(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1606) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Van Cutsem lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les sieurs Dumoulin, Lefèvre et autres membres du comité linier de Couckelaere prient la chambre de résoudre affirmativement les trois questions posées dans le rapport sur les pétitions qui ont pour objet la distribution de la graine de lin de Riga et des droits de sortie sur les lins bruts. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport.
« La chambre de commerce et des fabriques d'Anvers présente des observations contre le projet de loi relatif au régime de surveillance des fabriques de sucre de betteraves. »
M. Loos. - Je demanderai le renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à la perception du droit d'accise sur le sucre de betteraves. La section centrale pourrait se réunir pour l'examen de la pétition et présenter son rapport en même temps qu'elle déposera le rapport sur le projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait faire un rapport spécial sur la pétition s'il y a lieu, mais je demande que le rapport sur le projet de loi soit déposé aussitôt qu'il sera prêt.
M. le président. - On pourrait ordonner le renvoi avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs propriétaires dans le canton d'Aerschot demandent la prompte discussion du projet de loi sur le notariat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
« Plusieurs habitants d’Arendonck, réclament l'intervention de la chambre, pour obtenir l'indemnité qui leur revient du chef de terrains cédés à l'Etal pour le creusement du canal de la Campine, et demandent que le gouvernement termine les difficultés qui se rattachent à l'exploitation et au barrage des parties de propriétés non-expropriées. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, plusieurs habitants d'Arendonck ont été dépossédés de terrains qui étaient nécessaires pour le canal de Turnhout et quoique ces terrains aient été enlevés à la culture depuis deux ans, cependant, d'après la pétition, le prix n'en aurait pas encore été payé. Aux termes de la Constitution, l’indemnité doit être préalable. Si ces propriétaires, pour ne pas retarder le travail, ont consenti à leur dépossession, c'est parce qu'on leur avait fait la promesse qu'ils seraient payés immédiatement ; mais cette promesse ne se réalise pas. Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois, messieurs, qu'un rapport de la commission des pétitions ne sera pas nécessaire. La situation de cette affaire est fort simple ; le gouvernement a demandé des crédits pour le complément des dépenses de l'entrepôt d'Anvers, et des canaux de la Campine ; ces crédits comprennent l'allocation nécessaire pour solder ce qui reste dû à quelques propriétaires de terrains empris pour les travaux de la canalisation de la Campine. Lors que ces crédits auront été votés, le payement se fera sans aucune espèce de retard.
M. Veydt. - Messieurs, je tiens en mains le rapport sur ces deux crédits qui comprennent, en effet, une somme de 55,000 fr. pour faire droit aux réclamations dont il s'agit.
M. le président. - On pourrait déposer la pétition sur le bureau pendant la discussion ou projet de loi.
- Cette proposition est adoptée.
M. de La Coste. - Messieurs, vous avez renvoyé à la section centrale qui, dans la dernière session, s'était occupée de l'accise sur les sucres, un projet de loi présenté par M. le ministre des finances et qui a pour objet de régler définitivement le régime de perception du droit sur le sucre indigène. J'ai l'honneur de déposer le rapport sur ce projet de loi, ou plutôt sur les amendements qui le remplacent maintenant.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport et met le projet à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. Veydt. - J'ai l'honneur de déposer, au nom de la section centrale du budget des travaux publics, un rapport sur le crédit de 1,200,000 francs demandé pour les travaux de la canalisation de la Campine et pour l'achèvement des travaux de l'entrepôt d'Anvers.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Osy. - Je demande qu'en conformité de la décision que la chambre a prise dans une séance précédente, ce crédit soit mis à l'ordre du jour entre les deux votes du budget du département des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 11 août 1846, vous avez renvoyée la commission des pétitions la demande de l'administration communale de la ville de Nieuport, qui réclame l'intervention de la chambre, afin que le département des travaux publics soumette à une enquête le projet d'un chemin de fer de Mons à Nieuport, dont la concession est sollicitée par MM. Guibal et Bailleul.
Ce chemin de fer relierait le plus directement possible à la mer par Nieuport, les contrées industrielles de Mons, Jemmapes et Saint-Ghislain en passant par les villes de Tournay, Menin, Ypres et Dixmude. Il rencontrerait sur son passage trois rivières navigables : l'Escaut, la Lys et l'Yser, rivières auxquelles aboutissent plusieurs canaux également navigables, et dont les deux premières surtout ont un cours très étendu dans l'intérieur du pays ; il rencontrerait encore plusieurs routes pavées et un grand nombre de communes jouissant de communications faciles.
Toutes ces villes et communes, même celles en contact avec les eaux navigables, ne peuvent aujourd'hui se procurer, que par un détour considérable et à des prix très élevés, la houille, le fer, la chaux, les marbres et les pierres de taille du Hainaut : abrégez le parcours, procurez en tout temps à ces localités plus directement à prix réduit et vous décuplerez la consommation de la plupart de ces marchandises.
C'est l'écoulement de la houille surtout qui prendrait un développement prodigieux par le moyen de ce chemin de fer. La consommation de ce combustible fait aujourd'hui l'exception, et bientôt elle deviendrait la règle générale dans les villes et les communes de la partie boisée du pays, vu que les propriétaires fonciers auraient plus d'avantage à augmenter les terres à labour qui, annuellement, sont de plus en plus recherchées, et pour l'extérieur, nos riches industries reliées à la mer du Nord, permettraient à la plupart des navires de ne plus retourner sur lest, d'utiliser leur retour, de faire vendre à meilleur compte et même de primer les houilles anglaises sur le littoral de la France et de la Hollande : comment ces étrangers d'outre-mer ont-ils pu envahir les marchés de nos voisins, si ce n'est en vendant à plus bas prix ?
Que l'on ne craigne pas que ces nouveaux débouchés fassent renchérir la houille ; tout au contraire, nous avons la certitude qu'ils en feraient diminuer le prix ; car il est reconnu aujourd'hui que le produit de nos houillères surpasse de beaucoup la consommation ; que lorsque ces usines ne peuvent pas travailler avec toute la puissance de leur production, les propriétaires en souffrent considérablement, à raison des capitaux immenses qui y sont employés et des grands frais d'entretien qu'elles exigent continuellement.
Ce chemin de fer serait à simple voie, il serait destiné exclusivement au transport des marchandises dans les localités où elles ne peuvent encore arriver directement par nos voies ferrées ; il ne nuirait pas aux chemins de fer de l'Etat ou des compagnies, et il aurait encore l'avantage immense dans la crise ouvrière actuelle, de faire dépenser par la compagnie concessionnaire de 16 à 17 millions en travaux utiles, principalement dans les Flandres, où le manque de travail se fait le plus vivement sentir.
Ainsi, de quelque côté qu'on l'examine, cette demande en concession semble réunir tous les caractères de haute utilité publique.
Cette concession aurait aussi l'avantage, pour le gouvernement, de faire quelque faveur à la ville de Nieuport, dont le commerce maritime et la pêche sont, sinon anéantis, du moins considérablement déchus depuis que nos autres villes maritimes sont dotées de communications ferrées et en profitent si largement. La pêche à la morue, considérable autrefois, occupe aujourd'hui à peine six chaloupes ; celle du poisson frais (page 1607) a cessé d'exister. Le transit, vers la France, des laines d'Angleterre et d'autres pays donnait encore naguère quelque mouvement au port ; mais ce commerce a totalement cessé depuis 1845, alors que le gouvernement français a imposé un droit différentiel sur les laines transitant par la Belgique ; enfin, messieurs, le commerce et la pêche sont tellement réduits à Nieuport, que les marins valides se sont vus obligés d'aller s'engager, les uns à Ostende, d'autres à Dunkerque, et que les marins invalides, ainsi que les ouvriers sans travail sont venus grossir la classe indigente, antérieurement déjà très considérable, de ladite ville.
Le port de Nieuport est cependant profond, l'entrée facile et sûre. Que le gouvernement accorde la concession sollicitée, c'est-à-dire qu'il permette de relier ce port par un chemin de fer avec nos riches industries du Hainaut, et à l'instant la ville reprendrait non seulement l'activité des affaires, mais encore le commerce du poisson frais se développerait avec bien plus d'étendue qu'autrefois, par la rapidité avec laquelle il pourrait s'expédier dans tout le Hainaut ; à défaut de voie ferrée directe, ce genre de commerce manque dans le plus grand nombre des localités.
Messieurs, Nieuport a encore d'autres titres à la plus vive sollicitude du gouvernement Cette ville est l'une des forteresses les plus importantes du royaume ; dans son enceinte se trouve un matériel de guerre considérable et quatre magasins à poudre, hôtes excessivement dangereux. Cette ville avait habituellement pour garnison un bataillon d'infanterie ; mais depuis quelque temps cette faible garnison a été réduite à un demi-bataillon, de la force tout au plus de 60 à 70 hommes valides qui, évidemment, sont insuffisants pour la garde des poudrières et les divers autres points de la forteresse. La garnison, ainsi réduite, a amené une réduction assez importante dans le produit de l'octroi dont le revenu est resté l'unique ressource de cette ville ; enfin les habitants sont demeurés avec toutes les appréhensions et les nombreux inconvénients de la forteresse, et ils ont vu disparaître depuis quelques années, un à un, tous les éléments de prospérité ; ce sont cependant les habitants de Nieuport qui, à la chute du gouvernement hollandais, ont fait la garnison prisonnière, qui ont improvisé une garde imposante et ont remis tout le matériel de guerre de la forteresse intact au gouvernement provisoire. Tant de titres et de patriotisme militent sans doute pour que l'on accorde quelque faveur à la ville de Nieuport, et le gouvernement le ferait indubitablement en accordant la concession qui est sollicitée par MM. Guibal et Bailleul.
En résumé, messieurs, nous pensons que ce chemin de fer serait d'une utilité incontestable pour une grande partie de la Belgique, notamment pour les villes et communes qu'il traverserait, et un avantage immense pour la ville et le port de Nieuport qu'il ranimerait.
C'est pour toutes ces considérations réunies que la commission des pétitions vous propose, messieurs, de recommander la réclamation de la ville de Nieuport à la plus vive sollicitude du gouvernement et de l'adresser à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 22 avril 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, la pétition des sieurs Michielsen et Van Noolen, marchands de bétail à Baevels, qui réclament l'intervention de la chambre pour obtenir la restitution des droits perçus en trop sur le bétail qu'ils ont importé de la Hollande.
Le 25 août 1846 et sur la foi du traité de commerce du 29 juillet entre les Pays-Bas et la Belgique, alors exécutoire, les pétitionnaires ont importé de la Hollande, savoir : le premier, deux vaches pesant 1,005 k., sept génisses pesant 2,929 kilog. ; et le second, quatre vaches pesant 1,893 kilog.
Au lieu d'avoir été admis à payer les droits réduits suivant le traité, ils ont été obligés, ainsi qu'il conste par les quittances délivrées par le receveur des douanes à Turnhout, d'acquitter les droits à raison de dix centimes par kilo, par le motif qu'ils ne justifiaient pas à l'instant par des certificats, de l'origine du bétail. L'on ne pouvait cependant pas, imputer aux sieurs Michielsen et Van Noolen d'avoir manqué à cette formalité, car au moment qu'ils ont fait leur déclaration à la sortie au bureau de Roovert (Hollande) et à l'entrée à Poppel (Belgique), il paraît que les receveurs n'avaient pas encore reçu les instructions pour délivrer les certificats d'origine ; il paraît aussi que les pétitionnaires sont retournés auxdits bureaux et ont obtenu les certificats nécessaires, le tout le même jour, et aussitôt que les employés avaient reçu les instructions à cet égard.
Toutes les formalités ayant été ainsi remplies le même jour, les sieurs Michielsen et Van Nooten se sont adressés à M. le ministre des finances pour obtenir la restitution des sommes qu'ils soutiennent avoir payées en trop, mais par décision du 5 octobre dernier, n° 48971, M. le ministre a rejeté leur réclamation pour le motif qu'ils n'avaient pas exhibé le certificat d'origine lors de la présentation de la marchandise en douane.
Tel est, messieurs, l'exposé des faits de cette réclamation.
Votre commission pense qu'il ne serait pas équitable de rendre les pétitionnaires responsables d'une faute qui ne leur est pas imputable, et pour cette considération elle a l'honneur de vous proposer, messieurs, de retourner cette requête, avec les pièces à l'appui, à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Loos, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 19 de ce mois vous avez renvoyé à votre commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, la requête d'un sieur L. Dumoulin, brasseur à Xhavée-Souverain-Wandre, province de Liège.
Le pétitionnaire prétend que, par suite du jaugeage fautif de sa cuve-matière, jaugeage opéré par les employés ds accises, le 3 décembre 1841, il avait été contraint de payer indûment les droits sur une quantité de 6,970 litres ;
Que les employés des accises ayant reconnu, le 7 novembre 1843, l'erreur qu'ils avaient commise le 3 décembre 1841. Il s'est adressé à M. le ministre des finances, pour obtenir la restitution de la somme indûment acquise par le trésor ; que, jusqu'à présent, M. le ministre des finances n'avait pas jugé convenable de donner suite à sa réclamation.
Votre commission des pétitions n'ayant aucun moyen de vérifier l'exactitude des faits avancés par le pétitionnaire, et conséquemment d'apprécier le mérite de la réclamation, vous propose de l'envoyer à M. le ministre des finances
M. Delfosse. - Si les conclusions de la commission sont adoptées, je prierai M. le ministre des finances d'examiner cette pétition le plus tôt possible et d'y faire droit s'il la trouve fondée. Voilà plus de cinq ans que le pétitionnaire prétend avoir payé au fisc une somme considérable qui n'était pas due. Il paraît que d'autres brasseurs, qui se trouvaient dans le même cas, ont reçu depuis longtemps le remboursement de ce qu'ils avaient indûment payé.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'examinerai très promptement les faits ; mais je m'étonnerais que le pétitionnaire, s'il se trouve dans les mêmes circonstances que les brasseurs qui ont obtenu le remboursement, ne l'eût pas obtenu lui-même.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. le président. - Les sections ayant autorisé la lecture d'une proposition déposée par M. Osy. L'auteur est admis à en donner lecture.
M. Osy. - Messieurs, voici la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer et dont les sections ont autorisé la lecture :
J'ai l'honneur de proposer le changement suivant à l'article 56 du règlement de la chambre des représentants :
« La chambre forme dans son sein, pour le cours de chaque session, trois commissions permanentes, savoir :
« Une commission des finances et des comptes ;
« Une commission de l'agriculture, de l'industrie et du commerce ;
« Une commission des travaux publics. »
- La chambre, sur la proposition de M. Osy, décide que l'auteur sera admis à développer sa proposition dans les premiers jours de la session prochaine.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le projet de loi donne au commerce la garantie la plus large pour des opérations lointaines, quant aux importations.
La défense d'exportation, décrétée par la loi du 22 novembre dernier, subsistant jusqu'au 1er octobre prochain, l'espoir fondé d'une bonne récolte nous permet de rentrer, à partir de cette époque, dans l'état normal, quant au régime de l'exportation ; néanmoins, le gouvernement aura la faculté de défendre l'exportation pendant l'intervalle du 1er octobre 1847 au 1er octobre 1848, si les circonstances l'exigent.
Le crédit de 300,000 fr. est destiné exclusivement à pourvoir les classes pauvres de pommes de terre pour la plantation.
Un subside égal a été employé très utilement l'an dernier au même usage. Nous aurions présenté cette demande plus tôt. si nous n'avions craint de faire naître de trop granités espérances, et d'exposer ainsi un certain nombre d'habitants à la tentation d'épuiser leur réserve en pommes de terre, dans l'espoir d'en obtenir gratuitement, et si,, d'un autre côté, nous n'avions craint de ralentir les secours que les administrations locales et la charité privée ont fournis jusqu'à présent aux classes nécessiteuses, dans le même but. Mais aujourd'hui qu'un grand nombre d'habitants manquent encore de pommes de terre pour la plantation, il devient urgent de venir à leur secours. Le sénat se réunit aujourd'hui ; il pourra s'occuper de ce projet de loi dès que la chambre l'aura voté. Nous demandons, en conséquence, qu'il soit renvoyé à une commission à nommer par le bureau, et avec prière d'un prompt rapport.
(page 1608) - Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.
La chambre en renvoie l’examen à une commission nommée par le bureau.
M. le président. - Le bureau a jeté les yeux sur la commission qui a examiné les lois précédentes sur cette matière.
MM. Pirmez et Delehaye, qui sont absents, seraient remplacés par MM. Maertens et de Villegas.
La commission serait composée de MM. Desmaisières, Dubus ainé, Brabant, Lesoinne, Maertens et de Villegas.
M. le président. - La chambre s’était arrêtée à l’article 5. Renouvellement des billes et fer. 724,000 fr. ordinaires, 700,000 fr. extraordinaires.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, la séance d’hier s’est terminée par un discours de l’honorable M. de Baillet-Latour. L’honorable membre m’a mis en demeure de donner à la chambre des explications sur un marché de billes en sapin du Nord pour la fondation du railway. L’honorable membre m’a accusé d’avoir agi avec partialité en cette circonstance ; je n’abuserai pas des moments de la chambre, en insistant sur ce côté personnel de la question. Il me suffira de démontrer que j’ai agi dans l’intérêt de l’Etat et des services dont la direction m’est confiée. L’honorable membre est parti de la supposition que l’emploi des billes en sapin du Nord serait plus coûteux que l’emploi des billes en chêne. Si cela était vrai, messieurs,- je passerais condamnation; mais c’est là une erreur. La question des billes a été examinée avec un soin particulier par mon département depuis quelques mois. Je puis dire que les recherches sur ce point ont été poussées peut-être plus loin chez nous, qu’elles ne l’ont été en aucun pays étranger.
J’ai chargé de ces recherches un fonctionnaire infiniment capable de les bien diriger : M. l’inspecteur général des mines. Ce fonctionnaire s’est livré à des investigations très étendues sur ce qui a été fait et sur ce qu’il convient de faire. Ses recherches l’ont conduit à reconnaître que les billes en chêne ont coûté jusqu’ici en moyenne 6 fr. 50 pièce ; et qu’elles ont eu une durée moyenne de 9 ans et demi, ce qui représente une charge annuelle de 88 centimes par bille.
Aujourd’hui les billes en chêne nous coûtent quelque chose de moins; ce résultat est dû à deux causes. Une de ces causes a été indiquée hier par l’honorable M. de Baillet-Latour.
Elle tient à ce qu’on adjuge des billes fortes pour les coussinets à bout et des billes moins fortes pour les coussinets intermédiaires. Il résulte de là une moyenne qui conduit à une certaine réduction sur le prix des billes en chêne prises en bloc.
Une autre circonstance qui a influé sur le prix des billes en chêne, c’est la détermination prise par le gouvernement d’employer d’autres essences en concurrence avec le chêne. Aujourd’hui le prix moyen des billes en chêne est de six francs. En comptant sur une durée moyenne de dix ans, ce prix correspond à une charge annuelle de 78 centimes.
Les billes en sapin du Nord ont été adjugées à 3 fr. 26 c. livrables à Malines. En ajoutant à ce prix la pose et le transport, elles reviennent à 3 fr. 86 c. Ce prix, en comptant sur une durée moyenne de sept ans, qui s’écarte peu des données de l’honorable membre, correspond à une annuité de 67 centimes. Ainsi, c’est une dépense de 67 centimes à mettre en regard d’une dépense de 78 centimes.
Ces deux chiffres, que je crois incontestables, vu le soin avec lequel ils ont été établis, prouvent que l’emploi du sapin du Nord est de quelque chose moins cher que l’emploi du chêne.
Mon but a été non seulement d’obtenir des billes à des prix moins chers, mais d’arriver à des notions positives sur l’emploi comparatif des diverses essences de bois.
Le sapin du Nord est l’essence généralement employée en Angleterre. Ce fait a une très grande importance. Il en résulte une présomption très forte d’emploi avantageux en faveur du sapin du Nord.
Mais je ne me suis pas borné à des essais sur le chêne et sur le sapin du Nord. J’ai étendu ces essais à toutes les essences de bois dont l'emploi offre quelque chance de succès.
La plupart des essences tendres ne peuvent être employées qu'au moyen de certaines préparations. Le chêne et le sapin du Nord peuvent être employés avec ou sans préparation. L'essai pour le chêne et le sapin du Nord aura lieu des deux manières, à l'effet d'apprécier jusqu'à quel point les préparations peuvent rendre l'emploi de ces bois plus avantageux.
D'après les calculs établis par le même fonctionnaire, les billes en chêne préparées auraient une durée probable de 15 ans et coûteraient 6 fr. 20 c. lien résulterait une dépense annuelle de 60 c. Les billes en sapin du Nord auraient, par la préparation, une durée de 12 ans et elles reviendraient, avec cette préparation, au prix de 4 fr. 61 c, c'est-à-dire à une annuité de 52 c.
On voit donc que, même dans l'hypothèse de la préparation, le sapin du Nord offre encore un certain avantage sur le chêne.
Quoi qu'il en soit, je n'entends nullement proscrire le chêne. Il résulte des explications données à la section centrale que pour cette année 1847, le nombre des billes en chêne employées sera au moins aussi grand que le nombre des billes en sapin du Nord. Il n'y a donc aucune exclusion du chêne.
D'ailleurs un certain nombre de cahiers des charges des chemins de fer concédés exigent, d'une manière absolue, l'emploi du chêne. Cette clause, qui a la même force que la loi même, doit avoir ses effets. Le chêne sera donc employé dans une forte proportion.
L'honorable membre a trouvé fort extraordinaire que pour le sapin du Nord on ait fait un seul marché de 50 mille pièces. Il est évident que ce marché était une opération commerciale, et que si l'on voulait qu'il fût avantageux, il ne fallait pas que l'opération fût trop petite. Personne n'aurait voulu s'en mêler, personne n'aurait voulu faire des marchés dans le Nord pour livrer un petit nombre de billes. Il n'y avait qu'un marché considérable qui pût amener la concurrence et un prix favorable. Aussi avons-nous obtenu un prix tellement bas, que l'honorable membre ne considère pas le marché comme sérieux. Quant à moi, je le regarde comme très sérieux. Il a été souscrit par des négociants très bien posés, qui n'ont pas hésité à doubler le cautionnement qui était indiqué au cahier des charges, à le porter de 10 à 20 mille francs. Je regarde donc ce marché comme parfaitement sérieux.
Je crois avoir fait, en cette circonstance, ce que m'imposait mon devoir.
M. Osy. - M. le ministre des travaux publics avait proposé hier une augmentation de dépense à l'article 5. Vous aurez vu, messieurs, que la section centrale n'avait pas repoussé la première demande faite par M. le ministre d'une somme de 124,000 fr., pour renouvellement de billes et de rails.
L'adjudication primitive qui avait été faite à crédit, n'a pas été approuvée par le gouvernement, et il en a été fait une deuxième d'après laquelle le payement doit être fait au comptant. C'est ce qui nécessite l'augmentation de crédit demandée par M. le ministre. Pour ma part, j'approuve beaucoup cette opération et je crois que nous ferons très bien de renouveler le plus tôt possible tous les rails défectueux. Je demanderai à M. le ministre si la quantité de 2,200 tonneaux de rails sera suffisante.
En ce moment il s'agit d'une somme assez forte ; mais lorsque toutes les billes et tous les rails qui sont en mauvais état auront été renouvelés, les renouvellements annuels n'exigeront plus qu'une somme minime. La dépense qui nous est demandée est donc en grande partie exceptionnelle et je demanderai, en conséquence, que M. le ministre veuille bien diviser le chiffre qu'il propose pour en porter une partie parmi les dépenses ordinaires et une autre partie parmi les dépenses extraordinaires.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je n'ai aucune objection à faire contre la division demandée par l'honorable membre de l'allocation dont il s'agit. On pourrait comprendre 724,000 fr. dans les dépenses ordinaires et 700,000 fr. dans les dépenses extraordinaires.
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Personnel : fr. 136,000. »
- La section centrale propose une réduction de 2,060 fr.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je pense, messieurs, qu'il n'y a aucun motif de faire cette réduction. La réduction n'est pas très forte en elle-même. Je serai dans la nécessité de rappeler ici une partie des considérations que j'ai fait valoir à la séance dernière.
Toutes les branches de service du chemin de fer prennent un développement considérable. Le nombre des convois extraordinaires de marchandises se multiplie de jour en jour, et tous ces mouvements additionnels influent nécessairement sur le personnel et exigent une certaine augmentation.
M. Brabant, rapporteur. - Je ferai remarquer, messieurs, que la somme demandée à l'article 6 ne concerne pas le personnel des convois, mais qu'elle concerne l'inspection de la locomotion ; et je ne pense pas que parce qu'il y a un plus grand nombre de convois il faille multiplier les inspections. Du reste, nous n'étendons pas ici la réduction sur les indemnités de voyage aussi bien que pour le reste du service. J'ai fait remarquer, dans le rapport, que la somme demandée cette année est de 5,420 fr. plus élevée que l'année dernière, car nous proposons (page 1609) seulement une réduction de 2,060 fr. il resterait donc encore une augmentation de 3,360 fr. et je crois que pour l'état-major de la locomotion cela suffît.
- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre proposé par la section centrale est ensuite adopté.
« Art. 7. Main-d'œuvre, travaux, fournitures, etc. : fr. 3,310,000. »
M. Veydt. - Messieurs, le chiffre de 3,310,000 fr. comprend une somme d'un million pour fourniture de la houille et du coke.
L'honorable rapporteur de la section centrale fait remarquer, dans son travail, la différence qui existe entre le prix de revient du coke fabriqué dans les différents établissements du gouvernement. Ce prix de revient est, pour 1846, plus élevé pour les fours à coke de Malines, de Gand et d'Ostende ; il est, au contraire, bien plus bas pour les fours de Jemmapes, d'Ans et de Manage. La section centrale attire sur ce point l'attention de la chambre et de M. le ministre des travaux publics.
Le compte rendu de l'exploitation du chemin de fer de 1845 nous signale les mêmes faits : la différence est encore plus saillante. Ainsi, nous voyons qu'à Ostende l'hectolitre de coke, qui équivaut en poids à 35 kil., revient à 1 fr. 13 ; à Gand, à 1 fr. 03 ; à Malines, à 1 fr. ; à Ans, à 69 c ; à Jemmapes, à 68 c. 1/2, et à Manage, à 80 c. La moyenne de ces prix de revient est de 85 centimes, 15 centimes encore au-dessous du prix de Malines.
La moyenne de la fabrication générale du coke dans les établissements de l'Etat a été, en 1845, de 24 fr. 43 par 1,000 kil.
Quelle est la conséquence à tirer de ces chiffres ? C'est de développer la fabrication aux fours d'Ans, de Jemmapes et de Manage, et de la restreindre à Malines, à Gand et à Ostende. Peut-être même conviendrait-il d'abandonner les fours de ces dernières localités, comme on a abandonné ceux de Monplaisir et d'Anvers, pour la ligne du Nord, et ceux de Hal, pour la ligne du Midi.
L'économie sur la fabrication ne serait certes pas absorbée par les frais de transport dans les diverses stations.
Le compte rendu que je citais tout à l'heure indique encore une autre économie à réaliser sur cet important article. L'administration du chemin de fer s'est quelquefois approvisionnée de coke à des établissements particuliers. Cela s'est fait pour Verviers, pour Manage et Charleroy. Le prix de revient du coke acheté a été, en moyenne, de 18 fr., c'est-à-dire de 25 p. c. au-dessous du prix de revient du coke fabriqué par le gouvernement. Mais le coke des établissements privés a été en si petite quantité, qu'il n'a exercé qu'une influence insignifiante sur la moyenne générale, puisqu'elle n'est descendue qu'à fr. 23 78 pour les mille kilogrammes.
En signalant ces différences de prix dans le compte rendu de l'exploitation, M. le ministre indique la raison qui l'empêche de prendre des approvisionnements de coke à des établissements privés.
Il craint que les fournitures, ne se fassent pas d'une manière régulière, et en quantité constamment suffisante pour l'exploitation générale du railway. Cet inconvénient serait, en effet, très grave ; mais je crois, messieurs, qu'il peut y être obvié, et que des garanties peuvent être trouvées pour assurer les fournitures. Alors l'économie ne devrait plus rencontrer d'obstacle, et elle serait si considérable que le million dépensé à présent pourrait être réduit à 800,000 fr. J'ai été frappé de ces rapprochements de chiffres ; il peut être utile de les signaler plus particulièrement à l'attention de la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois que la véritable économie pour le coke doit consister à multiplier les fours à coke à proximité des centres d'exploitation charbonnière. C'est ainsi qu'on s'occupe d'augmenter actuellement le nombre de fours à Jemmapes, à Manage et à Liège. Je crois que cette mesure sera plus efficace que toute autre, et qu'il faudra régler l'activité de chaque établissement de four à coke d'après le prix des charbons différents aux centres d'exploitation. Depuis un an, par exemple, le prix du charbon s'est beaucoup élevé à Liège. C'est une raison pour faire moins de coke à Liège et en faire davantage sur d'autres points.
L'honorable membre a appelé l'attention du gouvernement sur l'utilité qu'il pourrait y avoir à acheter le coke fabriqué au lieu de le fabriquer par les soins de l'administration. Je crois, messieurs, que cette idée mérite d'être mûrie, d'être approfondie. Cependant il ne faut pas se dissimuler qu'il y a certains inconvénients à dépendre, pour le coke nécessaire au chemin de fer, des fournitures des établissements particuliers.
Il est à ma connaissance, messieurs, que la société concessionnaire des chemins de fer de la Flandre occidentale, qui n'a pas de four, et qui doit acheter du coke chez des fournisseurs, se trouve actuellement dans un très grand embarras, à cause d'un retard dans une fourniture. Des éventualités pareilles pourraient être fort graves pour le chemin de fer de l'Etat.
Je crois de plus que, généralement, le coke fabriqué par l'Etat a été supérieur en qualité à celui qui a été fourni par différents établissements industriels.
Je ne pense pas qu'il puisse être convenable de réduire l'allocation pour fourniture de combustible.
M. Veydt. - Je n'ai pas proposé de réduction.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je vois avec plaisir que l'honorable membre ne fait pas de proposition de réduction, et qu'il se borne à appeler l'attention du gouvernement sur toutes les économies à réaliser ; à ce point de vue je suis entièrement d'accord avec l'honorable membre.
M. Lys. - Messieurs, en faisant dans une séance précédente, une observation sur le coke qui se consomme sur le chemin de fer, j'ai dit que depuis longtemps on accorde des primes à des machinistes, et M. le ministre n'a rien répondu à cet égard.
Je pense avoir démontré qu'ayant usé de cette prime pendant plusieurs années, on devait avoir maintenant la quantité de coke qui est nécessaire pour les transports ; l'expérience doit être complète actuellement ; j'ai dit que si, à l'heure qu'il est, on n'avait pas cette connaissance, on ne l'aurait jamais.
Je crois que, dans l'intérêt des finances de l'Etat, il y a lieu de supprimer cette prime. J'en réfère cependant à M. le ministre des travaux publics. Mon observation a uniquement en vue l'intérêt du trésor.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'honorable membre est dans la pensée, que la prime accordée aux machinistes pour économie sur le coke a été introduite dans le but de connaître exactement la quantité de coke à consommer par kilomètre pour chaque espèce de machines, et par chaque voiture remorquée. Je crois que cette mesure a eu, en outre, un autre but, c'est celui d'intéresser les machinistes à faire des économies. Il est vrai qu'on peut accorder au machiniste une quantité déterminée de coke, et lui prescrire de marcher avec cette quantité ; mais si cette quantité se trouve être insuffisante, il faudra bien l'augmenter.
Ce qu'on a voulu ici, c'est que la consommation fût réduite autant que possible, en appelant en quelque sorte à l'aide de l'administration toute l'industrie personnelle du machiniste.
Il est d'ailleurs à remarquer que les primes accordées aux machinistes se combinent avec le chiffre de leur salaire. Si on ne leur accordait pas cette prime, il faudrait leur payer un salaire fixe plus élevé. Il y a ici en quelque sorte une décomposition du salaire, un salaire fixe et un salaire éventuel.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, c'est une question très difficile de savoir s'il convient que le gouvernement se procure son coke par le commerce, ou si l'Etat doit le fabriquer lui-même. Mais une chose qui me paraît incontestable, c'est que dans la seconde supposition, c'est-à-dire dans le cas de la fabrication du coke par le gouvernement, on devrait choisir des établissements de fabrication plus convenablement qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.
Messieurs, il n'est pas inutile d'insister sur quelques points et de vous montrer comment les choses se passent à l'égard de certaines localités.
Par exemple, il y a des fours à coke à Gand, et ces fours approvisionnent les stations d'alimentation de Hal, de Deynze, de Courtray, de Mouscron et de Tournay. Eh bien, il se trouve que le charbon qui sert à la fabrication du coke à Gand, s'achète dans le Borinage. Je suppose qu'il soit embarqué à Jemmapes ; ce charbon passe à Tournay, fait 29 lieues sur l'Escaut, et revient à Tournay en nature de coke. Il est certain que c'est là une très mauvaise manœuvre, une manœuvre très dispendieuse.
On a objecté contre le système du transport par le chemin de fer, transport qui est extrêmement économique pour l'administration ; on a objecté, dis-je, le déchet que le coke éprouvait. La section centrale avait dit à M. le ministre : « Comment se fait-il que le coke étant à Ans à un prix de beaucoup inférieur à celui de Malines, vous ne preniez pas à Ans, au lieu de le fabriquer à Malines ? » Ce n'est pas M. le ministre qui a fait la réponse que j'ai indiquée tout à l'heure, à savoir que le coke se détériore par le transport ; elle a été faite d'ailleurs ; et je tiens à y répliquer. Eh bien, il se trouve que les fours d'Ans alimentent la station de Louvain, et qu'on ne s'aperçoit pas d'un grand déchet au coke transporté d'Ans à Louvain, et que par conséquent, ce déchet ne serait pas beaucoup plus considérable si le coke faisait 4 lieues de plus pour aller à Malines.
S'il est important de se procurer du coke à bon marché, il est peut-être plus important encore d'en réduire la consommation autant que possible ; et quoiqu'il y ait eu un progrès très sensible depuis quelques années, puisque de 105 kilog. consommés dans les cinq premiers mois de 1842 par lieue parcourue, nous sommes descendus à 59 kilog. pendant les six premiers mois de 1846, je crois que cette dernière quantité est encore supérieure aux besoins. Je lisais, la semaine dernière, dans le compte rendu des opérations du chemin de fer de Strasbourg à Bâle, que la consommation n'avait été en 1846 que de 31 kilog. 4 dixièmes par lieue parcourue, tandis que nous en sommes encore à 59 kilog.
Ce n'est pas précisément le parcours qui nous occasionne une aussi grande différence ; mais je crois que nous allumons trop de locomotives. J'ai cherché à me rendre compte du nombre des locomotives qui sont journellement nécessaires ; et sauf erreur, j'ai trouvé qu'il en faut 19 pour le stationnement, 21 pour les convois de voyageurs, et que 20 pourraient suffire pour le transport des marchandises : ce qui fait en tout 60 locomotives ; dans un tableau joint aux développements, j'ai vu que pendant les 9 premiers mois de l'année, nous avons jour moyen, 73 locomotives allumées, c'est-à-dire 13 au-delà du calcul auquel je suis arrivé.
Je crois qu'on ne pourrait apporter trop d'économie sur ce point. Quelqu'un, initié aux secrets de l'administration, me disait dernièrement qu'aujourd'hui on était sur les dents et qu'on était obligé de travailler la nuit dans les ateliers de réparation ; cela tient probablement à ce qu'on emploie inutilement des locomotives. Il m'est souvent arrivé de voir des convois remorqués par deux locomotives qui auraient très bien pu marcher avec une seule ; les convois de marchandises marchent avec une vitesse inutile pour cette nature de convoi ; les ingénieurs expérimentés en fait d'exploitation de chemins de fer, ont démontré, et ici l’expérience (page 1610) est d'accord avec la théorie qu'on augmente considérablement la force de traction en diminuant la vitesse. Ainsi un convoi qui avec une vitesse de 4 lieues à l'heure pourrait remorquer 110 tonneaux n'en remorquerait guère que 60 avec une vitesse de 6 lieues à l'heure. Je crois que la vitesse de 4 lieues à l'heure est suffisante pour les convois de marchandises.
L'article qui est maintenant en discussion est le plus important du chemin de fer, il emporte à lui seul 50 p. c. de la dépense. Il ne peut pas y avoir de petite économie sur ce point. J'ai trouvé, dans les développements, qu'il y avait prodigalité sur une foule de petites choses ; ces petites choses j'ai pu les apprécierai si je juge des grosses dépenses pour les petites, je dois conclure qu'il y a beaucoup d'économies à faire. Ainsi il se trouve que nous avions en 1846, 31,045 paniers à coke, il résulte des transports de coke qui sont faits, qu'un panier ne sert qu'une fois sur 12 jours et en en répartissant la quantité totale de coke fabriquée en 1846, il se trouve que si on les avait emplis tous les jours deux mille paniers auraient suffi. Nous en avions 31 mille !
Ce sont là des choses qui passent toute croyance. Je sais que deux mille paniers ne suffiraient pas pour le service ; mais le triple suffirait si, aussitôt que les paniers arrivent à la station d'approvisionnement, on les chargeait et les envoyait au lieu de consommation, et que là on les vidât aussitôt pour les renvoyer à la station d'approvisionnement. Je citerai une autre chose plus petite que celle des paniers, qui mérite cependant de fixer l'attention de M. le ministre ; c'est la consommation des poêles de fonte qu'on fait dans les stations. Cette année, le nombre est de 95 ; l'année dernière, il était de 120 ; les années précédentes, on en avait acheté 100. Il en est plusieurs parmi nous qui ont un poêle en fonte dans quelque partie de leur maison ; ils savent que c'est un meuble à peu près indestructible. Cela doit durer, au moins, cinq ou six ans. J'appelle l'attention de M. le ministre sur ce point. Il n'y a pas de petite économie dans une grande administration. Si les choses que j'ai pu vérifier se conduisent de cette manière, cela doit m'inspirer des craintes sur la prodigalité qu'on a pu apporter dans d'autres, que je n'ai pas pu apprécier, n'ayant pas une connaissance suffisante pour le faire.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Renouvellement du matériel hors d'usage et remplacement partiel des waggons découverts par. des waggons couverts ; dépense ordinaire : fr. 100.000 ; dépense extraordinaire : fr. 200,000.
- Adopté.
« Art. 9. Personnel : fr. 404,000. »
M. le président. - La section centrale propose une réduction de 6,854 Ir.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois que cette réduction ne peut pas être admise. Le service des transports comprend généralement des agents très peu rétribués. Il comprend d'abord les chefs de station, dont j'ai en l'honneur d'entretenir la chambre hier ; il comprend aussi les gardes-convois. Pour le moment nous sommes dans la nécessité absolue d'augmenter le nombre des gardes-convois, si nous ne voulons pas que certains trains spéciaux de marchandises soient abandonnés à des ouvriers, ce qui est une chose inadmissible. J'invoquerai contre la réduction proposée par la section centrale à l'article 9, l'opinion émise par elle à propos de l’article 11 où elle dit :
« L'augmentation de 7,000 fr. a été accordée en considération de la modicité du traitement des employés à la recette et du surcroît de travail que leur occasionne le développement de l'exploitation. »
Ce raisonnement est absolument applicable à l'allocation pour le personnel des transports. Ici d'abord il s'agit d'agents très peu rétribués dont le service est considérablement augmenté par suite du développement qu'ont pris les transports.
Nous avons ensuite des gardes-convois qui n'ont que 900 francs de traitement. Ce traitement est très faible, surtout dans les circonstances présentes ; nous avons les chefs de station qui sont presque tous rétribués d'une manière insuffisante, ainsi que je l'ai démontré. Je dis donc que le raisonnement fait par la section centrale à propos de l'article 11 est applicable à l'article 9. Je désirerais qu'elle consentît à ne pas insister sur la réduction proposée à l'article 9.
M. Brabant, rapporteur. - Je ne puis pas m'expliquer au nom de la section centrale, puisqu'elle ne s'est pas réunie depuis la présentation du rapport. Je viens d'échanger un mot avec mon honorable collègue M. Osy. Je crois qu'on peut admettre le chiffre demandé par le gouvernement. Les documents insérés au Moniteur sur le développement des transports, prouvent que ce service a besoin d'un personnel plus considérable. Je me suis expliqué moi-même dans la discussion générale sur la modicité de la plupart des traitements dont il s'agit. Je pense qu'il est indispensable d'augmenter le personnel, et si cette augmentation de personnel n'entraînait pas une trop forte dépense, je ne verrais pas d'inconvénients à ce que certaines positions fussent améliorées.
M. Delfosse. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité de réduire le prix des transports par le chemin de fer, surtout pour les charbons. Si ce prix était moins élevé, on pourrait exporter une quantité considérable de nos charbons ; beaucoup de navires en prendraient pour lest. Le prix élevé des transports est un grand obstacle au développement de notre industrie. On dira qu'il faut que le gouvernement couvre, au moyen des péages, les frais d'exploitation, ainsi que l'intérêt et l'amortissement des capitaux dépensés pour ta construction du chemin de fer. Mais je ferai remarquer que la plupart des waggons reviennent à vide de Cologne, et qu'il y aurait un grand avantage à les employer au transport des charbons de Liège à Anvers. Je suis sûr que les représentants d'Anvers se joindront à moi pour obtenir la réduction que je sollicite ; elle ne serait pas moins favorable au commerce anversois qu'à l'industrie des charbonnages, et elle grossirait les ressources du trésor. C'est là une de ces mesures dont l'utilité ne saurait être contestée, et que M. le ministre des travaux publics ne devrait pas hésiter un instant à prendre.
M. Dumont. - J'ai demandé la parole pour appuyer la proposition de l'honorable M. Delfosse, mais à la condition qu’on maintiendra l'équilibre entre les canaux du Hainaut et le chemin de fer.
Je demande en un mot l'application de la loi de 1834.
M. Delfosse. - Mon intention n'est pas de faire disparaître l'équilibre qui peut exister entre les deux centres d'industries. Nous pourrons examiner la question soulevée par l'honorable préopinant, lorsqu'on discutera un projet de loi qui est en ce moment à l'ordre du jour Je ne veux pas anticiper sur cette discussion ; mais je ferai remarquer à l'honorable M. Dumont que le prix élevé des transports empêche de prendre des charbons pour lester les navires ; on ne prend pas plus les charbons de Charleroy et de Mons que ceux de Liège. C'est donc dans l'intérêt du Hainaut tout autant que de Liège que j'ai présenté mes observations.
M. Dumont. - C'est pourquoi je les ai appuyées.
M. Rogier. - Messieurs, il a déjà été question, dans cette enceinte, du transport du charbon par le chemin de fer. On a droit de s'étonner que le chemin de fer d'Anvers à Liége, qui a été considéré dans le principe comme une voie commerciale d'abord, puis comme une voie charbonnière, n'ait rempli que très imparfaitement jusqu'à ce jour cette dernière destination.
Ce n'est pas, messieurs, seulement au point de vue du port d'Anvers que je viens appuyer les observations de l'honorable M. Delfosse ; c'est d'abord au point de vue de l'intérêt du trésor. Il y a là, messieurs, une source considérable de revenu qui lui échappe.
N'est-il pas étrange, et ici je dois le dire, j'admire la longanimité de Liège, n'est-il pas étrange que le chemin de fer qui, pour les retours, était établi comme voie charbonnière de Liège sur Anvers, ne serve pas à sa destination, que le charbon de Liège soit repoussé des marchés de Louvain et d'Anvers par un tarif qui semble fait exprès contre lui ?
Qu'on ne le perde pas de vue : la route avait pour but d'amener le charbon de Liège en retour, non seulement sur le marché de Tirlemont, mais aussi sur les marchés de Louvain, d'Anvers, où ce charbon ne parvient pas, alors que beaucoup de waggons retournent à vide, alors qu'on pourrait utiliser ces retours sur un chemin en pente qui n'exige que de moindres frais de traction.
Il y a de ce chef de grandes ressources perdues pour le trésor. Si l'on veut en avoir une idée, que l'on considère que, sur le seul transport des céréales, et les céréales sont loin d'équivaloir en poids et en quantité à ce que procurerait le transport journalier des charbons ; que sur le seul transport gratuit des céréales par le chemin de fer, le trésor a fait en un an une perte de 350,000 fr.
Eh bien, si le chemin de fer pouvait transporter la masse de charbons nécessaire aux besoins des localités qui en sont aujourd'hui privées, je demande quelle recette énorme il ferait.
Ce n'est pas à dire que je veuille exclure des marchés de Louvain, d'Anvers les autres centres houillers. Il faut permettre aux charbons qui peuvent desservir ces marchés, d'y venir en abondance ; il faut leur en faciliter les moyens. En l'état actuel des choses, il y a injustice pour les centres de consommation qui pourraient être appelés à jouir des résultats qu'amèneraient ces facilités ; il y a, secondement, une détestable opération financière à repousser cette grande source de revenu pour le chemin de fer. Je l'ai déjà dit, le ne comprends pas comment les exploitants de Liège n'ont pas demandé depuis longtemps, n'ont pas insisté et follement insisté, pour que le chemin de fer réponde sous ce rapport au but de sa création.
M. Delfosse. - Ils l'ont toujours fait.
M. Rogier. - A ne parler qu'au point de vue d'Anvers, je dirai qu'il faut aussi faire quelque chose pour les localités situées sur le littoral. Si nous avions la liberté d'entrée des houilles, la ville d'Anvers, beaucoup d'autres localités situées le long du littoral pourraient recevoir de l'Angleterre à bon compte les houilles nécessaires à leur consommation. Eh bien ! ces localités qui sont privées de la houille étrangère, ne les privez pas de la houille qu'elles peuvent se procurer dans le pays ; et sous ce rapport, réglez les tarifs du chemin de fer de manière à ce qu'il puisse transporter le charbon à employer soit comme chauffage, soit comme lest dans les ports de mer.
J'appelle toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point. Il y a, messieurs, comme un parti pris de repousser du marché de Louvain et d'Anvers, le charbon de Liège. Cela ne peut pas durer. Qu'on y envoie encore le charbon de Charleroy et d'ailleurs, s'il peut y venir aux mêmes conditions, rien de mieux. Mais qu'on ne repousse pas le charbon de Liège, alors qu'il peut venir à Louvain, à Anvers, à Bruxelles même peut-être, à de bonnes conditions pour le consommateur, et en procurant de gros revenus au chemin de fer.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je regrette autant que les honorables membres qu'on n'utilise pas tous les waggons qui (page 1611) reviennent à vide. Mais, messieurs, cette question renferme en elle-même une difficulté assez sérieuse qui vient d'être indiquée par l'honorable M. Dumont. On nous dit : Nous avons sur la ligne de l'Est de nombreux retours de waggons vides en descente ; adoptez un prix pour l'emploi de ces waggons et transportez à ce prix le charbon de Liège dans la direction d'Anvers. Il y a à cela une difficulté : c'est que nous n'avons pas ces retours à vide sur la ligne du Midi, et ceci est une circonstance qui mérite toute l'attention de la chambre.
Si vous adoptez un prix réduit pour les retours sur la ligne de l'Est, c'est en réalité faire à Liège des conditions de transport qu'on n'accorderait pas au Hainaut. Un prix de retour pour la ligne de l'Est conduisait dès lors inévitablement à l'abaissement des tarifs de la ligne du Midi. De plus, si l'on abaisse, d'une quantité notable, le tarif du chemin de fer sur la ligne du Midi, on en viendra à réduire très notablement le tarif du canal de Charleroy. Réduisant le tarif du canal de Charleroy, on en viendra à réduire le tarif du canal d'Antoing dans une proportion plus forte. Dès lors il est impossible, du moins je regarde la difficulté comme très grande, d'adopter un prix de retour sur la ligne de l'Est, sans en venir à réduire le tarif sur la ligne du Midi, et à réduire à fort peu de chose les produits des canaux du Hainaut.
C'est là une question extrêmement grave pour le trésor public. Certes si nos voies et moyens présentaient un excédant considérable sur les dépenses, je pense qu'il serait fort utile d'abaisser autant que possible tout ce qui peut être regardé comme taxe de transport. Je crois que, lorsque le pays aura un excédant, ce sera là un des meilleurs emplois qu'il en pourra faire. Mais nous n'en sommes pas encore là.
L'honorable membre a fait remarquer que le seul transport des céréales fait gratuitement, représentait une perte de 300,000 fr. pour une année. Mais, messieurs, la mesure qui a été appuyée par les honorables préopinants conduisait à une perte annuelle pour le trésor, que j'ai portée à plus d'un million. Il faut qu'on ne perde pas de vue la position du gouvernement qui est tout à la fois propriétaire du chemin de fer et des canaux et qui doit des conditions à peu près égales au Hainaut et à Liège. Ce sont des circonstances qu'il ne faut pas oublier et qui créent des difficultés assez sérieuses. (Interruption.)
J'entends dire que c'est pour contenter les électeurs ! Mais il y a des électeurs à Liège comme il y en a dans le Hainaut. Ceci est une question de trésor public et pas autre chose.
M. Rogier. - M. le ministre des travaux publics m'a fort mal compris, s'il a cru que mes observations avaient pour but d'entraîner une perte pour le trésor. Au contraire, j'ai fait voir que le trésor était privé, par le système adopté, de très grandes ressources. C’est à ce point de vue d'abord que j'ai présenté mes observations. S'il devait résulter des mesures que j'indique une diminution pour le trésor, je m'abstiendrais de les conseiller Je désire qu'on exploite le chemin de fer dans un double but d'utilité, au point de vue de l'utilité générale, de l'intérêt du producteur et du consommateur, et au point de vue de l'intérêt du trésor ; et c'est surtout ici l'intérêt du trésor que j'ai fait valoir. Je proteste donc contre toute mesure qui serait prise par le département des travaux publics, et qui aurait pour résultat de diminuer les ressources du trésor.
Il serait facile de combiner les tarifs de manière à accroître les transports à de plus grandes distances sur le chemin de fer ; il, est absurde que le charbon de Liège ne puisse être transporté au-delà de Tirlemont.
Il ne faut pas un grand effort de génie administratif pour trouver un tarif tel que le charbon de Liège puisse être porté à quelques lieues au-delà. Il suffirait pour cela d'utiliser les circonstances topographiques et les retours des waggons vides. Je ne veux pas, je le répète, exclure le charbon de Charleroy ni d'ailleurs du marché d'Anvers. Mais je veux que ce marché puisse recevoir le charbon au meilleur prix de tous les côtés. Je le demande dans l'intérêt commercial et dans celui des exploitants mêmes. Aujourd'hui beaucoup de navires partent d'Anvers sur lest. Que met-on dans ces navires ? On y met du sable, de mauvaises pierres que l'on rassemble à grand-peine et à grands frais. Eh bien, si l'on pouvait substituer le charbon à ce lest qui n'a aucune espèce de valeur, ne serait-ce pas un grand débouché ouvert aux exploitants ? Sous ce rapport même, ou pourrait peut-être avoir un tarif différent pour le charbon destiné à servir de lest ainsi qu'à l'exportation.
Le chemin de fer, dans mon opinion, a encore de très grands progrès à faire en recettes.
Il y a deux sources de revenus, deux sources de richesse publique dans le chemin.de fer ; il faut le rendre plus productif et il faut y introduire des économies. Ce deuxième système, le système des économies a du bon, mais je suis convaincu, qu'il y a encore beaucoup plus à gagner en augmentant la productivité, si je puis m’exprimer ainsi, du chemin de fer, qu'en rognant, comme on l'a fait dans toute cette discussion, quelques milliers de francs du budget. C'est surtout cette grande source, la productivité du chemin de fer, qu'il faut exploiter, et je dois dire que le chemin de fer est, en général, exploité avec une sorte d'indifférence et de nonchalance. Il ne rapporte pas tout ce qu'il pourrait rapporter. Cet exemple-ci est frappant, et c'est pour cela que je le choisis, bien qu'on pourrait en citer beaucoup d'autres. Il est de fait que si vous utilisez le chemin de fer pour les marchandises encombrantes et d'une consommation continuelle comme la houille, vous ouvrez au chemin de fer une nouvelle source de recettes, d'une importance incalculable.
Refuser le transport des charbons par le chemin de fer, c'est en quelque sorte contrarier le but de cette route. Le chemin de fer, à l'époque où il a été discuté, était combattu par le Hainaut précisément parce qu'il devait transporter les houilles de Liège en concurrence avec celles du Hainaut, sur les marchés de Louvain et d'Anvers ; eh bien, qu'a-t-on fait ? On a donné un embranchement au Hainaut afin de maintenir les conditions telles qu'elles existaient avant l'établissement du chemin de fer. Eh bien, que le Hainaut vienne aux mêmes conditions que Liège, que les deux bassins se fassent concurrence ; le consommateur ne pourra qu'y gagner.
Le Hainaut est d'ailleurs intéressé comme peut l'être Liège, à fournir du lest à tous les navires qui sont obligés aujourd'hui d'en chercher le long des rivières et d'acheter souvent à des prix assez élevés du sable ou de mauvaises pierres.
Voilà, messieurs, quelques observations sur lesquelles j'appelle l'attention de M. le ministre. J'aurais beaucoup de choses à dire sur le chemin de fer, mais ce sont des discussions qui nous mèneraient trop loin. D'ailleurs, nous aurons sans doute de fréquentes occasions d'y revenir.
M. David. - Messieurs, l'honorable M. Rogier vient de se servir à peu près des arguments que je voulais faire valoir devant vous. Je ne veux pas prolonger ce débat, et j'ajouterai seulement quelques mots aux observations de l'honorable membre.
Il est de la dernière évidence pour moi que le refus que l'on fait d'utiliser les waggons qui reviennent à vide, au transport des houilles vers Anvers, est une question de rivalité entre le Hainaut et la province de Liège.
Je regrette beaucoup que cette rivalité existe ; mais, en définitive si la nature nous a placés dans des conditions plus favorables, je ne vois pas qu'il faille nous enlever cet avantage par des mesures administratives. D'ailleurs qu'on prenne la carte générale des chemins de fer et l'on verra que la distance à parcourir à partir des grands centres de production du Hainaut et de Liège, que cette distance présente un avantage de 8 ou 10 lieues en faveur du Hainaut. Combien de fois, dans cette enceinte, n'ai-je pas fait retentir des plaintes à propos de l'injustice dont nous sommes victimes, quant au transport des houilles ! J'espère qu'on en viendra enfin à faire droit à des plaintes si fondées.
Il est vraiment déplorable de voir sortir du port d'Anvers des navires qui sont obligés d'aller prendre du lest à Sunderland, d'aller prendre de la houille à Newcastle, tandis qu'ils pourraient s'en approvisionner chez nous si le gouvernement le voulait. Le pays y gagnerait de deux manières : les navires resteraient plus longtemps à Anvers, ce qui augmenterait d'autant la consommation d'objets de toute espèce à laquelle leur présence donne lieu, et en second lieu nous verrions exporter nos houilles. Réellement je ne comprends pas qu'on puisse tarder si longtemps à rendre aux choses leur cours naturel.
M. Dumont. - J'ai demandé la parole pour faire observer à la chambre qu'en ce moment on met en question une chose qui a été décidée par la loi. L'honorable M. Rogier a rappelé que les députés du Hainaut se sont opposés à la construction du chemin de fer d'Anvers à Liège, dans la crainte que ce chemin de fer ne dépossédât leur province du débouché d'Anvers et, dit-il, pour satisfaire le Hainaut on lui a donné la ligne du Midi.
Je crois, messieurs, que l'honorable M. Rogier est dans l'erreur à cet égard : pour satisfaire aux justes réclamations du Hainaut, la législature a inséré dans la loi de 1834, une disposition d'après laquelle les tarifs du Hainaut sur les canaux, doivent être abaissés en raison des tarifs établis sur le chemin de fer. Eh bien, messieurs, je ne fais en ce moment-ci que réclamer l'exécution de cette disposition de la loi. Je suis loin de m'opposer à l'abaissement du tarif entre Liège et Anvers, à la condition, comme je l'ai dit d'abord, que la loi de 1834 reçoive son exécution.
L'honorable M. David dit que les honorables députés de Liège se bornent à réclamer un avantage que la nature a donné à cette province. Eh bien, je dirai que le Hainaut fait la même réclamation ; il reste donc à savoir de quel côté sont les avantages donnés par la nature. Le Hainaut nous dira que les transports pondéreux se font plus naturellement par les canaux que par le chemin de fer.
Je ne conteste pas cependant la possibilité d'abaisser les tarifs sur le chemin de fer ; je crois que par un semblable abaissement on peut amener des relations plus grandes et, par conséquent, ne pas nuire aux revenus, mais il en serait de même pour les canaux. Je pense qu'une grande diminution du péage sur les canaux ne diminuerait pas les produits parce que la circulation deviendrait plus considérable.
L'honorable M. David a dit aussi que les vaisseaux partent d'Anvers sans lest et qu'il serait très avantageux qu'ils pussent former un lest en charbon. Eh bien, messieurs, cet avantage, je le demande également dans l'intérêt de la navigation et on l'obtiendrait par l’abaissement du péage sur les canaux aussi bien que sur les chemins de fer.
J'insiste, messieurs, pour que la loi de 1834 reçoive son exécution et pour qu'au moyen du chemin de fer qui a été donné à Liège on ne lui attribue pas maintenant un débouché qui, de toute ancienneté, a appartenu au Hainaut.
M. Rogier. - Je n'ai pas demandé un privilège pour Liège ; j'ai demandé l'égalité dans les prix de transport sur tous les chemins de fer.
M. Delfosse. - Personne ne demande que l'on viole la loi de 1834 ; la question soulevée par l'honorable M. Dumont n'est pas une question de droit ; c'est une question de fait. Est-on ou n'est-on pas dans les termes de la loi de 1834 ? Voilà la question ; nous ne pouvons pas l'examiner. Nous devons, comme je l’ai dit tantôt, attendre la discussion du projet de loi spécial qui est soumis à la chambre. Je regrette que M. le ministre des travaux publics ait donné des explications peu (page 1612) satisfaisantes sur le fond de la question ; il y aurait bien des choses à lui répondre, mais cela retarderait trop le vote du budget ; je me borne donc à une seule observation.
Il est, messieurs, un fait certain, un fait qu'on ne peut nier, c'est qu'une quantité considérable de waggons reviennent d'Allemagne à vide, c'est que le gouvernement accroîtrait la recette du chemin de fer, en les utilisant pour le transport des charbons. Si le même fait ne se produit pas sur la ligne du Midi, ce n'est pas une raison pour n'en tenir aucun compte sur la ligne de l'Est. Avant l'établissement du chemin de fer, il y avait également des retours à vide, dont on profitait pour le transport des charbons de Liége à Anvers. Le transport des charbons se faisait alors à très bon marché ; il serait juste que cet avantage qui était dans l’ordre naturel des choses, qui était la conséquence des relations commerciales établies entre Anvers et Cologne, ne fût pas perdu pour nos exploitations.
Nous ne voulons pas de privilège ; nous voulons que le gouvernement ait la même sollicitude pour toutes ses provinces.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Main-d'œuvre, travaux, fournitures, indemnités pour pertes et avaries : fr. 644,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Personnel : fr. 227,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Loyer des locaux pour la réception des marchandises : fr. 7,800. »
- Adopté.
« Art. 13. Personnel, fournitures de bureau, loyer de locaux, etc. : fr. 37,650. »
- Adopté.
M. Osy. - Messieurs, je ne parlerai pas de la réforme postale, puisque M. le ministre des travaux publics a présenté un projet de loi. Mais j'ai une explication à demander à M. le ministre. Nous avons maintenant aven les Etats-Unis et les colonies des Indes occidentales, une voie de communication tellement accélérée que les voyages qui exigeaient anciennement 40 jours, se font maintenant en 9 jours ; vous sentez, messieurs, que pour de pareils voyages une perte d'un jour peut faire beaucoup ; nous recevons nos lettres des Etats-Unis et des Indes occidentales d'une manière extrêmement prompte, mais le gouvernement, je ne sais pourquoi, apporte des retards à la distribution.
Il paraît qu'on ne sait pas taxer ces lettres à Ostende et qu'on est obligé d'envoyer les lettres destinées à Anvers, par exemple, de les envoyer à Bruxelles pour y être taxées. Il en résulte un retard de presque un jour, et cela peut coïncider avec un départ pour les Etats-Unis ou pour les Indes occidentales, et de cette manière nous pouvons perdre quinze jours par la nécessité où nous nous trouverions d'attendre un nouveau départ.
Je demanderai à M. le ministre de bien vouloir donner les ordres nécessaires pour que les lettres en destination d'Anvers puissent être taxées à Ostende, et qu'elles ne doivent pas faire un détour par Bruxelles.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire connaître à la chambre que les lettres arrivant à Ostende ne sont pas envoyées à Bruxelles pour y être taxées.
Je sais qu'il y a eu un retard ; ce retard a tenu à ce que les lettres sont arrivées après le départ du convoi. Le bureau d'Ostende eût peut-être bien fait d'expédier une estafette.
M. Osy. - Je demande qu'on remette les dépêches des Indes en même temps que celles de Londres.
M. Lebeau. - Messieurs, puisque nous sommes arrivés à l'article Postes, je crois devoir appeler l'attention du gouvernement sur un point assez important, qui se rattache à cet objet ; je prierai M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien donner quelques explications à cet égard. Je n'aperçois pas M. le ministre dans la salle ; il était présent tout à l'heure.
Un membre. - Il va rentrer.
M. Lebeau. - La chambre sait qu'il n'y a pas bien longtemps, une ligne postale a été établie entre les villes hanséatiques et les Etats-Unis d'Amérique. Avant l'établissement de cette ligne postale, facilitée par des négociations entre les Etats-Unis et cette partie de l'Allemagne, je pense qu'il avait été examiné entre le gouvernement de l'Union américaine et le gouvernement belge, s'il n'y aurait pas moyen d'amener l'établissement de cette ligne entre New-York et Anvers.
Je crois savoir que des négociations ont été engagées pour aider à ce résultat ; et si mes renseignements sont exacts, elles n'ont avorté que par la négligence, pour ne rien dire de plus, que le gouvernement belge a apportée à l'examen de cette affaire. Ceci, du reste, ne se rapporte pas à l'administration de l'honorable M. Dechamps, mais à une administration antérieure, qui avait le commerce dans ses attributions.
- M. le ministre des affaires étrangères entre dans la salle.
M. le ministre, je parlais d'une ligne postale établie entre les Etats-Unis et Brème, à la suite de négociations qui, au dire des journaux américains, ont été engagées entre le gouvernement belge et le gouvernement, de l'Union, et qui n'ont pas abouti à un résultat, par l'effet de la négligence et des tergiversations de notre gouvernement (toujours au dire des mêmes journaux).
Le commerce américain et le gouvernement de l'Union ont seulement alors, paraît-il, porté leurs vues vers les villes hanséatiques, et on y a ouvert, à nos dépens, des pourparlers qui ont amené entre Brème et New-York l'établissement d'une ligne postale dont on s'applaudit beaucoup en Allemagne ; c'est vers l'Allemagne, en effet, que se dirige aujourd'hui principalement l'immense correspondance des Etats-Unis avec le continent et vice-versa.
Je crois qu'il ne serait pas impossible de réparer une partie du mal qui nous a été fait ; je crois qu'on pourrait encore attirer vers la Belgique une grande partie des relations des Etats-Unis d'Amérique avec l'Europe, l'Orient, etc. Je pense que cet intérêt est parfaitement compris par M. le ministre des affaires étrangères actuel ; je voudrais, tout en lui laissant garder la réserve convenable, qu'il me dît s'il y a réellement quelque espoir qu'on arrivera à un résultat analogue à celui qui a été obtenu par l'Allemagne.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'objet dont l'honorable préopinant vient d'entretenir la chambre a attiré depuis longtemps l'attention du gouvernement belge ; et bien loin d'avoir mis la moindre négligence dans ce qu'il a appelé la négociation qui a eu lieu, je dois dire que parmi tous les soins qui me sont confiés, il n'en est peut-être pas un seul auquel j'ai voué plus d'efforts et de persistance.
M. Lebeau. - Je n'ai pas parlé de vous.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'avais donc mal entendu.
Messieurs, il ne s'est pas agi d'une négociation entamée entre le gouvernement des Etats-Unis et la Belgique ou les villes hanséatiques. Aux Etats-Unis, on a porté une loi, accordant des subsides très élevés pour une navigation à vapeur vers quelques ports du continent parmi lesquels le Havre, Brème et Anvers étaient nominativement désignés.
Le gouvernement belge, par ses efforts, avait d'abord obtenu ce premier résultat, de faire comprendre Anvers parmi les ports vers lesquels l'une des lignes devait être dirigée.
Mais, messieurs, il n'a dépendu ni du gouvernement américain, ni du gouvernement belge que la décision fût prise en notre faveur : il fallait que des soumissions fussent présentées au gouvernement américain par des compagnies américaines. Or, il s'est trouvé qu'aucune soumission n'a été présentée en faveur de la ligne d'Anvers, quoique cependant le commerce de New-York eût donné la préférence à notre port ; il ne s'en est présenté qu'une pour la ligne entre New-York et Brème. Il faut le dire, en l'honneur du commerce de la ville de Brème, c'est à son énergie, c'est au concours pécuniaire qu'il a offert à la compagnie, c'est à la présence de l'un de ses syndics à Washington, qu'est dû le succès qu'il a obtenu.
Je dois ajouter, messieurs, que par suite des efforts de notre agent diplomatique aux Etats-Unis, qui n'a rien épargné, ni démarches, ni écrits, pour faire apprécier l'importance du port d'Anvers et sa situation si supérieure à celle de Brème, le contrat avec la compagnie n'a été approuvé par le sénat américain qu'à la majorité de 3 voix ; la forte minorité qui s'est prononcée au sénat contre la ligne de Brème, a expliqué son opposition par ce motif principal qu'Anvers était un point qui aurait dû obtenir la préférence.
Je dis donc qu'il n'a pas dépendu du gouvernement d'amener un autre résultat, pas plus que du gouvernement américain qui, je pense, penchait plutôt pour Anvers que pour les villes hanséatiques.
Je ne regarde pas ce résultat comme définitif. Le gouvernement belge n'a pas cessé depuis lors de poursuivre les négociations, afin d'amener, soit une nouvelle soumission pour la création d'une ligne spéciale vers Anvers, soit une combinaison qui permit à la Belgique de profiter du service de New-York à Brème.
J'ai l'espérance que cette négociation pourra être couronnée de succès. Ce que je puis promettre à la chambre et à l'honorable membre, c'est que cette question, qui m'a toujours vivement préoccupé, continuera à faire l'objet des soins du gouvernement, et que je ne négligerai rien, pour qu'une solution heureuse puisse intervenir.
« Art. 14. Personnel : fr. 983,000. »
M. Veydt. - Messieurs, lorsque les sections ont examiné le chapitre relatif aux postes, nous n'avions pas encore reçu les développements qui nous ont été distribués à l'appui de ce budget. Toutes les sections ont chargé la section centrale de s'enquérir si les deux augmentations de dépense, l'une de 65,000 fr. portée à l'article 14, et l'autre de 15,000 fr. portée à l'article 15, étaient suffisamment justifiées.
La section centrale s'est occupée avec soin de cet examen. En premier lieu, dans la somme de 65,000 fr., est comprise celle de 38,000 fr., pour augmenter le nombre des facteurs ruraux, en le portant de 595 à 671, soit à 76 facteurs de plus qu'en 1846.
Nous avons pensé que c'était là une dépense utile ; les tournées actuelles sont trop étendues ; elles sont au-dessus des forces ordinaires de l'homme. C'est, je dirai, une question d'humanité de les restreindre, en les partageant entre un plus grand nombre d'individus.
Le surplus de la somme est destiné à transformer 15 bureaux de distribution en autant de bureaux de perception et à établir dans neuf localités des bureaux de perception et de distribution. Il en résulte de nécessité une augmentation de dépense pour le personnel et le matériel et pour les frais d'impression et d'ameublement de ces nouveaux bureaux. Il y a en outre, pour compléter la somme de 80 mille francs, 5.400 fr. pour l'augmentation du personnel des employés aux bureaux de perception de (page 1613) Liège et de Gand. Cette dépense est motivée sur le surcroît de travail que le service des postes occasionne dans ces deux villes importantes.
Il a paru à votre section centrale, messieurs, que ces diverses demandes étaient bien justifiées : elle a d'autant moins hésité à vous en proposer l'adoption, que l'expérience a appris que toutes les fois que l'on a facilité les moyens de correspondance, l'on a augmenté les produits de la poste.
IL y a tout lieu de penser que les nouvelles créations de bureaux et l'organisation de nouveaux services pour le transport des dépêches, auront encore le même résultat.
M. de Bonne. - Je n'ai point l'intention d'examiner le chapitre des postes en entier, mes observations n'ont pour objet que la franchise de port.
Lors de la discussion du budget du ministère de la justice, j'ai pris la liberté, que je considérais comme un devoir, d'appeler l'attention de MM. les ministres sur diverses obligations à remplir par l'épiscopat : telles que transmissions et donations de biens aux paroisses et associations, exemptions des séminaristes de la milice, etc. ; j'en avais excepté M. le ministre des travaux publics ; j'ai commis une erreur et je viens la réparer.
A la page 99 de l'exposé des motifs de son budget, ii est dit, que l'augmentation du produit de la recette sera au moins de 200 mille francs.
J'accepte ce bon augure avec plaisir, mais que ne serait pas l'augmentation si de petits privilèges, des franchises illégales ne venaient pas arrêter cet accroissement !
La franchise de port est accordée à l'épiscopat depuis longtemps, paraît-il. Or, cet avantage n'a été accordé qu'aux supérieurs en relation avec les autorités civiles, mais pas entre eux, c'est-à-dire avec le clergé.
Ces petits privilèges datent de loin. En voici la preuve : des instructions épiscopales du 5 janvier 1836 ne donnent pas, mais rappellent un monitum antérieur qui avait prescrit des règles, afin de recevoir les lettres en franchise de port. On s'y plaignait que les règles prescrites n'étaient pas observées par tous les curés, et pour les obliger on les menaçait de punition, voici ce qu'elle porte ; « mais nous sommes décidés à faire rembourser dorénavant au profit de notre chancellerie les points qui auront dû être payés par la faute de ceux qui n'observent pas ces règles ».
Je n'ai pu obtenir, comme vous le pensez bien, la communication de toutes les instructions, car elles sont secrètes, mais de quelques-unes seulement.
Au nombre de ces instructions, bien nombreuses sans doute, s'en trouve une du 23 mars 1842.
Elle est curieuse, parce qu'elle explique ce qu'il faut faire pour obtenir la franchise de port ; c'est comme le Code de procédure de ce privilège.
Voici ce que porte le paragraphe 4 de cette instruction : « Nous recommandons de nouveau de considérer quatre choses ( il y en a même cinq). Pour que les lettres nous arrivent en franchise de port : 1° il faut qu'elles soient adressées au révérendissime et illustrissime évêque ou à MM. les vicaires généraux et non aux secrétaires.
« 2° II faut que les lettres ne soient pas cachetées, mais seulement pliées en quatre, et enveloppées de deux bandes qui permettent de voir que les lettres ne sont point cachetées ;
« 5° Il faut qu'on inscrive sur l'adresse son nom et sa qualité, de cette manière NN curé ou vicaire de N***. On ne doit rien ajouter à ces mots.
« 4° Il faut avoir soin de mettre la mention service du culte ou affaire ecclésiastique.
« 5° Enfin il ne faut pas jeter les lettres dans la boite, mais les remettre en mains des facteurs. »
L'avantage qui résultait de cette faveur un peu frauduleuse avait un grand inconvénient Les lettres n'étaient pas cachetées ! On ne pouvait pas tout dire ! Voici le remède qu'on inventa.
Une instruction du 8 juin 1830 accordait la franchise aux évêques et vicaires généraux avec les gouverneurs de province, les autorités et les fonctionnaires ecclésiastiques dans leurs diocèses respectifs, mais les lettres devaient également être sous bandes et munies du contreseing.
Comme vous le pouvez comprendre, il n'était pas permis de correspondre sous cette forme avec les curés.
Cependant la correspondance se faisait, mais sous bandes. Comment faire pour correspondre sous enveloppe fermée ? On obtint un petit arrêté ministériel le 6 novembre 1843 qui permet, qui accorde cette forme.
Je ne l'ai vu inséré nulle part, mais je l'ai trouvé dans un recueil administratif. ;
L'arrêté est une instruction ministérielle qui permet aux évêques du royaume de correspondre avec les curés de leurs diocèses respectifs sous enveloppes fermées. Mais je dois faire remarquer qu'il ne concernent que les dispenses de mariage et les solutions de cas de conscience : et à la charge par les curés d’indiquer sur l'adresse de leurs lettres la nécessité où ils se trouvent de les expédier sous cette forme.
Néanmoins presque toute la correspondance a lieu sous enveloppe fermée, cela donne à croire qu'il y a beaucoup de grands pécheurs chez nous, puisqu'il y a beaucoup de cas de conscience, que les pasteurs ne peuvent pas les remettre et que nos seigneurs les évêques se les sont réserves.
Probablement que le mois prochain il y aura beaucoup de cas de conscience de gros péchés et que la correspondance secrète sera très active.
On dira probablement que s'il y a fraude, c'est une fraude pieuse, faite dans l'intérêt de la religion, et comme dit certain auteur que vous connaissez tous, que c'est rectifier le mal de l'action par la pureté de l'intention.
Pans ce cas, pourquoi se cacher, pourquoi ces détours ? C'est compromettre et la religion et ses ministres que de prendre ces voies détournées ; aussi ces explications ne trompent plus que ceux qui veulent bien y être trompés.
Je prie la chambre de vouloir bien remarquer que je ne viens pas faire un acte d'accusation ; je me borne à citer un fait et à cette occasion demander à M. le ministre une juste distribution, un peu plus égale, un peu plus impartiale.
Je sollicite de sa bienveillance de vouloir accorder à tous les établissements de bienfaisance la franchise dont jouissent nos seigneurs les évêques. A diverses reprises cette demande a été faite et toujours elle a été repoussée. Sa sollicitude ne pourrait-elle s'étendre, se répandre aussi bien sur les établissements de charité que sur nos seigneurs les évêques ? Je puis l'assurer que les besoins des pauvres sont plus grands que ceux de ces prélats et que les moyens d'y pourvoir sont loin d'être aussi productifs.
Le gouvernement n'accorde rien aux établissements de bienfaisance qui représentent la charité publique légale. Depuis deux ans les charges ont été lourdes et les revenus ordinaires n'ont pu suffire dans presque toutes les localités. L'intérêt général n'est-il pas de secourir le malheur, l'infortune ; et l'Etat ne doit-il pas accorder aux pauvres le même avantage qu'à l'épiscopat ? M. le ministre n'aura-t-il de sympathie que pour les misères de l'autre vie et n'en aura-t-il aucune pour celles de notre monde ?
Je ne demande donc pas le redressement de ces privilèges, je sollicite le partage de la faveur faite à l'épiscopat, et ses sentiments de charité me font espérer qu'il ne repoussera pas ma prière.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'honorable membre a cité, à propos du service des postes, un certain nombre d'instructions et de documents qui m'étaient parfaitement inconnus, sur lesquels mon attention n'avait jamais été appelée jusqu'à présent. Ce que je puis dire, c'est qu'il existe des règlements sur les franchises et contreseings ; jusqu'ici j'ai regardé comme un devoir de faire exécuter ces règlements. Je ne me considère pas comme ayant le pouvoir d'accorder ou de partager des faveurs. Le discours de l'honorable membre au point de vue des postes, le seul dont j'ai à m'occuper, a pour objet une extension de franchises au profit des établissements de bienfaisance. J'examinerai la question ; pour le moment, il m'est impossible de me prononcer.
M. Rogier. - Je viens engager M. le ministre à examiner de près la question de savoir s'il faut accorder de nouvelles extensions aux expéditions en franchise. La proposition de l'honorable M. de Bonne est dictée par une intention très louable ; je ne pourrais que l'approuver dans son but ; mais depuis un certain nombre d'années les franchises ont pris dans ce pays une extension exagérée ; parcourez les tableaux de fonctionnaires, autorités, corps administratifs, commissions jouissant de la franchise du port, vous en serez effrayés, et vous verrez quelles ressources on aurait pu conserver au trésor, si l'on s'était montré plus sobre dans la concession de cette franchise. Depuis 1830, on a accordé une foule d'exemptions nouvelles ; il y a là un véritable abus, si M. le ministre ne prend pas l'engagement de n'en plus accorder, je déposerai une proposition pour interdire au gouvernement de concéder de nouvelles franchises à moins d'y être autorisé par une loi.
M. de Renesse. - Il faut demander la révision.
M. Rogier. - Soit ; la révision pour le passé et des garanties pour l'avenir. Je demande à M. le ministre s'il tient au moins la main à ce que cette franchise ne s'exerce qu'aux conditions voulues par les lois et arrêtés ; je demande si telles catégories de fonctionnaires au lieu de se borner à contresigner des dépêches spécialement relatives à leur service, n'abusent pas du contreseing pour faire parvenir des correspondances entièrement étrangères à leur service. Si cela est, je demande que le gouvernement veille à l'exécution de la loi et des règlements. L'arrêté du 27 prairial an VIII défend de comprendre sous les contreseings aucune lettre, papier ou chose quelconque étrangère au service. Je ne viens pas ici me livrer à des récriminations irritantes contre certains abus que j'ai signalés dans une discussion plus grande que celle-ci. Je voudrais trouver ici l'occasion de les faire cesser et de les faire blâmer par la législature.
Que depuis 1830, l'on ait accordé, même avec une certaine libéralité, de nouvelles franchises au haut clergé pour faciliter sa correspondance avec ses subordonnés, je le veux bien ; je n'examinerai pas même si on n'a pas été trop loin. Mais que, se servant de ce privilège, le haut clergé fasse parvenir à ses subordonnés des correspondances entièrement étrangères au service religieux, c'est ce que nous ne pouvons pas tolérer. Or, il est de notoriété publique que le haut clergé a transmis à ses subordonnés des circulaires politiques, des circulaires électorales ; j'ai cité entre autres celle qui les charge de réviser les listes électorales, de poursuivre l'inscription de certains individus et la radiation de certains autres. J'ai tenu en mains une de ces circulaires. Je dis qu'il y a là un grand abus que toute la chambre devrait condamner, qu'une grande partie du clergé condamne lui-même. Je voudrais que les fonctionnaires des postes, quand ils reconnaissent dans la correspondance du cierge de pareilles pièces ou papiers étrangers au service religieux, les dénonçassent. Ils y sont tenus, d'après les instructions, et aux termes mêmes de la loi.
(page 1614) Je demande que le gouvernement s'explique d'une manière précise à cet égard ; sinon je déposerai une proposition.
M. le ministre des travaux publics, dans cette discussion, je le reconnais, a eu déjà beaucoup à souffrir. Il voudra bien m'accorder que jusqu'ici je n'ai pas cherché à ajouter aux embarras de sa situation. Au contraire ; j'aurais voulu pouvoir quelquefois venir à son secours. Mais enfin j'attends de sa franchise qu'il veuille bien me déclarer si au besoin il ne donnera pas d'instructions nouvelles pour prévenir ces abus que j'ai signalés, pour en empêcher le retour, si de pareilles correspondances venaient à circuler à l'aide de la franchise accordée. J'attends de sa part une déclaration précise.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois avoir dit, il n'y a qu'un instant, que l'on s'occupe au département des travaux publics d'un travail de révision des franchises et contreseings. Ce travail, je le crois utile, je le crois nécessaire, mais je dois dire qu'il est fait beaucoup plus dans le but de restreindre les franchises, d'en supprimer même quelques-unes dont l'utilité et la nécessité ne seraient pas démontrées, que dans le but d'en accorder de nouvelles. Telle est la direction et l'impulsion donnée à ce travail.
Ce que je puis dire également, messieurs, c'est que je tiendrai la main à réprimer tous les abus qui seraient faits des franchises résultant de la loi. Ces franchises dans ma manière de voir, comme dans celle de l'honorable préopinant et dans celle, je pense, de tous les membres de la chambre, ne doivent avoir d'application que dans le but unique de leur destination, c'est-à-dire en vue d'une utilité publique. Hors de là, ces franchises seraient sans objet.
Je prends donc bien volontiers l'engagement de tenir la main à ce que les franchises ne s'étendent pas au-delà de leur destination, au-delà de leur véritable objet, je dirai même de leur objet légal.
M. Lys. - Messieurs, on nous demande des fonds pour ériger en bureau de perception certains bureaux de distribution. Cette mesure a en principe mon approbation. J'approuverai en général tout ce qui peut faciliter les communications, mais après avoir pris connaissance du tableau qui nous a été communiqué par M. le ministre des travaux publics, je dois lui faire remarquer qu'il est une localité qui mériterait beaucoup mieux que la plupart de celles qu'il nous a indiquées, d'être érigée en bureau de perception. Je veux parler du bureau de distribution de Pepinster placé dans un endroit populeux et industriel, au centre d'autres localités semblables. Il est chargé de la distribution des lettres dans ses environs, et encore des expéditions vers Spa et Stavelot, vers la Prusse pour Monjoye et Malmédy.
Ce bureau a au moins dix dépêches par jour.
Il y a donc, selon moi, une immense différence entre la valeur de ce bureau et la plupart de ceux que M. le ministre a indiqués. Je crois utile de lui faire remarquer cet oubli, et je crois qu'il pourrait le réparer ; car la somme qu'il nous demande porte sur toute l'année, et voilà déjà plus de quatre mois écoulés. J'espère donc qu'il voudra bien ériger le bureau de Pepinster en bureau de perception ; je viens de démontrer que c'est un acte de justice, que le projet lui en fournit les moyens, et je n'hésite pas à affirmer que Pepinster est le plus important de tous les bureaux de distribution.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J'aurai soin de tenir note des observations de l'honorable M. Lys, et s'il est possible d'ériger dès cette année le bureau de Pepinster en bureau de perception, j'aurai soin de le faire. Je pense, comme l'honorable membre, que cette mesure aurait une véritable utilité.
M. Rodenbach. - L'honorable député d'Anvers a signalé des abus. Il a dit notamment que des circulaires avaient été envoyées gratuitement par la poste sous le couvert d'un membre du clergé. Si réellement cet abus existe, nous le condamnons tous ici. Nous désapprouvons les abus de quelque côté qu'ils viennent. Nous croyons qu'il ne convient pas qu'on fasse des bureaux de poste des bureaux électoraux. Mais quand on signale des abus, il faut des preuves. On ne peut pas avancer d'une manière gratuite que les circulaires dont a parlé, ont été envoyées gratuitement par la poste. Si le fait existait, je le blâmerais de toutes mes forces. Je ne veux pas que le clergé plus que tout autre abuse de la franchise qui lui est accordée. De mon côté, j'ai ouï dire que dans l'administration même il y a des hommes en place qui font indûment usage de la poste. Si cela est vrai, c'est un abus que je signale à mon tour à M. le ministre et qu'il doit extirper.
Mais je le répète, on ne peut avancer des faits de la nature de ceux dont a parlé l'honorable préopinant, d'une manière légère, sans des preuves positives ; et quant à moi je ne regarde pas comme vrai ce qu'on a avancé.
L'honorable député de Bruxelles, M. de Bonne, vous a dit que les bureaux de bienfaisance devaient payer le port des lettres. L'honorable membre n'est certainement pas au courant de ce qui se passe. Car les bureaux de bienfaisance correspondent par l'intermédiaire des régences et jouissent ainsi de la franchise du port.
Si l'honorable membre faisait partie d'un bureau de bienfaisance, il reconnaîtrait la vérité de mon assertion.
M. de Bonne. - L'honorable préopinant dit que si je connaissais la manière de faire des administrations de bienfaisance, je n'aurais pas fait la réclamation que je viens d'adresser à M. le ministre des travaux publics.
J'ai l'honneur de faire partie d'une administration de bienfaisance depuis dix ans. Je sais fort bien ce qui s'y passe et comment se fait sa correspondance. Si quelques administrations prennent l'intermédiaire des municipalités, c'est par fraude ; elles ne peuvent pas le faire. Aucune loi, aucun arrêté, aucune instruction ministérielle n'autorise les administrations de bienfaisance à correspondre en franchise de port, même sous bande ; et elles n'ont, du reste, rien à cacher.
Messieurs, la réclamation que j'ai adressée à M. le ministre des travaux publics est juste, car il s'agit ici d'un service public. En effet, les administrations de bienfaisance ont souvent à correspondre avec les administrations communales pour le payement des frais qui ont été faits, soit pour les enfants trouvés, soit pour les pauvres, soit pour les malades. Les réclamations peuvent s'étendre à toutes les villes et communes du royaume et même à l'étranger ; car on s'adresse quelquefois à M. le ministre des affaires étrangères pour des secours donnés à des étrangers. Eh bien, toutes ces correspondances, auxquelles les administrations de bienfaisance sont obligées, ne peuvent se faire en franchise de port, je le répète, si quelques administrations recourent au moyen indiqué par l'honorable M. Rodenbach, c'est par fraude.
M. Rogier. - Messieurs, l'honorable député de Roulers vient de relever avec beaucoup de légèreté une assertion très sérieuse que j'ai produite dans cette enceinte, non pas pour la première fois, mais pour la seconde ou la troisième fois, et jusqu'ici personne n'avait pris sur lui de démentir cette assertion, personne notamment sur le banc des ministres ne l'avait démentie. En effet, le fait que j'ai signalé est de notoriété publique.
M. Dumortier. - Du tout.
M. Rogier. - M. Dumortier le peut savoir mieux que personne.
M. Dumortier. - Je demande la parole. Expliquez-vous ; soyez franc.
M. Rogier. - Sous ce rapport je ne recevrai pas de conseil de vous.
Le fait, je le reconnais, paraît incroyable. Et en effet, je crois que dans tout autre pays ce fait passerait pour incroyable, mais il a le malheur d'être vrai. On dit que c'est une assertion en l'air. Mais j'ai ajouté, messieurs, que j'ai eu en main la circulaire imprimée, je l'ai vue, de mes propres yeux vue.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Et la bande aussi ?
M. Rogier. - Ces circulaires ont pris sans doute la voie ordinaire.
L'honorable M. Dumortier me dit de citer. Eh bien ! la circulaire que j'ai vue venait précisément de l'évêché de Tournay. C'était une circulaire adressée à tous les curés de l'évêché. Je ne sais pas si l'honorable M. Dumortier trouvera l'assertion inexacte ; mais, d'avance, je réponds que j'ai la circulaire entre les mains.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Mais cela ne prouve pas, M. Rogier, qu'elle ait été envoyée en franchise.
M. Rogier. - Vous dites que rien ne prouve qu'elle ail été expédiée en franchise. L'honorable M. de Bonne vous a rappelé une circulaire ministérielle par laquelle, pour certaines affaires réservées, on peut substituer à la bande l'enveloppe.
Je ne veux pas rechercher à quels moyens ont pu recourir ceux qui jouissent de la franchise pour la transmission de circulaires électorales. Mais ce que j'ai demandé à M. le ministre des travaux publics, c'est qu'il tînt la main à ce qu'on ne fît plus abus de la franchise du port, sous bandes croisées ou enveloppes, pour transmettre à des subordonnés des écrits dont l'objet est étranger au service pour lequel la franchise est accordée. Voilà ce que j'ai réclamé à M. le ministre des travaux publics, et M. le ministre a bien voulu prendre l'engagement de redoubler de surveillance afin qu'il ne soit pas fait abus de la franchise pour transmettre des objets entièrement étrangers au service.
Maintenant, permis à d'autres de croire que ces circulaires électorales ont dû payer le port lorsqu'elles ont été transmises. J'ai, à cet égard, des convictions contraires.
M. Dumortier. - Messieurs, l'honorable préopinant se prévaut de ce que, dit-il, à diverses reprises il aurait signalé dans cette enceinte le fait dont il vient de vous entretenir, et de ce qu'aucune réponse ne lui aurait été faite. Mais, messieurs, cela est excessivement simple. Quand on fait des accusations dans le vague, comme on a souvent l'habitude d'en faire du côté où siège l'honorable membre, il est impossible de répondre ? Que voulez-vous qu'on dise à des accusations qui reposent uniquement sur de vagues allégations ? Mais quand un fait est précisé, alors une réponse peut se faire, et vous voyez qu'elle ne se fait pas attendre, puisque je me lève à l'instant même pour répondre à l'honorable préopinant.
L'honorable membre vous a dit que je savais mieux que lui de quoi il s'agissait. Il a ajouté que la circulaire dont il nous avait entretenus aurait été envoyée sous le couvert de l'évêché de Tournay en franchise de droit ; que c'est de cela qu'il se plaint. Il a dit encore qu'il s'agissait de circulaires imprimées relatives aux élections.
Je répondrai d'abord à l'honorable membre qu'en supposant exact l'envoi de circulaires, imprimées par l'évêché de Tournay, comme il le dit, il n'a aucune preuve que cet envoi se serait fait en franchise sous le couvert de l'évêché. Et l'on a tellement peu de preuves de cette allégation que l'honorable membre vient de vous dire en terminant qu'il ne veut pas examiner si les évêques ont usé de la franchise. Vous ne voulez pas examiner la question qui fait votre grief ! Mais alors de quoi vous plaignez-vous ? Vous ne vous êtes plaints que de cela. Votre accusation n'a donc pas le moindre fondement.
Et d'ailleurs est-ce que les évêques n'auraient pas le droit d'user d'une prérogative qui est accordée à tout citoyen ? Je ne pense pas que l'honorable (page 1615) M. Rogier puisse empêcher aucun citoyen d'exercer l'influence légitime qui lui appartient. Là donc n'est pas la question. La question tout entière porte sur la franchise du port, dont on aurait usé abusivement, et on est forcé de reconnaître qu'on n'a pas de preuves à l'appui de l'attaque si singulière à laquelle on s'est livré contre des absents qui ne sont pas ici pour se défendre.
M. de Bonne. - La preuve est impossible.
M. Dumortier. - Si la preuve est impossible, vous n'avez pas le droit de porter à la tribune une accusation sans preuve. Car une accusation sans preuve est une calomnie.
Messieurs, de quoi s'agit-il ? A quelle circulaire l'honorable membre fait-il allusion ? Je ne sais pas, ou pour mieux dire, j'e ne saurais pas de quoi il s'agit, si par hasard ma mémoire ne me faisait souvenir que l'honorable M. Rogier a parlé anciennement d'une instruction sur la révision des listes électorales, et je vois l'honorable membre me faire un signe affirmatif. Eh bien, je puis donner à l'honorable membre l'assurance que jamais cette circulaire n'a été faite par l'évêché de Tournay, et que c'est moi qui l'ai faite avec mes amis. Et certes, j'étais dans mon droit quand j'agissais de la sorte, puisque chaque jour vous en faites de même de votre côté.
Voilà, messieurs, ce que devient cette accusation. C'est une accusation sans preuve, et par conséquent une accusation que je ne qualifierai pas, l'expression serait trop dure, mais que je laisserai à chacun le droit de qualifier.
Certainement, quand je vois mes honorables adversaires mettre tant de feu, tant de chaleur à faire, dans les élections, ce qu'ils considèrent comme leur part, nous serions bien mal avisés de ne pas en faire autant ; tous moyens vous sont bons pour nous combattre ; de quel droit voulez-vous nous refuser la faculté de nous servir des moyens légaux que la loi nous accorde. Si nous voulions citer toutes les circulaires qui sont parties de votre côté et que nous avons entre les mains, nous pourrions en signaler beaucoup et de très sérieuses. Une de nôtres est tombée, entre vos mains. Eh bien ! c'est de bonne guerre. Vous pouvez avoir plusieurs de nos circulaires, comme nous pouvons en avoir plusieurs des vôtres. Je pourrais vous remettre sous les yeux tout ce qui a été écrit relativement à la dîme et à la mainmorte, c'est-à-dire sur des faits qui n'avaient jamais existé et qui n'existeront jamais. Sommes-nous venus nous plaindre que ces circulaires avaient été envoyées sous le couvert de telle personne ? Mais quand dans les luttes électorales chaque parti use des moyens légaux pour engager les hommes dans lesquels il peut avoir confiance à soigner la révision des listes électorales, eh bien, quand chacun agit loyalement, on ne peut faire un crime à personne d'user de son influence. S'il y a dans nos actes quelque chose de déloyal, attaquez-le, signalez-le ; c'est votre droit, c'est votre devoir. Mais lorsque nous veillons à ce qu'on écarte des listes électorales ceux que la loi en exclut, et contre lesquels vous vous êtes élevés vous-mêmes avec tant de force, je dis que, loin de nous en faire un crime, on devrait nous en féliciter.
Ainsi, en toute circonstance j'engage mes honorables collègues à préciser les faits qu'ils veulent nous reprocher et alors on verra que nous ne suivons d'autre ligne de conduite que celle de la droiture et de la loyauté.
M. Rogier. - Messieurs, j'apprends ici d'étranges choses. J'ai, eu sous les yeux une circulaire adressée aux curés.
M. Dumortier. - Du tout.
M. Rogier. - J'ai eu la circulaire sous les yeux.
M. Dumortier. - Montrez-la.
M. Rogier. - J'ai eu sous les yeux une circulaire imprimée, adressée aux membres du clergé du diocèse de Tournay, circulaire dans laquelle on leur recommande, au nom de l'évêque, de se charger de la révision des listes électorales. (Interruption.) Cette circulaire a été publiée dans les journaux, elle n'a pas été désavouée et je suis vraiment étonné du démenti tardif que vient de faire entendre l'honorable M. Dumortier. L'honorable M. Dumortier se déclare maintenant l'auteur, de cette circulaire...
M. Dumortier. - Pas de celle-là.
M. Rogier. - Je ne défends pas à l'honorable M. Dumortier de faire autant de circulaires qu'il le voudra ; il est parfaitement dans son droit, mais probablement il y a circulaire et circulaire, et je ne puis pas croire que l'honorable M. Dumortier ait ici rempli les fonctions de l'évêque quels que puissent être ses rapports intimes avec l'évêché.
Voilà, messieurs, le fait que j'avais signalé. Je regrette d'avoir dû prendre une troisième fois la parole sur ce fait, que tout le monde condamne, que l'honorable député de Roulers condamne, en tant qu'il existe....
M. Rodenbach. - Oui, de toutes mes forces. Je condamne tous les abus, quand ils sont réels.
M. Rogier. - Je ne demande pas davantage. Je demande que tous ceux qui pensent comme l'honorable M. Rodenbach blâment cet acte que j'ai qualifié sévèrement.
M. Rodenbach. - Je suis de votre avis, si le fait est exact.
M. Rogier. - Maintenant, messieurs, que la circulaire ait été envoyée sous bande croisée ou sous enveloppe, là, messieurs, je dois le dire, là n'est point pour moi le côté le plus sérieux de la question, et, je le dis sans détour, j'ai voulu profiter de la discussion relative au transport des dépêches pour appeler de nouveau l'attention de la chambre sur un fait très regrettable. Je laisse de côté, messieurs, le point de savoir si la circulaire a été envoyée en franchise sous bande ou sous enveloppe. (Interruption.) Le côté le plus important de la question, celui que j'ai voulu plus particulièrement blâmer, c'est l'abus de l'autorité religieuse, s'immisçant dans la politique, soit par elle-même, soit par personne interposée, si tant est que l'honorable M. Dumortier ait été interposé. (Interruption.)
Maintenant, M. le ministre des travaux publics s'est engagé à faire exercer une surveillance sévère pour empêcher qu'il soit fait abus du contreseing, sous enveloppe ou sous bande croisée. C'est tout ce qu'il me faut pour le moment. Si MM. les évêques veulent envoyer des circulaires électorales, ils payeront le port à la poste ; mais il restera toujours l'abus en lui-même, non pas tant en ce qui concerne la franchise de port, mais l'abus que ferait l'autorité religieuse de sa mission, en transformant les ecclésiastiques en agents électoraux, en agents chargés de réviser les listes électorales.
M. Dumortier. - Lorsque l'honorable préopinant a pris la parole tout à l'heure, il s'agissait de la circulaire relative à la révision des listes électorales dont un journal a donné le texte. Il paraît maintenant qu'il y a eu plusieurs circulaires ; quant à moi, j'ignore s'il y a eu une circulaire adressée aux curés et de la nature de celle dont on a parlé. Si une pareille circulaire a été envoyée, je n'en ai eu aucune connaissance ; et malgré l'assertion de l'honorable M. Rogier je doute fort que le fait soit exact et j'ai de très graves motifs pour en douter, non pas que je sois, comme l'a dit l'honorable membre, le bras droit de l'évêque de Tournay, non pas que j'agisse comme personne interposée, mais parce que je sais que dans ce monde-là on ne se soucie pas du tout de se mêler d'affaires électorales.
M. Le Hon. - Je sais le contraire.
M. Dumortier. - Je crois que par cela seul que je siège de ce côté de la chambre, je suis à même de beaucoup mieux savoir ces choses que l'honorable comte Le Hon. (Interruption.)
L'honorable comte Le Hon a sans doute beaucoup plus de rapports que moi avec l'évêque de Tournay. Je ne le conteste pas, mais, je persiste cependant à croire que l'assertion n'est pas exacte.
Je dis donc, messieurs, que rien ne prouvé jusqu'ici qu'une circulaire ait été faite dans le sens que lui a donné l'honorable M. Rogier, je suis convaincu que c'est là une nouvelle erreur. Mais, encore une fois, je suppose que la chose se soit passée ainsi ; je suppose qu'un évêque, quel qu'il soit, ait cru devoir envoyer une pareille circulaire aux curés de son diocèse ; mais de quel droit venez-vous censurer cet acte d'un évêque. qui est citoyen comme vous ? Comment ! vous voulez le gouvernement constitutionnel et vous avez peur des influences ! Mais le gouvernement constitutionnel est le gouvernement des influences. Usez de la vôtre, usez-en largement ; mais ne trouvez pas mauvais que chacun de son côté puisse aussi user de la sienne suivant qu'il le croit utile aux intérêts auxquels il est préposé.
Mais, après tout, sur quoi reposait le reproche de l'honorable M. Rogier ? C'était sur l'abus de la franchise : c'était sur un abus que, s'il existait, nous blâmerions tous, comme l'honorable membre ; c'était sur l'abus d'envoyer des instructions sur la révision des listes électorales sous le contreseing.
Eh bien, je soutiens que rien de semblable n'a jamais existé, et que toutes ces accusations sont contraires à la vérité. Comment ! une circulaire imprimée aurait été envoyée sous contreseing ? Mais est-ce que personne ignore, par hasard, que pour un centime vous pouvez envoyer une circulaire imprimée d'un bout de la Belgique à l'autre ? Mais il faudrait que ceux qu'on a accusés eussent véritablement perdu tout sens commun pour envoyer sous contreseing une circulaire imprimée, alors, qu'on peut en affranchir cent pour un franc !
Evidemment, ce serait une chose éminemment déraisonnable et ridicule ; ce serait une puérilité. Mais il fallait un motif d'accusation, surtout à la veille des élections, et c'est pour ce motif qu'on a cherché à établir contre le clergé cette accusation vague, sans preuve ; je persiste à la considérer comme une de ces accusations qu'on ne devrait pas porter à cette tribune. Nous n'avons pas à nous occuper de la question des influences ; ce n'est pas de notre domaine ; ces influences sont du domaine de chacun. Si des abus semblables à ceux que l'honorable M. Rogier à supposés, étaient prouvés, je serais le premier à les attaquer ; mais quand on vient lancer ici des accusations vagues, non précisées, et auxquelles il n'est dès lors pas possible de répondre, je dis que c'est pour moi un droit et un devoir de rétorquer ces accusations, et de prouver toute leur inexactitude et leur déloyauté.
M. Rodenbach. - Messieurs, je dois répéter que je condamne autant que l'honorable M. Rogier, toute fraude, de quelque part qu'elle arrive. Mais je dois ajouter que jusqu'à présent l'honorable député d'Anvers n'a pas prouvé les abus qu'il prétend avoir été commis. Aussi longtemps qu'il ne nous fournira pas cette preuve, nous ne devons pas ajouter foi à ses accusations. Je dis encore que si le clergé commet des abus et des fraudes, il est du devoir des députés, tant de la droite que de la gauche, de les désapprouver hautement, et je suis résolu à le faire, aussi longtemps que j'aurai l'honneur de siéger sur ces bancs.
M. Le Hon. - Messieurs, la chambre comprendra sans doute le mouvement un peu vif qui m’a fait demander la parole, sous l'impression que j'ai reçue de cette assertion de l'honorable M. Dumortier, que la circulaire dénoncée par un des préopinants ne pouvait émaner de (page 1616) l'évêché de Tournay, par le motif que le haut clergé, dans ce diocèse, resterait étranger aux affaires électorales.
Sans vouloir détourner le cours de cette discussion au-delà des limites de l'incident qu'on a soulevé, je me vois forcé de répondre à l'honorable membre que son langage est en opposition avec la notoriété publique, avec des preuves évidentes, et, ai-je besoin de le dire ? avec les certitudes de ma propre expérience. Oui, l'épiscopat n’intervient que trop officiellement, à Tournay, dans les luttes politiques de l'élection, et l'envoi de circulaires et d'instructions électorales aux curés de l'arrondissement est assez dans la nature des moyens que, surtout depuis quatre ans, il paraît avoir activement employés.
L’'honorable membre a ajouté que, d'ailleurs, si l'autorité épiscopale avait adressé à ses subordonnés, dans la hiérarchie ecclésiastique, des circulaires relatives aux élections, elle n'aurait fait qu'user du droit qui appartient à tous les citoyens, et qu'exercent au grand jour les associations libérales. C'est avec ces réflexions erronées et des encouragements de cette nature qu'on arrive à fausser les idées du clergé sur sa position dans l'Etat, et qu'on entretient en lui des illusions funestes à son caractère et à son influence. Quoi ! vous venez dire hautement à cette tribune qu'il est régulier, légitime, constitutionnel qu'un évêque, au nom de sa suprématie épiscopale, prescrive officiellement à ses subordonnés des actes politiques ; vous appelez cela l'exercice tout naturel des droits inhérent à la liberté !
Vous oubliez donc que cette liberté a pour condition fondamentale la séparation du domaine civil et du domaine religieux ; que l'indépendance spirituelle du clergé lui est acquise à ce prix ; et que plus il méconnaîtra les lois et les limites de la situation que la Constitution lui a faite, plus il s'expose à compromettre son autorité morale et les intérêts même de la religion. Il est des erreurs et des abus qui ne peuvent se prolonger sans entraîner des conséquences de plus en plus graves ; et quand je prends à tâche de les relever ici, en rétablissant la vérité de nos principes constitutionnels, et je crois défendre le clergé lui-même contre le danger de ces entraînements, et maintenir sur ses bases légales la première garantie de l'ordre public, et des droits de tous.
Messieurs, ces réflexions, j'en conviens, m'ont éloigné quelque peu de la réclamation de l'honorable M. de Bonne au sujet de la franchise des ports de lettres. Je m'arrête, il me suffit d'avoir pu contester devant la chambre, à l'aide de faits dont j'avais une connaissance personnelle, des assertions qui ne pouvaient rester sans réponse.
- L'article 14 est mis aux voix et adopté.
« Art. 15. Matériel : fr. 480,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Frais de placement de nouvelles boîtes aux lettres dans les communes rurales : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Frais de construction de voitures destinées au service des postes sur le chemin de fer : fr. 20,000. »
- Adopté.
M. le président. - C'est ici que viendrait un article nouveau qui a été proposé par MM. de Renesse, de Man, d'Hoffschmidt, de Baillet, Verhaegen et de Garcia. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 18 (nouveau). Subside pour la poste aux chevaux : fr. 75,000. »
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, cet article soulève une question assez grave ; j'ai lieu de croire qu'après y avoir réfléchi, les honorables auteurs de la proposition reconnaîtront avec moi qu'il est absolument impossible de résoudre incidemment une question de cette portée à l'occasion du budget des travaux publics. Il serait préférable de renvoyer cette proposition aux sections. Cette proposition a une certaine gravité pour le trésor public ; elle est grave également pour la poste aux chevaux dont les intérêts touchent surtout les auteurs de la proposition. Eh bien, je crois que par la considération de ces divers intérêts, il serait tout à fait convenable de ne pas insister sur la discussion immédiate et incidente de la proposition.
M. le président. - M. le ministre des travaux publics demande le -renvoi de la proposition aux sections.
M. de Garcia. - Messieurs, je regrette beaucoup que l'honorable M. d'Hoffschmidt qui, comme ancien ministre, avait mûrement étudié la question soulevée par l'amendement en discussion, et qui s'était chargé d'en présenter les développements, je regrette, dis-je, que l'honorable M. d'Hoffschmidt soit éloigné de la chambre par une indisposition. Dans cet état de choses, je me vois à l’improviste obligé de présenter quelques considérations sur cette proposition, à laquelle j'ai donné mon adhésion par ma signature.
M. le président. - M. de Garcia, on propose le renvoi aux sections ; cette proposition semble devoir primer la proposition principale ; si le renvoi n'est pas admis, alors chacun sera admis à parler sur la proposition principale.
M. de Garcia. - Je veux combattre le renvoi aux sections, et naturellement je ne puis combattre ce renvoi, si je n'aborde le fond, et si je ne démontre que par le rejet de votre proposition, l'administration des postes se trouvera dans une position telle que, sans faire des pertes et des sacrifices considérables, il ne lui sera plus permis de vivre.
Messieurs, il est un fait constant, et que nul ne peut méconnaître, c'est que l'établissement du chemin de fer a renversé l'administration des postes.
Il doit être évident pour tout le monde qu'aujourd'hui, et par suite de la révolution des choses, amenée par la création des chemins de fer, l'administration des postes ne peut exister à l'aide des seules ressources qui lui sont abandonnées. Des obligations et des devoirs de service public, lui sont pourtant imposés. Pour le prouver il me suffit de citer l'arrêté royal du mois de janvier dernier, qui organise la force du relais et qui tout en la réduisant, détermine d'une manière absolue, un nombre de chevaux et de postillons à tenir par les maîtres de postes. Ce nombre, si ma mémoire est fidèle, est de 850 chevaux pour tout le royaume et de quatre cent cinquante postillons.
Evidemment une obligation semblable soumet l'administration des postes à des frais considérables, et toute la question que nous avons à examiner, est de voir si les ressources laissées à cette branche de service public sont suffisantes et peuvent la rémunérer convenablement. Poser nettement la question c'est la résoudre, selon moi, en faveur de notre proposition.
Des obligations fort onéreuses, et qui entraînent des frais considérables, sont imposées à cette administration. Or, je le demande, où sont les bénéfices qui peuvent compenser ces frais, et payer ces services publics ? Personne je crois, ne cherchera à le montrer.
Pourtant, si on ne veut pas accorder à cette administration l'indemnité que nous proposons, il vaudrait mieux en reconnaître l'inutilité et la supprimer. Il vaudrait mieux leur dire avec franchise : Quittez vos relais, fermez vos écuries, ne faites plus de frais, cessez de marcher à votre ruine.
Regardant, l'administration des postes connue utile, quant à moi, je ne pourrai jamais tenir ce langage. C'est par ce motif que je combats le renvoi de notre proposition aux sections. Un renvoi semblable est un rejet. En effet, depuis trois à quatre ans, on fait chaque année des propositions dans le sens de la nôtre, on les renvoie aux sections et que voit-on paraître ? Rien. Nous devons sortir de cette voie stérile, et en attendant la présentation d'un projet de loi sur la matière, il faut rendre la position des maîtres de postes tolérable.
En résumé, il faut le reconnaître, le renvoi de notre proposition aux sections n'est qu'une pure fin de non-recevoir. Or, je le répète, cela ne peut me convenir parce que de deux choses l'une : ou cette administration des postes est utile ou elle ne l'est pas ; dans la première hypothèse on doit la rémunérer convenablement, dans la seconde on doit la supprimer. Quant à moi je la considère comme devant avoir une grande utilité, et par ce motif, j'ai apposé ma signature à la proposition qui vous est soumise, Je n'ai pas supposé qu'une proposition semblable fût déplacée dans un budget, parce qu'elle a pour objet d'allouer un subside pour un service public qui impose des sacrifices considérables à une catégorie de fonctionnaires.
Je regrette que l'honorable M. d'Hoffschmidt ne soit pas ici pour se joindre à moi et développer les considérations qui vous ont déterminés les uns et les autres à saisir la chambre de cette proposition.
M. Lys. - Messieurs, il faut pourtant se décider à prendre une résolution relativement à la poste aux chevaux. Chaque année on promet de s'en occuper et on ne fait rien. Ce que propose encore aujourd'hui M. le ministre n'est autre chose qu'un ajournement indéfini et il ne veut rien faire, car il ne promet pas même de présenter un projet de loi.
On a l'air de vouloir les maintenir, on leur prescrit la tenue d'un certain nombre de chevaux et de postillons, mais en définitif on ne les met pas en position d'exister, car on leur fait faire des dépenses et ils ne sont pas en position de gagner de quoi les couvrir. Songez au danger qui pourrait résulter de leur suppression. Si malheureusement il arrivait un accident au chemin de fer soit par suite du temps, soit par suite de malveillance, vous seriez dans le plus grand embarras, vous n'auriez rien pour parer au défaut de moyens de transport.
Une catastrophe peut arriver, vous avez eu des localités qui en ont été menacées ; dans un cas semblable on serait heureux d'avoir à sa disposition la poste aux chevaux. Cependant jusqu'à présent on n'a rien fait pour tirer les maîtres de poste de l'état précaire où les a mis la construction des chemins de fer, ou n'a pas songé à leur donner une indemnité quand le chemin de fer est venu traverser leur relais. Le gouvernement a tout abandonné au hasard ; il y a dans sa conduite négligence pour les intérêts particuliers des maîtres de poste, il y a incurie pour les affaires de l'Etat, car si un accident arrivait au chemin de fer, les affaires de l'Etat seraient compromises. On a même négligé les circonstances qui auraient permis de faire quelque avantage aux maîtres de poste placés sur les lignes du chemin de fer ; ainsi pour le camionnage, il est établi depuis plusieurs années ;on a pu calculer ce qu'il rapporte, on pouvait faire une moyenne et le céder aux maîtres de poste sur le pied de la moyenne des adjudications qui ont eu lieu pendant plusieurs années. On aurait pu aussi accorder aux maîtres de poste un avantage qui leur aurait permis d'occuper trois ou quatre chevaux et deux postillons. Le trésor n'y aurait rien perdu puisqu'il aurait perçu les mêmes produits qu'auparavant. C'est là un moyen de soutenir les maîtres de poste que le gouvernement aurait dû saisir. Je le recommande à l'attention de M. le ministre des travaux publics qui doit sentir la facilité de sou application. En attendant j'appuie la proposition de M. de Garcia.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ajouterai peu de mots à l'appui du renvoi en sections. Il y a deux années à peine, la chambre a discuté un projet de loi sur la poste aux chevaux. Après de longs débats, le projet a été retiré. En ce qui concerne la poste, aux chevaux, le débat a porté sur des questions de principe très graves. L’honorable M. d'Elhoungne, notamment, a soulevé la question du savoir si, en (page 1617) présence de notre Constitution, l'indemnité établie par un décret de l'an XIII pouvait être maintenue.
La question présente plusieurs côtés importants ; et on propose de mettre à la disposition du ministre, sans examiner ces questions, sans établir aucune règle, aucun principe, une rente de 75,000 fr. pour la poste aux chevaux ! Je pense qu'une proposition semblable mérite les honneurs d'une discussion spéciale. Le règlement veut que toutes les questions soumises aux chambres fassent l'objet d'un examen préalable, et vous voudriez, sans rapport, discuter celles qu'on vous présente aujourd'hui. L'expérience est faite pour cette question, puisqu'une première discussion n'a abouti qu'à un ajournement forcé.
On dit que le cabinet ne prend pas d'engagement de présenter un projet de loi. Il serait inutile d'en prendre, puisque les sections seraient saisies d'un projet par le renvoi de la proposition.
L'honorable M. Lys vient de fournir un argument contre l'allocation du crédit qu'on propose de porter au budget. Il vous a dit que par d'autres combinaisons, par la cession du camionnage aux maîtres de poste, on pourrait soutenir cette institution sans établir de charge pour le trésor. Cette hypothèse peut se discuter, et il ne faut pas précipiter l'établissement d'une rente de 75,000 fr., ce qui représente un capital d'un million et demi.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce n'est que pour six mois.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On veut donc engager un capital de 3 millions sans examiner les questions de principe ou de fait, sans indiquer au gouvernement comment il doit répartir entre les intéressés la somme qu'on met à sa disposition.
C'est là une chose exorbitante, que la chambre ne peut vouloir faire en ce moment.
M. Loos. - Mon intention était de traiter au fond la question dont il s'agit ; mais la chambre me paraissant disposée à renvoyer la proposition aux sections, je renonce à la parole, me réservant cependant mon tour de parole si le renvoi n'était pas ordonné.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j'ai été étonné d'entendre les organes du gouvernement nous dire qu'ils n'ont ni règle, ni principes arrêtés quant à l'organisation de la poste aux chevaux.
M. le ministre des finances (M. Malou). – J’ai dit pour la répartition des subsides.
M. de Man d’Attenrode. - Le gouvernement oublie qu'il a présenté un projet, il y a trois ans, et que ce projet a été discuté par la chambre.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il a été rejeté.
M. de Man d’Attenrode. - Il n'a pas été rejeté, mais retiré par le gouvernement lui-même ; et pourquoi ? Parce que l'honorable M. Dechamps avait cru devoir faire ce qu'il a fait plusieurs fois ; il avait réuni dans un même projet plusieurs questions différentes ; or il est reconnu que quand on procède de cette façon, la plupart du temps ces projets ont le sort qu'a éprouvé celui sur la poste aux chevaux.
Cette proposition de loi était accompagnée de développements étendus ; et ces développements indiquaient comment le gouvernement entendait faire usage des moyens que son projet de loi devait lui procurer. L'administration a donc des indications suffisantes pour faire usage du crédit que nous lui offrons.
Comme l'honorable M. de Garcia vous l'a dit il y a un instant, le gouvernement, par un arrêté qui a paru dans le Moniteur du 9 janvier, a réorganisé la poste aux chevaux. Il a fixé les relais ; il a arrêté quel devait être le nombre des chevaux et des postillons. Pourquoi l'a-t-il fait ? Il a cru sans doute qu'il avait besoin de ces chevaux et de ces relais ; et il paraît qu'il en a tellement besoin qu'il s'en sert toutes les nuits pour le service de la poste aux lettres.
Or, que fait le gouvernement pour soutenir ce service ? D'après ce que m'a déclaré un maître de poste un instant avant la séance, le gouvernement perd 3 fr. 10 c. par jour, pour entretenir le cheval et le postillon qu'ils font marcher.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - C'est une erreur.
M. de Man d’Attenrode. - Si ce fait est exact, ce service est onéreux pour les maîtres de postes, au lieu de leur être avantageux.
Il me semble que le gouvernement doit savoir ce qu'il veut faire du service de la poste aux chevaux. S'il n'en veut plus, qu'il le déclare, et le service cessera ; les maîtres de postes sauront ce qu'ils auront à faire, et ils ne continueront pas à entretenir un matériel fort onéreux pour eux. Si l'on croit, au contraire, que ce service est nécessaire, que le gouvernement s'en explique ; mais alors qu'il fasse la demande des crédits nécessaires pour le soutenir.
Au reste, il me paraît qu'il n'est pas difficile d'établir que ce service doit être maintenu. L'honorable M. Lys vient de vous dire, avec raison, que s'il y avait une suspension de circulation sur les chemins de fer, ce qui est possible, le gouvernement serait pris au dépourvu s'il n'existait plus de service de poste aux chevaux.
D'ailleurs, c'est dans l'intérêt même de ce chemin de fer, qui est l'enfant gâté de la chambre, qu'il faut maintenir le service de la poste aux chevaux. C'est ce que nous prouve la conduite des compagnies françaises concessionnaires de chemin de fer qui entendent mieux leurs intérêts que nous sur ce point. C'est ainsi que j'ai remarqué, il y a quelque temps, dans un des grands journaux de Bruxelles, que la compagnie du chemin de fer d'Orléans accorde aux maîtres de poste qui lui amènent des voyageurs, un subside de 150,000 fr. Si je ne me trompe, c'est ainsi. La compagnie du chemin de fer de Paris à Versailles leur accorde au-delà de 150,000 fr. ; celle du chemin de fer de Paris au Havre accorde un subside d'environ 200,000 fr. Ces compagnies comprennent très bien que le service de la poste leur est utile, parce qu'il leur amène des voyageurs, parce que ce service établit des affluents productifs pour elles.
Pourquoi, messieurs, n'en agirions-nous pas de même ? Cette question ne demande plus de longues études. Voilà quatre ans qu'on en délibère. Il faut enfin prendre une résolution-
Je répète que si l'on ne veut plus de cette institution il faut qu'on le dise avec franchise. Il est peu convenable de tenir plus longtemps les maîtres de poste dans cet état provisoire. Le matériel qu'ils ont à entretenir pour eux est une lourde charge.
Pourquoi ont-ils persisté à conserver leur position ? C'est qu'ils se sont bercés de l'espoir qu'on leur viendrait en aide ; les actes du gouvernement sont venus les entretenir dans cette espérance. Ils ont donc fait des sacrifices pour soutenir leur position.
Mais si leur existence n'est qu'une illusion trompeuse, il faut qu'il le leur dise avec franchise.
Car il n'est pas de la dignité du gouvernement de prolonger davantage cette situation. Je désire qu'il se prononce ; voilà les motifs de mon adhésion à l'amendement déposé sur le bureau.
M. de Garcia. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de M. le ministre des finances, qui dit qu'un projet de réorganisation de la poste aux chevaux mériterait les honneurs d'une discussion que cette loi présenterait de grandes difficultés. Cette opinion, je la partage en tout point, et s'il s'agissait d'une proposition semblable, je serais le premier à demander son renvoi en sections et tous les honneurs d'une discussion approfondie.
Mais, messieurs, s'agit-il de cela ? Pas du tout, il s'agit de voter, non pas une rente, un capital de 3 millions, comme le dit M. le ministre des finances, mais un subside de 75,000 fr. en attendant que le gouvernement puisse nous présenter une loi qui organise complètement la poste. Il s'agit de mettre les maîtres de poste à même de tenir les obligations que le gouvernement leur impose. Car enfin, il faut le dire en peu de mots, la seule et unique base de notre proposition est la nécessité de l'administration des postes et l'arrêté du 9 janvier de cette année, qui soumet les maîtres de poste à tenir un nombre de chevaux et de postillons déterminé pour le service public. Peut-on méconnaître que ces obligations et ces services doivent se payer comme tous les autres services de l'Etat ? C'est ce que je ne pourrais admettre qu'autant qu'il fût démontré que cette administration est indemnisée par des bénéfices quelconques. Or, personne n'a tenté cette démonstration.
A la vérité le gouvernement objecte contre notre proposition qu'elle ne contient aucune règle pour sa répartition du subside qu'elle provoque, cela est vrai, mais le gouvernement peut-il se plaindre de cette circonstance ? Non sans doute ; nous lui donnons ici une marque de confiance en nous eu rapportant à lui pour faire une juste répartition entre tous les intéressés.
Puisque nous nous occupons des postes, je terminerai par une observation générale. Je demanderai que, pour le budget prochain, le gouvernement veuille fournir le tableau des courses de postes faites dans tout le pays, dans toutes les lignes de poste. Je demanderai, en outre, qu'il nous donne le tableau des 25 centimes par cheval qui se payent sur chaque route. Ce double tableau nous mettra à même d'apprécier plus exactement encore la véritable situation des maîtres de postes ; enfin il nous mettra à même d'indiquer les bases d'une juste répartition du subside que nous réclamons. Dans tous les cas, il me semble que le gouvernement, qui doit être en possession de tous ces renseignements, est à même de pouvoir opérer la juste répartition du subside qui fait l'objet de notre proposition. Renvoyer en section l'examen de la demande que nous faisons pour venir au secours de cette administration publique, c'est dire que la chambre ne s'en occupera pas. C'est en vain qu'à ce propos l'on nous objecte que cette proposition présente de grandes questions de principe à étudier, et à mûrir. Notre proposition n'a ni ce but ni cette portée ; elle ne tranche aucun principe, si ce n'est celui d'être juste, si ce n'est celui de payer les services imposés. Dès lors il ne peut y avoir aucune utilité à renvoyer une semblable demande en sections ; si la chambre en décide autrement, c'est évidemment rejeter la proposition que nous avons eu l'honneur de lui soumettre.
M. Verhaegen. - Nous sommes toujours, messieurs, dans la même mauvaise voie. Le gouvernement, lorsqu'il voit qu'une question le gêne, procède par des fins de non-recevoir. Il en est de cette question comme il en a été de plusieurs autres.
En 1844, il existait un projet qui a été abandonné, et alors l'honorable M. Dechamps, ministre des travaux publics, s'était engagé à en présenter un nouveau. Le gouvernement, depuis 1844, n'a rien fait, et nous voilà arrivés au milieu de 1847. Au moins s'il a fait quelque chose, il n'a rien fait dans l'ordre de ce qui avait été promis par l'honorable M. Dechamps, et je vais l'établir en peu de mots. L'honorable M. d'Hoffschmidt avait d'ailleurs fait la même promesse.
Je dis qu'il en est de cette question comme de beaucoup d'autres. Le gouvernement fait des promesses, les millions se succèdent et le gouvernement ne s'exécute pas. Il ne reste plus alors aux membres de la chambre que d'user de leur droit d'initiative ; c'est le seul moyen de forcer le gouvernement à remplir ses obligations.
Eh bien, l'honorable M. d'Hoffschmidt était plus à même que tout autre d'apprécier le véritable état de la question et de formuler un (page 1618) amendement. Quant à moi, j'ai cru remplir un devoir en y apposant ma signature.
Que ceux qui ne veulent pas de la poste aux chevaux le déclarent. S'il y a une majorité qui n'en veut pas, qu'elle se prononce. Mais la question est suffisamment étudiée. Je dirai même qu'elle est mûre. Veut-on encore de la poste aux chevaux, aujourd'hui que nous avons nos lignes de chemins de fer, on n'en veut-on pas ? Si on n'en veut pas qu'on le déclare.
Je ne trouve pas mauvais que ceux qui ont cette opinion l'énoncent, et l'énoncent franchement ; mais que le gouvernement ne tienne pas les maîtres de poste sous sa férule, si je puis m'exprimer ainsi ; si l'on veut supprimer la poste aux chevaux qu'on ne force pas les maîtres de poste à remplir certaines obligations, lorsqu'on ne fait rien pour eux.
Le renvoi aux sections c'est le renvoi à la session prochaine, et le renvoi à la session prochaine c'est la mort de la poste aux chevaux. Cependant le gouvernement oblige la poste aux chevaux à avoir 800 chevaux et 350 hommes.
Eh bien, cela n'est pas juste ; d'un côté vous imposez aux maîtres de poste une lourde charge, et de l'autre côté vous ne voulez rien faire pour eux. Soyez donc d'accord avec vous-mêmes, que ceux qui ne veulent pas de la poste aux chevaux rejettent la demande, mais alors qu'ils déchargent les maîtres de poste des obligations onéreuses que le gouvernement fait peser sur eux.
En résumé, messieurs, je m'oppose au renvoi en sections, parce que c'est le renvoi aux calendes grecques. La question est mûre et les maîtres de poste ne demandent qu'un acte de justice ; on ne peut pas les laisser dans la cruelle alternative ou de se ruiner ou de renoncer à un état de choses que le gouvernement a fait tel qu'il est aujourd'hui. Il faut qu'ils sachent à quoi s'en tenir, et l'honorable M. Dechamps doit d'autant mieux le savoir, qu'il s'était engagé à présenter un projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le projet de l'honorable M. Dechamps ne reposait pas sur le principe d'une subvention de l'Etat. M. Dechamps avait cherché une combinaison qui permît de maintenir la poste aux chevaux sans recourir au trésor public. Cette combinaison, qui était beaucoup plus favorable aux finances de l'Etat, a été repoussée par la chambre ; et cependant on propose aujourd'hui de décider d'une manière incidente le principe que la poste aux chevaux sera subsidiée par le trésor.
Il est injuste, dit-on, de laisser les maîtres de poste en présence de certaines obligations sans les subsidier. Mais je ne connais pas de loi en Belgique qui force qui que ce soit à être maître de poste malgré lui ; si la situation actuelle des maîtres de poste n'est pas favorable, ils sont libres d'exercer une autre industrie, et soyez bien certains, messieurs, que s'il survient quelques démissions, vous n'aurez que l'embarras du choix pour remplacer les démissionnaires.
Ainsi la nécessité d'une subvention déjà écartée une première fois par la chambre, n'est pas établie. Je demande qu'on n'admette pas incidemment un principe qui engagerait, en réalité, un capital considérable. Il faut attendre une instruction dans laquelle d'autres moyens seront peut-être, présentés ; nous avons trop de choses utiles à faire pour engager ainsi imprudemment un capital de trois millions. (Aux voix ! aux voix !)
M. Le Hon. - Messieurs, je m'expliquerai en peu de mots. Le ministère vous demande de renvoyer l'amendement à l'examen des sections. Cette demande me semble repoussée par vos précédents. En effet, dès l'année 1842, une commission spéciale a été chargée de présenter ses vues sur la réorganisation du service de la poste aux chevaux, et elle a livré le résultat de son travail au gouvernement.
Au mois de mars 1843, un projet de loi vous a été soumis. Discuté dans les sections, il a fait l'objet d'un rapport de la section centrale.
Nouveau projet de loi sur cette matière, au mois de juin 1844 ; nouvel examen dans les sections, et nouveau rapport de la section centrale à la chambre.
Ce second projet avait eu le tort de combiner ensemble un service de bateaux à vapeur entre la Belgique et l'Angleterre, et la réorganisation de la poste aux chevaux. J’ai parcouru, dans les différents rapports, les opinions qu'avaient émises les sections sur cette seconde partie de la loi, et je les ai trouvées généralement favorables au maintien du service de la poste, sur la plupart des lignes établies, et au système d'indemnité proposé alors pour les maîtres de poste. Si je ne me trompe, la chambre a demandé la disjonction, et, se bornant à voter sur le service des bateaux à vapeur, a prié le gouvernement de réorganiser le système de la poste aux chevaux par une loi spéciale.
L'instruction de cette affaire a donc été complète, et je ne comprends pas, je le confesse, que, devant les manifestations unanimes de l'opinion qui, depuis plus de quatre ans, réclame le maintien de la poste aux chevaux comme une institution d'intérêt public, même parallèlement aux lignes de nos chemins de fer, le gouvernement n'ait donné aucune suite à son projet tout formulé de 1844.
Je conçois que vous renvoyiez aux sections une proposition de crédit qui surgit inopinément de nos débats, et dont l'objet n'aurait encore subi ni le travail ministériel, ni les délibérations de la chambre ; mais je ne puis trouver à ce renvoi la moindre raison plausible, quand cette' motion porte sur un sujet déjà élaboré dans trois examens consécutifs, et par le ministère et par les sections ; alors surtout, qu'il s'agit d'un crédit provisoire qui ne préjuge qu'un point incontestable, à savoir : le maintien du service de la poste aux chevaux.
M. le ministre des finances, s'attaquant au fond, vous a dit que voter aujourd'hui une allocation, même provisoire, de 75,000 francs, c'était poser le principe que l'indemnité des maîtres de poste serait à la charge du trésor public, ce qu'il ne pouvait admettre, et ce que repoussait le projet de loi présenté en 1844. M. le ministre me semble ici dans l'erreur : le projet de loi, en effet, ordonnait que la contribution des messageries au profit de la poste aux chevaux serait perçue directement par l'Etat qui en formerait un fonds spécial ; et que si le montant de la recette était insuffisant pour couvrir les indemnités qui seraient allouées aux maîtres de poste sur les lignes maintenues par la loi, il y serait suppléé par des crédits à porter au budget.
L'amendement en discussion a donc été conçu dans l'esprit de ce système. Il y a plus, le ministère, par l'article 10 du projet de loi, 9 juin 1844, proposait d'ouvrir, au département des travaux publics, un crédit de 150,000 fr. pour l'exercice de cette même année, à l'effet de couvrir les frais énumérés dans l'article 8 ; et la section centrale, dans son rapport du 6 mars 1843, avait élevé cette somme au chiffre de 300,000 fr. L'allocation de 75,000 fr. serait encore, à ce nouveau titre, dans la limite des prévisions admises, à cette époque antérieure, et par le gouvernement et par la chambre.
Devant ces faits dont la preuve est dans vos souvenirs comme dans vos archives, tous les motifs d'ajournement, tous les prétextes d'examen me semblent devoir s'évanouir ; il y a ici à résoudre une question de justice rigoureuse et d'intérêt général.
La chambre suffisamment éclairée par tous ces précédents ne peut rester indifférente parce que le ministère, après deux résolutions formelles, redevient indécis. Je voterai en faveur de l'amendement et contre le renvoi aux sections.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois qu'il est complètement inexact de dire que le gouvernement n'a rien fait pour la poste aux chevaux.
Au mois de juin 1846, les délégués des maîtres de poste ont formulé leurs demandes vis-à-vis du département des travaux publics. Ils ont demandé d'abord que l'indemnité des frais de déplacement des chevaux et des postillons mobilisés fût majorée ; 2° que le prix des transports des malles à un collier fut porté de 1 fr. à 1 fr. 50 par cheval et par poste ; 3° qu'il fût fait une nouvelle classification des relais ; 4° qu'il fût procédé à une nouvelle fixation des distances des postes.
Eh bien, de ces quatre choses demandées par les maîtres des postes, trois leur ont été déjà accordées : l'indemnité des frais de déplacement des chevaux et postillons a été augmenté ; le prix des transports des malles à un cheval a été majoré ; une classification nouvelle des relais a été faite. En ce moment on s'occupe d'une fixation nouvelle des distances.
On nous dit : Depuis 1844 tout est dans la même situation, vous n'avez rien fait. Messieurs, il n'est pas exact de dire que, depuis 1844, nous soyons en présence de la même situation. Depuis lors nous avons concédé un très grand nombre de lignes de chemins de fer, qui modifient du tout au tout la question de la poste aux chevaux.
Je suppose pour un instant toutes ces lignes exécutées. On trouvera qu'il n'existe plus en Belgique ce qu'on peut appeler une ligne de poste. Dès lors nous sommes en présence d'une situation entièrement différente, et ce n'est pas chose évidente qu'il faille aujourd'hui insister sur l'adoption des propositions de 1844.
Je pense même que si l'on en venait à discuter de nouveau ces propositions, elles rencontreraient de très sérieuses objections ; car enfin ce projet de loi tendait à généraliser l'application du droit de 25 centimes, à étendre l'imposition au profit de la poste, à des entrepreneurs qui ne relayent pas. Le projet de 1844 consacrait donc, à côté d'une subvention au profit de la poste, une imposition générale sur les transports Je suis persuadé qu'on reconnaîtrait, si on l'examinait, que ce projet n'est plus en rapport avec la situation du moment ; que cette situation est toute différente de celle de 1844 et qu'elle appelle un nouvel examen de la question.
- La clôture est demandée.
M. Mercier (contre la clôture). - Je reconnais que M. le ministre des travaux publics n'est pas resté inactif et que les paroles qu'il a prononcées au début de la discussion prouvent qu'il est favorablement disposé pour la conservation de la poste aux chevaux ; cependant il est évident qu'elle ne peut supporter plus longtemps ses conditions actuelles d'existence ; il faut qu'on se hâte de venir à son secours ; et comme le projet présenté en 1814 n'a pas obtenu faveur dans les chambres, il ne reste d'autre moyen que l'allocation d'un subside direct aux maîtres de poste ; si le projet de 1844 n'a pas été accueilli, c'est principalement par le motif qu'il imposait de nouvelles charges, reconnues injustes, aux habitants des parties du pays qui sont privées de l'avantage d'être traversées par des chemins de fer ; quant au subside que nous demandons, son emploi pourrait être soumis à telles conditions provisoires que le gouvernement jugerait convenable d'établir en attendant qu'une loi régularise définitivement ce service dont personne ne conteste l'importance.
- La clôture est prononcée.
Le renvoi de la proposition aux sections est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures.