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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 1 février 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 667) M. Huveners procède à l'appel nominal à 2 heures.

- La séance est ouverte.

M. Van Cutsem donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« L'administration communale de Bras prie la chambre de rejeter le projet de loi sur le défrichement des bruyères. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Le notaire Evit, président de la commission des notaires cantonaux et de la chambre des notaires de Termonde, prie la chambre de discuter, pendant la session actuelle, le projet de loi sur le notariat, et présente un mémoire sur la nécessité d'accorder aux notaires le droit exclusif de procéder aux ventes de biens immeubles. »

(page 668) - Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le conseil communal d'Ath demande que les arrondissements d'Ath et de Soignies alternent pour la nomination du troisième représentant que le gouvernement propose d'accorder à l'arrondissement de Soignies. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la répartition des représentants et des sénateurs.


« La chambre de commerce de Liège présente des observations contre le projet d'établir une société d'exportation des produits liniers. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la formation d'une société d'exportation.


« Le sieur Clément demande le remboursement de la retenue qui a été opérée sur son traitement de capitaine de première classe. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Swevezeele demandent une loi qui permette le défrichement des terrains incultes, dits Vry-geweyd. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le défrichement des bruyères..

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Henot. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer différents rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire, et un rapport sur une demande en grande naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

M. Henot. - Messieurs, les rapports en naturalisation ordinaire que je viens de déposer concernent tous des demandes faites par des capitaines et par des seconds de navire au long cours.

L'article 8 de la loi du 21 juillet 1844 a décidé que ces individus seraient exempts du droit d'enregistrement sur les naturalisations, pourvu qu'ils obtinssent l'indigénat endéans les trois ans de la promulgation de cette loi. Ce terme sera écoulé au mois de juin prochain. Il est donc urgent que la chambre s'occupe des demandes sur lesquelles je viens de faire rapport. Sans cela, la faveur que la loi sur les droits différentiels a voulu accorder à ces personnes serait illusoire.

Je propose donc, messieurs, de mettre le vote sur la prise en considération des demandes en naturalisation faites par les capitaines au long cours, à la suite des objets qui se trouvent déjà à l'ordre du jour.

M. Osy. - Je proposerai de fixer le vote sur la prise en considération de ces demandes au lundi qui suivra le vote sur le budget de la guerre. Il faut que le sénat s'occupe aussi de ces demandes, et si nous retardions trop longtemps notre vote, peut-être les lois accordant les naturalisations ne pourraient-elles être votées dans cette session.

- La proposition de M. Osy est adoptée.

M. de Garcia. - Je demanderai que la chambre veuille bien s'occuper le même jour d'un autre feuilleton comprenant diverses demandes sur lesquelles il nous a déjà été fait rapport. Comme la chambre vote simultanément sur plusieurs feuilletons, on gagnerait ainsi du temps.

M. Henot. - J'appuie la proposition de l'honorable M. de Garcia. Le feuilleton dont il parle contient aussi 7 ou 8 noms de capitaines au long cours.

- La proposition de M.de Garcia est adoptée.

Tirage au sort des membres sortants du jury d'examen universitaire

Le sort désigne comme devant sortir, les membres suivants :

Doctorat en droit : Membre titulaire. M. Delcour, professeur à l'université de Louvain. Membre suppléant. M. Schollaert, professeur à la même université.

Candidature en droit : Membre titulaire. M. De Kemmeter, professeur à l'université de Gand. Membre suppléant. M. De Rote, professeur à la même université.

Doctorat en médecine : Membre titulaire. M. Hubert, professeur à l'université de Louvain. Membre suppléant. M. Haan, professeur à l'université de Louvain.

Candidature en médecine : Membre titulaire. M. Lebeau, professeur à l'université de Bruxelles. Membre suppléant. M. de Roubaix, professeur à l'université de Bruxelles.

Sciences : Membre titulaire. M. Cantraine, professeur à l'université de Gand. Membre suppléant. M. Leschevin, agrégé à l'université de Gand.

Philosophie et lettres : Membre titulaire. M. Burggraaf, professeur à l'université de Liège. Membre suppléant. M. Loomans, agrégé à l'université de Liège.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1847

Discussion générale

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, dans la séance de samedi dernier un amendement, indiqué par l'honorable M. de Brouckere, présenté par l’honorable M. Osy, et tendant à diminuer l'effectif de l’armée d'un dixième pendant l'exercice de 1847, a été déposé sur le bureau de la chambre. Avant que vous en veniez à la discussion de cet amendement, je demanderai, au risque de me répéter, à présenter encore quelques considérations sur la nécessité impérieuse de maintenir l'effectif actuel, effectif implicitement admis par la chambre en 1845 et maintenu par elle jusqu'aujourd'hui.

Messieurs, l'effectif dépend d'abord des hommes à appeler chaque année sous les armes pour y recevoir l'instruction nécessaire. Vous savez que 2 classes sur 8 n'ont pas pu jusqu'à présent recevoir cette instruction. Une nouvelle modification à apporter à la loi de milice, modification qui est soumise en ce moment aux délibérations des sections de la chambre, viendra parer à cet inconvénient, et à l'avenir les 8 classes de la milice qui doivent former le contingent de guerre de l'armée, seront instruites. Mais au moment où j'ai l'honneur d'entretenir la chambre de cet objet, nous avons deux classes qui ne le sont pas. C'est une première nécessité qui sera reconnue, j'espère, de tous les membres de la chambre, et qui portera sans doute l'assemblée à ne diminuer en rien le nombre des miliciens qui seront appelés cette année sous les armes.

Messieurs, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de l'annoncer dans les séances précédentes, il me sera possible d'effectuer une certaine réduction sur les dépenses portées au budget ; pour peu que la situation reste ce qu'elle est aujourd'hui, on pourra appeler les miliciens plus tard que d'habitude, et les renvoyer dans leurs foyers le plus tôt possible, c'est-à-dire lorsque leur instruction sera, non pas complète (on ne fait pas l'instruction du soldat en si peu de temps), mais un peu dégrossie, permettez-moi l'expression.

De ce chef, j'espère, d'après mes calculs, pouvoir opérer une réduction de 150,000 francs.

Un second élément de l'effectif, ce sont les hommes que l'on maintient toute l'année sous les drapeaux. J'ai déjà cherché à démontrer qu'il était impossible d'en réduire le nombre. Nos compagnies d'infanterie surtout sont d'un effectif tellement faible qu'elles suffisent à peine au service qu'on est en droit d'exiger d'elles. J'expliquerai tout à l'heure à la chambre, en décomposant cet effectif, que nous sommes à la dernière limite, et que le réduire encore d'un dixième, c'est nous mettre dans l'impossibilité d'assurer le service et d'avoir dans les cadres les hommes nécessaires pour l'instruction des recrues.

Je ne parlerai pas de la réduction d'un dixième sur la cavalerie et l'artillerie, car, en aucun cas, je ne pourrais m'y rallier. Ces armes ne sont pas trop fortes. Si on peut leur faire un reproche, c'est d'avoir un effectif trop faible ; mais enfin dans l'état où ces armes se trouvent, il est indispensable de les maintenir, et je ne pourrai consentir à une réduction quelconque.

Je joindrai également les tableaux décomposant un escadron de cavalerie, ainsi qu'une batterie d'artillerie ; et par l'examen de ces tableaux, on pourra se convaincre que l'effectif est réduit aux dernières limites. D'ailleurs, il est universellement reconnu que ces armes ont besoin de beaucoup de temps pour leur instruction, et qu'une fois désorganisées, on ne parvient pas facilement à les remettre sur un pied respectable.

L'honorable M. Rogier s'est particulièrement appuyé, dans la séance de samedi, sur sa ferme volonté de maintenir l'intégrité des cadres. Messieurs, c'est sans doute le premier élément de la bonne constitution d'une armée que d'avoir un cadre suffisant et bien fourni en officiers et sous-officiers ; mais qu'il me soit permis d'en appeler à d'anciens souvenirs et de citer un exemple qui prouvera à la chambre qu'il peut arriver que le meilleur cadre ne suffise pas dans certaines circonstances, quand il n'a pas, comme partie constituante, des soldats exercés pour le seconder dans l'instruction des miliciens. Un cadre, quelque bon qu'il soit, ne suffit pas ; il faut qu'avec lui marchent des soldats exercés et en nombre suffisant.

Au commencement de 1809, l'empereur décréta l'organisation des deux premiers régiments de la jeune garde. On prit dans le dépôt des conscrits de la garde, à Versailles, deux mille hommes pour former chacun de ces régiments. Ce dépôt était composé de dix mille hommes tirés de toutes les conscriptions de l'empire, hommes de choix et sachant presque tous lire et écrire ; quelques-uns étaient d'anciens soldats, quelques-uns avaient été tirés des gardes départementales. On forma les cadres des deux régiments d'officiers de la vieille garde ; les sous-officiers et les caporaux sortaient également de la garde

Il n'y avait dans le cadre que huit jeunes officiers (j'étais du nombre) sortis de l'école militaire quelques mois auparavant. Ces régiments, dans lesquels le dernier caporal avait au moins quatre campagnes, partirent pour l'Allemagne. Arrivés à Metz on fut obligé de nous arrêter parce que nos jeunes soldats, malgré l'instruction qu'ils avaient reçue à Versailles, ne présentaient pas la consistance nécessaire pour entrer en ligne ; nous restâmes trois semaines ou un mois à Metz et nous entrâmes en ligne dans l'Ile de Loban quelques jours avant la bataille de Wagram. Si, au lieu de composer nos compagnies avec d'excellents cadres, et des conscrits, on avait pris un noyau d'anciens soldats, cela ne serait pas arrivé.

La preuve, c'est que depuis cette campagne le régiment, qui chaque année perdait cependant la moitié environ de son monde, a continué à se maintenir au moyen des nouvelles recrues qui, amalgamées aux vieux soldats, permettaient de le tenir en campagne sans interruption. Partis de Paris au nombre de 2,400 hommes, nous y étions revenus en décembre 1809 avec un effectif de 780 dont environ 600 soldats ; eh bien, ce noyau a suffi ; depuis, jamais le régiment n’a cessé de faire la guerre jusqu'à l'abdication de l'empereur.

Voilà une preuve entre mille de la nécessité d'avoir, à côté d'un bon cadre de compagnie, des soldats exercés.

Une autre condition qui doit porter à maintenir un nombre suffisant de soldats sous les armes, c'est que pour qu'un cadre reste bon, il faut qu'il soit exercé lui-même, pour cela il faut qu'il ait assez de monde pour faire l'exercice, faire le service des gardes et de garnison ; sans cela, un cadre, quelque bon qu'il soit, doit peu à peu se réduire à rien.

(page 669) J'ai dit que j'aurais l'honneur d'exposer à la chambre comment il était impossible d'en venir à l'exécution de l'amendement de M. Osy.

A cet effet, il me suffira de communiquer à la chambre les tableaux que j'ai ici sous les yeux :

Dans les douze régiments d'infanterie et les 2ème et 3ème chasseurs à pied, la force de la compagnie est de 50 hommes.

En déduisant le cadre composé de 6 sous-officiers, 6 caporaux, 6 tambours, il reste 36 soldats.

Ces corps ont en ce moment aux hôpitaux, 472 hommes, en jugement, 82. Soit par compagnie, 3

Malades au quartier, 2 ; cuisiniers, 1 ; ordonnances des officiers montés et ouvriers cordonniers et tailleurs, 1 ; prisons, cachots et école régimentaire, 1 ; en petite permission et recrues volontaires non instruites, soit 11.

Reste 25 hommes.

Ce dernier chiffre comprend en outre les hommes proposés pour la réforme, la pension, la compagnie de discipline, etc.

Reste donc 25 hommes. Voulez-vous que je supprime le dernier chiffre ? Mettez 28, si vous voulez. Je vous le demande, avec 28 soldats et un cadre de 16 hommes, non compris les 3 officiers, pouvons-nous diminuer d'un dixième ? Que resterait-il ?

Quant à moi, je ne répondrais pas de faire mouvoir, d'une manière utile, l'infanterie avec un effectif réduit davantage.

En France, lors de la discussion du budget de 1843, on a voulu également réduire l'effectif de l'armée ; on a proposé de diminuer l'infanterie de 14,000 hommes ; car on se serait bien gardé de toucher à l'effectif soit de la cavalerie, soit de l'artillerie.

Ces compagnies qu'on voulait réduire étaient de 63 hommes, 83 hommes y compris les cadres. Jamais le maréchal Soult n'a voulu consentir à une réduction. A quoi serait-on arrivé ? A n'avoir que 47 hommes sous les armes. Le maréchal Soult, qui est une autorité des plus respectables sous le rapport militaire, a dit qu'avec un effectif ainsi réduit, il était impossible de continuer à l'infanterie la consistance nécessaire.

Plusieurs membres de la chambre française se sont bornés à citer ce chiffre, et ils se sont arrêtés, disant que ce chiffre disait tout. C'était un chiffre de 47 hommes. Nous n'en avons que 27.

Indépendamment de ce que j'ai dit d'une manière générale sur l'effectif de la cavalerie et de l'artillerie, je crois utile de soumettre aussi à la chambre le tableau de la réduction de l'effectif au dixième pour ces deux armées.

Dans les cinq régiments de cavalerie à six escadrons, la force de l'escadron est de (pour 100 chevaux) 112 hommes. En déduisant le cadre composé de 8 sous-officiers, 12 brigadiers, 3 trompettes, 2 maréchaux ferrants, il reste en cavaliers, 87 hommes.

Ces corps ont en ce moment aux hôpitaux 135 hommes, en jugement, 10. Soit par escadron, 5

Recrues appelées récemment sous les armes et non instruites 17, malades au quartier 4, cuisiniers 2, ordonnances des officiers, ouvriers tailleurs, selliers, etc. 9, prison et cachot 1, école régimentaire 1, détachés au cours d'équitation 1, en petite permission, 3 ?

Reste 44 hommes.

Dans ce chiffre sont compris les hommes proposés pour la réforme, la pension et pour la compagnie de discipline.

Il résulte de ce qui précède que, dans le moment actuel, chaque cavalier a plus de deux chevaux à soigner.

Le service intérieur des corps et la garde des écuries absorbent un nombre d'autant plus considérable d'hommes, qu'un régiment peut à peine fournir dix cavaliers par jour pour le service de garnison.

1° L'effectif d'une batterie à cheval est de (Pour 70 chevaux de selle et 40 de trait.) 120 hommes. En déduisant le cadre composé de 11 sous-officiers, 12 brigadiers, 3 trompettes, 2 maréchaux ferrants, il reste en canonniers, 92 hommes.

Les quatre batteries ont en ce moment 31 hommes aux hôpitaux, 5 en jugement. Soit par batterie, 9.

Recrues appelées récemment sous les armes et non instruites 28, malades au quartier 4, cuisiniers 2, ordonnances des officiers, ouvriers tailleurs, selliers, etc. 9, prison et cachot 1, école régimentaire 1, en petite permission, 3.

Reste 35 hommes.

Dans ce nombre sont compris les hommes proposés pour la réforme, la pension, la compagnie de discipline, etc.

Il résulte des calculs ci-dessus que, actuellement, chaque homme a près de 3 chevaux à soigner ; aussi ces batteries ne fournissent-elles aucun homme pour le service de garnison ni pour les travaux dans les arsenaux.

2° L'effectif d'une batterie montée est de 80 hommes (Plus 40 chevaux.). A déduire le cadre : 10 sous-officiers, 8 brigadiers, 2 trompettes, 4 maréchaux ferrants.

Reste, 56 hommes.

Les 15 batteries montées comptent aux hôpitaux 38 hommes, en jugement 9. Soit par batterie, 3.

Les recrues appelées récemment sous les armes et non instruites 22, malades au quartier 2, cuisiniers 1, ordonnances des officiers montés, ouvriers tailleurs etc. 6, prison, cachot et école régimentaire 2, en petite permission 2.

Reste 18 hommes.

Dans ce nombre sont compris les hommes proposés pour la réforme, la pension, etc.

Ces batteries ne peuvent concourir au service de garnison et ne fournissent qu'un très petit nombre d'hommes pour le service des magasins.

3° L'effectif d'une batterie de siège est de 82 hommes.

Cadre à déduire : 8 sous-officiers, 8 brigadiers, 2 trompettes, 3 ouvriers charrons, etc.,

Reste 61 hommes.

Les 24 batteries de siège comptent aux hôpitaux 46 hommes, en jugement, 8. Soit par batterie, 2

Les recrues appelées récemment sous les armes et non instruites 22, malades au quartier 2, cuisinier 1, ordonnances des officiers, ouvriers tailleurs, cordonniers, etc. 6, prison, cachot et école régimentaire 2, en petite permission, et détachés à l'école de pyrotechnie 3.

Reste 23 hommes.

(page 670) Dans ce nombre sont compris les hommes proposés pour la réforme, la pension, la compagnie de discipline, etc.

Les batteries de siège ne fournissent qu'un très petit nombre d'hommes pour le service de garnison. En maintes circonstances, leur effectif est insuffisant : c'est ainsi que tout récemment, à Anvers, on a été obligé d'employer des hommes appartenant à l'infanterie, à la confection de cartouches.

L'effectif de notre armée, sur le pied de paix, est presque partout inférieur à celui des autres armées. L'effectif de paix forme en Belgique, le 1/139 de la population.

En France, le 1/97

Aux Pays-Bas, le 1/120

En Sardaigne, le 1/121

En Bavière, le 1/190

En Prusse, le 1/124

En Autriche, le 1/100

En Russie, le 1/93

Au Portugal, le 1/111

En Espagne, le 1/93

Au Hanovre, le 1/88.

Ainsi, la Bavière seule a un effectif de paix proportionnément moindre que la Belgique.

La Bavière n'est pas dans la même situation topographique et politique que nous, il est inutile de le faire remarquer.

D'ailleurs, l'armée n'est pas absolument destinée à rester dans ses garnisons. Il faut qu'elle puisse, à un moment donné, se porter, en force suffisante où le besoin l'exige. Nous sommes dans un état de tranquillité qui se maintiendra, il faut l'espérer. Mais on doit prévoir toutes les éventualités. Si l'on veut maintenir une armée, il faut qu'elle soit sur un pied respectable.

Dans la dernière séance de la chambre, on a insisté sur ce point que la réduction proposée ne serait que temporaire. Ne fût-elle que temporaire, je la considérerais encore comme extrêmement fâcheuse, extrêmement nuisible ; car pendant la durée de cette réduction temporaire, le moral de l'armée souffrirait.

Le moral de l'armée est, j'ose le dire, excellent. L'armée est bonne ; elle est dévouée. Il faut la maintenir dans cette situation morale. Il faut qu'elle sache que le pays a toujours les yeux sur elle, que le pays s'intéresse toujours à elle, est prêt à faire tous les sacrifices pour la conserver sur un pied respectable. Vous l'avez satisfaite, messieurs, par la loi d'organisation de 1845 ; ne changez rien à cet état de choses ; maintenez l'effectif tel qu'il a été arrêté.

On a dit que la situation malheureuse dans laquelle on se trouvait sous le rapport de la cherté des subsistances, demandait des sacrifices de tous genres, et l'on s'est appuyé en partie sur ces circonstances pour demander une diminution dans l'effectif.

Messieurs, ces circonstances malheureuses peuvent se maintenir ; et alors la réduction temporaire se prolongerait. Ces circonstances peuvent même devenir plus mauvaises encore. Faudrait-il de nouveau réduire l'effectif ? Faut-il que l'effectif dépende de la cherté des céréales ? Je ne le crois pas, je crois qu'il faut maintenir un effectif raisonnable et subir les conséquences des calamités qui peuvent nous survenir.

J'ai fait, messieurs, un relevé de la cherté des vivres dans deux ou trois époques différentes, et je me suis demandé ce que deviendrait l'armée, si l'on devait, chaque fois que la cherté des subsistances devient un véritable fardeau pour le pays et le trésor, réduire en proportion l'effectif de nos troupes.

Messieurs, en 1817, la moyenne du prix du froment a été de 35 fr. Aujourd'hui, le froment est à 28 fr. 30. Eh bien ! si nous avions le malheur d'arriver à une sorte de disette, à des nécessités telles qu'en 1817, et si le froment arrivait au prix de 35 fr., mais il faudrait donc en quelque sorte ne plus avoir d'infanterie.

D'un autre côté, permettez-moi de vous rappeler que lorsque vous avez fixé un effectif à peu près satisfaisant, le froment ne coûtait que 19 fr. 22.

Vous voyez donc bien que ce n'est pas là l'élément convenable pour déterminer la force de l'effectif de l'armée.

Je n'hésite pas à dire qu'il faut à tout prix maintenir un effectif raisonnable ; qu'il est une certaine limite qu'on ne peut franchir ; qu'il est des sacrifices que toute nation qui tient à son indépendance doit savoir s'imposer.

Je me résume, messieurs. J'ai déjà peut-être été trop long. Mais je défends une cause qui a toutes mes convictions. Je vous prie, avec instance, au nom de l'armée, de maintenir l'effectif de l'infanterie. J'ai cité tout à l'heure l'illustre maréchal Soult, lorsqu'en 1843, on voulait obtenir de lui une réduction de l'effectif ; il a dit alors que ce serait raccourcir l'épée de la France. Eh bien ! n'oublions pas que la nôtre n'est pas trop longue.

M. Rogier. - Messieurs, les sentiments que M. le ministre de la guerre vient d’exprimer, je les partage à tous égards. Dans toutes les discussions relatives à l'armée et au budget de la guerre, j'ai professé absolument les mêmes principes, j'ai témoigné les mêmes sympathies que M. le ministre de la guerre.

Il m'est donc très pénible d'avoir en quelque sorte à continuer la lutte, alors que je m'adresse à un ministre dont tous les principes sont les miens et pour lequel, je dois le dire, j'ai des sympathies particulières.

M. le ministre de la guerre sait très bien qu'il n'y a rien qui puisse ressembler, de près ou de loin, à une querelle de personnes dans les observations que j'ai présentées. Il est possible, messieurs, que dans la forme il y ait eu quelque vivacité ; mais enfin M. le ministre de la guerre est persuadé que dans mes observations rien au fond ne lui était personnel. Il connaît les sentiments que je lui porte depuis longtemps.

M. le ministre de la guerre est beaucoup plus près de notre opinion qu'il ne le dit lui-même. Nous n'avons pas demandé à M. le ministre de la guerre de réduire d'une manière définitive l'effectif de l'armée ; mais nous lui avons demandé, si, à défaut d'autres moyens, il ne serait pas possible de retenir pendant moins longtemps les hommes sous les armes. M. le ministre de la guerre dit que son intention est de le faire. Je crois même qu'il a donné à entendre qu'il prendrait l'initiative de quelques réductions qu'il jugeait compatibles avec le bien du service. Eh bien ! quand nous en serons arrivés à l'examen des articles, il est possible que nous parvenions à nous entendre entièrement avec M. le ministre de la guerre.

Messieurs, le sentiment qui me domine dans cette discussion est précisément le même qui me dominait dans les discussions antérieures, et notamment dans la discussion de 1843 sous le général de Liem. A cette époque, j'exprimais mes regrets que la situation financière du pays pesât d'une manière défavorable sur les sentiments de la chambre. J'ai regretté que notre situation financière fût telle que, dans des vues d'économie indiquées par les circonstances, la chambre ne se montrât pas alors aussi bien disposée pour l'année qu'elle aurait pu l'être, si la situation financière avait été meilleure.

Cette opinion, messieurs, je l'ai exprimée en 1843, il est inutile de reproduire ici ce que j'ai dit alors. Mais enfin je me suis exprimé d'une manière très catégorique.

J'ai même été, lors du vote sur la demande des centimes additionnels, jusqu'à m'abstenir, alors que la chambre en masse votait contre cette demande. L'honorable comte de Mérode et moi nous nous sommes abstenus en disant que la situation du trésor public paraissait exiger des ressources nouvelles. Toute la chambre vota alors contre les centimes additionnels ; les quatre ministres seuls votèrent pour ; et dans la discussion du budget des voies et moyens, déjà en vue du budget de la guerre, j'exprimai le regret que le gouvernement ne se fût pas mieux mis en mesure d'établir le trésor public sur de bonnes bases, de renforcer ses ressources de telle manière que la pénurie du trésor n'exerçât pas sur les lois relatives à l'armée une influence fâcheuse.

Messieurs, les circonstances de 1843 sont-elles changées en 1847 ? Les préoccupations d'alors doivent-elles avoir disparu ?

Non, messieurs, les circonstances pèsent encore plus fortement aujourd'hui sur nos délibérations qu'elles ne devaient le faire alors, car il me sera facile de démontrer que la situation financière, loin d'être améliorée, est moins bonne peut-être encore qu'en 1843. Si la situation financière avait été bonne, je le déclare tout de suite, je n'aurais probablement pas soumis à la chambre les observations que j'ai été forcé de présenter.

En 1843 (et c'est là l'espèce de reproche que l'honorable M. Brabant m'a adressé), en 1843, la situation financière, dit-on, était mauvaise, et cependant nous votâmes le chiffre demandé par le général de Liem, sans avoir égard à la situation financière. En effet, messieurs, en 1843, l'équilibre n'avait pu se rétablir entre les recettes et les dépenses que par une émission de bons du trésor, de 21 millions de francs ; mais aujourd'hui ce n'est pas une émission de 21 millions de fr. de bons du trésor devant laquelle nous nous trouvons, ce sera, si toutes les dépenses proposées sont votées, ce sera devant une émission de bons du trésor de 30 millions de francs, au minimum, à moins qu'on ne crée d'autres ressources. Aux dépenses nouvelles déjà proposées viendront nécessairement se joindre d'autres demandes encore. Je ne pense pas que M. le ministre des finances puisse contester cette éventualité. Nous sommes déjà très près des 30 millions, si toutes les dépenses demandées sont votées. Et cependant, messieurs, depuis 1843, toutes les ressources du trésor, provenant des impôts ou d'autres revenus, ont toujours été croissantes. Voilà la position bizarre où se trouve le pays : augmentation successive des ressources et accroissement du déficit. Si nous comparons les budgets de 1843 et de 1847, voici les résultats généraux que nous rencontrons :

Foncier : 1847 : 18,359,000 ; 1843 : 17,749,000. Accroissement : 610,000 fr.

Personnel : 1847 : 9,149,000, 1847 : 8,500,000. Accroissement : 649,000 fr.

Patentes : 1847 : 3,003,000 ; 1843 : 2,876,000. Accroissement : 127,000 fr.

Douanes : 1847 : 11,397,000 ; 1843 : 10,634,000. Accroissement : 763,000 fr.

Accises : 1847 : 20,006,000 ; 1843 : 19,255,000. Accroissement : 751,000 fr.

Postes : 1847 : 3,575,000 ; 1843 : 3,220,000. Accroissement : 355,000 fr.

Chemin de fer (excédant des recettes sur les dépenses) : 1847 : 5,346,000 ; 1843 : 3,594,000. Accroissement : 1,752,000 fr.

Toutes ces augmentations réunies ont pour résultat un accroissement pur le trésor public de 5,007,000 fr. Cependant nous ne sommes pas plus avancés ; au contraire nous sommes obligés d'émettre plus de bons du trésor qu'en 18430

(page 671) Ajoutons qu'en présence de rentrées certaines, on aurait pu voter, en 1843, les sommes demandées pour le département de la guerre, alors qu'on ne les voterait pas, en 1847, année où les mêmes ressources ne se présentent pas.

En 1843, la fin de nos différends avec la Hollande est arrivée. Il y a eu une liquidation définitive qui a fait rentrer des sommes au trésor de l'Etat, et a amélioré sensiblement la situation financière.

Ainsi par la conversion du 5 en 4 1/2 p c., et par le mode de remboursement appliqué par la Belgique au compte de la Hollande, notre dette publique a été diminuée de 1,291,147, somme consignée dans le rapport de l'honorable M. Mercier sur les opérations de la conversion. Il y a eu donc à payer, en moins, une somme de 1,291,147.

Notre situation financière s'est trouvée améliorée de cette somme.

Ce n'est pas tout : la banque a remboursé en 1843 et 1844 les avances qui lui avaient été faites par le gouvernement des Pays-Bas. Ayant liquidé d'avance, elle a payé à la Belgique et à la Hollande des sommes qu'elle ne devait rembourser qu'en 1849.

De ce chef, la banque nous a payé : d'abord, 2,500,000 fl., indépendamment de la rétrocession de la forêt de Soignes, puis 2,400,000 fl. Ces millions ont été absorbés par les dépenses.

M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est une erreur !

M. Rogier. - Ces millions ont été payés par la banque.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Ils ont été payés au roi Guillaume, d'après la convention.

M. Rogier. - Pardon ! 2,500,000 florins furent payés au roi de Hollande, en déduction de tous les droits, avances et créances que le gouvernement des Pays-Bas avait en Belgique, pour travaux exécutés sur le territoire belge ; mais cette somme n'était pas comprise dans les 4,900,000 fl. ; elle n'entra pas dans les caisses de l'Etat, et je n'en tiens pas compte.

Aux mêmes époques encore, dans la loi même de conversion, il fut décidé que 10 millions de dette flottante seraient consolidés ; cette consolidation a eu lieu ; la dette flottante a été diminuée d'autant ; eh bien, malgré toutes ces améliorations, nous nous trouvons encore en 1847 en présence d'un déficit de près de 30 millions de francs. Je vous le demande, messieurs, peut-on comparer les deux situations ?

C'est donc placé devant cette situation financière que nous avons dû présenter nos observations à l'occasion d'une nouvelle demande supplémentaire de 1,300,000 francs faite par M. le ministre de la guerre. Je ne parle pas des deux millions qui ont été demandés à l'ouverture de la session ; il y avait urgence ; personne n'aurait songé à contester la nécessité du crédit ; mais si un autre crédit avait été soumis à la chambre avant celui de la guerre, les observations que j'avais à faire sur la situation financière, je les aurais présentées et avec beaucoup moins de répugnance que je ne le fais en ce moment, alors qu'il s'agit d'une institution que j'ai toujours eu à cœur de défendre.

Je suis entièrement d'accord avec M. le ministre de la guerre. Si les réductions proposées devaient porter atteinte à l'institution même de l'armée, je les combattrais comme lui ; mais je ne crois pas que les moyens qui ont été indiqués soient de nature à exercer, sur l’institution de l'armée, cette fatale influence que M. le ministre de la guerre est venu signaler. Du reste, quand nous arriverons à la discussion des articles, c'est un point que l'on pourra approfondir.

M. le ministre de la guerre a fait, il est vrai, quelques réductions dans son budget. Mais ce que je regrette, c'est que ces réductions n'aient pas profité à l'armée elle-même. Si M. le ministre de la guerre avait fait ces réductions, pour améliorer, par exemple, le matériel, et entre autres le matériel de l'artillerie (si je suis bien informé, ce matériel est jusqu'à un certain point défectueux, suffisant), alors, messieurs, j'aurais applaudi à ces réductions, j'y aurais vu un nouvel avantage pour l'armée, j'y aurais vu une véritable amélioration. Mais je dois le dire, les réductions faites par M. le ministre de la guerre ne profilent pas à l'institution même de l'armée ; ce n'est qu'un transfert d'un article à l'autre.

Je trouve, dans l'exposé des motifs du budget de la guerre, une première réduction qui consiste à enlever aux grenadiers des douze régiments de ligne les trois centimes de solde supplémentaire qu'ils reçoivent au-delà de la solde des voltigeurs ; on les met sur le même pied que les voltigeurs ; on a pu avoir de bonnes raisons pour cette réduction, mais le budget n'en profite pas. Voici comment on a opéré :

Il y a environ 1,600 grenadiers de ligne ; la suppression de trois centimes, faite au détriment des grenadiers des douze régiments de ligne, profite à tous les hommes du régiment qui se trouve à Bruxelles en garnison permanente ; on enlève trois centimes aux grenadiers des régiments de ligne, mais on élève à six centimes la solde supplémentaire dont jouissent tous les hommes qui appartiennent au régiment d'élite. Je ne vois pas trop en quoi le budget de la guerre se trouve amélioré par là. (Interruption.)

On dit que les soldats du régiment d'élite ont beaucoup plus de dépenses à faire à Bruxelles ; que le service y est plus rigoureux et qu'ils usent plus leurs vêtements ; cela est possible, mais cette considération s'appliquerait, me semble-t-il, aux soldats des autres régiments en garnison à Bruxelles, ils ont les mêmes services à rendre, et cependant on ne leur donne pas ce supplément de solde.

Du reste, si cette observation est juste, elle serait peut-être plus applicable encore à messieurs les officiers qu'aux soldats, car les officiers qui sont en garnison permanente à Bruxelles, ont dans cette position des charges que n'ont pas les officiers des autres garnisons.

Ainsi donc, s'il est reconnu indispensable d'améliorer la solde des soldats d'élite, je crois que par là même, sous peine d'être inconséquent, il faudrait améliorer la solde des officiers.

Il y a une seconde observation ; et ici déjà l'on touche à ce que, dans mon opinion, on aurait dû respecter malgré la situation ; on touche indirectement à la solde du soldat. Sous ce rapport, je ne partage pas l'opinion de l'honorable M. Lebeau. Mon honorable ami a indiqué une réduction sur la solde du soldat comme une ressource éventuelle d'économies à opérer sur le budget de la guerre, il n'a pas dit toutefois qu'il fallait réduire la solde du soldat dès maintenant ; il a très bien compris que la cherté actuelle des vivres exerçait une influence fâcheuse sur le revenu du soldat, et que ce ne serait pas le moment de réduire ce léger revenu.

Eh bien, déjà on atteint indirectement la solde du soldat. Aujourd'hui, il y a pour masse d'habillement une première mise de fonds, faite par l'Etat, laquelle est de 50 fr. pour un cavalier et de 36 fr. pour un fantassin. Or, M. le ministre de la guerre retranche à cette première mise de fonds faite par l’Etat, savoir : 10 fr. par cavalier et 6 fr. par fantassin. Je sais que 6 ou 10 fr. ne sont pas une somme considérable.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - C'est pour les six années de service.

M. Rogier. - Mais enfin lorsque le soldat doit quitter le service ; s'il n'a pas éteint la dette qu'il avait au corps, il éprouve toute espèce de difficultés, et c'est beaucoup pour les familles auxquelles appartiennent les miliciens que 10 fr. d'une part et 6 fr. de l'autre.

Ainsi on a touché à la solde du soldat, non d'une, manière très forte, mais on y a touché légèrement ; et je ne vois pas qu'il en soit résulté une amélioration quelconque au budget de la guerre.

Il y a une autre augmentation dont je n'ai pas pu me rendre compte pour le régiment des guides, c'est une augmentation de deux centimes par homme pour l'entretien du colback. Autrefois le colback était fourni sur le chiffre : Harnachement et buffleterie ; à l'avenir, le soldat sera chargé de fournir le colback ; on lui donnera deux centimes de plus par jour ; mais je n'ai pas vu qu'on ait diminué le chiffre Harnachement et buffleterie. Je ne sais si c'est une augmentation indirecte de solde qu'on a voulu accorder aux soldats du régiment des guides. Si les circonstances exigent cette augmentation, puisqu'on l'a fait pour l'infanterie, je conçois qu'on le fasse pour la cavalerie, mais on devrait s'en expliquer franchement.

Je trouve une réduction de 102 mille francs provenant de l'extinction d'officiers au-dessus du complet fixé par la loi d'organisation ; mais encore une fois je ne vois pas à quel article du budget cette réduction a été favorable. Y a-t-il eu pour certains officiers de l'avancement ? Des officiers qui depuis longtemps occupent des grades de lieutenant et de sous-lieutenant ont-ils pu trouver là une occasion d'avancement, ou a-t-on amélioré quelques autres parties du budget ? Cela n'est pas expliqué.

Il y a encore différentes petites réductions, 8 mille francs sur la cavalerie, 5 mille francs sur l'artillerie, 5 mille francs sur des rations de généraux, etc.. ce sont des détails minutieux dans lesquels je ne veux pas entrer. Mais je maintiens mon observation générale.

En fait d'augmentation, la seule augmentation sérieuse, nécessitée par des besoins réels, serait celle à laquelle aurait donné lieu l'extension du corps de la gendarmerie, et qui figure pour 148 mille francs.

A cette occasion, je dois rectifier une erreur ; on a dit que l'augmentation de 1,300,000 fr. provenait en partie de l'augmentation de la gendarmerie, il n'en est rien, les 148,000 fr. demandés pour cet objet figuraient dans le projet primitif de budget présenté en 1846. Ainsi, ce n'est pas de ce chef qu'une partie des 1,300,000 fr. est demandée ; la gendarmerie est en dehors.

Il y a ensuite une demande de fonds pour 96 chevaux de cuirassiers. Il paraît que les cuirassiers montés ne sont pas assez nombreux, qu'on reconnaît la nécessité d'augmenter le nombre des chevaux, parce que les escadrons ne peuvent pas manœuvrer convenablement. Je demanderai à M. le ministre si cette acquisition est indispensable, si on ne pourrait pas la réduire.

Il y a une autre augmentation de dépenses, c'est pour le camp de Beverloo ; l'année dernière il a duré trente jours, cette année on veut le faire durer trente-deux jours. Je serais très contraire à la suppression du camp de Beverloo ; si on la demandait, je la combattrais ? Je crois que trois semaines passées au camp valent mieux que six mois de garnison, pour l'instruction et le moral du soldat.

J'aimerais mieux, si on le pouvait, renvoyer toute l'armée le reste de l'année pour réunir pendant un certain temps un beaucoup plus grand nombre d'hommes au camp de Beverloo ; ainsi je ne suis pas partisan de sa suppression ; je le considère comme la grande école de l'armée ; si elle se perfectionne dans son instruction, c'est à Beverloo ; hors de là, grâce à l'éparpillement de l'armée dans une foule de petites garnisons, elle fait très peu de progrès. Une fois par an elle se trouve réunie en masse sur un seul point, elle peut se livrer à des exercices sérieux : hors ce temps ce n'est qu'exceptionnellement que les officiers et les soldats peuvent utilement s'exercer. Mais, faut-il prendre deux jours de plus cette année ? Si, eu égard à l'augmentation d'autres articles on réduisait la durée du camp à 25 jours, ce serait une économie. Mais c'est une chose à laquelle je ne voudrais pas toucher légèrement ; dans tous les cas, la nécessité de porter à 32 jours la durée du campement qui, l'année dernière, n'a été que de 30 jours, n'existe pas.

(page 672) En résumé j'ai l'espoir que mes observations, auxquelles je veux ôter toute espèce de caractère hostile envers M. le ministre, ne seront pas restées peut-être sans quelque fruit.

Elles ont pour but d'engager le gouvernement à réfléchir mûrement sur la situation ; elles ont pour but d'engager le gouvernement à aviser ; car ces observations ne s'appliquent pas seulement au budget de la guerre ; elles doivent nécessairement se reproduire chaque fois que des dépenses nouvelles nous sont proposées sans ressources nouvelles. C'est la situation générale du trésor qui pèse d'une manière fâcheuse sur toutes les nouvelles demandes de crédit qui nous sont faites. C'est pour cela que j'appelle sur cette situation l'attention de M. le ministre des finances.

Du reste, en cela, je ne fais que répéter ce qui nous a été dit par ceux qui se sont succédé au banc ministériel. Les honorables MM. Mercier et Malou ont en quelque sorte fait notre éducation sous ce rapport ; ils ont demandé non seulement qu'il y eût des ressources pour toute création de nouvelles dépenses, mais encore qu'il y eût une réserve. Cette doctrine a toujours été professée et défendue par MM. les ministres. Je ne fais que la reproduire.

Nous ne venons pas dire qu'il faut en ce moment une réserve ; nous sommes loin de pousser jusque-là notre ambition financière, mais ce que nous demandons, c'est que le déficit n'aille pas chaque jour en croissant, c'est qu'en l'absence de ressources que l'on n'est pas disposé à créer, on ne crée pas de dépenses nouvelles, ou qu'on se montre très modéré dans les dépenses qu'on décrète.

Je crois que cette doctrine doit être celle de toute la chambre.

On nous a dit, dans le discours du Trône, qu'il y a équilibre entre les recettes et les dépenses. Cette assertion manque aujourd'hui d'exactitude.

Le budget des voies et moyens présenté par M. le ministre des finances en 1846, pour l'exercice 1847, rapproché du budget des dépenses, s'équilibrait avec un excédant de 255,674 francs. Il est évident que cet excédant est aujourd'hui absorbé par la création de services nouveaux, puisque pour le seul budget de la guerre, il y a 1,300,000 francs proposés en plus. De ce chef donc, il y a, dans l'équilibre, une défaveur de plus d'un million.

Il est évident que l'équilibre n'existe plus pour 1847, et que de plus vous aurez avant la fin de 1847 une dette flottante de 30 millions.

Cette situation n'est pas belle ; elle doit engager la chambre à réfléchir ; elle doit engager le gouvernement à entrer, autant que possible, dans la voie des économies, puisque les circonstances (je le reconnais), non plus que les dispositions des ministres ne se prêtent pas à l'augmentation des impôts.

Je n'en dirai pas davantage. J'attendrai la discussion sur les articles. Je serai heureux de me trouver d'accord avec M. le ministre de la guerre. Il me serait pénible d'avoir à émettre un vote négatif sur son budget. Sous tous les ministères, j'ai voté pour le budget de la guerre. Je ne voudrais pas être forcé de déroger à cette habitude vis-à-vis du général Prisse, pour lequel je professe depuis longtemps de bons sentiments.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - J'imiterai l'exemple de l'honorable M. Rogier. Je différerai ma réponse aux observations qu'il vient de présenter jusqu'à la discussion des articles du budget. Cependant comme j'ai annoncé la ferme intention de faire à mon budget toutes les économies compatibles avec la nécessité et avec l'intérêt de l'armée, il m'est agréable de pouvoir, dès à présent, en signaler une qui ne sera pas sans une certaine importance.

Si vous voulez jeter les yeux sur le budget (chapitre II, section 2, article premier, Solde d'infanterie) vous y trouverez en dépenses extraordinaires une somme de 62,280 42

J'avais annoncé pour cette somme une économie de 17,748 85

La dépense devait donc être limitée à 44,472 17.

Eh bien, je puis, dès à présent, faire connaître à la chambre que je compte faire sur ce chiffre une économie de 40,000 fr. Je prends rengagement de me contenter de 4,472 fr. 17 c.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Comme les questions relatives à la situation financière ont été assez longuement traitées dans la discussion du budget des voies et moyens, je m'efforcerai, dans les observations que j'ai à faire sur le discours de l'honorable membre, d'être extrêmement concis.

Les budgets de 1830 à 1841 sont ou réglés ou sur le point de l'être. L'honorable rapporteur de la commission des finances vient de m'indiquer le chiffre de clôture de tous les exercices clos jusqu'en 1841. Nous avons jusqu'à cette époque un déficit de 4 millions et demi. Tel est le découvert pour les onze premières années de l'indépendance de la Belgique, au milieu des circonstances les plus défavorables.

Vous le savez, messieurs, la clôture des négociations avec la Hollande a mis depuis lors à la disposition de la Belgique des valeurs importantes. De commun accord chambres et gouvernement ont reporté à 1843 le solde débiteur de tous les exercices antérieurs. Ainsi quand nous réglerons l'exercice 1843, le déficit de 1841 sera converti, en 1843, en un excédant.

Si l'on ne peut prédire le résultat des exercices en cours d'exécution, nous savons du moins que, depuis cette époque, depuis la clôture des différends avec la Hollande, il n'y a pas eu de déficit permanent. Il y a eu un faible excédant sur certains exercices, et un faible déficit sur d'autres exercices. Mais je n'hésite pas à le déclarer, l'équilibre, y compris tous les crédits supplémentaires demandés, l'équilibre, tel que je viens de le définir, existe et a été maintenu.

L'honorable membre persiste à confondre les capitaux consacrés à l'exécution de travaux d'utilité publique avec ce que l'on appelle dans tous les pays de l'univers des déficits de budget.

Il y a cependant une très grande différence.

J'en citerai un exemple : trois millions et demi sont affectés au creusement du canal de Liège à Maestricht. Je suppose que ce canal ne donne pas immédiatement 5 p. c. d'intérêt. Si je renonce à percevoir cet intérêt au moyen de péages, c'est que, comme pour les routes, je veux trouver l'intérêt dans l'utilité indirecte, dans la réaction opérée sur la prospérité publique. C'est un capital que la nation lève pour l'amélioration du territoire, en faisant, si je puis m'exprimer ainsi, acte de bon propriétaire. C'est, en d'autres termes, une utile application du crédit public.

Plusieurs membres. - Très bien !

M. le ministre des finances (M. Malou). - Vous voyez, messieurs, que nous sommes plus près d'être d'accord que je ne le pensais l'autre jour.

Transformer des emprunts définitifs ou temporaires en déficits, n'apprécier la situation financière que d'après le chiffre de la dette flottante à un moment donné, ce serait commettre une grave, j'allais presque dire une inexcusable erreur.

Si toutes les propositions soumises à la chambre sont adoptées, nous aurons émis non pour 30 millions, mais pour 25 millions de dette flottante. J'en appelle aux documents distribués à la chambre ; ils démontrent que, sauf les deux millions votés pour la crise des subsistances et pour cette année seulement, ces sommes sont des emplois de capitaux, en vue d'un revenu direct ou d'une utilité indirecte.

Nous avons fait des emprunts temporaires, au lieu d'un emprunt définitif, par des considérations d'économie, pour ne pas avoir à payer l'intérêt sur tout le capital, avant qu'il fût employé à des travaux d'utilité générale.

Il ne faut donc pas voir la situation financière dans le chiffre de la dette flottante ; il faut voir si nous avons rétabli l'équilibre entre les voies et moyens et les dépenses ordinaires.

A ce point de vue les recettes opérées en 1846 (je dois l'avouer) m’ont étonné moi-même. La crise des subsistances par suite du manque de la récolte des pommes de terre et du prix élevé des céréales rendait probable une grande diminution du revenu. Cependant, considérées dans leur ensemble, les prévisions du budget ont été atteintes à peu de chose près.

Nous devons conclure de ce fait que dans des circonstances moins malheureuses, le développement du revenu public, n'y eût-il aucun changement dans l'assiette des impôts, nous donnerait des ressources nouvelles.

Les prévisions de 1847 ont été établies avec une très grande modération. A moins que le prix des céréales se maintienne à un prix fort élevé pendant toute l'année, les recettes prévues seront dépassées dans la réalité. Faudrait-il s'affliger, après tout, si pour une dépense de première nécessité, pour maintenir l'année sur un pied respectable, nous avions, lorsqu'il faut traverser une année aussi exceptionnelle, un déficit de 5 à 600,000 fr. dans la balance des budgets ? Faudrait-il croire qu'un déficit, réduit à ces termes pût avoir pour l'avenir de nos finances un danger sérieux ?

Messieurs, qu'il me soit permis de le redire encore ; en appréciant dans leur ensemble la gestion des finances publiques depuis 1830 ; en appréciant surtout quelles ont été les causes de l'augmentation successive des dépenses et des recettes, la Belgique, j'en suis profondément convaincu, peut avoir pleine confiance dans son avenir financier.

M. le président. - La parole est à M. Lejeune.

M. Lejeune. - M. le président, je ne me sens pas très disposé à parler aujourd'hui, et je ne voudrais pas empêcher la chambre de continuer la discussion générale et même de la clore. Car je pourrai présenter mes observations à l'occasion d'un chapitre du budget.

M. de Lannoy. - Il m'a toujours semblé que le principe d'égalité de tous à la participation aux charges nécessaires dans tout gouvernement, et que l'on a cherché à établir le plus possible dans toutes nos institutions ; que ce principe était singulièrement violé par le mode actuellement suivi pour le recrutement de l'année. J'ai pensé que l'on rendrait un grand service au pays entier si l'on pouvait parvenir à trouver un mode plus équitable de répartition de cet impôt, que nous avons entendu qualifier, il y a peu de jours encore, d'impôt du sang, quoique cette qualification ne soit plus depuis assez longtemps littéralement exacte, mais qu'elle reste toujours en usage pour signaler le plus dur de tous les impôts.

Qui est chargé par la loi actuelle de la répartition de cet impôt ? Le hasard, qui frappe n et libère l'autre ; le sort aveugle qui frappe le pauvre et épargne le riche, qui aurait eu une manière facile et peu gênante pour lui de se libérer ; car la loi autorise le remplacement dont il profite toujours : car pour lui ce n'est qu'une question d'argent, quand les chances de cette loterie lui ont été défavorables, de cette loterie qui a survécu à celle réprouvée par tous comme immorale et où l'enjeu n'était que de l'argent : tandis que dans celle conservée dans la loi sur la milice le malheureux père de famille vient jouer la liberté et peut-être la vie de son enfant.

Le remplace ment devait être admis dans la loi actuelle : toutes les carrières civiles ne pouvaient pas être brisées, interrompues pendant plusieurs années. Mais pour remédier à un inconvénient on est tombé (page 673) dans un autre, car j'ai toujours entendu citer le remplacement comme une véritable plaie pour l'armée.

La fourniture des remplaçants est devenue un commerce très lucratif, dit-on, quoiqu'il s'exerce le plus souvent avec de la marchandise très avariée ; car où ces industriels vont-ils chercher leurs recrues ? C'est parmi les hommes à qui la mauvaise conduite a ôté d'autres moyens d'existence ; qui sont devenus à charge à leurs concitoyens, à leur famille et à eux-mêmes ; qui, ayant tout vendu, finissent par se vendre eux-mêmes.

Ces hommes arrivés dans les régiments y apportent le désordre ; leur démoralisation trouve encore un nouvel aliment dans le produit du marché qu'ils viennent de conclure : ils peuplent les salles de police et les prisons militaires ; ils sont la première cause de corruption des jeunes soldats.

J'ai vu, dans un compte rendu de la justice militaire en France, que sur un effectif qui montait en 1839 à 145,377 hommes, la proportion des condamnations avait été de 1 sur 259 ; tandis que sur 70,405 remplaçants, la proportion était de 1 sur 62.

Je n'ai pas trouvé les mêmes renseignements pour la Belgique, mais je pense que, dans des situations analogues, les résultats devaient être à peu près les mêmes.

Devant de semblables faits, il n'est pas étonnant qu'il soit si difficile de faire recevoir des remplaçants dans l'armée, et qu'à leur grand étonnement on leur découvre, dans les visites minutieuses qu'ils doivent subir, des infirmités qui les rendent impropres au service et dont ils n'avaient pas eux-mêmes connaissance.

Le principe qui a fait introduire dans la loi actuelle le remplacement étant reconnu nécessaire et impossible à changer, la loi admettant le remplacement, admet comme conséquence que l'on peut se libérer du service militaire à prix d'argent ; c'est ce système de libération à prix d'argent que je pense que l'on pourrait établir d'une manière très avantageuse, tant pour les familles que pour l'armée, dans la révision de la loi sur la milice.

La loi établissant que tout Belge doit contribuer de sa personne ou de sa fortune à l'organisation de l'armée, et par suite, à la défense du pays et de ses institutions, les inconvénients du remplacement viendraient à cesser avec le remplacement lui-même. |

Tout Belge, parvenu à l'âge de l'appel à la milice, devrait déclarer s'il a l'intention de servir activement ou de se libérer pécuniairement. Dans ce cas, il devrait déposer, dans un terme donné, le montant de la somme fixée par loi, et qui pourrait être inférieure, vu le grand nombre de personnes appelées à contribuer, à celle que l'on demande maintenant pour un remplaçant.

Les conseils de milice seraient chargés de constater la validité des exemptions aussi larges que possible, accordées par la loi : mais desquelles je voudrais que les personnes qui jouissent d'une certaine aisance, ne pussent pas profiter.

Nous ne verrions plus les malheureux habitants de la campagne si souvent victimes des exactions de ces industriels flétris du nom de marchands d'hommes, qui viennent leur arracher jusqu'à leurs dernières ressources pour leur fournir un remplaçant.

D'autres, qui n'étaient pas assez riches pour satisfaire à la rapacité des agents, tâchent de conclure eux-mêmes un marché plus avantageux en apparence, mais qui leur causera encore plus de tribulations ; ils trouvent un remplaçant qui, pendant tout le temps de son service, tiendra toujours levée sur eux la menace de désertion, s'ils ne satisfont pas à toutes ses exigences, menace qu'ils exécutent quand tout ou la plus grande partie de la somme convenue leur a été payée ; alors le malheureux cultivateur ruiné se voit encore enlever son fils pour être incorporé.

Si la contribution militaire était admise, les pères de famille connaissant les exigences de la loi se mettraient à l'avance en état d'y faire face ; les jeunes gens eux-mêmes qui ne voudraient pas servir activement, en économisant pendant quelques années sur le fruit de leur travail, pourraient venir, en cette occasion, au secours de leur famille.

La loi fixerait l'ordre dans lequel les jeunes gens qui n'auraient point de motifs d'exemption et qui n'auraient point payé la contribution militaire devraient être appelés sous les drapeaux selon les besoins de l'armée.

Ces mesures si fort dans l'intérêt des familles ne seraient pas moins dans l'intérêt de l'armée ; en employant toules les sommes fournies pour les contributions militaires à une caisse de pensions pour les sous-officiers et soldats : je crois qu'elle serait plus que suffisante pour fournir à tout militaire qui aurait fait un certain terme de bon et loyal service une pension, qui serait plus considérable pour les sous-officiers et augmenterait pour les services plus longs.

De cette manière le service militaire serait pour les soldats une véritable carrière : ce service ne serait plus regardé comme une charge pénible : ceux qui auraient employé leurs plus belles années au service de l'Etat seraient dignement récompensés ; les soldats auraient en perspective la récompense de leur bonne conduite.

De retour dans leurs familles, ils auraient une existence assurée, tandis que maintenant le cultivateur, l'ouvrier qui a été obligé d'abandonner pendant quelques années ses travaux revient chez lui ayant le goût du travail ; ayant contracté dans les villes où il a été en garnison des habitudes souvent mauvaises qu'il n'avait pas auparavant, il trouve plus difficilement de l'ouvrage et la misère le porte bientôt à des excès.

Quel avantage il y aurait encore dans le système que je voudrais établir, d'avoir disséminé dans le pays tous ces hommes pensionnés, d'une conduite éprouvée, qui seraient intéressés à la tranquillité et à la stabilité de nos institutions et que l'on pourrait réunir encore dans un moment de danger !

J'abandonne ces réflexions à MM. les ministres de la guerre et de l'intérieur, les priant de vouloir bien les examiner quand ils s'occuperont de la révision de la loi sur la milice.

M. Rogier. - M. le ministre des finances a été très court ; je suivrai son exemple.

M. le ministre des finances croit que je commets une erreur qu'il ne s'explique pas, en confondant, dit-il, deux choses essentiellement distinctes : une insuffisance dans les capitaux et un déficit dans les revenus.

Messieurs, j'ai constaté (vous l'appellerez comme vous voudrez) qu'il y a un manque de fonds dans le trésor jusqu'à concurrence de 30 millions. Appelez cela un déficit ! Appelez cela une insuffisance ! Appelez cela un découvert, ou encore des bons du trésor ! Je ne tiens pas beaucoup aux termes. Mais malheureusement, ce qui est réel, c'est qu'il y a dans le trésor un vide à remplir de 30 millions de francs.

On me dit : Mais cette insuffisance, représentée par des bons du trésor, est ou sera occasionnée par des travaux publics.

Messieurs, de ce que les bons du trésor sont appliqués à des travaux publics, et cela n'est pas entièrement exact, il ne s'ensuit pas moins qu'il manquera au trésor public une somme de 30 millions à couvrir par des bons du trésor.

M. le ministre des finances, lorsqu'il attaquait les bons du trésor, savait aussi bien qu'aujourd'hui qu'ils étaient affectés à des travaux publics ; cela n'empêchait pas l'honorable M. Malou de gémir périodiquement sur la nécessité où nous étions d'émettre des bons du trésor ; et à cette époque, les bous du trésor ne s'étaient pas élevés à la somme considérable où ils sont arrivés aujourd'hui. Il reconnaissait alors avec moi qu'il était très dangereux d'émettre trop de bons du trésor, même lorsqu'on les appliquait à des travaux publics, et il soutenait qu'il fallait les renfermer dans les plus étroites limites.

C'est aussi, messieurs, ce qu'avait compris son prédécesseur ; et le budget de 1845, présenté par l'honorable M. Mercier, ne demandait plus qu'une émission de 7 millions de bons du trésor.

Depuis lors, messieurs, cette somme s'est toujours accrue, et bientôt elle arrivera, je le répète, à 30 millions.

Je sais fort bien qu'il s'agit ici de capitaux et non de revenus ; je sais fort bien qu'il n'y a pas dans nos revenus une insuffisance annuelle de trente millions. Messieurs, si un déficit de trente millions devait se renouveler sur chaque exercice, il ne faudrait plus songer à être nation, ou il faudrait grever bien durement le pays.

Mais ce que j'ai dit est clair pour tout le monde, c'est que nous nous trouvons en présence d'une insuffisance de trente millions. Je m'étonne réellement que M. le ministre des finances ne veuille pas le comprendre. Ce défaut d'intelligence me paraît inexplicable, je dirai même inexcusable de sa part. Ne discutons pas sur les termes ; aurez-vous, oui ou non, une insuffisance de trente millions ?

M. le ministre des finances (M. Malou). - Non !

M. Rogier. - Ce non, je ne me l'explique pas, et je ne l'excuse pas. Il ne faut pas tromper le pays !

M. le ministre des finances compte sur des éventualités favorables ; mais il y a aussi des éventualités défavorables. Il compte sur les excédants, sur les boni des exercices antérieurs. Mais il y a aussi des crédits supplémentaires à demander encore sur les exercices antérieurs.

Il n'est d'ailleurs pas exact de dire, messieurs, que les bons du trésor soient exclusivement appliqués à des travaux publics.

A défaut d'autres revenus, vous devrez appliquer les bons du trésor à payer d'abord les deux millions pour les subsistances ; puis l'excédant de dépenses demandé pour le budget de la guerre. Vous proposez ensuite de prendre 2 millions d'actions dans une société d'exportation ; et c'est encore par des bons du trésor que vous pourvoirez à ces dépenses.

Vous voyez donc bien qu'il n'est pas exact de dire que les bons du trésor sont exclusivement appliqués à des travaux publics. Le fussent-ils, ils n'en révéleraient pas moins une insuffisance dans le trésor, et cette insuffisance, je le répète, pèse et pèsera d'une manière très fâcheuse sur toutes les propositions de dépenses nouvelles qui nous sont faites.

Il ne faut pas vouloir entourer les bons du trésor d'un prestige qu'ils n'ont réellement pas ; ils ne couvrent qu'une insuffisance de ressources.

Je ne fais que répéter au surplus ce que M. le ministre des finances a constamment proclamé dans cette enceinte, avec tous les représentants, sans exception, qui prennent la parole dans les questions financières.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je n'ajouterai qu'un mot. Lorsque l'honorable. M. Rogier m'a demandé s'il y avait un déficit de 30 millions...

M. Rogier. - Une insuffisance.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Soit ! une insuffisance, si vous le voulez, à concurrence de 30 millions, je me suis permis de répondre que non ; et pour justifier cette réponse, je vous prierai de consulter la situation du trésor et l'exposé qui vous a été fait au commencement de la session. Je ne veux pas revenir sur des débats épuisés : je rappellerai seulement qu’il résulte, et des documents soumis à la chambre, et de ses discussions, qu'en tenant compte à la fois du passif du trésor d'après la situation des exercices clos ou en cours d'exécution, et de l'actif que le (page 674) trésor possède, la dette flottante dont l’émission est actuellement autorisée, doit se réduire dans un avenir prochain à 6 millions à peu près.

- La discussion générale est close.

La séance est levée à 4 heures et demie.