(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 410) M. A. Dubus procède à l’appel nominal à 11 heures 1/4.
M. Van Cutsem lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
(page 376) « Le sieur Leroy, soldat au 8ème régiment d’infanterie, prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Les négociants en toiles et en lilas et les teinturiers, à Louvain, demandent et la prohibition des étoupes à la sortie et un droit de 25 à 30 p. c. à l’exportation des lins communs non sérancés. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux étoupes ; ensuite renvoi à la commission d’industrie.
Par deux messages, en date du 23 décembre, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le budget des finances et le budget des dépenses pour ordre.
- Pris pour notification.
M. A. Dubus donne ensuite lecture de la lettre suivante.
« M. le président,
« M. Verwilghen, notre collègue, gravement malade depuis quelques jours, d’une fièvre typhoïde, vient de succomber aujourd’hui. La veuve et les enfants profondément affligés d’une perte aussi cruelle et aussi inattendue m’ont prié de vous annoncer ce douloureux événement. Dans l’assurance, M. le président, que vous voudrez bien en faire part à messieurs les membres de la chambre, j’ai l’honneur, etc.
« Signé C. DE MEESTER.
« Saint-Nicolas, le 23 décembre 1846. »
M. le président. - La chambre entend sans doute que j’exprime à la famille Verwilghen la part que nous prenons à la perte irréparable qu’elle vient de faire.
De toutes parts. - Appuyé ! appuyé !
M. le président. - Je me conformerai au désir de la chambre.
M. Loos. - J’ai l’honneur de vous soumettre le rapport de la section centrale à laquelle vous avez renvoyé le projet de loi sur l’exportation du sucre brut de betterave. Ce rapport est fort court ; si la chambre vent le permettre, j’en donnerai lecture.
Plusieurs voix. - L’impression, l’impression !
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il vaut mieux en entendre la lecture.
Plusieurs membres. - Oui, oui. Lisez, lisez.
(Nous donnerons ce rapport.)
M. le président. - Comme il est probable que ce projet ne donnera lieu qu’à un appel nominal, ne pourrait-on pas le meure à l’ordre du jour après les projets de loi relatifs aux étoupes et aux cuirs ?
M. Eloy de Burdinne. - Il me semble qu’il ne doit y avoir aucune difficulté à mettre ce projet de loi en discussion immédiatement. Si l’étranger veut prendre nos sucres bruts de betterave, il faut se mettre à même de le faire le plus tôt possible.
(page 411) Un grand nombre de voix. - La discussion immédiate !
M. Delfosse. - S’il y a discussion immédiate, je devrai m’abstenir. Je ferai observer que cet objet n’est pas à l’ordre du jour.
- La chambre consultée décide qu’elle passera immédiatement à la discussion du projet de loi sur lequel le rapport vient d’être fait.
M. le président. - L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Par extension de l’article 3 de la loi du 17 juillet 1846 (Moniteur n°199), les sucres bruts de betterave sont admis à l’exportation avec une décharge égale au montant de l’accise. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
57 membres ont répondu à l’appel.
51 membres ont répondu oui.
6 membres se sont abstenus.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban, Osy. Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Cans, Clep, d’Anethan, de Breyne, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Naeyer, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Lange, Lejeune, Lesoinne et Liedts.
Se sont abstenus : MM. Pirson, Sigart, Verhaegen, de Bonne, Delfosse et Jonet.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à en faire connaître les motifs.
M. Pirson. - Je n’ai pas eu le temps de prendre connaissance du rapport qui vient d’être déposé. Je me suis abstenu, comme n’étant pas suffisamment éclairé.
M. Sigart, M. Verhaegen, M. de Bonne et M. Jonet déclarent s’être abstenus par le même motif.
M. Delfosse. - J’ai dit pourquoi je me suis abstenu.
M. Osy. - Nous voyons à l’ordre du jour, après le budget de l’intérieur, deux petits projets de loi qui ne prendront que peu de temps. Si l’on s’en occupe en dernier lieu, nous ne serons plus en nombre pour les voter, tandis qu’on voudra rester pour le budget de l’intérieur. Je demande donc qu’on commence par ces deux projets de loi ; d’autant plus que le sénat n’a plus à son ordre du jour que le budget des affaires étrangères, ensuite il s’ajournera. Il est donc à craindre que si nous ne votons pas immédiatement ces projets de loi, le sénat se sépare sans les avoir votés ; et cependant le projet de loi sur la sortie des étoupes est très important pour les Flandres.
J’insiste pour l’adoption de ma proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’avoue que je n’oserais pas assurer avec l’honorable préopinant que la discussion de ces deux projets de loi ne prendra que peu de temps. Quand on commence une discussion, on ne sait où l’on s’arrêtera.
Sans perdre du temps à cet incident, je demande que la chambre maintienne son ordre du jour. Votons le budget de l’intérieur, qui est également attendu par le sénat. Nous pourrons ensuite nous occuper des deux projets de loi qui sont aussi à l’ordre du jour.
M. Dedecker. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Osy. Je pense, avec lui, que la discussion de ces deux projets de loi ne demandera pas beaucoup de temps. J’ai peur aussi qu’à la fin de la séance on ne soit plus en nombre pour les adopter.
M. Lebeau. - Messieurs, si le gouvernement maintenait son projet purement et simplement, en ce qui concerne la prohibition de la sortie des étoupes ; s’il ne se ralliait pas aux propositions extensives de la section centrale, je conçois que la discussion pourrait être très courte. Mais je pense qu’il y aura de l’opposition à la proposition de la section centrale.
Messieurs, je n’aurais pas peut-être combattu la proposition du gouvernement, mais je déclare que j’aurai à présenter quelques observations contre la proposition de la section centrale, et je crois qu’elle rencontrera ailleurs que chez moi des objections.
Il ne faut donc pas dire que la discussion des deux projets dont on parle ne durera qu’un instant ; je crois qu’elle pourra prendre quelques développements.
- La chambre, consultée, maintient son ordre du jour.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre XVIII. (Lettres, sciences et arts.)
M. Verhaegen. - Messieurs, j’ai demandé la parole, non pas pour m’opposer au chiffre porté au budget pour souscriptions, encouragements, subsides, en faveur de notre littérature nationale, mais pour critiquer la répartition qui en est faite par M. le ministre de l’intérieur.
Je trouve très bien que le gouvernement encourage les littérateurs, les artistes belges ; je serais même disposé, si nos finances le permettaient, à voter un chiffre double ou triple. Mais je blâme hautement la conduite de l’honorable M. de Theux, qui, dans la répartition qu’il fait de la somme portée au budget, au lieu d’avoir égard au mérite, n’écoute encore une fois que l’esprit de parti.
D’après le tableau que j’ai sous les yeux, indépendamment de plusieurs autres subsides, trois mille francs sont accordés, et paraissent devoir être accordés annuellement, à la Bibliothèque nationale, dans laquelle figure en première ligue l’Histoire des Belges aux croisades, par M. André Van Hasselt, inspecteur des écoles normales et des écoles primaires supérieures. C’est ce livre, messieurs, dont j’ai eu l’honneur de vous dire un mot dans la discussion générale, en prenant l’engagement d’y revenir lors de la discussion des articles.
L’Histoire des Belges aux croisades qui, d’après un prospectus rédigé en termes très emphatiques, était destinée « à inspirer à la nation un patriotisme à la fois ferme et éclairé ; qui devait être un livre complet et longuement médité, restant sous les yeux de tous et se retrouvant toujours dans les moments de loisir, » n’est au fond qu’une mauvaise compilation marquée au coin de l’exagération et de l’obscurantisme.
Messieurs, il existe plusieurs histoires des croisades ; toutes ont la même origine, mais quelques-unes sont accompagnées d’observations philosophiques et critiques, qui seules peuvent encore en faire tolérer la lecture dans un siècle de lumières. Ce que les moines racontaient dans leurs veillées d’hiver au sein de leur communauté, ce qu’ils mettaient ensuite par écrit, tout en riant eux-mêmes de leurs travaux littéraires, l’imprimerie s’en est emparée comme d’un objet de curiosité et les chroniqueurs en ont fait une affaire de spéculation.
Est-ce pour former l’esprit national qu’on réimprime en Belgique toutes ces vieilleries ? Est-ce pour un semblable ouvrage qu’il faut un subside de trois mille francs par an ?
J’aurais compris qu’on fit un ouvrage philosophique et critique sur les croisades, mais la Bibliothèque nationale s’est bornée à reproduire comme siens les travaux de Michaux et Wilken : en laissant de côté les observations philosophiques et libérales de ces auteurs, elle a reproduit les vieilleries et les absurdités des chroniqueurs du moyen âge dont la critique du dix-huitième siècle a fait depuis longtemps bonne et ample justice.
Et c’est un inspecteur de nos écoles normales, de nos écoles primaires supérieures qui attache son nom à une pareille œuvre !!
On dira peut-être que ce ne sont là que des traditions toujours respectables ! Non, ce ne sont pas des traditions, ce ne sont que des récits de chroniqueurs ; et d’ailleurs faudrait-il reproduire des traditions ridicules et fanatiques dans un livre destiné à un public éclairé ?
Ecoutez !
Tome premier, page 48, on lit :
« En France et en Italie, une pluie d’étoiles étoit tombée du ciel, des aurores boréales éclairoient parfois les ténèbres de La nuit. Une comète s’étoit montrée vers le midi. Des nuages couleur de sang qui ressembloient à des tours et à des forteresses apparoissoient parfois à l’horizon tantôt du côté de l’orient, tantôt du côté de l’occident.
« Un prêtre allemand avoit vu en plein jour lutter dans les nues les fantômes de deux cavaliers dont l’un, armé d’une croix, avoit désarçonné son adversaire. Un autre avoit remarqué dans l’air une grande épée que le vent emportoit comme la plume d’un oiseau. Enfin des pâtres avoient aperçu an milieu d’une nuit profonde une ville immense qui resplendissoit dans le ciel et l’on disoit que c’étoit la sainte ville de Jérusalem. On prétendoit même que Charlemagne étoit sorti de son tombeau pour venir se placer à la tête des croisés avec sa grande épée Durandal. »
Page 104.
« Plusieurs pieux vieillards reçurent de saintes révélations sur l’avenir réservé aux soldats du Christ. Selon les chroniques, un vénérable provençal eut pendant une nuit qu’il passoit en prières, une vision dans laquelle le Sauveur, la Vierge et saint Pierre lui apparurent, le Prince des apôtres le conduisit, dans ce rêve étrange, à l’église de St-Pierre d’Antioche et lui montra, au pied du maître autel, un endroit où, disoit-il, se trouvoit enterré le fer de la lance qui avoit servi à percer le flanc de Jésus-Christ. L’évêque d’Ademan ne voulut pas croire d’abord à là réalité de cette vision, mais Raymond de Toulouse et plusieurs autres demandèrent qu’on creusât la terre à l’endroit désigné. Après un jour de recherches on trouva la sainte lance et personne ne douta plus de la puissance de Dieu ni de la protection du Ciel. Le Sauveur étoit apparu à un autre prêtre qui étoit en prière dans l’église de Notre-Dame et lui avait dit : Va et dis à tes frères que je me suis éloigné d’eux parce qu’ils se sont éloignés de moi, mais que je les recevrai dans ma miséricorde après qu’ils auront fait pénitence pendant cinq jours. »
Page 108.
« On raconte qu’au moment où la bataille venoit de commencer, les Chrétiens virent une troupe de guerriers célestes, couverts d’armures étincelantes et conduits par trois chevaliers, descendre la montagne.
« Ces guerriers, disoit-on, venoient assister les Chrétiens, et ces trois chevaliers étoient saint George, saint Maurice et saint Démétrius. D’autres ajoutoient que la présente de la sainte lance au milieu de l’armée frappoit de terreur et paralysoit les Musulmans. La victoire elle-même, que ces prodiges avoient aidé à remporter, opéra d’autres miracles, etc. »
Page 128.
« Dans ce moment critique, il se passa une chose étrange qui vint tout coup ranimer le courage prêt à faillir aux plus braves. Le duc Goddefroid (page 412) vit apparaître, au sommet du mont des Oliviers, un cavalier qui étoit revêtu d’une armure étincelante et qui agitoit son bouclier en montrant aux croisés le chemin de la ville. Cette apparition frappa tous les esprits. Toutes les bouches s’écrièrent que c’étoit saint Georges qui venait prêter son concours aux soldats du Christ. »
Nous vous ferons grâce, messieurs, de plusieurs autres passages marqués au coin de l’exagération et du fanatisme. Nous nous bornerons à vous faire remarquer, comme l’a dit fort à propos un critique national qui, chose rare, a un nom à Paris, que les Belges aux Croisades de notre inspecteur des écoles normales ne sont qu’un pillage perpétuel ; qu’il les a extraits de Michaud et de Welken ; que les deux Histoires des croisades, rédigées, l’une en français par le premier, l’autre en allemand par le second, lui ont fourni tout son travail ; que seulement il a dénaturé les faits qui ne secondent pas assez ses calculs, et surtout qu’il a retranché toutes les observations philosophiques et critiques dont les auteurs qu’il a pillés ont entouré les récits des chroniqueurs.
M. l’inspecteur civil a cherché les faveurs, les récompenses d’un ministère catholique dans une entreprise fondée par un ministère libéral.
Et puis voyez la tendance, la partialité de l’auteur Le récit de la prise de Jérusalem et du massacre général qui en fut la conséquence, est fait sans aucun commentaire, sans aucun cri de réprobation.
Tome 1, page 102, on lit :
« Mais quand l’aube fut venue le travail des glaives s’organisa, les chrétiens qui habitoient la ville se joignirent à leurs libérateurs et leur servirent de guides dans le dédale encore à demi obscur du jour. Le carnage commença, il fut horrible. Les infidèles surpris dans leur sommeil ne songèrent plus à se défendre. Tout ce qui ne put pas échapper par la fuite, tomba sous la fureur des Latins. Dix mille cadavres jonchèrent bientôt les rues et les places publiques ; rien ne résista aux coups de l’armée victorieuse et les épées furent sans miséricorde. «
Page 108.
« Dès ce moment le champ de bataille n’offrit plus que le spectacle d’une épouvantable confusion, d’un horrible pêle-mêle d’hommes et de chevaux où les épées et les lances n’avoient qu’à plonger et les masses d’armes qu’à frapper pour y trouver la mort. Le carnage dura jusqu’au soir. Cent mille infidèles, s’il faut en croire des témoins oculaires, restèrent sur le champ de bataille. »
Et enfin page 129.
« La ville étoit prise ; par une singulière coïncidence, dit un témoin oculaire, ce fut le 15 juillet 1099, un vendredi à trois heures du soir, c’est-à-dire au jour et à l’heure même où le Sauveur expira sur la croix.
« Bientôt aux cris de victoire qui se firent entendre sur tous les points de la ville se mêlèrent les cris des mourants atteints par les glaives des croisés que la longue résistance et les insultes des infidèles rendirent inaccessibles à tout sentiment de pitié. Ces chevalier et soldats s’étaient répandus de tous côtés et ils frappoient tout ce qui s’offroit à leurs coups, sans épargner ni l’âge ni le sexe. Jérusalem ne présentait plus que le spectacle d’une vaste boucherie. Le carnage devint général. Les ennemis avoient épuisé leur dernière défense dans la mosquée d’Omar, mais Tancrède y avait pénétré avec les siens et plus de dix mille Musulmans avaient péri par les épées chrétiennes.
« S’il faut en croire le chroniqueur Raymond d’Agiles, les hommes y marchoient dans le sang jusqu’aux genoux. Partout on n’entendoit que des cris de mort ; partout on ne voyoit que des cadavres. Les maisons, les rues, les places publiques étoient pleines de sang. Tout ce qui échappoit aux coups de Godefroid, de Norbert de Normandie et du comte de Flandre tomboit sous les coups des Provencaux. La citadelle de Sion elle-même fut forcée, et tout ce qui avoit essayé d’y chercher un asile fut massacré.
« Quand les Croisés ne trouvèrent plus de Sarrasins à égorger, ils se jetèrent sur les juifs qu’ils réunirent dans leur synagogue à laquelle ils mirent le feu. Tous ces malheureux périrent dans les flammes. »
« Mais la vengeance et la soif du sang se trouvant satisfaites, les chrétiens songèrent au riche butin que la ville devoit leur fournir... »
Je le répète, pas un mot, pas une seule expression d’humanité ou de réprobation de l’auteur.
Les puritains du jour jettent constamment les hauts cris contre Voltaire et contre son école.
Mais qu’ils lisent les pages chaleureuses du philosophe de Ferney sur cet affreux massacre, qu’ils lisent les observations pleines de philanthropie sur ces gestes néfastes et si contraires à l’esprit du christianisme, et qu’ils nous disent après cela de quel côté est l’esprit du christianisme !
Celui qui a le haut contrôle de l’instruction primaire ne s’est pas contenté de doter le pays d’une Histoire des Belges aux croisades dont vous connaissez maintenant et l’esprit et le but ; il a fait plusieurs autres compilations appropriées à l’usage des écoles primaires et des familles chrétiennes. Il en est une surtout, intitulée : « Récits tirés de l’Ancien Testament », dont la moralité ne peut être mise en doute, car un prince de l’Eglise, l’archevêque de Malines, s’est empressé de la revêtir de son approbation et d’en permettre l’impression.
Je ne parlerai pas, messieurs, de la naïveté et de la pureté du style ; c’est peu de chose ; je me bornerai à faire remarquer que certaines leçons des récits de l’Ancien Testament, celles par exemple qui traitent de la punition du premier péché, de l’ivresse de Noé, de la destruction de Sodome et de Gomorrhe, de l’apparition de Dieu dans un buisson ardent et du péril auquel Joseph se trouva exposé dans la maison du Pultiphar, ne sont certes par faites pour édifier les mères de familles, et je doute fort qu’aucune d’elles, après les avoir parcourues, en permette la lecture à sa fille. Lisez vous-mèmes et jugez…
On aura beau dire que c’est le style de la Bible, mais on ne reproduit pas en langue vulgaire les obscénités de la Bible, surtout pour les mettre entre les mains des enfants.
Et c’est pour de pareils livres qu’on dépense les fonds du budget, alors qu’on pourrait les employer si utilement !
Je croirais, messieurs, manquer à mon mandat si je venais sanctionner cette dépense, en approuvant la répartition faite par M. le ministre.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant avait déjà annoncé, dans la discussion générale du budget de l’intérieur, qu’il s’occuperait de cette publication. Je me suis donc mis en devoir de recueillir quelques renseignements. Voici les faits.
En 1845, messieurs, pendant que l’honorable M. Van de Weyer occupait le ministère de l’intérieur, le sieur Jamar s’adressa à lui et lui fit la proposition de publier une bibliothèque nationale. Il fondait l’utilité de cette publication sur ce que tous les ans il est importé de l’étranger plus de 70,000 volumes qui sont destinés tant aux écoles moyennes qu’aux écoles primaires soit pour livres d’études et de lecture, soit pour être distribués en prix. Il crut, messieurs, que ce serait une entreprise patriotique que de publier une bibliothèque nationale.
M. Van de Weyer accueillit cette idée avec faveur, et pour mon compte je l’en félicite hautement, Il chargea de la direction de cette entreprise ou plutôt de la surveillance, M. Van Hasselt, inspecteur des écoles primaires normales et des écoles primaires supérieures.
L’honorable M. Verhaegen a critiqué un ouvrage publié par M. Van Hasselt, les Belges aux Croisades. L’honorable membre ne semble pas avoir lu le livre en son entier. Ce que j’ai remarqué, c’est qu’il s’appesantissait sur quelques récits populaires de l’époque dont M. Van Hasselt rend compte dans son ouvrage, sur quelques expressions qui semblent appartenir assez naturellement à un sujet de cette nature. Il a regretté, messieurs, que cet ouvrage, destiné aux jeunes gens, à de très jeunes gens surtout, ne fût pas accompagné de notes critiques, philosophiques et libérales.
Messieurs, je crois que, pour être dans le vrai, il fallait écrire l’histoire des croisades suivant l’esprit du temps, et non pas suivant l’esprit de l’époque actuelle tel qu’une histoire des croisades écrite dans un esprit philosophique et libéral serait un non-sens ; que les croisades elles-mêmes serait une absurdité eu présence d’un tel esprit dominant à cette époque.
L’honorable membre nous a aussi parlé, messieurs, de l’histoire de l’Ancien Testament. Vous savez tous, que l’histoire de l’Ancien Testament est écrite dans un style très simple, très familier. (Interruption). L’honorable M. Verhaegen s’établit ici censeur des mœurs ; je serai toujours content de le voir prendre à cœur la sévérité des mœurs, mais cependant lorsque je verrai un livre de cette nature revêtu de l’approbation d’un prince de l’Eglise, du cardinal archevêque de Malines, je me tiendrai fort en garde contre les critiques de l’honorable M. Verhaegen, et je considérerai le livre comme ne péchant pas contre l’orthodoxie et comme étant d’une pureté suffisante pour que la jeunesse ne soit point compromise.
Messieurs, j’ai eu dans les mains ce livre ; je ne l’ai pas lu, je dois le déclarer, mais j’ai vu dans quelle forme il est conçu. C’est d’abord un récit très succinct des principaux événements de l’histoire sainte ; à la suite du récit quelques questions sont posées à l’élève ; ces questions, pour des personnes qui veulent approfondir l’histoire ancienne, pourraient à la vérité quelquefois éveiller des idées, mais il faut bien se rendre compte de l’intention du livre, de la marche du livre : à ces questions, messieurs, il doit être répondu par le texte qui les précède.
Il ne s’agit pas de faire des commentaires sur ces questions, mais il s’agit, pour l’élève de l’école primaire, qui est encore généralement dans l’enfance, de répondre d’après le texte qui précède la question. Or, messieurs, en acceptant le livre tel qu’il est conçu, il m’a été impossible d’y trouver ce que l’honorable préopinant a cru y voir. Quant à moi, messieurs, je persiste à croire que l’honorable M. Van de Weyer a fait une chose des plus utiles en encourageant la Bibliothèque nationale, et je lui en réitère hautement mes félicitations.
M. de Bonne. - A la session dernière j’ai fait observer que le mode suivi pour cette allocation de 6,000 francs était irrégulier. Allouer 6,000 francs sans condition, d’une manière indéterminée, c’est, me paraît-il, une donation ou tout au moins une rémunération exorbitante.
Je ne m’occupe pas du mérite de l’ouvrage des RR. PP. Bollandistes, je suppose que ce soit un chef-d’œuvre ; encore ne doit-il pas être payé trop fastueusement.
En donnant annuellement 6,000 francs, c’est un moyen de prolonger la publication des Acta Sanctorum, jusqu’à l’an 2,000. Car on n’y occupera que deux ou trois personnes, tandis que si on adoptait ma proposition le travail serait accéléré.
Il y a encore des artistes, des écrivains qui reçoivent un subside, mais c’est pour un travail convenu, fixé et non pas indéfini.
Où en serions-nous si l’on donnait 6,000 francs par an pour la statue de Godefroid de Bouillon, du prince Charles, etc. ? Vous ne les verriez jamais sur leurs piédestaux.
M. le ministre a promis l’année dernière de régulariser cette allocation ; il avait donc reconnu vicieux son libellé. Je viens renouveler mon observation ; je lui demande : a-t-il une convention ? Qu’il nous le (page 413) dise. Mais si, comme je le pense, il n’y en a pas, qu’il demande une somme par volume, on saura à quoi s’en tenir et quelle qu’elle soit, elle ne s’élèvera jamais à 7,000 fr., comme celle payée l’année dernière pour les 1,600 pages publiées il y a 6 à 8 mois.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). _ Messieurs, l’honorable préopinant propose un autre mode de publication pour l’œuvre des Bollandistes. Je reconnais volontiers que l’honorable membre ne s’oppose pas à la publication de l’œuvre, et c’est là l’essentiel. Serait-il plus avantageux de faire une convention par volume ? C’est ce qu’il serait très difficile de dire ; car la publication d’un volume ne dépend pas seulement du nombre de pages, mis il dépend encore et surtout du soin donné à la rédaction, et de l’importance des matières que le volume comprend.
Du reste, je suis très persuadé que les pères bollandistes seraient très disposés à traiter d’après la condition qui a été indiquée par l’honorable préopinant. Mais pour prouver à la chambre qu’il n’y a dans cette matière rien de caché, et que surtout le gouvernement n’a pas l’intention de favoriser d’une manière indirecte une corporation religieuse, ainsi que le croyait l’honorable préopinant dans le discours qu’il a prononcé l’année dernière, je dépose sur le bureau une notice sur l’œuvre des Bollandistes ; j’aurais pu en faire un résumé ; mais comme ce rapport contient 23 pages, il m’aurait fallu beaucoup de temps pour faire ce résumé ; je crois que ce qu’il y a de plus simple à faire, c’est d’insérer le document au Moniteur ; chaque membre de la chambre pourra alors en prendre connaissance, apprécier la question soulevée par l’honorable préopinant, et voir si le subside annuel de 6,000 fr. est une somme exagérée, eu égard à l’importance du travail en général, ou s’il serait préférable d’établir un marché pour la publication par volume.
M. de Mérode. - Depuis Tite-Live, tous les historiens ont rendu compte des prodiges signalés par les contemporains à l’époque des grands mouvements, des luttes héroïques entre les peuples. L’historien moderne, parce qu’il les raconte, ne prend point la responsabilité de leur exactitude.
Le passage cité sur la prise de Jérusalem est une critique de la conduite des croisés, car il est inutile, à ce qu’il me semble, de dire que marcher dans le sang jusqu’aux genoux, après avoir tué des femmes et des enfants, est un triomphe barbare ; cela se comprend de soi-même ; mais nous savons aussi que les villes prises d’assaut ont été dans tous les siècles exposées à de pareils malheurs ; et que des hommes qui ont exposé leur vie dans un combat acharné, dans une attaque très opiniâtre, ne s’arrêtent pas dans leur colère et qu’ils vont au-delà des bornes. C’est un fait renouvelé dans tous les temps ; et l’historien a, selon moi, donné une part suffisante au blâme, en rendant un compte rigoureux de ces circonstances.
Du reste, M. Van Hasselt a cherché à faire valoir les Belges dans un réel esprit national, car il a fait ressortir la part prise par eux aux actions mémorables des Croisés, et il a cité ceux qu’avaient oubliés ou négligés les historiens français. M. Van Hasselt s’est appliqué à mettre en relief leurs exploits, et, sous ce rapport, nous lui devons des éloges.
Pour ce qui concerne l’Ecriture, dans tous les temps on a donné aux enfants un volume orné d’images, extrait de La Bible, où se trouvent l’histoire de Joseph et les autres faits signalés comme immoraux par l’honorable membre. Ces faits, présentés avec la réserve convenable, sont d’un bon exemple. La conduite de Joseph a toujours été donnée comme un modèle de vertu... (On rit.) Vous pouvez rire tant qu’il vous plaira ; la conduite de Joseph a été célébrée et louée dans tous les âges. Certes, on ne loue pas la femme de Putiphar, mais c’est Joseph qui est offert comme modèle aux enfants. Il est étonnant qu’on ait découvert aujourd’hui, dans ce récit, une immoralité que nos pères n’y avaient pas vue.
Mon père et ma mère étaient très moraux, et cependant ils ont mis les récits de la Bible de Royaumnont entre mes mains dans mon enfance. Les évêques et les archevêques de France et d’autres pays ont adopté ce livre. Je ne conçois donc pas qu’on montre tant de susceptibilité pour un abrégé de même nature, et qu’on flétrisse, comme peu convenable, cet épisode de l’histoire de Joseph, quand on préconise, au plus haut point, des ouvrages où figurent les Couche-Tout-Nu, les demoiselles de Cardoville, et autres personnages de pareil accoutrement, et qu’on les fait valoir comme des chefs-d’œuvre.
M. Cans. - J’appellerai l’attention du ministère sur un point qui se rattache à l’instruction publique et qui doit tendre à la développer et à l’agrandir. Je ne crois pas devoir répéter ici ce que beaucoup d’auteurs ont écrit pour prouver la nécessité des études de l’antiquité classique et les avantages que les littératures modernes peuvent en retirer. A quelques exceptions près, tout le monde est aujourd’hui d’accord sur ce point, ainsi que sur l’utilité particulière de l’enseignement du grec ancien dans les collèges, comme partie des humanités. Histoire, poésie, philosophie, éloquence, sciences, la Grèce a tout produit d’une manière beaucoup plus originale encore que Rome qui n’a fait que la copier, ou l’imiter presque toujours. Voilà ce que nous disent les juges compétents sur la matière et que je me suis fait un devoir de consulter.
L’enseignement de la langue grecque serait beaucoup plus profitable aujourd’hui, si, aux avantages de l’étude d’une langue ancienne et classique, il réunissait ceux qu’offre l’étude d’une langue moderne. Or, que se passe-t-il en Grèce ? C’est que les hommes de cœur et d’intelligence font tous leurs efforts pour ramener le grec moderne à l’ancien et le faire ainsi remonter à son illustre origine.
Chaque jour amène un progrès : il arrivera bientôt que celui qui comprend un auteur du beau siècle de la littérature hellénique, pourra comprendre les discours des chambres grecques. Si ce mouvement se propage, il comprendra avant peu d’années la langue de la conversation et du commerce.
Mais pour cela il faut adopter la prononciation du grec moderne qui seule diffère par quelques nuances. Ce changement, qui ne présente aucun inconvénient, offre de si grands avantages que le ministre actuel de l’instruction publique a cherché à les procurer à la jeunesse française. Il a envoyé à Athènes un inspecteur des études, M. Alexandre, chargé de préparer les voies à cette modification de l’enseignement. D’après son rapport, il a été résolu qu’un certain nombre d’élèves de l’école normale se rendrait en Grèce, de même que les lauréats de peinture et de musique se rendent en Italie.
Pourquoi la Belgique n’imiterait-elle pas cet exemple, en donnant une satisfaction légitime à des vœux que la presse a déjà exprimés, avant qu’ils aient pu être émis dans cette enceinte ?
Pourquoi, en faisant apprendre aux jeunes gens, une langue classique indispensable, ne chercherait-on pas, par une légère modification de l’enseignement, à en doubler l’utilité, à nous faciliter des rapports commerciaux qui peuvent acquérir de l’importance dans l’avenir ?
M. le ministre des affaires étrangères se concertant avec M. le ministre de l’intérieur pourrait entamer des négociations avec le gouvernement grec pour en obtenir les avantages qu’assure à nos voisins l’école française d’Athènes fondée par ordonnance royale du 11 septembre dernier, La Belgique peut, de son côté, offrir à la Grèce quelques enseignements utiles et admettre dans ses écoles spéciales du génie civil et du corps de mines, des élèves qui en attendant le retour des nôtres, commenceraient déjà à répandre dans nos collèges les premiers éléments de la réforme.
Si la question financière était un obstacle, ne pourrait-on s’entendre avec le gouvernement français, qui certes n’aurait aucun motif de nous repousser d’une mission toute scientifique, alors qu’il a accueilli à diverses reprises nos officiers à partager les dangers et les fatigues de la guerre contre les Arabes ?
Quoi qu’il en soit, je ne fais pour le moment aucune proposition à cet égard, et je me borne à attirer l’attention de MM. les ministres sur cet objet qui me semble digne de toute leur sollicitude.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, en effet, j’ai appris que la France s’occupait de la question spéciale dont a parlé l’honorable préopinant.
De mon côté, je me suis adressé au gouvernement français pour m’assurer s’il ne serait pas possible d’admettre quelques Belges à l’institut français, à Athènes, quand il sera organisé. J’ai le plaisir de pouvoir dire que le ministre de l’instruction publique de France a donné l’assurance que des jeunes gens de notre pays pourraient y être reçus. Ainsi, l’honorable membre peut voir que j’ai été au-devant de ses désirs.
M. Verhaegen. - J’ai parlé des Belges aux croisades, parce que j’ai vu au budget un chiffre considérable en faveur de cette publication, alors que je n’ai rencontré que des bagatelles de quelques centaines de francs en faveur d’autres publications, très remarquables sous le double rapport et du mérite et de l’utilité. J’ai parlé des Belges aux croisades parce qu’un homme auquel on a confié le sort de nos écoles normales y a attaché son nom, et que je n’étais pas fâché de saisir l’occasion qui n’était offerte pour vous dire en quels hommes le gouvernement place sa confiance quand il s’agit d’inspecter les écoles normales, surtout les écoles normales du clergé subsidiées par l’Etat.
M. le ministre de l’intérieur veut justifier l’ouvrage de M. Van Hasselt en disant qu’il n’est destiné qu’à des écoliers. Des écoliers, messieurs, méritent mieux que cela ; mais M. le ministre se trompe sur la destination qu’il donne à l’Histoire des croisades : d’après le prospectus, cette histoire est destinée à un public éclairé ; c’est un ouvrage de bibliothèque, un ouvrage sérieux, à consulter souvent, un ouvrage, en un mot, propre à former l’esprit national. Et, je vous le demande, peut-on donner cette qualification à l’ouvrage dont je viens de vous lire quelques passages ? J’aurais pu vous lire cinquante autres passages du même acabit, si je n’avais pas craint d’abuser de vos moments.
Dans tout ce que vous ont dit M. le ministre de l’intérieur et M. le comte de Mérode, il n’y a que de la partialité et de l’esprit de parti : à les en croire, tous nos livres à nous sont mauvais ; les seuls livres du clergé méritent quelque confiance. Ils se permettent même de croire qu’il n’y a de moralité que chez eux. C’est là, messieurs, une absurdité, une injure gratuite portée à notre opinion, injure à laquelle je dédaigne de répondre. On a bien mis à l’index Chateaubriand ! Il y a au moins, qu’on ne l’oublie pas, autant de moralité chez nous que chez nos adversaires ; mais nous, nous le revendiquons avec fierté, le monopole de la franchise !
J’ai parlé d’un autre ouvrage du même auteur, sans en lire des passages et POUR CAUSE ; j’engage fort M. de Mérode à le lire, car j’ai lieu de croire que ce n’est pas celui-là que ses parents lui ont mis sous les yeux dans son enfance. Je l’engage à le lire attentivement, je m’en rapporterai volontiers à son contrôle.
A la première lecture l’honorable M. de Mérode ne trouve rien d’extraordinaire dans ce livre. « La conduite de Joseph, dit-il, était très louable, celle de la femme de Putiphar était très blâmable, quel inconvénient y a-t-il dès lors à mettre ce récit sous les yeux des enfants ? » Oui, comme dans tous les ouvrages- il y a de bons et de mauvais types, mais il ne convient pas de décrire pour les enfants l’adultère ou la tentative adultère, soit qu’on recoure à l’Ancien Testament, soit qu’on aille puiser les exemples dans Alexandre Dumas, Victor Hugo et autres ; et (page 414) puisque M. de Mérode vient nous parler sans cesse du « Juif errant » qui n’a rien à faire dans cette discussion, je lui dirai que si à côté de « Couche-Tout-Nu » qui paraît faire son cauchemar, je pourrais placer avec beaucoup d’avantage et « Gabriel le bon prêtre » et la Mayeux, ce type d’abnégations, et tant d’autres ; je ne voudrais néanmoins pas mettre entre les mains de jeunes enfants, d’adolescents même les ouvrages d’Eugène Sue. Je mets sous ce rapport ces ouvrages sur la même ligne que celui auquel j’ai fait allusion.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le livre dont vient de parler l’honorable M. Verhaegen est intitulé : « Récits tirés de l’Ancien Testament ». Ce livre est destiné à l’usage des écoles primaires ; à ce titre et par la nature de sa composition, il doit être soumis à l’approbation de l’autorité ecclésiastique. Si maintenant il y avait quelque amélioration à apporter à ce livre, je ne doute nullement que les inspecteurs ecclésiastiques, dans leur session annuelle, ne les indiquent à l’auteur, et ne lui fassent à cet égard des observations. Mais jusqu’à ce que cela soit arrivé, je ne suis pas disposé à croire que l’imprimatur ait été accordé légèrement.
Du reste, si je suis bien informé, ce livre a été substitué à un autre qui était moins réservé.
L’honorable membre a cru que 3,000 fr. étaient accordés pour la publication de l’Histoire des Belges aux croisades. A cet égard, il est dans l’erreur. Voici le contrat conclu par M. Van de Weyer.
« Art. 1er. Un subside de 500 fr. est accordé au sieur A. Jamar, éditeur de la Bibliothèque nationale, à Bruxelles, pour chaque volume composant cette collection, et ce, aux conditions suivantes :
« A. Les livres seront d’auteurs belges.
« B. L’éditeur payera aux auteurs au moins 300 fr. par volume.
« C. Chaque volume, paraissant mensuellement, sera composé de 200 à 250 pages in-12 ou in-18.
« L’éditeur remettra au ministre de l’intérieur 25 exemplaires de chaque volume.
« Art. 2. les subsides imputables par moitiés égales sur les fonds affectés dans le budget de l’Etat au service de l’instruction primaire et à l’encouragement des lettres et des sciences, ne pourront excéder la somme de 6,000 fr. annuellement.
« L’encouragement total ne pourra excéder la somme de 24,000 fr. »
Voilà les conditions du contrat. Mais vous voyez qu’il ne s’agit pas de 3,000 fr. ni pour un, ni pour deux volumes.
M. Dedecker. - Je comptais ne rien dire sur la question spéciale soulevée par l’honorable M. Verhaegen ; mais, d’après l’insistance qu’il y a mise, je crois devoir dire quelques mots relativement à l’entreprise littéraire, connue sous le nom de « Bibliothèque nationale ».
L’honorable membre auquel je réponds n’approuve pas l’allocation d’un subside de 3,000 fr. pour encourager cette entreprise littéraire. Pour ma part, je regarde cette dépense comme extrêmement utile, parce que, ainsi que M. le ministre de l’intérieur, je considère la fondation de la Bibliothèque nationale comme une œuvre digne de toute la sollicitude du gouvernement, de toutes les sympathies de la législature.
Examinons maintenant comment cette œuvre a été conduite ; car c’est là surtout ce qui a été l’objet des critiques de M. Verhaegen.
Cet honorable membre n’a cité, parmi tous les écrivains qui concourent à la rédaction de la Bibliothèque nationale qu’un seul écrivain, M. Van Hasselt. Il a oublié de vous dire que la plus grande impartialité a présidé à l’admission de tous les écrivains belges qui veulent consacrer leur talent à traiter l’un ou l’autre point de l’histoire nationale, pour que leur œuvre soit comprise dans la Bibliothèque nationale. Ainsi, à côté du nom de M. Van Hasselt, il convient de citer ceux de MM. Juste, de Saint-Genois, et Moke, qui se sont fait une position honorable dans les lettres et les sciences.
J’arrive spécialement au livre de M. Van Hasselt, qui a ouvert la série des ouvrages qui composeront la Bibliothèque nationale. Je me permettrai d’examiner brièvement les principaux reproches que lui a adressés l’honorable M. Verhaegen.
D’abord, c’est, dit-il, une compilation que l’Histoire des Belges aux croisades : Oui, comme toute œuvre historique est en définitive une compilation, en ce sens qu’on n’invente pas, qu’on ne fait pas l’histoire, mais qu’on la raconte. Dieu nous délivre des faiseurs d’histoire ! Il est à souhaiter que les historiens se contentent toujours du modeste rôle de narrateurs fidèles.
L’honorable membre reproche encore à l’auteur de l’Histoire des Belges aux croisades de n’avoir exprimé aucun blâme au sujet des scènes de carnage qui se trouvent dans ce livre. Comme l’a fait observer avec raison l’honorable M. de Mérode, personne ne peut songer un instant à approuver de pareilles horreurs. Mais quand il s’agit de traiter une époque historique, il faut se reporter vers l’esprit à cette époque ; il ne faut pas juger l’ensemble de la civilisation ancienne avec les idées de notre civilisation moderne.
L’honorable M. Verhaegen a porté enfin ses critiques sur certains détails de l’Histoire des Belges aux croisades. Il a dit que ce livre est empreint d’exagération, d’obscurantisme, que l’auteur raconte une masse de vieilleries ; on y voit figurer des pluies d’étoiles, des nuages couleur de sang, etc., etc.
C’est là, messieurs, au fond, une discussion littéraire entre les deux écoles historiques : l’école descriptive et l’école philosophique. Ces deux écoles ont des défenseurs sérieux et éminents. Ce n’est pas ici le lieu de comparer le mérite respectif des deux écoles ; toutefois je crois pouvoir dire qu’aujourd’hui les principaux historiens en sont revenus à l’écc descriptive. L’histoire raconte ; elle ne prouve, elle ne conclut pas. C’est pourquoi, à côté de l’histoire, il s’est élevé une autre science, qui s’appelle la philosophie de l’histoire. C’est cette dernière science qui est chargée du rôle spécial que l’honorable M. Verhaegen voudrait imposer aux historiens.
Voilà, messieurs, les courtes observations que je voulais faire à l’honorable M. Verhaegen, en réponse à celles qu’il nous a présentées au début de cette séance.
Qu’il me soit permis de dire, en finissant, que la meilleure preuve des soins apportés à la direction de cette entreprise et de l’intérêt qu’elle doit inspirer, c’est que cette Bibliothèque est devenue nationale de fait, et qu’elle obtient dans toutes nos provinces un succès populaire. En effet elle compte, à l’heure qu’il est, 7,000 souscripteurs. C’est la meilleure réponse qu’on puisse faire aux critiques de l’honorable M. Verhaegen.
M. d’Elhoungne. - Je ne viens pas prolonger la discussion spéciale qui s’est engagée sur les observations de l’honorable M. Verhaegen.
Le crédit relatif à la littérature ne peut donner lieu qu’à des observations générales. Sans cela, on tombe dans des questions purement personnelles que je n’ai nulle envie de soulever.
Mais je désire signaler quelques lacunes dans la manière dont se distribuent les subsides littéraires. Je trouve qu’on fait une part trop grande à la littérature proprement dite, à l’érudition, et une part trop faible aux livres utiles qui peuvent servir à éclairer les classes inférieures de la société.
C’est ainsi qu’en Flandre on manque presque absolument d’écrits qui propagent les connaissances utiles et pratiques. Il y a, en Angleterre et en Allemagne, toute une littérature populaire, spécialement destinée aux ouvriers, qui traite de l’agriculture, des arts et métiers, et des sciences, à leur point de vue pratique.
En France, cette littérature existe aussi quoique moins complète, moins substantielle qu’en Angleterre et en Allemagne. En Belgique, en Flandre surtout il n’existe rien de pareil. En Flandre, la littérature scientifique pratique est tout entière à créer. Nos populations manquent de livres utiles à l’aide desquels elles puissent s’éclairer et s’instruire.
C’est à peine si de temps en temps il se publie un livre sur l’agriculture. Il vient d’en paraître un, et il a été accueilli avec avidité.
Je voudrais, messieurs, que le gouvernement usât de son initiative pour faire surgir de ces publications utiles ; qu’il encourageât la traduction en flamand des ouvrages populaires d’Allemagne et de l’Angleterre ; qu’il protégeât spécialement les écrivains nationaux qui consacreront leurs travaux à des ouvrages populaires, sur les sciences, les arts et métiers, et l’agriculture ; et qu’ainsi on fît enfin pour le peuple des Flandres une littérature immédiatement utile et essentiellement pratique.
Je pense qu’il suffira d’avoir signalé cet objet à M. le ministre de l’intérieur pour que le gouvernement donne à une partie du crédit qui nous occupe à une destination aussi désirable.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Lettres et sciences : charges ordinaires : fr. 209,000 ; charges extraordinaires : fr. 40,500. »
M. le président. - La section centrale propose pour charges ordinaires, 199,000 fr., et pour charges extraordinaires, 40,500 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je viens défendre l’allocation en faveur de l’Académie des sciences, des lettres et des arts. Ici, je remplis un rôle d’autant plus facile, que je n’ai pas même à défendre mon œuvre ; c’est cette de mon prédécesseur.
Vous savez, messieurs, que la création d’une nouvelle classe à l’Académie ancienne a dû nécessairement entraîner une augmentation de dépenses. Il est vrai que je vois, d’après le rapport de la section centrale, que mon prédécesseur avait cru qu’une majoration de 10,000 fr. qui avait été pétitionnée l’an dernier, serait suffisante. Mais mon prédécesseur, messieurs, était dans l’erreur. La majoration de 10,000 fr. était déjà sollicitée vivement et depuis longtemps par l’Académie avant sa réorganisation. De manière que les 10,000 fr. pétitionnés au budget de l’an dernier, supposait encore l’état ancien de l’Académie ; et en effet, la réorganisation de l’Académie n’a eu lieu qu’après la présentation du budget pour 1846.
C’est, messieurs, ce qui explique la nouvelle majoration de 10,000 fr., que je viens demander à la chambre.
Messieurs, lorsqu’une institution existe, qu’elle est déjà ancienne, il faut lui faire porter ses fruits ; et alors il ne faut pas s’arrêter à quelques milliers de francs et mettre ainsi obstacle à la marche, aux développements des travaux d’une institution aussi importante.
J’espère donc, messieurs, que la chambre n’accueillera pas la proposition qui lui est faite par la section centrale.
M. Orban. - Messieurs, la section centrale ne demande pas une réduction de 10,000 fr. sur cet article du budget ; elle demande le maintien du chiffre qui figure au présent exercice.
Déjà l’année dernière une augmentation de 10,000 fr. a été votée en faveur de l’Académie. M. le ministre de l’intérieur vient de vous dire qu’elle n’avait pas été demandée en vue de la réorganisation de l’Académie des sciences, puisque la demande était antérieure à cette mesure. Cela est vrai, messieurs ; mais on ne dit pas si le vote favorable de la chambre n’a pas été la conséquence de cette réorganisation. Il est certain que jamais nous n’eussions voté les 10,000 fr. demandés en plus (page 415) l’année dernière, si nous n’avions été déterminés par la nécessité de faire face aux nouvelles auxquelles devait donner lieu la réorganisation de l’Académie qui alors nous était connue, à laquelle nous avions implicitement adhéré.
Une preuve, messieurs, que la chambre n’a admis l’augmentation de 10,000 fr. que pour ce motif, c’est qu’elle a rejeté un crédit de cette nature demandé par l’Académie de médecine ; aucune considération analogue ne pouvait être invoquée.
Messieurs, il est extrêmement désagréable d’avoir à combattre des demandes de crédits nouveaux en faveur de telle ou telle institution. Ce n’est certainement pas en s’opposant à l’augmentation d’un pareil crédit en faveur de l’Académie des sciences que l’on peut acquérir la réputation d’être un ami des lettres et les arts. J’aurais voulu pour mon compte en être dispensé, et je pense qu’il eût été convenable, que dans un moment où nous avons à subvenir à tant de dépenses nouvelles d’une nature urgente et indispensable, l’on s’abstînt de faire une proposition qui eût pu sans inconvénient être ajournée.
La dépense, dit-on, est justifiée. Sans doute, messieurs, la dépense est justifiée jusqu’à un certain point. Il est toujours facile, messieurs, de présenter une justification de cette nature. Il y a dans le pays, se rattachant à toutes les branches du service public, une foule de dépenses nouvelles qu’on pourrait parfaitement justifier ; et cependant si vous ne vous montrez pas sévères à les accueillir, vous arriveriez inévitablement à une situation financière intolérable. Ce n’est, messieurs, qu’en repoussant avec persévérance une foule de dépenses parfaitement justifiées, que vous pourrez éviter le désordre dans vos finances et l’oppression des contribuables.
Au surplus, je ne suis pas complétement d’avis que cette nouvelle dépense soit nécessaire et surtout urgente. Telle ne paraît pas même être l’opinion de l’Académie, car sans la proposition qui lui a été faite par l’un de ses membres, elle se fût probablement abstenue de solliciter cette année encore une augmentation de crédit, que sans doute elle jugeait elle-même inopportune dans les circonstances exceptionnelles où se trouve le pays.
J’aime à croire, messieurs, que le vote de la chambre ratifiera l’appréciation que la section centrale a cru devoir faire de cette question.
M. Dedecker. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour rectifier ce qu’il y a, selon moi, d’inexact dans les assertions de l’honorable préopinant.
Voici ce qui est arrivé l’année dernière. Le gouvernement avait demandé une augmentation de 10,000 francs en faveur de l’Académie. Au moment où l’on allait procéder au vote sur ce crédit, j’ai demandé la parole et j’ai dit à la chambre que l’augmentation de 10,000 francs pétitionnée ne suffirait pas pour la dotation définitive de l’Académie d’après les nécessités de la réorganisation. M. le ministre de l’intérieur en convint et annonça qu’il demanderait au prochain budget une augmentation nouvelle et définitive. Alors la chambre a passé au vote sans discussion ultérieure.
Messieurs, y a-t-il nécessité de porter à 50,000 francs la dotation de l’Académie ? Je pense que pour ceux qui ont étudié l’étendue et l’importance des travaux de cette assemblée, il ne peut y avoir de doute à cet égard. L’Académie, avant sa réorganisation, comptait 48 membres ; maintenant depuis son organisation et sa division en trois classes, elle compte 90 membres. Vous comprenez que cette réorganisation a amené des besoins nouveaux, que, surtout pour les publications de ces trois classes, il y aura à faire des dépenses plus élevées que celles qui se sont présentées jusqu’à ce jour. Ainsi, messieurs, si vous ne voulez pas arrêter, au moment de sa réorganisation, les travaux d’un corps savant qui fait, j’ose le dire, honneur au pays, vous ne pouvez hésiter à adopter la proposition du gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’oubliais de répondre à une observation qui a été faite dans le rapport de la section centrale. Il y est dit :
« A l’occasion du litt. E, dont le chiffre est adopté, un membre se plaint de ce que les précieux documents composant la bibliothèque dite de Bourgogne, ont été transférés dans un lieu souterrain, peu propre, selon lui, à leur conservation, et la section décide que mention de cette observation sera faite au présent rapport.
Messieurs, j’ai pris des informations sur ce qui s’était passé. Ce n’est pas dans un souterrain que ces manuscrits ont été déposés, mais au rez-de-chaussée de l’ancienne bibliothèque ; et ils n’ont été déposés là, messieurs, que d’après l’avis du bibliothécaire et de la commission de la bibliothèque, qui a pensé qu’ils s’y trouvaient mieux qu’à l’endroit où ils étaient antérieurement.
Quant à la dépense de l’Académie, messieurs, je m’en réfère non seulement à ce que j’ai dit, mais aussi aux observations que vient de présenter l’honorable M. Dedecker.
On a parlé de la manière peut-être insolite dont cette demande avait été présentée à l’Académie. Mais on sait très bien la manière dont ces sortes de choses se passent.
Des académiciens conviennent entre eux que l’un d’eux soumettra telle motion à l’Académie ; ensuite la motion est faite, l’Académie la fait examiner, la discute et donne son avis.
M. Desmet. - Messieurs, la section centrale a présenté quelques observations sur l’emplacement donné à la collection qu’on appelle le Bibliothèque de Bourgogne. Cette collection se trouve maintenant placée dans un rez-de-chaussée voûté et très bas, et l’on craint beaucoup l’humidité. Or, messieurs, vous savez qu’il n’existe pas dans le monde entier une collection aussi précieuse que celle-là. Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur qu’il veuille bien faire examiner si les locaux dont il s’agit conviennent à cette collection.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). fait un signe affirmatif.
- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre de la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Archives du royaume. Frais d’administration (personnel) : fr. 23,750. »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, la Belgique possède des archives d’un prix inestimable. C’est là que se trouvent déposés les éléments de notre histoire, qui reste encore à faire ; c’est là que se trouvent des documents qui intéressent à un haut degré les puissances qui nous entourent ; c’est là que reposent les titres des familles qui ont donné quelques gages de leur dévouement au pays. C’est dans ces archives qu’ont été puisés les fragments historiques si remarquables dus aux recherches du savant et respectable magistrat qui a le premier présidé cette assemblée ! Eh bien, messieurs, ces archives sont déposées en grande partie dans un local situé rue de la Paille et appartenant au palais de justice ; ce local est situé au-dessus de celui qui est occupé par la cour d’appel. Déjà un honorable membre a signalé à la chambre les graves dangers qui résultent de la situation de ce dépôt, et j’ai voulu m’en assurer par moi-même. Eh bien, messieurs, les archives sont accumulées dans des pièces étroites, et l’état des locaux est tel qu’il a fallu étançonner les étages ; ensuite les tuyaux des foyers qui servent à chauffer les salles qui se trouvent à l’étage inférieur, traversant les planchers et les plafonds, offrent des dangers imminents d’incendie. Enfin, messieurs, à ce bâtiment sont adossées des maisons qui servent au commerce de détail, parmi lesquelles vous aurez sans doute remarqué une boulangerie. Et un peu plus loin, mais à une faible distance, existe une caserne d’infanterie qui est rattachée au local des archives par d’autres bâtiments, de sorte que si le feu se déclarait dans cette caserne, le dépôt des archives, si précieux, courrait les plus grands dangers.
Une autre partie des archives, qui se compose des manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne et dont un honorable préopinant vient de vous entretenir, a été déposée dans des pièces voûtées de rez-de-chaussée, de l’ancienne cour, et d’après ce que m’a déclaré un membre de la commission chargée de surveiller le dépôt, il n’y a pas lieu d’être rassuré sur la question de savoir si ces manuscrits ne sont pas en danger de subir des dégradations par suite de l’humidité. Ainsi, messieurs, une partie des archives est menacée du feu, et l’autre partie risque d’être atteinte par l’humidité.
Messieurs, depuis dix ans on est venu, de temps à autre, rappeler au gouvernement quels sont les devoirs que sa responsabilité lui impose, en ce qui concerne la conservation des archives, et jusqu’à présent les paroles prononcées à cette tribune sont restées sans aucune espèce de résultat ; il serait cependant plus que temps que l’administration prît un parti quelconque et nous soumît des propositions pour se mettre à couvert.
Un incendie récent vient de détruire l’hôtel de la cour des comptes ; les pièces importantes pour notre histoire moderne ont été détruites, et je crois même pouvoir dire de plus que le pays a fait des pertes, c’est-à-dire que des pièces qui auraient dû servir à faire rentrer des fonds avancés par le trésor n’ont pu être retrouvées, ce qui rendra difficile le recouvrement de certaines créances. Cet incendie, comme vous le savez, messieurs, a été occasionné par le voisinage d’une caserne. Il s’agit maintenant de réparer ce désastre. Il ne reste que les murailles de l’hôtel incendié ; il me semble que le gouvernement ferait peut-être bien d’étudier la question de savoir s’il ne serait pas convenable de combiner la reconstruction de l’hôtel de la cour des comptes avec la construction d’une galerie destinée à recevoir les archives, destinée à conserver nos titres de nationalité, les éléments de notre histoire politique et littéraire, de préserver enfin de toute atteinte une collection qui fait la gloire du pays à l’étranger.
Nous votons, messieurs, avec tant de facilité des millions pour le chemin de fer ; il me semble que nous pourrions bien aussi voter queIque fonds pour la conservation d’un dépôt aussi important.
On nous parle sans cesse (et l’on fait très bien) de donner de l’ouvrage à la classe ouvrière ; eh bien, messieurs, voilà un moyen de donner de l’ouvrage à la classe ouvrière en créant un monument utile.
Nous donnerions de l’ouvrage aux terrassiers chargés de creuser les fondations, aux maçons, aux tailleurs de pierres, aux charpentiers, aux menuisiers et à une foule d’ouvriers appartenant à d’autres professions.
J’insiste donc pour que le gouvernement étudie enfin cette question et nous fasse le plus tôt possible une proposition. Je suis, quant à moi, décidé à l’interpeller, comme je l’ai fait pour d’autres questions, à l’interpeller à des époques déterminées jusqu’à ce qu’enfin il nous ait donné satisfaction, jusqu’à ce qu’il ait donné au pays les garanties nécessaires pour la conservation de documents d’un prix inestimable, destinés à révéler ce que fût notre patrie trop longtemps méconnue, et à édifier son histoire.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je suis loin de me plaindre, messieurs, de la sollicitude de l’honorable préopinant pour la conservation des archives. Moi-même, déjà depuis un grand nombre d’années, lorsque j’avais les archives dans les attributions du département de l’intérieur, je me suis occupé de leur procurer un local.
J’ai soumis deux fois à la chambre une proposition à cet égard, mais (page 416) la chambre a constamment reculé devant la dépense. Depuis lors, un de mes successeurs a encore fait une proposition à la chambre, et cette proposition a, de nouveau, été écartée. Ainsi la chambre a déjà écarté trois propositions relativement à l’emplacement des archives, parce qu’elle a toujours reculé devant la dépense.
Toutefois, messieurs, dans ce moment même j’ai encore ordonné de faire un nouveau plan pour un bâtiment devant servir au dépôt des archives. D’autre part, M. le ministre des finances a ouvert une négociation pour l’acquisition d’un terrain très spacieux et des bâtiments assez vastes. Nous attendons le résultat de cette négociation ; nous verrons jusqu’à quel point on pourrait en tirer parti, non seulement pour les archives des divers ministères, mais encore pour les archives anciennes.
Messieurs, on a parlé de transférer les archives à la porte de Hal. Cette proposition n’est pas nouvelle ; déjà la chambre s’en est occupée, il y a un grand nombre d’années, et alors j’ai moi-même visité la porte de Hal ; J’ai visité également tout le dépôt des archives, et je me suis convaincu qu’il y avait impossibilité matérielle à placer à la porte de Hal le dépôt qui se trouve aujourd’hui à la cour de justice.
Maintenant, voudrait-on fractionner le dépôt des archives, en déposer une partie à la porte de Hal, et une autre partie dans un autre local ? Ce serait de toutes les mesures la plus mauvaise. Il faut que les archives anciennes soient réunies dans un seul et même dépôt ; dès lors, il n’y a qu’une seule et même surveillance, qu’un seul et même personnel ; les individus qui ont besoin de consulter les archives, n’ont pas de déplacements à faire. Si l’on agit autrement, la partie des archives déposée à la porte de Hal sera une partie morte que personne ne viendra consulter.
M. Desmet. - Messieurs, il y a quelques années, une commission spéciale a examiné la porte de Hal ; elle a fait son rapport à la chambre.
La commission a reconnu que ce bâtiment avait besoin d’être agrandi, et que, du reste, il réunissait toutes les conditions nécessaires pour recevoir un dépôt d’archives.
L’honorable M. de Man a émis l’avis qu’il y avait lieu de placer la cour des comptes et les archives dans un seul bâtiment ; ce serait fort dangereux ; il vaut mieux isoler le dépôt les archives, et je crois qu’il n’y a pas de meilleur local pour cela que la porte de Hal, après qu’on aura agrandi le local.
M. de Mérode. - Messieurs, on a fait à Lille un dépôt d’archives qui a coûté 150,000 fr., qui est très bien construit et qui est à l’abri du feu. J’appelle l’attention de M. le ministre sur ce dépôt ; il pourrait le faire examiner. On pourrait peut-être faire quelque chose de semblable en Belgique ; ce ne serait pas une dépense énorme.
Il est évident que la porte de Hal est un local trop petit pour recevoir les archives. D’ailleurs il est approprié à un musée d’armures ; cette destination est indiquée par la nature même du local :
- Personne ne demandant plus la parole, l’article 2 est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Archives du royaume. Frais d’administration. (Matériel) : fr. 2,600. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de publication des inventaires des archives : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art. 5 Archives de l’Etat dans les provinces ; frais de recouvrement de documents provenant des archives, tombés dans des mains privées ; frais de copie de documents concernant l’histoire nationale ; crédit spécial pour faire face aux dépenses résultant de l’échange des archives dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg : fr. 16,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Location de la maison servant de succursale au dépôt général des archives de l’Etat : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art. 7. Beaux-arts : fr. 229,000 (charge ordinaire), et 18,000 fr. (charge extraordinaire). »
M. le président. - La section centrale réduit à 224,000 fr. les 229,000 fr.
M. Nothomb. - Messieurs, vous aurez probablement lu, il y a quelques jours, un article très curieux, fort bien fait, publié par un des journaux de Bruxelles, sur l’état où se trouvent les tableaux de Rubens à Anvers. Tous les détails qui sont consignés dans cet article m’ont été à l’avance confirmés par le directeur de la galerie des tableaux de Berlin, M. le professeur Waagen, qui, pour la troisième fois, a visité la Belgique l’été dernier. Il m’a dit, et il m’a prié de le redire, que si l’on ne s’occupe pas très prochainement du rentoilement, entre autres, du célèbre tableau la Descente de croix, on est exposé au plus grand désastre, c’est-à-dire qu’un beau matin, on trouvera une partie du tableau à terre ; les couleurs se seront détachées. Ce serait un véritable affront pour la ville d’Anvers, et, j’ose le dire, pour le pays entier. (Interruption.)
Je sais que cette dépense ne concerne pas rigoureusement le gouvernement ; mais je crois qu’il importe que le ministère fasse en sorte que la ville d’Anvers ne laisse pas périr un des grands monuments de l’art en Belgique.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’ai lu l’article dont parle l’honorable M. Nothomb. Maintenant je vous dirai ce qui a été fait. Dès le 17 juin 1837, j’avais institué une commission à l’effet d’examiner l’état de ce tableau et de rechercher les moyens d’en assurer la conservation. Cette commission a fait un rapport qui fut communiqué au gouvernement par la province d’Anvers, et alors la régence fut invitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du tableau. Voici un extrait de la note qui m’a été remise :
« Le 17 juin 1837, le ministre de l’intérieur (M. de Theux) institua une commission à l’effet de constater l’état des principaux tableaux qui se trouvent à Anvers, tant au Musée que dans plusieurs églises ; d’indiquer, dans un rapport détaillé, les ouvrages qui se trouveront plus ou moins détériorés, ainsi que les moyens les plus propres pour en assurer la conservation.
« Cette commission était composée de MM. Héris, président, Nieuwenhuys, fils, Van Regemorter et Sneyers, secrétaire. Elle se partagea en deux fractions, qui, d’accord toutes deux l’appréciation de l’état des tableaux, émirent une opinion différente sur les moyens à employer. Chacun consigna cette opinion dans un rapport séparé.
« Le ministre communiqua ces rapports au gouverneur de la province, et proposa que les fabriques des églises intéressées, la ville d’Anvers, la province et l’Etat intervinssent dans les frais de restauration.
« Le gouverneur demanda à l’administration communale d’Anvers et à la direction de l’Académie, de faire connaître leur avis au sujet des réparations que nécessiteraient, suivant la commission citée plus haut, un certain nombre de tableaux.
« Malgré des rappels réitérés du ministère, l’affaire resta sans suite jusqu’au commencement de l’année courante. Le gouverneur communiqua alors un rapport rédigé, en 1842, par une commission nommée par la fabrique de l’église de Notre-Dame d’Anvers, à l’effet d’examiner les deux tableaux de Rubens et de déterminer les moyens de restauration. Il informa en même temps qu’un restaurateur de tableaux, M. Kiewert avait été chargé de faire un nouveau rapport sur l’état desdits tableaux. Mais jusqu’à présent ce dernier travail n’a pas été communiqué au gouvernement.
« Toutefois, l’affaire a été rappelée de nouveau et le gouvernement est déterminé à y donner une prompte suite. »
Messieurs, voilà l’état des choses ; vous voyez que depuis 1837, je m’étais occupé sérieusement de cette affaire, et il est vraiment regrettable qu’une pareille négligence se commette dans une ville qui est réputée le siège des beaux-arts en Belgique.
M. Rogier. - Il me semble que M. le ministre a traité la régence d’Anvers avec beaucoup de sévérité, car je pense qu’elle s’est occupée de cet objet avec beaucoup de soin. C’est une matière extrêmement délicate et qui présente les plus grands dangers. La restauration de tableaux comme ceux dont il s’agit ne peut pas être livrée à la première main qui se présente ; par une restauration maladroite, on pourrait perdre entièrement les tableaux. J’approuve la sollicitude du gouvernement pour la conservation de ces précieux monuments, mais il ne faudrait pas que par un zèle malentendu on détruisît des tableaux qui ne sont pas dans un état de souffrance aussi inquiétant qu’on le prétend.
Déjà, en 1837, on avait signalé ce tableau comme étant sur le point de tomber en ruine si ou ne le restaurait pas ; depuis lors, dix années sont passées et rien n’est perdu ; ce n’est pas à dire que l’administration ne doit pas veiller avec beaucoup de soin à la conservation de ces tableaux, mais il ne faut pas mettre trop de précipitation à les restaurer, car une restauration mal entendue peut leur nuire plus que l’effet du temps. En entendant M. le ministre de l’intérieur, j’ai cru devoir recommander la plus grande prudence, pour qu’on ne se livre qu’à une réparation très intelligente et faite avec le plus grand soin.
M. Nothomb. - Je ne veux accuser personne, cependant je crois qu’à force de chercher le meilleur moyen de restauration, on pourrait arriver à un moment où la restauration serait devenue impossible. Je cite un homme qui fait autorité ; le directeur de la galerie de tableaux de Berlin, M. Waagen, m’a dit que si on tardait encore à s’occuper de la restauration des tableaux de Rubens qui sont dans la cathédrale d’Anvers, on arriverait trop tard. La dépense, je crois, a aussi effrayé, car il est possible que la restauration coûte cinquante mille francs ; mais dût-elle coûter autant, je dis qu’il ne faut pas reculer devant cette dépense.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J’ai eu l’occasion, comme gouverneur de la province d’Anvers, de m’occuper de cette question. Les renseignements donnés à l’honorable M. Nothomb sont de la plus grande exactitude ; car au plus beau tableau de la cathédrale d’Anvers, à la Descente de Croix, la couleur est en partie détachée du panneau au point qu’on peut faire passer une pièce de monnaie entre le panneau et la peinture.
Ce tableau est à volets qu’on ouvre et qu’on ferme ; la secousse donnée par les volets peut du jour au lendemain détacher une partie du tableau. Diverses causes ont empêché de restaurer ce précieux monument de l’art belge.
On a été arrêté par les difficultés d’une intervention commune du gouvernement, de la province, de la ville et de la fabrique d’église dans la dépense de restauration ; mais on l’a été aussi par la crainte de mal restaurer, par la divergence d’opinion qui s’est manifestée entre les hommes les plus experts en cette matière. il est démontré à la dernière évidence que ce tableau doit être rentoilé, porté sur un nouveau panneau ou sur une toile ; mais c’est une opération très difficile quand il s’agit de tableaux comme ceux de Rubens qui sont peints en relief. Pour d’autres tableaux, la difficulté n’est pas aussi grande ; ainsi on a pu rentoiler, transporter sur une autre toile le fameux tableau de Daniel Seghers qui est peint d’une autre manière. Je le répète, pour les tableaux de Rubens la difficulté est plus grande ; la responsabilité de l’entreprise a également produit des hésitations, elle a arrêté beaucoup de personnes qui (page 417) s’intéressent à Anvers ; à nos gloires artistiques, et je dois le dire, ce sentiment y est très vivace.
M. le président. - M. le ministre s’est-il rallié à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je ne m’y suis pas rallié.
M. Osy. - Ce qu’a dit l’honorable M. Nothomb et confirmé M. le ministre des finances, est parfaitement exact et donne des inquiétudes à Anvers. Mais ces tableaux appartiennent non à la ville, mais à l’église.
En 1814, ils avaient été transportés en France, mais en 1815 ils ont été rendus à leur ancien propriétaire. Cela appartient à la fabrique. Ce gouvernement peut avoir quelque influence sur la fabrique ; c’est le directeur des beaux-arts, l’inspecteur du gouvernement, qui devrait chercher un moyen de remédier au mal qu’on signale et qui est aussi grave qu’on l’a dit. Si la fabrique voulait elle-même ordonner quelque mesure de restauration, elle pourrait faire plus de mal qu’il n’y en a. La commission des beaux-arts pourrait rechercher et indiquer le meilleur moyen de restauration à adopter. J’engage le gouvernement à s’occuper de cet objet et à s’entendre avec la commune qui, elle aussi, pourrait avoir de l’influence sur la fabrique. Mais on ne peut accuser la commune de l’état dans lequel ces tableaux se trouvent, car ils sont la propriété de l’église.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je conçois que l’honorable député d’Anvers cherche à déverser la responsabilité sur le gouvernement ; mais vous conviendrez que ce n’est pas au gouvernement à prendre des mesures d’office ni à s’engager dans la dépense que peut nécessiter la restauration de ces tableaux. Le gouvernement a agi avec sagesse en nommant, aussitôt que le mal lui a été signalé, une commission chargée d’examiner l’état des choses, et en chargeant, après avoir reçu le rapport, le gouverneur de faire des instances auprès de la régence et de la fabrique pour remédier au mal ; le gouvernement ne pouvait pas agir d’autorité auprès de la régence ou de la fabrique ; en un mot, il ne pouvait pas intervenir autrement qu’il ne l’a fait dans cette affaire. Je vous ai fait connaître la marche qui a été suivie ; vous voyez que ce sont les administrations locales qui sont restées en retard.
M. Rogier. - Nous n’avons pas cherché à faire tomber sur le gouvernement la responsabilité de l’état où se trouvent les tableaux de la cathédrale d’Anvers. Le temps est le grand coupable.
M. le ministre avait accusé l’administration communale d’Anvers de négligence, voulant en quelque sorte établir que la régence serait responsable si on était exposé à une perte.
J’ai pris la parole pour expliquer quelle a été la conduite de la régence d’Anvers. Je ne veux faire retomber la responsabilité, ni sur le gouvernement, ni sur la régence ; mais je dirai que des tableaux semblables, au point de vue de l’art, sont du domaine national ; ce sont des monuments, et à ce titre ils méritent toute la sollicitude du gouvernement ; le gouvernement devrait s’en occuper, comme il s’occupe de tous les monuments d’art.
Je le répète, la restauration de ces tableaux doit être faite avec intelligence, avec soin ; si elle est évaluée à 40 ou 50,000 fr., il est évident que les ressources de l’église et du budget communal ne suffisent pas pour couvrir les frais d’une pareille restauration. Le gouvernement sentira la nécessité de se joindre à la ville et à l’église pour faire exécuter cette réparation, si tant est qu’elle doive s’élever à 40 ou 50,000 fr. Des objets semblables sont sans prix ; je sais que des tableaux ont été restaurés avec succès, qu’on est parvenu à rétablir en très bon état des tableaux sur lesquels l’action du temps s’était fait sentir ; mais plus des tableaux sont précieux, plus il faut prendre de précaution pour avoir une restauration complète.
Il serait déplorable que la main de quelque praticien inhabile vînt ajouter aux ravages du temps. Si les tableaux doivent périr, je préfère que ce soit par l’action du temps, plutôt une par celle d’un praticien inhabile.
Cet objet mérite l’attention des chambres et du gouvernement. J’espère que le gouvernement voudra bien s’entendre avec les deux autorités d’Anvers, pour arriver à une habile restauration de ces monuments de l’art ; car il y a, dans la cathédrale d’Anvers, deux tableaux qui sont dans la même situation. Il y en a d’autres au Musée ; je les recommande tous à l’attention de M. le ministre.
Je prie le gouvernement de ne pas faire retomber sur l’administration communale d’Anvers une responsabilité qui pourrait la compromettre aux yeux de ses administrés, Cette administration se conduit, en général, de manière à ne pas mériter de tels reproches.
M. Delfosse. - Je crois devoir appeler l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la question de savoir si la loi des pensions est applicable aux professeurs des conservatoires de musique de Bruxelles et de Liége ; il paraît que le conseil d’administration de la caisse des pensions du ministère de l’intérieur s’est prononcé pour la négative, en se fondant sur ce que les conservatoires de musique seraient des établissements mixtes.
Je crois que c’est là une erreur ; les conservatoires de musique sont des établissements créés et dirigés par l’Etat ; c’est le gouvernement qui nomme et révoque les professeurs. Je ne sais si M. le ministre de l'intérieur a lu la réclamation que M. le directeur du conservatoire de Liége a fait parvenir dans le temps à M. Van de Weyer ; cette réclamation m’a paru contenir des raisons très fortes en faveur de l’application de la loi des pensions aux professeurs des deux conservatoires.
Les subsides que les villes de Bruxelles et de Liége accordent à ces établissements ne peuvent pas leur enlever la qualité d’établissements de l’Etat.
Nos universités reçoivent aussi indirectement des subsides des villes où elles sont établies ; ces villes doivent fournir les locaux, les jardins botaniques, etc. Dira-t-on pour cela que les universités sont des établissements mixtes ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les observations dont vient de parler l’honorable préopinant ont été communiquées à la commission des pensions, qui a été d’avis que les pensions de ces professeurs ne peuvent tomber à la charge de l’Etat, attendu que les conservatoires ne sont entretenus aux frais de l’Etat qu’au moyen de subsides. Il y a une différence entre les universités et ces établissements. Dans les universités, les professeurs sont nommés par le gouvernement ; ils sont payés directement par le trésor. Il n’en est pas ainsi dans les conservatoires.
Du reste, le département de l’intérieur a appuyé la demande des professeurs ; mais il a succombé dans sa réclamation.
La section centrale refuse l’augmentation de 1,000 fr. demandée pour frais de la commission des monuments. Il est à remarquer que jusqu’ici cette commission s’est réunie chez son président ; là elle avait mobilier, chauffage, éclairage. Dorénavant, cette commission devra siéger dans un local déterminé. Il résultera donc de ce chef une légère majoration dais les frais.
La commission ne pourrait continuer de remplir entièrement sa mission, si on lui refusait cette augmentation de 1,000 fr. Elle a entrepris un travail considérable : elle va publier les plans, coupes et dessins des édifices les plus remarquables de la Belgique. Il importe d’encourager cette commission qui n’est pas payée de ses travaux et dont les membres ne reçoivent que des frais de déplacement. Elle est composée des architectes les plus distingués, qui donnent gratuitement leurs soins à l’examen des projets que leur soumet le gouvernement.
On a parlé du dépôt d’armures et d’objets d’antiquités. Leur transfert à la porte de Hal a été décidé depuis longtemps. La porte de Hal a été disposée et restaurée à cet effet. Ainsi le Musée, aujourd’hui encombré, se trouvera dégagé ; et la porte de Hal, aujourd’hui inutile, sera partiellement utilisée.
D’autre part, le musée des armures exige quelques frais d’administration.
Je pense donc que la chambre ne peut refuser le crédit proposé.
M. Delfosse. - Les observations de M. le ministre de l’intérieur ne m’ont pas convaincu ; je ne puis voir de différence entre les professeurs des conservatoires de musique de Bruxelles et de Liége et les autres fonctionnaires ou employés de l’Etat. Les uns comme les autres sont nommés par le gouvernement et payés sur les fonds du trésor.
Les conservatoires sont des établissements de l’Etat, bien qu’ils reçoivent des subsides des villes de Bruxelles et de Liége, tout comme le collège et l’académie de peinture de Liége sont des établissements communaux, bien qu’ils reçoivent des subsides du gouvernement.
L’administration communale de Liège pourvoit aux pensions des professeurs de son collège et de son académie de peinture ; il me semble que le gouvernement devrait, par la même raison, pourvoir aux pensions de professeurs des deux conservatoires.
J’engage donc M. le ministre de l’intérieur à soumettre de nouveau la question à son collègue des finances. Je n’ai pas voté pour La loi des pensions, mais, puisqu’elle existe, je demande qu’on en fasse une saine application.
M. Orban. - J’ai demandé la parole pour appuyer les conclusions de la section centrale, en ce qui concerne l’augmentation de 5,000 fr. pour le musée d’armures.
Cette demande, sur laquelle M. le ministre de l’intérieur croit devoir insister, n’a pas eu le même succès auprès de la section centrale, qui en propose à l’unanimité le rejet, comme l’ont fait avant elle plusieurs de vos sections.
Il y avait au budget de l’année dernière un crédit de 8,000 fr. pour restauration de la porte de Hal. Cette année-ci, ce crédit devait définitivement disparaître, la restauration à laquelle il devait faire face étant terminée.
Mais vous savez, messieurs, que c’est un usage religieusement suivi par tous les départements ministériels de ne jamais consentir à la suppression d’un subside temporaire, sans essayer d’en conserver quelque chose pour les besoins ordinaires. C’est là l’unique cause de la proposition qui vous est faite d’augmenter de 5,000 fr. le crédit ordinaire affecté au musée d’armures.
En effet, on vous apprend que le musée des armures est maintenant complétement organisé. La section centrale a dû penser que si une allocation annuelle de 10,000 fr. avait été suffisante alors qu’il y avait à pourvoir à l’organisation du musée et aux dépenses qu’elle a dû entraîner, cette somme devait à plus forte raison suffire maintenant qu’il n’y a plus à pourvoir qu’à sa conservation et à sa surveillance, et à quelques acquisitions nouvelles nécessairement moins importantes.
Au surplus, la section centrale a un autre motif pour refuser son vote à cette augmentation, c’est qu’elle ne pense pas que l’on doive transférer le musée des armures à la porte de Hal. Elle pense que ce local conviendrait mieux pour le dépôt des archives. Sa situation isolée doit être prise en considération, quand il s’agit d’un dépôt de cette nature, qui, avant tout, doit être à l’abri des risques d’incendie.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit que cette question a été examinée à différentes reprises, quelle a toujours été résolue négativement. (page 418) Mais elle a été examinée et résolue à une époque où la porte de Hal n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui ; où elle n’avait pas subi les restaurations dont elle vient d’être l’objet. La question est donc susceptible de recevoir aujourd’hui une solution différente de celle qui lui a été donnée jusqu’à présent. On a signalé différents motifs qui s’opposent à ce que ce transfert ait lieu ; mais il en est un dont on n’a pas parlé, et qui, sans avoir beaucoup de valeur, joue peut-être le rôle le plus important dans cette question. Si la porte de Hal convient aux archives par sa position isolée, pour le même motif elle n’est pas à la convenance de MM. les archivistes, et là est, à ce que tout le monde assure, la cause de l’opposition qu’a toujours rencontrée ce transfert.
M. de Mérode. - On a déjà parlé de l’inconvénient qu’il y aurait à transporter les archives à la porte de Hal, attendu que le local n’était pas suffisant. L’honorable M. Orban n’a pas répondu à cette objection. Transférez les archives à la porte de Hal. Cela est bientôt dit. Mais personne ne démontre la possibilité de l’exécution.
Pour le musée des armures, au contraire, le local est approprié. Son architecture prête singulièrement pour faire valoir les armures que l’on y déposerait.
Il y a trois salles, dont une ou deux pourraient, indépendamment des armures, contenir des collections qu’on pourrait acheter. Il ne faudrait qu’une petite dépense pour compléter notre musée d’armures. Nous n’avons pas tant de choses remarquables dans la capitale pour ne pas former une collection de ce genre ; elle serait utile aux artistes ; car ils ont besoin de ces modèles pour l’exécution de leurs tableaux.
Il y a tous les motifs imaginables pour établir le musée des armures à la porte de Hal. Voulez-vous, pour 1,000 fr., détruire un établissement comme celui-là.
Je suis loin, messieurs, de demander qu’on se lance dans de grandes dépenses. Mais il ne s’agit ici que d’une somme de 5,000 fr., et l’objet de la dépense est assez important pour qu’on fasse ce sacrifice. Ce serait un tort que de retarder encore le transport des armures, alors que le local est fait, que le logement du concierge est bâti, qu’enfin tous les frais préalables sont faits.
Messieurs, il existe un plan pour embellir la porte de Hal à l’extérieur ; ce plan est déposé dans la salle des conférences. Son exécution entraînerait d’assez grandes dépenses ; aussi ne demandé-je pas qu’elle ait lieu ; je consens volontiers à un ajournement indéfini à cet égard. Mais je verrais avec le plus grand regret qu’on tardât encore à utiliser les salles très belles qui existent à la porte de Hal.
M. Orban. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour rectifier une erreur dans laquelle est tombé l’honorable M. de Mérode.
L’honorable membre s’imagine qu’il ne s’agit que d’une dépense une fois faite et qui ne doit plus se renouveler ; cette somme étant destinée arr transport des armures du Musée actuel à la porte de Hal. Messieurs, il n’en est rien. Ce qu’on vous demande, c’est une augmentation permanente de crédit destinée à payer les frais de l’administration de la commission de surveillance du musée d’armures.
J’ai cru nécessaire d’appeler l’attention de la chambre sur cette observation, avant qu’elle ne passât au vote sur cet article.
M. Dedecker. - Messieurs, je viens appuyer les observations qui vous ont été présentées par l’honorable M. de Mérode.
Je ne sais pourquoi, messieurs, on revient chaque année sur la destination qui semblait assignée une fois pour toutes à la porte de Hal. Depuis longtemps, messieurs, avant la révolution même, des hommes compétents ont été chargés de voir quelle était la meilleure destination à donner à cet ancien monument.
Depuis quatre ou cinq ans il a été reconnu et arrêté que la meilleure destination à lui donner, était d’en faire le musée d’armures et d’antiquités car il est physiquement impossible qu’il serve jamais au dépôt des archives ; il ne pourrait en contenir la dixième partie.
Il faut donc, si l’on veut conserver ce monument, le faire servir à la destination qui lui est éminemment propre, c’est-à-dire en faire un dépôt d’antiquités et d’armures.
L’honorable M. On-ban fait observer qu’il ne s’agit pas d’une dépense une fois à faire, mais qu’il s’agit d’un crédit permanent, consacré à la création et à l’entretien d’une institution toute spéciale, pour la conservation des antiquités nationales.
Oui, messieurs, et je crois qu’il est bon que la chambre comprenne bien la portée du vote qu’elle va émettre, il est essentiel, selon moi, que la Belgique ait une institution de cette nature. Peu de pays offrent, sous ce rapport, autant de richesses que le nôtre ; il importe, pour qu’elles ne se perdent point par l’incurie ou l’ignorance, qu’elles soient réunies dans un local et méthodiquement classées. La Belgique ne fera ainsi que suivre de loin les autres nations. Dans les capitales de tous les Etats, même les plus petits, d’Italie et d’Allemagne, on trouve des institutions de ce genre. En France, à Paris seul, il existe cinq ou six misées d’antiquités, qui tous ont pour directeurs des hommes s’occupant spécialement de l’une ou l’autre partie de la science archéologique. Les principales villes de la Hollande, telles qu’Amsterdam et Leyde, possèdent aussi de riches musées. Je ne vois donc pas pourquoi la Belgique qui, je le répète, renferme tant de richesses de ce genre, où les études archéologiques sont suivies avec tant de faveur, et présentent tant d’intérêt pour les arts, ne serait pas également dotée d’une collection officielle d’antiquités nationales.
M. Desmet. - Messieurs, je crois que le crédit que l’on demande est destiné, non pas au transfert des armures à la porte de Hal, mais à payer des frais d’administration.
Messieurs, nous avons trois grandes dépenses à faire : d’abord la dépense pour les bâtiments de la cour des comptes, en second lieu la dépense pour un local destiné au dépôt des archives, et en troisième lieu la dépense pour les musées. Je crois, messieurs, que le gouvernement devrait d’abord faire les deux premières dépenses, qui sont les plus nécessaires et ce n’est pas la marche que l’on adopte. Si la somme que l’on nous demande est destinée à payer des frais d’administration, je ne la voterai pas ; mais si c’est pour transférer le musée d’armures à la porte de Hal, je m’y opposerai, parce que la porte de Hal convient beaucoup mieux pour les archives. C’est un local isolé qui est parfaitement à l’abri de l’incendie.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - En toute hypothèse il faut, messieurs, que le Musée reçoive une organisation administrative appropriée à son importance. Quant à la porte de Hal, on a déjà décidé, dans la discussion du budget précédent, que le musée d’armures y serait transféré ; on utilisera ainsi un bâtiment que le gouvernement a acheté de la ville de Bruxelles et qui est aujourd’hui sans emploi, et en méme temps on dégagera le Musée de l’industrie, qui est encombré. En ce qui concerne le dépôt des archives, messieurs, une proposition ultérieure vous sera faite ; mais il est de toute évidence que ce serait un mauvais système que de chercher à y approprier la porte de Hal, car il faudrait y faire d’énormes dépenses et l’élever à une hauteur prodigieuse ; il faudrait l’élever de plusieurs étages pour pouvoir y placer les archives et alors on reconnaîtrait que les fondements sont insuffisants ; car l’élévation devrait se faire dans le même style que les constructions actuelles et dès lors il en résulterait une surcharge énorme que les fondations actuelles ne pourraient pas supporter. D’ailleurs, messieurs, cette élévation défigurerait tout à fait le bâtiment ; elle le rendrait bizarre.
- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Monument de la place des Martyrs : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Cinquième et sixième septièmes pour l’exécution de la statue équestre de Godefroid de Bouillon : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 10. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours tics villes et des provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments, et commission royale des monuments : fr. 42,000. »
- La section centrale propose une réduction de 1,000 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) déclare se rallier à la proposition de la section centrale.
- Le chiffre de la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Commissions médicales provinciales : fr. 39,500. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ferai observer que les mots « commissions médicales provinciales » ne suffisent pas ; l’article concerne aussi le service des épidémies ; du reste, je ne pense pas qu’il y ait des difficultés quant à l’imputation, car il ne s’en est pas présenté jusqu’à présent.
- L’article est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Encouragements et subsides : fr. 18,300. »
- Adopté.
« Art. 3. Académie royale de médecine. Dépenses ordinaires : fr. 25,000 ; dépenses extraordinaires : fr. 22,000.
M. le président. – La section centrale propose 18,000 fr. pour dépenses ordinaires et 15,000 fr. pour dépenses extraordinaires.
M. Sigart. - Messieurs, je voterai le chiffre demandé par le gouvernement, mais ce n’est pas du chiffre que je désire vous entretenir.
Le gouvernement a soumis à l’avis de l’Académie royale de médecine certaines propositions relatives à la fabrication et à la vente des bonbons, des liqueurs et des jouets d’enfants coloriés avec des oxydes métalliques ou autres substances nuisibles à la santé (interruption) ; dans la séance du 31 mars 1844, l’Académie de médecine discuta un rapport extrêmement remarquable, fait par M. Pasquier, parlant au nom de la cinquième commission. Ce rapport a été renvoyé au ministre de l’intérieur.
Je demanderai d’abord à M. le ministre ce qu’il a fait des conclusions de ce rapport. Je ferai remarquer ensuite que la question me semble envisagée d’une manière trop peu large, et c’est aussi l’opinion de tous les orateurs qui se sont présentés à la tribune française dans la discussion qui a eu lieu l’an dernier au sujet de la loi sur la sophistication des vins. Je sais, messieurs, que l’altération des marchandises n’est pas impunie dans notre législation ; mais, soit que les peines ne soient pas assez sévères, soit qu’on ne les applique pas, toujours est-il qu’il existe sous ce rapport un mal extrêmement grand et qui appelle un remède prompt et efficace.
Un des bienfaits de la révolution française a été l’affranchissement des industries. Mais, messieurs, de même qu’en abolissant l’esclavage on a engendré le prolétariat et le paupérisme ; de même, en abolissant les (page 419) maîtrises et les jurandes on a donné naissance à une concurrence sans frein.
Or, cette concurrence, si avantageuse au consommateur, est, pour le producteur, une source de souffrances incroyables. Tant que, dans cette lutte plus cruelle qu’on ne le pense généralement pour la plupart de ceux qui s’y livrent, le gouvernement n’a pas à intervenir, tant qu’elle reste loyale ; dans ce combat comme dans tout combat, malheur au vaincu Mais si le producteur, pour s’assurer une victoire plus facile, sort de l’arène et se jette sur le spectateur, je veux dire le consommateur, alors le gouvernement, comme juge du camp, doit nécessairement s’interposer.
C’est une chose incroyable que le nombre d’altérations que l’on fait subir à une foule de substances. Je vais en faire connaître un petit nombre. Je devrais faire un livre si je voulais être complet.
On altère la farine par la fécule de pomme de terre.
On altère la fécule de pomme de terre par la poudre d’albâtre, le carbonate de chaux.
On sophistique le vin par la litharge, par l’alun, au moyen du vinage, du coupage, du mouillage.
On forme l’eau-de-vie avec le trois six.
On adultère le lait par le bicarbonate de soude, le caramel et la cassonade.
On altère le café par la chicorée, la chicorée par le pain torréfié et même le noir animal.
Je parle de ces fraudes qui sont assez connues ; mais ce sont les moins dangereuses ; mais il en est qui s’exercent au moyen d’oxydes ou sels métalliques de cuivre et d’arsenic.
Je me garderai bien de les signaler, messieurs, dans la crainte de venir en aide à de coupables industries -, mais il me semble qu’il est bien nécessaire de mettre un terme à ces fraudes ; il le faut, dans l’intérêt de la morale qui s’indigne ;
Dans l’intérêt de la santé publique qui souffre ;
Dans l’intérêt du commerce honnête qui ne peut plus lutter, car dès que quelqu’un se livre à la fraude, tous ses concurrents sont obligés de faire comme lui ;
Dans l’intérêt des classes pauvres. Je ne me fais pas plus d’illusion qu’il ne faut sur les moyens de parer à des maux sans remède ; mais c’est une raison de plus pour ne pas négliger de parer aux maux curables. Or je crois que l’on peut très bien trouver des moyens efficaces pour protéger les classes pauvres contre le vol et contre l’empoisonnement.
J’appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur une brochure qui a été publiée récemment par un professeur de l’école des mines du Hainaut ; l’auteur entre dans beaucoup de détails sur cette matière ; je crois que M. le ministre de l’intérieur pourra les consulter avec fruit.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la sophistication ou l’altération des substances alimentaires et de plusieurs objets de commerce, est certainement une chose des plus graves, qui mérite toute l’attention de la législature et de l’administration publique ; aussi je m’en suis particulièrement occupé. Indépendamment du rapport dont vient de parler l’honorable M. Sigart, j’ai chargé d’autres personnes d’étudier la question. Le remède est justement ce qu’il y a de plus difficile à trouver ; toutefois j’espère qu’on parviendra à en découvrir un ; cette question est aujourd’hui agitée dans plusieurs pays. Comme l’a dit avec raison l’honorable M. Sigart, la concurrence qui est une chose utile à certains égards, a amené l’abolition de la surveillance qui existait autrefois dans les corporations des métiers ; et c’est là une des causes principales de toutes les sophistications dont on a à se plaindre.
Messieurs, en ce qui concerne le chiffre demandé pour le service de l’Académie de médecine, je ferai une distinction ; je me rallierai à la proposition de la section centrale, quant au matériel ; mais je demande que la chambre veuille adopter le chiffre de 25,000 fr. pour la dotation annuelle ordinaire de l’Académie. Ce chiffre n’a rien d’exagéré. Dans les premières années, les frais de l’Académie étaient supportés par le service sanitaire. Depuis lors, on a régularisé cet état de choses par un crédit extraordinaire ; mais je regrette de dire qu’il y a un nouveau déficit de 4 à 5,000 fr., parce que jamais l’Académie n’a pu tenir, sans tomber dans un déficit, les séances qu’elle doit tenir périodiquement, aux termes de l’arrêté royal d’institution.
Toutefois je déclare que si la chambre adopte l’augmentation de sept mille francs que le gouvernement demande, je ne proposerai aucun crédit supplémentaire pour couvrir l’arriéré ; je tiendrai la main à ce que l’Académie le comble par des économies successives. L’Académie a plusieurs mémoires qui lui ont été envoyés par des membres titulaires ou correspondants et qui n’ont pu être publiés. Les membres de ce corps font une perte considérable chaque fois qu’ils se réunissent ; ce sont presque tous praticiens qui doivent négliger une partie de leur clientèle pour venir discuter des questions de science dans leurs réunions à Bruxelles. L’indemnité qu’ils reçoivent est absorbée par les frais des voyages qu’ils sont forcés de faire, de manière qu’ils n’ont aucune rétribution pour le temps qu’ils consacrent aux travaux de l’Académie.
Messieurs, les membres de l’Académie de médecine tiennent beaucoup à l’honneur de la compagnie, à leur propre réputation ; et c’est pour cela qu’ils désirent d’être mis à même de publier quelques mémoires qui les signalent davantage à l’attention publique.
M. Orban. – Messieurs, la chambre doit adopter les propositions de la section centrale, si elle veut rester conséquente avec le vote qu’elle a émis tout à l’heure, relativement à l’Académie des sciences, et surtout si elle veut être conséquente avec le vote qu’elle a émis l’année dernière, relativement à l’Académie de médecine elle-même.
L’année dernière, la question a été présentée dans les mêmes termes : on a demandé alors une augmentation de 7 mille francs pour l’Académie de médecine. Vous l’avez rejetée, vous vous êtes dit que l’Académie avait déjà obtenu une augmentation de dotation quelques années auparavant, et que la nouvelle demande qui vous était soumise ne pouvait avoir été suggérée que par les propositions faites en faveur de l’Académie des sciences.
Tout à l’heure vous avez rejeté le crédit nouveau demandé pour cette dernière Académie, malgré les motifs assez plausibles qui militaient en sa faveur, malgré l’accroissement assez considérable donné à cette institution. A plus forte raison, devez-vous rejeter la majoration demandée pour l’Académie de médecine, puisque le personnel en est resté le même et qu’il n’y a rien de changé dans ses besoins, dans sa situation.
Au surplus les considérations d’économie que j’ai invoquées tout l’heure, conservent ici toute leur puissance, et j’espère qu’elles auront le même résultat.
M. Lebeau. - Messieurs, j’engage la chambre à sanctionner la transaction, car c’en est une, que vient de proposer M. le ministre de l’intérieur à l’occasion de ce chiffre.
Que vous dit M. le ministre de l’intérieur ? Il vous dit que l’Académie de médecine étant d’institution encore récente, il est beaucoup plus difficile d’avoir pu lui faire un budget complet, avant qu’elle n’eût pour ainsi dire fonctionné, qu’il ne l’est pour d’autres institutions analogues, mais beaucoup plus anciennes. Il est résulté de là que malgré la parcimonie apportée dans les frais de l’Académie de médecine qui n’a certes aucune tendance à des exagérations de dépenses ; il en est résulté, dis-je, qu’elle a marché de déficit en déficit ; et il arrivera ce qui arrive tous les ans : c’est que si vous adoptez les réductions que vous propose la section centrale, au lieu de vous rallier au terme moyen indiqué par M. le ministre, vous serez amenés à devoir voter des crédits supplémentaires. Or, M. le ministre de l’intérieur vous l’a dit, si vous souscrivez à la transaction qu’il propose et qui est assurément très modérée, il prend l’engagement de ne pas venir demander des crédits supplémentaires ; alors que déjà un déficit est constant aujourd’hui, il s’engage à le couvrir par une suite d’économies sur les exercices futurs. Je crois que nous devons nous empresser de souscrire à une pareille transaction qui aurait pour résultat de prévenir l’abus, extrêmement facile à subir de la part de la chambre, l’expérience l’atteste : l’abus des crédits supplémentaires.
Je suis le premier à reconnaître la haute utilité de l’Académie des sciences, lettres et arts. Mais je me permettrai de dire cependant, que sous le rapport de l’utilité immédiate, générale, de l’utilité pour la classe la plus nombreuse de la société, l’Académie de médecine peut facilement soutenir le parallèle avec l’autre compagnie savante. J’ajouterai que chaque fois que les membres de l’Académie de médecine qui ne résident pas dans la capitale, se déplacent, ils s’imposent de notables sacrifices qui ne sont pas supportés dans la même proportion par les membres de l’académie des sciences, lettres et arts.
- Le chiffre de 25,000 fr. (dotation annuelle ordinaire de l’Académie de médecine) est mis aux voix et adopté. La chambre adopte ensuite le chiffre de 15,000 francs (charge extraordinaire), chiffre auquel M. le ministre de l’intérieur avait déclaré se rallier.
« Article unique. Complément des frais de confection des tables décennales des actes de l’état-civil pour la période de 1833 à 1842, en exécution du décret du 20 juillet 1807 et les articles 69 et 70 de la loi provinciale (extraordinaire) : fr. 20,900. »
- Adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 9,900. »
La section centrale propose d’ajouter : « Non libellées au budget. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) se rallie à cette promotion.
M. Osy. - Je vois avec plaisir que la section centrale propose ici le même libellé que nous avons adopté pour d’autres budgets. Je regrette de ne pas voir M. le ministre des finances ici, par ce que son budget a été le premier que nous avons voté, et nous n’y avons pas inséré ce libellé, et il paraît que M. le ministre des finances n’est pas disposé à le prendre pour règle. J’engage le gouvernement à vouloir bien suivre la même marche pour tous les départements, à ne pas imputer des dépenses prévues sur un crédit destiné aux dépenses imprévues. Je prie M. le ministre de l’intérieur de faire part de mon observation à M. le ministre des finances, car intention de la chambre est qu’il en soit de même pour tous les budgets quant à cette prescription, et j’espère que M. le ministre des finances s’y conformera.
M. Lebeau. - Le contraire ne serait pas loyal.
M. le président. – Deux amendements ont été adoptés ; à moins de déclarer l’urgence, il faudrait remettre le vote définitif à un autre jour.
M. Cans. - Je croyais qu’il était convenu qu’avant la fin de la discussion du budget de l’intérieur, M. le ministre donnerait des explications sur la pétition du conseil communal de la ville de Bruxelles.
(page 420) M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). – Ces explications ont été données sur l’interpellation de l’honorable M. de Brouckere, il y a deux ou trois jours.
M. Cans. - Les explications de M. le ministre n’ont rien expliqué ; il a dit qu’il serait statué avant le 1er janvier, mais il n’a pas donné d’explication sur le fond de la question.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’ai dit que je m’entendrai avec mon collègue le ministre des affaires étrangères ; je n’ai pas pu donner de solution immédiate ; j’ai dit que je statuerais au moins d’une manière provisoire avant la fin de l’année, quant au budget ; mais, pour le point en contestation, j’ai dit que je devais en conférer avec M. le ministre des affaires étrangères et que je ne pouvais pas prendre d’engagement sur cet objet.
- La chambre, consultée, décide qu’on procédera immédiatement au second vote.
- Les deux amendements adoptés au premier vote aux chapitres XVII et XVIII sont successivement confirmés sans discussion.
M. le président. - L’article unique du projet est ainsi conçu : « Le budget du département de l’intérieur, pour l’exercice 1847, est fixé à la somme de six millions quatre cent soixante et dix-huit mille huit cent cinquante-quatre francs quarante centimes (fr. 6,478,854-40), conformément au tableau ci-annexé.
- Il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
65 membres ont répondu à l’appel.
59 membres ont répondu oui.
5 membres ont répondu non.
1 s’est abstenu.
En conséquence le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Malou, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Cans, Clep, d’Anethan, de Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune et Liedts.
Ont répondu non : MM. Verhaegen, de Bonne, Delfosse, de Tornaco et Lesoinne.
M. Lys, qui s’est abstenu, est invité à énoncer les motifs de son abstention.
M. Lys. - Je me suis abstenu, parce que le ministre ne m’a rien répondu pour les subsides que je réclamais de l’Etat en faveur de la ville de Verviers, pour ses écoles primaires. Cependant j’avais démontré qu’en prenant pour base l’article 2 de la loi sur l’instruction primaire, en l’interprétant de la même manière que le gouvernement, ce subside était dû. Je ne pouvais dès lors voter pour le budget, car M. le ministre ne m’a pas seulement fait espérer qu’il examinerait la question si ce subside est dû.
M. le président. - L’ordre du jour appelle en second lieu la discussion du projet de loi relatif au droit de sortie sur les étoupes de lin et de chanvre.
Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Malou). -Oui, M. le président.
MM. de Villegas, Lebeau, Anspach, Delehaye et Dedecker demandent la parole.
M. Orban (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, nous avons encore à l’ordre du jour deux projets qui sont également urgents : c’est celui qui est relatif à une modification au tarif des douanes, en ce qui concerne les cuirs et peaux, et celui qui est relatif au droit de sortie sur les étoupes.
L’un de ces projets n’est de nature à susciter aucune objection. L’autre, au contraire, d’après le nombre d’orateurs qui viennent de demander la parole, peut amener des débats plus ou moins longs. Je demande donc qu’on veuille bien intervertir l’ordre du jour. (Interruption.)
Messieurs, permettez-moi de dire seulement deux mots pour justifier ma proposition.
Une réduction considérable de droits est promise aux tanneurs sur l’introduction des cuirs étrangers. Il en résulte que, dans l’attente de cette loi, aucun n’achat n’est fait par eux. Or, c’est maintenant la saison où s’exécutent les travaux de la tannerie. Il en résulte que dans ce moment une nombreuse classe d’ouvriers se trouve sans occupation ; et il est évident qu’aussi longtemps que la loi ne sera pas votée, aucun industriel ne consentira à acheter et à payer des droits élevés, tandis que dans peu de jours ces droits doivent être considérablement réduits.
Ainsi, messieurs, c’est dans l’intérêt pressant de la classe ouvrière, que je vous demande de bien vouloir assurer le vote de cette loi, en lui donnant la priorité.
Il s’agit uniquement d’un vote, d’un appel nominal, qui ne retardera que de quelques minutes la discussion de la loi sur la sortie des étoupes.
M. Delehaye. - Messieurs, c’est précisément parce que le projet auquel l’honorable M. Orban vient de faire allusion, est urgent, que je demande que l’ordre du jour soit maintenu.
L’honorable membre invoque, à l’appui de sa proposition, l’intérêt de la classe ouvrière. Messieurs, c’est aussi l’intérêt de la classe ouvrière que j’invoque, et d’une classe ouvrière beaucoup plus nombreuse que celle qui s’occupe de l’industrie des cuirs (Interruption.)
On me dit que si je ne faisais pas opposition à la motion de l’honorable M. Orban, le projet serait déjà voté. Mais c’est à ceux qui demandent que l’ordre du jour soit interverti et non à nous qu’il faut faire le reproche d’entraver la discussion.
Qu’arrivera-t-il, messieurs, si vous admettez la marche indiquée par l’honorable M. Orban ? C’est que lorsque le projet sur les cuirs sera voté, la discussion que doit amener celui sur les étoupes, engagera plusieurs membres à se retirer. (Non ! non !) C’est précisément parce que ce dernier projet doit donner lieu à quelques observations, que je demande qu’on lui conserve la priorité. De cette manière ceux qui désirent le vote de projet relatif aux cuirs ne partiront pas.
Je demande, messieurs, le maintien de l’ordre du jour tel qu’il était fixé.
- La chambre consultée décide qu’elle maintient son ordre du jour.
La discussion est ouverte sur ce projet.
M. de Villegas. - Messieurs, je croyais d’abord traiter la question sous toutes ses faces, et surtout dans ses rapports avec l’industrie linière. Mais, je le dis à regret, je vois qu’en présence de l’impatience où se trouve la chambre de se séparer aujourd’hui, je devrai me borner à de très courtes observations.
Messieurs, j’avoue que c’est avec un vif déplaisir que je m’aperçois que dans une question extrêmement importante pour l’industrie linière, celle de l’établissement d’un droit à la sortie de certains lins, le gouvernement ou plutôt M. le ministre des affaires étrangères ne prend aucune position. (Interruption.)
Je dis, messieurs, que M. le ministre des affaires étrangères ne prend aucune position, et j’en trouve la preuve dans l’exposé des motifs qui accompagne le projet de loi en discussion. En effet, j’y lis, à mon grand étonnement, que quant à la question que soulève le principe d’un droit à la sortie du lin, non seulement M. le ministre ne veut pas résoudre le problème, mais qu’il se refuse même à l’examiner.
Je vous demande, messieurs, si telle est la position qu’un gouvernement doit prendre dans une pareille question ?
Je crois que le gouvernement ne doit pas reculer devant l’accomplissement d’un devoir, alors surtout que la solution de cette question intéresse vivement l’industrie et le commerce.
Quoi qu’il en soit, messieurs, le moment de s’occuper sérieusement de cette question n’est pas fort éloigné. Vous vous rappelez que, dans la séance d’hier, j’ai eu l’honneur de demander qu’une réclamation qui nous était adressée par plusieurs négociants en toile de Renaix fût renvoyée à la commission permanente d’industrie, avec prière de faire un prompt rapport. J’espère qu’à notre rentrée, cette commission fera son rapport, et alors nous nous occuperons activement de cette question, à l’examen de laquelle M. le ministre des affaires étrangères ne pourra pas se soustraire.
Moyennant ces réserves, messieurs, je dirai quelques mots relativement au projet qui est soumis à nos délibérations.
Vous savez, messieurs, que des réclamations tendant à demander une augmentation du droit sur les étoupes, nous sont parvenues depuis longtemps. Le rapport qui a été fait à cet égard par l’honorable M. Dedecker en fait foi. D’un autre côté, les autorités, les corps constitués qui ont été consultés par le gouvernement, se sont, à la presque unanimité, prononcés pour cette augmentation.
M. le ministre des affaires étrangères, appréciant la triste situation dans laquelle se trouvent les provinces flamandes, a reconnu la nécessité de donner une protection plus grande à l’industrie des étoupes.
Malgré l’évidence de l’inefficacité des mesures proposées par le gouvernement, je ne ferai aujourd’hui aucune proposition nouvelle. J’ai eu l’honneur de vous faire connaître les motifs de mon abstention.
Les seules étoupes qui sont vendues sur nos marchés proviennent de fabricants de toiles en cœur de lin. Le peignage du lin donne en moyenne 68 p.c. de cœur de lin, 30 p. c. d’étoupes diverses et 2 p. c. de déchet.
Vous savez, messieurs, que ces étoupes sont achetées, en partie, par les filatures mécaniques et par les fabricants à la main, et qu’une petite partie en est exportée en France et en Angleterre.
Il va sans dire, messieurs, que si vous conservez sur le marché intérieur une plus grande quantité d’étoupes, vous augmenterez nécessairement la main-d’œuvre. Il ne faut pas toutefois se dissimuler que la consommation des étoupes par les filatures à la mécanique augmentera dans la même proportion. Je fais cette observation pour prouver que, d’après moi, le projet de loi n’est pas destiné à accorder un grand soulagement au filage à la main. Mais il sera favorable à la tissanderie des toiles étoupières dont le siège principal est à Termonde et à Renaix. Je pense que la proposition en discussion pourra donner un peu de vie à cette industrie qui se trouve en décadence. Car, messieurs, la fabrication de cette espèce de toile se trouve aujourd’hui dans une détresse épouvantable. Autrefois la moitié de la population de la ville de Renaix trouvait des (page 421) moyens d’existence dans la fabrication des étoupes, et aujourd’hui le chômage a porté au comble la misère dans cette ville. Vous savez, messieurs, que l’industrie de la fabrication des toiles étoupières est importante ; car elle s’applique à la fabrication des toiles à sac, des toiles d’emballage et des toiles de couvertures.
Messieurs, je le répète, il est à regretter que dans les circonstances exceptionnelles et malheureuses où nous nous trouvons, M. le ministre des affaires étrangères n’ait pas cru devoir faire davantage en faveur des populations flamandes. La chambre, dans l’appréciation de l’exposé des motifs de ce projet, ne doit pas oublier qu’il s’agit d’une question, en quelque sorte, humanitaire. Elle ne doit pas perdre de vue non plus que la loi a un caractère essentiellement temporaire. Quoi qu’il en soit de l’insuffisance du remède que le gouvernement propose d’appliquer au mal, je ne veux pas contrarier l’essai qu’il veut faire, dans l’espoir d’obtenir bientôt une satisfaction plus complète.
M. Lebeau. - Si M. le ministre des affaires étrangères et du commerce avait maintenu son projet, je pense que la discussion eût été extrêmement courte ; et bien que ce projet répugne en général à mes principes, je l’eusse voté comme une exception de la nature de celle qui défend la sortie des céréales, comme une mesure temporaire et exceptionnelle due à des circonstances aussi entièrement exceptionnelles.
Mais, messieurs, M. le ministre, avec un laisser-aller que je pourrais caractériser plus sévèrement, n’a tenu aucun compte de son projet, et a accepté la proposition de la section centrale qui donne évidemment à ce projet un tout autre caractère, et qui forme en quelque sorte un préjugé en faveur d’une autre question, sur laquelle cependant le gouvernement entend maintenir une entière réserve.
Il est certain, messieurs, qu’il ne s’agit plus ici, comme dans le projet du gouvernement, de rendre la sortie des étoupes plus difficile. Mais on va jusqu’à frapper d’un droit de sortie plus élevé une partie du lin. Cela me paraît incontestable. (Interruption.)
Messieurs, je n’entends pas lutter sur la partie purement technique avec quelques honorables députés des Flandres ; je pourrais, dans une semblable matière, prendre aisément le Pirée pour un homme. Mais cependant j’ai consulté quelques-uns de MM. les députés des Flandres, et j’en ai vu qui conviennent que le snuit (je demande pardon à ceux de mes honorables collègues dont je puis offenser les oreilles en prononçant un mot que je ne connais pas), que le snuit, dis-je, est bien du lin.
Je crois donc qu’on préjuge ainsi une question que l’on a voulu tenir en réserve. Dès lors, si la discussion prend des proportions qui paraissent trop étendues, surtout dans les circonstances où nous sommes, la faute en est principalement au gouvernement.
Remarquez, messieurs, que le gouvernement, pour justifier la proposition qu’il a soumise à la chambre, peut invoquer une enquête sur la question des étoupes ; et bien que cette enquête, malgré ce qu’en a dit l’honorable député d’Audenarde, ait été en très grande partie contraire à l’idée de frapper les lins à la sortie, je reconnais qu’elle a été en général favorable à l’interdiction ou au moins à une gêne apportée à la sortie des étoupes.
Mais c’est uniquement sur ce point que l’enquête a porté, et c’est uniquement sur ce point que la chambre peut statuer en parfaite connaissance de cause, parce qu’elle a sous les yeux le chiffre des exportations d’étoupes.
Mais quant à cette espèce de lins qui figure sous un autre article du tarif sous le nom de snuit, la chambre ne peut connaître la portée de son vote. Elle n’a sur ce point aucune espèce de donnée, aucune espèce de renseignements, et je crois que le gouvernement est dans la même situation.
De manière, messieurs, que M. le ministre des affaires étrangères, en se ralliant à la proposition de la section centrale, se rallie à une extension considérable du projet du gouvernement, à une extension sur laquelle il n’a été fait aucune instruction préalable, sur laquelle l’enquête n’a pas porté, et sur la portée de laquelle lui-même ne peut nous fournir des éclaircissements. Il agit donc ici tout à fait en aveugle.
Voilà pourquoi j’ai cru devoir demander la parole ; c’était pour présenter quelques observations. Certainement je dois me restreindre ; je ne veux pas faire violence à la chambre, je sais qu’elle est fatiguée, qu’elle a besoin de vacances ; je ne veux pas critiquer son impatience ; je la trouve légitime. C’est une raison pour moi d’être très court.
Je me bornerai à dire que M. le ministre, malgré toutes ses réserves, en se ralliant à la proposition de la section centrale, entre plus ou moins dans les idées de l’honorable député d’Audenarde ; qu’il préjuge plus ou moins la question de l’interdiction de la sortie du lin, proposition éminemment funeste non seulement à l’agriculture, mais à l’industrie linière elle-même. Et c’est le même ministre, qui dans une circonstance récente, en nous parlant du système prohibitif, nous disait que ce système était arrivé à son apogée, qu’il était à son point culminant, que tout ce que le gouvernement pouvait faire, c’était de le maintenir, mais jamais de songer à le renforcer.
Si donc M. le ministre des affaires étrangères ne consent pas à ajourner, sans rien préjuger à cet égard, la proposition de la section centrale, je me verrai, quant à moi, quoique à regret, obligé de voter contre le projet.
M. Anspach. - N’est-il pas singulier, messieurs, qu’à l’époque où nous nous trouvons, à une époque où tous les esprits éclairés qui se sont occupés d’économie politique, sont d’accord sur le principe de la liberté du commerce, on vienne nous présenter un projet tendant à renforcer le système prohibitif ? Je ne pense pas qu’il existe encore une seule opinion favorable au système prohibitif, en tant que ce système prohibitif n’existe pas pour défendre des droits acquis, des intérêts engagés, des positions.
Mais, en lui-même, le système prohibitif est condamné et condamné à juste titre.
Mais, messieurs, si on est généralement d’accord sur le principe de la liberté du commerce, il n’en est pas de même de son application. C’est ici que commence la divergence d’opinion : les uns, ardents, curieux de voir les résultats de l’application de leur principe, peu soucieux de garantir ce qui existe, manquant de l’expérience des affaires, veulent mettre immédiatement la main à l’œuvre et aux dépens de qui il appartiendra ; les autres qui ont attentivement observé la position actuelle, qui connaissent les grands intérêts engagés dans une foule d’industries, veulent que la plus grande prudence, la plus grande circonspection préside aux abaissements successifs qui doivent avoir lieu ; ils veulent que l’on choisisse le moment le plus favorable, afin d’affaiblir les froissements qui doivent nécessairement résulter de cette transition. Mais quoiqu’il en soit, messieurs, du mode qui sera employé pour arriver à cette transition, le système prohibitif n’en est pas moins condamné. Il a fait son temps, et ce temps n’a que trop duré.
Et c’est, messieurs, précisément ce moment que vous choisissez pour poser un acte qui est une conséquence des plus tranchées de ce système prohibitif, car le droit de 25 francs, que vous mettez sur les étoupes équivaut incontestablement à une prohibition Cette mesure est donc contraire aux principes. Elle peut en outre éveiller la susceptibilité de nos voisins avec qui nous avons fait un traité de commerce sur cet article, car on ne peut pas se dissimuler que la mesure est prise contre eux ; elle est peut-être prise aussi un peu contre les Anglais, mais elle est prise surtout contre nos voisins du midi. C’est de plus, messieurs, une injustice envers l’agriculture, puisqu’on la prive des moyens de tirer le meilleur parti possible d’un de ses produits.
Et tout cela, messieurs, vous voulez le faire pour un objet qui n’en vaut réellement pas la peine. M. le ministre nous a dit quel a été le montant de l’exportation en 1845 ; il a été d’environ 450,000 kilog., tandis que le lin, l’exportation s’élève à plus de 7 millions de kilog. Cette exportation diminuera d’année en année, et c’est tellement vrai qu’en 1846 il y a déjà une diminution de plus de 20,000 kilog. Ce sont les filatures à la mécanique qui emploient ces étoupes ; ce sont elles qui vont les acheter sur tous les marchés, et la raison en est fort simple : c’est que ces étoupes donnent un rendement extrêmement favorable ; ces produits sont toujours demandés alors même que le fil de lin ne l’est pas dans la même proportion.
Il est donc évident, messieurs, que la prohibition dont vous voulez frapper la sortie des étoupes ne servira à rien. Vous n’atteindrez pas le but que vous vous proposez, de diminuer le prix des étoupes, car c’est là que vous voulez en venir ; eh bien, cette ressource que vous voulez réserver aux pauvres, cette ressource vous échappera.
En résumé, messieurs, la mesure proposée est contraire aux principes. Elle est injuste envers l’agriculture. Elle n’atteindra pas le but que vous vous êtes proposé, et de plus, elle peut, dans certains cas, avoir de funestes conséquences.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l’honorable M. de Villegas m’a reproché de n’avoir pas su prendre une position dans la question qui nous est soumise, de n’avoir pas fait assez, probablement parce que je m’étais refusé à me rallier à la minorité de la section centrale, qui demandait de frapper les étoupes d’un droit de 50 francs au lieu d’un droit de 25 francs que le gouvernement propose ; en second lieu, probablement parce que le gouvernement n’avait pas voulu étendre à la sortie du lin la mesure qu’il propose pour la sortie des étoupes. L’honorable M. Lebeau, au contraire, reproche au gouvernement d’avoir trop pris cette position ; au lieu de n’avoir pas assez fait, d’avoir trop fait, en apportant, pour me servir de l’expression de l’honorable membre, une extension considérable à son projet primitif, de n’avoir pas tenu compte de son projet primitif, de ne l’avoir pas maintenu.
Messieurs, le gouvernement est resté au milieu de ces prétentions opposées. L’honorable M. de Villegas a tort de penser que je me suis refusé à faire connaître mon opinion dans la question de la sortie du lin.
Messieurs, j’ai dit, dans l’exposé des motifs, que le gouvernement ne croyait pas le moment opportun pour discuter cette grave question, puisqu’il ne voulait pas la soumettre à la chambre. Mais par la raison même qu’il refusait de présenter à la chambre un projet de loi relatif à la sortie des lins, il faisait assez connaître son opinion, qui n’est pas favorable à cette mesure.
Messieurs, en se ralliant à l’amendement de la section centrale, qui est relatif au snuit, le gouvernement ne croit pas avoir donné au projet primitif telle extension considérable ; il ne croit pas du tout avoir par là entamé la question, si importante, de la sortie du lin et, messieurs, quelques réflexions très simples suffiront pour faire comprendre que l’extension donnée à la loi ne peut avoir qu’une assez faible portée.
Chacun sait, messieurs, que le snuit est un déchet comme les étoupes, n’est un déchet du déchet même, c’est ce qu’on appelle dans le commerce (page 422) le courcet. Le snuit provient de la deuxième opération du peignage, c’est-à-dire, je le répète, qu’il forme le déchet du déchet.
Or, messieurs, M. de Villegas a dit tout à l’heure que les étoupes ne figuraient dans la matière du lin que dans la proportion de 30 p. c. ; l’honorable M. Anspach vient de vous rappeler que les étoupes ne sont comprise que pour 4 à 500 mille kil. dans le chiffre de 7 millions de kil, qui est le montant de l’exportation totale du lin ; eh bien, messieurs, il est évident que le snuit qui n’est qu’un déchet du lin, qui forme une étoupe plus fine et par conséquent plus rare que le snuit, dis-je, figure nécessairement dans les exportations dans une proportion beaucoup moindre que les étoupes elles-mêmes, c’est-à-dire que le chiffre doit en être très insignifiant.
Ainsi, messieurs, cette extension considérable n’est, en résultat, qu’une véritable régularisation, une rectification du tarif. Dans son projet primitif, le gouvernement avait pris naturellement pour base la classification telle qu’elle est admise par le tarif de 1822 ; mais il a dû reconnaître d’après les observations qui ont été présentées au sein de la section centrale, qu’il y avait, dans la classification du tarif de 1822, une espèce d’erreur d’appréciation, c’est à la rectification de cette erreur qu’il s’est rallié.
Je ferai remarquer à l’honorable M. Anspach que le gouvernement propose cette mesure, non pas comme un système, comme la consécration d’un principe qu’il adopte, mais comme une mesure exceptionnelle, due à des circonstances exceptionnelles, et comme une mesure temporaire devant cesser après un délai assez court.
Mais j’ajouterai que, dans les tarifs de tous les pays, il est de principe économique, au contraire, d’admettre certaines restrictions à la sortie des matières premières dont la production est forcément limitée, comme les drilles, les chiffons, les cendres, les os ; de manière que bien loin de contrarier un principe économique généralement admis, C’est se conformer que d’adopter le projet de loi, tel qu’il est maintenant soumis à la chambre. (Aux voix !)
M. Delehaye. - Messieurs, je ne suivrai pas l’honorable M. Anspach dans les observations qu’il a présentées relativement au système prohibitif et au libre échange ! Cette discussion ne pourrait pour le moment aboutir à aucun résultat. J’entre donc immédiatement en matière.
Je suis étonné que M. le ministre des affaires étrangères dise que la question du snuit est peu importante. Le snuit n’est pas, comme l’a prétendu M. le ministre, le déchet du déchet de lin. C’est, au contraire, ce qu’il y a de plus fin après le lin ; c’est le lin qui reste entre les aiguilles du peigne, après que le lin le plus fin en a été retiré ; c’est enfin du lin et du lin le plus fin ; seulement cette partie est désignée sous le nom de lin court.
Le projet de loi, tel qu’il avait été présenté par le gouvernement, faisait suite aux mesures que nous avons déjà adoptées en faveur de la classe ouvrière. En effet, les étoupes sont une matière sans grande valeur, qui n’emprunte sa valeur qu’à la main-d’œuvre ; les fileuses à la main emploient les étoupes à faire ce gros fil avec lequel on confectionne les toiles d’emballage. C’est donc là une véritable spécialité, et sous ce rapport je comprends que l’on veuille venir au secours de la classe ouvrière ; aussi, je donnerai mon plein assentiment à cette partie du projet qui est en discussion ; mais je ne puis consentir à ce qu’on étende le principe à la question des lins courts ; je ne puis y consentir, dans l’intérêt de l’industrie agricole.
La question des lins n’a pas été examinée ; M. le ministre en convient lui-même ; eh bien, la question du snuit se rattache immédiatement à celle des lins. Je demande avec d’honorables préopinants que cette question soit réservée, qu’elle ne soit pas isolée de l’autre ; en adoptant l’amendement de la commission, vous causeriez un grand préjudice à l’industrie agricole ; je demande que la chambre se borne à voter le projet de loi tel qu’il avait éte présenté par M. le ministre des affaires étrangères.
M. Desmet. - Messieurs, il s’agit réellement ici d’une question de nécessité. Pourquoi demande-t-on un certain droit à la sortie sur les étoupes ? Parce qu’on a un besoin urgent de conserver cette matière à une classe pauvre d’ouvriers. Mais la question des étoupes est changée depuis quelques années. Avant l’introduction de l’industrie à la mécanique, c’étaient les pauvres fileuses seules qui filaient les étoupes ; mais aujourd’hui plus de la moitié des étoupes est employée par l’industrie linière à la mécanique.
Je crains que la classe pauvre ne retire pas un grand avantage de la loi. Il est un fait constant : c’est que cette année, la récolte des lins a été de beaucoup insuffisante ; le lin manque presque partout. Faites, messieurs, attention à ceci Combien exportez-vous d’étoupes par an ? Vous n’exportez pas un demi-million, tandis que vous exportez jusqu’à 8 millions de lin. La loi en discussion ne produira donc pas de grands résultats pour les fileuses.
J’ai demandé surtout la parole pour engager M. le ministre du commerce à examiner sérieusement si, en faveur du travail national, il ne faudrait pas, pour un certain temps, établir un droit à la sortie des lins.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, je circonscrirai mes observations dans la question d’assimilation du snuit aux étoupes. Je dirai d’abord à l’honorable M. Lebeau que personne plus que moi n’est adversaire de la moindre entrave apportée à l’exportation des lins ; je dirai à l’honorable membre, que j’ai l’honneur de représenter, dans cette enceinte, le district le plus productif de lin, par conséquent, le plus intéressé à la libre sortie de cette matière première ; or, c’est précisément ce district qui, par cinq ou six pétitions déposées sur le bureau, demande l’assimilation du snuit aux étoupes. Ce n’est pas l’assimilation du snuit aux étoupes qui est une innovation, mais bien l’assimilation du snuit au lin. Avant la rédaction du tarif actuel qui nous régit, toujours le snuit a été compris dans les étoupes. En 1834, dans le rapport que M. Desmaisières a fait sur les propositions de MM. de Foere et Desmet, le snuit est assimilé aux étoupes. Messieurs, je puis vous déclarer de plus, que sur tous les marchés des Flandres, la vente du snuit se fait d’une manière parfaitement distincte de celle du lin. Dans toutes les transactions le snuit est compris parmi les étoupes. Enfin, dans l’exécution de la mesure que nous proposons, cette assimilation ne souffrira aucune espèce de difficulté pratique, parce que la distinction entre le snuit et le lin est très facile.
J’ajouterai encore ce que vient de me dire notre honorable collègue, M. de Villegas : aujourd’hui une députation des principaux négociants en toiles d’Audenarde, hommes spéciaux dans cette matière, a déclaré que toujours le snuit a été considéré comme étoupe. Voilà, je crois, de quoi tranquilliser l’honorable membre.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je vais mettre l’article unique aux voix.
Il est ainsi conçu :
« Le droit de sortie sur les étoupes, y compris le déchet de lin dit snuit, est porté à 25 fr. les 100 kilog.
« La présente disposition sera obligatoire le troisième jour après celui de sa publication au Moniteur.
« Elle cessera de plein droit ses effets au 31 mars 1848. »
Plusieurs voix. - La division !
- La partie de la disposition concernant les étoupes est mise aux voix et adoptée.
La partie concernant le déchet de lin dit snuit est ensuite mise aux voix.
Deux épreuves ayant été déclarées douteuses, il est procédé au vote par appel nominal.
64 membres ont répondu à l’appel ;
32 ont répondu oui ;
32 ont répondu non ;
En conséquence la question est résolue négativement par partage de voix.
Ont répondu non : MM. Lys, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Scheyven, Sigart, Troye, Vandensteen, Verhaegen, Anspach, Cans, Clep, de Bonne, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Tornaco, d’Hoffschmidt, A. Dubus, Dumont, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Jonet, Lange, Lebeau et Lesoinne.
Ont répondu oui : MM. Malou, Mercier, Rodenbach, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Wallaert, Zoude, Biebuyck. d’Anethan, de Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Huveners, Kervyn, Lejeune et Liedts.
Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet, moins les mots « Y compris le déchet de lin dit snuit. »
En voici le résultat :
65 membres répondent à l’appel.
52 ont répondu oui.
13 ont répondu non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu non : MM. Lys, Mast de Vries, Pirmez, Rogier, Sigart, Troye, Anspach, Clep, Delfosse, Dubus (A.), Eloy de Burdinne, Fleussu et Lange.
Ont répondu oui : MM. Malou, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Cans, d’Anethan, de Bonne, de Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dumont, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Lesoinne et Liedts.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, le Roi m’a charge de présenter à la chambre le projet de loi dont la teneur suit : (Nous donnerons cette pièce.)
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera, ainsi que les pièces qui l’accompagnent, imprimé et distribué.
La chambre le renvoie à l’examen des sections.
M. Delehaye. – Comme il est probable que la chambre va s’ajourner, je demanderai qu’aussitôt que le projet de loi que vient de présenter M. le ministre sera imprimé, il nous soit envoyé à domicile.
M. Fleussu. _ Je demanderai aussi que le rapport sur l’instruction primaire qu’on nous a promis pour la fin de ce mois nous soit également envoyé à domicile.
M. Delfosse. - L’honorable M. Nothomb a dit qu’il ne paraîtrait qu’après les vacances.
M. le président. - Si l’impression en est achevée avant la fin des vacances, je donnerais des ordres aux gens de service, pour qu’il soit envoyé, en province, ainsi que le projet qui vient d’être présenté.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. Osy. - Messieurs, peu de temps après la promulgation de la loi sur les droits différentiels, le commerce avait signalé au gouvernement plusieurs erreurs qui s’étaient glissées dans cette loi ; il en avait signalé une entre autres pour le bois de teinture, et une pour les cuirs.
Pour le bois de teinture, le gouvernement a immédiatement satisfait aux réclamations du commerce par arrêté royal.
Pour les cuirs et peaux, nous avons souvent demandé au gouvernement de rectifier l’erreur. J’avais aussi reconnu que cela ne pouvait se faire par arrêté royal, et le gouvernement nous présente aujourd’hui un projet de loi.
Tout en approuvant ce projet de loi, je dois regretter que le gouvernement ait attendu aussi longtemps avant de nous le présenter.
Mais, permettez-moi, messieurs, de faire observer que si plus tard le gouvernement ne fait pas un changement à l’article 5 de la loi des droits différentiels, les tanneurs seront obligés de payer un plus fort droit qu’ils ne le pensent. Car, messieurs, d’après le relevé de 1845, nous avons importé par pavillon étranger 2,000,000 de kilog. de cuirs secs, et seulement 200,000 kilog. par pavillon national. Pour les cuirs salés, la disproportion est bien plus grande encore. Sur 900,000 kilog. importés par pavillon étranger, le pavillon national n’en importé que 16,000.
J’engage donc mes honorables collègues qui appartiennent à des districts intéressés dans l’industrie des tanneries, à faire leurs efforts pour obtenir un changement à l’article 5 de la loi du 21 juillet 4844. Ce changement sera le corollaire de la disposition dont nous nous occupons aujourd’hui.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le tarif établi par la loi du 21 juillet 1844 (Bulletin officiel, n° 149) est remplacé par les dispositions suivantes, en ce qui concerne les cuirs bruts ou non apprêtés grandes peaux :
« Cuirs et peaux bruts ou non apprêtées (Grandes peaux) (a):
« Verts, salés ou non, importés directement des pays hors d’Europe :
« Droits d’entrée par pavillon national : 0.01 fr.
« Droits d’entrée par pavillon étranger : 0.50 fr.
« Droits de sortie : 5.00 fr.
« Verts, salés ou non, importés d’ailleurs ou autrement :
« Droits d’entrée par pavillon national : 1.00 fr.
« Droits d’entrée par pavillon étranger : 1.00 fr.
« Droits de sortie : 5.00 fr.
« Secs, salés ou non, importés directement des pays hors d’Europe :
« Droits d’entrée par pavillon national : 0.01 fr.
« Droits d’entrée par pavillon étranger : 0.60 fr.
« Droits de sortie : 12.00 fr. (b)
« Sec, salés ou non, importés d’ailleurs ou autrement :
« Droits d’entrée par pavillon national : 1.50 fr.
« Droits d’entrée par pavillon étranger : 1.50 fr.
« Droits de sortie : 12.00 fr. (b)
« (a) Par grandes peaux, on entend les peaux de cheval, de bœuf et de la taureau, de bouvillon et la taurillon, de buffle et de bison, de vache et de génisse, d’âne et de mulet, d éléphant, ainsi que celle de chien marin ou d’autres grands animaux de mer.
« (b) Le droit de 12 francs par 100 kil. est applicable non seulement aux cuirs et peaux (grandes peaux) désignés ci-contre, mais aussi généralement aux cuirs et peaux de toute autre espèce, secs, salés ou non, en tant qu’ils soient bruts ou non apprêtés. Pour les peaux de lapin et de chevreau en poils, fraîches ou sèches, brutes ou non préparées, le droit de sortie est de 50 fr. par 100 kil. Il sera triple pour ces mêmes peaux préparées ou apprêtées. »
- Adopté.
« Art. 2. La disposition du n° 2 de l’article 3 de la loi précitée est remise en vigueur jusqu’au 1er janvier 1849, quant aux cuirs et aux chanvres en masse.
« Le gouvernement pourra la proroger pour un nouveau terme de deux ans, en une ou plusieurs fois. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le n°2 de l’article 3 de la loi des droits différentiels s’applique à quatre articles, aux cuirs, aux chanvres en masse, aux graines et aux graisses. Je pense, messieurs, que pour compléter la pensée du projet de loi, il y aurait lieu de s’en référer purement et simplement au n°2 de l’article 3 et de supprimer les mots « quant aux cuirs et aux chanvres en masse ».
Il en résulterait que, pour des objets de même nature, il y aurait une disposition temporaire commune et que dans le projet, outre les cuirs et les chanvres, se trouveraient comprises les graines et les graisses.
- La suppression des mots « quant aux cuirs et aux chanvres en masse » est adoptée.
L’article ainsi modifié est adopté.
« Art. 3. Les marchandises auxquelles s’applique le deuxième alinéa de la disposition particulière, mise en tête du tarif établi par ladite loi, qui sont importées directement des pays dont elles sont originaires, sous pavillon étranger d’autres pays, pourront être admises par le gouvernement, moyennant les justifications qu’il prescrira, aux droits fixés pour les importations sous pavillon des pays de provenance. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j’ai encore une observation à faire sur l’article 3.
La loi des droits différentiels a, dans les cas prévus par l’article 3, établi trois bases différentes : le pavillon national, le pavillon des pays de provenance et enfin le pavillon tiers. D’après ses termes, l’article 3 pourrait laisser quelques doutes. La pensée de cet article est d’appliquer dans les cas qu’il prévoit le droit intermédiaire, c’est-à-dire le droit du pavillon des pays de provenance.
Pour qu’il ne puisse y avoir aucun doute dans l’application, je demanderai qu’après les mots « aux droits », à l’avant-dernière ligne, on ajoute « intermédiaires ».
- L’article ainsi modifié est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopte a l’unanimité des 59 membres qui prennent part au vote (un membre, M. Rodenbach, s’étant abstenu).
En conséquence, ce projet sera transmis au sénat.
Les membres qui ont pris part au vote sont :
MM. Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban. Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Scheyven. Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Cans, Clep, d’Anethan, de Bonne, de Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer de Roo, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubus (Albéric), Dumont, Fleussu, Goblet, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts.
M. le président. - Le membre qui s’est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Rodenbach. - M. le ministre des finances a présenté un amendement relativement aux graines oléagineuses. Je n’ai pas compris la portée de cet amendement ; c’est pourquoi j’ai dû m’abstenir.
M. le président. - Je demanderai à la chambre le jour auquel elle désire se réunir en séance publique.
Plusieurs membres. – Le 12.
- La chambre décide qu’elle s’ajourne au 12 janvier.
(page 424) Il est procédé au tirage au sort de la députation chargée de féliciter Leurs Majestés à l’occasion du renouvellement de l’année.
Cette députation se compose, outre M. le président, de douze membres.
Le sort désigne MM. Zoude, Pirson, Orts, de Man d’Attenrode, Verhaegen, de Mérode, Lebeau, Vanden Eynde, de Lannoy, Lejeune, Orban et Anspach.
- La séance est levée à trois heures trois quarts.