préopinant, que le résultat d'une nouvelle péréquation cadastrale serait complètement nul pour le trésor public ; que cela n'aurait d'autre effet que de diminuer la quotité de l'impôt. Mais il resterait à savoir si la contribution, foncière, qu'on a très bien fait de considérer, à son origine, comme un simple impôt de répartition, alors qu'il n'existait point de cadastre, alors que par la force des choses, cette contribution devait être nécessairement un impôt de répartition, il resterait à savoir, dis-je, si cette quotité doit subsister, quand l'impôt foncier peut être soumis aux règles de tous des impôts, c'est-à-dire être une quotité du revenu constaté, seul principe juste et rationnel en matière d'impôt.
J'avoue que ce n'est pas sans quelque surprise qu’à propos d'une discussion de cette nature, j'ai entendu un honorable préopinant, aux (page 796) lumières, au sens droit duquel nous sommes habitués de rendre hommage, nous parler en termes peu bienveillants de la capitale, lui reprocher en quelque sorte ce qu'il a appelé un luxe insolent. Qu'il me soit permis de le dire, ces déclamations contre le luxe sont indignes de l'honorable préopinant, indignes de ses lumières, de son bon sens ; elles ne sont véritablement plus de notre temps ; elles sont condamnées par les plus simples notions de la science économique ; elles sont un véritable anachronisme. Mais le luxe, n'est-ce pas le principal aliment de plusieurs de nos industries ? Et cette Flandre dont vous nous parlez, est-ce surtout dans son agriculture qu'elle souffre ? N'est-ce pas principalement dans une de ses grandes et antiques industries ? Ne sont-ce pas aussi les industries qui trouvaient leur débouché dans les classes aisées ? Les toiles fines, les batistes, les dentelles, parties très importantes de l'industrie des Flandres, n'est-ce pas le luxe qui les alimente ? Demandez aux habitants de nos villes, demandez aux habitants de la rue de la Madeleine à Bruxelles si, lorsque par des circonstances pénibles, le luxe diminue, le luxe cesse de venir apporter son tribut au commerce et à l'industrie, demandez-leur si ce n'est pas à leurs yeux une calamité publique !
Qu'il me soit permis de le dire à notre honorable collègue, il y a d'autres dangers qui menacent aujourd'hui la propriété foncière qu'une augmentation d'impôt. Ces dangers ont fait sérieusement réfléchir, ailleurs qu'ici, de grands propriétaires, qui avaient singulièrement exploité leurs privilèges politiques en faveur de la propriété. Car ils avaient d'abord interdit toute concurrence étrangère aux productions du sol national. Dans une époque plus reculée, ils s'étaient même fait adjuger en même temps des primes d'exportation pour la denrée qui sert à l'alimentation du peuple.
Eh bien, messieurs, dans le pays auquel je fais allusion, marchant sur les traces d'un homme éclairé, éminent, d'un grand réformateur, d'un homme qui a rendu peut-être à la propriété foncière le plus grand service qu'on peut lui rendre, les propriétaires ont su faire d'immenses concessions : non seulement ils ont renoncé à tous les privilèges du tarif qui leur accordait un scandaleux monopole, mais ils ont subi sans murmure le principal poids de la taxe sur le revenu, de l'income tax, de cet impôt qui a rétabli l'équilibre dans les finances de la Grande-Bretagne.
Voilà, messieurs, comment la propriété, si elle veut conjurer les dangers dont la menacent certaines théories politiques, dangers bien autrement graves que l'éventualité d'une légère surtaxe au profit du trésor national, voilà comment il faut qu'elle se conduise, voilà des exemples que j'invite l'honorable préopinant à méditer !
(page 801) M. de Garcia. - Messieurs, je répondrai tout d'abord aux observations par lesquelles vient de terminer l'honorable préopinant. L'honorable M. Lebeau, en vue de provoquer une augmentation de l'impôt foncier, a fait allusion à des actes posés en Angleterre, les a présentés comme modèles à suivre en Belgique.
Ce point de départ est inexact, et les considérations présentées par l'honorable député de Bruxelles sont, à mes yeux, sans base, et ne peuvent recevoir aucune espèce d'application en Belgique.
La détention, la possession et la transmission de la propriété foncière, en Angleterre, constituent un privilège exorbitant en faveur de l'aristocratie. Il en est tout autrement dans notre pays, où, bien supérieur à l'Angleterre sous ce rapport, il n'existe aucune sorte de privilège pour la propriété, où la propriété peut appartenir à tous les citoyens sans distinction de classe, où la propriété foncière comme toutes les autres branches de la richesse nationale concourt aux charges publiques.
A ce point de vue, nulle analogie donc entre les deux pays, et partant, comme je le disais en débutant, nulle espèce d'application des considérations développées par l'honorable préopinant ne peut se concevoir en Belgique ; car ce qui s'est passe chez nos voisins n'a fait que réduire des privilèges qui n'existent plus dans nos institutions qui sont les plus libérales du monde.
Personne n'ignore l'état dans lequel se trouve encore la Grande-Bretagne au point de vue féodal. Là existent encore, pour la propriété foncière, des privilèges de toute espèce, des majorats, des fidéicommis, avec tout l'odieux du moyen âge. Rien de semblable n'existe plus chez nous, et, à cet égard, nous pourrions être donnés comme modèle à nos voisins d'outre-mer.
Quant à ce qui touche la question de la révision du cadastre, que paraît désirer aussi l'honorable M. Lebeau, j'aurai peu de mots à ajouter à ce qu'a dit M. le ministre des finances, pour prouver qu'il y aurait des inconvénients à faire, au moins prochainement, cette révision. Je partage complètement cette opinion, et les motifs en sont clairs et précis. D'un travail semblable résulterait incontestablement une dépense énorme pour le trésor, et cette dépense ne serait pas seulement momentanée, mais laisserait à charge de l'Etat une quantité de fonctionnaires dont la création serait indispensable pour ces opérations.
Voyons maintenant quel serait le but de cette révision. Serait-il de rectifier la péréquation du cadastre en elle-même ou d'établir l'augmentation de la valeur de la propriété foncière ? Au premier point de vue, ce travail me paraît tout à fait inutile, parce que je considère la partie du cadastre qui concerne la péréquation comme réunissant le caractère de perfection que comporte un travail de cette nature. En effet, si de légères erreurs s'y rencontrent, rien n'assure que d'autres erreurs ne surgiront pas dans le travail nouveau.
On doit le reconnaître, dans tout le pays le cadastre est considéré généralement comme une opération juste ; tout ce qui a été dit par un honorable député du Limbourg sur l'inégalité des augmentations de l'impôt foncier dans certaines communes, à raison des opérations cadastrales, ne prouve rien contre l'exactitude de ces opérations. A mes yeux, cela ne prouve qu'une chose, c'est que quelques communes ont joui longtemps du privilège de payer moins que d'autres.
Je pourrais citer, dans ma province, plusieurs communes qui étaient dans ce cas, et qui, dans le premier moment, ont adressé plaintes sur plaintes, mais dont les plaintes ont été, à juste titre, rejetées.
En résumé, au point de vue que je viens de traiter, j'ai la conviction que la révision du cadastre n'amènerait pas un ordre de choses plus équitable que celui qui existe ; ce seraient des hommes qui feraient ce travail, et, comme les premiers, ils seraient soumis à l'erreur ; ces erreurs seraient d'autant plus funestes, que le plus souvent elles frapperaient d'une augmentation d'impôt le cultivateur vigilant, qui aurait fait progresser sa propriété.
La révision réclamée par l'honorable député de Bruxelles aurait-elle pour but d'établir les augmentations survenues dans les propriétés immobilières et par suite d'augmenter les contributions qui pèsent sur cette base d'impôt ? Telle m'a paru être la portée des observations de l'honorable M. Lebeau.
A ce point de vue encore, l'opération sollicitée ne peut, je crois aboutir qu'à des dépenses considérables, sans aucun résultat d'utilité bien démontrée. Le gouvernement aussi bien que la législature peuvent, sans recourir à un travail aussi dispendieux, apprécier l'augmentation de la propriété foncière par les actes publics et même par la notoriété publiques.
Suivant l'honorable M. Lebeau, l'impôt foncier doit être du dixième du revenu. Je suis loin de vouloir contester ce principe ; seulement je dirai que les impôts qui pèsent sur le foncier remplissent le vœu exprimé par l'honorable membre.
J'ai même la conviction intime qu'en faisant état des contributions payées en principal et additionnels à l'Etat par la propriété immobilière, payées à la province, payées à la commune pour les dépenses multipliées qui leur incombent, j'ai la conviction intime, dis-je, que l'impôt foncier, loin d'être restreint au dixième des revenus, s'élève à 12 ou 13 p. c. du revenu brut. Pour ne parler que de quelques sources de dépenses considérables pour les communes, je citerai la construction et l'amélioration de la voirie vicinale et l'instruction publique.
Dans l'intérêt de la voirie vicinale, presque toutes les communes du royaume se sont imposé des centimes additionnels de beaucoup supérieurs à la limite de 10 p. c, prescrite en quelque sorte par la loi. Beaucoup d'entre elles ont porté ces centimes additionnels de 15 à 20 p. c. de toutes les contributions directes.
Dans l'état des choses actuel, je pense donc que le but que se propose l'honorable M. Lebeau est dépassé, et que si sa thèse était absolue il y aurait lieu à dégrever l'impôt foncier plutôt qu'à l'augmenter. Je terminerai en présentant une observation générale que j'ai déjà eu l'honneur de produire dans cette enceinte, observation que je crois d'une haute utilité, et qui est de nature à prouver que les détenteurs de la propriété foncière payent au trésor beaucoup au-delà de 10 p. c. du revenu réel qu'ils en tirent.
Cette observation a pour objet d'inviter le gouvernement à faire exécuter un travail que je considère comme des plus importants. Ce travail consisterait à présenter le tableau ou au moins un résultat général des charges qui obèrent toutes les propriétés foncières du royaume ; à mes yeux cet ouvrage statistique peut avoir beaucoup d'utilité et une portée importante dans l'examen de toutes les questions financières.
Sous tous les rapports, j'engage donc le gouvernement à fixer son attention sur ce point. A l'aide de l'administration des hypothèques et de ses agents, le gouvernement peut facilement faire exécuter ce travail au moins pour toutes les créances hypothécaires.
Pour appuyer les considérations tendant à une augmentation de l'impôt foncier, l'honorable M. Lebeau a dit encore qu'une dépense de 300 à 400 millions avait été faite depuis 1850 en faveur des propriétés foncières et ce en chemins de fer, en canaux, en routes et en travaux de toute espèce.
En vérité, messieurs, il m'est impossible de m'expliquer une assertion semblable. Cette grande dépense prend évidemment sa source dans la construction des chemins de fer. Or, je le demande, peut-on rationnellement prétendre que ce grand travail a été surtout utile à la propriété foncière ?
Evidemment celle assertion n'a rien de vrai ni d'exact, et chacun de nous doit convenir, je pense, que nos villes et nos industries nombreuses, qui sont généralement à cheval sur les chemins de fer, retirent les principaux avantages de cette grande création.
Sous ce rapport, il faut le reconnaître, ces localités sont plus privilégiées que la généralité des propriétés foncières, qui jusqu'à ce jour, malgré les sacrifices considérables faits par les communes, n'ont pu obtenir une bonne voirie vicinale.
Déjà je l'ai fait remarquer dans cette enceinte, les chemins vicinaux sont encore dans un état qui laisse beaucoup à désirer et réclame des améliorations. Ces améliorations sont indispensables pour que la propriété foncière atteigne le degré de prospérité auquel elle est appelée : en présence d'un ordre de choses semblable, c'est donc sans fondement qu'on vient prétendre qu'on a dépensé, dans l'intérêt de nos terres, de 3 à 4 cents millions.
Je crois devoir borner ici mes observations, d'autant plus que le débat s'écarte plus ou moins de la question que nous avons à traiter réellement ; cependant, en acquit d'un devoir, j'ai cru devoir faire des réserves et protester contre certaines assertions.
(page 796) M. de Tornaco. - Messieurs, l'honorable M. Lebeau, en terminant son discours, m'a conseillé de méditer ces exemples qui ont été donnés dans un autre pays. Je pense que cet honorable membre a voulu parler de l'Angleterre, qu'on cite, selon moi, trop souvent dans cette enceinte, parce qu'elle n'est pas très bien connue. Je crois que trop souvent on parle de ce pays, sans trop savoir ce qui s'y passe ; pour moi je mécontente de voir ce qui se passe dans notre pays, et de raisonner d'après ce que je vois.
L'honorable membre nous a dit que la propriété devrait imiter l'exemple qui lui a été donné en Angleterre ; qu'elle devrait abandonner une partie de cette position si heureuse qu'elle occupe.
L'honorable membre me semble s'être trompé quelque peu ; en comparant la position de ces deux pays, il a commis non pas un anachronisme, une erreur de temps, mais une erreur géographique, une erreur touchant les lieux.
Nous ne sommes pas du tout ici en Angleterre, nous sommes en Belgique ; nous sommes dans un pays où la propriété foncière n'a plus le moindre privilège ; la propriété foncière appartient aujourd'hui et doit appartenir à tout le monde ; elle est accessible à chaque citoyen, elle supporte une large part dans les charges publiques, elle la supporte volontiers ; telle n'était pas, telle n'est pas encore sa position en Angleterre.
Mais, messieurs, faut-il que la propriété foncière supporte toutes les charges, qu'elle paye 10, 20, 30 p. c. de son revenu ; tandis que d'autres propriétés ne supportent qu'une partie très minime de charges ? Voilà ce que je conteste, et voilà pourtant ce qui arriverait si l'on écoutait certaines personnes.
Messieurs, la propriété foncière, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Lebeau, paye chez nous 10 p. c. du revenu imposable d'après le cadastre. Mais d'abord ce n'est là que le principal de l'impôt. En second lieu, vous avez des impôts communaux, et puis des impôts provinciaux. Il y a deux ans, j'ai eu la curiosité de faire le relevé de ce qu'on payait en impôts provinciaux dans tout le pays ; j'ai obtenu pour moyenne 15 centimes additionnels à la contribution foncière.
Je crois que la propriété foncière paye en outre 10 centimes additionnels communaux, et tout cela indépendamment des impôts indirects qui la frappent en très grand nombre.
Plusieurs voix. - C'est 18 p. c. qu'elle paye à l'Etat.
M. de Tornaco. - Mon argument est d'autant plus fort.
L'honorable M. Lebeau dit que si des raisons existent de grever une propriété plus que telle autre... (Interruption.)
Je prie les honorables membres qui m'interrompent de me répondre.
Si des causes existent d'imposer certaines propriétés au-delà de ce qu'elles le sont aujourd'hui, l'honorable M. Lebeau les trouve à l'endroit de la propriété foncière. Ces causes sont : la construction de canaux, de routes, de chemins vicinaux, du chemin de fer. Je laisse le chemin de fer à part. Le chemin de fer est à mes yeux une œuvre privilégiée, c'est une œuvre de civilisation ; mais quant aux routes, aux chemins vicinaux dont la propriété a surtout profité, au moyen de quelles ressources ces dépenses ont-elles été faites ? La propriété foncière a tellement concouru à la construction des chemins vicinaux et des routes, qu'il serait injuste de lui faire payer encore une fois les avantages qu'elle a pu en retirer.
Je ne veux pas prolonger cette discussion, mais je dis qu'il serait déplorable dans l'intérêt public, non dans l'intérêt de la propriété, dans l'intérêt des subsistances du pays, dans l'intérêt du progrès de notre industrie agricole, d'adopter les opinions de l'honorable M. Lebeau qui tendent évidemment à l'augmentation de l'impôt foncier.
M. Lebeau. - Il ne faut pas qu'on s'exagère la portée de mes paroles ; je ne veux pas dire qu'il faille précipitamment, étourdiment inquiéter de nouveau les propriétaires, exciter les susceptibilités des provinces les unes envers les autres, et se livrer prochainement à une révision des opérations cadastrales. Je m'en suis, ce me semble, fort clairement expliqué. Je me suis borné à protester contre ce que j'ai trouvé de trop absolu dans l'expression de certaine opinion qui semblait vouloir donner au dernier acte des opérations cadastrales qui nous est soumis une sorte de caractère d'immutabilité. Voilà contre quoi j'ai voulu protester.
Je ne rencontrerai pas les différents reproches que l'honorable préopinant a jugé à propos de m'adresser. Il a paru trouver étrange que je puisasse quelques exemples dans l'histoire d'un pays voisin. Ce grand pays est en possession de donner des exemples de tout genre depuis des siècles ; c'est lui, entre autres choses, qui a appris à l'Europe entière les véritables principes de la liberté politique ; à ce titre seul, j'aurais regardé comme un devoir de faire de l'histoire de ce pays l'objet de mes études spéciales ; je regarde même cette étude comme un devoir pour tout membre d'une représentation nationale.
Je ne méconnais pas la différence qui existe entre les deux pays ; mais en opposition à l'honorable membre, je dis qu'il y a aussi beaucoup d'analogie à établir entre eux.
A entendre l'honorable préopinant, il semblerait que la plus lourde part des charges qui pèsent sur le pays soit l'impôt foncier. Mais dans les 90 millions qui forment à peu près la somme de nos contributions, l'impôt territorial ne figure pas pour la plus grosse part. Il suffit de jeter les yeux sur le budget des voies et moyens pour se convaincre de l'exagération dans laquelle l'honorable membre est tombé à cet égard.
J'ai dit que dans l'opinion du législateur, exprimée officiellement dans nos lois des finances, la quotité de l'impôt foncier devait être le 10ème en principal du revenu net ; que telle devait être la part revenant à l'Etat.
Maintenant, est-il vrai, oui ou non, que par le résultat de ce qui s'est accompli depuis 15 ans en Belgique, cette quotité n'est plus vraie, que c'est une véritable fiction ? C'est là tout ce que j'ai voulu dire.
L'honorable préopinant a terminé par une considération qu'il a cru très puissante. C'est surtout dans l'intérêt des subsistances du pays qu'il a parlé du danger d'aggraver les charges territoriales. Eh bien, le gouvernement vous a annoncé que prochainement, dans l'intérêt des subsistances du pays, pour les mettre plus à la portée de toutes les fortunes, pour rendre, en un mot, le pain moins cher, il vous présenterait de nouveaux projets sur la législation des céréales ; j'attends à cette épreuve l'honorable préopinant ; j'espère qu'il donnera alors un nouveau gage de la sollicitude qu'il porte à cet intérêt si grand des populations, de pouvoir se procurer les subsistances à bon marché. Je l'attends à cette épreuve, jusque-là, je dois réserver mon opinion.
M. Raikem. - Je crois qu'il a déjà été démontré que c'était la propriété foncière qui était principalement grevée d'impôts ; vainement dit-on que la contribution foncière ne figure que pour une somme déterminée dans la totalité de nos impôts, et que les autres y figurent pour une somme bien supérieure ; il y a, comme on vous l'a déjà fait observer, des centimes additionnels au profit de la province et au profit de la commune. Pour le propriétaire, c'est toujours une charge ; c'est comme s'il payait directement à l'Etat ; mais on sait en outre que ce n'est pas seulement de l'impôt direct que la propriété foncière est frappée, mais qu'elle a encore à supporter des impositions indirectes.
Je demanderai qui paye le plus de droits de mutation, d'enregistrement, de transcriptions et autres, si ce n'est la propriété foncière ? Pour les autres impôts indirects qui rentrent dans cette catégorie, l'enregistrement, il est facile, je ne dirai pas d'éluder l'impôt, mais de se dispenser de le payer, puisque quand on fait des conventions pour des objets autres que des propriétés foncières, on n'est pas obligé de les faire enregistrer, si ce n'est quand on doit porter son action en justice.
Il en est tout autrement de l'impôt foncier. Des mesures, et des mesures très sévères sont prises dans la loi pour empêcher qu'on ne puisse se dispenser de payer les impôts indirects sur la propriété foncière.
Notez encore ici que les droits d'hypothèques, et d'enregistrement des obligations, qui se payent le plus ordinairement et même presque exclusivement dans les contrats hypothécaires deviennent une charge de la propriété foncière. Ainsi le propriétaire dans le besoin, obligé d'emprunter ou de vendre, est soumis à un nouvel impôt. Dira-t-on que c'est l'acquéreur qui paye ce droit de mutation ? Mais le payement de ce droit influe nécessairement sur le prix de la vente faite par le propriétaire dans le besoin. Et si l'on faisait un calcul exact de tout ce que supporte la propriété foncière, on pourrait évaluer que dans un certain nombre d’années qui n'est pas considérable, le produit entier du revenu foncier (page 797) passé dans les caisses de l'Etat ; et je crois qu'on ne pourrait faire le même calcul pour des propriétés d'une autre nature. Cependant on sait que les propriétés mobilières ont une valeur plus considérable qu’autrefois, comparativement à la propriété foncière. C'est donc la propriété foncière qui supporte la plus grande partie des impôts et même des impôts indirects. Ainsi, ce qui a été avancé par un honorable préopinant, se trouve parfaitement justifié.
On nous a fait à l'égard de l'impôt foncier une observation, c'est que depuis le cadastre qui a été décrété en 1835 la valeur des propriétés mobilières est bien augmentée, et qu'aussi les propriétés cadastrées à cette époque ont absolument changé de valeur, et que la valeur actuelle en est bien plus considérable.
Ce qui justifie la comparaison que l'on vient de faire avec les provinces où l'achèvement des opérations cadastrales remonte à 1831 et 1832, c'est que, comme on vous l'a fait observer, les propriétés, ont depuis beaucoup augmenté de valeur, tandis que pour celles qui avaient été évaluées en 1843, on a pris l'état de choses alors existant soit pour le classement, soit pour l'évaluation ; car on a déjà fait observer que, dans plusieurs localités des provinces cadastrées, on n'a pas eu égard aux baux des propriétés non bâties de plusieurs communes, parce qu'on avait trouvé qu'ils n'étaient pas suffisants pour établir la valeur locative, pendant la période déterminée dans l'arrêté.
Mais par cela même qu'on ne prenait pas les baux de la période déterminée, on a dû prendre l'état de choses existant. On a pris par conséquent pour l'évaluation un état de choses différent de celui qui aurait dû être appliqué.
Je ne sais si je dois suivre dans tous leurs détails les observations de M. le ministre des finances. Il vous a parlé de la comparaison entre certaines communes limitrophes de deux provinces. Cette comparaison n'a de valeur que pour ces communes. Alors les experts avaient, pour leur évaluation, deux termes de comparaison. Mais quand on a évalué dans d'autres communes, on a pris l'état de choses existant en 1843 et non la période qui avait été déterminée.
Je n'entre pas dans la discussion des détails, cela viendra à l'article premier.
Cependant je ferai une question quant aux baux qu'a indiqués M. le ministre des finances relativement aux moulins.
Je désirerais savoir s'il a indiqué la valeur des moulins avec la réduction déterminée par la loi, c'est-à-dire la réduction du tiers de la valeur.
Ainsi on se trouve, pour les deux provinces, dans une situation différente que pour les sept autres qui avaient été cadastrées en 1831 et 1832.
Depuis lors, comme on l'a fait observer, l'état de choses est bien changé. Naturellement, les experts ayant sous les yeux l'état de choses, tel qu'il existait en 1843, l'ont suivi pour l'évaluation et pour le classement.
- La discussion générale est close.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article premier ainsi conçu :
« Art. 1er. La somme de quinze millions cinq cent mille francs, formant le principal de la contribution foncière, fixé par la loi du budget des voies et moyens pour l'exercice 1849, est répartie entre les neuf provinces du royaume, d'après les résultats du cadastre, comme suit :
« Anvers : fr. 1,346,103
« Brabant : fr. 2,817,375
« Flandre occidentale : fr. 2,352,033
« Flandre orientale : fr. 2,606,153
« Hainaut : fr. 2,617,527
« Liège : fr. 1,520,525
« Namur : fr. 977,978
« Limbourg : fr. 686,156
« Luxembourg : fr. 556,152
« Total ; fr. 15,500,000.
M. de Corswarem. - J'ai eu l'honneur de vous dire tantôt combien la province de Limbourg élève de plaintes contre le contingent qui lui est assigné.
M. le ministre des finances a répondu que les réclamations n'avaient pas été nombreuses de la part des propriétaires, lorsqu'on leur a fait connaître le résultat des opérations cadastrales. Ceci, messieurs, ne me surprend aucunement. Je dois avouer que moi-même, avant que je n'eusse examiné le projet en discussion, je n'avais aucune idée de ce que c'était que les opérations cadastrales ; et je suis bien certain que les neuf dixièmes des membres de cette chambre sont à peu près dans le même cas. A plus forte raison le public est-il dans ce cas.
Les propriétaires n'ont connu l'importance des changements qui étaient faits aux évaluations cadastrales de leurs propriétés, que lorsqu'on est venu leur demander une augmentation d'impôt. Cette traduction des opérations, ils l'ont beaucoup mieux comprise que des textes, et c'est alors qu'ils ont élevé leurs plaintes.
Il en a été de même, messieurs, de la députation du conseil provincial qui avait donné tant de louanges aux opérations. Notez qu'elle a donné ces louanges en 1844, avant que le résultat pratique de la loi ne fût connu. Mais si, en 1845, lorsqu'il savait combien le contingent de la province était augmenté, le conseil provincial avait été appelé à donner son avis, je suis bien certain qu'au lieu de termes flatteurs pour les agents du cadastre, qui, du reste, ont rempli leur mission avec une parfaite équité, il vous aurait fait entendre des doléances et des réclamations.
Une chose, messieurs, dont je conviens très volontiers avec M. le ministre des finances, c'est que jamais l'administration n'a donné à ses agents d'autres instructions que les instructions les plus positives pour parvenir à connaître la vérité. Mais en 1844, était-il possible à quelque homme que ce soit de pouvoir connaître la vérité de faits qui existaient il y a dix-huit ans, alors surtout qu'il était défendu aux agents du cadastre d'opérer sur renseignements ? S'il leur avait été permis de prendre des renseignements, ils auraient pu connaître la vérité ; mais cela ne leur a pas été permis ; ils ont dû se conformer aux instructions générales qui le défendent strictement ; les instructions sont de 1810 ou de 1811, et sont encore suivies aujourd'hui.
Ces instructions ont été données pour les opérations générales ordinaires, lorsqu'il s'agit de cadastrer tout un pays à la fois. Mais ici c'était une opération extraordinaire. Il s'agissait de la suite d'une opération qui avait été arrêtée par les événements de 1830, et pour continuer cette opération, on aurait dû donner aux employés des instructions extraordinaires aussi.
On aurait dû leur permettre ou même leur ordonner d'opérer sur renseignements, afin de pouvoir constater la vérité des faits qui existaient en 1826. Au surplus, jamais dans la province, je me plais à le répéter, personne n'a eu un mot de blâme ni sur la manière dont les employés ont opéré, ni sur les instructions qui leur ont été données par l'autorité supérieure ; on y a seulement regretté qu'elle les eût laissés agir sous l'influence des instructions générales.
Je ne m'étonne nullement, messieurs, qu'il y ait une si grande différence entre le prix de loyer des moulins et leur revenu cadastral. Par les contrats de baux, on impose aux locataires certaines charges d'entretien. Mais ces charges d'entretien ne tombent jamais que sur ce qu'on appelle les ouvrages mouvants, et chacun de vous sait, messieurs, qu'aucune propriété, autant que les moulins, ne réclame de grandes réparations des propriétaires. Ce ne sont pas seulement les ouvrages mouvants qu'il s'agit de réparer, ce sont les murs d'eau, ce sont les écluses, ce sont les fondements qui, tous les dix ou quinze ans au plus, exigent des dépenses tellement considérables que souvent elles enlèvent plusieurs années de loyer.
Ainsi, il me paraît que cette différence entre le loyer et le revenu net des moulins, loin d'être forte, ne l'est pas assez.
Une chose qui ne m'étonne aussi nullement, c'est que les maisons dans le Limbourg ne payeraient en moyenne que 4 fr. 40 de contribution. Toute la province de Limbourg est agricole. Sur 32 ou 33 mille maisons, j'ai oublié le chiffre qu'a indiqué M. le ministre des finances, il n'y a que quatre petites villes ; la plus populeuse est la ville de Saint-Trond ; et je suis certain que les maisons de ces quatre petites villes ne forment pas le cinquième du nombre total des maisons de la province. Notez encore que ces villes sont elles-mêmes agricoles ; qu'elles comprennent une foule d'habitations qui sont simplement construites en argile et servent de demeure à des cultivateurs ; et lorsque l'on fait une moyenne dans laquelle entre d'un côté le petit nombre de maisons servant, à proprement dire, à l'habitation des citadins, et de l'autre l'énorme quantité de maisons servant exclusivement à l'habitation des cultivateurs, je ne suis nullement étonné de voir que ces maisons ne rapportent en moyenne qu'un impôt de 4 fr. 40.
Messieurs, lorsqu'en 1835, on a dégrevé les Flandres de la surtaxe contre laquelle elles ont toujours réclamé et que cette surtaxe a été répartie sur les autres provinces, on a, comme le conseil provincial du Limbourg vous l'a fait observer, échelonné sur trois années, l'augmentation de charges pour les provinces dont le contingent était augmenté.
Dans le Limbourg, on n'en a pas agi ainsi, et je le reconnais, on ne peut plus le faire aujourd'hui. Cependant toutes ces raisons me paraissent mériter quelques considérations de votre part. Je vous demanderai donc de bien vouloir accorder au Limbourg un dégrèvement, mais un dégrèvement très léger.
Vous avez vu que le conseil cantonal de St-Trond demandait un dégrèvement de 10 p. c, je vous proposerai de partager ce dégrèvement par moitié, d'en laisser supporter aux contribuables la moitié et de les dégrever de l'autre.
Je proposerai donc par amendement à l'article premier de vouloir accorder à la province de Limbourg une réduction de 5 p. c. sur toutes les contributions foncières et d'ordonner que le montant de cette réduction sera porté au fonds de non-valeurs.
M. le président. - Voici l'amendement :
« Le soussigné a l'honneur de proposer une réduction de 5 p. c. sur toutes les contributions foncières dans la province de Limbourg.
« Le montant de ces réductions sera porté au fonds des non-valeurs.»
M. Mercier. - Messieurs, l'honorable M. de Corswarem s'est appuyé principalement sur ce que les agents du cadastre auraient suivi rigoureusement les instructions qui leur prescrivaient de n'établir leurs évaluations et leur classement que d'après l'état des choses qu'ils avaient sous les yeux.
Mais, messieurs, c'est là une erreur : l'administration a très bien compris que les règlements relatifs au cadastre n'avaient pu prévoir des événements (page 798) de force majeure tels que ceux qui sont venus entraver les opérations cadastrales dans le Limbourg, et le Luxembourg ; son but a toujours été de placer ces deux provinces sur le même pied que les autres par rapport à la contribution foncière, et bien loin de prescrire à ses agents d'observer les anciens règlements à la lettre, elle les a invités, dans l'intérêt de l'égalité proportionnelle dans la répartition de l'impôt, à ne pas perdre.de vue, lors de la révision du classement, qu'aucune modification ayant pour objet d'atteindre des améliorations de culture ou de valeur ne devait être introduite dans la classification ; qu'on ne pouvait avoir égard à la plus-value acquise par les propriétés par suite de la création de nouvelles routes, canaux, défrichements ou autres circonstances ; que, pour les propriétés bâties, la valeur des bâtiments construits depuis l'époque des premières opérations ne devait pas être déterminée d'après les valeurs du moment, mais établies, par comparaison avec les évaluations proportionnelles arrêtées lors des opérations primitives de l'expertise.
Une instruction conçue dans ce sens est rappelée dans le rapport de la section centrale.
Les opérations cadastrales ont été faites avec la plus grande régularité dans le Limbourg et le Luxembourg, comme dans toutes les autres provinces du royaume ; M. le ministre des finances vous, a fait connaître le nombre très restreint de réclamations auxquelles elles ont donné lieu : l'honorable M. de Corswarem a cherché à atténuer ce fait en faisant observer que les intéressés ne sont pas initiés au mécanisme des opérations du cadastre ; mais il oublie qu'avant que le classement et les évaluations soient arrêtés, chaque propriétaire reçoit un bulletin qui lui indique comment ses propriétés sont classées et qui lui assigne un délai déterminé pour se pourvoir en réclamation ; il n'y a là aucune complication ; rien n'est plus simple pour lui que de comparer l'évaluation de ses parcelles avec celle des autres propriétés.
Les personnes appelées à faire partie des assemblées cantonales prennent, d'ailleurs, une connaissance plus complète de la matière.
Du reste, j'insiste particulièrement, sur l’erreur qui sert, en quelque sorte, de fondement à l'amendement qui a été présenté, erreur qui consiste à supposer que les agents du cadastre n'auraient opéré leurs évaluations que sur l’état actuel des propriétés, tandis qu'il leur était défendu, au contraire, d'avoir égard aux améliorations, intervenues depuis l'expertise primitive.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuie ce que vient de dire l’honorable préopinant, et je n'y ajouterai que deux mots. L'honorable député du Limbourg a demandé une réduction de 5 p. c. dont le chiffre s'élèverait, je pense, à 34,000 fr. Eh bien, messieurs, si toutes les provinces qui ont été surchargées devaient faire des réclamations dans cette enceinte, nous, des Flandres, nous avons été surtaxés pendant 30 années d'une somme de 1 million et demi par an, nous devrions donc venir demander par amendement une somme de 45 millions.
Je vous le demande, messieurs, sommes-nous venus émettre une semblable idée lorsqu'il s'est agi des opérations cadastrales ? Cependant une telle proposition eût été basée sur la justice ; nous aurions pu crier à l'injustice, à l'iniquité, mais il eût été absurde de venir demander 45 millions au pays, et certes la chambre eût rejeté une proposition de cette nature. Eh bien, messieurs, quoiqu'il ne s'agisse ici que d'une somme de 34,000 fr., je pense que vous repousserez également la proposition de l'honorable M. de Corswarem.
M. d'Huart. - Messieurs, l'amendement de l'honorable. M. de Corswarem a, suivant moi, un très grand défaut, c'est qu'il ne repose sur aucune espèce de base qui puisse nous fixer. Je demanderai, en effet, à l'honorable membre pourquoi il ne propose pas une réduction de 10 p. c. plutôt que de 5 p. c. ? Pourquoi pas 15 p. c ? Il ne s'appuie, en effet, que sur des observations générales qu'il a présentées.
L'amendement a encore un autre défaut, c'est qu'il ne s'applique pas au Luxembourg qui aurait également droit à un dégrèvement, si le Limbourg devait l'obtenir, car les deux provinces sont dans la même position, et vous ne pourriez pas, sans être injuste, accorder au Limbourg un dégrèvement que vous refuseriez au Luxembourg.
M. le ministre des finances a constaté un fait extrêmement important, c'est que les rapports des assemblées cantonales démontrent qu'il y a dans le Limbourg une parfaite concordance, pour toutes les opérations cadastrales, entre les différents cantons de cette province. M. le ministre nous a fait connaître que les délégués de ces assemblées avaient même adressé des remerciements aux agents du cadastre, pour les soins qu'ils avaient apportés à établir une juste pondération entre toutes les localités du Limbourg.
Ce point-là établi, que nous reste-t-il à voir, messieurs, sur l'exactitude relative des opérations cadastrales dans le Limbourg ? Nous n'avons plus qu'à examiner s'il y a concordance entre les communes du Limbourg et les communes des provinces limitrophes. Voilà toute la question, car il ne s'agit pas d'arrêter le chiffre des revenus du trésor, d'une manière absolument exacte, il s'agit surtout d'établir l'égalité proportionnelle, c'est-à-dire d'atteindre de la même manière les propriétés situées dans les différentes provinces.
Eh bien, messieurs, du moment qu'il est admis (et, il n'y a pas de contestation à cet égard) que la proportion est parfaitement établie dans la province, reportons-nous à la comparaison avec les communes des provinces limitrophes. Je ne présenterai pas des renseignements très détaillés, que vous auriez peut-être de la peine à suivre, mais permettez-moi, messieurs, d'indiquer deux ou trois rapprochements entre les communes du Limbourg d'une part, et des communes du Brabant et de la province de Liège d'autre part.
Voici un tableau qui contient ces indications.
(Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée).
Eh bien, messieurs, je vous en prie, comparez ces différents chiffres entre eux et vous verrez qu'ils se rapprochent excessivement, et qu'en dernière analyse, s'il y a une différence, c'est en faveur du Limbourg qu'elle existe.
: Je dis donc, messieurs, que si l'on veut envisager la question à son véritable point de vue, c'est-à-dire au point de vue de l’égalité proportionnelle entre les provinces limitrophes, on doit reconnaître que le Limbourg a été traité équitablement.
C'est ici maintenant l'occasion de donner un renseignement analogue à l'honorable M. Zoude ; mais je ne le vois pas à la séance ; je lui communiquerai ce renseignement personnellement.
On nous a dit que les agents du cadastre n'avaient pas trouvé un nombre de baux suffisant dans le Limbourg pour contrôler les expertises. Eh bien, c'est le fait entièrement opposé que je trouve, quand j'examine le nombre de baux qui ont été recueillis dans le Limbourg. En effet, 7,583 baux ont été produits ; la contenance totale des terres labourables du Limbourg est de 156,149 hectares. Les baux s'appliquent à 29,915 hectares ; ce qui fait plus du cinquième de la superficie des terres labourables de la province, or, si vous examinez ce qui s'est passé dans les autres provinces, vous verrez que, dans le plus grand nombre, on n'y a pas eu ce moyen de contrôle extrêmement important, au moins qu'on ne l'a pas eu à beaucoup près dans une extension aussi grande que dans le Limbourg.
Ici donc encore nous avons une garantie, que les opérations applicables à la période de 1812-1826 ont pu être bien contrôlées, parce que tous les baux s'appliquent à cette période.
L'honorable M. Mercier a déjà répondu à l'honorable M. de Corswarem, qui faisait bon marché de l'objection très forte, produite par M. le ministre des finances, à savoir que le nombre des réclamations dans le Limbourg avait été excessivement peu élevé ; l'honorable M. Mercier vous a dit que ce n'était pas seulement par la voie de la feuille d'avertissement que les propriétaires avaient été informés qu'il s'agissait d'une augmentation dans leur contingent cadastral ; mais qu'ils en avaient encore eu avis par une feuille spéciale adressée à chacun d'eux, et qu'ils pouvaient conserver pendant un mois, pour faire leur réclamation.'
Il est évident que chaque propriétaire apprécie trop bien la corrélation qui existe entre sa propriété et celle de son voisin, entre les propriétés de sa commune et celles de la commune voisine, pour qu'il n'ait pas réclamé en cette circonstance, s'il y avait erreur. Or, dans le Limbourg, il y a 4 à 5 réclamations sur 1,000 parcelles, tandis que sur le même nombre de parcelles, les réclamations se sont élevées de 7 à 14 dans les autres provinces. Ainsi, dans les autres provinces, le cadastre a été plus sérieusement contesté que dans le Limbourg ; et c'est un nouveau motif pour admettre l'exactitude des opérations cadastrales dans cette dernière province.
M. Raikem. - Messieurs, les observations qui viennent d'être faites par l'honorable M. de Corswarem, relativement aux baux, s'appliquent principalement aux propriétés bâties. L'honorable membre a fait remarquer que dans la ville de Saint-Trond on n'avait pas trouvé de baux suffisants pour faire les évaluations, qu'ainsi on avait fait les évaluations d'après l'état de choses existant en 1843, tandis que d'après les règlements du cadastre, l'évaluation devait être faite pour les propriétés bâties dans la période de 1816 à 1825.
(page 799) Eh bien, messieurs, il en a été de même pour la ville .le Tongres ; permettez-moi de vous citer quelques exemples à cet égard.
En 1825, où la période expire, Tongres n'était que chef-lieu de canton ; la population était peu importante.
Les loyers des maisons étaient à bas prix.
Les loyers les plus élevés n'excédaient pas 300 fl. de Liège, moins de 360 fr. ; c'est ce qui déjà a été articulé dans une autre enceinte.
Qu'on jette un coup d'œil sur les évaluations cadastrales des maisons.
Pour la première classe, le revenu net est évalué à 570 fr. ; ce qui suppose une valeur locative de 760 fr.
La deuxième classe, 513 francs ; donc 684 francs.
Sur quels baux, pendant la période déterminée, a-t-on fixé ces évaluations ?
Troisième classe ; le revenu net est évalué à 456 francs ; ce qui suppose une valeur locative de 608 francs.
Une belle et vaste maison rangée dans cette classe, avec 40 ares de jardin a été louée jusqu’en 1830, au prix annuel de 300 florins de Liège, moins de 360 francs.
Le loyer est bien inférieur à l’estimation de la valeur locative.
Quatrième classe, revenu net, 399 ; donc 532 fr.
Une maison de cette classe a été louée jusqu'en 1829 au prix annuel de 26 couronnes, ou 150 fr. 80 c.
Cinquième classe, revenu net, 342 fr. ; donc 456 fr.
Sixième classe, revenu net, 285 fr. ; donc 380 fr.
Septième classe, revenu net. 258 fr. ; donc 344 fr.
Une maison de cette classe a été louée (par bail sous seing privé), jusqu'en 1828, au prix normal de 150 fl. de Liége, moins de 180 fr.
C'est à peu près la moitié de l'estimation de la valeur locative.
(Erratum, p. 811) Une maison rue de Maestricht donnait, jusqu'en 1830, un revenu annuel de 500 fr.
Après 1840, le propriétaire l'a divisée en deux maisons et l'a considérablement restaurée. Elle figure au cadastre en deux articles, pour le revenu net de 656 fr. ; ce qui suppose une valeur locative de 876 fr.
C'est un loyer que les deux maisons ne rapportent pas actuellement.
Il est sensible que dans les évaluations on n'a pas suivi la période déterminée.
Maintenant je citerai quelques exemples relatifs à des propriétés .non bâties ; il en résultera encore que, nonobstant en instructions dont on nous a parlé, ce n'est pas la période de 1812 à 1826 qu'on a prise pour base, mais une période postérieure.
A Tongres, la première classe est portée à 91 fr. revenu net ; c'est environ 80 fr. le bonnier ancienne mesure du pays.
Ce n'est pas la valeur locative de 1812 à 1826.
La deuxième classe est portée à un revenu net de 94 fr.
Ce n'était pas même la valeur locative après 1826.
Une pièce de terre de 61 ares 40 centiares est mise dans cette classe, section D, n° 434.
Elle est par suite évaluée à un revenu net de 45 fr. 29 cent.
Eh bien ! par bail public reçu par le notaire François, le 16 juin 1837, elle a été adjugée pour un fermage annuel de 40 fr. Le bail est de neuf années.
La troisième classe est portée à un revenu net de 63 fr. l'hectare.
Une pièce de terre mise dans cette classe, sect. D, n° 490, est évaluée à un revenu net de 21 fr. 16 c. C'est donc 19 ares et une fraction.
Le 30 mai 1818, elle a été louée par bail public, pour neuf années, du 1er octobre 1818 à 1827, au prix annuel de 12 fr.
Le revenu net est presque le double.
En 1827, nouveau bail notarié pour 9 ans, au prix de 14 fr. 80 c.
En 1836, id., au prix de 15 fr.
Encore bien inférieur au revenu net.
C'est plutôt aux années postérieures à la période déterminée qu'on s'est attaché.
Encore a-t-on parfois excédé la valeur locative de l'époque postérieure.
Une pièce de terre de cette troisième classe, section D, n°464, de 60 ares 70 centiares, a été portée au revenu net de 38 fr. 24 c.
Par bail public du 12 mars 1828, pour neuf ans, à dater du 1er octobre, elle a été adjugée pour un fermage de 33fr. 86 c.
Une autre pièce, section D, n°464, a été portée au revenu net de 18 fr. 33 c. 25 ares et une fraction.
Elle a été louée publiquement, pour neuf années, le 1er juin 1836, au prix de 16 fr.
Donc inférieur au revenu net.
Trois pièces de terre sont portées dans les deuxième et troisième classes, section B, n°653 et 499, ensemble au revenu net de 108 fr. 72 c.
Par bail public, du 1er juin 1836, elles ont été louées pour 9 ans, à dater du 1er octobre, pour un fermage de 83 fr.
Ce n'est donc pas la période déterminée qui a servi de règle.
Prairies. Première classe, revenu net, 122 fr.
Prés. Première classe, revenu net, 91 fr. l'hectare.
Un pré de 2 hectares 87 ares 25 centiares est porté au revenu net de 261 fr., 1ère classe, sect. B, n°210.
Par bail du 1er décembre 1819, enregistré le 28, il avait été affermé à M. l'avocat Rubens, moyennant 100 fl. de Liège (118 fr. 50 c).
C'était dans la période déterminée.
Mais, par bail public du 16 février 1837, ce pré a été adjugé au fermage annuel de 280 fr., pour 9 ans, expirés en 1846.
C'est donc cet état de choses qu'on a suivi. Car il y a une déduction du dixième pour tout le royaume.
On me dira peut-être : Ce n’est qu'un exemple. Il serait extraordinaire que cet exemple coïncidât exactement avec ce qui a été avancé par le conseil provincial et que cependant cet exemple fût regardé comme une exception.
Prés de deuxième classe, 74 fr. revenu net, l'hectare.
Un pré de 59 ares 20 centiares, sect. A, n°723,est porté à 53 fr. 87 centimes.
Bail public de neuf ans, commencé le 30 novembre 1819 ; fermage de 38. fr. bien inférieur ; mais, en 1827, 35 fr. ; en 1836, 56 fr.
Ce sont donc les dernières périodes qu'on a suivies. Je puis citer des exemples d'une autre commune, celle de Nederheim.
(Erratum, p. 811) Déjà dans la séance du 3 décembre 1846, M. de Renesse a cité un exemple d'un bail fait dans la période déterminée bien inférieur au revenu net cadastral, tandis que le bail postérieur à cette période se rapprochait de l'évaluation .cadastrale.
Plusieurs hectares sont portés partie à la première partie à la deuxième classe, au revenu net de 640 fr.
Suivant un bail public du 25 septembre 1815 à 1824, le fermage est de 380 fr. La contribution foncière à la charge du propriétaire. Ce fermage est de près de moitié inférieur au revenu net.
Mais, nouveau bail public de neuf ans, en 1835, au prix de 680 fr.
C'est donc le dernier état de choses qu'on a suivie. Des parcelles de terre, sect. C et B, n°82 et 207, sont portées au revenu net de 44 fr. 76 cent., 47 ares et 40 cent.
Elles sont ajournées par bail notarié du 14 novembre 1827, pour neuf ans, au prix annuel de 40 fr. C'est encore l'état de choses postérieur à 1826. Je n'ai voulu citer que quelques exemples. Si nous avions eu les évaluations de 1827 à 1830, je suis bien persuadé que les évaluations auraient coïncidé avec les baux que j'ai indiqués, qu'on aurait la preuve complète que malgré les instructions qui avaient été données on a suivi la période postérieure à 1826, au lieu de suivre la période antérieure.
Je ne parlerai pas des divers objets qui ont été traités, et qui sont une revue rétrospective quant aux plaintes relatives aux Flandres.
Si la valeur des propriétés était proportionnellement supérieure dans les Flandres, par suite de l'égalité des proportions elles devaient être imposées plus que dans les autres provinces.
Si les autres provinces avaient, à l'époque où l'on se reporte, fait moins de progrès dans l'agriculture, qu'en résulte-t-il ? Non que les Flandres ont été surchargées jusqu'à l'époque où l'on veut rétrograder, mais uniquement que l'état de choses est changé.
Il y avait une base qui devait être commune. C'est un événement de force majeure qui a empêché que les provinces de Limbourg et de Luxembourg ne fussent cadastrées à l'époque où les autres provinces l'ont été.
Si on les avait cadastrées à la même époque, on aurait maintenu l'égalité des proportions ; on se serait reporté aux évaluations de 1816 à 1825 pour les propriétés bâties à celles de 1812 à 1826 pour les propriétés non bâties. Si le Limbourg avait été cadastré à cette époque il n'aurait pas été aussi surtaxé qu'il l'est aujourd'hui.,
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Orban. - Lorsqu'on a demandé au commencement de la séance la remise de la discussion à demain, par le motif que des pièces essentielles devaient parvenir seulement demain au gouvernement, on a donné pour motif, qu'il convenait d'utiliser cette séance. Maintenant on demande la clôture avant que les députés des provinces intéressées se soient expliqués.
On a longuement parlé de la province de Limbourg. Les habitants du Luxembourg se plaignent également d'une surtaxe ; ils prétendent, contrairement à ce qu'a dit l'honorable M. d'Huart, que les résultats des opérations cadastrales sont injustes. On n'a rien répondu.
Je demande la remise à demain pour que nous puissions exprimer notre opinion sur le projet de loi.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
L'amendement de M. de Corswarem est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Le chiffre du revenu cadastral représentant la matière imposable au 31 décembre 1845, dans chaque province, pris pour base de cette nouvelle péréquation, continuera désormais à servir de base à la répartition du contingent annuel de la contribution foncière entre les provinces, jusqu'à ce qu'une révision générale dos opérations cadastrales ait été ordonnée par la législature et soit effectuée.
« Les augmentations et les diminutions qui surviendront entretemps dans la matière imposable de chaque province, ne donneront lieu à aucune modification du contingent provincial ; elles n'auront d'effet que sur la répartition entre les communes qui composent la province. »
- Adopté.
Sur la proposition de M. Orban, la suite de la discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 5 heures.