(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 230) M. Huveners fait l’appel nominal à 1 heure et un quart.
M. A. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Missoten, notaire, à Alken, présente des observations contre la demande tendant à ce que cette commune soit séparée du canton de Looz pour être réunie à celui de Hasselt. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Plusieurs cultivateurs à Glons et Slins demandent la prorogation de la loi du 12 février 1845 qui autorise l’exemptin du droit d’accise sur le sel destiné à la nourriture du bétail. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à cet objet.
« Le sieur Vernin, commissaire de police à Tongres, demande qu’il soit accordé un traitement spécial aux commissaires de police qui remplissent les fonctions de ministère public près les tribunaux de simple police. »
M. Simons. - Je crois, messieurs, qu’il conviendrait de renvoyer cette pétition à la section centrale chargée de l’examen du budget de justice.
M. le président. - La chambre a décidé que des pétitions de même nature, qui lui ont été adressées précédemment, seront déposées sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice. Cette décision a été prise parce que la section centrale a terminé son travail.
M. Simons. – J’aurais désiré que la section centrale eût pu examiner la pétition ; mais puisqu’elle a terminé son travail, je demanderai que la requête soit déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
- Cette proposition est adoptée.
« Les sieurs Lannu et Dalmotte, vice-président et secrétaire-trésoriers de la société de l’Union médico-chirurgicale d’Ypres et de son arrondissement, présentent des observations en faveur de la disposition du projet de loi de la section centrale qui interdit la pratique civile aux médecins militaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le rang et le mode d’admission et d’avancement des médecins militaires.
« Plusieurs armateurs, négociants et maîtres cordiers à Anvers demandent une réduction du droit d’entrée sur les chanvres. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
M. de Corswarem, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
Par dépêche en date du 7 décembre, M. le ministre de l’intérieur informe la chambre qu’un Te Deum sera célébré mercredi 16 de ce mois, à midi, dans l’église des SS. Michel et Gudule, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du Roi.
- La chambre décide qu’elle se rendra en corps à cette solennité.
M. le président informe la chambre, que le bureau a composé de la manière suivante la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’exemption de l’accise sur le sel employé à l’alimentation du bétail : MM. de Renesse, Desmet, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Lesoinne, Veydt et Pirmez.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps) présente le projet de loi suivant : (Nous publierons ce projet de loi.)
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet.
M. Dedecker. - Je demanderai que MM. les présidents des sections veuillent faire examiner ce projet le plus tôt possible. Dans ma conviction, de toutes les mesures qui sont proposées pour remédier à la misère des Flandres, c’est ce droit de sortie sur les étoupes qui est destiné à procurer le soulagement le plus réel et le plus immédiat.
M. le président. - Je réunirai demain les présidents des sections, et je me concerterai avec eux sur le meilleur moyen à employer pour arriver à un prompt examen du projet de loi.
M. de Haerne. - J’avais demandé la parole pour ajouter une observation à celles que vient de faire l’honorable M. Dedecker quant à l’urgence de ce projet : c’est que cette année la récolte du lin est telle qu’elle sera fort peu productive en étoupes et que par conséquent nos fileuses seront dépourvues de cette matière première et que les tisserands trouveront difficilement le fil d’étoupe. Je crois que cette circonstance est de nature à nous faire examiner, dans le plus bref délai possible, le projet que le gouvernement vient de nous soumettre.
M. de Villegas. - Je crois, messieurs, que le meilleur moyen d’arriver à un prompt examen du projet, ce serait de le renvoyer à l’examen d’une commission spéciale. J’en fais la proposition formelle ; car le projet est de la plus grande urgence.
- La chambre décide que le projet est renvoyé à une commission qui sera nommée par le bureau.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble des articles relatifs aux postes.
M. Rodenbach. – Messieurs, j’ai demandé des modifications à notre système postal, lors de la discussion du budget des voies et moyens en 1842, 1843, 1844 et 1845 ; cette année-ci, je persiste à réclamer des changements dans la poste aux lettres. Vous avez vu, messieurs, par le rapport de la section centrale, que la moitié des sections demandent des modifications ; la section centrale, à l’unanimité, propose la suppression du décime rural.
L’année dernière, j’avais présenté un amendement portant suppression du décime rural : c’est sur la prière de M. le ministre, ainsi que sur l’invitation de l’honorable député d’Anvers, M. Veydt, que j’ai retiré cet amendement. M. le ministre a promis alors qu’il examinerait mûrement la question le la réforme postale et qu’à la session de 1846-1847, il nous présenterait un projet de loi ; nous n’avons pas été saisis de ce projet ; à peine a-t-on adressé une note à la section centrale.
Je dois aussi rappeler qu’il y a quelques années, l’honorable M. Dechamps, lorsqu’il était ministre des travaux publics, a dit, dans cette enceinte, qu’il considérait la suppression du décime rural comme nécessaire et qu’il ne voyait aucun inconvénient à proposer immédiatement cette suppression.
Je pense que M. le ministre des affaires étrangères partage encore l’opinion qu’il avait, quand il était à la tête du département des travaux publics. Aussi, je me propose d’interpeller tout à l’heure MM. les ministres, à l’effet de savoir s’ils sont décidés à supprimer le décime rural en attendant une réforme radicale.
Lorsque l’honorable M. d’Hoffschmidt était ministre des travaux publics, il était également d’opinion qu’il y avait lieu de supprimer tout de suite le décime rural ; et il avait aussi un projet de réforme dans les cartons ministériels ; je pense qu’aujourd’hui l’honorable député du Luxembourg conserve cette opinion, et qu’il la soutiendra de tout son pouvoir.
Messieurs, je ne demanderai pas immédiatement la réforme, comme en Angleterre. L’honorable ministre des travaux publics a adressé une note à la section centrale. Dans cette note, il dit, entre autres, que si on devait opérer la réforme postale en Belgique comme on l’a fait en Angleterre, il y aurait, la première année, une diminution de 1,800,000 fr. Le produit est maintenant de 3,575,000 fr. Le ministre prétend ensuite que 8 ou 10 ans après, la diminution serait de 20 pour cent, soit 1,200,000 fr. Ces chiffres placés de cette manière présentent une base fausse. D’abord, l’Angleterre est un vaste royaume, tandis qu’en Belgique, (page 231) avec nos chemins de fer, les distances sont fort rapprochées. D’ailleurs, une chose qui vous convaincra, c’est qu’en Angleterre, la moyenne des lettres était de 7 pence, c’est-à-dire à peu près de 70 centimes. C’était la moyenne. On a brusquement réduit la taxe de 7 pence à 1 penny, c’est-à-dire, à dix centimes. Ici notre moyenne est de 33 centimes, et une lettre ne coûte que 5 centimes de transport ; il ne s’agit pas de la réduire de six septièmes, de sept à un comme on l’a fait en Angleterre ; donc tous les calculs que M. le ministre a présentés à la section centrale sont faux ; ils sont erronés. Il est impossible que M. le ministre soutienne le système qu’il défend, puisque son point de départ est faux.
M. le ministre, dans d’autres chiffres qu’il présente, dit notamment qu’il y a un système qui pourrait être profitable et que ce système consistait à imposer les lettres à un décime dans le canton, et à deux décimes dans tout le royaume. C’est là une idée que j’ai déjà jetée en avant, dans les sessions précédentes. Mais M. le ministre ajoute que ce système donnerait encore une perte de 40 p. c. sur les produits, ce qui ferait 800,000 francs. Je crois que M. le ministre se combat lui-même, car après avoir cité ce chiffre ile 800.000 francs de perte probable, il dit que s’il y avait une recette de quatre millions de lettres de plus par an, il n’y aurait pas de perte.
Je vous le demande, en Angleterre, l’envoi des lettres a décuplé, il y a eu dix lettres au lieu d’une envoyées depuis la réforme postale. Ici l’expédition est à peu près d’une lettre et demie par individu par an ; avec une lettre de plus, car il ne faut que quatre millions de lettres de plus, ce qui ferait une lettre de plus par individu, et porterait la moyenne à deux lettres et demie au lieu d’une lettre et demie, tandis qu’en Angleterre la moyenne a décuplé depuis la réforme, nous atteindrions le chiffre de 3,575,000 fr., car je ne veux pas diminuer les voies et moyens, en présence des circonstances calamiteuses où se trouve le pays.
M. le ministre doit être convaincu que le parallèle qu’il a voulu établir entre la Belgique et l’Angleterre n’est pas soutenable. Je ne comprends pas qu’on ait cru pouvoir persuader une chambre en jetant quelques chiffres en avant.
J’attendrai la réponse de M. le ministre ; je le prie de s’expliquer catégoriquement. J’aime mieux un refus franc que des promesses qu’on ne veut ou qu’on ne peut pas tenir. Quand un ministre parle à la tribune, il est de son devoir de ne pas faire de vaines promesses.
Je me propose de présenter des amendements ; mais, avant de le faire, j’attendrai que M. le ministre veuille bien s’expliquer sur ce qu’il compte faire.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je pense qu’il serait sans objet de discuter aujourd’hui la question de la réforme postale dans son ensemble et poussée jusque dans ses limites extrêmes, Il doit être évident pour tout le monde que, dans une année calamiteuse comme celle-ci, et lorsque les recettes ne présentent qu’un léger excédant sur les dépenses, on ne peut légèrement aborder une mesure qui, quel que soit le système auquel on s’arrête, porterait une atteinte assez sérieuse aux ressources du trésor.
Je suis trop ministre des travaux publics pour ne pas être un peu ministre des finances. J’ai, comme chef du département des travaux publics, un intérêt trop grand à ce que la situation du trésor soit bonne ; et, certes, je m’opposerai de toutes mes forces à toute mesure qui pourrait altérer sensiblement cette situation.
Lors des interpellations faites l’année dernière par l’honorable M. Rodenbach, je pensais que les circonstances auraient été, cette année, autres qu’elles ne sont en effet. C’est dans cette pensée que j’ai engagé l’honorable membre à retirer son amendement.
Aujourd’hui, après avoir examiné de nouveau la question, j’ai reconnu que, sans altérer sensiblement l’équilibre entre les recettes et les dépenses, on pourrait faire quelques changements à notre régime postal, notamment supprimer le décime rural et apporter quelques autres modifications de détail qui n’altéreront pas, dans leurs bases, les ressources de la recette des postes.
Je puis donc annoncer que, d’ici à peu de jours, je présenterai un projet de loi dans ce sens. Cette question sera alors discutée d’une manière plus convenable qu’elle ne pourrait l’être, aujourd’hui, d’une manière incidente.
M. le président. - D’après cette déclaration, j’engage les membres à ne pas s’étendre sur cette question.
M. d’Hoffschmidt. - Je me proposais d’entrer dans la discussion de la question si importante de la réforme postale. Mais, d’après l’annonce que vient de faire M. le ministre des travaux publics de la prochaine présentation d’un projet de loi sur le décime rural, je crois en effet que la discussion de tout ce qui se rattache au système postal trouvera mieux sa place, lorsque nous serons saisis de ce projet.
J’aurais voulu cependant que la chambre ne restât pas entièrement sous l’impression de la note insérée dans le rapport sur le budget des voies et moyens. Dans mon opinion personnelle, basée sur celle des hommes les plus compétents dans cette matière, les chiffres de cette note sont singulièrement exagérés.
Ainsi ce ne serait pas un déficit de 5 à 6 cent mille francs que produirait l’adoption de la taxe uniforme à 20 centimes. Ce serait un chiffre moindre. Des lors, le motif d’opposition, soulevé par le ministère, serait beaucoup moins important.
Je me réserve donc d’entrer dans des détails sur cette question et de prouver que l’on peut apporter à notre régime postal une modification telle que l’adoption de la taxe uniforme de 20 c., sans perte de revenu pour le trésor, perte qui ne serait d’ailleurs jamais que temporaire, qui cesserait au bout de quelques années, et qui ne tarderait pas à être remplacée par un accroissement de revenu pour le trésor.
Je n’en dirai pas davantage aujourd’hui, pour ne pas prolonger cette discussion. Mais je me réserve d’entrer, lors de la discussion du projet de loi, dans de plus longs développements sur cette question.
M. Cans. - La chambre paraît peu disposée à discuter, en ce moment, a question de la réforme postale, parce que M. le ministre des travaux publics promet de présenter un projet de loi, dans le cours de la session ; mais c’est une promesse qui été faite, l’année dernière, par son honorable prédécesseur. Elle a été renouvelée par M. le ministre des finances dans la section centrale chargée de l’examen du budget. Une loi sur la réforme postale avait été promise, dans la session précédente, par l’honorable M. Dechamps, alors ministre des travaux publics. Ainsi depuis trois ans, la même promesse a été faite et renouvelée par les ministres qui se sont succédé à la tête du département des travaux publics, sans que nous la voyions jamais réalisée.
En présence de la note insérée dans le rapport de la section centrale, je crois indispensable de discuter la question, parce que cette note révèle évidemment un mauvais vouloir ; elle prouve qu’on a voulu effrayer la chambre sur les conséquences financières de la réforme postale.
Je ne ferai pas à M. le ministre les travaux publics l’injure de croire qu’il a lu cette note, avant qu’elle fût insérée dans le rapport. Les chiffres qu’elle contient sont bien trop inexacts ; ils s’écartent trop des chiffres réels, pour que je puisse supposer qu’il en ait pris connaissance.
Prenant pour base des calculs les résultats de la réforme postale en Angleterre, on établit que l’adoption de cette mesure y a produit une diminution de 47 p. c. des recettes et une augmentation de 13 p. c. dans les dépenses. On part de là pour dire que la réforme postale entraînerait en Belgique une diminution de recettes de 1,800,000.
On ne fait pas attention qu’en Angleterre le la moyenne de la taxe est de 7 pence par lettre, et même, d’après quelques documents, de 8 pence et demi par lettre. La réduction était donc des sept huitièmes ; tandis qu’en Belgique, la moyenne de la taxe étant de 35 c., avec la taxe uniforme de 10 c. la réduction serait des cinq septième seulement ; elle serait donc de moitié moindre qu’en Angleterre. Si l’augmentation du nombre de lettres était la même qu’en Angleterre, il n’y aurait pas, en Belgique, de déficit à craindre ; on arriverait à la somme obtenue aujourd’hui par le produit de la taxe des lettres.
Il est probable aussi qu’en Belgique la dépense ne s’accroîtrait pas dans la même proportion. En Angleterre, le gouvernement est obligé de payer des sommes énormes pour le transport des lettres par les chemins de fer appartenant à des sociétés, puisque nous voyons qu’en 1846, sur 1,125,000 liv. st. qu’a coûté le service des postes,.105,000 l. st. ont été affectés aux transports par chemin de fer.
Le rapport dit encore qu’après des années d’expérience, les résultats financiers de la mesure sont les suivants en Angleterre : réduction de recettes de 20 p.c. et augmentation de dépenses de 34 p. c. Mais on ne tient pas compte de ce que dans ces 34 p. c sont compris les subsides aux compagnies de bateaux à vapeur qui transportent les dépêches aux Etats-Unis, dans le golfe du Mexique et dans la mer des Antilles. Ces subsides sont considérables. C’est pour l’Angleterre une question de commerce aussi bien que de service postal. Il importe à l’Angleterre d’assurer la prééminence de la rapidité des nouvelles aux maisons anglaises, établies dans les pays d’outre-mer. On ne tient pas compte de cela.
Il est probable qu’en Belgique la réforme postale n’accroîtrait pas sensiblement les frais d’exploitation. Les dépenses «de la haute administration pourraient être réduites. Ces économies compenseraient les dépenses résultant de l’augmentation du nombre des facteurs.
Quelques sections ont semblé faire bon marché de la réforme postale, pourvu que le gouvernement consentît à supprimer le décime rural. Messieurs, les raisons qu’on émet pour obtenir cette suppression militent bien plus fortement en faveur de la taxe uniforme, ou plutôt il y a beaucoup plus de motifs pour maintenir le décime rural que la base de la taxe calculée en raison des distances.
En effet, messieurs, les frais du service des postes se divisent en frais d’administration, en frais de transport et en frais de distribution.
Les frais d’administration doivent se répartir également entre toutes les lettres quelle que soit la distance du lieu de destination.
Les frais de transport, aujourd’hui surtout, depuis l’établissement des chemins de fer, n’absorbent plus qu’une très petite fraction des frais généraux. Une lettre transportée d’Ostende à Verviers ne coûte pas plus cher aujourd’hui que la lettre transportée de Bruxelles à Vilvorde ; cependant pour l’une ou paye 80 centimes et pour l’autre 20 centimes seulement.
Il n’en est pas de même des frais de distribution. Si l’on répartit les traitements des employés et des facteurs chargés de cette partie du service dans les campagnes, on reconnaît que chaque lettre pourra absorber dans certains cantons non seulement la totalité du décime supplémentaire, mais encore une part beaucoup plus large dans le prix du port que celle qui doit être imputée sur chaque lettre distribuée dans les villes. Aussi lorsque les campagnes ont été dotées d’un service de distribution de postes, on a cru pouvoir en faire supporter les frais par ceux qui devaient jouir de cet avantage, de même que les droits de barrières sur les routes, des droits de péage sur les rivières et les canaux sont imposés à ceux qui usent des facilités offertes par ces voies de communication.
(page 232) Je ne veux pas, messieurs, m’opposer à la suppression du décime rural ; je n’ai présenté ces observations que pour faire remarquer que les arguments que l’on fait valoir en faveur de cette suppression s’appliquent à plus forte raison à la réduction de la taxe actuelle des lettres et à l’adoption de la taxe uniforme.
Je ne puis non plus admettre la proposition formulée dans la note du gouvernement, et d’après laquelle ou établirait deux taxes, celle d’un décime pour les lettres circulant dans le même canton, et celle de deux décimes pour les lettres destinées à des distances plus grandes. Cette taxe de 20 p. c. pour les lettres de canton à canton, perpétuerait les fraudes qui se pratiquent aujourd’hui, sur une si large échelle, dans le rayon des villes.
Je n’en dirai pas davantage pour le moment ; mais, dans l’incertitude où nous sommes si le gouvernement présentera un projet de réforme postale, je demande que la discussion continue.
M. Loos. - Messieurs, je n’abuserai pas des moments de la chambre. Après la déclaration qui vient de nous être faite par M. le ministre des travaux publics de nous soumettre avant peu un projet de loi concernant la poste aux lettres, nous pourrions ajourner toute discussion, si les promesses de M. le ministre des travaux publics concernaient le système en général et pas seulement la suppression du décime rural.
Messieurs, je crois que la chambre a à se plaindre du peu d’égards que le cabinet a montré quant aux observations qui ont été présentées l’année dernière. Non seulement l’année dernière, mais pendant trois sessions successives, on est venu rendre le gouvernement attentif au bienfait qui résulterait de la réforme postale. Chaque fois le gouvernement nous a promis de faire étudier la question ; mais à quoi toutes ces promesses ont-elles abouti ? J’avais l’honneur de faire partie de la section centrale, et je puis déclarer qu’elle a été unanime pour demander la suppression du décime rural ; dans l’état actuel de nos finances elle n’a pas osé se prononcer pour une réforme générale, mais elle a demandé au gouvernement quel était le résultat des études qu’il avait dû faire, et vous avez pu voir, messieurs, par la réponse du gouvernement, en quoi consistent ces études ; vous avez pu voir qu’elles ont amené ce seul résultat, que le gouvernement est venu déclarer que la réforme postale est impossible à raison de la situation financière.
Ainsi, messieurs, depuis trois ans (et j’en trouve la preuve dans la réponse qui vous a été faite), depuis trois ans le gouvernement ne s’est pas occupé de cette question, et les renseignements qu’on vient donner à la chambre n’ont qu’un but, c’est d’induire la chambre en erreur. (Interruption.) Je vais, messieurs, prouver ce que j’avance ; je vais prouver que les renseignements fournis par M. le ministre sont inexacts. M. le ministre nous dit qu’en adoptant le système anglais, c’est-à-dire en ne taxant les lettres pour la Belgique qu’à 10 centimes, et en admettant que cette réduction dût amener le résultat qui s’est présenté en Angleterre, il y aurait une diminution de recettes de 47 p. c. immédiatement.
Eh bien, messieurs, c’est une erreur et j’en trouve la preuve dans un document que le gouvernement nous a fourni lui-même, c’est-à-dire dans un rapport fait au ministre par un employé des postes, M. Bronne. Dans ce rapport je vois que la moitié des lettres transportées par la poste consiste en lettres étrangères, c’est-à-dire en lettres venant de l’étranger en Belgique ou envoyées de Belgique à l’étranger. Or, messieurs, vous savez tous qu’en Angleterre la réforme ne s’étend pas à cette espèce de lettres ; vous savez aussi que dans l’opinion d’aucun membre de la chambre il ne peut être question de réduire le port de ces lettres à 10 centimes. Ainsi donc la moitié du produit actuel se trouverait n’éprouver aucune perturbation, et ce serait seulement sur l’autre moitié que porterait la réduction. Cependant on nous a représenté la réduction comme devant agir sur la totalité du produit. Je le demande, messieurs, n’est-ce pas là une erreur matérielle ? Cette erreur a-t-elle été commise volontairement ou involontairement ? C’est ce que je ne déciderai pas, je constate seulement qu’elle existe.
En 1841, messieurs, le gouvernement a envoyé un employé en Angleterre. Cet employé était chargé de se mettre en rapport avec l’administration des postes et avec l’homme éminent à qui l’Angleterre doit la réforme postale. On sait, messieurs, que l’administration des postes en Angleterre était prévenue contre toute réforme, la preuve s’en trouve dans les discussions du parlement. Le parlement a forcé la main au gouvernement ; c’est sur l’ordre du parlement qu’une enquête a en lieu, et que finalement la réforme a été introduite en Angleterre ; cette réforme a donc été opérée contre le gré de l’administration des postes.
L’employé que le gouvernement a envoyé en Angleterre, s’étant trouvé en rapport avec l’administration des postes, n’a certes pas recueilli des données exactes, du moins sur la portée du système postal. On n’a constaté qu’une chose, c’est le déficit. On n’a pas expliqué à cet agent quelles étaient les modifications que pouvait subir encore l’administration des postes en Angleterre, modifications dont devaient résulter des économies notables, et nous n’avons donc pu recueillir que des renseignements imparfaits ; je crois que notre agent nous a fourni les renseignements les plus consciencieux, qu’il s’est donné toutes les peines possibles pour les obtenir ; mais, comme il s’est mis exclusivement en rapport avec l’administration des postes, vous devez comprendre, messieurs, quelle espèce de renseignements il devait recueillir.
Si l’administration belge avait voulu sérieusement aviser à la réforme postale, elle aurait pris à tâche de nous démontrer quelles seraient les économies à introduire dans l’administration des postes, et quelles seraient les dépenses en plus à subir ; elle nous aurait finalement fourni une évaluation consciencieuse de la diminution de recette pour quelque temps ; l’administration ne se fût pas contentée de faire étudier seulement la question sur les documents qu’on possédait depuis 1841 ; elle aurait envoyé un nouvel agent en Angleterre pour étudier la question telle qu’elle se trouve aujourd’hui traduite dans les bureaux de l’administration des postes.
Si j’ai pris la parole, ce n’est pas dans l’espoir de voir la réforme postale introduite cette année ; je crains que notre situation financière n’y mette obstacle ou du moins que ce soit le motif qui fera repousser, cette année, une réforme postale complète. Mais si j’ai pris la parole, c’est pour que les promesses de M. le ministre ne viennent pas encore aboutir à des renseignements aussi peu importants et aussi inexacts, que ceux qui ont été produits cette année. L’homme éminent à qui l’Angleterre doit la réforme postale, se trouve placé aujourd’hui dans une position supérieure : il vient d’être appelé par le gouvernement au secrétariat général de l’administration des postes en Angleterre. Le moment serait donc parfaitement choisi pour s’éclairer sur cette question. Si aujourd’hui notre gouvernement veut envoyer en Angleterre un agent pour le renseigner sur toutes les conséquences de la réforme postale, sur les modifications que son auteur a voulu introduire dans l’administration, il peut être certain d’obtenir aujourd’hui des renseignements exacts, parce qu’il ne rencontrera plus en Angleterre une administration hostile à la réforme qui a été introduite.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics prenne l’engagement de faire étudier, dans le cours de l’année prochaine, d’une manière plus sérieuse qu’on ne l’a fait jusqu’ici, le système postal existant en Angleterre. (La clôture ! la clôture !)
M. le président. - On s’est déjà fait inscrire pour répondre au discours que la chambre vient d’entendre ; je crains que l’on ne soit entraîné dans une longue discussion qui n’aboutira à aucun résultat.
Des membres. - La clôture ! la clôture !
M. Desmet. - Si l’on continue, nous pouvons en avoir pour quinze jours.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je me bornerai à constater que l’honorable M. Loos a déclaré que la situation financière est telle, qu’elle ne permet pas, en ce moment, une réforme postale. J’espère donc que tant que cette situation existera, il ajournera ses projets de réforme postale. Je prends acte aussi d’une déclaration, que j’ai entendu faire avec plaisir par l’honorable M. Rodenbach, à savoir qu’il n’entendait pas diminuer nos voies et moyens : l’honorable membre, plus que personne, est intéressé à ne pas diminuer nos recettes, attendu les besoins des Flandres, en faveur desquels il réclame sans cesse.
Je bornerai là mes objections, parce que nous pourrons plus utilement discuter la question, lorsque le projet de loi qui nous a été annoncé sera présenté et mis à l’ordre du jour. (La clôture ! la clôture !)
M. d’Hoffschmidt. - Je crois pouvoir demander la parole pour un fait personnel. J’ai été cité plusieurs fois, Un honorable député a rappelé que j’avais promis de présenter un projet de loi dans le courant de la session. Un honorable membre, M. Loos, a dit qu’on n’avait pas fait une étude sérieuse de la question dans le cours de la session dernière.
Messieurs, j’avais en effet promis la présentation d’un projet de loi, lorsque j’étais au ministère des travaux publics.
Cette promesse était sérieuse de ma part ; mais on doit se rappeler que des circonstances politiques sont venues empêcher naturellement la réalisation de semblables projets. Mais, messieurs, la question a été sérieusement étudiée l’année dernière ; on a consulté les chambres de commerce, ainsi, que tous les hommes versés dans la matière, qui pouvaient jeter quelques lumières sur cette question.
Une commission a été instituée an mois de décembre 1845, pour préparer un projet de loi sur la matière, et ce projet m’a été remis quelques jours avant ma retraite du ministère.
Ce projet repose sur les bases suivantes :
Taxe d’un décime pour les lettres locales et cantonales ;
Taxe de deux décimes pour toutes les autres lettres transportées à l’intérieur ;
Suppression du décime rural ;
Abaissement des droits sur les transports d’argent.
Il se trouvait encore dans le projet d’autres dispositions destinées à augmenter les recettes du trésor.
Il y a sur cette question, dans les bureaux du département des travaux publics, des documents nombreux et fort intéressants ; et je suis étonné que lorsque la section centrale a demandé au gouvernement des renseignements, on se soit borné à lui présenter une simple note dont, dans mon opinion, on peut contester l’exactitude.
M. le président. - Ce n’est plus un fait personnel ; je vous ai inscrit pour le fond ; il y a plusieurs orateurs inscrits avant vous.
M. Rodenbach. - Messieurs, lorsque j’ai prononcé tout à l’heure mon discours, j’ai annoncé que je déposerais des amendements ; eh bien, d’après la déclaration qui a été faite par M. le ministre, je ne les déposerai pas, parce que M. le ministre a formellement promis de nous soumettre, dans trois semaines, un projet de loi pour la suppression du décime rural. (La clôture ! la clôture !)
(page 233) Je n’ajouterai qu’un mot ; je dirai qu’outre le décime rural, il existe encore le droit qu’on fait payer sur les envois d’argent, droit qui pèse spécialement sur les classes malheureuses ; on leur fait payer 5 p. c. (La clôture ! la clôture !)
Quand un orateur a la parole, on ne peut pas la lui ôter ; c’est contraire au règlement.
Au droit de 5 p. c. il faut encore ajouter le payement d’une quittance timbrée ; ce qui fait que sur une somme de 5 fr. qu’une malheureuse mère de famille envoie à son fils soldat, on prélève une taxe qui équivaut à 21 p. c. Je vous demande si la réduction de ce droit n’est pas aussi urgente que la suppression du décime rural, et ne doit pas être comprise dans le même projet. Ce n’est que pour cela que j’ai demandé la parole, maintenant j’y renonce.
- La clôture est mise aux voix.
L’épreuve étant douteuse, la discussion continue.
M. Desmet. - J’ai demandé la parole quand j’ai entendu dire que les renseignements fournis par le gouvernement à la section centrale étaient inexacts. Messieurs, ce qui est très exact dans les renseignements qu’on nous a fournis sur l’Angleterre, c’est que l’Angleterre fait annuellement des pertes considérables sur le produit des postes, à tel point qu’avant la réforme le produit était de 59 millions, et il y avait, avant la réforme, une distribution annuelle de 80 millions de lettres, qui donnaient un produit brut de 59 millions de francs ; la dépense s’élevait à 17 millions et demi. Ainsi le revenu net de la poste était de 41 millions et demi.
L’année d’après, quand la taxe était uniforme et minime, qu’elle était d’un penny par lettre, le nombre des lettres distribuées s’élevait à 180 millions, le produit brut à 34 millions, mais la dépense était de 21 millions ; de sorte que le revenu nrt n’était que de 13 millions au lieu que de 41 millions qu’il était avant a réforme, ainsi une perte pour le trésor de 28 millions.
En 1844, cinq ans après la réforme, le produit brut était de 43 millions, les dépenses s’élevaient à 25 millions, de sorte que le revenu net ne montait qu’à 18 millions, encore une perte de 23 millions par la réforme, par la taxe uniforme et minime.
Ainsi l’on voit que la perte est toujours très forte. Je crois qu’il sera très difficile de ne pas l’avoir toujours avec la taxe minime d’un penny, car nous voyons que les dépenses montent toujours plus haut que les bénéfices que procure l’augmentation du nombre des lettres.
M. Rodenbach. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. J’étais inscrit le premier à parler, vous avez entendu qu’on a demandé qu’on ne continuât pas la discussion ; j’ai renoncé à la parole parce que la chambre demandait qu’on ne poussât pas plus loin la discussion. On ne peut pas accorder la parole à un autre, quand on a empêché un orateur de parler.
M. le président. - Quelques membres avaient demandé la clôture, mais la chambre ne se prononce que par un vote. La chambre n’a pas prononcé la clôture ; il y a eu doute dans le vote et, aux termes du règlement, dans le doute, la discussion continue. Mon devoir alors était d’accorder la parole au premier orateur inscrit, c’était M. Desmet.
Vous avez eu la parole, je ne vous l’ai pas ôtée, et après eu avoir usé, vous avez déclaré que vous renonciez à en user davantage. Si vous voulez la reprendre, je vous inscrirai de nouveau.
La parole est continuée à M. Desmet.
M. Desmet. - Pour récupérer en Angleterre l’ancien produit des postes, il faudrait que le nombre des lettres s’élevât à 300 millions, ce qui est impossible. On peut très bien assurer que jamais le produit ne se relèvera au taux où il était avant la réforme.
L’honorable M. Rodenbach a reproché au gouvernement de produire des renseignements inexacts. Mais quelle est donc l’exactitude de ceux qu’il a présentés ? Il vous a dit que la moyenne de la taxe chez nous était de 33 centimes, et que le nombre des lettres transportées était de 1 1/2 par individu. Or, il y a en Belgique 4 millions d’individus, ce qui ferait 6 millions de lettres ; multipliez ces 6 millions par 33 centimes, et vous avez 1,980 mille francs, tandis que le produit de la poste est de 3,575,000 fr.
Sont-ce là des renseignements exacts ? Il a donc tort de reprocher l’inexactitude aux renseignements fournis par le gouvernement ; comme il a aussi tort, je pense, de vouloir faire introduire chez nous la réforme anglaise, qui doit faire diminuer nécessairement les revenus de la poste aux lettres.
Depuis la réforme, qu’est-il arrivé ? Les journaux qui autrefois étaient transportés par les messageries sont maintenant transportés par la poste et il s’en transporte 45 millions. Les lettres officielles au nombre de sept millions, qui ne payaient pas, payent aujourd’hui. Les mille membres du parlement et leurs familles qui ne payaient rien, payent aujourd’hui. Ce qui prouve encore qu’avec la taxe uniforme et minime qui existe aujourd’hui, il est impossible de jamais récupérer l’ancien produit.
Quand on voit l’impatience que l’on montre à voir entrer chez nous la taxe du penny anglais, l’on dirait qu’une fois la réforme introduite, le bonheur et la prospérité vont régner partout en Belgique, le placement de nos nombreux produits manufacturiers va se faire sans la moindre difficulté, l’ouvrier aura du travail et du pain en abondance, etc., etc… Mais qui paye l’impôt postal ? Ce ne sont pas nos pauvres ouvriers. N’est- ce pas sur la classe aisée que cette taxe tombe particulièrement7 Ne doit-on pas aussi reconnaître que cet impôt se paye facilement, sans devoir employer des moyens fiscaux, et n’a-t-elle pas cette qualité particulière qu’elle se paye volontairement ?
Il n’y a réellement aucune bonne raison à modifier la taxe existante ; et ce n’est pas dans un moment où le budget de dépenses équilibre de si près le budget de recettes, qu’on pourrait songer à faire diminuer les recettes de la poste aux lettres. Mais je le demanderai d’ailleurs, est-ce que l’uniformité de la taxe pour toutes les distances ne serait pas une taxe injuste ? Dans la la xe des lettres, je vois deux choses, la rémunération d’un service public qui doit se calculer d’après la distance du transport et ensuite un impôt que le fisc perçoit à l’occasion de cette taxe. Si donc vous admettez l’uniformité, l’impôt n’est plus, car vous ferez payer autant pour le transport d’une petite distance que pour une grande, on payera autant pour transporter une lettre à 30 lieues de distance que pour une qui se distribue à la distance d’un quart de lieue.
Je n’en dirai pas plus sur cet objet en ce moment, puisque nous allons être saisis d’un projet de loi ; mais je crois que cette courte discussion aura une certaine utilité en ce que je pense qu’on y regardera à deux fois avant d’introduire en Belgique la taxe uniforme et minime, et que l’on aura toujours en vue cette vérité, que la taxe des lettres est un impôt qui ne frappe pas les pauvres, qu’il est d’une facile perception et que ce n’est nullement le moment de faire diminuer le produit de cet impôt.
M. d’Hoffschmidt. - On oppose constamment à la réforme postale la nécessité de ne pas diminuer les ressources de ce trésor. Je conçois que cette considération doive être très puissante sur vos esprits ; mais il faut au moins permettre qu’on examine jusqu’à quel point les ressources du trésor seraient compromises par une réforme de notre régime postal. C’est une question à examiner. On ne peut pas accepter comme un axiome la note ministérielle remise à la section centrale. Je pense qu’il est permis de la discuter.
Messieurs, quoique j’aie beaucoup de confiance dans les lumières des personnes qui ont examiné la question au département des travaux publics, il est d’autres personnes également compétentes qui se sont occupées de cette matière et qui sont, au point de vue financier, d’une autre opinion ; notamment l’inspecteur qui a été envoyé, en 1844, pour étudier la question en Angleterre et qui en a fait une étude approfondie. Il pense que les recettes, dès la première année, ne laisseront aucun déficit. Il sera permis, je l’espère, d’examiner aussi brièvement que possible s’il n’y a pas des considérations qui permettent de croire que le déficit ne sera pas aussi considérable que le gouvernement l’annonce. Dans la note ministérielle, on argumente de ce qui s’est passé en Angleterre ; mais ces raisonnements ne sont pas applicables à la Belgique. En Angleterre, la réduction a été énorme, beaucoup trop considérable, au point de vue financier ; tout le monde est d’accord à cet égard ; elle a été de 8 1/2 décimes, taxe moyenne, à 1. Personne ne veut une réduction aussi radicale en Belgique ; car la taxe moyenne étant 34 1/2 centimes, si on la réduisait dans la même proportion qu’en Angleterre, vous arriveriez à une taxe uniforme de 4 centimes. Personne, je le répète, n’a demandé une pareille réduction, qui serait exagérée, si pas même ridicule.
Ainsi, messieurs, tous ces arguments que l’on fait valoir contre la réforme postale en Belgique, en raisonnant de ce qui s’est passé en Angleterre, ne sont pas du tout applicables à la réforme raisonnable, à la réforme rationnelle dont il est question.
L’honorable M. Rodenbach vous l’a dit avec beaucoup de raison, il y a quelque chose d’extraordinaire dans ce petit nombre de lettres transportées par la poste en Belgique, comparativement à ce qu’elle transporte chez les autres nations. En Belgique, le nombre de lettres n’est que d’une lettre un tiers par habitant, tandis qu’en France le service des postes transporte trois lettres et demie par habitant et qu’en Angleterre le service des postes transporte jusqu’à onze lettres par habitant.
Quels sont, messieurs, les motifs de cette infériorité pour la Belgique ? Est-ce que les Belges sont moins communicatifs, sont moins intelligents que les habitants d’autres pays ? Non, sans doute. Le motif du peu de lettres qui sont confiées au service postal doit être nécessairement attribué à l’élévation de la taxe et à la facilité de la fraude. Or, du moment où vous réduirez le port des lettres, évidemment la fraude disparaîtrait presque entièrement, et toutes les lettres qui sont aujourd’hui remises à des messagers ou à des services particuliers, rentreraient immédiatement dans le service des postes.
Lorsque j’étais à la tête du département des travaux publics, j’ai reçu des renseignements très intéressants sur ce point, de la part de différents commerçants qui m’ont avoué qu’à cause de l’élévation du port, ils étaient amenés à faire transporter la plus grande partie de leurs lettres par des services particuliers.
D’un autre côté, messieurs, la note ministérielle ne tient aucun compte de l’accroissement de recettes qui pourrait provenir d’autres moyens que celui du transport des lettres. Ainsi vous avez le transport des articles d’argent. On ne porte aujourd’hui au budget de ce chef qu’une somme de 25,000 fr. Je crois que si, par des dispositions nouvelles, vous diminuiez le prix de ces transports ou si vous adoptiez un autre système tel que, par exemple, celui d’assignation d’un bureau de province sur un autre bureau, et c’est ce système qui a été proposé par la commission qui avait été formée au département des travaux publics, vous obtiendriez une source de revenus considérables. En Angleterre, par suite de réduction de la taxe, les transports d’argent ont augmenté de 1 à 22.
J’ai dit que des hommes très versés dans la matière étaient d’un avis contraire à celui de la commission, en ce qui concerne les résultats d’une réforme modérée. Or voici, messieurs, comment s’exprime à cet égard l’inspecteur des postes qui a été cité tout à l’heure, celui qui a fait un rapport si remarquable sur la réforme postale en Angleterre.
(page 234) Il combat d’abord la taxe uniforme réduite à 10 p. c., et en effet, je crois qu’on ne devrait pas aller aussi loin. Les rapports que j’ai reçus sont presque tous contraire à une réforme aussi radicale, et se bornent à proposer la taxe à 20 centimes.
Sur ce projet il y a, à quelques exceptions près, unanimité à cet égard, dans l’administration des postes. Car, messieurs, il est remarquable qu’en Belgique l’administration des postes se montre favorable à la réforme postale, tandis qu’en Angleterre et en France elle y était opposée.
Voici, messieurs, ce que dit dans un rapport en date du mois de septembre 1845, M. Bronne :
« Depuis l’époque (1841), où j’ai eu l’honneur de présenter à un de vos prédécesseurs, M. le ministre, le premier rapport sur la taxe uniforme, j’ai continué de suivre le mouvement des correspondances, et l’expérience des faits qui se passent en Belgique et à l’étranger m’a maintenu dans la conviction que la seule taxe uniforme qui présente non seulement des chances heureuses, mais des avantages certains pour le trésor public, est la taxe uniforme à vingt centimes, sans autre exception que le maintien de la taxe de dix centimes pour les lettres d’une commune pour la même commune.
« J’ai l’intime conviction que l’augmentation de correspondance sous le régime des ta xes uniformes de dix et vingt centimes, sera, à excessivement peu de chose près, la même pour les deux taxes. On peut, sans s’exposer à des déceptions déplorables, admettre qu’en adoptant la taxe uniforme de 20 centimes, le nombre des lettres doublera avant la fin de la première année...
« Ainsi donc la taxe uniforme de vingt centimes peut être considérée comme une bonne spéculation pour le trésor, comme une amélioration excellente et compatible avec les intérêts du public et du gouvernement. »
Un autre fonctionnaire, un directeur des postes également très éclairé, m’a fait un rapport aussi, dans lequel il se prononce pour la réforme à 20 c. et d’après lui, pendant la première année, le déficit ne serait que de 230,000 fr., et encore il disparaîtrait en grande partie par d’autres dispositions insérées dans le projet de loi.
Dans tous les cas, messieurs, presque toutes les personnes qui ont été consultées sont unanimes pour reconnaître qu’au bout d’un certain nombre d’années, non seulement le déficit disparaîtrait, mais qu’il y aurait augmentation dans les revenus de la poste.
Maintenant, voici, messieurs, comment on a procédé pour arriver aux conséquences qui sont présentées dans la note ministérielle, On a dit : Si en Angleterre la réduction de 8 1/2 à 1 a amené dans le transport des lettres une augmentation de 123 p. c. dans le nombre des lettres, une réduction de 34 1/2 à 20 en Belgique doit amener une augmentation de 28 p. c. seulement la première année, de 38 p. c. la seconde année et de 54 p.c. au bout de cinq ans.
Or, messieurs, je crois qu’il est permis de croire que l’augmentation des lettres sera nécessairement plus considérable en Belgique. Comment ! au bout de cinq ans après la réforme, la poste ne transporterait encore en Belgique que 9 ½ millions de lettres, c’est-à-dire moins de 2 lettres par habitant ? Cela n’est pas croyable. Je pense, au contraire, que le nombre des lettres ne tarderait pas à être double de ce qu’il est actuellement, et on peut supposer, sans crainte d’être démenti par l’expérience, qu’au bout de cinq ou six ans, la poste transporterait, comme elle le fait en France, au moins 3 lettres par habitant, ce qui ferait un revenu de 2,700.000 fr. pour le transport des lettres à l’intérieur, c’est-à-dire qu’il y aurait augmentation, dans la recette, de 700,000 fr.
Messieurs, est-ce que je rappellerai maintenant à la chambre les motifs nombreux qui militent en faveur d’une réforme postale ? Est-ce que je lui dirai que notre taxe des lettres est la plus élevée de toute l’Europe, est la plus élevée du globe entier ? Depuis la réforme postale en Angleterre, presque toutes les les autres nations ont diminué leur taxe des lettres.
En Russie, par exemple, on a adopté une taxe uniforme fixée à 40 c. pour tout ce vaste empire.
L’Espagne, par un décret du 12 août 1845, a aussi admis le système d’une taxe uniforme à 27 centimes.
L’Autriche a admis deux zones par un décret du 1er août 1842 : la première pour une distance de moins de 80 kilomètres à 26 centimes, et la seconde au-delà de 80 kilomètres à 52 centimes, maximum.
Les Etats Unis ont admis trois zones : la première pour les lettres circulant dans la circonscription du même bureau, 11 centimes ; la seconde s’étend jusqu’à une distance de 300 milles et pour 28 centimes, et la troisième au-delà de 300 milles à 56 centimes.
La Prusse et la Sardaigne ont aussi adopté une réforme fondée sur un système de zones dont la moyenne est pour la Prusse de 26 1/2 centimes, et pour la Sardaigne de 34 centimes.
La Bavière a également sa taxe des lettres.
Il en résulte, messieurs, que tandis qu’en Belgique l’administration des postes perçoit 90 centimes pour le transport d’une lettre simple d’un bout à l’autre de notre petit royaume, en Russie, par exemple, elle est transportée pour 40 centimes dans toute l’étendue de cet immense empire ;
Qu’en Espagne, pour 27 1/2 centimes, la poste transporte une lettre d’un bout à l’autre du royaume, et qu’en Belgique, pour le même prix, elle n’est transportée qu’à 12 lieues, non compris le décime rural ;
Qu’en Autriche, le maximum de la taxe est de 52 centimes pour une immense étendue et que chez nous, pour ce prix, une lettre n’est transportee que de 20 à 30 lieues ;
Qu’aux Etats-Unis, dans ce pays cinq fois aussi grand que la France, le maximum de la taxe n’équivaut qu’à ce que le monopole gouvernemental demande chez nous pour un transport à 35 lieues ;
Qu’en Prusse, l’administration, pour 60 centimes, transmet une lettre à une distance de 140 lieues, tandis qu’en Belgique on ne lui fait parcourir que 40 lieues ;
Enfin en France le projet présenté en février de cette année, réduit le maximum de la taxe à 50 centimes, et encore il est probable que ce chiffre paraîtra trop élevé aux chambres législatives qui paraissaient, l’année dernière, favorables à une taxe uniforme de 20 centimes.
Messieurs, je le demande : en présence d’une pareille situation la Belgique peut-elle persévérer dans le maintien d’une taxe plus élevée que partout ailleurs ?
La Belgique, messieurs, est dans les conditions les plus favorables pour adopter une réforme postale. C’est un pays d’une faible étendue ; des chemins de fer en sillonnent déjà presque toutes les parties, de sorte qu’une lettre transportée à 40 lieues ne coûte pas plus, en définitive, qu’une lettre transportée à 10 lieues. Ajoutez encore à cette considération qu’une convention postale a été faite avec l’Angleterre, convention qui est basée sur la taxe uniforme. Une autre convention vient d’être passée également avec le gouvernement prussien : je n’en connais pas les dispositions, mais je suis persuadé que la taxe uniforme y joue un très grand rôle. Voyez, messieurs, quelle anomalie existe dans les transports effectués par le gouvernement.
Sur le chemin de fer, le gouvernement a adopté un tarif très modéré, plus modéré que sur les autres chemins de fer européens.
Pour le transport des lettres, au contraire, vous avez le tarif le plus élevé du globe.
C’est là une contradiction évidente. S vous croyez qu’il faut des tarifs élevés, il faut les adopter pour le chemin de fer comme pour la poste. Mais mettez au moins une certaine harmonie dans le prix des transports que vous avez abandonnés au gouvernement.
Messieurs, je bornerai là aujourd’hui mes observations pour ne pas abuser de vos moments. Je remercie même la chambre d’avoir bien voulu m’écouter avec une bienveillante attention, lorsque déjà elle était d’intention de fermer la discussion.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, si nous n’étions pas à la veille d’avoir une discussion spéciale sur cette question, je n’insisterais pas pour arrêter celle qui s’engage aujourd’hui. Mais je puis déclarer de nouveau qu’avant trois semaines (j’indique le terme, et le terme le plus éloigné), la chambre sera saisie d’un projet de loi dans le sens indiqué par mon honorable collègue des travaux publics. Nous sommes d’accord sur les bases de ce projet ; ii ne reste plus qu’à le formuler.
Ainsi, toute la discussion qui a lieu aujourd’hui est prématurée, et a lieu au préjudice d’autres travaux de la chambre, puisqu’elle doit nécessairement se reproduire à propos du projet dont les bases sont arrêtées par le gouvernement.
Si, lorsque nous discuterons ce projet, on trouve qu’il ne va pas assez loin, on fera valoir toutes les considérations que l’on invoque aujourd’hui, de manière à arriver à une conclusion positive.
Je demande donc à la chambre, dans l’intérêt de ses travaux, de ne pas prolonger indéfiniment cette discussion, très intéressante, sans doute, mais qui pourrait nous occuper plusieurs jours sans produire aucun résultat.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, j’ai pris la parole dans la première période de cette discussion A peine avais-je commencé à parler, que j’ai été plus ou moins interrompu par les clameurs de l’assemblée, qui paraissait vouloir en finir de cette discussion ; j’ai donc abrégé mes observations par déférence pour la chambre.
Mais la clôture n’ayant pas été prononcée, j’ai demandé la parole ; mais j’hésite à reprendre le fond de cette discussion. En effet le gouvernement a annoncé le dépôt d’un projet de loi relatif à cette question. A quoi dès lors serviront des discussions qui devront se renouveler dans quelques semaines ? Je crois, d’ailleurs, que le gouvernement n’est pas disposé à répondre aux observations qu’on pourrait lui faire, et par conséquent ce débat n’aura aucun résultat utile.
J’insiste donc, messieurs, pour que la chambre clôture cette discussion, afin que nous puissions passer à l’examen des autres articles du budget.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 3,250,000. »
- Adopté.
« Port des journaux et imprimés : fr. 135,000. »
- Adopté.
« Droits de 5 p. c. sur les articles d’argent : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Remboursements d’offices étrangers : fr. 115,000. »
- Adopté.
« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Produits du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 512,000. »
- Adopté.
« Chemin de fer : fr. 13,900,000. »
M. Osy. - Je suis persuadé, messieurs, que si le gouvernement prend les mesures nécessaires pour accélérer le transport des marchandises, les produits du chemin de fer pour 1847 s’élèveront bien à 13,900,000 fr. ; mais il est indispensable que le gouvernement mette plus de célérité dans l’expédition des marchandises vers l’étranger. Tous les jours le commerce adresse des plaintes au gouvernement, parce qu’il ne peut pas lui fournir assez de wagons ; quand un négociant en demande 20 il en obtient deux. Je ne sais pas si les voitures n’arrivent pas assez vite ou si le nombre en est trop restreint. Le gouvernement pourrait facilement augmenter le nombre des waggons sans faire une grande dépense : nous avons beaucoup de waggons de voyageurs, découverts, que l’on remplace par des waggons couverts ; eh bien, il n’y aurait qu’à en ôter les bancs pour les faire servir au transport des marchandises ; de cette manière on les utiliserait au lieu de les laisser dans les arsenaux.
Puisque j’ai la parole, messieurs, je ferai une autre observation. Aux termes des concessions de chemins de fer accordées aux différentes sociétés, celles-ci sont obligées de payer au gouvernement une certaine somme pour la surveillance des travaux. Vous savez, messieurs, ce qui est arrivé l’année dernière sous ce rapport, c’est qu’une somme de 75,000 fr. qui devait nous être payée par une société est allée dans les mains des ingénieurs Il ne faut pas que de semblables irrégularités se renouvellent, car d’après la loi sur la comptabilité toutes les recettes doivent être portées au budget. Je demanderai donc à M. le ministre des finances qu’il propose un article pour faire figurer au budget des recettes la somme que les sociétés concessionnaires auront à nous payer de ce chef, Je crois que, pour 1847, cette somme s’élèvera à 157,000 fr., et que l’article trouverait sa place naturelle à la suite du produit du chemin de fer.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J’avais prévenu la dernière observation de l’honorable M. Osy, en déposant sur le bureau un article nouveau dont le corollaire se trouvera porté en dépenses au budget des travaux publics et qui trouvera sa place, non pas à la suite des produits du chemin de fer, mais à la suite de l’article recettes accidentelles qui se trouve à la p. 50 du tableau. Je n’en avais pas parlé jusqu’à présent parce que je voulais attendre que nous fussions arrivés à l’article que je viens d’indiquer. Voici, du reste, comment ma proposition est conçue :
« Versements à faire par les concessionnaires de chemins de fer pour frais de surveillance : fr. 157,000. »
M. Osy. - Il m’est assez indifférent que l’article soit placé à l’endroit indiqué par M. le ministre des finances, ou à la suite du chiffre relatif au chemin de fer ; il me semble, toutefois, que ce serait là sa place naturelle.
Mais M. le ministre des finances dit que cette somme sera également portée au budget des dépenses. Il me semble que cela n’est pas admissible : nos ingénieurs doivent surveiller les travaux exécutés par les sociétés, et la somme que l’Etat perçoit de ce chef doit demeurer acquise au trésor, au moins pour la plus grande partie.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ne voudrais pas prolonger inutilement cette discussion ? J’ai fait remarquer que les frais payés par les sociétés concessionnaires devaient nécessairement être portés soit en tout, soit en partie, au budget des dépenses ; on pourra statuer à cet égard dans la discussion du budget des travaux publics. Quant à ma proposition, je demande qu’elle soit portée parmi les recettes accidentelles et non pas dans les recettes du chemin de fer. Nous devons maintenir l’article du chemin de fer isolé, afin de voir chaque année quel est le produit de cette grande entreprise.
- L’article est adopté.
« Rachat et transfert de rentes, y compris l'aliénation des rentes constituées : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Capitaux du fonds de l'industrie : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Capitaux de créances ordinaires : fr. 565,000. »
- Adopté.
« Prix de vente d'objets mobiliers ; transactions en matière domaniale ; dommages et intérêts ; succession en déshérence ; épaves : fr. 330,000. »
- Adopté.
« Prix de vente de domaines, en vertu de la loi du 27 décembre 1822, payés en numéraire en suite de la loi du 28 décembre 1835, pour l'exécution de celle du 27 décembre 1822 et de la loi du 30 juin 1840, 18 mai 1845 et 27 février 1846 : fr. 570,000. »
M. Orban. - Il m’est impossible de ne pas appeler l’attention de la chambre et du gouvernement sur les conséquences funestes que pourrait avoir, pour une partie du pays, l’exécution donnée à la loi relative à la vente d’une certaine partie des forêts de l’Etat. Cependant, messieurs, je ne soulèverai pas aujourd’hui la question du déboisement en général. Je ne viens pas non plus remettre en discussion une loi qui a été votée ; je veux simplement parler du mode d’exécution.
Je veux parler des ventes qui ont eu lieu dans ces derniers temps, dans la province de Luxembourg. La position rapprochée des établissements métallurgiques français, jointe à l’activité et à la prospérité de ces établissements, ont été cause que les bois mis en vente ont pourtant rencontré pour acquéreurs les maîtres de forges français. Or, messieurs, à la différence des propriétaires ou des habitants du pays qui achètent les forêts pour les conserver et les aménager en bons pères de famille, les maîtres de forges n’ont pu acquérir que pour exploiter immédiatement et mettre le sol entièrement à nu. L’on conçoit qu’en achetant pour fabriquer et à des prix trop élevés, ils soient dans l’obligation d’exploiter immédiatement et de prévenir ainsi la baisse qui pourrait survenir, soit dans le prix des bois, soit dans celui des produits de leur industrie.
Si M. le ministre veut se convaincre de la rigoureuse exactitude de mon allégation, il n’a qu’à se faire représenter, par la direction de l’enregistrement, les derniers actes de vente passés au profit des maîtres de forges français, et il y verra que ceux-ci se sont engagés vis-à-vis du fisc à enlever entièrement la dépouille des forêts dans un délai de quatre années.
La conséquence de ce qui précède, c’est que la vente des forêts du domaine opérés dans ce moment et dans la province de Luxembourg, équivaut au déboisement, à la destruction de ces forêts, puisqu’elle en est la conséquence inévitable.
Maintenant, messieurs, je vous prie de vouloir bien envisager quelles doivent être les conséquences de ces déboisements.
Lorsque les autorités administratives, le conseil provincial et la députation ont été consultés sur les causes de la stérilité d’une partie du sol luxembourgeois, elles ont été unanimes pour signaler en première ligne le déboisement des parties élevées du territoire. Lorsqu’elles ont eu à indiquer les moyens qu’elles croyaient les plus propres à amener la culture des bruyères, elles ont été unanimes également pour signaler en première ligne le reboisement des parties vagues du sol, la formation d’abris boisés pour protéger les cultures contre l’âpreté des vents et du climat, contre l’intempérie des saisons.
Le gouvernement a partagé cette manière de voir ; il doit même avoir été frappé de la justesse de cette appréciation ; car, devançant la solution définitive à donner à la question du défrichement, il s’est hâté d’entrer dans les vues de l’administration provinciale, et de distribuer concurremment avec la province des graines d’essences résineuses aux habitants et aux communes.
Conçoit-on, messieurs, que le gouvernement entreprenne d’une part la tâche laborieuse de reboiser le sol, et prête la main, d’un autre côté, à l’active destruction des forêts existantes ? N’est-ce point là l’histoire de la toile de Pénélope ? Et le gouvernement ne semble-t-il pas prendre à tâche de détruire d’une main ce qu’il fait de l’autre ?
Que l’on y prenne garde ! Les fautes de ce genre sont de celles qui ne se réparent pas et dont les conséquences pèsent sur l’avenir. Il ne s’agit de rien moins, si l’on persévère dans cette voie, que de condamner une partie du pays à une éternelle stérilité.
J’avais promis, messieurs, de ne point examiner le fond même du principe de l’aliénation. Qu’il me soit cependant permis de faire connaître à la chambre un fait récent, qui prouve combien les calculs auxquels on s’est livré en décrétant l’aliénation d’une portion de nos forêts manquaient de justesse.
Nous ne pouvons, disait-on, conserver des propriétés qui ne rapportent qu’un intérêt de 2 ou 2 1/2 p. c., alors que nous empruntons des capitaux à un intérêt beaucoup plus élevé.
En raisonnant ainsi, malheureusement, l’on ne tenait aucun compte de l’avenir et de la plus-value souvent rapide qu’éprouve la propriété boisée. Ici, messieurs, les événements ont donné bientôt un démenti à ces calculs. Il me suffira de vous dire que la vente des coupes domaniales a produit cette année une somme presque double des évaluations, ce qui suppose une augmentation équivalente dans la valeur même de la propriété.
Ainsi, messieurs, si vous aviez vendu vos forêts il y a trois ans, comme vous auriez dû le faire pour être conséquents avec votre principe, vous auriez fait perdre à l’Etat la moitié au moins de la valeur actuelle de ces domaines.
Messieurs, j’aurais pu attendre. pour vous soumettre ces observations, la présentation du projet de loi qui vous sera soumis pour l’aliénation d’une nouvelle portion de forêts domaniales. J’ai préféré les présenter à l’occasion du budget des voies et moyens, parce que j’ai confiance que le gouvernement les pèsera avec maturité et y aura égard. Il peut le faire sans suspendre, sans violer l’exécution de la loi. La loi de 1840 ordonne ici, en effet de vendre une certaine portion de forêts, mais elle n’ordonne pas de les prendre dans le Luxembourg.
Elle ordonne cette vente, niais elle donne dix ans pour l’effectuer.
Rien ne force donc le gouvernement à vendre les forêts du Luxembourg et à les vendre dans un moment où leur aliénation équivaut à leur destruction.
M. Delfosse. - L’année dernière, la section centrale du budget les voies et moyens avait demandé où en était l’affaire de la forêt de Chiny ; M. le ministre des finances a répondu que les tribunaux d’Arlon et de Charleroy avaient mis hors cause quelques-unes des personnes assignées par le gouvernement, et qu’il s’était pourvu contre ces décisions.
Cette année, la section centrale du budget des voies et moyens n’a pas dit un mot, et le gouvernement n’a pas donné le plus petit renseignement sur l’affaire de la forêt de Chiny ; je prie M. le ministre des finances de nous dire si le procès sera bientôt terminé.
(page 236) - M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la section centrale ne m’avait pas demandé de renseignements sur le procès relatif aux droits d’enregistrement de la forêt de Chiny ; je ne me suis pas muni des pièces nécessaires ; je ne me rappelle pas exactement à quel point est arrivée la procédure, mais je sais qu’elle n’est pas terminée.
Je répondrai quelques mots aux observations faites par l’honorable M. Orban ; déjà dans les ventes antérieures qui ont eu lieu, en exécution de la loi de 1843, on a eu égard aux circonstances spéciales qui peuvent déterminer à ajourner la vente des forêts domaniales dans le Luxembourg ou du moins à ne vendre qu’une très faible partie de ces forêts. Le projet voté dans la session dernière a décrété la vente de la forêt d’Eenaeme dans la Flandre orientale, et une partie de la forêt de Houthust dans la Flandre occidentale. Le projet de loi qui sera présenté dans le cours de cette session, en exécution de la loi de 1843, aura encore pour objet principal, sinon exclusif, des ventes dans les provinces que je viens de citer.
M. Delehaye. - Messieurs, puisque M. le ministre des finances a parlé de la forêt d’Eenaeme, je lui demanderai s’il est vrai que les intéressés se refusent au payement du prix de la forêt. On m’a dit dernièrement à Gand que le gouvernement n’entrerait point en possession du prix de vente, et que déjà il avait été formé opposition entre les mains de l’acquéreur.
M. Delfosse. - Je crains bien que le procès ne soit interminable, si le gouvernement ne met pas dans cette affaire plus d’activité qu’il n’en a mis jusqu’à présent. Quoi qu’il en soit, le retard et les difficultés que le gouvernement éprouve à faire rentrer les sommes considérables qui lui sont dues du chef de la vente de la forêt de Chiny prouvent combien j’ai vu raison de blâmer, dans le temps, la complaisance beaucoup trop grande qu’un ancien ministre de finances a montrée pour les acquéreurs.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, les renseignements soumis à l’honorable M. Delehaye sont exacts jusqu’à un certain point. Après la vente de la forêt d’Eenaeme, quelques personnes qui avaient un arrêt passé en force de chose jugée à l’égard de l’Etat, ont cru pouvoir prendre inscription sur cette propriété ; cette inscription a été prise ; niais nonobstant l’inscription, l’acquéreur n’a fait aucune difficulté de payer le premier cinquième du prix d’acquisition.
M. Dumortier. - Messieurs, il paraît que la chose jugée va de plus en plus loin. Nous avons vu dans le temps la chose jugée venir nous condamner à payer les toelagen que nous avions rejetés pendant neuf années ; la chambre a fait raison de ces prétentions, et elle a écarté, à la presque unanimité, le projet de loi qui avait été soumis à la chambre par le gouvernement. La chose jugée se présente maintenant sous une face différente ; elle ne se tient pas pour battue par le rejet du projet de loi : elle vient faire arrêt sur les deniers provenant de la vente d’un domaine de l’Etat !
Or, il est un fait incontestable, c’est que le domaine public est insaisissable et inaliénable, dans ses deniers comme dans ses propriétés, et j’espère que M. le ministre des finances voudra bien ici faire respecter le vote de la législature, et ne pas souffrir que la chose jugée vienne empiéter sur les droits du parlement.
C’est là, vous le voyez, messieurs, une question extrêmement grave ; elle prouve de plus en plus la nécessité de faire une loi, pour empêcher à l’avenir de pareils envahissements sur nos propres attributions. Cette loi est indispensable...
Un membre. - Une loi est présentée !
M. Dumortier. - Une loi est présentée ; c’est vrai, mais elle ne s’applique guère à cette matière...
M. Verhaegen. - Je demande la parole.
M. Dumortier. - Cette loi donc est indispensable. Je maintiens la doctrine que j’ai professée depuis longtemps dans cette enceinte et à laquelle la chambre s’est associée, en rejetant, à l’unanimité ou à la presque unanimité, le projet de loi qui avait été présenté. Je maintiens que si nous ne faisons pas respecter la division des pouvoirs, nous sommes exposés aux plus grands désordres dans le pays ; ce n’est que par cette division des pouvoirs que nous maintiendrons nos prérogatives, en présence de tout pouvoir envahisseur.
Je dis que la chose est d’autant plus grave, qu’au moyen de jugements on pourrait venir saisir les collections de l’Etat, ses domaines, et jusqu’aux chemins de fer, en un mot, tout ce que l’Etat possède.
Il faut donc de toute nécessité que les tribunaux restent dans leurs attributions et qu’ils se pénètrent bien de cette pensée, que toutes les fois qu’ils voudront empiéter sur le domaine de l’assemblée dans laquelle nous avons l’honneur de siéger, nous serons là comme des barres de fer pour les empêcher d’entrer dans le sanctuaire du parlement. C’est à cette seule condition que nous maintiendrons et la séparation des pouvoirs et l’indépendance législative qui est la sauvegarde de tous les intérêts du peuple.
M. Verhaegen. - Messieurs, j’ai demandé la parole, pour protester contre les maximes qu’on vient de préconiser ; comme naguère, je viens encore les contester aujourd’hui.
Le développement que vient de donner l’honorable préopinant à la thèse qu’il a déjà soutenue précédemment, prouve que son système est insoutenable. En effet, voilà qu’une propriété domaniale se trouve frappée d’hypothèque, au nom de la chose jugée. L’honorable membre engage le ministre des finances à ne pas souffrir cet état de choses et à y porter remède. Je demanderai à l’honorable membre quel sera le moyen qu’emploiera M. le ministre des finances. Sera-ce par la force brutale, à coups de canon qu’il fera radier l’hypothèque ? Ou bien s’adressera-t-il aux tribunaux ? Il faut qu’il s’adresse aux tribunaux pour faire décider par les tribunaux qu’on ne peut pas prendre inscription sur le domaine public.
Il n’y a que ce moyen ; et cependant vous méconnaissez l’autorité judiciaire, vous prétendez que nous avons le droit, dans cette enceinte, de mépriser les arrêts de cours souveraines. Voilà où conduit ce système. Savez-vous qu’un jugement, un arrêt en vertu duquel on a pris inscription, est exécutoire au nom du Roi, et que la force armée est conviée à y prêter main-forte ? Voilà donc le conflit. Je conviens qu’il est nécessaire de mettre fin à cet état de choses, mais il faut le faire d’une manière régulière.
Si vous voulez éviter la confusion des pouvoirs, réglez d’une manière convenable les attributions de l’un et de l’autre ; dites ce que vous ferez quand il y aura conflit. Je ne crains pas de m’expliquer ; ainsi donc en matière de conflit, c’est la Constitution qui le dit, vous êtes obligés de passer par l’autorité judiciaire, car c’est la cour de cassation et la cour de cassation seule qui doit juger.
Si M. Fallon veut me répondre qu’il le fasse ; les signes négatifs qu’il fait ne suffisent pas pour me convaincre que je ne suis pas dans le vrai.
M. Dumortier. – Je commencerai par répondre à la dernière observation de l’honorable préopinant. Il prétend que nous sommes obligés de recourir à la magistrature pour faire juger le conflit. C’est une immense erreur. Quoi ! La chambre des représentants doit recourir à une autorité qui l’a condamnée, elle qui représente le peuple souverain ! C’est une monstruosité qu’une pareille doctrine. La Constitution ne parle que de conflits entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif ; mais non entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Le pouvoir législatif est juge de ses attributions, comme les cours le sont des leurs ; et si les cours rendent leurs arrêts au nom du Roi, nous prenons nos résolutions au nom du peuple dont nous sommes les représentants, comme on dit en Angleterre, c’est le grand jury national qui décide souverainement de pareilles questions.
Mais, dit l’honorable membre, on emploiera la force brutale ! Nous n’avons pas à nous arrêter à des hypothèses, ceux qui emploieraient les canons et les gendarmes seraient ceux qui voudraient tirer du trésor les deniers de l’Etat. Quant à nous, pour les conserver, nous n’avons nullement besoin de pareils moyens.
Je vous le demande, si des personnes, qui ont jugement, ont droit de prendre inscription hypothécaire sur le domaine de l’Etat quand la chambre a repoussé leur réclamation, n’ont-ils pas le droit de vendre le domaine public ? Or, le domaine public est inaliénable ; il est évident qu’on n’a pas le droit de prendre une hypothèque dessus.
Je dis donc qu’il est nécessaire que M. le ministre des finances ne se laisse pas impressionner par de pareils raisonnements et surtout qu’il n’accepte pas la doctrine professée par M. Verhaegen, qu’il doit représenter l(affaire devant les tribunaux, car ils seraient juges et partie, puisqu’il s’agit de sanctionner leur propre jugement : nous devons garder notre position ; nous ne devons pas souffrir qu’on saisisse le domaine public pour une réclamation que la chambre a repoussée à la presqu’unanimité des voix.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Afin d’abréger ce débat je donnerai quelques explications sur la marche que, selon moi, le gouvernement doit suivre dans cette circonstance.
Une inscription a été prise sur les biens de l’Etat. Le gouvernement ne peut faire disparaître cette inscription que par des moyens légaux. Les moyens légaux sont le recours au pouvoir judiciaire. En présence de ce fait, il n’y a donc qu’une seule marche à suivre, c’est de référer l’affaire aux tribunaux.
La question est grave en elle-même, mais les conséquences d’un principe contraire à celui qui serait posé au nom de l’Etat sont aussi tellement graves que les tribunaux, je ne puis en douter, sauront bien tracer eux- mêmes la limite de leur compétence.
Voyez, en effet, à quelles conséquences nous serions exposés, si l’on pouvait admettre qu’en dehors du vote de la législature il y a des droits, des causes de préférence sur les biens de l’Etat. Lorsque le pays aurait besoin de toutes ses ressources, lorsque la représentation nationale en aurait disposé dans l’intérêt public, ces moyens pourraient être paralysés, ces ressources détournées dans un intérêt privé !
J’aurai donc recours au pouvoir judiciaire, et si malgré l’évidence des principes et l’immensité des intérêts nationaux engagés dans la question, mes espérances étaient trompées, j’aurais recours au pouvoir législatif, non pour présenter un projet de loi de conflit par lequel on aboutirait encore au pouvoir judiciaire, mais pour poser les principes de la compétence des divers pouvoirs constitutionnels, pour régler notamment ce qu’on doit entendre par les droits civils qui sont exclusivement de la compétence du pouvoir judiciaire. J’indique la marche que le gouvernement me paraît devoir suivre ; mais j’ai la confiance, d’après l’étude que j’ai faite de la question, que les tribunaux n’hésiteront pas à reconnaître qu’il n’y a pas de droits contre l’Etat, comme préférence sur ces biens et revenus, en dehors des votes de la législature.
- Aucune proposition n’ayant été faite, l’article est mis aux voix et adopté.
« Prix de coupes de bois, d’arbres et de plantations ; vente d’herbes ; extraction de minerai de fer, de terre et de sable : fr. 1,000,000. »
- Adopté.
« Fermages de biens-fonds et bâtiments, de chasses et de pêches ; arrérages de rentes ; revenus des domaines du département de la guerre : fr. 450,000. »
- Adopté.
« Produits de l'école vétérinaire et d'agriculture : fr. 60,000. »
- Adopté.
« Intérêts de créances du fonds de l'industrie et de créances ordinaires : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Restitutions et dommages-intérêts en matière forestière : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Restitutions volontaires : fr. 100. »
- Adopté.
« Abonnements au Moniteur et au Recueil des lois : fr. 29,000. »
- Adopté.
« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 85,000. »
- Adopté.
« Intérêts de 13,438 obligations de l'emprunt de 30,000,000 de francs, à 4 p. c, provenant de l'emploi de l'encaisse de l'ancien caissier général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 537,520. »
M. Orban. - L’année dernière, j’ai demandé à M. le ministre dcl finances des explications sur la part revenant aux provinces dans les intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier général. M. le ministre m’avait promis de me donner des explications dans une occasion qui devait se présenter prochainement. Comme elles n’ont pas été données, je crois devoir les demander de nouveau dans cette circonstance.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J’ai donné suite à l’affaire dont l’honorable M. Orban vient de parler, en adressant (je pense que c’est au mois d’avril, je ne retrouve pas la date précise) des observations à la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg ; jusqu’à présent, ma lettre étant restée sans réponse, l’affaire est encore en instance.
- L’article est adopté.
« Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et consignations : fr. 560,000. »
- Adopté.
« Produits des actes des commissariats maritimes : fr. 34,000. »
- Adopté.
« Produits des droits de pilotage et de fanal : fr. 550,000. »
- Adopté.
« Produits de la fabrication de pièces de cuivre : fr. 145,000. »
- Adopté.
« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions, etc. : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 90,000. »
- Adopté.
« Recouvrements de reliquats de comptes arrêtés par la cour des comptes : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Bénéfice éventuel produit par la fonderie de canons à Liège, sur la fabrication d'armes de guerre à exporter pour l'étranger : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Frais de poursuites et d'instances : fr. 9,000. »
- Adopté.
« Recouvrements sur les communes, les hospices et les acquéreurs de bois domaniaux, pour frais de régie de leurs bois : fr. 145,000. »
- Adopté.
« Frais de perceptions faites pour le compte de tiers : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Frais de perceptions faites pour le compte des provinces : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle, de simple police, etc. : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Frais d'entretien, de transport et de remplacement de mendiants, d'entretien et de remplacement de mineurs, d'enfants trouvés, etc. : fr. 1,000. »
M. le président. - La section centrale propose de modifier le libellé comme suit :
« Frais de transport et d'entretien de mendiants, d’indigents, enfants trouvés. »
- Ce dernier libellé, ainsi que le chiffre de 1,000 fr., sont adoptés.
« Frais de justice devant les conseils de discipline de la garde civique : fr. 100. »
- Adopté.
« Pensions à payer par les élèves de l'école militaire : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Annuités à payer par les propriétaires riverains du canal de la Campine : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Recouvrement d'avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons pour achat de matières premières : fr. 960,500. »
- Adopté.
« Recouvrement d'une partie des avances faites par le département de la guerre aux corps de l'armée, pour masse d'habillement et d'entretien : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Recettes accidentelles : fr. 200,000. »
- Adopté.
M. le président. - Ici vient se placer le nouvel article présenté par M. le ministre des finances, et ainsi conçu :
« Versements à faire par les concessionnaires des chemins de fer pour frais de surveillance : fr. 157,000. »
- Cet article est adopté.
« Abonnement des provinces pour réparations d'entretien dans les prisons : fr. 19,600. »
- Adopté.
« Banque de Belgique. - Intérêts exigibles en 1846 : fr. 37,000. »
M. le président. - M. le ministre propose de réduire ce chiffre à 17,000 fr.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Le motif de cette réduction est que j’ai demandé à la banque de Belgique un nouveau remboursement d’un million, qu’elle fera, je pense, à la fin de l’année ou au commencement de l’année prochaine.
M. Delfosse. - Je pense que M. le ministre des finances ferait bien de demander le remboursement de toute la somme qui nous est due par la Banque de Belgique, et de faire disparaître toute l’allocation du budget, au lieu de n’en faire disparaître qu’une partie.
Ce n’est pas dans un moment où l’intérêt des bons du trésor est à 4 p c. et où tout porte à croire qu’il devra être porté à cinq, que nous pouvons laisser dans les caisses de la Banque de Belgique des sommes qui ne produisent que 2 p. c.
On nous dit qu’il faut avoir des ménagements pour la Banque de Belgique. Sans doute, il faut avoir des ménagements ; mais il ne faut pas lui accorder de faveur au détriment des contribuables.
Il ne faut pas lui donner à 2 p. c. des sommes dont elle peut tirer 4, 5 et même 6 pour cent, alors que l’Etat, qui représente les contribuables, doit emprunter ces mêmes sommes à des conditions onéreuses. Je propose donc de rayer les 37,000 francs du budget. Le gouvernement pourra employer les sommes qui lui seront remboursées à diminuer l’émission des bons du trésor.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la Banque de Belgique a remboursé, dans le courant de l’année, une somme d’un million. Je lui ai demandé récemment le remboursement d’une nouvelle somme d’un million, et mon intention est de lui demander le surplus dans le courant de l’année prochaine. Lorsque ce million qui va être remboursé aura été payé au trésor, il restera dû environ 846,000 fr.
Je prie la chambre de ne pas aller plus loin, de me laisser la liberté accorder quelque temps à la Banque de Belgique pour faire le dernier versement d’une somme de 846,000 fr., et de ne pas me forcer à le lui demander immédiatement et avant le premier janvier. Or, c’est ce qui résulterait de la suppression complète du libellé, puisque je n’aurais plus d’article de recette au budget des voies et moyens.
Si les circonstances restent telles qu’elles sont, si, sans nuire à cet établissement ou au crédit public, je puis demander ce remboursement dès les premiers mois de l’année prochaine, je le ferai. Mais j’espère que la chambre n’exigera pas que je réclame non seulement 1 million, mais 1,800,000 fr. au premier janvier prochain.
M. Zoude. - On vient de dire qu’il est temps de faire finir les faveurs qu’on aurait prodiguées à la Banque de Belgique ; ce reproche prouve que les services que cette banque a rendus et rend encore ne sont pas suffisamment connus ; j’en signalerai quelques-uns.
Personne n’ignore qu’une crise financière agite diverses contrées d’Europe, la Prusse, l’Allemagne, la France même par suite de l’agiotage des actions du chemin de fer et plus particulièrement encore par suite des mauvaises récoltes des substances alimentaires. Il en est résulté que dans tous ces pays on s’est débarrassé de fonds belges qui ont ainsi reflué sur notre marché où ils ont occasionné une forte dépréciation que deux établissements financiers auraient pu arrêter. Mais un seul, celui de la Banque de Belgique, y a prêté un concours efficace en avançant des sommes considérables sur dépôt de fonds nationaux qui, sans ce puissant (page 238) secours, auraient indubitablement subi une nouvelle baisse de 2 p. c. et peut-être une plus forte encore.
Si nous nous reportons un peu en arrière, nous voyons cette banque prendre une part active à l’emprunt de 1844, lorsque l’autre établissement y touchait à peine, et alors encore que celui-ci faisait connaître au public qu’il ne prêtait pas sur les fonds belges, tandis que la Banque de Belgique continua à faire des avances considérables sur leur dépôt, ce qui facilita singulièrement la rentrée des sommes souscrites aux échéances fixées par les conditions de l’emprunt.
Me reporterai-je à l’emprunt de 1842, qu’un grand financier annonçait à 97 sur les marchés de l’Allemagne, lorsque la Banque de Belgique le soumissionna au-dessus du pair, ce qui mit le ministre des finances en position de dicter la loi au lieu de la recevoir, et l’emprunt fut négocié à 104 p. c., ce qui procura un bénéfice de plus de 600 mille francs, dus entièrement à l’intervention de la Banque de Belgique.
Si nous remontons un peu plus haut, nous voyons l’établissement colossal de Seraing à la veille d’être déchiré en lambeaux par suite du décès ou plutôt de la déconfiture de Cockerill, qui eût entraîné après lui les pertes les plus déplorables, et eût compromis notamment une créance du gouvernement de plus de quatre millions, si la Banque de Belgique n’avait réussi à former une nouvelle société, à laquelle elle fournit un fonds roulant de 2 millions quatre cent mille francs ; et Seraing a repris toute son activité, et ses opérations sont telles que non seulement les intérêts, mais encore un dividende assez important est assuré maintenant aux actionnaires, et le gouvernement est déjà rentré dans une partie de sa créance ; Seraing occupe aujourd’hui plus de cinq mille ouvriers.
Remonterai-je à l’époque du prêt de 4 millions qui sont encore en grande partie engagés dans les établissements industriels, que les conditions du prêt obligeaient d’alimenter, eux qui entretenaient de 12 à 15,000 ouvriers, qui auraient été jetés sur le pavé par suite de l’expropriation à laquelle la banque aurait été forcée, si le gouvernement ne lui était venu en aide.
On parle de bons du trésor que le gouvernement aurait pu ne pas créer pour une somme égale à celle dont la banque est débitrice ! Mais un gouvernement serait bien imprévoyant s’il n’avait constamment un encaisse de quelques millions. Eh bien, quand cet encaisse est à la Société Générale, il n’y rend service qu’à cette société elle-même, il ne rapporte aucun intérêt, tandis que la Banque de Belgique en paye 2 p. c., alors même que le gouvernement peut disposer de son capital à chaque instant .
On a dit que le preneur principal, le preneur habituel des bons du trésor, n’en prendrait plus dans les circonstances où se trouve l’état financier de l’Europe. Mais ce preneur habituel n’en a plus pris depuis 3 à 4 ans.
Les vrais preneurs sont des capitalistes belges, qu’on ne retrouverait plus si, par la cessation d’émission de ces bons, ils venaient à donner une autre direction à leurs capitaux.
Je bornerai là l’énumération des services que la Banque de Belgique n’a cessé de rendre au pays.
Je dirai cependant encore un mot et parlerai des escomptes qui s’élèvent de 8 à 10 millions par mois, ce qui se fait avec une telle facilité qu’il suffit à celui qui veut escompter, de présenter ses valeurs à 11 heures du matin ; elles sont immédiatement soumises au conseil et à une heure on fait connaître l’admission ou le rejet et, pour celles qui sont admises, le bureau d’escompte est ouvert à l’instant.
Dans un autre grand établissement on présente les effets la veille, on délibère le lendemain et le troisième jour seulement on fait connaître la résolution. Mais trois jours, dans le commerce, sont parfois une éternité.
Il est vrai que la Banque de Belgique ne crée pas, comme le porte le ministère en parlant d’un autre établissement, la Banque de Belgique ne crée pas des bons à 4 1/2 lorsque le gouvernement fait ses émissions à 4.
Il est encore vrai… mais j’en ai dit assez pour que la chambre puisse apprécier combien il importe de donner des encouragements à un établissement aussi utile au pays.
M. Delfosse. - Les observations que l’honorable M. Zoude vient de présenter et qui ne sont que la reproduction de celles qu’il nous a soumises les années précédentes, ne m’empêchent pas et elles n’empêcheront pas le public de croire que le gouvernement a fait une opération onéreuse pour le trésor, lorsqu’il a réduit à 2 p. c. l’intérêt des sommes dues par la Banque de Belgique ; cette opération a pu être bonne pour les actionnaires de la Banque de Belgique et pour ceux de nos collègues qui sont commissaires du gouvernement auprès de cet établissement financier et qui perçoivent un traitement de ce chef ; mais à coup sûr, elle ne l’a pas été pour l’Etat.
Du reste, l’engagement que M. le ministre des finances vient de prendre, d’exiger le remboursement d’un million dans un bref délai et du surplus dans le courant de l’année prochaine, me porte à retirer ma proposition. J’engage seulement M. le ministre des finances à examiner s’il ne conviendrait pas de demander à la banque de Belgique un intérêt qui soit plus en rapport avec le taux de l’escompte, que les établissements financiers exigent en ce moment, par suite de la rareté du numéraire.
M. Anspach. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour répondre à ce qu’a dit l’honorable M. Delfosse, sur l’utilité des sommes laissées à la Banque de Belgique. Ces sommes, messieurs, ont eu une destination particulière ; c’est celle de prêter sur les fonds publics ; car pour ses escomptes, la banque n’a pas besoin des fonds de l’Etat. Elle continue les escomptes comme elle l’a fait depuis dix-huit mois, et ce qu’a dit l’honorable M. Delfosse de l’élévation des escomptes est tout à fait inexact. La Banque de Belgique escompte aujourd’hui au même taux qu’il y a dix-huit mois.
M. Delfosse. - Continuera-t-elle ?
M. Anspach. - Je ne puis dire ce qui arrivera dans quinze jours ou un mois. Mais le fait est que ce que vous avez avancé de l’élévation du taux de l’escompte est complètement inexact.
M. Delfosse. - Cela m’étonne.
M. Anspach. - En quoi cela vous étonne-t-il ?
Messieurs, les fonds qui ont été laissés à la Banque de Belgique n’ont pas seulement été utiles à cet établissement ; ils l’ont aussi été à l’Etat ; car ils ont été employés à soutenir les fonds de l’Etat.
C’est au moyen de cette somme laissée à la Banque que les détenteurs de fonds publics ont pu emprunter sur dépôt de ceux-ci, et n’ont pas dû les vendre, ce qui aurait concouru à l’avilissement des prix. Au moyen des titres d’emprunt, on est venu à la Banque de Belgique et, moyennant un intérêt de 4 1/2 à 5 p. c., on a pu emprunter de l’argent.
Je crois donc que cet argent a été très bien employé et qu’il l’a été dans l’intérêt de l’Etat, aussi bien que dans celui de la banque.
En fait, qu’étaient-ce que ces fonds laissés à la Banque de Belgique ? C’était un encaisse disponible à volonté, produisant au trésor un intérêt de 2 p.c. ; maintenant c’est un encaisse ne produisant rien. Si l’on trouve que cela est avantageux, à la bonne heure !
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, mon intention était de parler en faveur de la Banque de Belgique. L’honorable M. Zoude et l’honorable M. Anspach viennent de vous détailler les services que cet établissement financier rend au crédit public. Il me semble, messieurs, que nous ne devons pas le décourager, et qu’il nous importe an contraire de le soutenir, alors surtout que d’autres établissements ne traitent pas le crédit d’une manière aussi favorable, et qu’il en est un entre autres qui ne prête pas sur fonds nationaux, tandis qu’il obtient du trésor public d’immenses avantages.
Puisque l’honorable M. Delfosse a retiré sa motion, il me semble inutile d’insister davantage. J’ajouterai cependant que l’on peut voir, par les documents déposés sur le bureau, que le gouvernement a fait de nombreuses avances à l’industrie dans des circonstances difficiles ; il n’exige la rentrée de ces fonds qu’avec des ménagements convenables, il me semble qu’il faut en agir de même pour le prêt fait à la Banque de Belgique, la question est identique.
M. Pirmez. - Messieurs, il y a une chose que je ne comprends pas dans cette discussion. On prétend que l’Etat pourrait relever son crédit en empruntant à 4 p. c. pour prêter à 2 p. c. ; car c’est l’opération vous avez faite avec la Banque de Belgique. Quand nous faisons des emprunts, nous empruntons à 5 p. c. ; sur les bons du trésor nous payons généralement un intérêt plus élevé que 2 p. c. Or, n’est-il pas vrai vous avez prêté à la Banque de Belgique à 2 p. c. ?
J’avoue que je ne comprends pas comment, au moyen d’une pareille opération, on peut relever le crédit public.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l’honorable M. Pirmez ne se rend pas bien compte de ce qui s’est passé, et des motifs pour lesquels on n’a pas demandé le remboursement immédiat à la Banque de Belgique. Il ne s’agit pas aujourd’hui de prêter à la Banque de Belgique, mais de savoir si, en acceptant les faits que la chambre a plusieurs fois discutés, il est d’une bonne, d’une saine politique d’exiger un remboursement immédiat de toute la somme.
Ainsi, je ne défends pas, au point de vue de l’intérêt public, la thèse qu’il faut prêter à 2 p. c. et emprunter à 4. Il est clair qu’il ne faut être un grand financier pour comprendre que l’opération ne serait pas bonne. Mais il s’agit de savoir (et je pourrais me dispenser d’insister puisque l’honorable M. Delfosse a retiré sa motion) s’il fallait en 1844 ou en 1845 réclamer le remboursement immédiat de toute la somme qui avait été prêtée à la Banque de Belgique.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, il est tout simple qu’au premier abord l’opération dont parle l’honorable M. Pirmez ne paraisse pas une bonne opération pour le gouvernement ; il n’est certes pas avantageux de prêter à 2 p. c. quand on lève de l’argent à 4. Mais pour se rendre compte de cette opération, il faut se rappeler ce qui s’est passé.
Pourquoi a-t-on fait cette avance à la Banque de Belgique ? C’est parce que la Banque s’était livrée à des spéculations industrielles qui l’ont mise à deux doigts de sa perte. Et pourquoi s’était-elle livrée à ces opérations ? C’est parce que ses statuts étaient fautifs ou parce qu’on ne les a pas respectées. Car dans tout pays où le régime des banques est bien organisé, il leur est défendu de s’occuper d’opérations industrielles.
Le résultat de ces opérations a été un fàcheux événement, suivi d’une perturbation dangereuse pour l’industrie et le crédit public. Le gouvernement s’est vu obligé de lui venir en aide, afin de prévenir de plus grands désastres, et je pense que le gouvernement a bien fait.
Si, messieurs, le gouvernement a bien fait de venir en aide à cet établissement, il faut permettre que cette opération se termine complément et ne pas vouloir la gâter en hâtant par trop le remboursement des fonds que vous avez prêtés.
- Le chiffre de 17,000 fr, est adopté.
« Chemin de fer rhénan. Dividendes de 1847 : fr. 160,000. »
- Adopté.
(page 239) « Produit des ventes de biens domaniaux autorisées par la loi du 3 février 1843 : fr. 800,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor public de Belgique, par des comptables de l'Etat, par des receveurs communaux, des receveurs de bureaux de bienfaisance, des préposés aux bureaux de station de l'administration du chemin de fer, etc., pour garantie de leur gestion, et cautionnements fournis par des contribuables pour garantie du payement de leurs redevabilités en matière de douanes, d'accises, etc. : fr. 1,100,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Caisses des veuves des fonctionnaires civils : fr. 850,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Caisse de prévoyance des instituteurs primaires : fr. 65,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Masse d'habillement et d'équipement de la douane : 300,000. »
- Adopté.
« « Art. 6. Subsides offerts pour construction de routes : fr. 400,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Part des communes dans les frais de confection des atlas des chemins vicinaux : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Produit des amendes, saisies et confiscations opérées par l'administration des contributions : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Produit d'ouverture des entrepôts : fr. 14,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Recouvrement d'impôts en faveur des provinces : fr. 6,734,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Recettes en faveur des communes : fr. 1,950,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Taxe provinciale sur les chiens : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Taxe provinciale sur le bétail : fr. 125,000. »
- Adopté.
« Art. 8. 4 et 5 p. c. au profit des villes de Liège et Verviers, pour pillages : fr. 18,500. »
« Art. 1er. Amendes diverses et autres recettes soumises aux frais de régie : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Amendes de consignations et autres recettes non assujetties aux frais de régie : fr. 700,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Recouvrement de revenus pour compte de provinces : fr. 470,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Consignations de toute nature : fr. 1,500,000. »
- Adopté.
M. de Mérode dépose le rapport sur le projet de loi relatif à l’avancement dans l’armée des princes de la famille royale.
Plusieurs membres. - La lecture !
M. de Mérode donne lecture du rapport, qui est ainsi conçu : (Nous donnerons ce rapport.)
M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion du projet ?
Plusieurs membres. - A demain.
M. le président. - Si nous terminons aujourd’hui la discussion du budget des voies et moyens, il ne figurera à l’ordre du jour de demain que quelques projets relatifs à des délimitations de communes. En effet, M. le ministre de la guerre a témoigné le désir de ne pas assister à la séance de demain, et la chambre appréciera parfaitement le motif de désir ; nous ne pourrons donc pas nous occuper demain du projet de relatif au service sanitaire de l’armée. Nous pourrions donc mettre à l’ordre du jour de demain le projet de loi sur lequel il vient d’être fait rapport.
- La chambre consultée met le projet à l’ordre du jour de demain.
M. le président. - Nous passons aux articles du projet de loi.
L’article premier est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les impôts directs et indirects existants au 31 décembre 1846, principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant sur le fonds de non-valeurs qu’au profit de l’Etat, ainsi que la taxe des barrières, continueront à être recouvrés, pendant l’année 1847, d’après les lois et les tarifs qui en règlent l’assiette et la perception.
« A dater de la mise en activité du feu flottant de Paarden-Markt, le gouvernement est autorisé à percevoir, tant à l’entrée qu’à la sortie, un droit de fanal supplémentaire de trois centimes par tonneau, sur tout navire se rendant, par l’Escaut, de la mer en Belgique ou de la Belgique à la mer. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il me semble qu’à l’occasion de l’article premier, la chambre doit prendre une décision sur l’amendement de l’honorable M. Verhaegen. Si cet amendement était adopté, il formerait un paragraphe de l’article premier.
Dans une précédente séance, j’ai demandé le renvoi de l’amendement de l’honorable M. Verhaegen, soit aux sections, soit à une section centrale déjà existante, soit à une commission à nommer par le bureau. J’ai fait cette demande pour que la proposition de l’honorable députe de Bruxelles fût examinée comme le veut le règlement. J’indiquerai, en peu de mots, les motifs qui rendent cet examen nécessaire, indispensable.
Déjà, messieurs, dans de précédentes discussions, l’honorable M. Verhaegen avait admis lui-même que certaines exceptions pouvaient être faites au principe qu’il propose de décréter. Je me suis demandé jusqu’où devaient s’étendre ces exceptions, et quels devaient être d’après l’ensemble de la législation, l’application en droit et les résultats en fait de la proposition soumise à la chambre.
On a beaucoup parlé de la mainmorte, mais on n’a pas encore demandé de quelle nature était la mainmorte légalement autorisée en Belgique. Il existe, messieurs, à titre d’établissements de mainmorte, les provinces et les communes, les hospices, les bureaux de bienfaisance, les fondations d’instruction publique, les fabriques d’église, les séminaires et évêchés, enfin les corporations hospitalières autorisées en vertu du décret de 1809. Ce sont là les seules institutions de mainmorte légalement établies.
Je ne pense pas qu’il entre dans l’intention de l’honorable M. Verhaegen d’appliquer directement sa proposition aux provinces et aux communes ; je ne pense pas que telle en soit même la portée d’après les mots : « établissements de mainmorte ».
Peut-on appliquer davantage cet amendement aux hospices, aux bureaux de bienfaisance, aux fabriques d’église, aux séminaires et évêchés ? Notre législation est telle que, lorsque les établissements de bienfaisance ou les établissements religieux n’ont pas de ressources suffisantes, ils ont leur recours soit envers l’Etat, soit envers la province, soit envers la commune. Demandons-nous donc si, en fait, en appliquant aujourd’hui le principe de l’amendement de M. Verhaegen aux établissements que je viens d’énumérer, nous n’imposerions pas indirectement une charge plus lourde aux provinces et aux communes, et si, quant à l’Etat, nous ne nous donnerions pas exclusivement le malin plaisir de verser de l’argent de la poche gauche dans la poche droite ?
Eh bien, messieurs, d’après un aperçu que j’ai fait, après avoir consulté notamment quelques exposés de la situation des provinces, je crois ne pas exagérer en disant que les communes donnent aux institutions de bienfaisance, annuellement, une somme de plus de 5 millions. Et ces subsides donnés par les communes ne sont pas exclusivement relatifs à quelques localités, mais chacun de nous, en consultant les faits qui se passent tous les jours sous ses yeux, pourra dire qu’il n’est pas un bureau de bienfaisance, sur 30 ou 40, qui puisse se passer de subsides communaux, souvent très élevés. Ainsi quant aux bureaux de bienfaisance, nous ne les atteindrions pas puisque les communes, obligées par la loi de pourvoir à l’insuffisance des ressources de ces institutions, devraient augmenter le subside de plus de 3 millions qu’elles leur donnent annuellement.
L’honorable membre a admis une exception pour les petites donations faites à de petits établissements ; mais toutes choses sont proportionnelles : il faut demander, d’une part, quelles sont les ressources de chaque établissement et d’autre part quelles sont ses dépenses. Ainsi je prends l’établissement qui a incontestablement les charges les plus élevées de tout pays.
L’administration de la charité légale à Bruxelles reçoit sur les fonds communaux un subside ordinaire de 200 ou 250,000 francs, et elle est en instance pour voir augmenter ce subside. Chaque année, vous entendez retentir le conseil communal de demandes d’augmentation. Vous voyez donc qu’une exception, quant aux grands établissements, peut être aussi nécessaire que pour les petits établissements ; et je ne pense pas que l’administration des secours de Bruxelles, si on lui lègue un million (page 240) ou deux, s’en trouvât plus mal, et que la ville de Bruxelles eût beaucoup à s’en plaindre.
Les fabriques d’église, les séminaires et évêchés, autres établissements de mainmorte, sont exactement dans les mêmes conditions. C’est ainsi que chaque année vous portez des subsides au budget à raison de l’insuffisance des revenus des propriétés actuelles des séminaires et évêchés. Les provinces et les communes ont certaines charges à l’égard des établissements religieux ; et ces charges sont aussi très considérables.
Si donc la proposition de l’honorable M. Verhaegen s’appliquait aux fabriques et aux séminaires et évêchés, l’on n’aurait fait autre chose que d’augmenter, d’une part, les dépenses, et d’accroître, d’autre part, les charges déjà imposées aux communes dont en général la position financière n’est pas très prospère.
Il me reste à parler des fondations d’instruction publique et des congrégations d’hospitalières.
Les fondations d’instruction publique ont éprouvé de grandes pertes dans le cours de la révolution française. La plupart des fondations qui ont survécu sont pour ainsi dire d’anciennes propriétés de famille administrées par les familles mêmes des fondateurs ; et sous tous les régimes qui se sont succédé, soit qu’on voulût accorder une faveur aux fondations faites pour l’instruction publique, soit pour d’autres motifs, ces établissements ont été encouragés : on les a laissé échapper à l’impôt.
Aujourd’hui, moins que jamais, alors que par le vote de nos lois de budget, nous reconnaissons l’insuffisance des fondations, moins que jamais, dis-je, nous pouvons créer un impôt sur les fondations d’instruction publique.
Il reste enfin les congrégations d’hospitalières, autorisées eu vertu du décret de 1809.
Demandons-nous d’abord combien il existe en Belgique de ces congrégations ; combien il s’en est établi depuis 1830, et quelle est en définitive la matière imposable, s’il faut décompter toutes les exceptions que je viens d’énumérer ?
Il existe en Belgique 151 congrégations autorisées en vertu du décret de 1809 ; depuis 1830, et je suis heureux de pouvoir rectifier les impressions de l’honorable M. Verhaegen, depuis 1830, c’est-à-dire en 16 ans, l’on s’est borné à instituer dans tout le royaume 59 congrégations d’hospitalières. C’est le bilan des couvents établis depuis 1830.
Un membre. - Mais il y a d’autres couvents.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Permettez, nous parlons de la mainmorte légale.
D’après les comptes transmis au gouvernement, en exécution du décret de 1809, les communautés existantes jouissent d’un revenu imposable de 6,923 fr. 68 C. de sorte que, sauf erreur ou omission, toutes déductions faites, les voies et moyens nouveaux que l’honorable membre se proposait de créer, s’élèvent à la somme de 276 fr. 95 c. (Interruption.)
J’avais, messieurs, quelque raison de me défier des voies et moyens que l’honorable membre crée par ses discours, parce que l’année dernière, lorsqu’il s’est agi du vote de la loi sur la chasse, l’honorable membre m’avait promis deux cent mille flancs pour le produit de la location de la chasse dans les forêts domaniales, et, toutes adjudications faites, j’en ai retiré environ 1,800 francs.
Ainsi donc, comme résultat financier et comme résultat économique, la proposition de l’honorable M. Verhaegen exige un examen ultérieur.
Veuillez remarquer encore ce qu’on ferait en adoptant aujourd’hui cette proposition, sans modifier le décret de 1809.
Je disais, dans une discussion précédente, qu’en 1809, alors qu’on proscrivait certaines congrégations d’hommes, le gouvernement patronnait en quelque sorte l’institution des congrégations d’hospitalières. En effet, dans ce même décret, vous trouvez que les donations faites à ces établissements sont soumises au droit fixe ; et aujourd’hui, en laissant subsister l’article du décret de 1809 relatif au droit fixe, vous établiriez l’impôt de 4 p. c. sur le revenu !
La question doit être mûrie encore sous d’autres rapports. Lorsque le gouvernement des Pays-Bas établit le droit de 4 p. c. sur les biens de mainmorte, il ne voulait donner à cette mesure aucun caractère général, aucune apparence même de rétroactivité. En est-il de même de la proposition de l’honorable M. Verhaegen ? L’on parle des biens acquis ; ainsi donc l’honorable membre irait plus loin que le gouvernement des Pays Bas n’avait voulu aller, parce que ce gouvernement se bornait à imposer le payement de 4 p.c. comme une condition d’autorisation à des acquisitions futures, Ici, au contraire, l’on frapperait sans examen, je n’hésite pas à le dire, toutes les propriétés actuelles acquises sous une législation ultérieure.
L’on me disait tout à l’heure qu’il y avait d’autres établissements de mainmorte en Belgique. Eh bien, au point de vue de la situation financière, je n’en connais pas, il n’en existe pas. Les biens qui sont possédés par les associations, existant en vertu de nos libertés constitutionnelles, payent l’impôt le plus lourd qu’on puisse payer ; il me serait facile de le démontrer, mais je crois inutile d’entrer dans des détails, tant la chose me paraît évidente par elle-même.
Et d’ailleurs, messieurs, ai-je besoin de traiter cette question, alors que l’amendement de l’honorable membre se rapporte exclusivement à des établissements de mainmorte reconnus par la loi ?
L’honorable membre a parlé dans cette discussion, et ses paroles ont eu un certain retentissement, des donations qui ont été faites depuis 1830 et qui s’élèveraient à une somme de 200 millions. Ici encore j’ai recherché quelle était la réalité, et je suis arrivé à ce résultat que depuis 1830 les établissements de mainmorte reconnus par la loi, les fabriques ont reçu en donation de toute nature, mobilières et immobilières, avec beaucoup de charges pour la plupart d’entre elles, une somme totale de 7,416,477 francs, et les bureaux de bienfaisance, pendant la même période de 15 ans, ont reçu une somme de 7,129,191 francs. Voilà, messieurs, ce qui s’est fait, ce qui a été autorisé en Belgique depuis 1830, et je le répète encore, nous devons regretter, comme l’honorable membre, que ces libéralités n’aient pas été plus larges, parce que toutes les acquisitions que font ces établissements, viennent naturellement en déduction des charges que nos lois imposent à l’Etat, aux provinces et aux communes.
Messieurs, je me bornerai à ce simple énoncé des faits. Je ne crois pas que par la loi du budget l’on doive toucher légèrement au système des impôts. Toutes les parties de notre législation financière, surtout en ce qui concerne les mutations de biens, se lient intimement entre elles ; l’on ne peut pas déroger à un article de loi de frimaire an VII, à une des bases du système d’enregistrement ou de mutation, sans s’exposer à altérer le système tout entier, si l’on ne s’est pas préalablement livré un examen complet et approfondi.
Je n’oppose pas une fin de non-recevoir en principe à la proposition ; mais je demande, qu’en conformité des prescriptions du règlement, il y ait un examen ultérieur ; je demande que la chambre, fidèle à ses précédents, décide que la loi des voies et moyens est une loi d’application.
M. le président. - La proposition de M. le ministre des finances tend au renvoi de l’amendement de M. Verhaegen aux sections, pour qu’elles l’examinent comme loi spéciale.
M. le ministre des finances (M. Malou). - C’est cela.
(page 245) M. Verhaegen. – Je me suis attendu, je dois en convenir, à une résistance bien vive de la part de l’honorable M. Malou, quoique, en sa qualité de ministre (les finances, son devoir fût d’appuyer ma proposition. Aussi, nonobstant ses observations, qui pour la plupart sont basées sur des erreurs de fait, je persiste à provoquer un vote sur l’article additionnel que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre. (Interruption.) Messieurs, vos murmures ne m’arrêteront pas ; la justice exige qu’après avoir entendu M. le ministre, on veuille bien m’entendre aussi.
Messieurs, si dans la précédente séance j’ai laissé entrevoir la possibilité, l’opportunité même de certains amendements, je n’ai pris toutefois sur ce point, aucun engagement personnel ; j’ai voulu laisser à mes honorables collègues le soin de formuler des exceptions, et jusque-là je maintiens ma proposition telle que j’ai eu l’honneur de vous la soumettre.
En passant en revue tous les établissements de mainmorte reconnus par la loi et dont je veux frapper les revenus d’un impôt annuel de 4 p. c., le ministre a glissé fort adroitement sur les établissements les plus importants, pour ne vous parler que des bureaux de bienfaisance, des congrégations hospitalières, des petites fabriques d’église, et, partant de ne sais quelle base, il est allé jusqu’à vous dire que les revenus que je voudrais ainsi frapper ne se montaient qu’à 6,900 et quelques francs, ce qui, à raison de 4 p. c., ne procurerait au trésor qu’une ressource annuelle de 276 francs 85 cent., mauvaise plaisanterie s’il en fût jamais ! M. le ministre a fait rire, mais c’était bien à ses dépens.
Je comprends que M. le ministre, en absorbant le principe de ma proposition par des exceptions de toute nature comme il l’a fait naguère pour les locations des droits de chasse qui auraient pu rapporter au trésor une somme considérable, arrive à des résultats insignifiants ; mais s’il veut franchement l’impôt qui fait l’objet de mon article additionnel et s’il ne propose d’exception qu’en faveur des provinces et des communes, des hospices et des bureaux de bienfaisance, exception que je ne serais éloigné d’admettre, je puis garantir au trésor des ressources considérables ; aussi les chiffres que j’ai indiqués dans une précédente séance sont loin d’être exagérés.
Messieurs, j’ai cité des faits nombreux, et personne dans cette enceinte n’a osé les contredire. J’ai parlé entre autres de la fabrique de l’église cathédrale de Liège et je lui ai attribué trois cent mille francs de revenu annuel. Eh bien ! une lettre qui m’est parvenue hier et qui émane d’un homme très compétent à raison de sa position, me dit que mon chiffre est exact pour la fabrique de la cathédrale, mais que j’aurais dû ajouter que le séminaire de Liége, qui était déjà tellement riche en 1699 que les (page 246) jésuites se sont, à cette époque, emparés de ses biens par la forte armée, jouit aussi aujourd’hui d’un revenu annuel de 300,000 francs. Voilà donc pour ces deux seuls établissements qui en réalité n’en font qu’un, un revenu de six cent mille francs, qui, à 3 p. c., donnent un capital de vingt millions. Peut-on douter après cela de l’influence territoriale de monseigneur Van Bommel ? Et pour l’agrandir encore, il faudrait exempter les fabriques d’églises et les séminaires de tout impôt !
Les séminaires, d’après les lois existantes, jouissent des avantages de personnification civile ; mais déjà par un abus que nous ne saurions assez flétrir, on est parvenu à étendre ces avantages à des collèges épiscopaux, à des écoles normales du clergé que, sous la dénomination de petits séminaires, on fait passer pour des succursales des grands séminaires ; voyez le petit séminaire de Rolduc que la majorité de cette chambre, malgré notre incessante opposition, a si richement doté, et qui n’est, au fond, que l’école normale de monseigneur de Liége.
Le même abus existe, quant aux congrégations hospitalières ou plutôt quant aux établissements d’instruction pour le sexe féminin, qui sous la dénomination de congrégations hospitalières invoquant le décret de 1809, obtiennent du ministère la faveur de la personnification civile et s’emparent par ce moyen de biens considérables. C’est ainsi que les dame du sacré cœur de Mons étaient parvenues à se faire léguer par une vieille fille morte en état de folie, des biens ayant une valeur de 240,000 francs. C’est encore ainsi que les dames de charité de Braine-l’Alleud sont parvenues à se faire attribuer, au détriment de parents pauvres, une petit fortune assez ronde. Mais comme je l’ai dit dans une précédent séance, la qualité de personne civile attribuée aux établissements de dames du sacré cœur de Mons et des dames de charité de Braine-l’Alleud par des arrêtés royaux, en violation du décret de 1809, vient d’être formellement méconnue par la cour d’appel de Bruxelles, et ces établissements ont été, par des arrêts solennels, déclarés non recevables. Pour rien réclamer des legs qui leur avaient été laissés par testament. Je comprends d’après cela la sortie qui a été faite, sur un des bancs de la droite contre l’ordre judiciaire, que je considère, moi, comme la seule sauvegarde de la Constitution et des droits qu’elle proclame ; je conçois maintenant le mépris que l’on affiche pour la chose jugée.
Messieurs, en portant à deux cents millions le chiffre des biens acquis dans notre pays depuis 1830, par des établissements de mainmorte, je n’ai rien exagéré, j’ai cité quelques faits principaux qu’on n’a pas même osé contester, et je maintiens du reste tout ce que j’ai dit, en défiant le ministère d’y répondre un seul mot.
M. le ministre, pour distraire l’attention de la chambre des faits importants que j’ai signalés, vous a parlé constamment des hospices et entre autres des hospices de Bruxelles ; mais comme je vous l’ai dit déjà, les sources de la bienfaisance ont été détournées. Depuis deux ans les hospices n’ont reçu ni dons ni legs, et la commune est obligée, comme l’a dit M. le ministre lui-même il n’y a qu’un instant, de venir à leur secours par des subsides considérables. D’ailleurs, qu’on propose une exception en faveur des hospices, des bureaux de bienfaisance, et je me rallierai volontiers à cette proposition.
Messieurs, on demande le renvoi de ma proposition aux sections. Mais à quoi aboutirait ce renvoi ? J’ai lieu de croire que toutes les opinions sont faites et arrêtées. De la manière dont les choses se passent dans cette enceinte, d’après les marques de désapprobation que j’ai aperçues pendant la discussion, je crains bien qu’il y ait parti pris de rejeter l’article additionnel. Eh bien, que ceux qui ne veulent pas de cet article, quoi qu’il soit destiné à créer des ressources considérables au trésor et mettre ainsi le gouvernement à même d’alléger le fardeau qui pèse sur les classes ouvrières, aient au moins le courage de leur opinion, et répondent non ! De cette manière nous en finirons ; mais ce ne sera pas, j’en conviens, à l’édification du pays.
Messieurs, qu’on ne s’y trompe pas, la question est complexe ; il y a un autre point à prendre en considération, et à coup sûr pour celui-là il n s’agit pas d’un examen ultérieur.
J’ai eu l’honneur de vous parler des arrêtés du roi Guillaume de 1825 qui avaient imposé à l’acceptation de certaines donations et legs la condition d’un payement annuel de 4 p. c. sur la valeur locative. Je vous a parlé de l’instruction ministérielle du 5 mai 1831, dans laquelle il est dit que, sous l’empire de la constitution de 1830, pareilles conditions ne pouvaient plus être imposées, et, en vous indiquant le pour et le contre, j’a reconnu que la question pouvait être controversée ; aussi, pour éviter toute discussion ultérieure sur ce point, vous ai-je proposé de décréter, par une loi, les principes proclamés par les arrêtés de Guillaume. C’est là le véritable objet de mon article additionnel.
Mais, messieurs, l’instruction ministérielle de 1831 ne concerne que le autorisations données postérieurement à la Constitution de 1830, et elle dit en termes explicites que les conditions attachées à des autorisations antérieures doivent être exécutées comme conditions contractuelles domaniales. En agissant aujourd’hui contrairement à l’instruction du 5 mai 1831, le gouvernement fait un véritable cadeau aux établissements de mainmorte, au détriment du trésor. Il faut donc qu’il revienne à cette instruction immédiatement et sans attendre l’adoption de mon article additionnel.
M. Vanden Eynde. - Cet impôt est illégal.
M. Verhaegen. - L’honorable M. Vanden Eynde n’a pas compris la question, car ceux qui soutiennent que l’impôt est illégal invoquent la Constitution.
M. Dubus (aîné). - Et la loi fondamentale.
M. Verhaegen. - Il y a une grande différence entre la loi fondamentale et la Constitution de 1830.
M. Vanden Eynde. - Cet impôt était perçu contrairement à la loi fondamentale.
M. Verhaegen. – Allez encore un peu plus loin et alors vous devrez restituer ce qui, d’après vous, aurait été perçu illégalement. Ainsi non seulement vous rejetterez la ressource nouvelle que je veux créer au trésor, mais vous grèverez le trésor de toutes les sommes perçues indûment. Voilà jusqu’où va la générosité des partis, lors qu’il s’agit de leurs idoles.
Vous voyez donc, messieurs, que la discussion est double et qu’au moins quant à ce dernier point, il ne peut pas être question d’un renvoi aux sections ni d’intervention de la législature. C’est au gouvernement seul à agir et tout de suite.
Quant à mon article additionnel, je l’ai formulé à l’occasion du budget des voies et moyens, comme d’autres propositions du même genre ont été formulées par MM. les ministres eux-mêmes ; il n’y a donc pas lieu non plus au renvoi en sections, et la chambre doit s’en occuper de suite.
(page 240) M. le ministre des finances (M. Malou). - L’honorable membre désire que sa proposition ne soit pas ultérieurement examinée, je ne puis pas persister dans la proposition d’un renvoi. Il nous faut donc aborder le fond, et je me féliciterai de l’avoir abordé tout à l’heure.
L’honorable membre parle des faits qu’il a cités à une précédente séance. Mais j’attendais toujours qu’il nous démontrât que ces prétendues donations ont été faites à des établissements qui tombent sous l’application de l’article qu’il a formulé, et c’est une preuve que l’honorable membre n’a pas entreprise, parce qu’elle est impossible.
Je m’attendais également à voir l’honorable M. Verhaegen citer, en dehors des catégories d’établissements de mainmorte que j’ai indiqués, d’autres catégories, ce qu’il a appelé les « gros » établissements ; il n’en a rien fait. Je m’attendais enfin à lui voir démontrer qu’il était rationnel et logique, j’allais presque dire qu’il n’est pas absurdes, d’imposer les communes d’augmenter les secours que les communes sont tenues de fournir aux établissements publics ; et cette preuve, encore une fois, l’honorable membre ne l’a pas même essayée.
Les hospices de Bruxelles n’ont rien reçu, et parce que les hospices de Bruxelles n’ont rien reçu, parce que la commune leur donne chaque année un subside de 2 à 300,000 fr., on veut imposer les biens que les hospices possèdent actuellement.
M. de Bonne. - Je vais proposer un amendement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L’honorable M. de Bonne nous annonce un amendement tendant probablement à excepter les hospices de Bruxelles ?
M. de Bonne. - Ne me faites pas dire des sottises. Je proposerai un amendement pour excepter les hospices et les établissements de charité en général.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je suis charmé d’avoir provoqué l’explication. Mais que prouvera cet amendement lui-même, sinon que dans la généralité, comme l’honorable M. Verhaegen le maintient, la proposition ne peut pas être admise ? Et j’ai démontré par les mêmes raisons que cette proposition ne peut pas être admise en ce qui concerne les établissements religieux qui reçoivent des subsides des communes.
L’honorable M. Verhaegen est revenu également sur cette considération que le gouvernement pouvait opposer à une donation telles conditions que bon lui semble. Je croyais avoir répondu déjà à cet argument. Le gouvernement peut imposer des conditions, mais il ne peut pas établi des impôts par arrêté royal ; et le gouvernement précédent, sous le régime de la loi fondamentale, ne le pouvait pas plus que le gouvernement actuel.
Ainsi, d’après le système de l’honorable membre, lorsque le gouvernement confère une place de notaire, une place d’avoué, une place d’agent de change, il pourrait dire : J’impose pour condition que vous me payerez 30, 40, 50,000 fr., car évidemment l’analogie est parfaite.
Je ne puis, messieurs, qu’imposer que les conditions légales, que les conditions constitutionnelles ; et celles qui ont été imposées à l’acceptation de certaines donations ne l’étaient pas.
On l’a reconnu à toutes les époques. On l’a reconnu à l’époque de la révolution, parce qu’alors on a examiné cette question avec soin, et été décidée après snùr examen. Cette disposition a été reconnue arbitraire ; sous le régime de la Constitution actuelle on ne pouvait maintenir cette perception arbitraire et illégale.
Il n’y a pas d’analogie, messieurs, entre la proposition que l’honorable M. Verhaegen a indiquée et celle qu’il nous fait aujourd’hui. La proposition relative au canal de Mons à Condé avait été examinée par la section (page 241) centrale, elle ne s’était pas produite directement dans la discussion et elle se rattachait du reste au budget des voies et moyens en ce qu’elle ne préjugeait pas de question de principe.
M. de Brouckere. - Messieurs, je demanderai que la chambre, dans l’impossibilité où elle se trouve de se prononcer sur une proposition telle que celle qu’a faite l’honorable M. Verhaegen, en ordonne le renvoi à la section centrale qui a été chargée d’examiner le budget des voies et moyens. Cette section pourra se réunir un moment demain et nous faire son rapport à l’ouverture de la séance.
Plusieurs membres. - Le renvoi aux sections !
M. de Brouckere. - L’honorable M. Malou avait demandé le renvoi aux sections...
M. le ministre des finances (M. Malou). - Un examen quelconque.
M. de Brouckere. - Eh bien, je demande le renvoi à l’examen de la section centrale du budget des voies et moyens.
M. Verhaegen. - Je déclare ne pas m’opposer à ce renvoi.
M. de Bonne. - Je ne vous répéterai pas, messieurs, ce que vous a dit l’honorable ministre des finances relativement à la charge imposée aux provinces et aux communes, de suppléer à l’insuffisance des ressources des hôpitaux et des établissements de bienfaisance ; je ne reproduirai pas non plu les observations présentées par l’honorable M. Verhaegen sur le manque de donations en faveur des institutions de charité. Tout cela est parfaitement exact. M. le ministre des finances a dit que depuis 1830 il n’a pas été fait pour 7 millions de donations. Eh bien, messieurs, la centième partie de ces donations n’a pas été faite aux établissements de bienfaisance ; tous ces dons ont profité à des corporations hospitalières ou d’instruction, ou aux séminaires.
Voici, messieurs, l’un des avantages qui résulteraient de l’adoption de la proposition de M. Verhaegen. En 1834, il a été voté une loi qui a accordé aux fabriques d’églises la propriété des biens celés révélés au domaine public. Cette loi a eu pour effet d’augmenter les revenus de toutes les fabriques du royaume, car vous savez, messieurs, que les ecclésiastiques étaient parvenus à cacher parfaitement ces biens, et les fabriques en ont retrouvé jusqu’à concurrence de plus de 100,000 francs de revenu. Eh bien, messieurs, ces propriétés ne payent plus l’impôt et l’amendement de l’honorable M. Verhaegen les y soumettrait.
Je crois bien que le ministère a plus de sympathie pour les établissements cléricaux que pour les établissements de charité...
M. le ministre des finances (M. Malou). - Pas du tout, c’est la même chose.
M. de Bonne. - Messieurs, si vous obligez les établissements de charité à payer un droit de 4 p. c., ce sera une charge pour les communes et pour les provinces. Quant au gouvernement, il ne vient pas au secours de ces établissements, mais il n’en est pas de même des séminaires ; ceux-là sont soutenus, favorisés par les fonds de l’Etat, témoin les 300,000 fr. que la chambre a votés pour le déplacement du petit séminaire de Rolduc.
Tout en appuyant l’amendement de mon honorable collègue, M. Verhaegen, je le trouve trop général et je pense qu’il doit être restreint.
Je propose, messieurs, d’ajouter à l’amendement de l’honorable M. Verhaegen, ce qui suit :
« A l’exception des hôpitaux et des bureaux de charité. »
Un membre. Les bureaux de bienfaisance.
M. de Bonne. - J’ajouterai les bureaux de bienfaisance.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il y aurait bien d’autres choses à y ajouter.
Un membre. - Présentez un amendement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On me provoque à présenter des amendements. Je sais, messieurs, que je puis user du droit d’amendement, mais je n’ai pas une facilité assez grande pour improviser à la fois huit ou dix exceptions à la règle que veut établir l’honorable M. Verhaegen.
Les exceptions devraient être tellement nombreuses qu’elles étoufferaient en quelque sorte la règle.
Je ne repousse pas d’une manière absolue l’examen de la proposition de l’honorable M. Verhaegen ; je demande, au contraire, qu’elle soit examinée commune doit l’être une loi de principe. Veuillez remarquer, messieurs, quelles seraient les conséquences d’une discussion immédiate : on proposera quelques exceptions, fort bien, mais donnera-t-on les moyens d’exécution ? Quand le roi des Pays-Bas a établi cet impôt d’une manière illégale, il a au moins réglé le mode d’application ; pourrait-on faire la même chose en statuant aujourd’hui sur la proposition de M. Verhaegen ? Mais je pourrais indiquer plusieurs questions différentes qui doivent étre examinées avant qu’on ne puisse prendre une décision.
C’est uniquement pour que toutes ces questions puissent être examinées que j’ai demandé le renvoi, soit aux sections, soit à une commission, et non pas le renvoi aux calendes grecques ; car alors il y aurait eu une chose bien plus simple, c’était de voter immédiatement.
M. de Man d’Attenrode. - Je n’ai demandé la parole que pour combattre le renvoi de l’amendement de l’honorable M. Verhaegen à la section centrale du budget des voies et moyens. Cette section centrale, messieurs, a été chargée d’examiner des questions de finances, d’intérêt matériel, tandis qu’ici, il s’agit d’une question de principe, d’une question d’intérêt moral. Je pense qu’une question aussi importante doit subir l’examen des sections, afin que chacun de nous puisse prendre part à l’examen de cette proposition, qui tend à léser de si graves intérêts.
M. Rogier. – Messieurs, je félicite mon honorable ami M. Verhaegen d’avoir fait la proposition qui vous est soumise. Cette proposition est à mes yeux d’une grande importance, et c’est parce qu’elle est d’une grande importance que je ne voudrais pas qu’elle fût en quelque sorte étranglée dans la discussion du budget des voies et moyens. M. le ministre des finances, dans de bonnes intentions sans doute, en a demandé le renvoi aux sections, et je crois que c’est en effet la marche que la proposition devrait suivre, à raison même de sa portée, que M. le ministre des finances a d’ailleurs beaucoup trop rapetissés.
Messieurs, des arrêtés du roi Guillaume ont frappé d’une redevance annuelle de 4 p. c, les revenus des biens tombés en mainmorte ; ces arrêtés ont été attaqués par l’opposition d’alors, non pas à raison de l’injustice ou de l’inconvenance qu’il y aurait eu dans la mesure, mais à raison de l’illégalité de cette mesure. C’est sous ce point de vue que l’opposition unioniste d’alors a combattu ces arrêtés. L’opposition unioniste ne voulait pas que les biens tombés en mainmorte fassent exempts de l’impôt, et je crois que nous devons encore aujourd’hui être d’accord sur la convenance d’assujettir ces biens à l’impôt. Maintenant faut-il quelques exceptions ? C’est un point que je n’examine pas, mais précisément parce qu’il peut y avoir lieu à admettre des exceptions, je demande que la proposition, que je considère comme excellente en principe, comme reposant sur la justice et l’équité, je demande que cette proposition soit renvoyée aux sections et soumise à un examen approfondi.
Je pense, quoi qu’en ait dit M. le ministre des finances, un peu prématurément, qu’il y a là moyen d’assurer au trésor une ressource qui s’élèverait au-delà d’une somme de quelques centaines de francs. Cette manière de discuter n’est pas sérieuse : aussi M. le ministre des finances, dans son deuxième discours, m’a paru revenir à une meilleure appréciation de la proposition ; mais je regrette qu’il ait eu recours à un moyeu si peu sérieux pour combattre une proposition très sérieuse.
D’ailleurs la proposition n’eût-elle pour effet que d’apaiser l’opinion publique sur certains abus, réels ou non, d’éclairer le public, de faire cesser des préjugés s’il y en a, n’eût-elle que ce seul effet, ce serait encore un très grand bien.
En résumé, messieurs, c’est parce que je considère la proposition comme ayant une grande portée, comme ayant beaucoup d’importance, que j’en demande le renvoi aux sections de la chambre pour y être l’objet d’un examen approfondi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J’avais dès le principe demandé le renvoi aux sections et je regrette que l’honorable membre ait pu croire qu’il y avait une espèce de versatilité dans mes opinions.
Lorsque j’ai indiqué les exceptions qui me paraissaient nécessaires, je l’ai fait uniquement pour démontrer qu’un examen ultérieur devait avoir lieu.
M. Verhaegen. – Je ne me suis opposé, je le dirai franchement, au renvoi en sections, que parce que ma proposition avait été accueillie par les murmures sur certains bancs de la chambre, et puisque M. le ministre des finances vient de nous dire qu’il ne repousse pas en principe ma proposition...
M. le ministre des finances (M. Malou). - L’examen.
M. Verhaegen. - Qu’il ne repousse pas immédiatement le principe de ma proposition, sauf à examiner quelles seraient les exceptions à y apporter, puisque M. le ministre des finances a fait cette déclaration, je trouve que la question a fait un grand pas. Je m’en félicite et je déclare que je ne m’oppose plus à ce que ma proposition soit renvoyée aux sections.
- Le renvoi aux sections est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures 3/4.