(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 557) M. Huveners fait l'appel nominal à 1 heure.
- La séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Lichtervelde prient la chambre de faire donner suite à leur pétition tendant à modifier la circonscription cantonale des deux justices de paix de Thourout et d'en fixer les chefs-lieux à Thourout et à Lichtervelde. »
M. Rodenbach. - Les notables habitants de Lichtervelde, district de Roulers, demandent que la chambre veuille donner suite à une pétition qu'ils ont envoyée, il y a environ un an. Déjà la commission chargée d'examiner les projets de loi relatifs aux circonscriptions cantonales a fait un rapport favorable le 27 février 1846 et ce rapport a été renvoyé le 18 mars de la même année à M. le ministre de la justice avec demande d'explications et de complément d'instruction. Voilà plus de neuf mois que ce renvoi a été ordonné, je prierai M. le ministre de vouloir bien faire promptement connaître les intentions du gouvernement et donner les explications demandées par la chambre à la suite du rapport favorable fait par commission des circonscriptions cantonales. J'appuie de tout mon pouvoir le renvoi de cette requête directement au ministre de la justice, puisque déjà un rapport approbatif a été fait et lui a été renvoyé il y a neuf mois.
- La proposition de M. Rodenbach et mise aux voix et adoptée.
« Plusieurs médecins vétérinaires et propriétaires à Tirlemont prient la chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, des projets de loi sur l’enseignement agricoles, sur l'exercice de la médecine vétérinaire et sur l'organisation de l'école vétérinaire de l'Etat.
« Même demande de plusieurs médecins vétérinaires et propriétaires à Mettet et à Zele. »
- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner ces projets.
« Les membres du conseil communal de Longchamps demandent que le chemin de grande communication de Bastogne à Laroche soit exécuté par les soins et aux frais du gouvernement. »
M. d’Hoffschmidt. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
« L'association charbonnière du bassin de Charleroy adresse à la chambre 150 exemplaires d'un mémoire sur la question des péages des canaux et rivières. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution à MM. les membres de la chambre.
M. David, retenu par une indisposition, demande un congé.
Accordé.
M. le président. - Depuis quelques jours M. de Villegas m'avait chargé de demander un congé pour lui, attendu qu'il est retenu par une indisposition.
- Ce congé est accordé.
M. Osy. (pour une motion d’ordre). - Messieurs, mes collègues d'Anvers et moi venons demander un congé à la chambre, pour pouvoir aller rendre les derniers devoirs à un ancien membre du congrès, notre collègue dans beaucoup d'administrations
M. Delfosse. - Je ne m'oppose pas à la demande de congé, mais je crains qu'on ne soit pas en nombre demain, car il y a beaucoup de demandes de congé, il y a beaucoup d'absents et beaucoup de malades.
- La chambre consultée accorde le congé.
M. Delfosse. - Mais aura-t-on séance demain ? Sera-t-on en nombre ? (Oui ! oui !)
(page 558) M. Orban. - La commission à laquelle vous avez renvoyé la vérification des pouvoirs du député nouvellement élu par le district de Saint-Nicolas, m'a chargé de vous présenter son rapport.
M. le baron Emile de T'Serclaes, secrétaire général au ministère des affaires étrangères, ayant obtenu 624 suffrages sur 970 votants, a été proclamé représentant du district de Saint-Nicolas. La commission ayant constaté la parfaite régularité des opérations électorales, aucune réclamation ne lui ayant été adressée de ce chef, et M. Emile de T'Serclaes justifiant des conditions d'éligibilité, elle a l'honneur de vous proposer son admission comme représentant.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. le président. - M. de T'Serclaes est proclamé membre de cette chambre, il sera admis à prêter serment quand il se présentera.
- M. de T'Serclaes prête serment.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre X, Prisons.
M. Osy. - Messieurs, il y a deux ans, après les mesures prises par M. le ministre de la justice, nous devions craindre la suppression de la maison de Saint-Bernard ; et les états de la province d'Anvers, par plusieurs motions et adresses, s'étaient émus de cette affaire. J'interpellai alors M. le ministre, et les inquiétudes ont été loin d'être calmées. Je vous disais, messieurs, que j'étais persuadé que tout ce que faisait M. le ministre était pour créer une prison à Louvain.
Comme d'habitude, dénégation formelle de M. le ministre et même avec humeur ; et à cette occasion il devait faire croire à la chambre que j'étais mal informé.
Cependant mes renseignements étaient exacts ; déjà alors les promesses étaient faites à Louvain, et dans le courant de l'année dernière, on a souvent rappelé ces promesses à M. le ministre.
Le budget de 1847 vous a été présenté le 20 avril, et tout ce que nous y voyons, c'est dans les développements au chapitre X, article 5, une petite note ; les sommes demandées étaient les mêmes que pour 1846, et pour les constructions des prisons de Verviers, Liège et Louvain.
Ni par une loi, ni par un arrêté royal, on n'avait décrété une prison à Louvain, et ainsi d'après les dénégations antérieures de M. le ministre, on devait croire que, puisque la somme demandée à ce chapitre était la même qu'en 1846, ii s'agissait seulement de quelques constructions à la prison de sûreté, et lors de l'examen dans les sections, personne ne fit d'observations, car on ne pouvait s'imaginer que le mot ajouté à la note d'explication nous entraînerait, sans un vote de la chambre, ni même un arrêté royal, à une dépense énorme.
Aussi vous voyez, messieurs, par le rapport de la section centrale, qu'on ne vous entretient pas de cette nouvelle construction ; cependant depuis l'examen du budget par les sections, a paru le rapport au Roi du 28 juillet, et l'arrêté royal qui décrète une nouvelle prison à Louvain.
Cependant, il y a deux ans mes prévisions, en parlant de l'intention de M. le ministre, étaient calomnieuses et odieuses ! Ainsi vous avez encore une nouvelle preuve du cas que nous devons faire des réfutations de M. le ministre. Je ne doutais pas alors d'être parfaitement informé des promesses faites ; je tenais mes renseignements d'une excellente source, mais n'ayant pas de preuves écrites et ne voulant compromettre personne, j'ai dû me taire alors après les dénégations aussi formelles de M. le ministre, persuadé cependant que Louvain ne laisserait pas tomber les promesses d'un de ses représentants ministre, et alors j'étais persuadé de pouvoir vous rendre juges, messieurs, de la sincérité des paroles de M. le ministre et de l'exactitude de mes renseignements.
Vous aurez été étonnés comme moi, messieurs, de voir paraître l'arrêté royal du 23 août, tandis que peu de semaines après il devait y avoir une élection à Louvain. Effectivement, les électeurs étaient convoqués pour le 14 septembre, et on espérait ainsi les rendre favorables au candidat ministériel, et éloigner tout autre candidat libéral ou indépendant qui aurait voulu combattre, et en même temps M. le ministre lui-même préparait tout pour sa réélection en 1849 ou plus tôt s'il y avait dissolution.
Nous avons prouvé que presque toutes les démarches et les fautes de M. le ministre n'avaient en vue que les élections, et pour maintenir à la chambre lui et ses amis.
Jusqu'à présent, les faits que nous avons dénoncés n'entraînaient que des nominations peu conformes à la justice, à l'équité et au bien-être du service ; mais je vais vous prouver, messieurs, que la manœuvre électorale de Louvain, si nous ne la dénoncions pas, et que nous ne vous proposions pas un moyen de la déjouer, coûterait au trésor des sommes énormes, tant une fois payées, qu'une charge perpétuelle pour le budget.
Ainsi M. le ministre de la justice n'est pas seulement peu soucieux de faire des nominations contraires aux lois et à ses propres circulaires, mais l'existence de lui-même et de ses amis au pouvoir va si loin, qu'un sacrifice de plusieurs millions à la charge du trésor, ne lui paraît pas être trop onéreux au pays.
L'honorable M. Loos, dans l'excellent discours prononcé dans la discussion générale, vous a prouvé, messieurs, que la prison dont on veut doter Louvain doit coûter 2,700 fr. par prisonnier ; donc, si on veut faire une prison de 500 habitants, ou vous entraîne, messieurs, si vous votez le budget tel qu'il vous est proposé, à une dépense de 1,350,000 fr. et si la prison doit être pour 600 personnes, la dépense ira à la somme de 1,620,000 fr.
Ce n'est pas tout, messieurs. Si on avait seulement agrandi la prison de Saint-Bernard, où vous avez un si vaste terrain, vous auriez pu avoir une prison pour 14 ou 15 cents prisonniers avec quelques centaines de mille francs, et on ne se plaindrait plus de l'encombrement ; et de la maladie qui y a régné et qui était la suite de cet encombrement, aurait bien vite disparu, et l'état sanitaire de Saint-Bernard, dont on veut vous effrayer, se trouverait dans les mêmes conditions que les prisons de Vilvorde et de Gand. Avec une dépense de 500 mille francs vous auriez eu une prison pour 1,500 prisonniers, et la lettre de M. le gouverneur de la province que vous avez les yeux indiquait ce moyen.
Ainsi en agrandissant St-Bernard au lieu de faire une nouvelle prison à Louvain, vous avez une première économie de 1,100,000 fr.
D'après les états qui se trouvent sur le bureau, les frais d'administration de chacune de nos grandes prisons se montent annuellement de 50 à 55,000 fr.
A St-Bernard après l'agrandissement, les frais généraux seraient restés les mêmes, et tout au plus, on aurait nommé quelques nouveaux gardiens ; tandis que les frais d'administration pour la nouvelle prison à Louvain auraient grevé pour toujours votre budget d'une dépense d'au moins 50,000 fr. par an, ce qui représente bien, au denier 20, un capital d'un million ; et avec l'économie de 1,100,000 fr. en bâtissant à Saint-Bernard au lieu de faire une nouvelle prison à Louvain, vous évitez une dépense à l'Etat d'au moins 2,100,000 fr. Et tout cela pour se rendre les électeurs favorables à soi et ses amis !
Convenez, messieurs, que cette tactique électorale serait un peu chère et que nous serions indignes de siéger ici, si, connaissant ces faits, nous ne vous démontrions pas où nous mène la belle administration de l'honorable M. d'Anethan, sous le rapport de nos finances, après avoir dans la discussion générale dévoilé le côté moral de la gestion du département qui lui est confié.
Le 23 août 1846, M. d'Anethan fait signer à Sa Majesté le principe de la création d'une prison à Louvain, et vous l'avez entendu, messieurs, au début de la discussion, six mois après que ce principe est adopté, on n'a encore ni plan ni devis et même on n'attend pas la discussion de la loi présentée pour savoir si nous voulons des prisons cellulaires ou des prisons en commun. M. le ministre n'a pas de plans, mais il est si bon architecte qu'il dit, dans le rapport au Roi, que la prison qu'on construira peut servir aux deux systèmes. Mais je doute qu'il ait jamais vu une prison cellulaire. J'ai vu, dans mon dernier voyage, deux prisons nouvellement construites à Edimbourg, et je lui dirai que les murs de séparation pour chaque prisonnier, ne sont pas des cloisons, qui ne rempliraient pas le but qu'on se propose ; mais ce sont des murs épais et solides depuis les fondements jusqu'aux étages les plus élevés, qui ainsi doivent avoir leurs points d'appui, ce que vous ne pourriez pas établir, sans d'énormes dépenses nouvelles, dans une prison construite d'après l'ancien système.
Vous conviendrez donc, messieurs, comme moi, qu'il est plus que léger que, n'ayant pas de plans, on puisse dire au Roi que la prison qu'on propose de construire puisse servir à tous les systèmes.
Ce que j'ai vu, il y a peu de mois à Edimbourg, me prouve l'inexactitude de cette allégation à Sa Majesté ; mais on était pressé et on doit passer sur toutes les bonnes règles d'administration, ou ne doit pas prendre en considération les deniers publics qui sont confiés à nos ministres, l'existence au pouvoir de M. d'Anethan est impayable et vaut des millions. L'élection à Louvain était annoncée pour le 14 septembre, et sans avoir rien préparé, ni plans ni devis, on fait paraître l'arrêté du 23 août 1846 !
Après d'aussi belles promesses, ceux qui auraient voulu combattre l’honorable M. de la Coste sont obligés de se retirer, et M. le baron d'Anethan, pour sa propre réélection en 1849 ou avant ce temps, s'il y avait dissolution, se prépare un lit de roses, écarte tous les soucis. Mais je viens de vous prouver, messieurs, que tout cela coûtera à la nation belge une somme de plus de 2 millions.
Mais pouvons-nous payer assez cher, de voir au parlement un défenseur des intérêts du pays comme l'honorable M. d'Anethan ? Et en le maintenant au pouvoir, un certain parti est sûr de le trouver tout dévoué et soumis.
Vous pouvez, messieurs, maintenant voter en connaissance de cause ; vous savez ce que vous coûtera l'arrêté du 23 août. Personne ne pourra dire qu'il a été induit en erreur. Mais je le demande, quel ministre depuis et avant 1830, a jamais été assez audacieux pour entraîner le pays à une dépense de plus de 2 millions, sans consulter les chambres et en se bornant à ajouter aux développements du budget, qui ne font pas partie de la loi, seulement un mot aux mêmes développements qu'au budget de 1846 ? Louvain après les mots Liége et Verviers ! Tout le monde y aura été pris, comme moi ; on devait croire que c'étaient des constructions à la prison de sûreté, car sans cela, certainement, les sections auraient demandé des explications et la section centrale se serait occupée de cette énorme dépense, qu'on a voulu faire glisser, dans l'espoir qu'on ne s'en serait pas aperçu ; et jusqu'à présent la tactique de M. le ministre avait assez bien réussi.
Avec l'arrête du 23 août, si nous ne l'avions pas attaqué, et avec l'explication de la petite note qui se trouve page 63 des développements, on serait venu en 1848 vous demander un crédit de 1,600,000 fr., si c'est pour une prison de 000 détenus, et alors le principe étant voté vous auriez été forcés en 1849 d'accorder une dépense permanente de 50,000 fr. (page 559) représentant un capital d'un million pour les frais d'administration.
Mais malheureusement il se trouve parmi nous des sentinelles vigilantes et qui ne sont pas des courtisans où des complaisants, et nous osons dire la vérité et toute la vérité, pour sauver le trésor de nouvelles et, énormes dépenses. Voilà le bien, le revers de la médaille, c'est que Louvain pourra de nouveau faire des reproches à M. le baron d'Anethan, lui opposer peut-être un concurrent lors des nouvelles élections. Le pays jugera qui est son plus grand ami, nous de l'opposition, ou le complaisant et faible M. d'Anethan.
Je n'en dirai pas davantage après le discours si lumineux et si clair de mon honorable ami M. Loos à la séance de vendredi ; et pour arrêter M. le ministre dans la fausse voie où il voulait vous entraîner, je viens, de concert avec mon collègue d'Anvers, vous proposer un amendement pour changer la rédaction de l'article 5, chapitre X. Tous ceux qui ne veulent pas légèrement disposer des fonds de l'Etat devront voter avec nous ; et après l'adoption de la loi proposée pour le système des prisons, le gouvernement devra nous présenter régulièrement un projet de loi, soit pour agrandir la prison de St-Bernard, dans le système que nous discuterons, soit pour en construire une nouvelle si, contre toute attente, les nouvelles constructions de St-Bernard ne pouvaient pas suffire d'après le vœu de la loi que nous avons à voter.
Tout le monde alors pourra juger en connaissance de cause ; nous aurons devant nous : système adopté, plans et devis, tandis qu'aujourd'hui nous n'avons rien ; nous voterions en aveugles pour satisfaire les promesses si légèrement faites par M. le ministre à ses électeurs, et que nous payerions de plus de 2 millions !
Je viens donc, avec l'honorable M. Loos, vous proposer l'amendement suivant :
(L'honorable membre donne lecture de cet amendement.)
Avant de finir, je dois vous entretenir en quelques mots de la mortalité qui a régné à Saint-Bernard, et sur laquelle on s'appuie pour construire une nouvelle prison à Louvain et détruire peu à peu Saint-Bernard, où l'ancien gouvernement et le gouvernement actuel ont fait d'énormes dépenses d'agrandissement.
Les moines de Saint-Bernard avaient anciennement leur couvent à Vremde, pays malsain ; ils ont construit Saint-Bernard aux bords de l'Escaut, et, certainement, ils n'ont pas fait cette grande dépense sans avoir bien connu la nouvelle localité.
Dans les environs de Saint-Bernard, les plus riches Anversois ont construit leurs habitations d'été, et des campagnes superbes et à très grands frais ; vous ne supposerez pas qu'ils ont été choisir un endroit malsain.
Après la suppression des couvents, le gouvernement français a converti St-Bernard en hôpital de la marine, et il y avait souvent 1,200 marins blessés ou malades. Le gouvernement français aurait-il exposé ces braves militaires dans un local malsain ?
Le gouvernement ancien a décrété St-Bernard comme prison, et y a fait, ainsi que le gouvernement depuis 1830, d'énormes dépenses d'agrandissement, et jusqu'à l'arrivée au pouvoir de M. d'Anethan, on n'a jamais parlé défavorablement de l'état sanitaire de Sl-Bernard. Si depuis quatre ans la mortalité a un peu augmenté, cela ne tient qu'au trop grand nombre de détenus, et c'est pour cela qu'il fallait augmenter le bâtiment, sans augmenter les frais d'administration.
Pour vous donner une preuve du bon vouloir de M. d'Anethan pour St-Bernard, c'est qu'en 1845, après avoir connu la perte de la récolte de la pomme de terre, M. le ministre a prescrit, par arrêté royal, un nouveau règlement pour la nourriture des détenus, et je tiens ici la note des :
1° Distributions avant la maladie des pommes de terre ;
2° Après la maladie connue ;
3° Le règlement réformé après le 15 novembre 1845 sur les sollicitations réitérées de la commission administrative, et vous pourrez juger messieurs, si le second règlement ne donnait pas en moins un tiers de matières nutritives.
Aussi ce règlement connu, la commission administrative a fait des réclamations, et M. le ministre a reconnu les observations exactes, mais en répondant qu'en changeant aussi subitement, cela ferait très mauvais effet ; il préférait donc voir mourir d'inanition les malheureux détenus, plutôt que de remédier à son erreur.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est odieux !
M. Osy. - Odieux tant que vous voudrez. Il n'en est pas moins vrai que vous vous êtes refusé à changer le règlement.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Ma lettre n'était pas conçue dans ces termes.
M. Osy. - Mes renseignements sont très exacts.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Oui, exacts, comme ceux que vous avez donnés dans la discussion générale !
M. Osy. - Je serai du reste très charmé de connaître votre lettre officielle, pour détruire mon erreur, si elle existe.
Cependant, et environ deux mois après, voyant augmenter la maladie, il a autorisé de majorer la quantité de viande, et après cette nouvelle mesure la maladie a diminué et l'état sanitaire en a ressenti un effet salutaire.
Cela vous donne, messieurs, la clef du bon vouloir de M. le ministre pour Saint-Bernard et pour accroître les raisons de supprimer cette prison et d'en construire une autre dans son arrondissement électoral ; tandis que M. le gouverneur de la province d'Anvers disait, dans son rapport, qu'il croyait qu'il n'y avait pas de raison de supprimer Saint-Bernard ; qu'il fallait seulement construire de nouveaux locaux, si le nombre des prisonniers devait augmenter ; mais que, si M. le ministre ne partageait pas cette opinion, Contich qui avait tout perdu par le chemin de fer était prêt à donner gratuitement un terrain pour la construction d'une prison, de même que d'autres localités dans la Campine, ce qui pourrait être utile pour la fertilisation de cette partie du pays.
On n'a tenu compte de rien et on décrète la prison de Louvain ; et si vous n'adoptez pas mon amendement, vous votez de fait une dépense de 15 à 16 cent mille francs et grevez le budget de 50,000 francs par an.
M. de La Coste. - Notre premier devoir à tous, et que nous nous efforçons de remplir, chacun suivant la mesure de nos forces et sous la dictée de nos convictions, c'est de veiller à l'intérêt général du pays. Mais je pense que chacun de nous avouera aussi, franchement, qu'en remplissant ce devoir, il entend en remplir un autre vis-à-vis des localités, qui lui ont donné une preuve de confiance. Chacun de nous, en effet, a aussi envers ces localités un devoir à remplir ; il doit s'efforcer d'obtenir de votre justice qu'elles aient une part équitable aux avantages dont la jouissance appartient à toutes les parties du royaume.
Je conviendrai franchement que ce devoir je cherche à le remplir avec le même zèle que l'autre, et je puis espérer avoir réussi quelquefois à le remplir avec succès.
En agissant ainsi, je n'ai fait qu'acquitter une faible partie de la dette de reconnaissance que l'arrondissement de Louvain m'a imposée par trois élections successives que j'oserais appeler à peu près unanimes.
Cependant, je l'avoue avec la même franchise, les honorables MM. Osy et Loos (qui, du reste, sont en complète contradiction l'un avec l'autre, ainsi que je le ferai voir) ont attaché beaucoup trop d'importance à ma personne et à mon élection. Je ne puis revendiquer l'honneur d'avoir, à l'occasion de celle-ci, procuré une prison à Louvain. Je serais très charmé de pouvoir m'attribuer cet honneur ; mais, en vérité, je ne dois pas y prétendre.
J'ai dit que ces messieurs sont tombés dans une contradiction. Je crois que je n'ai pas besoin de le démontrer ; la chambre en aura été frappée.
L'honorable M. Osy dit que, depuis très longtemps, l'établissement de la prison de Louvain était arrêté dans l'esprit de M. le ministre de la justice ; l'honorable M. Loos veut que cela ait été fait à l'occasion de mon élection.
J'ignore si, à l'époque où cet arrêté a été pris, la convocation des électeurs avait eu lieu, si même ma nomination existait ; au surplus, peu importe. Je puis protester que je suis dans cette question tout aussi impartial que l'honorable M. Osy, tout aussi impartial que l'honorable M. Loos peuvent l'être. La chambre peut nous suspecter les uns et les autres au même titre, c'est-à-dire parce que nous avons un intérêt local opposé. Mais la chambre ne jugera pas une telle question au point de vue des intérêts locaux, au point de vue des questions électorales ; elle la jugera au point de vue de l'humanité.
Or, messieurs, lisez les rapports qui ont été faits, et je dirai : Lisez seulement les rapports qui ont été faits en faveur de l'établissement. Vous verrez, par exemple, que sur la question de l'eau, la réponse est évasive ; on dit que l'eau n'est pas plus mauvaise dans l'intérieur qu'au dehors. Cela prouve-t-il, messieurs, qu'elle soit bonne ?
Il y a encore d'autres documents à consulter : les tables de mortalité ; vous y verrez que dans la commune d'Hemixem la mortalité a été, en 1845, de 3 1/2 p. c., tandis que, dans tout le royaume, elle n'est que d'un peu plus de 2 p. c ; et dans la prison elle a été plus forte encore que dans la commune ; elle s'est élevée à plus de 4 p. c.
Messieurs, c'est là une mortalité effrayante ; car, lorsqu'on calcule la mortalité sur toute une commune ou sur tout le royaume, cette mortalité comprend aussi les enfants en bas âge ; on sait qu'une très grande partie de la population s'éteint avant que les enfants aient atteint l'âge de deux ans. Or, il ne meurt pas d'enfants en bas âge à Saint-Bernard.
Messieurs, lisez encore, dans les rapports, ce qui est dit sur l'odeur infecte que répandent les latrines. (Interruption.)
Messieurs, quand il s'agit d'humanité, je dirai, en empruntant une expression de Vespasien, que les mots n'ont point d'odeur.
Il y a encore les vapeurs des fours à briques dont les inconvénients sont signalés par les rapports.
Messieurs, c'est en présence de tous ces faits, c'est au milieu de ces émanations méphitiques, c'est malgré un telle mortalité, que l'on voudrait, je ne dis pas maintenir, mais agrandir cet établissement, que l'on voudrait y faire une dépense de 700,000 fr. !
Mais, messieurs, si je ne craignais de tomber dans l'exagération où sont tombés les honorables membres auxquels je réponds, je dirais qu'il faudrait doubler et tripler cette évaluation. Doubler un devis, ce n'est pas chose bien extraordinaire. C'est assez la règle que suivent les pères de famille prudents. Mais, en tout cas, en prenant pour point de départ les 700,000 fr. dont a parlé l'honorable M. Loos, comptons sur une dépense bien plus forte. Et avec tout cela vous ferez une mauvaise prison, dans un endroit insalubre, et vous tomberez dans la plus grande faute en fait de constructions, qui est de vouloir faire du neuf avec du vieux.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Osy, fidèle au système qu'il a suivi pendant toute cette discussion, a débuté par des insinuations à mon adresse. (Interruption.) Messieurs, je répète le mot ; je dis que l'honorable M. Osy a débuté par des insinuations à (page 560) mon adresse. L'honorable membre n'a-t-il pas dit à la chambre que lorsqu'il y a deux ans j'avais déclaré que rien n'était décidé quant à la construction d'une nouvelle prison, et que l'enquête même n'était pas terminée, j'avais induit la chambre en erreur, que j'avais déjà alors pris la résolution de supprimer St-Bernard ? Et pourtant il ne s'agit pas maintenant de supprimer St-Bernard, mais uniquement d'ériger une nouvelle prison.
L'honorable M. Osy ayant fait siennes les opinions énoncées dans le discours de l'honorable M. Loos, discours qu'il a qualifié d'excellent, je vais répondre à l'un et à l’autre orateur ; et je prouverai que ce discours réputé excellent fourmille d'erreurs depuis le commencement jusqu'à la fin.
M. Loos a débuté par dire qu'il fallait se borner à faire le nécessaire. Il a prétendu qu'on ne s'était pas borné aux constructions et aux réparations indispensables, mais qu'on avait été plus loin, qu'on avait fait des dépenses complétement inutiles, qu'on avait agi d'une manière peu régulière et peu conforme aux intérêts bien entendus du service.
Messieurs, dans le peu de détails dans lesquels je vais entrer pour répondre aux diverses observations de l'honorable M. Loos, je prouverai à la chambre que tout ce qui a été fait, l'a été parce que la nécessité en était démontrée. Je prouverai en outre que la plupart des constructions qui ont été critiquées n'ont pas été faites sous mon administration.
Un mot avant de commencer cette démonstration. L'honorable M. Loos a trouvé extraordinaire que je n'aie point pressé la discussion de la loi sur le régime pénitentiaire. Mais d'abord, il m'était impossible de presser la discussion de cette loi avant la distribution du mémoire qui en est l'appendice ; ensuite n'avons-nous pas inséré dans le discours du trône une phrase qui indique le désir du gouvernement de voir discuter le plus tôt possible cette loi ? Je ne conçois pas que l'honorable membre puisse supposer un instant que je n'attache pas la plus grande importance à la discussion de cette loi, alors qu'elle consacre un principe que je crois bon, que j'ai toujours soutenu et que je désire vivement faire prévaloir dans l'intérêt de la morale des détenus et de la répression des délits.
Je désire autant sans doute, que l'honorable M. Loos de voir discuter cette loi ; je désirerais qu'elle pût être votée dans la session actuelle ; mais en présence des travaux dont la chambre a encore à s'occuper j'ai bien peur que ce désir ne soit pas satisfait ; car on ne peut se dissimuler que la discussion de la loi sur le régime pénitentiaire est très importante et que cette loi soulève les questions les plus graves. Il suffit de lire les débats qui ont eu lieu en France à cette occasion pour être convaincu qu'il faudra beaucoup de temps pour discuter chez nous la loi sur le régime pénitentiaire.
C'est donc à tort, messieurs, qu'on me reproche de vouloir ajourner la discussion de cette loi. Je le répète, j'appelle cette discussion de tous mes vœux, et je considérerai comme un des actes les plus importants de mon administration, de pouvoir contresigner une loi pareille.
Dans la revue que l'honorable M. Loos a faite des prisons, il s'est occupé d'Alost ; et l'honorable membre a dit que, ayant visité le cellulaire d'Alost, il s'était assuré qu'il n'était pas construit conformément aux prescriptions de la loi présentée. Messieurs, le cellulaire d'Alost a été décrété par l'honorable M. Raikem, et l'adjudication en a été approuvée par l'honorable M. Van Volxem. J'avais à tort cité, dans la discussion précédente, le nom de l'honorable M. Leclercq ; l'honorable M. Leclercq est étranger à la construction du cellulaire d'Alost. Ce cellulaire, messieurs, remplit la plupart des conditions exigées pour un bon cellulaire.
Toutefois je reconnais que pour les cellulaires nouvellement construits, cet honorable membre peut s'en convaincre par ce qui s'est fait à Bruges, éclairés que nous sommes par les leçons de l'expérience, nous apporterions des améliorations à ce qui a été fait à Alost. Depuis lors de nouvelles lumières ont été acquises. M. l'administrateur et M. l'inspecteur des prisons, et M. l'inspecteur général du service de santé, se sont, par mes ordres, rendus en Angleterre ; ils ont visité la prison de Pentonville, et les renseignements qu'ils ont recueillis ont démontré la possibilité d'apporter certaines modifications à nos anciens cellulaires. Il est donc certain que si l'on faisait maintenant des constructions nouvelles, elles seraient plus parfaites que celles d'Alost, les premières à peu près qui aient été faites dans le pays ; mais cela n'empêche pas que le cellulaire d'Alost est très convenablement construit et qu'il répond en grande partie à sa destination.
Il y a, de plus, à remarquer, messieurs, que le cellulaire d'Alost est un quartier de punition, non un cellulaire ordinaire, il n’exigeait donc pas absolument les mêmes conditions ; et, je le répète, d'après les avis qui m'ont été donnés, car je ne l'ai pas vu, ce cellulaire satisfait à toutes les conditions voulues pour un quartier de punition.
Du reste, la chambre reconnaîtra que l'honorable M. Loos avait commis une grave inexactitude en m'imputant à crime d'avoir fait faire ce cellulaire, attendu que je ne suis pour rien dans cette construction.
Maintenant, messieurs, je passe à la prison de Gand.
L’honorable membre a déjà reconnu lui-même que les travaux qui ont été faits ont eu pour but de rétablir ce qui existait jadis. Je ferai connaître en peu de mots ce qui a été fait à Gand.
La prison de Gand a été construite de manière que chaque détenu eût une cellule pour le coucher. Sous le gouvernement des Pays-Bas, un autre système, un système fatal a prévalu. On a réuni plusieurs condamnés dans la même cellule ; à cet effet, voici comment on a procédé : on a abattu le mur de clôture entre deux cellules, et l'on a mis dans la même cellule ainsi agrandie trois et quelquefois jusqu'à cinq condamnés.
Vous sentez, messieurs, que ce système était encore bien plus mauvais que le système des dortoirs ; car dans ce dernier système il existe au moins un gardien qui surveille pendant toute la nuit et peut empêcher les faits qu'il est impossible de prévenir dans les cellules où l'on n'exerce la nuit aucune surveillance.
L'état de la prison de Gand m'a été signalé, ainsi qu'à mes prédécesseurs comme une cause permanente d'immoralité, cause qu'il fallait instantanément faire disparaître. Mes prédécesseurs n'ont pas hésité à rétablir les choses telles qu'elles existaient autrefois ; ils ont fait simplement rétablir l'ancienne séparation dans les cellules, et cela n'a pas donné lieu à une très forte dépense ; les fenêtres existaient encore, et les deux portes étaient restées. J'ai continué ce que mes prédécesseurs avaient commencé, et je pense avoir agi dans l'intérêt de la morale comme l'avaient fait mes prédécesseurs en ordonnant les premiers travaux.
Je dirai plus, c'est que le directeur de la maison de force de Gand et la commission administrative m'ont signalé à diverses reprises la nécessité impérieuse qu'il y avait pour le maintien de la discipline, et même pour la sécurité de la prison, d'avoir des cellules séparées pour chaque détenu. La chambre voudra bien remarquer que la maison de Gand est destinée aux prisonniers criminels et qu'il s'y trouve plus de 200 individus condamnés aux travaux forcés à perpétuité.
Je demande si en présence d'une telle population, et eu égard à certaines émeutes qui avaient déjà eu lieu dans la prison de Gand, il n'était pas indispensable que je fisse continuer les travaux dans l'intérêt de la morale des détenus et de la sécurité de l'établissement.
L'honorable M. Loos m'a reproché de n'avoir pas attendu au moins la discussion de la loi présentée pour faire faire ces changements ; mais l'honorable membre pense-t-il donc qu'il est permis d'ajourner les mesures réclamées par la morale ? Aurais-je dû attendre que la prison de Gand fût ensanglantée par une nouvelle émeute ? Etais-je enfin le maître de faire sans délai discuter la loi ?
L'honorable M. Loos a parlé également du cellulaire de la prison de Gand, il est peu considérable. C'est également un cellulaire de punition, mais réservé en même temps aux individus qui demandent à être encellulés ; il y a quelques condamnés qui préfèrent le régime cellulaire à celui de la vie en commun ; on les place alors dans ce cellulaire. Il a été fait avant celui d'Alost ; et, par conséquent, bien avant mon administration. Aussi les reproches qui m'ont été adressés par l'honorable M. Loos relativement aux constructions qui ont été faites, ne sont pas fondés ; mais j'assumerais volontiers sur moi la responsabilité des travaux faits par mes honorables prédécesseurs.
Messieurs, avant d'entamer la discussion, relativement à la prison de Louvain, ou plutôt aux nouvelles prisons à construire, car je ne pense pas que ce soit sérieusement que l'honorable M. Osy ait voulu faire un article spécial pour l'arrondissement de Louvain, j'avais bien vu qu'on voulait prononcer l'exclusion de fonctions publiques à l'égard des candidats appuyés par les députés de la majorité ; mais je n'avais pas encore entendu qu'on voulût mettre à l'index les arrondissements qui nomment les représentants de la majorité ; c'est une nouvelle prétention. Avant donc d'aborder ce que j'ai à dire relativement aux nouvelles prisons qui vont être construites, je dirai un mot sur un autre fait dont a parlé l'honorable M. Loos, fait qui devrait lui être spécialement connu, puisqu'il habite Anvers.
L'honorable membre est venu jeter le blâme sur un fonctionnaire honorable ; d'après ce qu'il a cru pouvoir venir dire, la chambre doit me permettre de défendre ce fonctionnaire, attendu que l'honorable membre m'a mis moi-même en cause en disant que c'était un brave homme, suivant moi. Expression dont je ne comprends pas bien le sens.
M. Loos. - Je ne l'ai pas nommé.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne le nommerai pas non plus, niais je crois que nous sommes parfaitement d'accord l'un et l'autre sur la personne en question.
M. Loos. - La chambre ne le connaît pas.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre ne le connaît pas, cela est fort possible ; mais je demande quand la chambre a autorisé M. Loos à me dire qu'un directeur d'une prison est un mauvais fonctionnaire, que ce fonctionnaire m'avait été, à différentes reprises, signalé comme tel, que néanmoins ce fonctionnaire, nommé par moi, était l'objet de mes faveurs ; je demande si la chambre, dans sa justice, ne doit pas m'autoriser à répondre à cette accusation.
La première erreur commise par l'honorable membre à été de dire que c'est moi qui ai nommé ce fonctionnaire, tandis qu'il a été nommé par M. Van Volxem. Ainsi, ce n'est pas moi qui ai fait choix de ce fonctionnaire, c'est l'honorable M. Van Volxem qui l'a nommé, et l'honorable M. Van Volxem ne s'est décidé à le nommer, je me suis fait représenter toutes les pièces du dossier, que par suite des renseignements les plus favorables que lui avaient fournis toutes les autorités.
Ce directeur, loin d'être un mauvais fonctionnaire, a rétabli l'ordre là où l'ordre n'existait pas ; il m'est signalé comme un fonctionnaire très capable, comme un fonctionnaire très consciencieux, comme un fonctionnaire qui a fait connaître à l'administration supérieure de nombreux abus qui se commettaient dans la prison.
Maintenant des faits spéciaux ont été articulés. Pendant longtemps, dit l'honorable membre, le directeur de la prison avait réclamé une somme pour frais de bureau ; ou l'avait toujours refusée ; mais dès que (page 561) ce fonctionnaire a été nommé, comme il était suivant le cœur de M. d'Anethan, ou s'est empressé de lui allouer 700 fr. Deuxième erreur : ce n'est pas moi qui lui ai alloué ces 700 fr., c'est M. Van Volxem.
M. Loos. - Je répondrai.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Qu'ai-je fait ? Ces 700 francs ont été alloués spécialement, la correspondance en fait foi, pour rétribuer un commis. Ils étaient payés sur un crédit sur lequel ils n'auraient pas dû l'être. J'ai supprimé les 700 francs et établi un commis rétribué à 600 francs. Voilà comment cet homme a été favorisé par moi, outre mesure ! il ne recevra plus rien, et 600 francs sont payés à un commis, au lieu des 700 francs qu'on lui allouait précédemment.
Voilà la réponse que j'ai à faire aux reproches que m'a adressés l'honorable M. Loos d'avoir commis des injustices pour favoriser un fonctionnaire qu'il a attaqué d'une manière fort injuste.
Je passe à la prison nouvelle dont la construction a été décrétée par arrêté royal. La chambre voudra bien remarquer d'abord que dans les budgets de 1844 et de 1845 il avait toujours été annoncé que des prisons nouvelles seraient construites. Il ne s'agissait pas, messieurs, de réparations aux prisons existantes, mais de prisons nouvelles à construire. C'est ainsi que dans les développements du budget de 1844 on lit : Les 100,000 fr. extraordinaires seront affectés à l'exécution des premiers travaux des nouvelles prisons de Liège et de Verviers. Dans le budget de 1845 on lit : Des prisons nouvelles doivent être construites, d'après un système qui rendra la répression plus efficace et l'amendement du condamné plus probable.
Ainsi, ce n'est pas avec l'espoir de faire passer sans que la chambre y ait attaché d'importance les dépenses qu'on se proposait de faire en 1847, que ces indications se sont trouvées au budget que nous discutons, car elles existaient déjà aux budgets antérieurs. On peut relire les discussions qui ont eu lieu ; mes paroles font foi de ce que j'avance, puisque j'ai annoncé à la chambre la nécessité des nouvelles constructions. J'avais espéré, il est vrai, pouvoir me dispenser de construire de nouvelles prisons centrales ; j'aurais désiré qu'il en fût ainsi ; il eût été en effet bien désirable que la population des prisons ne s'augmentât pas.
Mais mon espoir a été trompé ; force m'a donc été, pour loger les nouveaux condamnés, d'ordonner la construction de nouveaux bâtiments. En France, messieurs, où la loi n'est pas plus votée que chez nous, de nouvelles constructions s'élèvent, de nouvelles prisons se bâtissent ; notamment à Paris on bâtit pour plusieurs millions une prison qu'on appelle la Force. Dans d'autres localités, des prisons sont également bâties ; j'en ai cité plusieurs et toutes ces prisons sont bâties d'après le nouveau système.
Le Code d’instruction criminelle, à défaut des précédents que j'ai cités, suffirait pour établir le droit du gouvernement ; car il est impossible de ne pas reconnaître au gouvernement le droit de construire les prisons nécessaires pour faire exécuter les jugements et les arrêts.
On ne niera pas sans doute l'encombrement de la prison de Saint-Bernard et même de toutes les autres prisons. Ainsi en faisant même abstraction de l'encombrement de la prison de Saint-Bernard et du danger qu'il pourrait présenter pour la santé des détenus, la nécessité de construire une prison nouvelle n'est pas moins évidente. Il suffit de jeter un coup d'œil sur l'état de la population des prisons pour être assuré de la vérité de ce que j'avance.
La population totale des prisons, qui n'était en 1840 que de 6,981, est maintenant, au 1er janvier 1847., de 8,605.
En présence d'une population semblable, il est impossible de ne pas reconnaître la nécessité de donner au gouvernement les moyens de pouvoir renfermer, sans compromettre la santé des détenus, les individus condamnés ou prévenus.
Ainsi l'encombrement qui était déjà reconnu à St-Bernard, en 1845 comme une cause de mortalité pour cette prison, existe maintenant dans toutes les prisons quelconques. J'en appelle à ceux d'entre vous qui ont visité les maisons d'arrêt ; ils peuvent vous dire qu'elles sont tellement encombrées qu'on est forcé souvent de laisser les jugements sans exécution parce que l'on manque de place pour renfermer les condamnés. De nombreux rapports m'ont été fait à cet égard. C'est une grave responsabilité que je ne puis assumer de laisser sans exécution des jugements correctionnels.
L'encombrement est tellement grand que je suis forcé pour le faire cesser, au moins momentanément, de chercher dans tout le pays des locaux provisoires que je puisse convertir en prisons. Des circulaires ont été adressées aux procureurs généraux et aux gouverneurs, pour leur demander s'il n'y aurait pas moyen de trouver des locaux provisoires qui puissent servir de prison. Je suis obligé d'avoir recours à ce moyen pour faire cesser l'encombrement, pour empêcher de se développer des maladies dangereuses non seulement pour les prévenus, mais même pour les personnes logées dans les maisons qui avoisinent les prisons.
Tous les moyens avaient été employés par moi pour désencombrer la prison de Saint-Bernard.
J'avais ordonné d'envoyer à Vilvorde, prison destinée aux reclusionnaires, les condamnés correctionnels en état de récidive. Malgré ce moyen, qui a amené un désencombrement momentané, la prison de Saint-Bernard est dans un état tel qu'il y a nécessité de diminuer sa population.
Pendant quelque temps, on avait autorisé les procureurs du roi a faire subir, aux condamnés correctionnels, leur peine dans la maison d'arrêt alors même que l'emprisonnement auquel ils étaient condamnés était de plus de six mois. On a dû revenir sur cette mesure, à cause de l'encombrement des maisons d'arrêt.
Je pense que le droit du gouvernement relativement à la construction de nouvelles prisons ne peut être un instant douteux. Ce droit a toujours été reconnu. Le gouvernement en a usé, avec l'assentiment de la chambre, à différentes reprises ; car, veuillez le remarquer, il n'y a aucune différence entre les maisons centrales et les maisons d'arrêt relativement au droit du gouvernement.
Le gouvernement a le droit de faire construire une prison centrale, dès que la nécessité d'avoir un nouveau local pour les prisonniers condamnés est reconnue ; de même que quand il est reconnu que les maisons d'arrêt existantes ne peuvent suffire à leur destination, il a le droit d'en construire de nouvelles.
Il est impossible de séparer ces deux propositions. On ne peut reconnaître au gouvernement le droit de construire des prisons à Liège, Verviers, Marche, Courtray et Dinant, et lui dénier ce droit pour une autre localité.
Le gouvernement a évidemment le même droit, parce qu'il a, quant à ces deux catégories, les mêmes devoirs à remplir. Il est impossible au gouvernement de faire à cet égard la moindre distinction.
J'ai prouvé, par les deux notes jointes au budget, que ce qui se fait a été consacré par tous les précédents avec l'approbation de la chambre. Je citerai l'exemple de Saint-Bernard, qui a été érigé en prison centrale par un arrêté du gouvernement. Saint-Bernard n'existait pas comme prison en 1810 et 1817. Il a été érigé en prison par un simple arrêté royal. A Namur, le pénitencier de femmes a été érigé par un simple arrêté royal. Quant à Saint-Hubert, qui a été érigé en pénitencier, il y a une loi ; mais pourquoi ? parce qu'il s'agissait alors d'obtenir un crédit de 300,000 fr., dont, au reste, on n'a employé que la moitié ; le reste a été pris sur les crédits ordinaires.
Dans cette circonstance même, le droit du gouvernement a été reconnu ; mon honorable prédécesseur a dit, à la séance du 17 mai 1840 que s'il acceptait la loi il entendait qu'il fût reconnu que cela ne préjugeait rien, quant au droit de l'administration de désigner, pour les prisons, de nouveaux locaux, quand il en reconnaissait la nécessité. Il s'est exprimé en ces termes :
« Messieurs, je me rallie au projet de la section centrale. Cependant, je crois devoir accompagner cette déclaration de quelques observations qui me semblent nécessaires. Dans le projet primitif du gouvernement l'on s'était borné à demander qu'il fût ouvert un crédit pour les constructions d'un pénitentiaire destiné aux jeunes délinquants.
« Le projet de loi, dans cette forme, était parfaitement régulier. Il s'agissait d'un acte d'administration ; le gouvernement en avait pris la responsabilité, mais cet acte exigeait des dépenses. En conséquence, la chambre devait être appelée à en apprécier l'utilité.
« La forme du projet primitif se trouve tout à fait changée par la rédaction que présente la section centrale ; un acte d'administration, c'est-à-dire la création d'un pénitentiaire pour les jeunes délinquants, est transformé en une disposition législative ; je trouve que cette disposition n'est pas très régulière. Ce n'est pas une objection que je fais contre l'adoption du projet de loi, mon intention n'est nullement d'y mettre une entrave. Cependant j'ai cru devoir faire l'observation pour empêcher toute espèce de précédent. »
Ainsi, messieurs, l'honorable M. Leclercq disait alors, avec beaucoup de raison, que la désignation du local, que la déclaration qu'une prison était nécessaire, était un droit du gouvernement, et que le gouvernement en décrétant une prison, agissait sous sa responsabilité ; mais il ajoutait qu'il devait, lorsqu'il aurait besoin de fonds, venir en demander à la chambre.
Messieurs, avant d'aller plus loin, je dois répondre à une objection qui m'a été faite par l'honorable M. Osy.
L'honorable M. Osy nous a dit que l'on avait agi avec une telle légèreté, que l'on n'avait pas seulement les plans, que l'on n'avait pas seulement les devis et que néanmoins une prison avait été décrétée.
Messieurs, la prison de Namur a été décrétée le 14 mars 1837, et c'est seulement le 17 mars que les plans ont été non pas obtenus, mais demandés.
Lorsque la loi qui a créé un pénitencier de jeunes délinquants à Saint-Hubert a été votée, loi qui est du mois de juin 1840, a-t-on alors demandé un devis ? La chambre était saisie de la question ; elle aurait pu dire qu'on agissait à la légère. La chambre n'en a rien fait, et le devis n'a été demandé que le 30 septembre suivant.
Ainsi, messieurs, je n'ai fait qu'agir comme on l'a toujours fait dans l’administration que je dirige. L'érection d'une prison est décrétée, et après que cette prison est décrétée, ce qui est un préliminaire indispensable, notamment pour faire les expropriations qui peuvent être nécessaires, alors seulement on fait les plans, alors seulement on fait les devis.
Je pourrais invoquer encore, messieurs, ce qui se fait dans ce moment à Liège. Les plans ne sont pas encore définitivement adoptés pour la prison de Liège, et pourtant le terrain est acheté et payé.
J'entends à côté de moi citer encore un exemple ; c'est ce qui s'est passé pour le palais de Liège. Quand la chambre a voté 400,000 fr., a-t-on fourni les plans alors ?
M. de Brouckere. - Je demande la parole. Il y avait des plans.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, si l'on a donné des (page 562) plans, il faut avouer que ces plans n'étaient pas conçus d'une manière définitive, attendu que ces plans ont été ensuite repoussés. Fournir des plans, messieurs, est chose fort simple et fort facile. Pour la prison de Liège, pour la prison de Louvain, je puis les fournir à l'instant ; mais la question est de savoir si ces plans sont bien conçus, s'ils sont mûrement faits, s'ils sont adoptés en pleine connaissance de cause.
La prison de Louvain, messieurs, comme toutes les autres prisons sans exception, a été décrétée avant que les plans ne fussent arrêtés. Il y a, messieurs, des préliminaires à remplir. Il faut d'abord s'assurer d'un terrain, et lorsque le terrain est acheté, on donne l'ordre d'en faire les plans d'après le terrain qui est acquis. Ainsi, si pour Liège, par exemple, on avait fait un plan à priori en prenant pour modèle la prison de Pentonville dont on a parlé, je demande s'il aurait été possible d'exécuter ce plan sur l'emplacement qui a été choisi.
La première chose à faire, c'est donc de s'assurer d'un terrain, et les plans doivent être conçus suivant la configuration et la grandeur du terrain qu'on a pu se procurer.
Voilà ce qui s'est toujours fait ; et je répète l'exemple de Liège ; si les plans avaient été faits préalablement à l'acquisition du terrain, évidemment on n'aurait pas pu les faire servir ; car ce terrain qui a été reconnu le meilleur dans l'intérêt de la ville, a une forme telle que certes on n'aurait pas pu la prévoir au moment de la confection des plans.
Ainsi, messieurs, il est parfaitement régulier, me paraît-il, de décréter d'abord l'érection de la prison, de s'assurer du terrain, et puis de charger un architecte de faire un plan approprié aux lieux où il faut bâtir.
Toute la question, messieurs, pour apprécier l'acte administratif est de savoir si le choix est bon. Je dis que toute la question est là ; je demande toutefois à la chambre la permission de revenir encore sur une observation que m'a faite l'honorable M. Osy.
Cet honorable membre m'a dit : Mais s'il fallait absolument construire une prison (et je crois qu'il serait difficile de nier cette nécessité), il convenait de la construire à Saint-Bernard ou du moins à Cumptich ; et si l'on avait fait la prison à Cumptich, oh ! alors cela aurait été parfaitement bien, cela aurait été parfaitement légal. Mais il s'agit de Louvain, alors cela devient une illégalité flagrante.
M. Rodenbach. - Ils veulent aussi le monopole des prisons !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je dis donc, messieurs, que la seule question à examiner est celle de savoir si le choix est bon. Mais, messieurs, est-ce le moment d'examiner ce point ? Est-ce que, par hasard, l'honorable M. Osy, est-ce que, par hasard, l'honorable M. Loos ont pu se figurer un moment que c'était avec le crédit ordinaire du budget que j'aurais le talent de faire construire une prison à Louvain ou à Liège ? Mais, messieurs, il ne faudrait pas avoir la moindre idée de ce que doit coûter un bâtiment de cette espèce. !
Le crédit demandé, messieurs, comme le disent les tableaux joints aux budgets, n'est destiné qu'aux premiers travaux de ces prisons, n'est destiné qu'à l'acquisition des terrains et à la confection des plans. Mais il est évident que lorsqu'il s'agira de mettre la main à l'œuvre, une loi de crédit vous sera présentée ; et il est évident qu'alors vous pourrez discuter si j'ai fait un acte de bonne administration en décrétant une prison dans la localité où je pense qu'elle doit être construite.
Un membre. - Le terrain sera acheté.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - On aurait dû me faire cette observation lorsque j'ai annoncé l'intention de construire une prison à Liège, lorsque j'ai annoncé cette intention pour Verviers ; mais alors on a gardé le silence, et si l'on n'avait pas cherché à échafauder sur la construction de la prison de Louvain de nouveaux griefs, on n'aurait pas, j'en suis certain, fait la moindre objection.
Messieurs, lorsque l'autorité provinciale d'Anvers conseillait de maintenir la prison de Saint-Bernard, elle disait cependant que si on ne voulait pas supprimer cette prison, il y avait des terrains soit à Cumptich, soit dans la Campine, qui auraient été convenables. Or, je pense que s'il y avait eu de l'illégalité à construire une prison nouvelle, je pense que les fonctionnaires auxquels je fais allusion n'auraient pas hésité à m'éclairer sur ce point.
Je dis, messieurs, et je répète que ce qui est légal pour Liège, que ce qui est légal pour Verviers, que ce qui était légal pour Namur, est également légal pour Louvain.
Quand des individus meurent en prison par suite de l'encombrement, l'humanité exige impérieusement des constructions nouvelles.
M. Rogier. - C'est là la question.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Oui ; c'est la question, et cette question il me sera très facile de la résoudre à l'aide des documents que j'ai eus à ma disposition. (Interruption.)
Comment, messieurs, ce n'est pas la même chose ? Ainsi on dira par exemple qu'il y avait à St-Bernard un emplacement suffisant pour doubler les constructions, et ce sont ceux qui me convient à doubler les constructions à St-Bernard, qui soutiennent que je ne pouvais pas construire une nouvelle prison dans une autre localité ! (Interruption.)
Mais on n'a jamais dit qu'il eût fallu une loi pour doubler les constructions à St-Bernard, on n'a pas dit non plus qu'une loi fût nécessaire pour autoriser les constructions qui ont été faites à Bruges, qui ont été faites à Gand. Alors ces prétentions ne sont venues à l'idée de personne. Mais on a voulu, à tout prix, faire de cela une question électorale ; à tout prix il fallait présenter cet acte comme étant de nature à favoriser l'élection d'un de mes honorables amis. L'honorable M. de La Coste a déjà répondu à ce que l'honorable M. Osy a dit à cet égard ; mais je ferai remarquer que quand on a obtenu les suffrages dont M. de La Coste a été honoré à différentes reprises, on n'a pas besoin de semblables moyens pour se présenter devant les électeurs. L'élection de mon honorable ami était assurée par le dévouement et le talent avec lesquels il défend les intérêts de ses commettants.
Mais les honorables membres ne s'aperçoivent-ils donc pas qu'on pourrait leur faire les mêmes reproches ? Qu'on pourrait leur dire : Mais si vous prenez si chaudement la défense des intérêts de St-Bernard, c'est que vous avez besoin de défendre cette question pour assurer votre réélection ; vous avez plus besoin de vous faire des appuis que l'honorable M. de La Coste, qui a été élu trois fois à la presque unanimité, bonheur qui, je pense, ne vous est pas encore arrivé.
L'honorable M. Rogier disait tout à l'heure, en m'interrompant. : C'est là la question, c'est-à-dire la question est de savoir si St-Bernard est salubre ou n'est pas salubre. Mais, messieurs, les tableaux de mortalité sont là pour démontrer que la mortalité est infiniment plus grande à St-Bernard qu'ailleurs ; et, même sans tenir compte des observations d'hommes très compétents, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure, l'encombrement suffit pour expliquer le chiffre extraordinaire de la mortalité.
Et c'est, messieurs, en présence de cet état de choses que l'honorable M. Osy m'adresse le reproche odieux d'avoir changé la nourriture des détenus pour les faire mourir ! Je livre un reproche semblable à l'indignation de la chambre ! (Interruption.)
Mais, messieurs, cela seul prouve l'insalubrité de Saint-Bernard, car le régime était le même partout et s'il a produit à Saint-Bernard ce résultat malheureux, cela prouve certainement l'insalubrité de cette prison.
Je dis que le reproche de l'honorable M. Osy est un reproche odieux, et je le répète et maintiens cette expression. Je me suis adressé aux hommes de l'art pour tout ce qui était relatif au régime alimentaire des détenus et je n'ai rien décidé sans leur avis. L'honorable M. Osy n'exige pas sans doute que j'aille décider moi-même tous les ingrédients qu'on doit mettre dans la nourriture des détenus.
Les hommes de l'art que j'ai consultés et notamment M. Vleminckx, m'ont proposé le régime qui a été adopté. Plus tard des observations ont été faites à M. Vleminckx, qui, tout en maintenant que le régime était bon, m'a dit : Pour calmer toutes les craintes, essayons un nouveau régime. Et c'est uniquement sur le rapport de M. Vleminckx que le changement a eu lieu. Je le répète, la nourriture était la même à Saint-Bernard que dans toutes les autres prisons, et si Saint-Bernard eût été dans des conditions de salubrité satisfaisantes, il n'eût pas été nécessaire d'y établir un régime spécial.
J'ai déjà répondu en grande partie à un reproche de l'honorable M. Osy, mais je veux ajouter un mot. L'honorable membre a dit qu'il y a eu tactique de ma part à publier l'arrêté dont il a parlé. Mais, messieurs, si je n'avais pas voulu donner à l'acte dont il s'agit la plus grande publicité, je me serais dispensé de soumettre cet arrêté au Roi, et je pouvais, au moyen des fonds mis à ma disposition et en présence des déclarations que j'avais faites l'année dernière, acquérir un terrain à Louvain et faire des constructions comme dans d'autres localités ; personne n'aurait eu le moindre reproche à me faire. Mais j'ai voulu ne rien cacher. J'ai voulu prouver que je n'étais nullement animé, comme on l'a dit, de sentiments hostiles à la prison de Saint-Bernard. J'ai voulu prouver que je m'entourais de tous les renseignements nécessaires. J'ai voulu prouver que même dans la supposition que Saint-Bernard fût maintenu, il y avait toujours nécessité de construire une prison nouvelle.
Il n'est pas du tout décidé, messieurs, que la prison de Saint-Bernard doive être supprimée. S'il est reconnu, lorsque l'encombrement qui existe maintenant aura cessé, que cette prison présente des conditions de salubrité suffisantes, Saint-Bernard sera maintenu, malgré la nouvelle prison qui aura été construite à Louvain.
J'ai dit, messieurs, dans mon rapport au Roi que la prison de Louvain pourrait servir dans les deux systèmes. L'honorable M. Osy dit que je ne suis pas assez bon architecte pour décider une semblable question. Mais, messieurs, il ne faut pas être architecte pour décider cette question, il suffît d'avoir un peu de bon sens, il suffit de savoir ce qu'est une prison cellulaire, pour décider qu'une prison construite dans ce système peut également servir dans le système d'Auburn.
Quelle est la seule différence ? C'est que, dans le système cellulaire proprement dit, les cellules doivent être plus grandes ; mais ces cellules plus grandes offrent ce double avantage, de garantir plus efficacement la santé des détenus, et de pouvoir servir d'infirmerie pour les détenus malades. Lorsque les plans de la nouvelle prison de Louvain me seront remis, on pourra acquérir l'assurance que cette prison pourra servir dans les deux systèmes.
Messieurs, je ne me suis pas légèrement arrêté à faire choix de la ville de Louvain pour la nouvelle prison. L'honorable M. Osy dit que c'était, de mon côté, parti pris. Il faut avouer que si c'était un parti pris, j'avais eu la perspicacité rare de deviner tout ce qui devait m'être dit par les personnes que je comptais consulter sur le choix de l'emplacement de la nouvelle prison.
D'abord je me suis adressé aux gouverneurs pour savoir quelles seraient, dans leurs provinces respectives, les localités qui pourraient servir à la nouvelle prison. Les différents rapports qui m'ont été adressés ont été mis sous les yeux des fonctionnaires que je consulte à mon département, et il est résulté de l'examen auquel on s'est livré, que la ville de Louvain a obtenu unanimement la préférence. M. l'administrateur des prisons m'écrivait dans son rapport :
(page 563) « La nouvelle prison à construire serait très convenablement placée à Louvain ; cette localité, située au centre du pays, offre tous les avantages que réclame un pareil établissement, et je viens insister pour que cette localité, désignée depuis longtemps par moi à cette fin, obtienne enfin un établissement digne du gouvernement et de la réforme pénitentiaire. »
M. l'inspecteur des prisons, M. Ducpetiaux, m'a adressé un rapport très longuement développé et écrit avec le talent et la lucidité qu'on lui connaît ;, voici un extrait de ce rapport :
« Le choix de l'emplacement me paraît également susceptible d'être décidé dans un bref délai. Des informations ont été prises dans chaque province à ce sujet et en comparant les divers emplacements qui ont été désignés à l'attention du gouvernement, les propositions faites à cet égard par la ville de Louvain me semblent incontestablement réunir le plus d'avantages.
« Il convient d'isoler chaque prison pour peine de manière à éviter le contact des détenus à leur sortie des divers établissements et à empêcher autant que possible, l'agglomération des libérés sur tel ou tel point du pays... Les six maisons centrales actuellement existantes sont respectivement situées à Gand, Vilvorde, Saint-Bernard, Alost, Namur et Saint-Hubert. En établissant le nouveau pénitencier correctionnel à Louvain, on conserve la distance nécessaire entre chaque maison et l’on prévient ainsi les inconvénients qui pourraient résulter de leur rapprochement.
« La ville de Louvain. située au centre du royaume, mise en communication avec les principales localités au moyen des chemins de fer exécutés et en voie de construction, présente toute garantie pour la régularité, la rapidité, et l'économie du transport des prisonniers ; et cet avantage est d'autant plus précieux que la nouvelle prison est destinée à recevoir un certain nombre de condamnés à courts termes qui subissent aujourd'hui leur peine dans les maisons de sûreté et d'arrêt et dont il importe de faciliter le retour dans leurs foyers à l'expiration de leur condamnation.
« Placée dans l'une des parties les plus salubres du pays. pourvue d'eau saines et abondantes, la ville de Louvain réunit ainsi les conditions essentielles pour la préservation de la santé des prisonniers si fréquemment menacés par le choix imprudent d'un site malsain et peu convenable.
« L'économie de la vie animale, la modicité du prix des logements, tels sont les avantages qu'elle présente aux employés qui, comme l'on sait, n ont pour la plupart qu'un traitement peu élevé.
« La proximité de la capitale mettra l'administration supérieure à même d'exercer sur la nouvelle prison une surveillance active et pour ainsi dire continue, condition indispensable à l'introduction d'une nouvelle règle disciplinaire qui, pour ne pas faillir, exige les soins les plus assidus. La ville de Louvain présente en outre dans son sein tous les éléments nécessaires pour la constitution d'un service médical à la fois convenable et peu coûteux, et pour la composition d'une commission apte à seconder les vues du gouvernement, et à accomplir, pour sa part, avec intelligence et dévouement l'œuvre de la réforme et du patronage des prisonniers.
« Tels sont les avantages qui doivent, suivant moi, déterminer le gouvernement à se prononcer en faveur de la ville de Louvain ; avantages auxquels vient se joindre l'offre faite par l'administration communale de cette ville de céder à l'Etat le terrain nécessaire pour la construction du nouveau pénitencier. Cette offre, qui pourrait être acceptée sous diverses conditions à régler ultérieurement, aurait, en tous cas, pour effet de réduire d'une manière assez notable les frais à charge du trésor public. »
Maintenant, l'honorable député d'Anvers me disait : « Toute la question est de savoir si la prison Saint-Bernard convient, et s'il ne suffit pas d'agrandir les locaux ; la question se résume à examiner si l'on a été dans la nécessité de construire une nouvelle prison. »
Eh bien, je vais faire connaître la commission que j'ai nommée pour examiner Saint-Bernard ; cette commission a été composée d'hommes tellement honorables et tellement compétents qu'elle doit inspirer sans doute toute confiance.
La commission était formée de MM. Vleminckx, président ; Mareska, professeur à l'université de Gand et médecin à la maison de force de la même ville ; Camberlin, docteur en médecine à Namur et médecin à la maison pénitentiaire des femmes dans la même ville ; Gouzée, médecin à Anvers, et Stacquet, médecin de la prison de Saint-Bernard.
Voici maintenant les conclusions de la commission :
Après avoir développé les motifs pour lesquels elle considérait la prison de Saint-Bernard comme étant fort insalubre à tous les points de vue qu'elle énumère, la commission conclut de cette manière :
« La transformation de la prison de Saint-Bernard en cellulaire ne peut avoir lieu sans une opération impossible ; savoir, la démolition de ce qui existe ; et dans l'hypothèse où l’on pût reconstruire à neuf, l'on trouverait dans le nouveau pénitencier tous les inconvénients de la position topographique de l'ancien, c'est-à-dire l'existence des miasmes paludeux, le gaz des briqueteries, l'humidité et la corruption de l'eau.
« La conséquence de ces considérations est évidente. La question pénitentiaire implique les intérêts d'individus et ceux de la société entière. La question d’humanité nous oblige à faire en sorte que les prisons aient le moins possible d’effets fâcheux sur la santé. La question d'intérêt général oblige de garantir par une sage et sévère application des peines, le but social qu'on se propose. Or, St-Bernard ne répondant ni à l'une ni à l'autre destination, et aucun travail d'appropriation ne pouvant rendre cette prison propre à atteindre ce double but, il en résulte que la construction d'un pénitencier nouveau pour les condamnés à l'emprisonnement correctionnel est indispensable. »
Ainsi la commission, composée d'hommes spéciaux, guidée uniquement, non par des considérations électorales, sans doute, mais par des considérations d'humanité ; la commission me disait d'une manière positive qu'il était indispensable de construire une nouvelle prison, et qu'on ne pouvait songer à la bâtir à Saint-Bernard. La commission termine son travail de cette manière :
« L'agrandissement de la maison de Saint-Bernard par des constructions nouvelles à ajouter à celles qui existent maintenant, serait, sous le point de vue de l'économie et de l'intérêt des détenus et de la société entière, une faute si grande, que l'idée ne saurait en venir à personne ; et par conséquent, nous n'avons pas à nous en occuper. »
Voilà ce que disaient des hommes éminemment capables et qui, je le répète, étaient complétement désintéressés dans la question : et il faut avouer que je devrais exercer une puissante fascination sur tout le monde, pour que ces hommes eussent rédigé un semblable rapport, parce que je leur aurais donné d'avance les conclusions du rapport à formuler.
Je termine en répétant ce que j'ai dit tout à l'heure : la chambre a voté des fonds pour de nombreuses prisons ; la chambre m'a autorisé à en disposer comme je l'ai fait jusqu'à présent ; elle m'a autorisé à faire les premiers travaux comme le portait le budget. Dans le cas actuel, rien, absolument rien n'est compromis : il n'y a qu'un arrangement contracté avec l'administration communale de Louvain qui se fait fort d'acquérir un terrain et de le céder au gouvernement ; si les fonds sont refusés pour les travaux de construction, la prison ne sera pas construite, et un nouvel arrangement devra être fait avec la ville de Louvain.
Il était avant tout indispensable de s'assurer du terrain ; il eût été imprudent d'attendre à cette fin un vote spécial de fonds ; du reste l'arrangement devait précéder le vote, sur lequel l'arrangement conclu doit avoir de l'influence.
Maintenant, je dirai que c'est non seulement pour la prison de Louvain, mais pour d'autres prisons importantes, que des fonds doivent être demandés ! Je ne reculerai pas devant la demande et je suis convaincu que la chambre ne reculera pas devant l'allocation des fonds nécessaires pour améliorer le régime en changeant le système des prisons.
Je déclare donc que pour toutes les prisons dont la construction devait coûter plus de 150 à 200 mille francs, des fonds spéciaux devront être demandés, et ils seront évidemment demandés par des lois spéciales, dans les limites des besoins reconnus, en ayant égard à la situation du trésor. Mais il faut, je le répète, dans l'intérêt du trésor lui-même, s'assurer des terrains dans les localités où de nouvelles prisons sont reconnues nécessaires. C'est ainsi que je me suis assuré d'un terrain à Liège, à Marche, à Courtray, à Dinant ; et quand des fonds pour la bâtisse seront nécessaires, j'en ferai la demande.
Il n'y a que des prisons de minime importance qui pourront être faites avec les fonds votés au budget. Je crois qu'au moyen de cette déclaration sur l'usage que je ferai des fonds mis à ma disposition, la chambre pensera que non seulement il n'y a pas lieu d'adopter l'amendement de M. Osy, ni même aucun autre dans le même sens ; quant à celui de M. Osy, il est de tous points inadmissible, ce serait mettre à l'index l'arrondissement de Louvain.
M. de Mérode. - N'ayant pu rencontrer aucun chapitre du budget en discussion approprié à des remarques concernant la répression des crimes que celui des Prisons, je viens de nouveau appeler la sollicitude obligatoire de M. le ministre de la justice en faveur des malheureux habitants des maisons isolées ou plus exposées par diverses causes, qui périssent sous les coups des assassins, comme les époux Mannaerts à Erps, deux autres à Tirlemont ; la veuve tuée avec un enfant à Montigny-sur-Sambre ; une femme massacrée à Wervicq ; un courrier trouvé mort sous la glace du côté d'Enghien il y a deux jours, si j'en crois les journaux, et dépouillé de ses dépêches, et tant d'autres qu'il serait trop pénible et inutile d'énumérer.
Le sicaire sans entrailles ne craint très sérieusement que la privation de sa propre vie, et ne pas la lui appliquer lorsqu'elle est méritée justement, c'est sacrifier l'innocent au brigand audacieux, rassuré par une indulgence coutumière à laquelle on ne déroge qu'accidentellement et de telle sorte que le criminel a dix chances d'échapper au supplice pour une de le subir.
Or. je le déclare itérativement avec conviction ; depuis 1830, une foule de malheureuses victimes et faibles créatures doivent leur fin violente et horrible au système de commutations de peine abusivement prodiguées aux assassins en Belgique, et c'est là le motif pressant d'humanité qui dicte mes paroles, et non certes un goût particulier pour des rigueurs redoutables, mais qui seules, fermement menaçantes et non habituellement illusoires, paralysent, non pas toujours, je le sais, mais très souvent le bras disposé au meurtre dans le plus vil intérêt ou à cause d'autres passions perverses.
Un assassin, par exception décapité à Courtray, a dit que, s’il avait pensé que la peine de mort fût encore en vigueur, il se serait abstenu de tuer. Le jeune parricide de Couvin, exécuté à Namur, et qui montrait lors de sa condamnation la plus complète insensibilité avant d'apprendre qu'il la subirait selon son texte et sans grâce, fut immédiatement et profondément ému par cette nouvelle et finit avec toutes les marques du repentir.
(page 564) En effet, le sentiment qui répugne à l'application d'un tel châtiment, sentiment qu'il faut savoir vaincre à propos, n'est pas moins vif chez celui qui redoute d'en être l'objet ; d'où résulte que la clémente mollesse, plus commode que la sévérité protectrice, devient complice de la mort atroce d'un grand nombre d'êtres inoffensifs. Et, messieurs, veuillez bien vous figurer l'horreur qu'éprouverait chacun de vous s'il était obligé de se débattre et de périr sous l'étreinte cruelle d'une bande de meurtriers. Et c'est à ce sort affreux pourtant que sont particulièrement exposés, soit les familles faibles habitant à l'écart sur le sol belge, soit le petit cultivateur qui rapporte du marché son pécule, ou le petit marchand qui revient seul avec le prix des objets qu'il a laborieusement et péniblement vendus.
En ne punissant l'assassinat ou l'incendie que par la prison, on les confond en quelque sorte, dans l'esprit du peuple, avec les attentats qui ne concernent que les choses, tandis qu'il faut, au contraire, montrer fortement et avec constante persévérance, l'énorme différence qu'il y a entre le malfaiteur qui s'empare du bien d'un autre, et celui qui ose ajouter à ce crime de lui arracher la vie même.
Ainsi, tout homme qui tue méchamment et avec préméditation son semblable, doit savoir dans un pays où se fait bonne justice, qu'il se dévoue au sort qu'il inflige à autrui, sans droit et sans excuse.
Ce n'est ni au ministre de la justice qui refuse de proposer une commutation de peine, ni au Roi qui la rejette, que le coupable doit attribuer son supplice ; c'est exclusivement et absolument à lui-même. Car la loi qui le frappe a été faite précisément pour assurer son existence comme celle de tous les citoyens. Les commutations ne pavent donc être largement débonnaires sans devenir très dangereusement encourageantes pour le crime, et lorsqu'il ne reste aucune incertitude quelconque sur l'auteur de l'assassinat prémédité, chaque grâce accordée à l'assassin se transforme de fait en arrêt de mort prononcé contre plusieurs innocents, et leur fin malheureuse devient l'œuvre indirecte mais réelle de la puissance qui n'a pas voulu remplir son rôle de protection répressive.
Ce que je dis, messieurs, n'est pas dans un esprit de critique malveillante et de hargneux dénigrement, je crois qu'on peut signaler des abus sans les attribuer à toutes sortes d'intentions mauvaises, avec des allégations sans preuves et qui tendent à flétrir le caractère même des personnes auxquelles elles s'adressent. Ce n'est pas ainsi qu'on porte la lumière et la vérité dans les débats parlementaires. Quant à moi, mon seul but est d'appeler l'attention du gouvernement sur un sujet pénible et grave qui la mérite à un haut degré.
(page 576) M. Loos. - J'ai dit, dans la discussion générale, que je devrais refuser un vote approbatif au budget de M. le ministre de la justice, parce qu'il faisait une mauvaise application des crédits qui lui étaient alloués. J'ai considéré, en tenant ce langage, que M. le ministre de la justice se préparait à poser le principe d'une nouvelle dépense qui, d'après moi, n'était pas justifiée.
Depuis longtemps on s'occupe, en Europe et en Amérique, de la réforme du système pénitentiaire ; depuis longtemps différents pays ont fait des essais, et l'on a fini par reconnaître que la peine, telle qu'elle est subie aujourd'hui par les criminels, au lieu de leur servir de correction salutaire, avait pour résultat de les corrompre, de les rendre plus pervers qu'ils ne l'étaient en entrant dans les prisons ; il fallait chercher une peine qui, en leur faisant expier la faute commise, ne les rendît pas plus corrompus et même les ramenât à de meilleurs sentiments. C'est là ce qui a fait l'objet des méditations des philanthropes de tous les pays.
M. le ministre vous a proposé un projet de loi qui tend à établir dans notre pays le système auquel ailleurs on a donné la préférence. Que devait-il faire après la présentation de ce projet de loi ? Il fallait insister auprès de la législature pour lui faire examiner, discuter et voter un système qu'on croyait propre à remédier à la contagion qui résulte du régime actuel des prisons. Au lieu de cela, qu'a fait M. le ministre ? Son projet a été présenté en décembre 1844. Nous voilà en janvier 1847, et, jusqu'à présent, il n'a fait aucun effort, quoiqu'il avance qu'il porte une grande sollicitude au projet, pour en hâter la discussion dans cette chambre ; et aujourd'hui que la chambre ne s'est pas prononcée sur l'utilité des mesures à introduire, M. le ministre veut les appliquer sans le consentement de la législature. Je dis que M. le ministre veut les introduire de son autorité privée, et déjà cela se trouve fait sur quelques points.
D'après le projet de loi, le système cellulaire doit être introduit dans les maisons d'arrêt, dans les maisons préventives, pour être ensuite appliqué aux maisons correctionnelles, aux maisons de réclusion et finalement pour quelques parties à la maison criminelle. La chambre aura à se prononcer sur ce système ; elle examinera s'il faut commencer par les maisons d'arrêt et s'arrêter devant les prisons militaires.
D'après moi, en présence du projet de loi présenté, il fallait s'arrêter en fait de constructions nouvelles et se borner aux simples dépenses d'entretien des prisons existantes et ne pas faire autre chose. Pour le surplus, faire des instances auprès de la chambre afin d'obtenir la discussion du projet et ne pas s'engager, avant le vote, dans des dépenses nouvelles.
Passant en revue les diverses dépenses faites depuis quelque temps, il a cherché à se justifier en disant que c'étaient des dépenses indispensables. Il semblerait, à entendre M. le ministre, que depuis qu'il est au banc ministériel, et depuis la présentation de son projet, presque rien n'a été dépense dans les prisons, qu'on s'est borné à des dépenses d'entretien, pour des sommes insignifiantes.
L'année dernière, à propos de la discussion du budget de la justice, j'ai demandé quelques renseignements sur les constructions qu'il s'agissait de faire, prévoyant, un système nouveau devant être introduit, qu'on allait se livrer à des dépenses inutiles. J'au trouvé dans ces renseignements une note d'après laquelle plus de 200 mille fr. devaient être dépensés à Gand, 60 mille à Vilvorde et autant à Alost. Voilà donc de l'argent bien inutilement dépensé, si la chambre adopte le système qu'on lui a proposé ; ou, d'un autre côté, si utilisant l'expérience faite en France et en Angleterre, elle ne veut pas suivre servilement ce qui s'est fait dans d'autres pays et préfère établir un système nouveau, un système belge.
Il était évident pour moi que dans ce cas encore la dépense aurait été faite en pure perte.
Aujourd'hui, le ministre nous dit que les dépenses qui ont été faites (200,000 fr. à Gand, 60,000 fr. à Vilvorde et à Alost, je n'ai pas sous les yeux le tableau des dépenses faites pour les autres prisons) étaient urgentes, ne pouvaient être différées. Il vous a entretenus d’Alost ; il vous a dit : Là, je n'ai fait qu'une infirmerie. Comme je ne veux pas y introduire le système cellulaire, il fallait toujours une infirmerie.
M. le ministre vous a dit que, dans le système cellulaire de la prison de Pentonville, il n'existait pas d'infirmerie. Cela est très vrai. Mais comme, d'après moi, le système cellulaire doit être introduit à Alost aussi bien qu'à St-Bernard et à Louvain, j'ai considéré comme inutile la dépense de la construction d'une infirmerie à Alost.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - En attendant, où aurait-on mis les malades ?
M. Loos. - Il fallait les laisser où ils étaient, occupant des chambres où ils n'étaient pas, j'en conviens, aussi bien que dans les salles de l'infirmerie, mais où ils étaient cependant infiniment mieux traités que ne l'est une grande partie de la population, qui n'a commis aucun délit.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il y a 1,400 détenus à Alost.
M. Loos. - Quand j'ai visité la prison d'Alost, il y avait de la place pour 300 détenus de plus. C'est M. le directeur de la prison lui-même qui me l'a dit, quand je lui ai parlé de l'encombrement de St-Bernard.
Que fallait-il faire à l'infirmerie ? dit M. le ministre. Vous pouviez affecter à l’établissement d'une infirmerie les salles non occupées. Il ne fallait pas faire les frais d'une construction nouvelle.
Pour Gand, il semble qu'on n'a fait que replacer une cloison qu'on avait précédemment ôtée des cellules des détenus.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Pouvais-je conserver un état de choses dont l'immoralité est reconnue par tout le monde, et qui amènerait les plus grands désastres ?
M. Loos. - Non ; il ne fallait pas le conserver. La preuve que vous ne vouliez pas le conserver, c'est que vous avez présenté un projet de loi. Mais il fallait attendre l'adoption de ce projet de loi, avant de vous engager dans des dépenses qui préjugent la décision de la chambre.
Dans le système d'Auburn, ou séparation de nuit, la dépense faite à Gand n'est pas inutile. Mais si la chambre n'admet pas ce régime pour la prison de Gand, si elle veut introduire le système cellulaire pour les maison de force et de réclusion, comme pour les maisons correctionnelles, il est évident que dans ce cas la dépense aura été faite inutilement.
Je ne vois dans l'empressement de M. le ministre (je ne l'ai pas caché à la chambre) qu'une chose, le désir d'établir une prison à Louvain. Cette idée ne date pas chez lui de l'arrêté du 23 août. L'honorable M. de La Coste a prétendu qu'il y avait, à ce sujet, contradiction entre mon honorable ami M. le baron Osy et moi.
Cette contradiction n'existe pas. D'après moi, il y a longtemps qu'il a ce projet. D'après M. le baron Osy, ce projet ne serait né qu'avec la réélection qui devait avoir lieu à Louvain. Je ne pense pas que ce soit pour assurer la réélection de l'honorable M. de La Coste qu'une prison a été décrétée à Louvain. Je ne l'ai pas dit ; je ne le crois pas. Je crois que si l'on a donné une prison à la ville de Louvain, c'est plutôt pour assurer l'élection de M. le ministre de la justice, et en exécution des promesses faites à cette fin.
On me rétorque l'argument, et l'on dit que quand nous parlons de St-Bernard, c'est parce qu'il y a là pour nous une question électorale.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est vous qui avez commencé !
M. Loos. - Mais quand avons-nous parlé de Saint-Bernard ? Quand vous avez voulu déplacer cette prison, grever le trésor d'une somme considérable dans votre propre intérêt. Nous devons nous montrer un peu plus économes des deniers publics, et, fût-ce pour un ministre, ne pas dépenser inutilement des millions.
M. le ministre nous dit que, quand il s'est agi de décider l'établissement d'une nouvelle prison, il a consulté toutes les autorités, il a demandé des renseignements sur la localité la plus convenable sous tous les rapports pour un semblable établissement.
A cet égard je puis garantir que, quand la demande des renseignements est arrivée à Anvers, le bruit circulait déjà qu'une nouvelle prison, était promise à Louvain.
Je pourrais invoquer à cet égard le témoignage d'un membre de cette chambre qui était alors gouverneur d'Anvers. Alors déjà l'on disait que cette demande de renseignements n'était qu'une manœuvre pour cacher un parti pris.
Les motifs qui militaient pour la construction d'une prison dans la Campine plutôt que dans un centre de population comme Louvain, n'y ont rien fait. Il avait été décidé que la prison serait construite à Louvain.
L'année dernière, quand mon honorable ami, M. le baron Osy, disait : « Vous voulez établir une prison à Louvain, M. le ministre de la justice protestait qu'il n'était pas question de cela, qu'avant l'adoption du projet de loi aucune prison nouvelle ne serait établie ». Qu'avons-nous vu ? Nous avons vu (et j'ai été, j'en conviens, frappé du rapprochement) en même temps que l'on convoquait le collège électoral de Louvain, un arrêté décidait que la prison serait construite dans cette localité. Voilà le démenti que M. le ministre s'est donné à lui-même. Si ce n'est pas là une manœuvre électorale, il y avait au moins à s'y tromper ? Car, après la déclaration de M. le ministre de la justice, n'étions-nous pas autorisés à dire que si, malgré cela, une prison était établie avant l'adoption de la loi, un intérêt autre que l'intérêt public avait présidé à cette décision ?
L'honorable M. de la Coste a dit que ce n'est pas dans un intérêt de localité, mais d'humanité, qu'il faut déplacer la prison de St-Bernard, ou plutôt qu'il ne faut pas ajouter à son importance par des constructions nouvelles.
Pour établir cet intérêt d'humanité, l'honorable membre vous a dit que (page 577) la mortalité à St-Bernard était considérable, qu'elle était plus forte que dans la plupart des prisons du pays.
Ici, l'honorable membre a versé dans une erreur, et il n'a fait, du reste, que ce qu'a fait la commission instituée par M. le ministre. Il n'a pas fait attention que, dans les registres de l'état-civil de la commune, les décès de la maison de St-Bernard étaient compris.
M. de la Coste. - C'est une erreur.
M. Loos. - Ce n'est pas une erreur. Cela se trouve établi par le bourgmestre lui-même de là commune.
L'honorable membre nous a ensuite parlé de la mauvaise qualité de l'eau. Messieurs, je tiens en main une publication médicale belge, dans laquelle, en présence des manœuvres par lesquelles on cherchait à établir l'insalubrité de cette localité, on a écrit un article pour réfuter ce fait que Saint-Bernard et Hemixem seraient des localités insalubres ; et je trouve dans cet écrit que quand il s'est agi d'établir l'hôpital de la marine à Saint-Bernard, le gouvernement français, dans l'esprit duquel on avait peut-être cherché à faire naître les mêmes préventions quant à la qualité de l'eau, avait fait faire une enquête, et il s'est trouvé que l'eau de Saint-Bernard était supérieure en qualité à toutes les eaux d'Anvers.
M. de Man d’Attenrode. - Ce n'est pas dire grand-chose.
M. de Brouckere. - L'eau est très bonne à Anvers.
M. Loos. - J'entends dire : Ce n'est pas grand-chose. Alors qu'il s'agit d'une population de 80,000 âmes, on trouve que ce n'est pas grand-chose, et quand il s'agit de détenus condamnés au nombre de 1,400, on trouve que c'est une raison pour faire une dépense de 2 millions !
Je passerai, messieurs, à quelques autres considérations d'insalubrité.
L'honorable M. de La Coste nous a dit entre autres, ce dont du reste aucun de nous ne doute, qu'il y avait certains locaux, dans la prison de Saint-Bernard, qui avaient mauvaise odeur. Pour ma part, je crois que c'est un peu comme cela partout, mais j'entends dire pour la première fois que c'est là une cause d'insalubrité.
Messieurs, j'avais pensé, dans la discussion générale, qu'il était inutile de s'occuper de la salubrité de Saint-Bernard. J'ai dit que pour moi il était bien démontré que Saint-Bernard n'était pas insalubre, et que je croyais être certain qu'au point de vue de M. le ministre, Saint-Bernard n'était pas plus insalubre que toutes les autres localités. Aussi j'ai vu avec satisfaction que M. le ministre ne s'est pas beaucoup appuyé sur l'insalubrité de cette localité, et qu'il est venu nous déclarer qu'il n'était pas question de supprimer la prison de Saint-Bernard ; que Saint-Bernard resterait toujours une maison centrale, que ce qu'il trouvait de défectueux dans cette maison, c'était l'encombrement.
Sur ce point, messieurs, je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre de la justice. L'encombrement produit des inconvénients et ces inconvénients ont existé à Saint-Bernard. Il faut chercher à les faire disparaître. Mais encore une fois je pense que le système pénitentiaire nouveau que nous voulons introduire en Belgique, aura pour effet de faire diminuer le nombre des criminels et par conséquent permet d'espérer que les prisons existantes seront suffisantes pour les contenir.
M. Vanden Eynde. - Et en attendant il faut les laisser mourir.
M. Loos. - En attendant, dit l'honorable M. Vanden Eynde, il faut les laisser mourir. Non, messieurs, mais il faut en attendant les envoyer dans les prisons où il y a place. Je vous ai déjà dit qu'à Alost il y avait de la place pour 300 détenus de plus, et j'en ai la preuve ; j'ai vu des locaux vacants et le directeur de la prison lui-même me l'a dit.
Combien y a-t-il de détenus à Saint-Bernard ? Il y en a en ce moment 1,400. Si vous pouviez en envoyer 300 dans une autre localité, Saint-Bernard ne serait plus encombré ; 1,100 détenus y seraient aussi convenablement que partout ailleurs. Quand je dis partout ailleurs, je veux dire que partout où il y a réunion d'individu, aussi bien qu'à Alost, par exemple.
Messieurs, mon but, en parlant des prisons, n'est pas, croyez-le bien, de plaider en faveur de la prison de Saint-Bernard, comme intérêt de localité ; ce serait réellement rapetisser la question. L'intérêt de localité, messieurs, ce serait l'intérêt de villages ; et je me hâte de dire, puisqu'on a supposé que cela pouvait être pour nous un intérêt électoral (c'est ce qu'a pensé M. le ministre de la justice, qui a dit que si la supposition était permise pour lui, elle pouvait l'être pour nous), je me hâte de dire que, dans ces localités, je ne connais aucun électeur.
Si j'ai parlé de la conservation de Saint-Bernard, messieurs, c'est dans l'intérêt du trésor ; c'est dans le but d'empêcher une dépense alors qu'elle n'est pas nécessaire, ou alors qu'elle ne doit pas être aussi considérable que celle qu'on veut faire.
En effet, messieurs, je vous ai dit que les dépendances d'une prison cellulaire, telle que celle de Pentonvilie, qu'on a citée, entraient pour moitié dans la dépense générale ; et comme le pénitencier qu'on veut créer à Louvain doit coûter, au minimum, 1,330,000 fr., j'ai dit et je maintiens qu'avec 700,000 fr. vous obtiendriez les mêmes résultats à Saint-Bernard.
En établissant à St-Bernard 600 cellules, d'après le système que la loi tend à introduire, vous conserveriez en même temps les locaux actuels, et vous pourriez, dans un avenir qui n’est peut-être pas éloigné, avoir assez de cellules pour tous les condamnés correctionnels. Alors la caserne, la buanderie, les cuisines, les bureaux, les magasins, tous locaux dépendants d'une prison, pourraient être conservés.
Ainsi, messieurs, je proteste contre l'intention qu'on me prête de ne parler en faveur de la conservation de St-Bernard que dans un intérêt de localité. Je crois qu'il importe très peu, surtout à la ville d'Anvers, que le pénitencier soit à St-Bernard ou à Louvain. Quant à moi, je ne vois pas quel profit il peut en résulter sinon pour les localités immédiatement avoisinantes, c'est-à-dire pour deux villages ; et encore ces villages ne profitent-ils de l'établissement de St-Bernard que par la dépense que peuvent y faire les employés.
Messieurs, j'avais dit, dans une autre séance, qu'un employé que j'ai signalé comme un mauvais employé, recevait les faveurs ministérielles alors que la commission administrative se plaignait de lui. Je n'ai pas dit que la nomination de cet employé appartenait à M. le ministre actuel ; que M. le ministre veuille relire la discussion, il verra que je n'ai rien dit de semblable ; mais j'ai dit que les actes de faveur lui appartenaient. Eh bien, messieurs, la commission sous les ordres de laquelle se trouve placé cet employé le signalait dans son rapport de 1844 (et à cette époque M. le baron d'Anethan était bien ministre de la justice), le signalait à l'attention du gouvernement comme un mauvais employé, comme un employé négligent ; elle dit que sa mollesse, sa négligence nuisent au service. Eh bien, messieurs, cet employé reçoit une gratification, et un arrêté pris quelques jours après lui accorde en outre un supplément de traitement annuel, de 400 fr., comme indemnité de logement, tandis qu'il est parfaitement logé dans la prison. Cet acte n'est-il pas de M. le ministre de la justice actuel ?
Messieurs, cet acte, je l'ai signalé à votre attention dès l'année dernière. M. le ministre reconnut alors que cette indemnité de logement était une chose irrégulière, et il promit de la faire cesser. Je vous ai dit de quelle manière il l'a fait cesser ; c'est en augmentant d'autant le traitement de cet employé. Le traitement des prédécesseurs de cet employé s'élevait à 1,000 fr., y compris les frais de bureau et l'indemnité pour produit de la cantine. L'employé actuel reçoit un traitement de 2,000 fr., y compris les 400 fr. dont je viens de parler. Il reçoit pour frais de bureau 700 fr., tandis que son prédécesseur recevait 200 fr. Il reçoit, en outre, 200 fr. comme supplément de traitement.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Cela n'existe plus.
M. Loos. - Ces 200 fr. sont une gratification donnée à la fin de l'année, et jamais sur la proposition de la commission chargée de surveiller les actes de cet employé.
Ainsi, messieurs, il y a une différence de 1,000 fr. entre la position du directeur actuel et celle de son prédécesseur, alors, cependant, que le service du directeur actuel se fait avec la plus grande négligence.
M. le ministre a prétendu, en répondant tout à l'heure à l'honorable baron Osy, qu'il avait le droit de faire construire des prisons, que comme il avait fait construire une prison à Liège, il pouvait faire construire une prison à Louvain ; et, ce droit, il l'établit en disant que, jusqu'à présent, personne dans la chambre n'a critiqué l'établissement de prisons nouvelles. Il est évident, messieurs, qu'avant la présentation du projet de loi sur le régime pénitentiaire, le gouvernement devait avoir le droit de restaurer les prisons et d'en créer de nouvelles quand celles qui existaient ne présentaient plus les conditions ou de sécurité, ou de salubrité. Mais lorsqu'il s'agit de changer de système, lorsqu'il s'agit de faire subir aux détenus une aggravation de peine, une aggravation que le législateur français a trouvée assez forte pour s'en occuper en même temps que du système lui-même, alors il me semble que M. le ministre n'avait plus le même droit. Il me semble qu'il ne pouvait pas, de son chef, introduire ce nouveau système, et je le critique non seulement sous le rapport de la dépense, mais aussi sous le rapport du changement qu'il introduit dans les pénalités.
Ainsi un individu est condamné à deux années de détention dans une maison correctionnelle, n'est-ce pas pour lui une aggravation de peine très grande, que d'être pendant ces deux années enfermé dans une cellule, sans pouvoir communiquer avec personne, si ce n'est avec les employés de la maison, au lieu d'être confondu, je dirai presque parmi des camarades, parmi des individus devant lesquels il n'avait pas à rougir ? Je dis, messieurs, que c'est là une aggravation considérable de la peine, et lorsque nous discuterons l'établissement du système nouveau, nous aurons à nous occuper en même temps d'introduire dans nos lois pénales les modifications que cette aggravation de peine rend nécessaires.
Eh bien, M. le ministre a pensé que tout cela pouvait se faire sans l'intervention de la législature. Quant à moi, je ne saurais partager cette opinion.
Mon honorable ami, M. le baron Osy, a signalé encore à la chambre un acte de l'administration de l'honorable M. d'Anethan, et j'ai entendu M. le ministre s'écrier que c'était odieux. Messieurs, les renseignements que l'honorable M. Osy a obtenus à cet égard, il ne les tient pas de moi ; je dois dire cependant que ces renseignements sont à peu près la vérité. Lors de la disette de pommes de terre il s'agissait d'introduire duis la prison de Saint-Bernard un nouveau régime alimentaire. M. le ministre laissa les commissions lui proposer un système à cet égard, et celui qui avait été présenté par la commission de Saint-Bernard fut approuvé et mis à exécution. Il ne souleva aucune plainte et l'augmentation de dépense qu'il entraînait ne s'élevait pas à plus de 2 centimes. Cependant par une mesure générale, le département de la justice introduisit un régime alimentaire nouveau et vous pourrez juger, messieurs, de ce (page 578) régime quand je vous dirai que trois kil de pain devaient remplacer quarante kit. De pommes de terre ; et l'on prétendait que dans ces trois kil. de pain, il y avait autant de matière nutritive que dans les quarante kil. de pommes de terre.
Quelle a été la conséquence du système qui a été introduit parl e département de la justice ? Cette conséquence, on pourrait vous l'indiquer par le chiffre des malades traités à l'infirmerie.
Au mois de novembre 1845, époque postérieure à l'introduction du nouveau système, la population de l'infirmerie était de 68 ; pendant le trimestre suivant, elle était de 99 ; et pendant le deuxième trimestre de 1846, de 157 ; en un mot une maladie s'était déclarée à St-Bernard ; cette maladie, on l'a encore exploitée, pour prétendre que St-Bernard était insalubre. M. le ministre de la justice a dit en effet ; « Le régime alimentaire que j'avais prescrit n'était pas spécial à St-Bernard ; il s'appliquait à toutes les prisons ; et si à St-Bernard ce régime a engendré des maladies, c'est qu'évidemment St-Bernard est insalubre. »
J'ai dit que j°ai visité les prisons du pays ; je puis déclarer que les conséquences fâcheuses que le régime alimentaire, introduit par le département de la justice, a entraînées à St-Bernard, se manifestent également dans les prisons d'Alost et de Gand.
A St-Bernard, l'on a été très longtemps en désaccord sur la nature de la maladie. Les uns l'appelaient typhus ; les autres acridonie. A Alost, la maladie avait un autre nom ; à Gand et à Alost, on l'appelait scorbut ; mais il n'en est pas moins vrai que les effets pernicieux du nouveau régime alimentaire se font sentir à Gand et à Alost comme à St-Bernard.
La commission ainsi que le gouvernement ont insisté auprès de M. le ministre, pour qu'on en revînt à l'ancien régime alimentaire qui n'avait pas provoqué de plaintes de la part des détenus. Les instances faites par la commission furent vaines pendant très longtemps. La commission a signifié à M. le ministre que si l'état des choses n'était pas changé, elle n'entendait assumer aucune responsabilité ; et même que le directeur de la prison introduirait, sans y être autorisé, un nouveau régime alimentaire, parce qu'il ne pouvait supporter le spectacle des malheureux qui mouraient d'inanition. Que répondait à d'aussi vives instances M. le ministre de la justice ? Qu'il n'y avait point péril en la demeure.
Cependant, M. le ministre de la justice a fini par envoyer à St-Bernard un fonctionnaire de son département pour examiner ce qui s'y passait. J'ai tenu devant le délégué de M. le ministre le langage que je tiens ici ; j'ai dit qu'il y avait insuffisance d'aliments ; et sans en convenir positivement, le délégué du ministre n'en a pas moins reconnu qu'il fallait donner aux détenus des aliments plus nutritifs.
Si mon honorable ami, M. Osy, s'est trompé sur quelques détails, les faits n'en existent pas moins tels que je viens de les indiquer, et à cet égard je ne crains aucun démenti.
Messieurs, je terminerai en disant que ce serait une fausse application des deniers publics que d'établir une prison nouvelle à Louvain au lieu d'agrandir St-Bernard ou d'autres maisons qui possèdent les locaux et dépendances nécessaires qui sont évalués à la moitié de la dépense locale. Ce serait vouloir dépenser inutilement au moins un million ; et je ne pense pas que l'état financier du pays permette de faire des dépenses inutiles.
(page 564) - La clôture est demandée.
M. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai pris la parole qu'une seule fois pendant îa discussion du budget de la justice ; je ne l'aurais pas demandée à l'occasion de l'administration des prisons, dont je ne parle jamais qu'avec une certaine répugnance, si ce n'était qu'on a avancé des faits inexacts ; je désirerais rectifier ces faits, je désirerais présenter quelques considérations, pour vous démontrer que les arguments qu'on a fait valoir sont sans fondement ; mais si la majorité est décidée à nous fermer la bouche, comme cela est déjà arrivé plusieurs fois, nous devrons bien nous résigner.
M. Verhaegen (sur la clôture). - Je désire pouvoir répondre quelques mots à un discours assez singulier qui vient d'être prononcé par M. de Mérode. Ce discours ne peut pas rester sons réponse.
M. Osy (sur la clôture). - Je désire expliquer notre amendement. M. le ministre de la justice a dit que cet amendement mettait Louvain à l'index ; je prouverai le contraire.
M. de Brouckere (sur la clôture). - Messieurs, la chambre n'a pas oublié ce qui est arrivé, il y a fort peu de temps ; on avait aussi demandé la parole dans la discussion générale ; la majorité a répondu : « Vous prendrez la parole quand nous serons à l'article premier... » (Interruption.)
La droite, qui est en majorité, devrait ne pas nous interrompre à chaque instant ; elle devrait nous écouter avec quelque indulgence ; il est impossible qu'un membre de la gauche prenne la parole pendant cinq minutes, sans être interrompu une dizaine de fois par des membres de la droite, et quatre ou cinq fois par MM. les ministres ; aujourd'hui encore, M. le ministre de la justice n'a cessé d'interrompre les membres de la gauche.
Je ne vois pas de motif, d'ailleurs, pour qu'on mette tant d'empressement à clore cette discussion. Après le budget de la justice, arrivent le budget de la guerre et une dépendance du budget de la guerre, je veux parler du projet de loi relatif à l'organisation du service de santé. Je ne pense pas qu'il entre dans l'intention de la chambre de commencer dès demain... (Interruption.)
Des membres. - Pourquoi pas ?
M. de Brouckere. - Encore des interruptions ; on veut absolument nous empêcher de parler.
Il ne peut entrer, je le répète, dans l'intention de la chambre d'aborder dès demain la discussion de ces objets ; l'attention de la chambre a été exclusivement fixée sur le budget de la justice, et il faut que nous ayons un peu de temps pour étudier une matière entièrement nouvelle.
Je désire donc, quant à moi, qu'on ne commence la discussion que lundi, alors que le budget de la justice serait voté aujourd'hui.
Je demande donc que la chambre veuille bien décider qu'on ne commencera que lundi le budget de la guerre, qui doit précéder le projet de loi sur le service de santé, parce qu'il nous faut au moins quelques heures pour étudier ces matières toutes nouvelles avant d'en entamer la discussion.
M. de Mérode. - Il me semble que la discussion a duré bien longtemps sur l'objet dont il s'agit ; car c'est sur les prisons qu'on veut continuer la discussion ; s'il ne s'agissait que de répondre à mes observations, je ne voudrais pas empêcher de le faire ; mais si c'est pour recommencer sur les prisons qu'on veut que la discussion continue, je pense que la matière est épuisée...
Sans doute on pourrait parler un mois sur cet objet, mais je dis que la question est épuisée relativement à la décision que la chambre a à prendre, et il y a d'autres objets dont il est urgent qu'elle s'occupe.
M. le président. - La parole est à M. Castiau contre la clôture.
M. Orban. - Nous avons demandé la clôture !
M. Castiau. - Je n'ai pas l'habitude, messieurs, de prolonger inutilement nos discussions et de m'opposer à la clôture, quand la chambre est suffisamment éclairée. Aussi, s'il ne s'agissait que de mettre un terme à la discussion qui s'est engagée sur les prisons, je n'y verrais pas d'inconvénient et je pourrais me rallier à la proposition de clôture.
Si donc je crois devoir la combattre, c'est que cette discussion toute spéciale a été troublée par un incident qui a fait sur la chambre entière une profonde et pénible impression. Je veux parler du discours de M. de Mérode.
A l'occasion de l'article Prisons, M. de Mérode est venu nous lire une sorte de manifeste qui n'avait aucun rapport avec l'objet qu'on examinait. Se jetant intrépidement au milieu de la discussion, il est venu sans motifs comme sans raisons, à l'occasion de quelques crimes récemment commis, exiger de nouveaux supplices et réclamer du gouvernement des sévérités impitoyables, l'exécution de toutes les condamnations capitales.
Ces paroles, messieurs, m'ont trop vivement et trop douloureusement ému pour que je puisse me taire. Jusqu'ici personne ne les a relevées, et ce serait une honte pour notre civilisation et notre pays qu'elles passassent sans réponse.
Je ne vous demande que quelques minutes pour les relever comme elles le méritent.
La chambre tout entière aurait dû se lever pour protester contre ces odieuses provocations. Les paroles qui viennent d'être prononcées « suent le sang », pour me servir d'une expression connue. Les conséquences de ces impitoyables paroles seraient des conséquences meurtrières ; car si le gouvernement cédait aux odieuses excitations qui viennent de lui être adressées, s'il se montrait impitoyable, s'il devait exécuter toutes les condamnations capitales, il faudrait établir l'échafaud en permanence et le faire fonctionner sans interruption dans toutes nos villes et jusque dans nos hameaux !
La chambre ne voudra pas se rendre complice de ces violentes excitations, en refusant la parole à ceux qui veulent les repousser.
Que serait-ce donc, messieurs, si M. le ministre de la justice avait la faiblesse de céder aux injonctions de M. de Mérode et de faire tomber sur l'échafaud toutes les têtes qu'on réclame ? Que serait-ce, si, parmi tous ceux qu'on exécuterait, se trouvaient encore de ces malheureuses victimes des erreurs judiciaires ? Consentirez-vous à subir, avec M. de Mérode, la responsabilité du sang innocent qu'on aurait versé ?
Puisque vous n'avez pas cru devoir protester vous-mêmes contre des doctrines dangereuses et sanglantes, permettez-nous donc de faire entendre, à votre place, notre protestation. Dans votre propre intérêt, dans l'intérêt de votre responsabilité, n'étouffez pas notre voix, quand nous nous présentons devant vous pour défendre la cause de l'humanité et les droits de la raison et de la justice.
M. Rogier. - J'ai demandé la parole contre la clôture ; si on n'insiste pas, je ne parlerai pas.
M. Orban. - Nous insistons pour que la clôture soit prononcée sur la question des prisons.
M. Rogier. - Je demande si neuf collègues se joignent à M. Orban pour demander la clôture....
Je vais parler comme si on insistait.
Je pense qu'on ne peut pas clore en ce moment. Je n'ai pas contribué à donner à la discussion les proportions qu'elle a prises. Voilà la première fois que j'ouvre la bouche depuis que la discussion du budget de la justice est commencée ; mais l'objet en discussion a revêtu une importance toute nouvelle ; il a pris, en quelque sorte, un caractère plus sérieux encore depuis le discours prononcé par l'honorable M. de Mérode.
Ce discours se rattachait très directement à l'objet en discussion ; il ne peut donc pas rester sans réponse. Voici comment j'ai compris le discours de l'honorable membre ; je ne vous ferai pas de la vague philanthropie, ni de la fausse sensiblerie ; je pense qu'un système pénal un peu sévère est nécessaire pour assurer l'ordre dans la société. Je prouverai dans la discussion que je ne veux pas faire de sensiblerie en matière de peines. Je le prouverai pour la prison de Saint-Bernard.
Mais parmi les remèdes indiqués au mal dont on se plaint, j'avoue que celui indiqué par l'honorable M. de Mérode ne me convient pas ; il y a, dit-on, encombrement dans nos prisons, et le remède à apporter à cet encombrement, M. de Mérode vous l'a dit.
M. de Mérode. - C'est indigne, c'est abominable ce que vous dites là.
(page 565) M. Orban. - M. le président, faites exécuter le règlement.
M. Desmet. - C'est un scandale !
M. Orban. - On a demandé la clôture !
M. Rogier. - Voilà comment j'ai compris le discours de l'honorable membre, ce discours a fait la même impression sur d'autres membres que sur moi, il importe donc que la discussion continue pour qu'on puisse s'expliquer.
Je repousse les expressions violentes de l'honorable membre, je lui opposerai tout le calme dont je suis capable.
Quant à l'objet en discussion, j'ai de nouvelles considérations à présenter, des considérations financières entre autres qui sont de nature à faire impression sur la chambre. Voilà les motifs pour lesquels je demande qu'on ne ferme pas la discussion.
M. de Mérode. - Messieurs, on m'a attribué un langage odieux, on a dit que mes paroles « suaient le sang » ; dites donc que la loi sue le sang, qu'elle est odieuse, car la loi prononce la peine de mort ; mais la loi a un motif et c'est ce motif qui fait qu'elle existe et qu'on l'exécute dans tous les pays. Un autre préopinant a dit que je voulais par là diminuer l'encombrement des prisons, comme si l'encombrement qui existe n'était pas dû à une foule de crimes et délits divers qui n'entraînent pas la peine de mort.
La pensée de vouloir par un pareil moyen économiser l'espace dans les prisons est inconcevable, et il est impossible de l'attribuer à qui que ce soit.
M. Dubus (aîné). - Je suis du nombre de ceux qui ont demandé la clôture, parce que, en effet, une séance entière a été consacrée à la discussion générale du chapitre Prisons ; et, au lieu d'une discussion générale, nous n'avons eu, sauf le discours de l'honorable M. de Mérode, qu'une chose, une discussion spéciale sur Saint-Bernard et sur le projet d'une nouvelle prison à Louvain. Or c'est à propos d'un article particulier du chapitre que nous discutons que doit avoir lieu cette discussion spéciale. Ainsi il est évident que cette discussion générale est beaucoup trop longue, puisqu'elle se traîne péniblement sur un objet spécial.
Les honorables membres qui veulent parler sur cet article spécial doivent naturellement remettre leurs discours au moment où l'on discutera cet article spécial et l'amendement de l'honorable M. Osy. C'est alors qu'il le développera, s'il le veut. Mais il n'y a plus rien à dire dans la discussion générale.
On insiste pour répondre à l'honorable M. de Mérode ; mais il vient de déclarer quel est le sens de ses paroles, qu'on a du reste dénaturées ; car il n'avait pas du tout parlé de l'encombrement des prisons. Les honorables membres ne voient qu'encombrement des prisons, parce qu'ils ne voient que la question d'Anvers, que Saint-Bernard ; mais l'honorable M. de Mérode avait parlé, lui, des assassinats qui se multiplient. Voilà la considération sur laquelle il a appuyé.
J'insiste pour la clôture.
- La clôture est mise aux voix par appel nominal et prononcée par 33 voix contre 29, deux membres (MM. de Brouckere et de la Coste) s'étant abstenus.
Ont voté pour : MM. Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières. Desmet, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Fallon, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Scheyven, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Wallaert, Brabant et d'Anethan.
Ont voté contre : MM. de Bonne, de Breyne, de Haerne, Delfosse, de Naeyer, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Lange, Lebeau, Le Hon, Loos, Lys, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Troye, Verhaegen, Biebuyck, Cans, Castiau et Liedts.
M. de Brouckere. - Je me suis abstenu, parce que, alors que la clôture n'aurait pas été prononcée, j'aurais désiré renoncer à la parole. Je ne parle pas pour le plaisir de parler. En présence de la disposition de la majorité à notre égard, je préfère garder le silence.
M. de La Coste. - Si nous voulons réellement que les lois importantes soient discutées, il est nécessaire d'abréger la discussion des budgets : mais je me suis abstenu, parce qu'ayant été mêlé personnellement à la discussion, je n'ai pas voulu empêcher les honorables membres de me répondre.
M. de Brouckere. - Il y a deux membres de l'opposition qui ont parlé !
« Art. 1er. Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des détenus, frais d'habillement et de couchage des gardiens, gratifications aux détenus et frais de route et de séjour, tant des membres des commissions administratives des prisons, que du contrôleur de la comptabilité des prisons et autres fonctionnaires et employés : fr. 1,135,000. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je demande la suppression, dans cet article, des mots « du contrôleur de la comptabilité des prisons. » Son traitement ayant été transféré à l'article premier, ses frais de rouie seront prélevés sur les frais de route des employés du ministère.
M. Loos. - Le libellé de cet article est vicieux en ce qu'il confond des objets qui n'ont ensemble aucune analogie, et qu'il serait d'une bonne administration de séparer. M. le ministre de la justice pourra nous dire quel chiffre il convient de fixer pour chacune des trois divisions suivantes de l'article :
« 1° Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des |détenus, frais d'habillement et de couchage des gardiens ;
« 2° Gratifications aux détenus (il importe que l'on puisse apprécier, par le chiffre de la dépense, le système suivi à cet égard) ;
« 3° Frais de route et de séjour des membres des commissions administratives des prisons et des fonctionnaires et employés. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Loos improvise en quelque sorte un amendement. Mais il m'est impossible de l'admettre, surtout maintenant. Car je ne pourrais indiquer les différentes sommes qui sont nécessaires pour les différents services énumérés à cet article.
Il y a, d'ailleurs, une observation à faire. Ce chiffre est un chiffre tout à fait éventuel. En général même ce chiffre est insuffisant, et il faut des crédits supplémentaires.
Si j'étais forcé de diviser l'article premier comme le propose l'honorable M. Loos, je devrais demander une majoration considérable du chiffre ; car avec la division en plusieurs articles, les transferts n'étant pas possibles, il faudrait prendre comme base le maximum des dépenses possibles de chaque article.
Messieurs, un compte, et un compte très détaillé, comme l'honorable membre a pu s'en convaincre par les tableaux qui sont joints au budget, est rendu de l'emploi de cette somme. Si l'honorable membre venait critiquer cet emploi, je concevrais la demande de division qu'il nous fait. Mais en présence de ce qui s'est passé jusqu'à présent, je ne pense pas qu'il y ait lieu de demander un changement à cet article.
Du reste, je prends volontiers l'engagement de voir si pour le budget prochain, il est possible d'opérer la division demandée.
- L'article, avec la suppression demandée par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Traitement des employés attachés au service domestique : fr. 375,000 fr. »
La section centrale, d'accord avec M. le ministre, propose le chiffre de 400,000 fr.
Le chiffre de 400,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Récompenses à accorder aux employés pour conduite exemplaire et actes de dévouement : fr. 3,000 fr. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais d'impression et de bureau, 10,000 fr. »
- Adopté.
« Art. 5. Constructions nouvelles, réparations, entretien des bâtiments. et du mobilier, charges ordinaires, 444,000 fr., charges extraordinaires, 200,000 fr.
M. le président. - La section centrale propose, d'accord avec M. le ministre, le chiffre de 451 fr. pour les charges ordinaires.
A cet article vient se rattacher l'amendement de M. Osy, tendant à ajouter après les mots « constructions nouvelles », ceux-ci : « autres que celles de la prison de Louvain », et à réduire le chiffre des charges extraordinaires à 150,000 fr.
M. Delfosse. - Messieurs, j'avais quelques observations à présenter sur la construction de la prison de Liège ; mais je renonce à la parole, parce que je vois que la chambre n'est pas disposée à écouter.
Je dois cependant un mot de réponse à ce que l'honorable M. de La Coste nous a dit tantôt en s'abstenant ; l'honorable M. de la Coste nous a dit qu'il n'avait pas voulu se prononcer contre la clôture pour ne pas retarder le vote de lois utiles, que le pays attend avec impatience.
Je ne sais si l'honorable M. de La Coste a voulu insinuer par là que l'opposition aurait le désir de retarder le vote de ces lois utiles que le pays attend avec impatience ; si telle avait été l'intention de l'honorable M. de La Coste, je lui répondrais à peu près ce que j'ai répondu il y a quelques jours à MM. les ministres.
J'ai répondu à MM. les ministres qui s'étaient aussi permis une insinuation de ce genre : « Ceux qui retardent le vote des lois, ceux qui enrayent les travaux parlementaires sont ceux qui n'arrivent presque jamais à l'heure fixée pour la séance ! »
Je répondrais à l'honorable M. de la Coste : Ceux qui retardent le vote des lois, ceux qui enrayent les travaux de la chambre sont ceux qui, par l'acceptation de fonctions publiques, se mettent dans l'impossibilité de remplir assidûment leur mandat parlementaire.
Je vous le demande, messieurs, que deviendraient les travaux parlementaires, que deviendraient les projets de lois utiles, si chacun de nous imitait l'honorable M. de La Coste dans ses absences ?
M. de La Coste. - Messieurs, je n'ai adressé aucun reproche. Je n'ai fait qu'une observation très simple qui ne devait pas m'attirer l’attaque de l'honorable M. Delfosse.
M. Osy. - Messieurs, je dois d'abord déclarer que je suis persuadé qu'on n'avait pas besoin de décréter une prison à Louvain pour faire réélire l'honorable M. de La Coste. Mais j'ai rappelé qu'il y a deux ans, bien que M. le ministre de la justice déclarât qu'il ne s'agissait pas d'établir une prison à Louvain, j'avais fait connaître à la chambre que tout ce qu'on disait de Saint-Bernard avait pour but d'amener la construction d'une prison à Louvain. C'était, messieurs, avant les élections de 1845. Il fallait déjà alors se rendre les électeurs de Louvain favorables. Cette (page 566) année on persiste dans le même système, et c'est ce qui explique l'arrêté qui a été pris.
J'en viens à mon amendement. Je veux être bref, puisqu'on paraît pressé d'en finir.
M. le ministre de la justice vous a dit qu'il s'agissait de faire une dépense qui dépassât 200,000 fr., il viendrait en demander l'autorisation à la chambre par une loi spéciale.
Messieurs, il est prouvé à l'évidence que la prison de Louvain coûtera au moins 1,300,000 francs. Mais je crains, si vous votez aujourd'hui le budget tel qu'on vous le propose, qu'on ne vienne se prévaloir de votre vote pour nous dire l'année prochaine, pour la prison de Louvain, que c’est un fait accompli.
Si vous voulez consulter les tableaux qui sont déposés sur le bureau, vous verrez que les 200,000 fr. extraordinaires sont demandés pour les prisons de Liège, de Verviers, de Gand et de Louvain. Or, si vous n'adoptez pas mon amendement, il est certain que plus tard on viendra vous dire : Vous avez déjà consenti à une dépense, ne fût-ce que de 20 à 30,000 fr. : la question est donc décidée, et vous devez consentir au reste de la dépense. »
Ainsi, messieurs, mon but, en proposant mon amendement, est, non pas de mettre Louvain à l'index, mais de laisser la question entière. Lorsque le projet de loi sur le régime pénitentiaire sera voté, le gouvernement viendra nous demander des fonds, soit pour agrandir Saint-Bernard, soit pour construire une prison à Louvain ; alors nous examinerons la question dans tous ses détails ; mais je demande que nous ne la préjugions pas.
M. le ministre de la justice, au commencement de la discussion de son budget, nous avait dit que lorsque nous nous occuperions des articles, il indiquerait la somme qu'il voulait affecter cette année à la prison de Louvain. Je ferai remarquer qu'il n'en a rien fait. Je crois, messieurs, que nous sommes en droit de lui demander quelle est la partie des 200,000 fr. pétitionnés qu'il veut consacrer à cet usage. C'est cette partie dont je demande la réduction.
De cette manière la question reste entière, et nous verrons alors s'il faudra agrandir Saint-Bernard ou faire une autre prison, soit à Louvain, soit ailleurs.
M. le ministre de la justice a paru dire que s'il s'était agi de construire la nouvelle prison à Cumptich j'aurais voté en faveur de la mesure. C'est là une erreur, messieurs, car je soutiens que pour établir une nouvelle prison soit à Cumptich, soit à Louvain, il faut une loi spéciale. Le gouverneur d'Anvers n'a pas demandé non plus qu'on fît une prison nouvelle à Cumptich ; il a dit que si l'on voulait faire une prison nouvelle dans la province, il fallait la placer soit à Cumptich soit dans la Campine, mais son opinion était qu'il ne fallait pas construire une prison nouvelle.
Ainsi, messieurs, je laisse la question entière. Mais si vous n'adoptez pas mon amendement, l'année prochaine le gouvernement viendra vous dire : « C'est un fait accompli. » Et vous aurez laissé poser un acte qui occasionnera une dépense première de plus de 1,500,000 fr., indépendamment d'une dépense annuelle très considérable.
(page 579) M. Rogier. - Messieurs, je vous demanderai un moment d'attention ; je n'ai pas jusqu'ici pris part à la discussion. Si elle se prolonge, ce n’est pas, comme on l'a insinué, la faute de l'opposition ; je crois que M. le ministre de la justice a un tort ou un malheur, si l'on veut, c'est de mettre la politique là où elle n'a que faire ; c'est tout au moins d'être véhémentement soupçonné de substituer les intérêts de parti aux intérêts de l'administration. Voilà, messieurs, une des causes du caractère et de la longue durée de ces débats. Je dois le dire, si M. le ministre de la justice se sentait irréprochable, il chercherait moins à se défendre ; il ne descendrait pas dans une foule de détails personnels et minutieux dont il me semble qu'il devrait s'abstenir dans l'intérêt de la brièveté de nos débats, je dirai presque de la dignité de nos débats.
Maintenant, messieurs, me renfermant dans l'objet en discussion, je demanderai à M. le ministre de la justice s'il verrait le moindre inconvénient à ajourner à une discussion nouvelle, à réserver pour un projet de loi spécial la somme qu'il demande à l'effet d'établir une prison à Louvain ? Je le déclare tout de suite, si la nécessité d'une prison nouvelle établie d'après un système nouveau, si cette nécessité est reconnue, l'emplacement de Louvain me paraît bien choisi. Voilà, je crois, de l'impartialité. Louvain, par sa situation au centre du pays, est très convenable à l'établissement d'une prison centrale. Si donc on me démontre qu'une nouvelle prison est nécessaire, je donnerai mon vote au projet de loi qui aura pour objet de l’établir à Louvain. Cela ne sera pas inutile, je le reconnais, aux intérêts électoraux de M. le ministre et de ses amis, mais ce n'est pas un motif pour moi de repousser le projet de loi.
Mais, messieurs, dans les circonstances actuelles cette nécessité ne m'est pas démontrée, et c'est pourquoi il m'est impossible de voter l'article du budget qui déciderait le principe d'une dépense nouvelle considérable. Dans la situation financière où le pays se trouve, il y a une grande imprudence, il y a une grande légèreté à grever le trésor public de nouvelles charges, alors que l'utilité et l'urgence des dépenses proposées ne sont pas clairement démontrées. Prenons-y garde, messieurs, ne marchons pas en aveugles dans une voie qui peut nous conduire à de très graves embarras, pour ne pas dire à de grands dangers. Je ne veux pas, messieurs, jeter une défaveur spéciale sur le crédit qui nous est demandé. Il y a, sans doute, des raisons particulières pour ajourner l'adoption de ce crédit ; mais il y a surtout des raisons générales qui doivent nous tenir en garde contre l'empressement que nous mettrions à faire de nouvelles dépenses.
En peu de mots, messieurs, je rappellerai que depuis le commencement de cette session, depuis la présentation de nos budgets, qui offraient déjà un déficit de 19 millions de francs, à couvrir par des bons du trésor, des dépenses nouvelles ont été votées ou ont été demandées jusqu'à concurrence de 7,376,000 fr., en dehors des budgets de 1847, de sorte que ces dépenses viendront grossir le déficit déjà si considérable de 19 millions.
Cette somme de 7,576,000 fr. doit s'accroître encore par des demandes nouvelles inévitables. Ainsi, pour citer le budget de la guerre, une augmentation de plus d'un million nous est proposée par M. le ministre et par la section centrale. Cette augmentation est attribuée à l'augmentation du prix des vivres et des fourrages. Quelle qu'en soit la cause, messieurs, cette augmentation est réclamée comme nécessaire. Ce n'est pas à dire que la chambre doive la voter, ce n'est pas à dire que la dotation de l'armée, que nous avons voulu, agissant libéralement, fixer à 28 millions, doive s'élever avec le prix des vivres et des fourrages ; il y aura peut-être moyen de ramener le chiffre du budget de la guerre dans les limites de la dotation ; mais, enfin, il est possible aussi que la chambre consente à ajouter au budget de la guerre l'augmentation dont je viens de parler, et en ce cas ce sera un déficit nouveau.
Ensuite, messieurs, vous aurez des crédits supplémentaires ; vous pouvez vous y attendre ; et si par exemple, 12 ou 13 cent mille francs sont demandés en 1847 pour l'armée à cause de l'augmentation du prix des vivres et des fourrages, cette augmentation se sera fait sentir aussi sur l'exercice de 1846, et de ce chef il est probable qu'un crédit supplémentaire nous sera demandé. M. le ministre des finances pourrait peut-être déjà nous le dire...
M. le ministre des finances (M. Malou). - 200,000 fr.
M. Rogier. - Si je suis bien informé, les prisons exigeront aussi un crédit supplémentaire ; peut-être M. le ministre des finances pourra-t-il également nous en faire connaître le chiffre...
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je le dirai tout à l'heure.
M. Rogier. - Le chemin de fer, les travaux publics exigeront des crédits nouveaux ; ces dépenses, on a beau les ajourner ; si elles sont impérieusement commandées par les besoins du service public, il faudra bien se résoudre à les faire ; on peut les reculer, les dissimuler pour un temps, mais arrive un moment où, bon gré mal gré, il faut les proposer aux chambres, et où les chambres sont forcées de les voter ; de ce chef donc, il y aura encore à voter, non des centaines de mille francs, mais des millions.
Il est une autre dépense indispensable et qui s'élèvera sans doute à un demi-million ; je veux parler de l'entrepôt d'Anvers ; 1,500,000 fr. ont été dépensés pour cet entrepôt, mais la somme a été insuffisante. Qu'arrive-t-il (page 579) aujourd'hui ? Faute d'argent, les travaux sont suspendus ; les bâtiments ne sont pas couverts ; les constructions faites souffrent beaucoup de l'intempérie des saisons ; elles ne servent aucunement à leur destination ; ne servant pas à leur destination, elles ne sont d'aucun rapport pour le trésor public ; voilà un capital de 1,500,000 fr. complétement absorbé et ne rapportant aucun intérêt. Si les bâtiments pouvaient recevoir des marchandises, à l’inatnt même ils rapporteraient un intérêt de 8 à 10 p. c. Cette dépense, il faudra donc bien se résoudre à la faire. C’est un capital assez considérable à ajouter aux dépenses que j’ai déjà énumérées. Il est encore d'autres dépenses qui, sans doute, m'échappent et que vous devrez voter inévitablement.
Si nous avions une situation financière florissante, si au lieu d'un déficit considérable qui grossit de jour en jour, nous avions, je ne dirai pas une réserve, mais seulement un équilibre dans nos finances, nous ne devrions pas y regarder de si près ; mais notre situation financière exige de grands ménagements, et ce n'est pas le cas de procéder, sans absolue nécessité, à des dépenses nouvelles.
La dépense pour la prison nouvelle, dont nous poserions les premiers éléments dans le budget de 1847, s'élèvera certainement à 12 ou 13 mille francs. Si cette dépense est reconnue indispensable, nous la voterons ; mais faut-il que ce soit cette année ? Ne serait-il pas convenable, au point de vue de la situation financière, de ne pas engager l'avenir, quand le présent s'offre sous des couleurs si sombres ?
Les plans de la nouvelle prison ne sont pas complétement achevés ; le système adopté pour le régime des prisons n'est ni voté ni même discuté dans les chambres : ces deux circonstances, jointes à la situation financière, ces considérations ne devraient-elles pas déterminer M. le ministre de la justice à ajourner sa demande de crédit au budget de l'année prochaine, ou à en faire l'objet d'un projet de loi spécial ? Car enfin, s'il a de bonnes raisons pour défendre l'idée qu'il a conçue, il les fera beaucoup mieux triompher dans la discussion d'une loi spéciale que dans la discussion de son budget. Je prie M. le ministre de répondre à cette simple question : Voit-il de l'inconvénient à ajourner le crédit relativement à la prison de Louvain ? Si M. le ministre consentait à l'ajournement, je réserverais mes observations pour la discussion ultérieure ; mais si M. le ministre n'y consent pas, je suis obligé de lui démontrer que la prison qu'il veut établir à Louvain ne présente pas un degré d'urgence tel que la chambre doive voter immédiatement le principe de cette dépense.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Rogier semble croire que je demande cette année un crédit spécial pour la prison de Louvain ; il n'en est rien ; je me suis borné à demander le chiffre qui a été voté tous les ans. Si je m'oppose à l'amendement de l'honorable M. Osy, c'est parce que je le considère comme tendant à exclure la localité à laquelle il fait allusion. (Interruption.) Voilà un orateur de la gauche qui m'interrompt, je prie la gauche d'en prendre note.
Messieurs, je ne puis consentir à l'ajournement, dans le sens dans lequel s'est exprimé l'honorable M. Rogier ; en voici les motifs : D'abord je déclare de nouveau bien formellement que je ne me croirai pas autorisé à construire une prison dans la ville de Louvain, à l'aide des crédits ordinaires du budget. Mais l'honorable M. Rogier sait qu'un arrangement a été conclu par le gouvernement avec la ville de Louvain, laquelle a cédé au gouvernement un terrain assez considérable, mais qui pourtant n'est pas suffisant ; il faudra donc que le gouvernement en acquière un qui lui est contigu ; il faudra donc de plus clore d'un mur le terrain ; il en résultera une dépense peut-être d'une vingtaine de mille francs. Mon adhésion à la proposition de l'honorable M. Rogier impliquerait ma renonciation à l'arrangement fait avec la ville de Louvain ; c'est pour cela que je ne puis adhérer à cet amendement. Mais il est bien entendu que tout se bornera à l'acquisition du terrain jugé nécessaire pour être ajouté à celui qui a été cédé par la ville ; quand il s'agira ensuite d'examiner s'il y a lieu de bâtir la prison, je présenterai une loi spéciale de crédit à la chambre ; mais, je le répète, je ne crois pas pouvoir consentir à un ajournement qui compromettrait un arrangement que je crois avantageux à l'Etat.
Maintenant je cède la parole à l'honorable M. Rogier, qui n'avait pas achevé son discours.
M. Rogier. - Messieurs, il me semble que j'avais fait à M. le ministre de la justice une proposition extrêmement conciliante. M. le ministre, tout en ayant l'air d'y adhérer vient cependant de vous faire une déclaration de laquelle il résulterait qu'en votant le chiffre, tel qu'il est libellé, la chambre prendrait une décision en faveur de la prison de Louvain.
Si M. le ministre ne veut pas, dès maintenant, une décision en faveur de la prison de Louvain, qu'il retranche le mot « Louvain » du libellé de l'article. « Il y a un arrangement, dit-il, entre le gouvernement et la ville de Louvain. » Eh bien, un arrangement subsistera ; la ville de Louvain ne voudra pas mettre le ministre en demeure de s'exécuter ; elle a un trop grand intérêt à posséder une maison centrale, pour retirer les offres qu'elle a pu faire.
Mais que rien ne soit préjugé. Que M. le ministre fasse avec Louvain ou avec d'autres localités tous les arrangements qu'il croira utiles, qu’il fasse même certaines acquisitions, mais que ce soit sous toutes réserves du vote des chambres, qu'il soit bien entendu que la chambre n'est pas engagée (page 580) dans les opérations qu'il a pu faire, qu'il n'a aucune espèce d’autorisation pour les faire ; et pour cela, qu'on ne laisse pas figurer dans le libellé de l'article le mot « Louvain ».
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il n'y figure pas !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il n'y est pas !
M. Rogier. -Voici comment est conçue la note : « Cette somme est destinée à la construction des prisons de Liège, Verviers et Louvain ». Nous demandons la suppression du mot « Louvain ».
M. de la Coste. - Si on supprime le mot Louvain, il faut supprimer également les mots Verviers et Liège !
M. Rogier. - Le droit est acquis aux villes de Liége et de Verviers, par le vote de l'année dernière. Ce n'est que de cette année que le mot Louvain apparaît au budget. Nous connaissions, l'année dernière, l'état des prisons de Liège et de Verviers ; nous savions qu'il y avait urgence de restaurer complétement ces deux prisons. Il n'en est pas de même pour Louvain. Nous demandons qu’on nous laisse le temps d'examiner la question. Si la note dont je viens de parler ne doit pas figurer dans le budget, tout est dit ; mais il faut qu'il soit bien entendu que le vote de l'article n'implique pas l'approbation de l'établissement d'une maison centrale à Louvain. Si la note est maintenue, il faut que le mot Louvain en soit retranché. Et comme les villes de Liège et de Verviers puisent leur droit de priorité dans l'article ainsi libellé, il faut y laisser les mots Liège et Verviers.
Veut-on franchement et simplement la même chose que nous ? M. le ministre consent-il à réserver pour une discussion spéciale à la suite d'une demande de crédit spécial la question de l'établissement d'une nouvelle maison centrale ? Ou bien veut-il obtenir indirectement un vote approbatif de l'établissement d'une maison à Louvain ? Qu'on s'explique. Dans mon opinion, rien n'indique, en ce moment, qu'il faille engager le trésor public dans une nouvelle dépense pour l'établissement d'une maison centrale.
(page 566) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Rogier semble croire que je demande cette année un crédit spécial pour la prison de Louvain ; il n'en est rien ; je me suis borné à demander le chiffre qui a été voté tous les ans. Si je m'oppose à l'amendement de l'honorable M. Osy, c'est parce que je le considère comme tendant à exclure la localité à laquelle il fait allusion. (Interruption.) Voilà un orateur de la gauche qui m'interrompt, je prie la gauche d'en prendre note.
Messieurs, je ne puis consentir à l'ajournement, dans le sens dans lequel s'est exprimé l'honorable M. Rogier ; en voici les motifs : D'abord je déclare de nouveau bien formellement que je ne me croirai pas autorisé à construire une prison dans la ville de Louvain, à l'aide des crédits ordinaires du budget. Mais l'honorable M. Rogier sait qu'un arrangement a été conclu par le gouvernement avec la ville de Louvain laquelle a cédé au gouvernement un terrain assez considérable, mais qui pourtant n'est pas suffisant ; il faudra donc que le gouvernement en acquière un qui lui est contigu ; il faudra donc de plus clore d'un mur le terrain ; il en résultera une dépense peut-être d'une vingtaine de mille francs. Mon adhésion à la proposition de l'honorable M. Rogier impliquerait ma renonciation à l'arrangement fait avec la ville de Louvain ; c'est pour cela que je ne puis adhérer à cet amendement. Mais il est bien entendu que tout se bornera à l'acquisition du terrain jugé nécessaire pour être ajouté à celui qui a été cédé par la ville ; quand il s'agira ensuite d'examiner s'il y a lieu de bâtir la prison, je présenterai une loi spéciale de crédit à la chambre.
(page 578) M. Loos. - Messieurs, je ne veux pas occuper plus longtemps la chambre d'un amendement pour lequel je ne m'attends pas à avoir beaucoup de succès. Je me contenterai donc de la déclaration que vient de faire M. le ministre.
M. le ministre de la justice nous dit : Si M. Loos venait critiquer l'emploi de ce crédit, je comprendrais la nécessité de diviser l'article. Je répondrai, messieurs, qu'il est à ma connaissance que des objets qui figurent dans ce libellé n'ont pas été liquidés depuis 1845. J'ai demandé quelques renseignements à cet égard ; mais je n'en ai pas obtenu qui me permissent, en aucune façon, de juger des motifs qui ont donné lieu à ce retard.
Je le répète, je me contenterai de la promesse que nous a faite M. le ministre d'examiner, pour le budget prochain, si la division que j'ai proposée pourrait être admise, et je retire mon amendement.
(page 566) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Dans les développements du budget ou plutôt dans les tableaux que j'ai joints au budget, j'ai indiqué une somme de 200,000 fr. comme étant destinée à la construction des prisons de Liège, Verviers, Louvain et Gand. Mais cette somme est évidemment insuffisante, non seulement pour toutes ces prisons, mais même pour une seule de ces prisons ; du reste, aucune indication n'est portée au libellé de l'article, et dès lors, en votant l'article l'emploi projeté n'est pas sanctionné.
Dans tous les cas, je ne pourrais pas consentir qu'il me fût interdit de faire, avec le crédit voté, une chose que M. Rogier lui-même a reconnu que j'avais droit de faire, c'est-à-dire d'acheter et de faire clore les terrains nécessaires.
M. Rogier a dit lui-même qu'il reconnaissait que l'arrangement fait avec la ville de Louvain pouvait nécessiter l'acquisition de quelques parcelles à côté du terrain cédé par la ville. Eh bien, si on retranchait, avec intention, le mot Louvain de la note, ou si on adoptait l'amendement de M. Osy. je ne pourrais pas faire cette acquisition.
M. Rogier. - Vous pourriez toujours la faire, sous réserve du vote des chambres.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne pourrais même pas la faire sous réserve, si la suppression du mot Louvain impliquait interdiction ; et cela serait contraire aux intérêts du trésor ; car il serait possible que je pusse acheter maintenant le supplément de terrain dont j’aurais besoin, à des conditions avantageuses ; plus tard, je ne le pourrais plus. Je demande donc qu'il ne soit pas interdit au gouvernement d'acquérir le terrain joignant celui que j'ai obtenu de la ville de Louvain, afin d'avoir assez d'espace pour construire une prison convenable. Il est entendu que c'est sous la réserve du droit de la chambre de refuser les crédits que je demanderais pour construire ultérieurement la prison.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - M. Osy demande qu'on ajoute les mots : « autres que la prison de Louvain. »
M. Osy. - D'après la section centrale, et je crois que M. le ministre est d'accord avec elle sur ce point, la somme de l'article 631 mille francs se divise en 431 mille fr. de dépenses ordinaires et 200 mille fr. de dépenses extraordinaires ; j'avais proposé de réduire ces 200 mille francs si M. le ministre ne s'engageait pas à ne pas donner suite à l'arrêté du 23 août ; puisqu'il s'engage à ne l'employer qu'à des achats de terrain, je retire mon amendement.
- L'article est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 631,000 fr., dont 431,000 dépenses ordinaires, et 200,000 dépenses extraordinaires.
Section II. – Service des travaux
Articles 6 à 9
« Art. 6. Achat de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 700,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Gratifications aux détenus : fr. 170,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Frais d'impression et de bureau : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitements et tantièmes des employés : fr. 85,500. »
- Cet article est adopté avec une réduction de 4,000 francs, montant du traitement du contrôleur des prisons, transféré à l'article 2 du chapitre 1er.
La suite de la discussion est renvoyée à demain. La chambre met à l'ordre du jour de demain, après le budget de la justice :
1° Sur la proposition de M. Lejeune, le projet de loi relatif à l'inaliénabilité des pensions des officiers, de leurs veuves et orphelins ;
2° Sur la proposition «le M. Orban, le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Petithier ;
3° Sur la proposition de M. le ministre des finances, la discussion générale du projet de loi relatif au service de santé de l'armée.
Sur la proposition de M. de Brouckere, la chambre décide que la discussion générale de ce projet de loi ne sera pas close, à la séance de demain.
- La séance est levée à 5 heures.