Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 26 avril 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1583) M. A. Dubus procède à l’appel nominal à 2 heures.

Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

La parole lui est continuée pour communiquer à la chambre l’analyse des pièces qui lui sont adressées.

« Les secrétaires communaux, dans l’arrondissement de Dixmude, prient la chambre d’améliorer leur position. »

« Même demande des secrétaires communaux dans le canton d’Harlebeke. »

- Renvoi au ministre de l’intérieur.


« Les sieurs Vandenheede et Opsomer, président et secrétaire du comité industriel de Denterghem, prient la chambre de résoudre affirmativement les trois questions posées dans le rapport sur les pétitions qui ont pour objet la distribution de la graine de lin de Riga et les droits de sortie sur les lins bruts. »

« Même demande des sieurs Vanmelle et Optamer, président et secrétaire de Marckeghem; des sieurs Jardin du comité industriel Dawneel et autres membres du comité linier de Poperinghe et de plusieurs habitants d’Oeleghem ».

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport.


« Le sieur Marlin Vandrongelen, infirmier à l’hôpital militaire à Ypres, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire ».

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur de Mat prie la chambre de renvoyer à M. le ministre de la justice sa réclamation du chef de fournitures de livres faites en 1830 ».

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Comblain-au-Pont demandent la discussion du projet de loi sur l’enseignement agricole, sur l’exercice de la médecine vétérinaire et sur l’organisation de l’école vétérinaire de l’Etat. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen des projets.


« Les colons de Santo-Thomas de Guatemala demandent que le gouvernement prenne la direction de la colonie, qu’il leur envoie des ingénieurs pour faire exécuter une route vers l’intérieur du pays et que des fonds lui soient alloués à cet effet. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


MM. d’Hoffschmidt et Kervyn, retenus par indisposition, s’excusent de ne pouvoir assister à la séance.

- Pris pour information.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, rapporteur. - Vous avez demandé à la commission un prompt rapport sur quelques pétitions. J’ai l’honneur de les présenter.

« Le sieur Vandermeulen ancien militaire demande un secours. »

- La commission conclut au renvoi au ministre de la guerre.

Le renvoi est ordonné.


M. Zoude, rapporteur. - « La chambre de commerce et des fabriques d’Anvers demande que dans la nouvelle convention à conclure avec la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg. ou supprime la clause stipulée dans le paragraphe 2 de l’article 47 du cahier des charges, en vertu de laquelle le gouvernement soit obligé à ne laisser continuer dans certaines limites aucun railway qui puisse faire concurrence à ce chemin de fer. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - Un sieur Dewitte, de la commune d’Ixelles, expose à la chambre qu’il est l’auteur du projet d’une société de commerce pour l’exportation de nos produits manufacturés ;

Qu’en 1835, de concert avec son frère Charles, il avait obtenu l’autorisation royale pour l’établissement d’une semblable société, mais que le gouvernement n’ayant pas jugé convenable, à cette époque, de prêter son concours pour l’exécution d’une pareille société, force lui avait été d’y renoncer.

Mais, comme auteur ou inventeur du projet, il doit avoir des droits à une indemnité et une récompense, et que ce qu’il serait en droit d’exiger d’un particulier, il le serait avec plus forte raison, dit-il, envers le gouvernement.

Cependant, il se borne, pour toute récompense, à demander au gouvernement une place de commissaire de la société qu’il est sur le point de créer,

Votre commission ignore jusqu’à quel point un particulier peut se croire fondé à réclamer un droit d’invention pour une demande qu’il aurait faite et que le gouvernement aurait trouvé bon d'accorder ou de refuser.

Toutefois, comme il résulte des pièces annexées à la pétition, que le pétitionnaire possède la connaissance nécessaire pour gérer convenablement l'emploi qu'il sollicite, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des affaires étrangères.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Les sieurs Cogels, Vanden Nest et autres membres du comité des détenteurs de fonds d'Espagne, établi à Anvers, réclament l'intervention de la chambre pour qu'il soit mis des entraves à la négociation en Belgique de toute dette espagnole créée postérieurement à la suspension du payement des intérêts de la dette étrangère d'Espagne.

« Les membres du comité des détenteurs de fonds espagnols, établi à Anvers, appellent l'attention la plus sérieuse de la chambre sur la situation déplorable dans laquelle se trouve plongée une multitude de leurs compatriotes. »

L'Espagne doit à ses créanciers étrangers une somme de près de deux millions de francs, dont plus de 1/10 pèse sur la Belgique, soit 200 millions, dont l'intérêt avait été stipulé à 5 p. c. ; mais par une iniquité nouvelle, cet intérêt a été réduit à 5 p. c.

Cependant, l'Espagne, depuis plus de dix ans, ne paye plus d'intérêt de la dette étrangère ; d'où résulte qu'avec les intérêts composés, l'Espagne doit aujourd'hui à la Belgique une somme dépassant 268 millions,

Nonobstant, le gouvernement espagnol a l'impudeur de favoriser de tous ses moyens la négociation en Belgique des titres nouveaux de sa dette intérieure, sans qu'il soit question du droit sacré invoqué par les Belges, porteurs de bons espagnols,

C'est dans cet état déplorable des choses que les pétitionnaires réclament l'appui du ministère, pour qu'il adresse au gouvernement espagnol des représentations énergiques sur la violation de la foi jurée, dont le siècle où nous vivons ne fournit plus d'exemples en Europe.

Que le gouvernement donne, à cet égard, les instructions les plus pressantes à notre agent à Madrid ; qu'il prenne enfin des mesures pour entraver autant que possible la négociation en Belgique de toute dette espagnole, et qui ne serait pas le résultat de la liquidation des coupons arriérés.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des relations étrangères.

M. Osy. - Messieurs, vous savez que malheureusement des Belges sont détenteurs de fonds espagnols pour des sommes considérables. Depuis plusieurs années l'Espagne ne paye pas ses dettes, elle ne convertit même pas ses coupons arriérés. A Amsterdam, à Londres et à Paris il s'est formé des comités de détenteurs de fonds espagnols ; les gouvernements de Londres et de Paris et de La Haye ont chaudement appuyé les réclamations des détenteurs de fonds espagnols, je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre des affaires étrangères avec prière de vouloir bien de son côté appuyer les justes réclamations belges auprès du gouvernement de Madrid.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Ce que demande l'honorable préopinant est déjà fait depuis un certain temps, le gouvernement a eu soin de faire appuyer par notre chargé d'affaires à Madrid, les réclamations de nos détenteurs de fonds espagnols, comme les gouvernements de France et d'Angleterre l'ont fait de leur côté.

M. Osy. - Je sais que le gouvernement belge s'est occupé de cette affaire, mais c'est depuis peu que les comités se sont formés, j'engage le gouvernement à faire de nouvelles démarches d'accord avec les autres cabinets.

- Le renvoi est ordonné.


M. Zoude, rapporteur. - Les membres de l'administration de l'université de Bruxelles, signalent à la chambre plusieurs injustices commises tant à l'égard des professeurs qu'envers les élèves de l'université de Bruxelles.

Lors de l'organisation du jury d'examen, toutes les opinions, disent les pétitionnaires, furent d'avis que la loi devait consacrer l'impartialité entre les quatre universités, roulement dans le personnel, garantie pour chaque faculté d'être représentée dans chaque jury, et par conséquent garantie pour les élèves de trouver parmi les examinateurs un professeur qu'ils connussent et dont ils eussent fréquenté les leçons.

Ces principes étaient beaux, mais les a-t-on respectés fidèlement, le conseil d'administration de l'université de Bruxelles ne le pense pas, et il déclare avec une profonde conviction que l'équité, l'esprit de la loi et les intentions des chambres ont été entièrement méconnues dans les nominations pour la session de 1847, non seulement par l'inégalité du nombre des représentants de chaque université, mais encore par le déclassement des membres du jury, c'est-à-dire par les nominations des professeurs du doctorat, à l'examen de candidature et réciproquement.

Si les professeurs doivent arriver successivement au jury, comment se fait-il que tandis qu'aucun des professeurs de Bruxelles n'y est resté plus d'une session et demie, les deux chefs de l'université de Louvain s'y perpétuent ?

Si les matières doivent être réparties à peu près à tour de rôle, comment se fait-il que le droit civil approfondi, le droit criminel et les quatre branches de la philosophie ne l'aient jamais été une seule fois depuis douze ans par l'université de Bruxelles ?

Tels sont les principaux griefs que l'administration de l'université signale à votre attention.

Tout ce que les pétitionnaires ont l'honneur d'exposer à la chambre est très grave, disent-ils, surtout dans l'intérêt des élèves. Ces jeunes gens sont déjà accablés par la multiplicité des matières d'examen dans chaque faculté.

Ajoutera-t-on aux difficultés des choses, les difficultés des hommes et aux inquiétudes de l'examen, celles que peut donner le choix des examinateurs ?

Messieurs, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications.

- Ces conclusions sont adoptées.

Motion d'ordre

Libre entrée des céréales

M. Lys. - La session touche à sa fin, et nous avons la certitude de ne pouvoir discuter une loi définitive sur l'entrée des céréales, nous n'avons pas même l'espoir de la voir présenter par le gouvernement. Cependant il est de son devoir de ne négliger aucune mesure pour déjouer toute manœuvre ayant pour objet de pousser à l'augmentation du prix des céréales. Le ministère devrait présenter un projet de loi provisoire décrétant la libre entrée des céréales pendant toute l'année 1848. Cette mesure arrêterait les manœuvres. Vous le savez, il y a quelque temps, nous espérions voir baisser les prix, il y avait une tendance à la baisse, mais depuis les prix se sont maintenus et même ils se sont élevés et ils menacent de s'élever encore.

Les villes font en ce moment des grands sacrifices, pour abaisser les prix des céréales en faveur des ouvriers, je citerai la ville de Verviers. La ville de Verviers à une population de 23 mille âmes dont 17 mille appartiennent à la classe ouvrière, le reste est boutiquier ; vous remarquerez qu'il y a à Verviers tout au plus 30 fabricants et quelques négociants en gros. La ville de Verviers donne le pain aux ouvriers au prix d'un franc les 3 kilog. tandis qu'il se vend à un franc 20 c. en ce moment. Le sacrifice qui en résulte est considérable.

Vous remarquerez, en outre, que Verviers, dans une situation aussi extraordinaire, n'a rien reçu sur les deux millions accordés au gouvernement, ni sur les 1,500 mille francs. Verviers est réduit à demander une répartition, d'après la fortune présumée, du sacrifice qu'elle fait pour maintenir le pain des ouvriers à 1 fr. les 3 kilog. Vous devez comprendra que cette situation ne peut durer.

Aujourd'hui, il y a des ouvriers à soulager ; bientôt ce n'est pas aux ouvriers, mais aux fabricants qu'il faudra venir en aide ; car, avec une pareille cherté des céréales, les marchandises ne peuvent se vendre ; elles restent en magasin ; personne n'achète que ce qui est indispensable, et diffère autant que possible tout autre achat. Telle est la position des villes, et spécialement de Verviers, qui a une population assez forte, mais pour les trois quarts, composée d'ouvriers.

Je ne puis trop le répéter, la hausse des céréales tend à diminuer le travail, à diminuer les ressources des populations, au moment où celles-ci en ont le plus besoin.

C'est une situation extrêmement critique qui peut devenir dangereuse.

Je sollicite du gouvernement la plus vive attention sur cet objet. M. le ministre de l'intérieur, qu'il concerne spécialement, n'est pas présent ; mais j'espère que MM. les ministres présents voudront bien prendre note de ma demande.

En déclarant libre, pour 1848, l'entrée des céréales, vous diminueriez les tendances de ceux qui voudraient profiter des chances de hausse du prix des grains. Ce serait une amélioration apportée à la situation actuelle, et vous auriez toute l'année 1848 pour élaborer un projet de loi définitif et le discuter.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Le gouvernement n'a pas attendu l'interpellation de l'honorable membre, pour s'occuper de la question des subsistances et pour prendre une résolution à cet égard.

Je puis annoncer à la chambre qu'un projet de loi, contenant des mesures relatives aux subsistances, lui sera très prochainement soumis.

Plusieurs membres. - Très bien !

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1847

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. de Man d'Attenrode.

(page 1587) M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, je commencerai par adresser quelques mots de réponse à l'honorable M. Mast de Vries qui, en critiquant le discours que j'ai prononcé au début de la discussion de ce chapitre, a cru devoir faire accompagner ce blâme de paroles trop flatteuses sans doute, car je ne mérite, à coup sûr, pas tant d'honneur. Je lui dirai que, tout en le remerciant de sa bienveillance, j'eusse préféré toutefois son appui à ses compliments ; je lui aurais su plus de gré si, au lieu de chercher à paralyser mes efforts, il m'était venu en aide dans la tâche ingrate que je me suis imposée.

Il a cru devoir adresser aussi des éloges aux agents de l'administration des chemins de fer belges ; je pense qu'en général le service de la locomotion se fait d'une manière satisfaisante, et ces paroles auraient encore plus de fondement, si ce service réunissait à de la régularité un peu plus de rapidité.

L'honorable M. Mast de Vries craint que ces critiques ne finissent par amener l'aliénation de nos chemins de fer à des compagnies. Jusqu'à présent, je n'ai pas été le partisan de cette mesure ; mais si l'honorable M. Mast de Vries et d'autres honorables collègues ne veulent pas s'associer à moi pour faire cesser ce que j'appelle des abus, si l'administration se refuse à se régulariser, je finirai par y être favorable. Je finirai par envisager cette aliénation comme une nécessité, si des discussions de la nature de celles dont nous venons de sortir, où l'intérêt de clocher tend à l'emporter par des coalitions sur l'intérêt général, se renouvellent encore avec des chances de succès.

Il y a, d'ailleurs, messieurs, pour cette aliénation des motifs très puissants.

Il paraît que nos chemins de fer produisent de quoi couvrir leurs frais d'exploitation, de quoi payer les intérêts des capitaux engagés. Mais on raisonne toujours dans l'hypothèse d'une paix perpétuelle. Je vous le demande, messieurs, je suppose qu'un événement politique grave arrive, je suppose qu'une guerre survienne ; quel en serait le résultat ? Ce serait bien certainement l'interruption des ressources que nous donne le chemin de fer. Nous serions alors obligés de faire un surcroît de dépenses pour mettre notre armée sur le pied de guerre, et nous serions privés, au moins en grande partie, des moyens destinés à payer les frais d'exploitation et les intérêts des capitaux engagés.

Ceci est une observation très grave qui mérite réflexion ; je n'entends nullement émettre une opinion définitive à cet égard, ni trancher cette question, mais cette observation a quelque chose de très sérieux.

Un membre. - Ce n'est pas sérieux.

M. de Man d’Attenrode. - Je maintiens que je l'envisage comme très sérieuse, et je répète que si une guerre survenait, ce serait l'impôt foncier qui aurait à fournir les fonds nécessaires pour servir les intérêts des capitaux. Cette charge lui serait imposée en sus de toutes les autres.

De plus, nous aurions à subvenir au remboursement de la dette flottante ; car les porteurs de bons du trésor cesseraient de les renouveler, et nous nous trouverions dans le plus grand embarras.

Enfin l'argument favori de M. Mast de Vries est de dire que nos chemins de fer nous ont coûté peu de chose, qu'ils ont coûté à l'Elat moins qu'ils n'ont coûté dans d'autres pays. Il raisonne toujours dans l'hypothèse que nos chemins de fer seraient achevés. Mais, messieurs, est-ce que nos stations, nos gares sont achevées ? Vous savez parfaitement qu'elles ne le sont pas. Le railway est-il achevé ?

Dans quel état se trouve-t-il ? Ne nous demande-t-on pas sans cesse des sommes considérables pour remplacer les billes et le fer ? Ne nous a-t-on pas même demandé à remplacer le bois et le fer de lignes qui n'étaient ouvertes que depuis un an ? Cela paraît certainement fort étrange. Mais il est une circonstance qui explique ce remplacement si prompt ; je l'ai trouvée en feuilletant le Moniteur, où j'ai lu la déclaration suivante qu'a faite M. le ministre des travaux publics, le 16 février 1844 : « Il est arrivé souvent, disait l'honorable M. Dechamps, que lorsque la route était livrée à l'exploitation, elle était déjà vieille ; et quelques mois après, il fallait pourvoir au renouvellement de ces objets. On se servait, pour construire la voie définitive, de fers et de bois dont avait permis aux entrepreneurs de faire usage pour la construction. »

Je désirerais savoir comment le gouvernement s'est cru fondé à permettre aux entrepreneurs de se servir du fer et du bois de l'Etat pour exécuter leurs travaux ? Je voudrais que le gouvernement me dise s'il y était autorisé par la loi, ou s'il a accordé, en cette circonstance, une faveur ?

Il en est de même du matériel. Le matériel n'est, certes, pas dans un bon état. On doit en quelque sorte procéder à son renouvellement complet.

Je suis donc fondé à dire que non seulement nos chemins de fer ne sont pas achevés, mais qu'ils sont vieux avant d'être terminés. C'est là, à coup sûr, une vieillesse un peu précoce.

(page 1588) Dès lors, il est impossible de déterminer ce que les chemins de fer belges ont coûté, et, par conséquent, l'honorable M. Mast de Vries n'est pas fondé à dire que les dépenses qu'ils nous ont occasionnées sont moins considérables qu'elles ne l'ont été dans les pays étrangers.

J'arrive, messieurs, à la réponse que je dois aux motifs présentés par M. le ministre contre ma proposition. Ces objections se résument ainsi ; voici ce qu'elles offrent de plus saillant :

Son auteur est mû par un sentiment de défiance extrême ; il se propose de mettre les ingénieurs à l'index ; il y a hostilité à l'égard d'une fraction de l'administration ; l'auteur de la proposition est sous l'impression d'une idée fixe, et la conséquence à laquelle aboutissent toutes ces phrases, c'est que ma proposition doit être accueillie avec défiance, et par suite rejetée ;

Tel est le résumé de la réponse qui m'a été faite, j'y attacherais peu d'importance ; elle n'exigerait pas une réplique, si ces paroles ne me supposaient pas des intentions que je n'ai pas, si ces paroles ne tendaient pas à faire peser sur moi une espèce d'interdiction parlementaire, en me déclarant frappé d'une idée fixe ; et tout cela afin d'atténuer l'effet que mes paroles auraient pu avoir produit.

Du reste, messieurs, je n'accepte ces paroles que comme une plaisanterie, et pour y répondre sur le même ton, je dirai que si tous les ministres des travaux publics tiennent le langage de M. le ministre qui siège sur ce banc, je crains fort que si nous n’y prenons garde, ils ne fassent dérailler le trésor public.

Je déclare ensuite que je n'ai d'hostilité contre aucun des rouages qui contribuent à faire mouvoir l'administration du pays. Je combats leurs actes quand je crois qu'ils sortent de leurs attributions, mais pas autrement.

Quant à une idée fixe, j'en ai une, j'en conviens, c'est celle de défendre les intérêts des contribuables que représente le trésor public ; c'est celle de poursuivre tout ce qui ressemble à de la malveillance, et j'espère que l'amour de mon pays me donnera l'énergie et la persévérance nécessaires pour accomplir ce devoir.

Messieurs, le résultat du vote d'avant-hier vient, ce me semble, donner une nouvelle force à mes arguments. La chambre a décidé, par un premier vote, qui doit être sanctionné, il est vrai, par un vote définitif, le principe de la construction d'un nouveau chemin de fer. Il me semble que cette nouvelle construction doit faire sentir la nécessité de prévenir le renouvellement de ces contrats onéreux, quant à l'acquisition des terrains, de ces transactions peu justifiables avec les entrepreneurs ; transactions qui résultent des difficultés que soulève la non-observation des cahiers des charges, par l'administration elle-même, et de sa faiblesse, quand il s'agit d'en faire respecter les clauses ; transactions qui deviennent des faveurs et dégénèrent en privilège, et où la chose publique est toujours sacrifiée.

La discussion qui vient de se terminer m'a fait éprouver, il faut que je le dise, un sentiment pénible.

Aucun des honorables députés, qui ont soutenu un intérêt, respectable, sans doute, mais qui enfin, ne concernait qu'une faible fraction du pays, n'ont fait usage du talent, dont ils ont fait preuve, pour appuyer de leur parole une proposition qui intéresse le royaume tout entier. Car enfin ils devaient appuyer ma proposition comme une conséquence de la leur : ils proposent des dépenses nouvelles, ils demandent de nouveaux sacrifices aux contribuables, il importe donc de faire en sorte que ces dépenses se fassent au moins aussi régulièrement que possible.

Je n'ai donc jusqu'à présent obtenu aucune adhésion, ma proposition n’a été accueillie que par le silence.

Quand il s'agit d'une faveur à obtenir pour une fraction des contribuables, on déploie une chaleur, une énergie sans pareilles ; et quand il s’agit de mesures conservatives, qui intéressent tous les contribuables, on ne rencontre qu’un morne silence.

J'aime cependant à le déclarer, j'ai reçu de plusieurs de mes honorables, collègues une adhésion particulière : plusieurs sont disposés à croire qu'il y a un vice d'organisation, qu'il y a quelque chose à faire. L'opinion publique elle-même est préoccupée, et en général ma proposition paraît recevoir un accueil favorable.

Si donc il y a quelque chose à faire, je désirerais qu'on m'indiquât un autre remède que celui que j'ai indiqué.

J’ai proposé un moyen, j'ai franchement exprimé mon opinion ; si l'un de mes honorables collègues trouve qu'il y a quelque chose de mieux à proposer, je désirerais qu'il en fît part à la chambre ; je ne demanderais pas mieux que de m'y rallier ; je ne tiens pas tellement à mes idées, que je ne consente à les abandonner, quand on en présente qui offrent plus d'avantages ; car je dis qu'il est contraire à la dignité de la tribune nationale de la faire retentir, tous les ans, de nos plaintes, et de ne pas agir ; il faut être conséquent avec ses paroles et leur donner une sanction.

Il ne me reste donc plus, pour faire un dernier effort, qu'à motiver ma proposition par quelque chose de plus saisissant que par des raisonnements ; il ne me reste plus qu'à appuyer ma proposition par des faits.

Le premier paragraphe de ma proposition tend à obliger le gouvernement à ne prendre de décision sur le contentieux administratif qu'après avoir entendu la commission que le gouvernement serait obligé d'instituer.

Quant aux autres questions, ma proposition laisse plus de latitude au gouvernement, les termes en sont moins absolus.... Voici un aperçu des questions qui rentrent dans le domaine du contentieux. Je les trouve dans un u volume des « Questions administratives » de Cormenin.

Ces questions sont relatives :

Aux difficultés qui s'élèvent entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration, concernant le sens et l'exécution des marchés.

Aux contestations relatives aux vices et défauts de construction, ou entretien des travaux ou ouvrages ordonnés par l'administration, sous la surveillance de ses agents.

Aux oppositions des entrepreneurs, aux décomptes dressés par les directeurs des travaux.

Aux autorisations de marchés excédés.

Aux demandes en résiliation d'entreprises de travaux publics.

Aux difficultés élevées entre l'administration et les entrepreneurs pour le payement du prix des travaux non prévus par le marché, mais cependant exécutés par les entrepreneurs et profitables à l'administration.

Enfin, au règlement des indemnités, qui peuvent être dues à des entrepreneurs, pour torts et dommages procédant du fait de l'administration.

La solution de questions aussi difficiles, aussi importantes, est abandonnée à moins de recours aux tribunaux, à qui ? au ministre. Et même en cas de recours en justice, l'administration en décide encore et comment ? Pour accorder des transactions ; et sur quels rapports le chef responsable du département statue-t-il ? Sur le rapport des ingénieurs.

D'après mon opinion, ces rapports ne suffisent pas, ils sont nécessaires, mais des décisions qui intéressent aussi gravement le trésor doivent être rendues sur d'autres rapports.

Voici des circonstances où des contrats ont été interprétés d'une manière très onéreuse à la chose publique, bien que les clauses en fussent fort claires, et qui ont amené des transactions inexplicables.

Il me suffit d'ouvrir les cahiers de la cour des comptes pour en indiquer. Lors de la construction de la ligne de Hennuyère à Braine-le-Comte, aux termes des articles 69, 73 et 74 du cahier des charges, l'entrepreneur était tenu responsable de l'entretien des travaux jusqu'à un délai déterminé ; eh bien, malgré cette stipulation formelle, la cour fait observer que 172,000 fr. ont été alloués par le gouvernement, par arrêté du 29 mars1842, pour des terrassements et des travaux de soutènement de perrés résultant d'éboulements survenus avant l'expiration de ce délai, et qui par suite devaient incomber à l'entrepreneur.

Ainsi, malgré les stipulations formelles du cahier des charges, le gouvernement s'est permis de dispenser l'entrepreneur de payer cette somme, et il la met à charge du trésor public.

Vous citerai-je ce qui s'est passé lors des travaux de la vallée de la Vesdre ?

Ce fait est bien plus grave.

D'après l'article 61 du cahier des charges, les entrepreneurs devaient, au commencement et à la fin des saisons, entamer et cesser leurs travaux aussitôt qu'ils en seraient requis, et prendre pendant l'hiver toutes les mesures nécessaires pour empêcher les dégradations.

Ils devaient, au moment d'abandonner la maçonnerie, en disposer la surface supérieure de telle manière que les eaux de pluie ne pussent les dégrader ni passer dans les massifs.

Ils ne pouvaient prétendre à aucune indemnité pour mauvais temps, gelés ou crues même extraordinaires.

Eh bien, messieurs, l'hiver arrive, les eaux occasionnent de grands dommages, détruisent une partie des travaux ; les entrepreneurs s'adressent au gouvernement pour réclamer des indemnités ; le gouvernement commence par repousser leurs réclamations.

L'affaire est portée devant les tribunaux. Le tribunal civil de Bruxelles ayant eu à statuer sur l'interprétation à donner à l'article précité du cahier des charges, décide formellement que l'Etat ne doit pas d'indemnité aux entrepreneurs. Que fait le gouvernement ?

La cour des comptes va vous le dire : Les travaux, dit-elle, exécutés tant en réparation des dégâts occasionnés par les inondations, que ceux destinés à les prévenir, furent tous mis indistinctement à la charge de l'Etat, par arrêtés des 26 octobre 1842, 4 avril et 27 octobre 1843.

Et l'Etat a payé aux entrepreneurs par suite de ces arrêtés 678,214 fr. 46 cent.

Cet acte me semble tellement étrange, que je le recommande aux investigations de la commission des finances, qui aura à examiner les comptes de cet exercice.

Voulez-vous, messieurs, l'exemple d'un contrat onéreux pour le trésor intervenu à propos de l'acquisition de terrains ? En voici un. Je l'ai tiré des archives de la cour des comptes et je le livre à la publicité. L'administration avait à traverser une propriété pour faire passer sa ligne de chemin de fer, elle se trouvait dans l'obligation d'emprunter 25 mille mètres environ de terrain. Voici le contrat qui est intervenu et qui avait été sanctionné par le gouvernement avant d'être soumis à la cour des comptes.

La cour réclama, vous verrez si ses observations étaient fondées. Le gouvernement s'était engagé à payer 65,000 fr. au propriétaire pour environ deux hectares et demi, et à lui céder de plus quelques parcelles qui étaient à sa convenance ; à construire divers ponts et aqueducs destinés à embellir ce domaine ; en outre à établir un signal afin que les convois s'arrêtassent quand il conviendrait au propriétaire de les prendre.

Il y avait enfin encore une stipulation de rétrocession, une clause injustifiable portant que dans le cas où le tracé serait modifié, le propriétaire rentrerait de plein droit dans sa propriété sans payer un (page 1589) centime à l'Etat. Celle clause parut tellement exorbitante, tellement étrange à la cour qu'elle en fit l'objet d'une correspondance qui dura plusieurs mois et finit par amener le retrait de cette dernière clause. Les autres furent maintenues, et l'Etat paya 65,000 fr. pour acquérir le droit d'emprunter 28,000 mètres, et cela malgré la loi sur l'expropriation pour utilité publique.

On me dira, sans doute, que tout cela s'est passe il y a longtemps ; maïs qu'aujourd'hui rien de semblable n'arrive plus. Consultez le cahier de la cour publié en 1846, concernant l'exercice définitif 1841, page 47, la cour répondra pour moi. Voici comment elle s'exprime : « La cour serait heureuse de pouvoir déclarer que les irrégularités signalées par elle ont disparu ; mais il n'en est pas ainsi ; et la plupart de ses remarques précédentes subsistent. »

Ainsi, toutes ses observations concernant l'absence d'adjudications publiques pour les travaux, ouvrages, fournitures, concernant l'absence de méthode et de précision pour la rédaction des cahiers des charges, concernant ces transactions onéreuses et ces remises de primes, qui rendent illusoires les pénalités encourues par les entrepreneurs ; ainsi, toutes les irrégularités qui ont fait l'objet de ses remarques antérieures, subsistaient encore en 1846 ; et ne suis-je pas fondé à croire que si des contrats, que si des transactions de l'espèce de ceux que je viens de vous exposer avaient subi d'abord l'épreuve de l'examen d'une commission, composée comme je la propose, tout cela ne serait pas arrivé ?

Je vais vous citer maintenant un cas, où le contrat avait été bien rédigé, et auquel le gouvernement avait donné tous ses soins. Voici comment se conduisit l'administration.

Un entrepreneur devint l'adjudicataire d'une construction très considérable, moyennant un rabais de 26 p. c. Mais il fut stipulé ensuite que les travaux supplémentaires seraient aussi livrés à la concurrence. Or, l'entrepreneur comptait s'indemniser sur les travaux supplémentaires livrés ordinairement au prix de l'estimation primitive.

Sa position était mauvaise. Que fit-on pour le tirer d'embarras ? Les plans furent anéantis et remplacés par d'autres ; on parvint à en démontrer la nécessité. C'était anéantir le contrat. Quel en fut le résultat ? C'est que l'entrepreneur exécuta tous les travaux au moyen de marchés de la main à la main, et comme pour dresser de nouveaux plans, il n'avait pas été possible de les lui remettre dans le délai voulu par le cahier des charges, circonstance qui ajourna l'exécution des travaux de plusieurs mois, l'entrepreneur réclama, et obtint de ce chef 12,000 fr. d'indemnités, sans celles qu'il obtint à d'autres titres d'une nature à peu près semblable.

Vous dirai-je enfin le système suivi par l'administration quand il s'agit de faire choix d'un soumissionnaire lors d'une adjudication ?

Voici encore des faits que j'ai extraits des archives de la cour.

Pour terminer le différend qui existait entre l'administration des chemins de fer et le sieur R. (ce différend concernait une demande d'indemnité de 104,800 fr. 66 c, tandis que l'administration prétendait ne lui devoir que 25,500 fr.), ce dernier fut déclaré adjudicataire de travaux d'établissement d'une section de chemin de fer, bien que le chiffre de sa soumission fût de 669,000, et qu'il en existât une autre faite au taux de 611,000. Différence au préjudice du trésor de 58,000 fr.

L'entrepreneur évincé et lésé par cette décision prétendit avoir droit à une indemnité ; et en conséquence l'entreprise des travaux de pose de rails d'une petite section de raccordement lui fut confiée, moyennant 69,027 fr. 45 c.

Cette entreprise a ceci de remarquable, c'est que les plans, devis et cahier des charges et détail estimatif ont été dressés le 1er août, que la soumission de l'entrepreneur porte la même date, et que le rapport de l'inspecteur des ponts et chaussées est daté du 1er août. Mais les bénéfices qu'il aurait pu réaliser sur l'entreprise pour laquelle il avait offert 611,000 fr. n'ayant pu être compensés par ceux que lui avaient donnés les travaux de raccordement d'une station à une autre, le 2 juillet 1845 une nouvelle entreprise lui fut adjugée de la main à la main ; elle avait pour objet les travaux et fournitures à effectuer pour l'établissement de la deuxième voie d'une section.

Cette dépense a donné lieu à diverses observations de la part de la cour.

Les prix fixés dans le devis estimatif de l'entreprise du sieur * étaient les mêmes que ceux déterminés dans le cahier des charges pour les travaux d'entretien, de parachèvement et de construction à exécuter sur les diverses lignes du chemin de fer pendant les années 1845, 1846 et 1847. Or le rabais consenti par le sieur * de la main à la main était de 13 p. c. tandis que celui offert publiquement par le sieur *** lorsqu'il fut déclaré adjudicataire des travaux d'entretien, de parachèvement, etc., sur toute la ligne du Midi, était de 22 p. c.

Vous pouvez voir, messieurs, par cet exemple, comment une transaction en amène d'autres à sa suite, et quelles pertes toutes ces indemnités occasionnent au trésor.

Une requête vous a été adressée récemment au sujet des préférences que l'administration semble accorder à certains entrepreneurs. Nous attendrons le rapport pour nous prononcer sur son objet. L'on assure que le gouvernement en a agi de même pour la construction de la gare que l'on construit à Anvers, que la soumission la plus favorable a été écartée.

La responsabilité, voilà le remède à tous les abus, d'après quelques personnes ; nous pourrons donc y avoir recours lors de l'examen de la loi des comptes.

Mais pour que ce recours soit efficace, il faudrait que cette responsabilité fût assurée par une garantie pécuniaire. Car si un gage suffisant n'existe pas, il serait sans utilité pour le trésor d'avoir recours à cette responsabilité. Or, ce gage n'existe presque jamais. Il est donc convenable de prévenir autant que possible des faits semblables si on veut empêcher qu'on ne lèse l'intérêt public.

Maintenant, je dirai encore quelques mots, destinés à donner une idée de menue administration, après avoir parlé de faits plus importants. Est-il exact qu’il soit arrivé que les agents de l'administration aient permis à certains entrepreneurs de faire usage du matériel de l'Etat sans lui payer d'indemnité, tandis qu'ils le refusaient à d'autres ?

Si mes renseignements sont exacts, il paraît même que le gouvernement a condamné un de ses agents à un mois de suspension, pour un fait de ce genre.

Je demanderai s'il n'est pas exact que des billes, et cela en très grand nombre, destinées pour doubler une voie aient été admises à 22 centimètres au lieu de 30 ? Je demanderai si l'ingénieur qui a admis ces billes n'a pas été préposé depuis pour la réception générale des billes du royaume ?

Il faut avouer que c'est là un fait inqualifiable, s'il est exact.

Voici encore un fait qui exige d'être éclairci : Trois établissements métallurgiques demandaient à se mettre en rapport avec le chemin de fer de l'Etat, afin de pouvoir écouler leurs produits au moyen d'une voie en fer. Deux ont obtenu l'autorisation dans les six semaines ; le troisième est en instance depuis quatre ans pour obtenir ce raccordement. Je termine par deux faits que j'ai lieu de croire exacts. Un pont a été construit sur une rivière traversée par une ligne de fer ; ce pont s'est écroulé. On a voulu exercer un recours contre l'entrepreneur.

Mais il paraît qu'il fut reconnu qu'il s'était écroulé parce que le plan était mal conçu. Le maître maçon avait même prévenu les ingénieurs que le pont s'écroulerait, si on l'obligeait à le construire d'après leur plan. Ceux-ci lui observèrent qu'ils n'avaient pas à écouter ses avis, et qu'il n'avait qu'à obéir. La prédiction du maître maçon s'est réalisée. Le pont s'est écroulé à peine achevé ; l'Etat a payé ; c'était de droit ; car c'est ainsi que l'on procède ordinairement ; car l'Etat ne se plaint pas. Mais voici ce qui est plus grave, et sur quoi j'appelle toute votre attention.

On avait fait usage, pour construire ce pont, d'un grand nombre de pierres de granit bleu finement taillées ; il semblait qu'on aurait dû s'en servir pour reconstruire le nouveau pont ou du moins pour faire d'autres travaux. Mais on en a fait un autre usage, et vous ne devineriez jamais, messieurs, ce qu'on en a fait ? Ces pierres ont été enterrées à 70 mètres de là dans une énorme fosse, contre le talus de la route pour| s'en débarrasser.

Je ne voulais pas ajouter foi à un fait aussi étrange ; mais je me suis rendu sur les lieux ; j'ai interrogé ceux mêmes qui avaient été présents ; un cantonnier me l'a déclaré, me disant, sans y attacher aucune importance : Les pierres du pont sont enfouies dans cette fosse ; il est extraordinaire qu'on n'en fasse pas usage.

J'ai su depuis quel avait été le chef-ouvrier qui avait procédé à cette curieuse opération ; je l'ai prié de passer chez moi ; je l'ai interrogé ; il. m'a déclaré, en me permettant d'écrire ses réponses, qu'il avait reçu l'ordre d'enfouir les pierres de taille du pont écroulé dans une fosse située dans le talus de la route à 70 mètres du pont, qu'il y avait travaillé pendant dix jours, avec quatre ouvriers, au mois de mars 1845, bien que les piocheurs de la route les eussent déposées tout près de là ; qu'il avait enfoui ainsi 244 pierres de taille d'un à deux mètres de longueur ; et qu'il avait reçu 80 francs de salaire pour procéder à cette opération. Le but de ce singulier travail, je l'ignore. Je n'ai à cet égard que des soupçons.

M'étant rendu sur les lieux afin d'acquérir de la certitude sur un fait aussi étrange, je poussai un peu plus loin sur la voie ferrée.

A peine avais-je fait 50 pas que je m'aperçus qu'on travaillait dans une carrière de gravier. Je m'informai à qui elle appartenait ; je demandai ce que l'Etat payait pour ce gravier, qui est d'une nature préférable à tout autre pour le chemin de fer, parce qu'il a une qualité précieuse qui consiste à ne pas se soulever en poussière, poussière si incommode pour les voyageurs, et si nuisible aux essieux des voitures dans lesquels il se glisse, et dont il hâte promptement la destruction.

J'appris que l'Etat payait ce gravier 1 fr. 95 c. le mètre cube. Cependant cette carrière est située à une distance de 4 à 8 métrés de la voie.

Les ouvriers n'ont donc pas même à faire usage de leurs brouettes pour le déposer le long de la route, où les waggons de l'Etat viennent le charger.

Je trouvai d'abord étrange qu'on payât ce gravier aussi cher ; mais je le trouvai bien davantage, quand on me fit observer que le terrain situé de l'autre côté du chemin de fer, et qui forme une butte considérable, appartenait à l'Etat, que la même couche de gravier pouvait y être exploitée. Je me dis : Conçoit-on que l’Etat paye 1 fr. 95 le mètre cube du sable qu'il peut prendre dans sa propriété, et cela tandis que l'administration du chemin de fer accorde une préférence si marquée aux travaux faits en régie, d'après le mode dit d'économie ?

Mais l'on m'assura peu après que l'administration avait aliéné ce terrain au propriétaire de la carrière en exploitation il y a quelques mois. Je désirerais savoir si ce fait est exact ; car j'ai remarqué que cette pièce de terre se trouve encore entourée des bornes indiquant la propriété de l'Etat.

Si mes renseignements sont exacts, la personne qui était déjà propriétaire de la carrière de gravier en exploitation en acquérant ce terrain qui appartenait à l'Etat, pourra, dans un avenir rapproché, exercer un (page 1590) monopole préjudiciable. Je vous le demande, messieurs, cela peut-il s'appeler administrer ?

N'est-on pas en droit, quand on a vu des faits semblables, d'éprouver quelque défiance ?

Messieurs, je pourrais vous entretenir encore sur ce sujet ; mais je craindrais d'abuser de vos moments. On a hâte d'ailleurs de quitter un terrain semblable et de passer à un ordre d'idées moins pénibles.

L'une des objections que l'on a fait valoir contre ma proposition, consiste à dire qu'elle est inopportune, faite qu'elle est à l'occasion d'un budget. D'abord, je répondrai : On me demande un vote de confiance. En échange de ce vote, ne puis-je réclamer une garantie qu'on accorde, dans d'autres pays, aux actionnaires des chemins de fer exploités par les compagnies ? Il me semble que cet échange est parfaitement justifiable et qu'on ne peut le refuser.

On nous a dit ensuite que ce serait mettre M. le ministre des travaux publics en tutelle que d'accepter ma proposition. Mais n'y a-t-il pas des conseils de cette nature dans les autres départements ministériels ? M. le ministre de la guerre n'a-t-il pas institué près de son département un comité de la guerre ? J'ai insisté, pendant plusieurs années, pour l'institution d'un comité de ce genre ; on me disait aussi autrefois que c'était porter atteinte à la responsabilité ministérielle. J'ai cité l'exemple de la France où de telles institutions existent, sans porter atteinte à la responsabilité ministérielle. Finalement, M. le ministre de la guerre s'est rendu à ces bonnes raisons ; il a proposé au roi un arrêté ; cet arrêté a été rendu ; il a été institué un comité de la guerre ; ce qui ne porte pas atteinte à la responsabilité du ministre, et ne le met pas en tutelle.

Je puis encore invoquer un autre précédent : l'institution d'un conseil chargé de la surveillance des fonds d'amortissement et de dépôt. Vous avez adopté le projet de loi qui établit ce conseil. Eh bien, ce conseil mettra-t-il M. le ministre des finances en tutelle et les fonctionnaires de l'administration des finances à l'index ? Pas le moins du monde. Il ne porte pas atteinte à la responsabilité de M. le ministre des finances et ne le met pas en tutelle.

Je vous citerai ensuite le conseil des mines, constitué par une loi il y a peu d'années. Ce conseil met-il les ingénieurs à l'index et M. le ministre des travaux publics en tutelle ? Mais pas le moins du monde, personne n'oserait le soutenir. Il ne nuit en rien à la liberté d'action du ministre, qui consulte le conseil des mines.

J'en reviens ensuite à cette objection, qu'il est contraire aux usages parlementaires de faire une proposition semblable à l'occasion d'un budget. Mais n'avons-nous pas admis, à l'occasion des lois de budgets, des propositions importantes ? Ainsi, sur la proposition de l'honorable M. Malou, n'avons-nous pas profité de la discussion d'un budget, pour arrêter la reprise du canal de Mons à Condé ? N'avons-nous pas, à l'occasion d'un budget, décrété le principe de l'organisation de la poste rurale ? C'était cependant là une loi organique importante.

Je me rappelle qu'il y a deux ans, une proposition fut faite à la chambre des députés, à Paris, lors de la discussion d'un budget, afin d'obliger le gouvernement à publier les nominations qu'il fait dans l'ordre de la Légion d'honneur.

Je reconnais que les ministres n'ont pas manqué d'objecter, comme ici, que cette proposition était inopportune et insolite, faite à l'occasion d'un budget ; je ne sais si elle a été adoptée, mais il est sûr que d'autres propositions faites à propos de la discussion des lois de budget, ont été adoptées en France.

Permettez, messieurs, que je termine en vous adressant ces paroles :

Si les observations de la cour des comptes et les miennes sont fondées, admettez ma proposition.

Si elles ne sont pas fondées, admettez-la encore, car il existe dans le pays beaucoup de rumeurs et de défiance ; il importe de les faire cesser ; l'administration n'est pas fondée, d'ailleurs, à repousser les contrôles, il est du devoir du gouvernement d'appeler la lumière, d'éclairer ses actes, afin de ramener une confiance, sans laquelle le gouvernement constitutionnel est impossible.

(page 1584) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'honorable membre vient de vous parler d'une rumeur qui existe dans le public. Je crois qu'il n'y a rien de tel pour exciter de pareilles rumeurs, que des discours semblables à celui que vous venez d'entendre.

L'honorable membre a articulé différents faits. Messieurs, ces faits sont présentés à son point de vue ; ils ne sont pas présentés d'une manière contradictoire. Ils sont donc à mes yeux sujets à vérification.

L'honorable M. de Man a fait une visite des lieux ; il a interrogé des ouvriers. Mais, je le répète, il a fait tout cela à son point de vue. S'il m'avait fait l'honneur de me prier de l'accompagner, j'aurais pu avoir aujourd'hui des idées arrêtées sur les faits dont il a entretenu la chambre ; mais ces faits sont présentés à un point de vue entièrement exclusif ; ils n'ont pas été discutés. Dès lors, je crois pouvoir conclure à ce que la chambre les tienne pour non avenus, en attendant qu'ils aient été vérifiés.

L'honorable membre demande s'il est vrai que l'administration permet à certains entrepreneurs de faire usage gratuitement de son matériel et refuse la même faveur à d'autres. Je crois que lorsque l'administration prête son matériel à un entrepreneur, c'est parce qu'ainsi le veulent les conditions du contrat et qu'alors l'usage de ce matériel est pris en considération pour déterminer le prix du revient à l'entrepreneur. Hors de là, je ne conçois pas de matériel prêté à des entrepreneurs et, jusqu'à vérification des faits, je dois dire qu'un pareil abus (car ce serait un abus) n'est pas possible.

L'honorable membre demande encore s'il est vrai qu'on ait fait une réception de billes qui n'avaient pas les dimensions voulues. Je répondrai qu'un fait pareil est impossible, et qu'un ingénieur qui se serait rendu coupable d'un fait semblable devrait subir une punition exemplaire. Ce qu'il y a de vrai, messieurs, c'est que depuis un certain temps nous avons admis des billes de deux dimensions : nous avons admis des billes fortes pour servir d'appui aux coussinets d'about et des billes moins fortes pour les coussinets intermédiaires. Mais ces billes ont des prix différents. On peut avoir admis des billes de 22 centimètres pour des billes de 22 centimètres, mais je crois qu'il est impossible qu'on ait porté en réception des billes de dimension plus forte, que celle que les pièces avaient réellement.

Il semble à entendre l'honorable membre que parce que l'ingénieur dont il parle, aurait reçu des billes qui n'avaient pas les dimensions voulues, on en aurait fait une espèce d'inspecteur général des billes. Messieurs, je n'hésite pas à dire que des faits pareils ne sont pas dignes d'être produits devant cette chambre. On a récemment parlé de commérages dans cette enceinte, aujourd'hui je n'hésite pas à dire que le bruit dont l'honorable membre se fait ici l'écho, n'est qu'un véritable commérage.

L'honorable membre, pour obvier à des abus que je dois, jusqu'à vérification contradictoire, soutenir ne pas exister, vous offre une garantie contre de pareils abus, un conseil consultatif auquel seraient soumis les projets de contrat, les projets de marchés. Mais, messieurs, si des abus semblables à ceux qui ont été articulés par l'honorable membre, existaient, y aurait-il un conseil consultatif qui pût les empêcher ? Dde semblables abus seraient l'abandon de tout contrat.

L'honorable membre semble croire que lorsqu'une adjudication se fait, on écarte arbitrairement le moindre soumissionnaire pour lui substituer un soumissionnaire dont les prix seraient plus élevés. Messieurs, il est impossible supposer qu'il y ait ainsi abandon de l'intérêt véritable de l'Etat. Tous nos cahiers de charges attribuent au ministre le pouvoir de faire choix entre les soumissionnaires. Cette faculté est nécessaire.

Le ministre doit tâcher d'avoir des travaux bien faits à des prix modérés, mais il est aussi responsable de l'exécution ; et, lorsque le moindre soumissionnaire ne lui paraît pas offrir des garanties convenables d'exécution ou lorsqu'il lui semble manquer de l'aptitude nécessaire pour exécuter un travail déterminé, la responsabilité du ministre quant à l'exécution, doit, dans ce cas, lui conseiller d'écarter ce moindre soumissionnaire et de remonter au soumissionnaire immédiatement supérieur dans l'ordre des prix. C'est là ce qui s'est fait de tout temps, et cela se fait, je puis le dire, dans l'intérêt bien entendu de l'Etat. Mais cela ne s'est jamais fait sans motifs réels. Dans des cas semblables, messieurs, j'ai toujours eu soin, pour ce qui me concerne, de consulter plus d'un fonctionnaire avant de prendre une détermination pareille, et je n'ai jamais écarté le moindre soumissionnaire que lorsqu'il y avait des raisons très puissantes pour le faire.

L'honorable membre a cité une requête adressée dernièrement à la chambre, qui l'a renvoyée à la commission des pétitions, et dans laquelle un entrepreneur, le moindre soumissionnaire à une adjudication récente, se plaint de ne pas avoir été admis. Mais pourquoi cet entrepreneur n'a-t-1 pas été admis ? C'est parce qu'il était étranger et qu'on n'avait pas la certitude qu'il pourrait organiser beaucoup de travail à une époque prochaine. Il s'agissait de l'approfondissement de la première section du canal de Zelzaete. Qu'est-il arrivé dans cette circonstance ? J'ai eu le soin de consulter l'ingénieur en chef chargé de la direction des travaux, de consulter le gouverneur de la province, de consulter l'inspecteur général des ponts et chaussées ; et je ne me suis décidé à écarter le moindre soumissionnaire que parce que, dans tous ces avis, on émettait unanimement l'opinion que pour atteindre le résultat auquel le gouvernement et les chambres attachaient beaucoup de prix, celui de créer immédiatement des travaux en faveur des classes nécessiteuses, il y avait utilité à prendre plutôt le deuxième que le premier soumissionnaire dans l'ordre des prix

Messieurs, il est impossible de supposer qu'une administration marche absolument à l'aventure et que des questions pareilles ne soient pas sérieusement examinées et discutées. Bien que nous n'ayons pas encore le conseil proposé par l'honorable M. de Man, je puis lui donner l'assurance que toutes ces questions s'examinent et se discutent très sérieusement. Nous avons en Belgique une administration organisée à tous les égards et ainsi que je le dis, les affaires ne marchent pas au hasard ; chaque décision a ses motifs.

La chambre a dû remarquer que les faits allégués par l'honorable membre, remontent tous à un temps ancien et que beaucoup de ces faits sont pour ainsi dire étrangers à la discussion actuelle.

L'honorable membre a cité un contrat d'acquisition de terrains pour la ligne de Charleroy à Namur et il a trouvé incroyable qu'on eut payé une somme de 65,000 fr. pour une emprise de 2 1/2 hectares ; mais il eut fallu dire en même temps que ce terrain était pris dans un parc de (page 1585) 60 hectares et dans une propriété de plus de 100 hectares ; que les travaux du chemin de fer exigeraient, au milieu d'une vaste pelouse, l'établissement d'un remblai ; qu'ils coupaient la vue et dépréciaient notablement la propriété. Ce sont là, messieurs, toutes circonstances à apprécier sur les lieux. J'ai encore un certain souvenir de la correspondance qui a eu lieu à cet égard ; la cour des comptes trouvait exorbitant, notamment qu'on eut donné telle indemnité entre Charleroy et Namur, alors qu'on avait donné une indemnité moindre entre Bruxelles et Hal dans des circonstances qui lui paraissaient analogues ; mais pour que la cour des comptes pût apprécier des faits semblables, il eût fallu qu'elle sortît en quelque de ses attributions, qu'elle eut ses inspecteurs qui pussent vérifier les faits contradictoirement avec les agents du gouvernement.

M. de Man d’Attenrode. - Et la cause de la rétrocession ?

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Quant à la clause de la rétrocession, l'honorable membre a eu soin de dire lui-même qu'elle avait été retirée ; mais j'ajouterai qu'elle n'avait aucune importance en elle-même, car il n'y avait aucune probabilité qu'après avoir fait le chemin de fer, on le déférait. Cette clause avait été admise par concession pour un homme âgé qui était extrêmement affligé de voir morceler sa propriété ; mais, je le répète, elle n'avait, en elle-même, aucune espèce de portée.

Messieurs, la véritable question, ici, est celle de savoir si l'organisation de l'exploitation du chemin de fer doit être proposée par le gouvernement à un point de vue d'ensemble, ou bien si elle doit être proposée, par pièces séparées, à un point de vue extrêmement restreint, ainsi que le fait l'honorable M. de Man. Quant à moi, j'ai la conviction que la proposition de l'honorable membre ne peut avoir un résultat utile ; et je pense, puisque j'ai pris l'engagement de présenter une loi d'exploitation, qu'il serait convenable d'attendre la présentation de cette loi.

Quoi qu'il en soit, je ne m'opposerais pas à ce que la proposition de l'honorable M. de Man fût renvoyée en sections, si l'honorable membre pouvait y tenir. J'ai la conviction que la loi d'exploitation que j'aurai l'honneur de présenter, pourra être examinée en même temps que la proposition de M. de Man, et dès lors le renvoi en sections ne porterait pas un grand préjudice ; toutefois, je dois dire que ce renvoi ne peut, dans mon opinion, conduire à aucun résultat utile.

M. Lys. - Messieurs, dans une dernière séance, M. le ministre des travaux publics a cru que je lui avais attribué de ne pas avoir eu l'idée sérieuse de faire une dépense d'un million pour construction de waggons. Je n'ai jamais dit cela, je ne l'ai jamais pensé ; jamais je ne me permettrai de prêter à M. le ministre des idées qui ne seraient pas conformes à la bonne foi. J'ai insisté sur la nécessité de construire les waggons demandés par M. le ministre, mais j'ai critiqué le moyen qu'il employait pour se procurer la somme nécessaire à la confection de ces wagons. J'ai dit qu'il ne devait point prendre cette somme sur un crédit déjà insuffisant pour la dépense qu'il doit couvrir, qu'il devait plutôt demander un crédit spécial pour les waggons dont il s'agit. M. le ministre me répondit que s'il ne prenait pas ces fonds-là, il faudrait émettre des bons du trésor. Mais si vous émettez des bons du trésor pour cet objet, vous n'en émettrez pas pour la dépense à laquelle était destiné le crédit sur lequel vous imputez le million.

Je crois que c'est toujours un fort mauvais moyen d'imputer une nouvelle dépense sur un crédit déjà insuffisant pour l'objet auquel il est affecté, comme M. le ministre l'a reconnu devant le sénat. D'ailleurs, messieurs, je pourrais répondre à cela : comment se fait-il que vous vouliez employer des bons du trésor pour acheter des bâtiments, lorsque vous ne voulez pas en employer pour la confection de waggons qui sont indispensables ? Ce n'est point que je veuille critiquer l’achat des bâtiments dont il s'agit, car je déclare dès à présent que mon opinion sera favorable à cette acquisition, mais il ne reste pas moins vrai qu'il valait mieux émettre des bons du trésor que d'imputer la somme nécessaire pour construire des waggons, sur un crédit destiné à un objet pour lequel il est déjà insuffisant, de l'aveu du ministre lui-même.

J'ai dit, messieurs, que ce crédit était absorbé et au-delà et que me répond M. le ministre ? Il dit : Vous n'avez qu'à aller voir à la cour des comptes et au ministère des finances ; je ne puis pas disposer d'un crédit sans le consentement du ministre des finances et sans le contrôle de la cour des comptes. Je reconnais, messieurs, qu'en général il en est ainsi, mais quand un crédit n'est pas suffisant, qu'on l'a déjà absorbé et que cependant on fait exécuter des travaux qu'on ne peut pas payer, on n'a pas besoin pour cela de la permission du ministre des finances ni du contrôle de la cour des comptes. Il faut remédier à cela par de nouveaux crédits. Nous avons des exemples nombreux de cette manière d'opérer ; on l'a fait notamment pour les travaux de la Vesdre ; on a exécuté là pour plusieurs millions de travaux pour lesquels on n'avait aucun crédit ouvert. Cela est de notoriété publique.

Vous voyez, messieurs, que le ministre des finances, ni la cour des comptes, ne peuvent empêcher un ministre de faire des travaux qui dépassent le crédit et que l'on ne m'a nullement démontré que cela n'avait pu avoir lieu. Je continue dès lors à avoir la conviction, que je vous ai annoncée et ce qui me fait persister dans cette opinion, c'est le grand nombre de personnes qui sollicitent des payements et restent en souffrance.

J'en reviens, messieurs, aux deux convois qu'on avait établi de Liège à Verviers, sur la demande que j'avais faite de retarder le départ du dernier convoi de Liège pour Verviers, jusqu'à l'arrivée du dernier convoi de Bruxelles à Liège.

Vous remarquerez, messieurs, qu'il ne fallait nullement un nouveau convoi, que je ne voulais point que le gouvernement fit une nouvelle dépense pour cet objet, vous remarquerez que j'étais même d'accord avec M. le ministre des travaux publics, lors de la discussion du précédent budget. Eh bien, M. le ministre des travaux publics me dit que l'administration ne fait jamais de dépenses inutiles, qu'elle est extrêmement difficile, lorsqu'il s'agit de nouvelles dépenses, qu'elle travaille constamment pour les éviter. Mais, je demanderai dans cette circonstance, qui était celui qui voulait éviter une dépense nouvelle, celui qui ne demandait qu'un convoi, ou l'administration qui en voulait deux ? II me semble que c'était moi, qui étais pour l'économie et que l'administration était pour la dépense.

Mais, messieurs, l'administration avait son but, c'était de faire manquer ce que je demandais, peu de temps après que je l'aurais obtenu. Elle savait qu'en créant un nouveau convoi elle faisait une chose qui semblerait démontrer que j'avais demandé une mesure trop onéreuse pour l'Etat, une mesure qui coûtait beaucoup et qui ne rapportait rien.

Eh bien, c'est ce que je voulais éviter ; je ne voulais qu'un convoi ; je ne voulais que suspendre le convoi de 7 heures, jusqu'à l'arrivée du convoi de Bruxelles à 8 heures, cette mesure ne devait donner lieu à aucune gêne, et il en résultait des facilités pour les voyageurs.

D'après M. le ministre des travaux publics, c'est moi qui ai fait une supposition qui n'est pas conforme aux faits. Messieurs, les faits sont là ; il est évident que je ne demandais rien d'extraordinaire ; que ce que je réclamais, tout homme raisonnable pouvait l'accorder.

Maintenant M. le ministre des travaux publics dit que, « sans intercaler ce convoi en plus, on eût desservi d'une manière incomplète plusieurs stations entre Liège et Verviers, stations sur lesquelles se dirigent des voyageurs qui ont encore à faire un chemin d'une ou deux lieues et qui, par ce motif, doivent être déposés aux dites stations, à une heure qui ne soit pas trop avancée dans la soirée. »

Pour me faire cette réponse, je dis encore que M. le ministre des travaux publics a été tout à fait mal informé. Je vais le prouver.

Je demanderai d'abord si c'est l'intérêt général ou l'intérêt particulier qui doit être préféré. Je pense que la réponse ne peut pas être douteuse. Eh bien, entre Liège et Verviers, je dis qu'il y avait intérêt général à faire comme je le demandais. Je citerai, d'abord, la station de Verviers ; c'est dans son intérêt que j'ai fait ma demande ; puis les stations d'Ensival, de Pepinster, de Chênée et de Chaudfontaine pour lesquelles ma demande présentait le même intérêt ; voilà bien les stations principales entre Liège et Verviers ; je ne connais entre ces deux points qu'une ou deux halles de plus. Donc, le raisonnement de M. le ministre des travaux publics n'est nullement fondé ; voilà encore une fois M. le ministre mal informé.

J'ajoute que je parle au nom d'une population considérable ; je parle au nom du Verviers, de Hodimont, de Dison, d'Ensival, de Pepinster, de Theux, de Spa, de Stavelot, de Chaudfontaine ; je parle au nom d'une population de plus de 50,000 habitants, et qu'est-ce que M. le ministre des travaux publics a à m'opposer. Moi, je parle au nom du commerce et de l'industrie ; ce serait donc l'intérêt de quelques villageois que M. le ministre viendrait mettre en avant. Eh bien, je dis encore une fois qu'il n'y en a pas, qu'on a de nouveau trompé M. le ministre des travaux publics ; voilà des faits que je cite à M. le ministre, et j'espère qu'il voudra bien me répondre à cet égard.

M. le ministre des travaux publics a dit encore :

« L'honorable membre s'est plaint de ce qu'on n'avait pas accordé la concession d'un chemin de fer de Pepinster à Spa. Je reconnais que cette communication peut être utile, et que l'honorable membre m'en a parlé ; mais je ferai observer que les demandeurs n'ont fait aucune espèce de démarche pour que cette affaire reçût une solution. Il en est de cette demande comme de beaucoup d'autres, qui dorment dans les cartons, parce qu'il est inutile de se livrer à une instruction au sujet de demandes qui ne sont pas sérieuses, ou pour lesquelles les moyens d'exécution manquent.

« Si les demandeurs m'avaient manifesté l'intention de mettre ce projet à exécution et m'avaient donné quelque indication sur leurs moyens financiers, je me serais empressé de m'occuper de cette affaire. Mais accorder des concessions sur le papier, c'est ne rien faire et même c'est discréditer des concessions déjà accordées qui auraient des chances de succès. »

M. le ministre prétend que les demandeurs n'ont fait aucune espèce de démarche ; mais qu'est-ce donc que d'adresser à M. le ministre une demande avec tous les accessoires ? Qu'est-ce donc que de présenter des plans très minutieux qui prouvent que le demandeur a fort exactement examiné le terrain ? Et M. le ministre dit que cela n'est pas suffisant. Il faut donc que l'entrepreneur vienne solliciter continuellement dans les bureaux du ministère. Est-ce là ce qu'exige la loi ? Non, messieurs, il suffit quand on fait une demande, de la conformer aux prescriptions de la loi, et rien de plus.

Comment M. le ministre peut-il tenir un pareil langage, alors que les deux députés du district de Verviers se sont rendus chez lui pour le prier de faire droit à cette juste demande ? M. le ministre exigeait peut-être que le demandeur vînt lui-même. Mais il y a une circonstance qui empêchait cet homme de venir ; le demandeur était M. Stevens qui avait été mis en disponibilité, et cela sans traitement. Je n'entends pas venir ici critiquer des actes administratifs, mais je ne puis me dispenser de trouver extraordinaire qu'on ait choisi un fonctionnaire, père d'une (page 1586) nombreuse famille, pour être le premier exemple d'une pareille rigueur, et l'on voulait que cet homme, ainsi traité, vint solliciter par lui-même, se présenter en personne devant M. le ministre des travaux publics/ Vous sentez, messieurs, qu'une pareille démarche devait lui répugner ; quand il priait les députés de son arrondissement, de solliciter pour lui, cela ne suffisait-il pas ? M. le ministre des travaux publics n'a-t-il pu reconnaître avec ces députés que cette demande de chemin de fer était utile ? Il est convenu lui-même de cette utilité, et cependant il a avoué qu'il n'avait rien fait.

Je dis que les demandeurs ont fait tout ce qu'ils avaient à faire pour obtenir la concession qu’ils sollicitaient.

Je dis de plus qu'il y a pour le pays une perte réelle, résultant de ce que ce chemin de fer n'a pas été commencé depuis six mois. Il y a eu perte réelle pour les ouvriers.

On vient à tout moment nous demander des crédits considérables, et le motif qu'on invoque à l'appui de ces demandes est, que c'est pour la classe ouvrière. Eh bien, ici on a négligé de faire une dépense pour un objet que M. le ministre lui-même reconnaît utile, et pour lequel il ne doit être alloué aucun subside sur les fonds du trésor.

Je ne vois pas à quel grand travail l'administration avait à se livrer, quand on lui a présenté cette demande avec un plan qui entrait dans les plus petits détails ; il ne restait à M. le ministre qu'à faire examiner ce plan sur les lieux ; voilà la mesure que je reproche à M. le ministre d'avoir négligée pour une concession très utile à plusieurs localités, comme je l'ai démontré, et à laquelle personne ne pouvait s'opposer.

Il n'y avait pas de garantie d'exécution, dit aujourd'hui M. le ministre. Il me permettra d'en douter. Mais M. le ministre pouvait se faire fournir cette garantie ; il pouvait faire fixer le délai dans lequel la construction serait commencée et même achevée. Il n'a jamais fait cette objection. Il pouvait nous dire : Il y a tel empêchement ; il y a telle chose qui manque à votre demande. Mais il n'a jamais dit qu'il y manquât quelque chose. Il nous a promis de donner tous ses soins à cette affaire. S'il nous avait élevé des objections, nous aurions tâché de lever ses doutes. Mais c'est que M. le ministre, comme je l'ai déjà dit, a toujours une confiance entière dans son administration, et ici il n'en a eu aucune dans les membres de la chambre, qui sollicitaient près de lui cette concession. N'aurait-il pas dû, en acquit de ses devoirs, discuter avec ces membres de la chambre les objections contraires, s'il s'en présentait ?

Je dis donc que le reproche que j'avais adressé à M. le ministre des travaux publics, à cet égard, était fondé.

J'ai parlé de l'établissement d'un bureau dans l'intérieur de Verviers pour la réception des marchandises à transporter par le chemin de fer. Cette observation était toute dans l'intérêt du chemin de fer, c'était pour lui faire rapporter davantage, pour que M. le ministre conduisît son administration de manière à être à l'abri des reproches. Quand il y a une administration qui fait concurrence au chemin de fer et transporte souvent les marchandises à un prix moins élevé, si elle a de plus l'avantage d'être d'un accès plus facile, si on l'a, en quelque sorte, sous la main, tandis que pour le chemin de fer, il faut courir à la station, ce sera un motif de plus pour donner la préférence à cette administration. Mon observation était donc toute dans l'intérêt du chemin de fer,

Quant à l'utilité d'un bureau pour soigner la répartition des waggons pour le transport des marchandises, je pense toujours que c'est une chose utile, parce que ce bureau centralisant tous les transports saurait, chaque jour, où se trouvent ses waggons, connaîtrait ceux qui sont disponibles et, de cette manière, on ne verrait pas des waggons chômer dans des stations quand on en manque dans d'autres. Cette observation que je faisais était encore dans l'intérêt du chemin de fer. Je n'avais d'autre désir que de voir le chemin de fer augmenter ses recettes. Partisan réel au chemin de fer, je disais, il y a plusieurs années, qu'il serait très productif, je tâchais encore de contribuer à la prospérité du chemin de fer, en demandant que des mesures fussent prises afin que les transports de marchandises ne fussent pas retardées ; je voudrais que les objets confiés au chemin de fer fussent bien soignés et toujours bien couverts. Mais je dois dire qu'on ne prend pas assez de précautions par les temps de pluie, car les marchandises arrivent souvent avariés, parce qu'on n'a pas soin de les bien couvrir.

J'ai parlé des procès qui se faisaient au chemin de fer, on ne nous donne aucun rapport à cet égard. Je me suis plaint de ce que les avocats du chemin de fer ne fussent pas payés à l'année par un traitement fixe. C'était encore dans l'intérêt du chemin de fer que je parlais. On ne m'a pas répondu.

J'ai parlé aussi du prix des transports des personnes entre Verviers et Liège ; déjà depuis plus d'un an, par suite d'une réclamation antérieure, on ne paie plus pour les marchandises que pour la distance réelle, mais pour les voyageurs on fait toujours payer pour 30 mille mètres au lieu de 24,900 mètres qu'a la route ferrée. On n'a rien répondu à cette réclamation, j'espère qu'on s'occupera bientôt des tarifs, et que cette erreur sera rectifiée.

J'ai fait aussi une observation relativement au coke. On donne à celui qui dirige les transports un bénéfice sur l'économie qu'il peut faire. Dans l'origine cette prime était nécessaire, elle avait pour but de rechercher avec quelle quantité de coke on pouvait parcourir une distance donnée. Aujourd'hui on doit savoir combien la locomotion peut coûter en coke en raison des distances, c'est une expérience qu’on a pu faire. J'ai demandé si aujourd'hui on ne pourrait pas économiser la prime donnée jusqu'à présent. Si nous ne savons pas aujourd'hui ce que la locomotion consomme de coke par distance donnée, nous ne le saurons jamais.

C'est encore l'intérêt que je porte au chemin de fer, qui m'engage à présenter cette observation.

M. le ministre ne m'a rien répondu quant aux arrangements que je conseillais à prendre avec le chemin de fer rhénan pour activer l'arrivée à Cologne du dernier convoi partant journellement de Bruxelles dans cette direction.

Je crois avoir démontré de nouveau que mes reproches sont fondés, quant à l'inaction du gouvernement sur la demande de concession d'un chemin de fer de Pepinster à Spa et relativement au changement que je sollicitais sur le moment du départ du dernier convoi de Liège à Verviers. L'essai qu'on a fait en établissant un convoi en plus, ce que je ne demandais pas, avait pour but de démontrer qu'il en résulterait une perte pour le trésor ; cela était immanquable. On a fait une forte dépense qu'on aurait pu éviter, pour prouver que ce que je demandais était onéreux pour l'Etat.

M. Osy. - Je viens combattre la proposition de l'honorable M. de Man. La proposition que fait cet honorable membre est véritablement une sorte de conseil d'Etat institué près du ministre des travaux publics, qui diminuerait la responsabilité du ministre.

Pour moi je ne pourrais pas consentir à l'établissement d'un rouage de cette nature. Cependant, je remercie l'honorable membre d'avoir fait sa proposition, car je crois qu'il y a quelque chose à faire.

Dans le parlement anglais, il y a une commission permanente des travaux publics, comme vous en avez pour les finances et pour l'industrie et le commerce. Nous pourrions en établir une également pour les travaux publics.

A cette commission on pourrait renvoyer toutes les propositions, tant pour travaux publics que pour concessions de routes, chemin de fer ou canaux, elle examinerait avec attention ces propositions et ferait un rapport à la chambre.

Je suis persuadé que bien des abus dénoncés sont exacts, mais c'est une chose bien fâcheuse que l'articulation de faits semblables devant la chambre, quand on ne peut pas l'appuyer de pièces.

Mais quand vous auriez une commission permanente des travaux publics, chacun de nous pourrait s'adresser à elle et lui signaler les abus que nous connaissons ; elle pourrait prendre les renseignements nécessaires, et, si on le croyait utile, présenter chaque année un rapport dans la discussion du budget des travaux publics. Cette manière de procéder abrégerait beaucoup nos discussions, et éviterait des dénonciations dont nous ne pouvons apprécier le fondement.

Je remercie l'honorable M. de Man de ses observations. Je compte, à la session prochaine, proposer un changement à notre règlement intérieur, ayant pour objet la création d'une commission permanente des travaux publics. Je crois que c'est réellement nécessaire. La chambre, augmentée de 13 membres, aura plus de facilité à en trouver qui veuillent s'occuper de cette partie si essentielle pour les intérêts du pays.

Si l'honorable M. de Man se ralliait à ma proposition, le renvoi de la sienne aux sections deviendrait inutile.

La commission permanente des travaux publics pourrait s'occuper des besoins, quant au matériel et au renouvellement des rails. Il serait inutile d'en entretenir constamment la chambre.

Il y a six mois qu'un de mes collègues et moi avons demandé une augmentation du matériel pour le transport des marchandises. (Erratum, p. 1601) Je conçois que si le gouvernement avait dû demander quatre cents waggons et un crédit d'un million, il aurait pu hésiter..

Mais un transfert ne coûtait rien, et l'on aurait pu le proposer, aussi bien en novembre qu'en mars. Sous ce rapport, M. le ministre des travaux publics a été fort en retard, et il a nui à l'intérêt public. Je le prie de veiller à ce qu'il soit pourvu aux besoins du transport des marchandises qui augmente nécessairement, et qui a produit, en janvier et février dernier, 600,000 francs de plus qu'en 1846. Je suis persuadé qu'avec un matériel suffisant, nous aurions un transit considérable vers l'Allemagne. Les Allemands préfèrent notre pays à la Hollande pour ce transit ; mais l'insuffisance du matériel les éloigne.

L'honorable M. d'Hoffschmidt, qui doit connaître la situation des travaux publics, a évalué à 15 millions la somme nécessaire pour l'achèvement des stations, le renouvellement des rails et le matériel. Je sais que la situation actuelle du trésor ne permet pas de faire maintenant cette dépense. Mais l'an prochain, de l'aveu de M. le ministre même, un emprunt sera indispensable. Je demande qu'il comprenne les 15 millions dont je viens de parler.

Il faut un matériel convenable pour les voyageurs et surtout pour les marchandises ; c'est dans l'intérêt de la richesse du pays, c'est le but du chemin de fer conçu, comme le prouve la discussion de 1834, pour relier l'Escaut au Rhin.

Soyez sûr que vous retireriez un intérêt usuraire des fonds que vous affecteriez à de telles dépenses.

L'achèvement des stations n'est pas moins nécessaire ; en effet, la station de Bruxelles n'est pas achevée, et les stations de Liège, Gand et Anvers sont des cloaques où les marchandises se détériorent quand le temps est mauvais. C'est un sujet de plaintes continuelles. Quant au renouvellement des rails, les plus économes même voteraient les fonds nécessaires pour cette dépense, car la sécurité du chemin de fer avant tout. Mais (page 1587) ici, encore, M. le ministre des travaux publics n'a pas dit toute sa pensée.

Il ne demande que les 2,200 tonneaux de rails, adjugés il y a peu de temps à 30 fr. de moins que la première adjudication, sur notre observation qu'il ne fallait plus payer les entrepreneurs à un an de date ; car on payait ce retard 10 p. c. Mais, si je suis bien informé, il faudrait six ou sept mille tonneaux de rails pour le renouvellement de la voie. M. le ministre devra nous faire l'an prochain une demande dans ce but.

Je crains que la demande qu'il nous a faite des fonds nécessaires pour l’achat de 400 waggons ne soit à peu près illusoire, et n’augmente en définitive le matériel que de 100 waggons ; car, si je suis bien informé, il y en a 300 qui sont en si mauvais état qu’ils devront être mis hors de service.

Je désire que M. le ministre des travaux publics se concerte avec son collègue des affaires étrangères, pour que, par les bons soins de notre agent consulaire, nos waggons ne restent plus sans emploi à Cologne, pour qu'on s'empresse de les charger ou de les décharger, et de nous les expédier.

Je crois qu'il y aura, au premier jour, à Cologne, une réunion des actionnaires du chemin de fer rhénan. Ce chemin de fer laisse beaucoup à désirer ; car la seconde voie ne se fait pas ; avec nos 4 mille actions, nous pourrions, je crois, faire pencher la balance en notre faveur et faire achever la seconde voie. J'engage le gouvernement à utiliser nos actions, à faire en sorte que nous soyons bien représentés et que nous puissions avoir un mot à dire dans la réunion qui doit avoir lieu.

Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics nous a souvent entretenus, pendant cette discussion, de la loi de comptabilité. Cette loi oblige M. le ministre à remettre non seulement à son ministère, mais aussi à la cour des comptes, un inventaire exact du matériel du chemin de fer. Je sais bien que la loi de comptabilité laisse au gouvernement la faculté de différer tout ou partie de son exécution jusqu'au 1er janvier prochain ; mais cette époque est assez rapprochée pour qu'il me soit permis de demander à M. le ministre des travaux publics de faire faire cet inventaire dans le courant de l'année. Je désirerais qu'il fût fait de manière qu'il y eut les rubriques suivantes : en bon état, en réparation, au rebut. Alors nous pourrons réellement nous assurer à la cour des comptes du matériel que nous possédons. Je demande donc que M. le ministre s'engage positivement à faire cet inventaire pour qu'avant l'examen du budget prochain, nous puissions en prendre connaissance.

Messieurs, beaucoup d'entrepreneurs se plaignent de ce que le gouvernement paye très mal les ouvrages achetés, de ce que des ouvrages qui, d'après le cahier des charges, devraient être achevés, ne le sont pas. Je pense, messieurs, que le gouvernement ayant les fonds nécessaires pour solder les travaux exécutés, il doit le faire.

Je demanderai s'il est vrai que la somme que nous avions votée pour la fête qui a été donnée au mois de juin dernier pour l'inauguration du chemin de fer belge-français, n'a pas été suffisante, et que plusieurs fournisseurs ne sont pas encore payés. Je crois que le gouvernement eut dû se restreindre à la dépense que nous avons votée ; et j'espère que les bruits qui ont circulé ne sont pas fondés. Il serait fâcheux que des fournisseurs eussent dû attendre près d'un an sans être payés.

M. Lange. - Messieurs, d'après la loi du 19 juillet 1832 (article 4), concernant les concessions de péages, aucune concession ne peut avoir lieu que par voie d'adjudication publique et au rabais.

Les arrêtés royaux des 26 août 1832 (article 4) et 29 novembre 1836 (article 20) renouvellent cette disposition. Ils statuent en outre (article 6 de l'arrêté de 1832 et 22 de l'arrêté de 1836 : « Si, dans cette adjudication, les rabais offerts n'atteignent pas 5 p. c. du montant des péages ou le 20ème de la durée de la concession, le demandeur en concession sera déclaré adjudicataire, il sera évincé si les rabais atteignent ce taux.

« Le demandeur évincé, s'il est l'auteur du projet, aura droit à une indemnité à charge de l'adjudicataire (article 7 de l'arrêté de 1832 et 22 de l'arrêté de 1836.) »

Aujourd'hui que le gouvernement a concédé des chemins de fer sans adjudication, mais en vertu d'une loi, il a toujours été stipulé dans les cahiers des charges que les concessionnaires prennent à eux toutes les indemnités qui peuvent être dues aux auteurs des projets, et le prédécesseur de M. le ministre actuel des travaux publics a proclamé dans cette enceinte et au sénat : « Dans toutes ces questions, le gouvernement regardera comme un devoir de protéger les intérêts des Belges, auteurs des projets, dans les négociations avec les compagnies concessionnaires. »

Je demanderai en conséquence à M. le ministre à quel point en est la réclamation des frères Vander Elst, auteurs des projets du chemin de fer de Jurbise à Tournay, concédé à la compagnie Mackensie ; et de celui de Manage à Mons, concédé à la compagnie Spottiswood.

Puisque j'ai la parole, j'attirerai encore l'attention de M. le ministre des travaux publics sur un autre objet. Le moment n'est pas éloigné, je crois, où l'on modifiera les heures de départ du chemin de fer. D'après le tableau actuel, le premier convoi partant de Mons pour Bruxelles à 7 heures 5 minutes du matin, et le premier convoi parlant de Bruxelles pour Mons à 8 heures sont dépourvus de waggons II en est de même du dernier convoi partant de Bruxelles pour Mons à 6 heures 15 minutes et du dernier convoi parlant de Mons pour Bruxelles à 6 heures 40 minutes. Cette mesure est extrêmement défavorable à l'artisan, à l'ouvrier, à l'employé subalterne auxquels leurs ressources pécuniaires ne permettent pas de payer le prix d'un diligence ou d'un char à bancs, et qui pour avoir le temps de terminer leurs affaires, désireraient partir de Mons pour Bruxelles ou de Bruxelles pour Mons par le premier convoi et rentrer dans leurs foyers par le dernier convoi. J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cette observation qui est toute dans l'intérêt de la classe peu aisée de la société.

- La chambre décide qu'elle se réunira demain à 10 heures.

La séance est levée à 4 heures et demie.