(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M*.* Liedts.)
(page 133) M. Huveners procède à l’appel nominal à 1 heure et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les membres du conseil communal de Heurne (Flandre orientale) prient la chambre de voter un crédit extraordinaire pour subvenir aux besoins de la classe nécessiteuse. «
Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi concernant des crédits pour mesures relatives aux subsistances.
« Le sieur Deyaert, fermier des passages d’eau à Maeseyck, à Visserweerd et à Oldenyk, demande une indemnité du chef des pertes qu’il a essuyées dans son fermage par suite des mesures de représailles prise vis-à-vis des Pays-Bas. »
Sur la proposition de M. Huveners, cette requête est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Les médecins de Mons demandent que la pratique civile soit interdite aux officiers du service de santé, et proposent des mesures pour faciliter le mode de recrutement de ces officiers. »
Renvoi à la section centrale chargée d’examiner les amendements au projet de loi sur le rang et le mode d’admission et d’avancement des médecins militaires.
« Les pharmaciens des diverses villes et communes du pays demandent une loi sur la réorganisation de la pharmacie. «
M. Osy.- Messieurs, presque tous les pharmaciens du pays s’adressent à la chambre, par cette pétition que rendent assez volumineuse le grand nombre des signatures qu’elle porte ; ils demandent une loi organique sur l’exercice de la pharmacie. Je prierai la chambre de renvoyer cette requête à la commission des pétitions, et de l’inviter à faire son rapport le plus promptement possible et, s’il se peut, avant la discussion du budget de l’intérieur.
M. Orban. - J’avais précisément l’intention de demander aujourd’hui la parole pour interpeller M. le ministre de l’intérieur sur la suite qu’il a donnée ou qu’il se propose de donner aux nombreuses réclamations faites par les pharmaciens pour obtenir la loi dont il s’agit. Il n’y a pas de session où nous ne recevions un grand nombre de pétitions à cet égard. Chaque fois ces pétitions sont reconnues parfaitement fondées, et renvoyées au ministre de l’intérieur avec demande qu’un projet de loi soit présenté ; mais ensuite il n’en est plus question.
Il est cependant évident que rien n’est plus juste que ces réclamations : on impose aux pharmaciens des charges nombreuses ; ils sont obligés de tenir leur pharmacie d’une manière extrêmement dispendieuse et ils ne jouissent d’aucune protection : on permet aux médecins d’exercer la pharmacie concurremment avec eux. Savez-vous, messieurs, quelle est la conséquence de cet état de choses ? C’est que les médecins exerçant la pharmacie, les pharmaciens, à leur tour, se croient autorisés à exercer la médecine. Il n’y a pas, en effet, plus d’inconvénients à ce qu’un pharmacien n’ayant que des notions insuffisantes en médecine, se mêle d’exercer cet art, qu’il n’en existe à ce qu’un médecin qui n’a pas fait une étude particulière de la pharmacie et de ses manipulations, exerce lui-même cette profession.
Un fait récent fera comprendre à M. le ministre de l’intérieur la nécessité de ne pas différer davantage la présentation d’un projet de loi. Il a lui-même annoncé la présentation d’un projet de loi sur l’exercice de la médecine vétérinaire et, dans ce projet il existe une disposition qui défend, dans une certaine mesure, aux médecins vétérinaires de pratiquer la pharmacie. il est évident qu’il y a lieu de prendre d’abord cette mesure en ce qui concerne les médecins, car l’une n’est en quelque sorte que le corollaire, la conséquence de l’autre. La défense faite aux médecins vétérinaires présuppose nécessairement une disposition analogue en ce qui concerne les médecins. J’espère qu’il me suffira d’avoir mis ce rapprochement sous les yeux de M. le ministre pour faire cesser la trop longue hésitation que l’on a mise à saisir la chambre du projet de loi qu’elle réclame.
M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour appuyer la proposition de l’honorable M. Osy, tendant à ce qu’un rapport nous soit fait, si est possible, ava nt la discussion du budget de l’intérieur.
Depuis longtemps, messieurs, le gouvernement s’occupe du projet de loi qui est sollicité, et je suis persuadé que M. le ministre s’empressera (page 146) de nous le présenter. Nous avons reçu à cet égard un nombre considérable de réclamations ; plus de cinquante pétitions nous ont été adressées, je crois, en effet, qu’il y a quelque chose à faire. Je pense, toutefois que les pharmaciens demandent infiniment trop ; mais la loi doit être modifiée.
J’appuie la proposition de M. Osy, et je prie M. le ministre de bien vouloir nous dire où en est le projet en question.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Plusieurs d’entre vous messieurs, ont lu les discussions de l’Académie de médecine et connaissent les conclusions qu’elle a adoptées et qui sont en général défavorables aux réclamations des pharmaciens. Toutefois, j’examinerai par moi-même cette question et je me réserve de faire à cet égard des propositions à la chambre, s’il y a lieu. J’aurai plusieurs propositions à lui soumettre sur l’exercice de la médecine.
Mais je dois encore dire ici, comme je l’ai fait observer hier à l’honorable M. Lejeune, qu’il y a pas impossibilité absolue à entamer toutes ces questions dans cette session.
M. David. - Je prendrai la liberté de demander à M. le ministre de l’intérieur, s’il se trouve dans le corps de l’Académie de médecine, en compensation des médecins qui sont là pour juger les questions, un nombre suffisant de pharmaciens. L’honorable M. Osy m’apprend que l’Académie ne compte dans son sein qu’un seul pharmacien. Je demande si l’on ne doit pas établir la pondération, lorsqu’il s’agit d’un intérêt aussi important que celui-là.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je crois que cette discussion est prématurée ; veuillez remarquer que la plupart des membres de l’Académie royale de médecine sont complétement désintéressés dans la question, attendu qu’ils appartiennent presque tous aux villes ; il n’y en a peut-être pas un seul qui cumule les fonctions de pharmacien avec celles de docteur en médecine. On ne peut donc pas ainsi suspecter les intentions du corps qui a émis son avis.
- La chambre consultée renvoie la pétition à la commission des pétitions, avec prière d’en faire un rapport avant la discussion du budget de l’intérieur.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale à laquelle vous avez confié le soin d’examiner le budget des voies et moyens.
M. le président. - Il est donné acte à M. le rapporteur du dépôt de ce rapport qui sera imprimé et distribué ; à quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Quand le rapport sera-t-il imprimé ?
M. le président. - Il faudra au moins quatre jours.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait fixer dès à présent la discussion trois jours après la distribution.
M. Mast de Vries. - D’après l’observation de M. le président, le rapport ne sera distribué que mercredi ; si vous fixez la discussion trois jours après la distribution du rapport, vous commencerez cette discussion samedi ; je demande que le budget soit mis à l’ordre du jour lundi 8.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, si le rapport pouvait être distribué plus tôt, il serait important de commencer la discussion après qu’un délai moral se serait écoulé depuis la distribution du rapport. Il y a, je crois, peu de projets dont les rapports sont faits, qui puissent être mis à l’ordre du jour en ce moment.
Ainsi en activant l’impression, on pourrait peut-être distribuer le rapport lundi, et alors on pourrait commencer jeudi ou vendredi.
M. le président. - M. le rapporteur pense que la distribution pourra se faire mardi soir.
M. Delfosse. - Le budget des voies et moyens est le plus important de tous les budgets ; on doit au moins laisser quelques jours entre la distribution du rapport et sa discussion ; si le rapport de l’honorable M. de Man ne doit être distribué que mardi soir, il ne convient pas d’en aborder la discussion avant vendredi. Il serait même préférable de la fixer au lundi suivant.
Si la discussion était fixée à jeudi, on n’aurait qu’un jour pour étudier le rapport de l’honorable M. de Man ; c’est évidemment trop peu.
Je suis porté à croire, d’après les antécédents de l’honorable membre, que son travail est d’une certaine étendue et qu’il soulève plus d’une question digne de l’attention de la chambre.
- La chambre consultée fixe à vendredi prochain la discussion du budget des voies et moyens.
M. Zoude. - J’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi provisoire de répartition de la contribution foncière pour 1847.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué aux membres.
A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - A la suite de l’ordre du jour, avant le budget des voies et moyens.
- Cette proposition est adoptée.
M. Zoude. - J’ai l’honneur de proposer à la chambre de mettre à son ordre du jour le projet de loi qui a pour but d’accorder l’exemption du droit de barrière pour les plâtres destinés à l’agriculture. Le rapport sur ce projet est entre les mains de tous les membres ; la chambre voudra se rappeler que la loi de 1834 accordait l’exemption du droit de barrière aux plâtres indigènes destinés à l’agriculture. Ce plâtre indigène est devenu exotique par la cession de la partie du Luxembourg qui seule avait des carrières de plâtre. J’espère que la chambre, qui porte un grand intérêt à l’agriculture, voudra bien s’occuper de ce projet qui ne lui prendra pas beaucoup de temps, car ce sera l’objet d’un appel nominal, Il aura d’autant plus d’utilité maintenant que c’est une saison morte pour les laboureurs et qu’ils pourront en profiter pour faire leurs provisions.
- La chambre décide que ce projet sera mis à la suite de l’ordre du jour.
M. Verhaegen. - Je demande la parole.
Messieurs, je prends la parole, non pour combattre le chiffre porté au budget pour les traitements des agents diplomatiques, mais pour faire quelques observations pour l’avenir. Ces observations se rattachent surtout à l’arrêté d’organisation qui a paru dans le Moniteur d’hier matin. Il est assez extraordinaire que cet arrêté qui méritait de fixer l’attention des membres de la législature avant la discussion du budget des affaires étrangères, il est assez extraordinaire, dis-je, que cet arrêté ait paru précisément le jour où commençait cette discussion.
Cet arrêté, à la première vue, - car il nous a été impossible d’en faire un examen approfondi, - est de la même catégorie que les arrêtés d’organisation dont nous nous sommes occupés avant-hier. Il y règne l’arbitraire le plus large. Le gouvernement a l’air d’organiser ; au fond il n’organise rien ; il a l’air de fixer, au fond il ne fixe rien ; il lui est libre de rétribuer comme il l’entend, de fixer les chiffres des indemnités comme il le juge à propos et même des appointements proprement dits.
Je ne vois dans cet arrêté ni minimum ni maximum.
Il y a dans l’arrêté, à l’article 44, des chiffres fixés pour les traitements d’inactivité ; il y a aussi des chiffres fixés, comme minimum et maximum, pour les frais de voyage. Mais, ainsi que l’a fait remarquer l’honorable M. Osy, il règne dans cette fixation un arbitraire tel que le gouvernement n’a absolument rien fixé. Ainsi, pour les frais de voyage on trouve un article qui fixe le minimum de 4 à 5 mille francs et le maximum à 12 mille francs, de sorte qu’une année on accordera 4 ou 5 mille francs, et l’année suivante, lorsque ce sera un autre individu, on lui accordera une somme triple. Cet arbitraire nous autorise à dire que le gouvernement, en définitive, n’a rien fixé ; que, comme par le passé, il fera tout ce qu’il voudra.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères comment, après avoir fixé le chiffre des traitements d’inactivité à l’article 44, il n’a pas fixé le traitement d’activité des agents diplomatiques des différents degrés. Il y avait les mêmes motifs que pour les traitements d’inactivité.
L’article premier de l’arrêté est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les agents politiques et les agents consulaires rétribués jouissent d’un traitement ou indemnité fixe, réglé par nous, sur la proposition de notre ministre des affaires étrangères. »
Cet article n’est rien de nouveau ; il maintient l’état actuel des choses. Vous ne dites pas quels seront le minimum et le maximum ; vous ne faites donc absolument rien par votre arrêté.
Un autre point sur lequel j’aurai l’honneur de fixer l’attention de la chambre et sur lequel je demanderai à M. le ministre des explications catégoriques est celui-ci :
L’article 14 porte :
« Art. 14. Les agents, de retour de leur mission, sans qu’ils y soient remplacés, ont droit à un traitement d’inactivité, lequel est fixé à, etc. »
Les termes de cet article sont tellement larges qu’on pourrait fort bien un jour l’appliquer aux agents diplomatiques qui ont été chargés de missions temporaires, ou bien à ceux qui avaient des missions déterminées. D’où il pourrait résulter, par exemple, pour nous occuper de la mission dont il a été question hier, que s’il était mis fin à la mission de notre honorable collègue envoyé à Rome pour une mission temporaire, dans le système du ministère, et s’il n’était pas remplacé dans cette mission, d’après les termes de l’article 14 largement appliqués, on pourrait lui donner un traitement d’inactivité de 6,000 fr. Je voudrais savoir de M. le ministre des affaires étrangères si dans sa manière de voir, l’article 14 est applicable à ceux qui ont rempli des missions temporaires à l’étranger. Une explication catégorique est nécessaire pour qu’il n’y ait plus de doute sur ce point.
M. Osy, rapporteur. - J’appuie les observations de l’honorable préopinant ; je comprendrais, comme je l’ai dit, qu’il y eût dans la fixation des frais de voyage un taux différent pour les diplomates qui sont célibataires et pour ceux qui sont mariés. Mais il y a entre les maximum et les minimum des différences énormes que rien ne justifie. Tout est laissé à l’arbitraire du gouvernement. Il en résultera qu’il sera assailli de réclamations de la part des agents diplomatiques, qui voudront avoir le plus possible.
Une chose m’a frappé dans l’article premier ; il porte :
« Art. 1er. Les agents politiques et les agents consulaires rétribués jouissent d’un traitement ou indemnité fixe, réglé par Nous, sur la proposition de notre ministre des affaires étrangères. »
(page 147) Or, ce n’est pas M. le ministre des affaires étrangères, c’est nous qui fixons les traitements par le budget. Nous votons bien une loi, par laquelle nous demandons un million à M. le ministre des affaires étrangères ; mais le gouvernement est obligé de se conformer au tableau joint au budget ; ce n’est pas par arrêté royal qu’on fixe les traitements, ainsi l’article premier est encore une fois inconstitutionnel. Nous fixons les traitements par chaque budget, de manière que le gouvernement ne peut dire qu’il fixe les traitements. Il faudrait dire que les traitements sont fixés par le budget ; car le budget est annal ; nous pouvons, chaque année, augmenter ou réduire les traitements.
Je demande, à ce sujet, des explications à M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Les honorables membres ont soumis à leur critique l’arrêté qui a paru récemment dans le Moniteur, pour régler les traitements, les retenues, les dépenses à rembourser aux agents diplomatiques et consulaires et surtout leurs frais de séjour et de déplacement.
M. Verhaegen s’est étonné de ce que cet arrêté a paru si tard, le jour même de la discussion du budget de mon département. Cet honorable membre comprendra que ce règlement se rattachait essentiellement aux arrêtes organiques des administrations centrales des ministères. C’est une organisation du service extérieur, comme les autres arrêtés forment l’organisation du service intérieur. Ces questions se lient l’une à l’autre. Je ne pouvais donc faire paraître cet arrêté avant que les autres ne fussent publiés.
Du reste, j’ajoute que la rédaction de ces arrêtés a nécessité des renseignements qu’il a fallu rechercher dans toutes nos légations, afin de savoir quels sont exactement les tarifs analogues à l’étranger.
Ensuite, vous savez qu’une commission a été nommée, il y a plusieurs années, pour examiner les questions des frais de voyage à l’intérieur et à l’extérieur, pour tous les départements ministériels. Il faut, pour ce travail, refondre sept ou huit arrêtés royaux. Cette commission n’a pu encore le terminer.
J’ai pris les devants sur elle, en publiant les arrêtés relatifs à mon département.
Voilà la cause des retards apportés à la publication des arrêtés dont les honorables membres ont parlé.
Je vous avoue, messieurs, que lorsque les honorables membres se sont levés, je m’attendais à des éloges de leur part pour l’acte que je venais de poser. J’ai été trompé dans mon attente ; ils l’ont soumis à une critique que je trouve peu fondée.
Messieurs, je vais designer à la chambre les modifications essentielles qui ont été introduites par cet arrêté à l’état des choses antérieur.
D’abord pour les frais de route ordinaires, le tarif antérieur était réglé par poste et par séjour. J’ai eu l’occasion de dire l’année dernière à la chambre que, fixé comme il l’était d’après les anciennes bases, ce tarif était plus modéré que la plupart des tarifs des autres Etats ; qu’il était de moitié inférieur au tarif français pour les envoyés extraordinaires, et d’un tiers inférieur pour les agents d’un rang secondaire.
Messieurs, malgré cet état d’infériorité relatif au tarif français, j’ai fait subir à notre tarif une modification qui le rend plus modéré encore à cet égard. On a supprimé le tarif par poste ; on a pris pour base, comme dans le tarif prussien, les dépenses réellement effectuées, soit par poste, soit par chemin de fer, soit par bateau à vapeur, d’après les tarifs existants dans les divers pays que traverse l’agent diplomatique.
Ainsi, messieurs, relativement aux dépenses ordinaires qui n’avaient pas fait l’objet de réclamations dans les chambres, j’ai été au-devant de ces réclamations et j’ai adopté un tarif plus économique que n’était le tarif ancien.
Messieurs, les plaintes avaient surtout porté sur le mode admis pour rembourser une catégorie de frais de voyage, ceux de l’agent qui se rend pour la première fois à son poste, ou qui en revient définitivement.
D’après l’ancien tarif, il y avait une espèce d’arbitraire laissé au gouvernement. On remboursait ces frais de premier voyage et de voyage de retour définitif d’après un forfait établi entre le ministre et l’agent diplomatique, ou bien sur déclaration avec pièces justificatives à l’appui. Souvent des plaintes se sont élevées sur l’exagération de quelques-unes de ces dépenses. Or quoi qu’en aient dit les honorables membres, le tarif nouveau fait cesser cet arbitraire autant qu’il est possible de le faire.
On a admis dans le tarif nouveau un maximum et un minimum. Et, en effet, messieurs, il n’y avait pas d’autre moyen de tenir compte des faits. L’honorable baron Osy l’a déjà en partie reconnu : lorsque l’agent diplomatique est célibataire, évidemment il sera soumis à des frais de voyage et de séjour moindres que le fonctionnaire qui est marié. L’honorable baron Osy a donc admis le principe d’un maximum et d’un minimum qu’il était impossible d’éviter. Mais il l’a admis pour deux catégories seulement ; il aurait voulu qu’il y eût un minimum pour les célibataires et un maximum pour les fonctionnaires mariés. Mais, messieurs, il y a encore d’autres circonstances dont il faut tenir compte. L’agent diplomatique marié peut n’avoir aucune famille ou peut avoir une famille plus ou moins nombreuse. J’ajouterai qu’il peut avoir un train de maison plus ou moins grand, d’après sa fortune personnelle.
Il y a donc, messieurs, plusieurs circonstances qui peuvent faire varier ces frais de route et de séjour. Mais ce qu’il fallait éviter, c’était l’arbitraire indéfini qui avait été laissé jusqu’ici dans l’appréciation de ces dépenses.
Or, en posant un maximum et un minimum, je dis qu’on a tenu compte des faits et qu’on a remédié à la possibilité des abus.
Messieurs, je vais faire connaître quelques chiffres à la chambre. J’ai fait dresser un tableau pour chacune de nos missions et pour chacun de nos consulats, afin de me rendre compte des frais de route et de séjour qui auraient été accordés à chacun de nos agents pour les voyages qu’ils ont effectués, si le tarif nouveau avait été mis à exécution.
Je ne vous lirai pas tout le tableau, mais je vais indiquer quelques chiffres dont il résultera à l’évidence que le tarif nouveau apporte de améliorations essentielles au point de vue de l’économie.
Ainsi, messieurs, pour la légation de La Haye, d’après l’ancien tarif, il a été alloué en moyenne, pour frais de route et de séjour, 4,717 fr. par voyage ; d’après le tarif nouveau, la moyenne n’aurait été que de 2,000,fr. Relativement à la mission de Francfort, la moyenne des indemnités allouées a été de 5,142 fr. ; cette moyenne, si le tarif nouveau avait existé, n’aurait été que de 3,000 fr. En ce qui concerne la légation de Berlin, la moyenne des indemnités allouées d’après l’ancien tarif a été de 5,574 fr. ; elle n’aurait été que de 3,500 fr. si le règlement nouveau avait été appliqué.
Messieurs, je pourrais multiplier beaucoup ces citations, car pour presque tous nos postes diplomatiques on procède par des réductions, moins considérables cependant.
Veuillez, messieurs, ne point perdre de vue que dans les pays étrangers les agents diplomatiques ont une ressource qui manque aux nôtres. Dans presque tous les autres pays, les agents diplomatiques ont des frais de premier établissement et d’installation, tandis que nos agents ne reçoivent rien de ce chef, bien qu’ils soient soumis aux mêmes dépenses que les autres.
Je dis donc, messiers, que l’arrêté inséré au Moniteur, au lieu de subir les critiques que vous venez d’entendre, aurait dû, au contraire, obtenir l’assentiment de la chambre tout entière, si les honorables orateurs en avaient mieux compris les dispositions et l’ensemble.
L’honorable M. Verhaegen a attiré l’attention de la chambre sur un autre point, sur l’article de ce règlement qui concerne le traitement d’inactivité.
M. Verhaegen. - J’ai parlé de l’absence d’un minimum et d’un maximum pour le traitement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - En effet, l’honorable membre a d’abord manifesté son étonnement de ce qu’on n’a pas fixé un minimum et un maximum pour les traitements ; mais, messieurs, je ne comprends pas l’utilité de la fixation d’un minimum et d’un maximum pour des traitements fixes.
La question de savoir si un agent diplomatique est marié ou non, s’il a une famille plus ou moins nombreuse, cette question n’a aucun rapport au traitement fixe. Je conçois qu’on tienne compte de ces considérations pour la fixation des frais de voyage, mais il est impossible qu’on y ait égard dans la fixation du traitement. Un agent diplomatique est obligé de subir les mêmes frais de représentation, qu’il soit célibataire ou qu’il soit marié. Du reste, messieurs, depuis quinze ans les traitements des agents diplomatiques ont été presque invariablement alloués au même taux par les chambres.
M. Verhaegen. - Alors il ne fallait pas en parler.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Nous en avons parlé par mesure de régularisation, pour rendre l’arrêté complet.
Enfin, messieurs, l’honorable membre s’est occupé du traitement d’inactivité. Il a demandé si, pour le traitement d’inactivité, on n’appliquerait pas les principes du règlement qu’il a rappelé, aux fonctionnaires envoyés en mission spéciale et temporaire.
Evidemment, messieurs, l’article du règlement que l’honorable membre a rappelé, n’est que la reproduction littérale des arrêtés du 20 juillet 1833 et du 26 décembre 1838. Cet arrêté est ainsi conçu :
« Art. 7. l.es agents diplomatiques ou consulaires rétribués, de retour de leur mission sans qu’ils y soient remplacés, auront droit à un traitement d’inactivité : les ministres plénipotentiaires, etc., » les mêmes chiffres que dans l’arrêté organique nouveau.
Je réponds donc que pas plus sous l’empire du règlement nouveau que sous celui de l’arrêté royal du 20 décembre 1838, on n’appliquera ces traitements d’inactivité aux titulaires de missions temporaires et extraordinaires.
M. de Brouckere. - Messieurs, la Belgique avait autrefois un chargé d’affaires qui résidait à Hanovre. Ce chargé d’affaires a disparu du chapitre II ; et c’est maintenant notre ministre à La Haye qui est chargé de représenter le gouvernement belge auprès du gouvernement hanovrien. Il me semble que M. le ministre des affaires étrangères devrait nous donner quelques explications sur ce changement qui a été apporté dans le cadre de nos agents diplomatiques.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, j’ai déjà, l’année dernière, sur l’interpellation de M. Osy, fourni l’explication que l’honorable membre me demande ; permettez-moi de vous donner lecture de la réponse que j’ai faite alors.
Voici les faits tels qu’ils se sont passés :
« Après le départ de M. Dujardin de Hanovre, on a jugé convenable. pour user d’une complète réciprocité envers le Hanovre, de charger notre ministre à La Haye, de représenter la Belgique près de ce gouvernement. Je dis, messieurs, que c’était pour user d’une complète réciprocité.
« En effet, un ministre plénipotentiaire, M. de Kielmansegg, était accrédité en même temps à La Haye et à Bruxelles. Usant de réciprocité, le gouvernement belge a cru que les convenances exigeaient que notre (page 148) ministre plénipotentiaire à La Haye fût chargé aussi de représenter la Belgique à Hanovre. »
L’honorable M. Osy pense que j’ai violé les règles de la Constitution en matière de budget, en déterminant, à l’article premier du nouveau règlement que le ministre fixerait les indemnités et les traitements. L’honorable membre fait remarquer que c’est le budget et non le ministre qui doit fixer les traitements. Cela est évident, mais le sens du règlement est clair pour tout le monde : l’on veut dire que le ministre devra fixer les traitements dans les limites du budget. Ainsi le ministre n’est pas obligé d’accorder le traitement maximum ; il peut accorder moins ; c’est toujours le budget qui fixe le traitement, mais le ministre a la latitude d’opérer des économies. Il est un autre fait auquel l’honorable membre n’a pas réfléchi, c’est que le traitement, tel qu’il est fixé au budget, n’est pas touché intégralement par le chef de la mission, quand ce chef est ministre ; une partie de ce traitement est allouée au secrétaire de la légation.
« Art. 1er. Autriche : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Confédération Germanique : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 3. France : fr. 60,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Grande-Bretagne : fr. 80,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Pays-Bas : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Italie : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Prusse : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Etats-Unis : fr. 25,500. »
- Adopté.
« Art. 9. Turquie, : fr. 47,000.
« Bavière (pour mémoire). »
- Adopté.
« Art. 10. Brésil : fr. 21,000. »
M. Osy. - Le gouvernement a envoyé au Brésil un secrétaire d’ambassade avec le titre de chargé d’affaires. Je crois que le gouvernement a fait un choix très heureux. Ce diplomate est à Rio depuis un an. Je demanderai à M. le ministre si nous avons l’espoir de conclure un traité de commerce avec ce pays qui serait un excellent débouché pour nos produits industriels.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je n’ai qu’une réponse à faire à cette interpellation c’est que le gouvernement n’a pas perdu de vue un instant le traité de navigation et de commerce avec le Brésil ; je ne puis dire à présent jusqu’à quel point il est permis d’espérer que cette négociation réussira ; le gouvernement ne négligera rien pour en amener le succès.
- L’article est adopté.
« Art. 11. Danemark : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Espagne : fr. 15,000. »
M. Rodenbach. - Messieurs, je ferai à M. le ministre, relativement à l’Espagne, la même interpellation qui vient de lui être faite par l’honorable M. Osy, concernant le Brésil. Je demanderai si l’on s’occupe de faire un traité de commerce avec l’Espagne. Je sais que les événements politiques ont empêché un pareil résultat de se réaliser jusqu’ici. Mais il me semble que, depuis, on a pu faire de nouvelles démarches pour amenez la conclusion d’un traité entre l’Espagne et la Belgique. Un semblable traité nous fournirait un bon débouché pour nos toiles. Je désire savoir si le ministre n’a rien à nous annoncer de satisfaisant pour les Flandres.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l’honorable membre m’a adressé la même interpellation relativement à l’Espagne, que celle que m’a faite l’honorable M. Osy relativement au Brésil ; je n’aurai que la même réponse à lui faire. Le gouvernement sait qu’un des résultats les plus heureux auxquels le pays puisse atteindre, serait la conclusion d’un traité avantageux avec l’Espagne, et reposant sur des clauses favorables à notre industrie linière.
Un traité a déjà été conclu. La chambre sait pour quels motifs ce traité n’a pas été ratifié par les cortès. Du reste, il ne serait pas désirable que ce traité fût ratifié tel qu’il est rédigé ; l’Espagne s’occupant de la révision de son tarif général, et le traité en question ayant pour base des réductions de chiffre sur le tarif ancien, ce traité, dis-je, pourrait ne pas nous être favorable.
La négociation avec l’Espagne se poursuit ; j’y mettrai toute l’activité désirable ; j’espère que les circonstances politiques, qui jusqu’ici ont empêché le succès de la négociation, auront changé.
- L’article 12 est mis aux voix et adopté.
« Art. 13. Grèce : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Villes libres et hanséatiques : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 15. Portugal : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Sardaigne : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Suède : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Article unique. Traitement des agents consulaires, et indemnités à quelques agents non rétribués,
« Charges ordinaires : fr. 103,000
« Charges extraordinaires : fr. 12,000
« Ensemble : fr. 115,000.’
M. Osy. - Messieurs, à l’occasion du chapitre III, j’ai un renseignement à demander au gouvernement. Nous connaissons le changement qui a eu lieu pour le consulat de Suisse. Je ne connais pas le titulaire de ce consulat, mais je me rappelle qu’à la session dernière et avant, nous avons demandé à M. le ministre des affaires étrangères pourquoi le poste de Rio-Janeiro n’était pas occupé.
M. le ministre nous a dit que ce diplomate était resté un an à Paris contrairement aux ordres du gouvernement ; de sorte que pendant un an la place de Rio-Janeiro n’a pas été occupée. Si le titulaire avait été malade, j’aurais compris qu’il ne se rendit pas à son poste ; mais ce n’est pas en ce sens que M. le ministre nous a parlé de l’inexécution des ordres du gouvernement, car il a exprimé du mécontentement de ce que ce diplomate ne se rendait pas à son poste, et maintenant on l’envoie à un poste des plus importants, en Suisse, qui, dit-on, est en ce moment un foyer de troubles qui nécessite non seulement la présence d’un consul, mais d’un diplomate très expérimenté pour nous tenir au courant de ce qui se passe.
Ce diplomate, qui est resté plus d’un an à Paris sans suivre les instructions du gouvernement qui l’envoyait à Rio-Janeiro, est donc rentré en grâce, puisqu’on l’envoie à un poste que M. le ministre dit être très important. Je demande des renseignements à cet égard, car je soupçonne quelque faiblesse de la part du gouvernement, je crains qu’il n’ait transigé avec un fonctionnaire qui a refusé d’exécuter les ordres de son gouvernement.
On nous a demandé une somme assez forte pour envoyer au Mexique un consul. Vous connaissez tous ce qui se passe au Mexique ; et au lieu de se trouver à son poste, où sa présence peut être si utile dans de pareilles circonstances, notre envoyé reste dans cette belle colonie de Guatemala, d’où nous recevons des rapports que personne ne lira. Car nous devons partir de ce point de vue que c’est une affaire particulière dont le gouvernement ne doit s’occuper que par humanité, dans le cas où les Belges qui s’y sont rendus seraient exposés à y mourir le faim. Cependant un diplomate qui nous coûte très cher reste dans une colonie qui ne nous appartient pas, qui ne nous intéresse en rien. Je demande pourquoi il ne se rend pas à son poste, où sa présence pourrait être nécessaire, car des négociants belges ont des établissements au Mexique qui peuvent souffrir beaucoup de la guerre à laquelle ce pays est en proie, et je ne se trouve là personne pour réclamer et leur faire rendre justice.
Je crois que ce consul ou chargé d’affaires, car on ne sait plus à quoi s’en tenir, le gouvernement nommant des chargés d’affaires quand nous votons des fonds pour des consuls, je crois, dis-je, que cet agent touche son traitement comme s’il était à Mexico. En 1845 et 1846, il a reçu en indemnités de frais de voyage et de séjour à Santo-Thomas, 4,000 francs et 4,300 francs.
Nous avons de plus un consul à Guatemala qui a reçu 5,000 francs et 1,700 fr. Vous aviez donc là quelqu’un pour nous donner les renseignements dont nous avons besoin, c’est-à-dire pour savoir si nos compatriotes ne meurent pas de faim dans cette colonie, seule chose dont nous ayons à nous occuper ; si la compagnie abandonnait nos malheureux compatriotes, je voterais volontiers de l’argent pour leur donner le moyens de revenir, mais je ne veux pas que le gouvernement s’occupe d’une affaire particulière. Nous avons déjà payé 8 mille francs pour les frais de voyage d’un consul que nous payons pour être à Mexico où nos intérêts sont compromis par son absence.
Voilà la troisième année que je demande au gouvernement s’il ne serait pas convenable de faire revenir et d’employer ailleurs notre consul de Valparaiso. Chaque année, M. le ministre nous dit que cet agent doit rester à ce poste, parce que nous espérons conclure un traité. Nous avons tout au plus deux ou trois navires par an qui vont à Valparaiso. Je sais que cet agent a fait au gouvernement des propositions pour nommer des consuls non rétribués qui soigneraient nos intérêts dans ces parages, c’est-à-dire, que dans le cas où un navire belge arriverait et aurait des réclamations à faire, ces consuls les appuieraient.
Tous les ans on nous fait espérer la conclusion de ce traité pour tenir cet agent qui emporte le quart de la somme allouée pour les consuls, car il touche 25 mille fr.
Nous reconnaissons qu’il faut avoir des consuls rétribués, mais seulement sur des points très importants, comme New-York par exemple, résidence pour laquelle on nous a demandé, l’année dernière, des fonds que nous nous sommes empressés d’allouer. Mais nous pourrions supprimer ces 25 mille fr. et envoyer le consul de Valparaiso sur un autre point du globe où il pourrait rendre des services réels. On dit toujours qu’on espère obtenir un traité ; moi je pense que nous ne ferons avec le Chili et le Pérou, de manière que nous pourrions économiser ces 25 mille fr.
Nous avons à Alexandrie un consul qui nous a rendu les plus grands services et nous en aurait rendu de plus grands encore si on ne l’avait (page 149) pas négligé ; il nous a fait obtenir des commandes considérables en boulets et fourgons ; il avait de plus envoyé, il y a trois ans, au ministre des affaires étrangères des échantillons pour procurer à la Belgique toute la fourniture des tentes de l’armée du pacha.
Messieurs, ces échantillons sont arrivés au ministère des affaires étrangères ; malheureusement on les a perdus, on les a négligés. Nous voulons faire quelque chose pour les Flandres ; nous en avions une occasion ; on l’a laissée échapper. On n’a pas répondu à notre consul ; on n’a pas fait ce qu’il fallait pour obtenir pour la Belgique la confection des toiles pour les tentes. Je me suis adressé directement aux fabricants ; et on m’a dit qu’il faudrait changer les métiers pour fabriquer ces toiles. Mais, alors qu’il s’agit d’avoir de l’étranger des demandes considérables pour une industrie dont nous déplorons tous les jours la décadence, je ne vois pas pourquoi on ne changerait pas les métiers.
Nous n’avons donc pas, messieurs, de consul rétribué à Alexandrie, et, comme je l’ai dit, il est inutile que nous en ayons un, tant que nous y avons un homme aussi zélé pour nos intérêts.
Mais, vous savez qu’en Orient il y a des usages très extraordinaires ainsi, un consul général peut s’asseoir devant un pacha, un consul ordinaire ne le peut pas.
Depuis trois ans je demande au gouvernement le vouloir nommer notre consul d’Alexandrie, consul général non rétribué ; je le demande avec instance, parce qu’alors notre consul, pouvant s’asseoir devant le pacha, pourra s’adresser directement à lui pour obtenir de nouvelles commandes pour la Belgique. Voilà trois ministres à qui j’adresse des sollicitations de ce chef. Eh bien, messieurs, c’est comme si je sollicitais pour moi-même, je n’obtiens rien. Cependant ce que je fais est entièrement dans l’intérêt de l’industrie. J’espère donc que M. le ministre voudra prendre un engagement formel à ce sujet.
On a parlé hier de décorations. Eh bien, sous le ministère de M. de Briey, j’ai dû solliciter pendant très longtemps pour obtenir la décoration pour notre consul à Alexandrie ; et cependant par les services qu’il avait rendus au pays, par les commandes qu’il avait procurées à notre industrie, il avait certainement mérité cette récompense. Tous nos consuls sont décorés ; celui-là seul ne l’était pas. Cependant ce n’est qu’après beaucoup de démarches de ma part que la décoration lui a été accordée, et M. de Briey a parti me dire que, s’il l’accordait, c’était par grâce pour moi.
Messieurs, je ne demande pas de grâces pour moi, ni pour mes amis ; je n’en veux pas ; mais quand je demande quelque chose dans l’intérêt du pays, on devrait y faire plus d’attention.
Aujourd’hui, c’est encore dans l’intérêt du pays que je vous demande de nommer notre consul à Alexandrie consul général.
L’année dernière, messieurs, il s’est agi d’établir un consul à Cologne. M. le ministre des affaires étrangères nous avait dit, lors de la discussion de son budget, qu’il demandait une augmentation de 9,000 fr. parce que, la Prusse ayant un consul général rétribué à Anvers, il était convenable que la Belgique eût un consul général payé à Cologne. Vous savez que la chambre n’a pas fait d’opposition et qu’elle a voté l’augmentation demandée.
Aujourd’hui, messieurs, on demande la même somme que l’année dernière, mais, d’après ce que j’ai vu dans le Moniteur, il paraît que la Prusse est beaucoup plus difficile que nous, et qu’elle ne veut pas permettre à notre consul de résider à Cologne, parce que cette ville est une ville forte. Mais il me paraît qu’Anvers est aussi une ville forte, et si nous nous montrions aussi difficiles, nous pourrions dire aussi à la Prusse que son consul doit résider à Malines ou à Bruxelles.
Le gouvernement a donc décidé de faire résider notre consul à Darmstadt. Mais le but n’est plus atteint. Nous n’avons pas besoin d’un consul à Darmstadt ; nous ne faisons pas d’affaires avec le grand-duché de Hesse-Darmstadt, mais nous en faisons beaucoup avec le Zollverein. Nous avons aussi de grands intérêts qui se rattachent au chemin de fer. Si notre consul résidait à Cologne, il pourrait même le présenter le gouvernement comme actionnaire dans tous les arrangements relatifs aux tarifs, au mouvement du matériel, etc.
Le gouvernement doit donc insister pour que notre consul puisse résider à Cologne ; et je suis persuadé qu’avec un peu de bonne volonté, il pourrait faire comprendre au gouvernement prussien que si nous admettons un consul général avec un titre diplomatique à Anvers, ville plus forte que Cologne, nous devons pouvoir avoir un consul dans cette dernière ville.
Messieurs, le titulaire actuel envoyé en Allemagne est un militaire. Je n’ai rien à dire sur les capacités de la personne ; mais si je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on charge de missions diplomatiques des généraux qui ont bien servi le pays et qui sont en disponibilité, je trouve qu’il n’en est plus de même lorsqu’il s’agit de lieutenants-colonels, de majors, de capitaines. Vous comprenez que lorsque le même homme reste à la fois dans la carrière diplomatique et dans la carrière militaire, cela fait toujours du tort à quelqu’un. Ainsi d’après la loi d’organisation de l’armée il y a pour le génie un certain nombre de lieutenants-colonels. Or, si un diplomate conserve le titre de lieutenant-colonel, il est évident qu’il fait tort à ses inférieurs dans l’armée. Je crois donc que lorsqu’il s’agit de militaires en dessous du grade de général, il ne peut pas y avoir cumul, qu’il faut que l’on opte entre le titre d’officier et celui de diplomate. Je demande que le gouvernement prenne des mesures pour que les militaires qui veulent suivre de préférence la carrière diplomatique, renoncent à leur rang dans l’armée pour qu’ils ne fassent pas du tort à ceux qui viennent après eux.
Je demande, messieurs, quelques renseignements sur les différents points que je viens d’indiquer.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l’honorable M. Osy a demandé comment il se faisait que j’avais envoyé en Suisse un agent qui avait été mis en inactivité, il y a près de deux ans.
Messieurs, en effet, ce membre du corps diplomatique ne s’étant pas rendu à son poste, après en avoir reçu l’ordre réitéré du ministre, fut mis en inactivité. Depuis, des explications ont été données par lui, qui ont pu faire considérer la faute qu’il avait commise comme infiniment moins grave qu’elle ne l’avait paru d’abord. Il a invoqué une maladie qui avait affecté gravement sa vue ; ce fait a pu être constaté. Il a craint de devoir prendre la mer avant d’être guéri et il n’a pas osé en avertir son chef, de crainte qu’on ne changeât sa destination. C’est là la cause, non justifiable, je le reconnais, pour laquelle il n’a pas suivi les ordres qui lui avaient été donnés par le ministre.
Mais, messieurs, cette insubordination n’a-t-elle pas entraîné une peine sévère ? Une mise en activité sans traitement pendant dix-huit mois, n’est-ce pas assez punir une faute atténuée par les explications fournies depuis ? Cet agent a subi d’autres pertes encore. Ainsi, il avait envoyé son mobilier à Rio, et ce mobilier a dû y être vendu, sans qu’il pût naturellement présider aux soins que nécessitait cette vente ; c’est-à-dire que de ce chef il a dû éprouver encore une perte réelle.
Messieurs, ce membre du corps diplomatique est un homme d’une capacité reconnue, Il a été envoyé à Berne, c’est-à-dire dans une mission qui n’est qu’un consulat général, tandis qu’il a le rang de chargé d’affaires.
Messieurs, l’honorable M. Osy a critiqué la mesure qui a été prise d’envoyer notre consul général au Mexique, en mission extraordinaire à Guatemala et à Santo-Thomas. Vous savez que cette question de la colonisation de Santo-Thomas a été l’une des plus graves qui aient été agitées dans les dernières sessions. Des plaintes nombreuses ont été articulées à cette tribune. On a demandé formellement au gouvernement de faire une enquête sérieuse sur tous les faits relatifs à cette entreprise. Ou a demandé au gouvernement de fournir à la chambre, en vertu de cette enquête, des renseignements complets et sur l’état sanitaire de la colonie, et sur la question du climat qui s’y rattache, et sur la question commerciale.
Messieurs, le gouvernement n’a fait qu’obéir aux injonctions formelles de la chambre, en envoyant un agent en qui il avait pleine confiance pour faire cette enquête. Cette enquête est terminée ; elle sera bientôt complétement sous les yeux de la chambre ; et je ne partage pas l’opinion de l’honorable membre ; j’espère que les membres de la chambre se donneront la peine de lire ce rapport, après que cette question a soulevé de si longs débats dans les sessions précédentes.
Du reste, messieurs, la mission de notre consul général au Mexique aurait été naturellement entravée et presque sans profit pour le pays, à cause des événements qui se passent dans cette contrée. La guerre qui a lieu entre le Mexique et les Etats-Unis empêche presque toutes les relations entre le premier de ce pays et l’Europe ; de manière que les services que notre consul aurait pu nous rendre en temps ordinaire devenaient impossibles, tandis que la mission spéciale dont il a été chargé, a été d’une importance que la chambre reconnaît et apprécie.
L’honorable baron Osy a renouvelé l’opinion qu’il avait émise sur l’utilité qu’il y aurait de supprimer le consulat rétribué à Valparaiso. Messieurs, je ferai d’abord une remarque. J’ai été étonné d’entendre de la bouche de l’honorable baron Osy, qui doit connaître les faits commerciaux, que nos relations se bornaient à l’envoi de deux ou trois navires vers la côte occidentale de l’Amérique.
Messieurs, depuis 1840, depuis l’institution d’un consulat à Valparaiso, l’extension de nos relations commerciales avec ces contrées a été très considérable.
Nos exportations se sont élevées de 7,000 fr. (en 1840) à 600,000 fr. (en 1845). Cette progression est rapide. Mais, messieurs, je reconnais avec l’honorable membre que les résultats qu’on a voulu obtenir par l’institution d’un consulat à Valparaiso sont en grande partie atteints.
Ces résultats étaient de trois genres : d’abord l’exploration commerciale que notre consul a entreprise dans cette partie de l’Amérique dii Sud ; en second lieu, l’organisation de consulats non rétribués ; en troisième lieu, la négociation de traités de navigation et de commerce avec le Chili et le Pérou. La plupart de ces résultats sont obtenus, et la mission de notre consul peut paraître épuisée.
Ainsi l’extension de nos relations prouve que nous n’avons plus autant besoin du secours d’un consul général que nous en avions besoin il y a quelques années. Une maison belge est établie à Valparaiso ; un service de navigation régulière à voiles existe avec ces parages, et la chambre de commerce d’Anvers demande qu’on augmente le nombre des départs. Ainsi nos relations sont établies, et sous ce rapport la mission d’exploration de M. Bosch a porté ses fruits. Quant aux consulats non rétribués, ils doivent être organisés. Reste la négociation de traités de commerce avec le Chili et le Pérou : l’année dernière notre consul avait fait espérer au gouvernement que ces négociations étaient assez avancées, pour amener une prompte conclusion, mais d’après les derniers rapports qui me sont parvenus, j’ai dû reconnaître que cette conclusion était encore éloignée.
Du reste, messieurs, il ne faut pas l’oublier, nous sommes reçus au Chili et au Pérou sur le pied des nations les plus favorisées, de manière que l’objet des traités à intervenir est uniquement de nous garantir le maintien du statu quo dans l’avenir. J’ai donc cru, messieurs, pouvoir rappeler notre consul de Valparaiso, parce que, je le répète, je regarde sa mission comme épuisée ; et les dépenses énormes que nécessitaient non seulement son traitement de 25,000 francs, mais les frais de voyage entre Valparaiso, Lima et San Yago, ne permettaient plus de la prolonger.
Mon intention, messieurs, est de supprimer aussi le consulat de Tunis. D’après tous les faits qui ont été recueillis depuis quelques années, il m’est resté la conviction que l’intérêt qui se rattache à ce consulat n’est pas en rapport avec les sacrifices qu’il nécessite.
De manière, messieurs, qu’il m’est permis de vous proposer une réduction au budget, non pas sur le chiffre des dépenses ordinaires, mais en renonçant au chiffre de 12,000 fr. de charges extraordinaires. Je trouverai les fonds nécessaires pour couvrir les frais du consulat sur le Rhin, à Darmstadt, je les trouverai dans la suppression du consulat de Tunis. L’économie opérée par le rappel de M. Bosch, de Valparaiso, me permettra d’augmenter les traitements de quelques-uns de nos consuls, qui sont réellement insuffisants. Je citerai on particulier le consulat de Manille, qui est d’une très grande importance ; l’allocation qui figure au budget est réellement au-dessous de la dépense que nécessite la position de ce consul.
Je trouverai aussi, dans l’économie opérée, les ressources nécessaires pour créer un autre consulat rétribué. Je n’ai pas encore d’opinion arrêtée sur la localité où il conviendra d’établir ce consulat ; des propositions m’ont été soumises par le commerce du pays ; les uns voudraient que ce fût au Brésil, les autres pensent que ce devrait être dans le Levant. J’examinerai la question ; tout ce que je puis dès à présent dire à la chambre, c’est que j’espéré compléter l’organisation des consulats rétribués, sans augmenter les charges du budget de 1847.
L’honorable baron Osy a demandé au gouvernement qu’il attribuât le titre de consul général à notre consul à Alexandrie. Messieurs, je dois m’associer complétement à tout ce que l’honorable membre vous a dit des services rendus par ce consul, et je ne fais aucun obstacle à la réalisation du désir de l’honorable membre ; j’étais, du reste, dans l’intention de le faire. Je sais, qu’en effet, ce titre, qui ne grèvera en rien le trésor public, pourra, non pas donner à notre consul le droit de traiter « assis » avec le pacha d’Egypte au lieu de traiter « debout » ; car ce droit, il le possède déjà ; mais qu’il augmentera son influence, qui déjà est grande et qu’il est de l’intérêt du pays de voir s’accroître.
L’honorable membre nous a entretenus, messieurs, du consulat de Darmstadt. J’avais demandé l’année dernière à la chambre une somme de 9,000 fr. pour créer un consulat sur le Rhin, à Cologne ; j’ai fait valoir alors les motifs d’intérêt général qui me portaient à faire cette demande, et la chambre a accueilli favorablement ma proposition.
En indiquant la résidence de Cologne, le gouvernement avait l’espoir qu’une exception serait faite, en faveur de la Belgique, à la mesure générale prise depuis longtemps par le gouvernement prussien, de concert avec tous les Etats de la confédération germanique, de ne pas donner l’exequatur à un consul étranger dans une ville forte du Rhin.
J’avais nourri cet espoir, messieurs, parce que nous nous trouvons dans une position exceptionnelle, d’abord par le chemin de fer belge- rhénan, en second lieu par le traité du 1er septembre, conclu entre l’Allemagne et la Belgique, et en troisième lieu par suite de la création à Anvers d’un consulat général de Prusse.
Messieurs, je n’ai pu faire au gouvernement prussien une ouverture officielle, avant d’être certain d’obtenir de la chambre les fonds nécessaires pour créer ce consulat ; mais je dois ajouter que lorsque j’ai soumis cette demande à la législature, j’avais lieu d’espérer que l’exception dont je viens de parler aurait été accordée à la Belgique. Mais des réclamations ont été adressées, par les puissances étrangères, au gouvernement prussien, et ce gouvernement n’a pas cru pouvoir déroger à une décision prise à l’égard de toutes les puissances.
Mais, messieurs, ce fait a-t-il altéré en quoi que ce soit les avantages que nous devions retirer du consulat de Cologne ? Là est la question, et je pense pouvoir démontrer en peu de mots que la position qui sera faite à notre consul, loin d’être plus mauvaise, en sera meilleure. Je le démontrerai, messieurs, en faisant connaître à l’honorable membre un fait qu’il ignore.
Le gouvernement prussien lui-même a pris l’initiative de proposer à la Belgique de reconnaître comme commissaire du gouvernement belge dans les provinces rhénanes, le consul général que nous nommerions dans une des villes voisines du Rhin. Ainsi, notre consul général à Darmstadt sera muni d’une commission du gouvernement prussien et mis en rapports officiels avec les autorités locales et provinciales de Cologne et des autres villes du Rhin. Il pourra donc remplir la mission qui devait lui être confiée à Cologne et sur le Rhin de la même manière que s’il était nommé consul général à Cologne. Ainsi, il pourra surveiller et les intérêts de notre chemin de fer, et le mouvement de notre transit et de la navigation sur le Rhin et les eaux intérieures, de la même manière qu’il l’aurait fait s’il avait occupé le poste qui lui avait été primitivement assigné.
J’ajouterai, messieurs, que la question de résidence n’a pas été tranchée ; qu’à la rigueur, notre consul pourrait peut-être résider à Bonn ou dans une autre ville du Rhin.
Messieurs, l’honorable M. Osy ne doit pas ignorer que Darmstadt est placé au centre des Etats du midi de l’Allemagne, avec lesquels nous avons des relations destinées à s’agrandir.
Nous avons, messieurs, un très vif intérêt à surveiller de très près tout ce qui se passe dans cette légion du Zollverein ; car la chambre sait que le mouvement protectionniste auquel le gouvernement prussien a été obligé de céder, et qui est si contraire aux intérêts belges, est parti des Etats du midi de l’Allemagne. Je dis donc que la résidence de notre consul général à Darmstadt est favorable à nos intérêts sous un autre point de vue que celui que j’ai indiqué, lorsqu’il s’est agi du consulat de Cologne. Notre consul général, résidant à Darmstadt, pourra remplir une double mission utile, celle qu’il aurait remplie à Cologne et, en outre, une mission industrielle très importante dans les Etats du midi de l’Allemagne.
Du reste, l’honorable membre n’ignore pas que les Pays-Bas ont à Darmstadt un agent diplomatique chargé d’une mission consulaire.
L’honorable Osy a soulevé une autre question plus personnelle à notre consul à Darmstadt. Cet agent fait partie du corps diplomatique, mais il occupe en même temps un rang dans l’armée belge. L’honorable membre n’a pas critiqué ce principe en lui-même, mais ii a fait remarquer que nos agents diplomatiques, restant dans les cadres d’activité de l’armée, y laissent inoccupée une place et empêchent ainsi l’avancement de leurs camarades qui, cependant, remplissent leurs fonctions militaires.
L’honorable membre a dit que cela n’était pas juste, que cela mettait entrave à l’avancement légitime des officiers de notre armée.
Je dois reconnaître que cette observation est juste. Il y aurait deux moyens d’y porter remède. On pourrait ou faire opter l’agent diplomatique entre sa fonction diplomatique et la fonction qu’il occupe dans l’armée belge ; ou mettre (lors de la cessation des fonctions diplomatiques) cet agent en disponibilité si aucune place n’était vacante à ce moment ; cette position de disponibilité, il l’occuperait jusqu’au moment où une place vacante serait ouverte ; de cette manière, les fonctions diplomatiques occupées par des fonctionnaires de l’armée ne mettraient aucune entrave à l’avancement des militaires.
M. Osy. - Messieurs, mes observations n’ont pas été stériles : elles nous ont procuré une économie de 12,000 fr. J’avoue que j’aurais voulu conserver pour les consulats les 110,000 fr. que nous avons eu tant de peine à obtenir il y a quelques années, et qu’avait alors combattus un membre qui siège aujourd’hui dans le cabinet. J’accepte aujourd’hui le chiffre proposé par le ministre ; nous verrons plus tard s’il y a lieu de revenir au chiffre primitif.
Je ne partage pas l’opinion de M. le ministre des affaires étrangères, au sujet de notre consul au Mexique. C’est précisément quand il y a guerre entre les puissances que nous devons y avoir des agents chargés de défendre nos intérêts. Si donc notre consul à Guatemala n’est pas encore parti de Santo-Thomas, je prie le ministre de l’envoyer au Mexique.
Le gouvernement a fini par reconnaître avec moi qu’il était utile de rappeler notre consul à Valparaiso. M. le ministre nous a dit qu’il n’était pas encore fixé sur le nouveau consulat à confier à cet agent dont je reconnais le talent. Eh bien, je me permettrai d’indiquer une destination très utile. On peut espérer que sous peu, grâce à la puissante médiation de l’Angleterre et de la France, la paix sera faite entre Montevideo et Buenos-Ayres ; je pense qu’il serait fort avantageux d’établir un consul dans l’une ou l’autre de ces deux villes ; nous avons là des intérêts très majeurs ; Anvers est le plus grand port de l’Europe pour l’importation des cuirs ; nous envoyons dans cette partie de l’Amérique beaucoup de marchandises manufacturées chez nous, et ces envois pourront devenir plus considérables. J’appelle donc l’attention de M. le ministre ds affaires étrangères sur l’établissement de ce nouveau consulat.
Je ne comprends rien à la situation qu’on veut faire à notre consul, non pas à Cologne, mais dans le Zollverein. Le ministre dit que c’est sur les instances du gouvernement belge que la Prusse a envoyé à Anvers un consul général ; eh bien, si nous admettons un consul général prussien à Cologne, il faudrait que nous pussions en avoir un à Cologne ; envoyer un consul à Darmstadt, c’est comme si on ne faisait rien.
M. le ministre nous dit : « Les Pays-Bas ont bien un représentant à Darmstadt. » Mais nous en avons également un ; M. le comte de Briey est accrédité à Darmstadt, à Stuttgardt, à Carlsruhe, et je vois tous les ans des dépenses très considérables pour ces voyages. Nous avons en outre à Francfort un consul qui a rendu des services à plusieurs Belges, eh bien, vous pouvez très bien savoir à Francfort ce qui se passe à Darmstadt ; il y a un chemin de fer qui vous y conduit dans quelques minutes.
Notre nouveau consul devrait résider, soit Deutz, soit à Bonn ; grâce au chemin de fer, il pourrait tous les jours aller à Cologne pour surveiller nos intérêts commerciaux ; je prie M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien examiner ce point.
M. le ministre nous a dit que notre agent pouvait même résider à Cologne, mais non avec le titre de consul général ; eh bien, qu’on lui donne, avec les mêmes appointements, le titre de commissaire ou tout autre titre, peu importe ; l’essentiel est que nous atteignions le but que nous avons en vue.
M. David. - Messieurs, je désire adresser une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères, relativement à un article que j’ai lu dans le Journal de Verviers, article qui porte à peu près en substance la nouvelle qui suit : « Il paraîtrait qu’une ligne de paquebots à voiles de première classe de New-York vers Anvers est sur le point de s’établir. » Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, si par les renseignements qu’il doit avoir reçus, et de notre consul général M. Moxhet, et de notre ministre résident M. de Beaulieu, il peut nous dire s’il est sérieusement question d’une ligne pareille. On va jusqu’à citer le fin voilier, le magnifique bâtiment à voiles, appelé le Shakspeare, lequel serait le précurseur des autres navires destinés à former cette importante ligne de navigation. Ce serait une chose du plus grand intérêt, non seulement pour la ville de Verviers, mais encore pour toutes les industries du pays qui commence à avoir des (page 151) relations suivies avec les Etats-Unis ; ce seraient une compensation au dommage, une consolation aux regrets que nous avons éprouvés par préférence que la ville de Brême a obtenue des Etats-Unis, pour la ligne de navigation à vapeur, qui naturellement appartenait bien plutôt au port d’Anvers par toutes sortes de motifs qu’il serait trop long d’énumérer ici.
La Belgique éviterait des frais de transit et d’autres frais considérables indépendamment des lenteurs auxquelles elle est soumise par le passage par le Havre, Je prie M. le ministre de vouloir bien non dire à quoi en est cette affaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - En effet, notre ministre à Washington et notre consul général à New-York, m’ont informé qu’on projetait à New-York d’établir une ligne de navigation à voiles, au moyen de navires fins voiliers, entre New-York et Anvers, à l’instar des lignes qui existent entre New-York et le Havre ou Liverpool. C’est en partie pour faciliter la réalisation de ce projet que le gouvernement s’est décidé à supprimer le subside qu’il accordait pour un service à voiles entre Anvers et New-York. Ce subside était d’ailleurs devenu inutile ; par suite du grand nombre d’émigrants allemands se rendant par Anvers à New-York, il n’était plus nécessaire d’accorder des subsides pour encourager cette ligne de navigation.
Mais la compagnie de New-York avait fait connaître à notre consul qu’elle désirait que le gouvernement belge ne fît pas obstacle à son projet en lui créant une concurrence par les subsides qu’il accordait. C’est un des motifs qui ont déterminé le gouvernement à supprimer le service subsidié entre Anvers et New-York.
- L’article unique du chapitre III est adopté avec le chiffre de 103,000 fr.
« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l’administration centrale ; frais de courriers-estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »
- Adopté.
« Article unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 80,000.’
- Adopté.
M. Osy. - Je demande la parole. Messieurs, j’ai annoncé que je désirais entretenir la chambre des intérêts commerciaux. Je crois que ce que j’ai à dire à cet égard trouve sa place au chapitre VI, dont l’intitule est « Commerce ». J’aurai aussi des renseignements à demander à l’article 4 de ce chapitre ; mais pour ne pas faire de confusion, je présenterai mes observations relatives au commerce, sur l’ensemble du chapitre, en manière de discussion générale ; et quand nous en serons à l’article 4, je demanderai la parole pour adresser à M. le ministre quelques questions concernant cet article.
Après le 1er juillet 1845, toute la loi du 21 juillet 1844 se trouvait mise eu vigueur, ainsi que les arrêtés d’exécution du même jour.
Cette époque correspondant avec l’entrée aux affaires de l’honorable ministre des finances, et comme le commerce était persuadé que la faculté donnée au gouvernement par l’article 5 de la loi, avait été mise en vigueur par les articles 14 et 15 de l’arrêté, des maisons belges ayant des établissements à Saint-Domingue et à la Havane, firent venir des chargements de café et de sucre ; mais leurs maisons aux colonies ayant compris comme nous que la faculté de toucher dans un port de relâche ne faisait pas perdre les avantages d’importations de pays de production, envoyèrent quelques chargements sous pavillon étranger (ayant à bord les documents dûment visés exigés par les arrêtés, articles 14 et 15), avec ordre de toucher sur la côte d’Angleterre, avec instructions aux capitaines de suivre les ordres des maisons d’Anvers, qui pouvaient faire leurs calculs si le marché d’Anvers était plus avantageux que ceux dé la Hollande ou de Hambourg.
Les navires arrivèrent à Anvers, et les propriétaires firent leurs déclarations comme importation directe ; mais l’honorable M. Malou, dans sa sagesse et contre l’avis et l’opinion de tout le commerce, comprit autrement la loi, et prétendit que la faculté donnée au gouvernement par l’article 5, n’avait pas été accordée au commerce ; en conséquence, on fut obligé de payer les plus hauts droits, en un mot, ceux des entrepôts d’Europe, ce qui faisait, pour les cafés, la différence de 11 fr. 50, 15 fr. 50 pour 100 kil. pour les sucres, au lieu de 1 fr. 70, 4fr. 25 pour 100 kil., et pour un seul chargement de café, la différence de droit faisait 15,000 fr.
Les négociants furent obligés de payer les hauts droits ; mais ils firent les protestations nécessaires pour sauvegarder leurs intérêts lésés. Permettez-moi, messieurs, de rappeler à votre mémoire l’article 5 de la loi et les articles 14 et 15 de l’arrêté d’exécution, et vous verrez s’il reste le moindre doute sur les légers avantages que nous avions obtenus pour les navires étrangers, ayant fait relâche, et qui venaient approvisionner nos marchés.
Voici les articles de la loi et de l’arrêté :
Article 5 de la loi : « Art. 5, § 1er. Les navires belges venant des ports transatlantiques ou de lieux situés au-delà du détroit de Gibraltar pourront, sans perdre le bénéfice de l’importation directe, et en se conformant aux conditions prescrites par le gouvernement, toucher dans un port intermédiaire pour y prendre des ordres, pourvu qu’ils n’y fassent aucune opération de commerce, de chargement ou de chargement.
« §. 2. Les navires étrangers venant des mêmes endroits et qui seront munis de connaissements et papiers de bord, dûment visés par les consuls belges, au nom de maisons belges, et en destination des ports belges, pourront être admis au même bénéfice.
« § 3. Le connaissement pourra être à ordre pourvu qu’il soit constat » que la cargaison est expédiée des lieux transatlantiques pour compte belge, soit comme propriété, soit comme consignation, faite directement de ces lieux à une maison en Belgique… »
Article 14 de l’arrêté : « Art. 14. Le capitaine sera tenu de fournir les mêmes justifications que celles requises pour les navires belges par le litt. A. de l’article précédent. Ces pièces établiront en outre que le chargement a été fait en destination de Belgique et pour compte d’une maison en Belgique. »
Article 15 de l’arrêté : « Art. 15. Lorsque, conformément au troisième alinéa de l’article 5 de la loi de ce jour, le connaissement sera à ordre, il devra être prouvé par les papiers de bord et notamment par la charte partie ou le manifeste, au consul du port d’embarquement et aux employés de la douane du port d’importation, que la cargaison a réellement été expédiée pour compte belge, soit comme propriété d’une maison en Belgique, soit comme consignation faite directement à cette maison.
« A défaut de cette preuve, le consul refusera de viser les documents de bord et la douane ne pourra admettre le chargement comme importation directe, si l’accomplissement des conditions et formalités qui précèdent n’est dûment justifié. »
Voici maintenant ce que nous avons dit :
Lors de la discussion de la loi, M. Nothomb présenta lui-même, comme amendement, l’article 5, et quoique nous fussions loin d’être satisfait, nous finîmes par nous y soumettre ; mais je fis observer de suite que le mot « pourront » était très élastique, et je demandai de le remplacer par le mot « seront ». La réponse de M. Nothomb, faite avec assez d’humeur, fut que nous n’étions jamais satisfait, mais que tout serait réglé par arrêté.
Cependant j’avais bien prévu que ce mot « pourront » pourrait amener des difficultés ; car, effectivement, M. Malou s’appuie sur ce mot pour dire que la faculté demandée ne nous avait pas été accordée, et cependant les articles 14 et 15 sont clairs, et nous donnent gain de cause.
Pendant la session dernière, je n’ai pas voulu soulever cette question de relâche, pour ne pas entraver nos négociations avec les Pays-Bas, et j’engageais mêm mes amis d’Anvers de faire un acte de patriotisme, et de ne commencer le procès (qu’ils étaient obligés de faire au gouvernement pour obtenir justice pour leurs intérêts gravement lésés), qu’après la conclusion du traité de commerce.
Je vous prouverai plus tard l’intérêt de la Hollande à nous voir faire des fautes qui diminuent nos affaires et grandissent les marchés de nos rivaux commerciaux, les Hollandais et les Hambourgeois.
Il y a quelque temps que le gouvernement a nommé une commission pour examiner cette affaire de relâche ; cette commission était composée de quatre armateurs et de deux négociants, et parmi ces six membres il y avait trois personnes qui, en 1844, conseillaient au gouvernement de faire les restrictions que nous ne voulions pas. Cependant cette commission a été unanime pour demander au gouvernement de ne pas motiver l’arrêté du 11 novembre 1846, à cause du procès commencé et pour ne pas préjuger le jugement à intervenir, et qui doit décider si les articles 14 et 15 exécutent l’article 5 de la loi de 1844.
D’après moi, le gouvernement aurait dû donner cet exemple de soumission à la justice, et ne pas dire dans le nouvel arrête du 11 novembre, dans ses considérants, que l’article 5 de la loi n’a jamais été mis en vigueur.
Vous voyez, messieurs, que je ne fais que l’historique de toute cette affaire, sans rien préjuger ; aussi je n’en dirai pas davantage sur ce point ; et j’attends avec confiance le jugement des arrêtes, pour décider entre M. le ministre des finances et le commerce ; mais il est fâcheux que nous ayons perdu, pendant ces 18 mois de réclamations, un temps précieux pour agrandir notre marché, but de la loi de 1844. Aussi, je vous prouverai par des chiffres, que ces entraves n’ont été favorables qu’à nos voisins, et même au détriment de notre trésor. Je commence par ce dernier point.
D’après la loi de 1844, et actuellement par le traité de commerce avec les Pays-Bas, nous devons recevoir 7 millions de kilog. de café au droit de 9 fr. 99 c. ; mais il n’est dit nulle part que nous ne pouvons pas susciter une concurrence à la Hollande, augmenter le plus possible nos arrivages directs, et, par le bon marché, faire boire à nos concitoyens du café Brésil et Saint-Domingue, au lieu de café Java, ce qui serait tout en faveur de notre trésor. J’espère bien que, pour cet objet, on ne sera pas complaisant pour la Hollande, comme ou l’est pour la France a propos des eaux-de-vie, que nos communes ne peuvent imposer, mais ce qui est refusé par le gouvernement par esprit de bon voisinage, sans que le traité nous y oblige. Ceci ressemble beaucoup, comme l’a fort bien dit l’honorable M. Veydt, à des traités secrets, ce qui est cependant contraire à l’article 68 de la Constitution.
Par les avantages faits à la Hollande par la loi de 1844, nos importations en café Saint-Domingue et Brésil ont diminué en 1845 sur 1844, de 87,500 balles ou kil. 5,250,000, et qui ont été remplacés par des cafés Java. En 1845, les ports hollandais ont reçu en plus sur 1844, 700 balles café Saint-Domingue ; et Brésil et Hambourg, en arrivages, ont augmenté des 87,500 balles que nous avions perdues.
Les cafés Brésil et Saint-Domingue, venant directement, et même avec relâche, devraient payer 11 fr. 50 c., et le Java venant de Rotterdam seulement (en somme ronde), 10 fr. 00 c. Différence, 1 fr., 50 c., soit, avec les 16 p. c. additionnels, sur une quantité de 5,250,000 kil., une différence de 91,350, au détriment de notre trésor.
Voilà seulement pour les recettes de la douane ; mais ces 87,500 balles vous auraient été importées par 25 ou 30 navires au moins, arrivant directement des colonies, qui auraient considérablement augmenté vos droits de tonnage et de pilotage, et vos impôts indirects par la commission des équipages, des réparations et du réarmement des navires. Le droits de port et de bassin auraient fait du bien à la caisse communale. et les bénéfices des caisses d’assurances auraient pu augmenter vos droits de patente. Je n’exagère pas, en disant que la différence pour le trésor fait au moins une somme annuelle, sur ce seul article café, de 200,000 fr., si vous recevez du café de Rotterdam ou des colonies.
Nous avons voté le traité avec les Pays-Bas, contre nos propres intérêts, mais dans l’intérêt général du pays ; j’espère qu’on nous en tiendra compte, et que mes honorables collègues se joindront à moi pour demander au gouvernement le changement de l’article 5 de la loi.
Si on veut faire de la Belgique un grand marché, si on veut faire jouir ce pays des avantages de sa belle position, utiliser ses moyens de communication, il est indispensable d’appliquer plus largement l’article 5 de la loi des droits différentiels et d’accepter comme arrivages directs toutes les cargaisons qui n’ont point fait d’opérations commerciales.
Tout ce qu’il importe de prévenir pour ne point porter atteinte à la loi existante, c’est l’introduction au droit réduit des cargaisons autres que celles vendues sous voile, ce qui porterait une grave atteinte aux principes de la loi.
Pour moi, peut-être, je voudrais aller plus loin ; mais pour réunir toutes les opinions du commerce d’Anvers et, dans cette enceinte, les adversaires de la relâche, je veux bien consentir à ne pas admettre au droit intermédiaire les cargaisons qui ont été vendues sous voile et qui ont fait des ports de relâche des entrepôts flottants.
Aussi pour prévenir ces sortes d’opérations, on ne peut prendre des mesures assez sévères ; on peut les trouver sans entraver le commerce et sans toutes les formalités indiquées dans les arrêtés de 1844.
1° On devrait limiter à 8 jours le séjour au port de relâche, délai nécessaire pour recevoir des ordres. Les 3 jours de l’arrêté du 11 novembre sont tout à fait illusoires.
2° Exiger du destinataire une déclaration que la cargaison n’a pas été l’objet d’une vente sous voile, qu’elle lui est adressée directement, pour son propre compte ou que la consignation lui en est faite par le propriétaire, ou la maison en Europe, représentant le propriétaire. Demander au besoin la production de la correspondance ou autre pièce pendante.
Je ferai observer, à cette occasion, que lorsqu’on a vendu à Londres une cargaison sous voile, toute la bourse en est informée ; ainsi votre consul pourrait vous envoyer la note de toutes ces transactions et ce serait un contrôle des déclarations des négociants.
3° Comminer des peines sévères, par exemple, double ou triple droit contre ceux qui feraient une fausse déclaration.
Moyennant ces mesures prises pour’ des navires qui ne seront pas porteurs des pièces prescrites par la loi, je n’hésite pas à dire que les ventes sous voiles seront impossible et que nous atteindrons facilement notre but.
Moyennant ces mesures on pourrait accorder à tout bâtiment la faculté de relâche dans un port intermédiaire, sans perdre le bénéfice d’importation directe.
Comme il y a procès, ne nous occupons pas pour le moment des arrêtés d’exécution, Mais travaillons à récupérer le temps perdu et à changer les vices de l’article 5 de la loi.
Vous allez recevoir des réclamations de la chambre le commerce et de l’association commerciale d’Anvers, contre l’arrêté du 11 novembre, et j’engage le gouvernement à nommer, sans retard, une commission composée d’armateurs et de négociants, pour changer l’article 5, comme je viens de vous l’indiquer.
Laissons là nos dissentiments pour le passé, et travaillons à l’avenir pour le bien-être du commerce, du pays et même du trésor.
La prospérité du commerce fait le bien-être de tout le pays, facilite les moyens d’exportation de vos produits industriels, et alimentera nos admirables voies de communication ; mais malheureusement tous les jours nous devons adresser des observations sur le manque de matériel à la station d’Anvers, et j’engage M. le ministre chargé du commerce, de s’entendre avec M. le ministre des travaux publics, pour avoir de waggons suffisants pour nos transports. Tous nos efforts tendent à augmenter nos affaires avec le Zollverein, mais il ne faut pas être entravé par les moyens d’expédition.
J’attendrai la réponse de M. le ministre, s’il veut consentir à nommer une commission pour la révision de l’article 5, et par là remédier au mal ; et il est inutile de perdre notre temps à nous expliquer davantage sur l’exécution des articles 14 et 15.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La proposition de l’honorable M. Osy, sous une forme très élevée, aurait pour résultat de détruire le système de la loi des droits différentiels. La Belgique, il y a deux années, a introduit dans sa législation, après de longs débats, un principe nouveau. Il a trouvé, dans cette chambre et dans le sénat, une forte majorité ; mais il n’a pas, en ces deux années, réalisé toutes les espérances qu’on avait conçues. Il ne faut pas s’en étonner. L’incertitude a toujours subsisté et subsiste encore sur le maintien de ce principe. On conçoit qu’en présence de cette incertitude, on ait éprouvé des froissements inévitables et qu’on ne réalise aucun des avantages qu’on pouvait espérer comme compensation.
Je déclare franchement, en réponse à l’interpellation de l’honorable membre, que l’intention du gouvernement n’est pas d’instituer une commission qui lui soumette un projet de réforme de l’article 5 ; son intention est au contraire de maintenir intact le principe de la loi des droits différentiels ; je remercie même l’honorable membre de m’avoir fourni l’occasion de le déclarer. Pour l’exécution, nous aurons quelques dispositions transitoires à corriger, mais nos efforts tendront à maintenir, à sauvegarder le principe de la loi des droits différentiels.
Messieurs, c’est en effet à l’époque où j’ai été appelé au ministère des finances que se sont présentées les premières difficultés, relatives à l’application de l’article 5. Deux questions se présentaient : D’abord de savoir comment on avait exécuté la loi, en second lieu comment elle devait être exécutée dans l’intérêt particulier du commerce, dans l’intérêt général du pays. Sur la question d’interprétation de la loi et de l’arrêté d’exécution, il s’est élevé une controverse interminable, et je n’ai pas eu de peine à voir qu’on n’arriverait à un résultat que devant les tribunaux ou devant les chambres. J’avais posé une alternative, je remercie l’honorable membre de m’apprendre qu’elle se présentera à la fois devant les chambres et devant les tribunaux.
L’honorable M. Osy attache au mot « pourront », qui se trouve dans deux dispositions, le même sens ; cependant dans l’une la faculté s’applique aux navires belges, tandis qu’en ce qui concerne les navires étrangers, elle s’applique au gouvernement. En d’autres termes le mot « pourront » dans le deuxième paragraphe a été inséré pour qu’à l’égard des navires étrangers le gouvernement eût la faculté de permettre ou de ne pas permettre la relâche à Cowes. Restait la seconde question, celle de savoir si dans l’arrêté du 21 juillet, mesure d’exécution, le gouvernement avait fait usage de cette faculté. J’ai toujours soutenu que le gouvernement n’en avait pas fait usage, La difficulté étant déférée aux tribunaux, quant au passé, je m’abstiens de donner ici des arguments nouveaux à l’appui de mon opinion. J’attends la décision avec confiance.
Tout en soutenant que par l’arrêté d’exécution du 21 juillet, le gouvernement n’avait pas fait usage de la faculté que la loi lui donnait, il avait un autre devoir à remplir, il avait à examiner si et à quelles conditions il convenait de faire usage de cette faculté. Cette étude a été faite ; nous avons demandé le concours des intéressés, nous avons demandé aux représentants des deux opinions qui existent à Anvers de nous soumettre des propositions.
A la suite d’une instruction longue et laborieuse, lorsque tous les systèmes, toutes les objections ont pu être discutés, nous avons soumis an Roi, mon collègue, M. le ministre des affaires étrangères et moi, l’arrêté du 11 novembre courant.
Dans cet arrêté nous avons maintenu, et c’est là un grief pour l’honorable membre, deux considérations par lesquelles le gouvernement déclare qu’il n’a pas fait usage, par l’arrêté de 1844, des facultés que nous accordait la loi.
Messieurs, c’est vraiment pousser trop loin ce que j’appellerai la tyrannie, que de défendre au gouvernement d’énoncer dans un acte du gouvernement l’opinion du gouvernement.
M. Osy. - Quand il y a procès.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Quand il y a procès, me dit-on ; mais je puise dans le procès même un motif de faire cette réserve. Si je n’avais pas maintenu à l’arrêté nouveau les deux considérants qui indiquaient dans quelle pensée le gouvernement agissait, vous auriez été en droit de dire devant les tribunaux que le gouvernement n’introduisait pas un droit nouveau, mais qu’il reconnaissait que l’opinion soutenue par le commerce était fondée. J’aurais prêté les mains à perdre mon procès, et, vraiment, vous ne pouviez pas espérer tant de bonté de ma part.
Je devais donc maintenir les considérants, non seulement parce que je persiste à croire que l’interprétation qui a été donnée jusqu’alors par le gouvernement, était parfaitement conforme au texte, à l’esprit de la loi et des arrêtés du 21 juillet 1844, mais parce qu’en n’exprimant pas cette opinion, j’y renonçais, je consacrais implicitement l’opinion contraire.
Les motifs pour lesquels le gouvernement s’est écarté en certains points de l’opinion de la commission instituée à Anvers, ont été indiqués par quelques notes qui ont été mises au Moniteur.
Le gouvernement avait un mandat à remplir et il ne pouvait le dépasser. Il ne lui appartenait pas de consacrer notamment l’opinion que vient d’exposer tout à l’heure l’honorable M. Osy.
Ainsi l’honorable membre critique le délai de trois jours qui a été fixé par l’arrêté du 11 novembre. Il dit que ce temps est insuffisant pour transmettre des ordres de Coves à Anvers et d’Anvers à Cowes ; et à plus forte raison le délai est-il insuffisant, dit l’honorable membre, lorsque la cargaison qui vient des pays transatlantiques, appartient, par exemple, à une maison de Glascow.
Mais si la cargaison qui arrive des pays transatlantiques appartient à une maison de Glascow, comment voulez-vous, sans avoir complétement détruit le système des droits différentiels, que sa consignation puisse devenir belge, alors qu’elle a déjà touché le littoral européen ? Toute votre (page 153) loi n’a-t-elle pas disparu, si une cargaison, arrivant dans ces circonstances, peut être admise au bénéfice des provenances directes ?
Je ne demande donc pas d’autre exemple que celui qui a été cité, pour justifier complétement, au point de vue de la loi, la courte durée du délai que nous avons fixé dans l’arrêté du 11 novembre.
Permettez-moi d’insister un instant, parce que cette question est assez difficile à expliquer, sur le principe même qui nous a déterminé à accorder au commerce une partie de ce qu’il nous demandait.
La loi des droits différentiels a voulu que le commerce belge eût des relations directes avec les contrées transatlantiques. Elle a voulu que les opérations ne se fissent plus par l’intermédiaire de maisons anglaises. Elle a voulu que les habitudes du commerce belge, il faut avoir le courage de le dire ici, se transformassent peu à peu, et qu’au lieu d’être de simples commissionnaires, un plus grand nombre de maisons s’appliquassent à nouer, dans l’intérêt de notre industrie, des relations avec les contrées où nos produits peuvent se placer. Eh bien, que fallait-il à ce point de vue, en présence de l’insuffisance de notre marine ? Il fallait que la propriété belge, originairement dans les contrées transatlantiques, pût être dirigée, lorsqu’elle arrive en Europe, sur un autre port que le port d’Anvers ; mais il fallait éviter qu’une cargaison expédiée des contrées transatlantiques ne devînt propriété belge sur le littoral européen, et, devenue ainsi propriété belge, ne fût admise aux droits de faveur dans les ports belges.
C’était là une très grande difficulté, parce que les moyens d’éluder les formalités prescrites par la loi sont très nombreux, et on avait eu la franchise d’en indiquer un certain nombre dans la discussion de la loi des droits différentiels.
Nous avons donc cherché quelques formalités qui permettent de distinguer, lorsque le commerce belge se sert de navires étrangers, les cargaisons qui sont réellement belges, soit comme propriété, soit comme consignation directe, de celles qui sont transmises, qui sont négociées, qui sont endossées à des maisons belges, alors qu’elles ont déjà touché le littoral européen. Nous ne pouvions, messieurs, procéder autrement, je le répète encore, sans énerver, dans l’exécution, le principe même de la loi que vous avez votée.
Aujourd’hui la question est placée par l’honorable membre sur un terrain nouveau. Il y a plus de franchise à demander qu’on abroge l’article 5 de la loi, qu’il n’y en a eu à soumettre au gouvernement un projet qui abrogeait implicitement la loi du 21 juillet, qui contenait, si le gouvernement avait posé cet acte, une illégalité manifeste.
M. Rogier. - Si le commerce demande une chose utile, accordez-la.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J’accepte l’interruption. On me dit : Si le commerce demande une chose utile, accordez-la.
Messieurs, j’ai déjà expliqué les motifs qui portent le gouvernement à maintenir le principe de la loi des droits différentiels. Je viens encore d’expliquer tout à l’heure quels étaient les résultats que le gouvernement et la chambre en attendaient, et d’indiquer les causes qui ont empêché ces résultats de se produire immédiatement.
C’est donc parce que le gouvernement croit que le commerce demande ici, pour un intérêt actuel, pour un intérêt qui n’est pas assez général, qui n’est pas l’intérêt national, un changement peu justifié, que le gouvernement résiste à cette demande. Si le gouvernement partageait l’opinion du commerce, il ferait ce que demande l’honorable M. Rogier, il vous proposerait immédiatement l’abrogation de la loi des droits différentiels.
M. Rogier. - Si la question des droits différentiels résidait dans la question de la relâche à Cowes, il ne fallait pas en occuper la chambre pendant trois mois.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On me dit, messieurs, que si la question des droits différentiels résidait dans la question de relâche à Cowes, il ne fallait pas en occuper la chambre pendant trois mois.
Voici ce que mes souvenirs me rappellent sur cette discussion. Lorsqu’on avait adopté les principes et le tarif, on s’est aperçu, lors de la discussion de l’article 6, que toute la loi pouvait être viciée, et pouvait périr, si cette disposition n’était pas adoptée ; aujourd’hui encore se plaçant sur le même terrain on ne vient pas vous demander l’abrogation de la loi, mais on vient vous demander la même chose en d’autres termes.
M. Loos. - Je ne m’attendais pas à voir se produire aujourd’hui la question de la relâche à Cowes Je croyais qu’elle viendrait d’une manière plus opportune dans la discussion du budget des voies et moyens. Cependant, puisqu’elle a été soulevée, bien que je ne sois pas tout à fait préparé, j’entrerai dans la discussion.
M. le ministre des finances, messieurs, n’a pas pu prétendre que la loi du 21 juillet ne présente aucun défaut. Vous vous rappelez que, dans la dernière séance, M. le ministre a dû reconnaître lui-même que, quant aux cuirs, il y avait dans la loi des droits différentiels une disposition qui était évidemment préjudiciable à l’industrie des tanneries.
Ce que M. le ministre a reconnu pour l’industrie des tanneries, il aurait, je crois, bonne grâce de le reconnaître pour ce qui concerne certaines cargaisons venant des pays transatlantiques.
M. le ministre s’est surtout récrié sur ce que l’honorable M. Osy nous a dit tout à l’heure, que pour une cargaison appartenant à un négociant de Glascow, il fallait une huitaine de jours pour transmettre des ordres, soit à Cowes, soit à Falmouth. M. le ministre a vu là le commerce étranger profitant des avantages qu’on a voulu réserver seulement au commerce belge.
Je demanderai à l’honorable ministre des finances ce qu’il voudrait que devînt la cargaison de marchandises expédiées des pays transatlantiques à la disposition de maisons anglaises et destinées pour ce continent.
Aujourd’hui, messieurs, ces cargaisons abordent soit à Anvers, soit à Rotterdam, soit à Hambourg. Il est évident que la Belgique a intérêt à les voir arriver plutôt à Anvers que de les voir aller à Rotterdam ou à Hambourg.
M. le ministre les repousse ou veut les repousser en appliquant à ce cargaisons les droits dont sont frappées les marchandises sortant des entrepôts d’Europe.
Je crois, messieurs, que c’est là se faire gratuitement un tort à soi-même. Le pavillon belge étant d’ailleurs protégé par un droit infiniment plus réduit, il me semble que le droit à appliquer aux cargaisons de cette nature, qui n’ont pas fait l’objet d’un commerce, devrait être le droit dont sont frappées les provenances directes des pays transatlantiques arrivant sous pavillon étranger. Il resterait aux cargaisons belges un droit protecteur assez considérable. Mais je le répète, c’est se nuire gratuitement soi-même, sans aucun avantage pour la navigation belge, que de repousser des cargaisons, appartenant, je l’admets, à des maisons anglaises, et qui peuvent être adressées à des maisons belges.
Que diriez-vous, messieurs, si le port de Hambourg, si celui de Rotterdam repoussaient toutes les cargaisons de cette nature ? Y aura-t-il intérêt pour elles à agir ainsi ?
Quel est l’intérêt d’un port de mer ? C’est de voir augmenter le mouvement commercial, c’est de voir augmenter le mouvement de la navigation, sans nuire à sa propre navigation ; et ce serait évidemment ici le cas.
Si vous repoussez ces sortes de cargaisons, elles prendront le chemin de Rotterdam, le chemin de Hambourg, et vous n’en retirerez aucun avantage ; votre navigation n’en profitera sous aucun rapport.
Messieurs, j’ai lu les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte à. propos de la loi du 21 juillet, et j’ai remarqué, quant à cette disposition spéciale, que dans cette chambre on n’a réellement voulu atteindre, on. n’a voulu frapper du plus haut droit que les cargaisons vendues sous voile et qu’on a appelées les entrepôts flottants. Messieurs, quant à ces sortes de cargaisons, le commerce d’Anvers ne réclame pas de faveur. Le commerce d’Anvers reconnaît qu’il peut être utile, pour l’encouragement de la navigation, de frapper d’un plus haut droit ces sortes de marchandises.
M. le ministre pourrait me demander de quelle manière on reconnaît les cargaisons vendues sous voile. Mon honorable ami M. le baron Osy a déjà expliqué par quels moyens il serait possible de les atteindre. Ainsi qu’il l’a fort bien fait remarquer, il n’est pas de cargaison vendue sous voile qui ne soit parfaitement connue. Lorsqu’une cargaison est à vendre sous voile, elle fait l’objet de correspondances, non pas d’une maison de Londres, mais de la plupart des maisons faisant des affaires avec la Belgique. C’est ainsi que si une cargaison arrive à Cowes et qu’on désire la vendre sous voile, toutes les maisons de Londres qui ont des correspondants à Anvers, préviennent ceux-ci qu’une cargaison est à vendre sous voile, et disent les conditions de la vente.
ll ne peut donc pas être difficile pour l’administration des douanes de connaître les cargaisons qui ont fait l’objet d’une vente sous voiles.
Messieurs, j’ai entendu l’honorable ministre des finances nous dire tout à l’heure qu’il ne s’attendait qu’à une seule alternative, c’était de voir traduire la question de la relâche à Cowes soit devant les tribunaux, soit devant la chambre, et qu’il se félicitait de voir les deux alternatives se réaliser.
Messieurs, je ne crois pas qu’un ministre des finances puisse jamais se féliciter de voir arriver devant les tribunaux des difficultés entre le fisc et le commerce. Je suis curieux de savoir si M. le ministre des finances tiendra encore le même langage, alors que la justice aura prononcé.
M. le ministre des finances (M. Malou). - S’il gagne ?
M. Loos. - S’il perd, je demanderai si M. le ministre des finances pourra se féliciter des difficultés qu’il aura suscitées au commerce.
Pour ma part, messieurs, je blâmerais toujours les procès entre l’administration et l’industrie ou le commerce, quand l’administration aurait pu trouver un autre moyen de termine le différend. Or, ici, je dois le dire, le gouvernement a faussement interprété la loi des droits différentiels.,
Il est clair, ainsi que mon honorable ami M. le baron Osy vous l’a expliqué, que l’intention de cette chambre n’a jamais été d’interpréter la loi des droits différentiels comme le fisc a cru utile de l’appliquer. Je n’avais pas l’honneur de faire partie de la chambre à cette époque ; mais c’est une conviction que j’ai acquise par la lecture des discussions.
Dans toutes les discussions qui ont eu lieu sur la loi des droits différentiels, je n’ai pas remarqué qu’il fût entré dans l’intention d’aucun membre de cette chambre, de repousser les cargaisons qui, venant des pays transatlantiques, seraient consignées, après avoir touché à Cowes, à des maisons belges.
Cependant dès qu’un navire touche à Cowes, on veut envisager sa cargaison comme provenant des entrepôts d’Europe. Evidemment, messieurs, c’est là une fausse interprétation.
Si j’y voyais un avantage quelconque pour l’une des branches de l’industrie belge, je pourrais me ranger de l’avis du gouvernement. Mais je le déclare en toute franchise, je ne vois pas qu’un pareil système puisse être utile à qui que ce soit.
M. Osy. - Messieurs, l’honorable ministre des finances nous a dit (page 154) que si nous changions le paragraphe 2 de l’article 5 de la loi du 21juillet, tout le système des droits différentiels viendrait à tomber. Messieurs, le but de la loi du 21 juillet a été de favoriser les arrivages directs et de frapper les produits des entrepôts d’Europe, et en second lieu de favoriser le pavillon belge sur le pavillon étranger.
Nous avions accordé au pavillon étranger venant des pays transatlantiques une protection de 2 fr. par tonneau, et ce n’est que pendant la discussion que l’honorable M. de Haerne a soulevé la question des entrepôts flottants. C’est à cette occasion que l’honorable M. Nothomb est venu vous donner lecture d’une lettre, dont il n’a pas voulu nous montrer la signature, quoique dans des questions pareilles la plus entière franchise soit nécessaire, et que chacun devrait avoir le courage de son opinion.
Eh bien, messieurs, nous avons tous cette opinion ; il y avait deux ou trois négociants à Anvers qui partageaient la manière de voir de ceux qui ont parlé des entrepôts flottants ; eh bien, aujourd’hui nous sommes tous d’accord ; nous ne voulons pas admettre aux droits réduits le navire vendu sous voiles, et j’ai indiqué toutes les précautions que l’on peut prendre à cet égard ; je consens de plus à ce que le gouvernement frappe d’un droit double ct triple celui qui aura fait une fausse déclaration ; j’ai expliqué comment avec ces mesures il serait de toute impossibilité d’éluder la loi ; mais, nous disons que le navire arrivant directement, qu’il appartienne à une maison belge ou à une maison étrangère et qui ne se rend à Cowes ou à Falmouth que pour savoir dans quel port et à quelle maison il doit livrer sa cargaison, nous disons que ce navire doit jouir des avantages accordés aux arrivages directs.
Voyez, messieurs, ce que vous avez fait pour les Etats-Unis. Vous admettez comme arrivages directs les marchandises que les Américains vont chercher à la Havane, à Rio, et qu’ils transportent sur leurs navires de New-York à Anvers. Est-il possible après cela de repousser la catégorie d’arrivages dont il s’agit en ce moment ?
Je suis persuadé que M. le ministre est favorable au commerce, qu’il n’est pas ennemi de la prospérité du pays ; mais alors je ne conçois pas comment, après avoir reçu pendant deux ans réclamations sur réclamations, il ne fait pas droit à ce que nous demandons d’une voix unanime. Je dis d’une voix unanime, car il n’y a peut-être pas trois négociants à Anvers qui diffèrent d’opinion avec nous et je crois même que les trois négociants auxquels je fais allusion ne combattront pas ce que nous demandons. En effet, messieurs, dans l’association commerciale, dont j’ai l’honneur d’être président, j’ai été chargé de former une commission pour examiner la question dont nous nous occupons et j’ai eu soin d’y faire entrer celui qui était le plus hostile à ce qu’on appelle les entrepôts flottants ; j’ai dit : Il faut prendre ceux qui sont le plus opposés à notre manière de voir, afin de nous mettre ainsi d’accord.
Eh bien, messieurs, la pétition qui nous a été adressée dans la dernière session, dont vous avez tous reçu un exemplaire et que je prie encore M. le ministre d’examiner avec soin ; cette pétition a été adoptée à l’unanimité, et le négociant dont je viens de parler, qui était en 1844 notre plus grand adversaire, s’est complétement rallié à l’opinion que j’ai l’honneur de vous soumettre. Je suis donc autorisé à dire qu’il y a unanimité à Anvers en faveur de cette opinion.
Maintenant, messieurs, s’il est prouvé en outre que notre système est nuisible au trésor public, et si d’un autre côté personne ne réclame contre ce que nous demandons, pourquoi ne pas nous rendre cette justice ? Nous ne voulons porter aucune atteinte au principe de la loi des droits différentiels, nous consentons à ce que les marchandises d’entrepôt soient frappées de droits plus élevés, nous voulons que le pavillon belge reste en possession de 25 fr. par tonneau ; pourquoi donc ne pas admettre une modification favorable au commerce, favorable au trésor public et qui n’est désavantageuse pour personne ?
Ce qui m’étonne le plus, messieurs, c’est qu’en toute circonstance celui de nos ministres qui est le défenseur-né du commerce laisse prendre la parole à son collègue spécialement chargé de soutenir les intérêts du fisc.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si le traité conclu avec les Pays—Bas s’oppose à ce que nous prenions des mesures dans le but de substituer dans la consommation belge le café Brésil au café Java...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Rien ne s’y appose.
M. Osy. - Il n’y a donc pas d’arrangement secret comme pour les eaux-de-vie ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il n’y a pas d’arrangement secret pour les eaux-de-vie.
M. Osy. - Vous avez dit hier, non pas précisément qu’il y a des arrangements secrets, mais qu’il y a des raisons de convenance. Eh bien vous pourriez dire également qu’il y a des raisons de convenance pour ne pas nuire à la consommation du café Java.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il n’y a rien de semblable.
M. Osy. - Eh bien, je prends acte de la déclaration de M. le ministre dont il résulte que nous sommes entièrement libres à cet égard, et je prie la chambre d’en prendre acte comme moi.
M. Rodenbach. - Comment voulez-vous que l’article 5 soit modifié ?
M. Osy. - Je demande que tout navire venant des pays de production et qui n’est pas vendu sous voiles soit reçu comme arrivage direct, tandis que celui qui aurait été vendu sous voiles serait considéré comme arrivant d’un entrepôt d’Europe.
Eh bien, messieurs, je soutiens qu’une telle disposition n’est en rien contraire, ni aux intérêts du trésor, ni à ceux de la marine nationale. Je le demande donc : ne sommes-nous pas tous amis du pays, et ne devons-nous pas tous travailler à faire d’Anvers le plus grand marché possible ? Est-ce que tout le pays n’y gagnerait pas ? Mais plus vous aurez de navires à Anvers, plus on consommera pour l’armement, pour les équipages, pour le désarmement, et tout le monde en profitera.
M. le ministre nous répond qu’il ne consentira pas à ce que notre demande soit admise. Mais, messieurs, ce n’est point là une raison. Il dit que nous voulons détruire le principe de la loi, mais c’est une simple allégation ; il faut le prouver. Je sais bien que M. le ministre a une grande facilité de parole dont malheureusement je ne suis pas doué mais des paroles ne suffisent pas, il faut des preuves.
M. le ministre dit que nous voulons renverser le principe de la loi. Eh bien, messieurs, examinons quel est ce principe. Qu’est-ce que nous avons voulu en votant la loi des droits différentiels ? Nous avons voulu que le navire qui vient directement de Rio, par exemple, à Anvers, et qui va à Cowes pour savoir à quel port et à quelle maison il doit s’adresser, nous avons voulu que ce navire ne perdît pas les avantages accordés à l’importation directe. Eh bien, vous n’avez pas prouvé que nous sommes dans l’erreur sur ce point. Vous n’avez pas prouvé non plus que votre système ne cause pas au trésor un préjudice de 200,000 francs par an.
J’espère, messieurs, que le gouvernement voudra bien examiner de nouveau la question avec la plus grande maturité. J’espère surtout que M. le ministre des affaires étrangères voudra bien l’envisager, non pas sous le point de vue fiscal, mais sous le point de vue des intérêts du commerce. Il nous a donné la preuve, dans la discussion d’une loi votée l’année dernière, qu’il comprend parfaitement ces questions ; mais il ne sait pas résister au talent de l’honorable M. Malou qui ne veut pas comprendre que le plus grand intérêt du pays c’est de faire le plus d’affaires possible.
Je prie le gouvernement d’examiner sérieusement la question et de vouloir ensuite nommer une commission impartiale de négociants d’Anvers pour réviser l’article 5 de la loi du 21 juillet.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l’honorable M. Osy s’est étonné de ce que M. le ministre des finances ait pris le premier la parole ; jusqu’à présent il s’est agi d’une question d’interprétation, et la difficulté a été soulevée entre l’administration des douanes et une partie du commerce d’Anvers. A raison de nos attributions, j’ai été amené à faire une étude spéciale de la difficulté, et la question nouvelle que l’honorable membre a soulevée et sur laquelle le commerce d’Anvers n’a pas eu jusqu’à présent d’opinion à émettre, cette question nouvelle, je l’ai traitée incidemment avec l’autre. Du reste, je crois avoir fait, comme ministre des finances, un certain acte de désintéressement, puisque je n’ai pas traité le côté fiscal.
Nous aboutissons aujourd’hui à une véritable question de mots. La loi des droits différentiels a voulu, pour l’admission an bénéfice des provenances directes, que les cargaisons fussent expédiées des lieux transatlantiques directement à une maison belge, soit comme propriété, soit comme consignation. Tels sont les termes de la loi.
La cargaison, qui n’est pas dans ces conditions légales, peut devenir belge de deux manières différentes quant à la forme, identiques quant au fond. Il peut arriver qu’une cargaison soit expédiée pour Anvers avec connaissement à ordre, soit dirigée par une maison de Londres ou de Glascow sur Anvers, et devienne propriété belge, alors que la cargaison a déjà touché le littoral européen. Il peut arriver, au contraire, que la même cargaison soit expédiée à Cowes, et qu’elle y fasse l’objet d’une vente sous voile ; eh bien, au point de vue des principes et de la loi des droits différentiels, ce ne sont pas seulement les ventes sous voile, proprement dites, qu’on a voulu interdire, on a voulu interdire aussi, ou du moins on n’a pas voulu admettre au bénéfice des importations directes la première des deux opérations que je viens de définir.
Ainsi, lorsqu’on vient nous dire qu’il existe à Anvers une profonde répugnance pour les cargaisons vendues sous voile, c’est dissimuler les choses sous les mots ; parce qu’il faudrait que la même répugnance s’étendît aux connaissements à ordre que l’honorable membre a cités.
J’ai eu tort peut-être de dire que je me félicitais de ce que cette question fût soumise aux tribunaux. Je tiens du moins à expliquer le sens de ces paroles. J’avais eu un grand nombre de discussions sur cette question ; j’ai exprimé cette fois le désir, puisque nous ne pouvions nous convaincre les uns les autres, que la question fût déférée à un tiers, c’est-à-dire aux tribunaux ; mais je ne me féliciterai jamais d’avoir des difficultés avec le commerce ; je les regrette toujours, et je suis heureux quand je puis les éviter sans faillir à mes devoirs.
M. Donny dépose un amendement qui sera imprimé et distribué.
- La suite de la discussion est remise à demain, à 1 heure.
La séance est levée à 4 heures et demie.