(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M*.* Liedts.)
(page 97) M. Huveners procède à l’appel nominal à 11 heures un quart, et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
Il communique ensuite l’analyse des pièces adressées à la chambre :.
« Le sieur du Relais, avocat à Ath, demande une loi qui fixe d’une manière générale et uniforme la valeur de toutes les propriétés foncières du royaume, en prenant pour base le revenu imposable porté à la matrice cadastrale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les maîtres de postes prient la chambre de vouloir bien statuer promptement d’une manière quelconque sur leur sort. »
M. Liedts. - En l’absence de M. le ministre des finances, je demanderai à la chambre la permission de dire quelques mots, de ma place, pour appuyer cette pétition. Les maîtres de postes m’ont prié d’appeler l’attention de la chambre sur leur requête, et j’hésite d’autant moins à le faire que leur réclamation est parfaitement juste. Il est impossible que le gouvernement et les chambres ne statuent pas sur leur sort. Voilà dix ans qu’ils nous adressent leurs plaintes. Si les relais sont devenus inutiles, que le gouvernement le déclare et qu’il propose des mesures en conséquence ; si, au contraire, ils doivent être maintenus, il faut qu’on les place dans des conditions telles qu’ils puissent exister.
Je demanderai donc que la pétition soit renvoyée à la section centrale chargée d’examiner le budget des travaux publics, et que M. le ministre des travaux publics soit invité par la section centrale à donner des explications sut la demande des pétitionnaires.
- Cette proposition est adoptée.
« Le conseil communal de Renaix prie la chambre de voter une somme de 25,000 fr., pour subvenir aux besoins de la classe nécessiteuse de cette ville.
M. Liedts. - Comme cette pétition se rattache aux mesures que nous sommes appelés à voter pour venir aux secours des classes ouvrières, je proposerai à l’assemblée de la renvoyer, avec demande d’un prompt examen, à la section centrale qui s’occupera de la loi de crédit pour mesures relatives aux subsistances.
- Cette proposition est adoptée.
Par dépêche, en date du 20 novembre, M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) transmet à la chambre des exemplaires d’une brochure relative à l’arrêté du 25 août 1846, portant création d’une maison centrale de correction à Louvain.
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.
Par dépêche, en date du 18 novembre, M. le ministre des travaux publics transmet à la chambre des explications qui lui ont été demandées sur la pétition du sieur Castelain, cultivateur à Estaimpuis.
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) présente quatre projets de loi relatifs à l’érection de la commune de Saint-Léonard, et à la rectification de trois autres communes.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets, et les renvoie à l’examen de commissions qui seront nommées par le bureau.
M. Maertens, au nom de la commission des naturalisations, dépose 22 projets de loi de naturalisation ordinaire.
- Ces projets seront imprimés et distribués. La chambre les mettra ultérieurement à l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demanderai à la chambre de fixer dès à présent l’ordre du jour de lundi prochain ; je lui proposerai de porter à son ordre du jour, en premier lieu, le budget de la dette publique sur lequel l’honorable M. Veydt a fait rapport dans la dernière session ; en second lieu, le budget du département des finances, dont le rapport a été également déposé par l’honorable M. Zoude.
M. le président. - La discussion continue sur le paragraphe premier. La parole est à M. Desmet.
M. Desmet. - Messieurs, hier, vers la fin de la séance, l’honorable ministre des affaires étrangères et du commerce m’a fait un reproche très dur auquel j’ai été très sensible et que je ne méritais pas. Ce reproche m’a été adressé, parce que j’avais déclaré à la chambre que, par les nouvelles modifications introduites dans le tarif du Zollverein, on allait encore frapper mortellement l’industrie linière et tout en particulier une partie du malheureux district d’Alost, et surtout les villes de Ninove et d’Alost et les campagnes qui les environnent ; ce résultat doit être la conséquence de l’augmentation dont on a grevé les fils retors de lin.
Certainement, ce ne sont pas mes paroles, mais bien les faits que j’ai signalés, qui doivent porter l’alarme dans la contrée dont les intérêts sont lésés ; et je ne crois pas qu’il y eût lieu dc ce chef à m’adresser le moindre reproche.
Et comment voudrait-on que cette malheureuse contrée ne fût pas alarmée, quand on la frappe encore une fois ? Cette contrée est véritablement abandonnée ; elle ne jouit d’aucun des avantages accordés aux autres parties dli pays ; le commerce y languit ; il n’y a aucune communication ; il n’y vient plus de voyageurs ; les maisons de commerce s’en retirent. Ce district qui paye une si grande part dans les contributions publiques, les paye tous les ans pour sa ruine ; il les paye pour construire de nouvelles voies de transport et de communication qui lui font un tort immense et qui déplacent, à son grand détriment, des avantages commerciaux.
Je ne crois pas non plus que, par mes paroles, j’aie fait tort à la négociation. J’ai établi les faits tels qu’ils existaient ; j’ai indiqué le mal qu’on allait encore nous faire, et je ne pense pas avoir par là compromis la négociation.
Au lieu de subir ce reproche, il m’aurait été plus agréable d’entendre le la bouche de M. le ministre du commerce quelques paroles de consolation qui nous auraient fait espérer que le commerce de cette contrée ne serait pas traité en paria. L’honorable ministre du commerce est le père commun des négociants ; il ne doit pas vouloir qu’une branche de la grande famille souffre continuellement, et il ne peut pas voir que sa détresse s’achève ; la partialité comme le privilège est contre l’esprit de notre Constitution. M. le ministre sait où est le mal ; il sait que le gouvernement peut le diminuer ; j’espère que l’époque n’est pas éloignée où cette portion du pays recevra un soulagement, et que le grief qui existe pour le district d’Alost sera bientôt redressé.
M. le ministre a prétendu que mon inquiétude était mal fondée : Il est vrai, dit M. le ministre, que par les nouvelles modifications apportées au tarif du Zollverein, le fil retors est frappé de 100 p. c. de plus, soit 30 francs les 100 kilog. ; mais en compensation, on a établi un droit sur le fil mécanique étranger de 15 francs. Mais l’honorable ministre doit savoir que l’Allemagne n’a pas besoin de fil étranger ; l’Allemagne, la Westphalie, le pays de Brunswick, la Silésie, et les forêts qui bordent la rivière le Roer, tous ces pays produisent beaucoup de fil, et ils en produiront encore plus quand ils trouveront les moyens d’en faire consommer davantage, ce qu’ils obtiendront quand ces pays établiront des fabriques de fils retors ; ce qui assure un avantage à l’Allemagne sur la Belgique, c’est que les fileuses allemandes n’ont pas un salaire aussi fort que les nôtres.
Or donc, si nous allons laisser se développer la fabrication du fil retors en Allemagne, nous verrons bien diminuer nos fabriques et augmenter la détresse ; nous devrons aussi déplorer que les comités établis pour (page 98) le travail des pauvres, n’auront plus cet avantageux placement pour les produits des fileuses de nos campagnes.
Il est connu que les Allemands n’ont pas besoin de fils étrangers, et ils sont bien trop adroits pour stimuler l’emploi des fils mécaniques ; il savent bien que le lin laminé ne produit pas du fil comme celui qui est filé la main ; ils savent par expérience que les toiles faites avec le fil à la main se placent plus facilement et plus avantageusement que celles faites avec des fils mécaniques ; c’est pour arrêter l’introduction des fils anglais que, probablement, le Zollverein aura pris la mesure de frapper les fils mécaniques d’un droit élevé.
C’est surtout parce que les fils retors de Ninove et d’Alost sont fabriqués avec du bon fil simple, que le consommateur allemand les préfère à tous autres, et que ces fils ont une si bonne et ancienne réputation. Ce sera donc, et nous ne pouvons assez le répéter, ce sera mon district qui va pâtir le plus de la nouvelle mesure allemande. Les fileteries de Tournay et de Courtray sont aussi frappées, mais elles ne le sont pas autant que celles de Ninove et d’Alost, parce qu’elles ne placent pas beaucoup leurs marchandises en Allemagne, elles les débitent dans d’autres pays ; mais la mesure rejaillira sur elles, parce qu’elles devront craindre la concurrence des fabriques qui sont directement atteintes dans les localités où elles placent seules aujourd’hui.
Ces fileteries ne sont pas seulement frappées par le Zollverein, elles l’ont été encore par le traité avec la Hollande. Avant le traité, on était soumis au droit de 6 p. c., mais on n’en payait en réalité que 3 ; les Hollandais, craignant de procéder à des préemptions, se contentaient de ce droit.
Aujourd’hui on paye 12 fl. des Pays-Bas les 100 kil., ce qui fait qu’au lieu de 3 on paye 15 et 16 p. c, et cette mesure, comme vous le sentez, devra beaucoup faire diminuer le placement de nos fils en Hollande. C’est donc un grand sacrifice que l’industrie des fileteries a dû faire pour obtenir le traité hollandais ; il est juste que cette perte soit indemnisée et que le gouvernement prenne une mesure efficace à ce sujet.
Messieurs, l’importance de nos fabriques de fil retors est plus grande peut-être que vous ne pensez Nous comptons 50 à 60 fabriques, qui occupent deux mille ouvrières, dont les produits s’élèvent à une valeur de 4 millions, et dont la moitié est absorbée par le salaire des fileuses de fil simple.
Ces deux millions font huit millions de journées pour les fileuses, qui permettent d’occuper 20 à 25 mille ouvrières qui seront sur le pavé si on laisse tomber leur industrie.
Le Zollverein ne frappe pas seulement le fil retors, mais encore la toile blanche et teinte, qui paye aujourd’hui cent pour cent de plus qu’auparavant. Pourtant, que n’avons-nous pas fait pour l’Allemagne ? Nous lui avons accordé tout ce qu’elle a demandé, et elle frappe de mort nos industries. Il n’y a qu’un seul moyen d’apporter quelque remède à cet état de choses sur lequel j’appelle l’attention de M. le ministre du commerce ; le seul moyen d’empêcher la ruine de cette industrie est d’accorder des primes d’exportation.
Je crois que ce système de protection pourra être très utilement mis en usage, aura un excellent résultat et ne sera pas très coûteux pour le trésor.
A cette occasion j’appellerai l’attention de M. le ministre sur la récolte du lin qui a manqué. Nous demandons pour cette année seulement un droit de sortie sur les lins. Toutes les fois qu’on a vu que le lin brut manquait, on mettait un droit momentané à la sortie afin de ne pas priver l’industrie de cette matière première importante. Si le gouvernement ne prend pas cette mesure, je ne sais pas comment les comités du travail des pauvres pourront se procurer cette matière première, qui leur est indispensable ; pour cette raison seule le gouvernement et surtout le département du commerce devrait à cet objet attacher une attention toute particulière, et j’engage le chef de ce département de ne pas tarder à songer aux mesures qui seront utiles à prendre pour conserver les lins bruts dans le pays. On voit déjà aujourd’hui que le lin commun que l’on achète est de 40 p. e. plus cher que le prix normal.
On a parlé dans la discussion générale du malaise d’une grande partie de nos provinces, surtout des Flandres.
Une des causes momentanées de ce malaise, c’est que toujours nous perdons, sous le rapport de l’exportation de nos produits. Dans les provinces où une grande partie de la population vit de la fabrication des produits liniers, vous comprenez que lorsqu’on va encore une fois mettre quelques millions d’ouvrières sans travail, la misère doit augmenter de jour en jour.
Il y a des causes qui sont générales à toutes les industries, c’est la trop grande population, et la trop grande fabrication qui n’est pas en rapport avec la consommation.
Malheureusement, je ne sais comment on pourrait corriger cela : tous les jours la population augmente, et l’on coupe les bras aux ouvriers.
C’est un progrès bien fatal à l’humanité.
Je dis un progrès, parce que l’on appelle ordinairement un progrès, quand une nouvelle mécanique est inventée, qui a pour but d’ôter le travail à des milliers de bras.
A cette occasion, l’on a reproché au clergé d’être la cause de cette misère excessive de nos provinces. Si nous n’avions pas ce clergé bienfaisant, la misère semait plus grande. C’est le clergé qui nous sauve. Ce sont nos pasteurs qui donnent du travail dans les campagnes. Si nous n’avions pas le clergé, je ne sais comment on pourrait sortir de cette calamité.
On a dit, en outre, que le clergé catholique était la cause de la misère existante, parce qu’il avait des idées rétrogrades ou stationnaires sur l’industrie.
Quoique le clergé ne fabrique pas, on peut dire, à la vérité, qu’il est loin d’être rétrograde en fait de fabrication ; il tâche d’introduire dans les communes de nouvelles branches d’industrie.
Je puis vous citer plusieurs curés de paroisse qui ont introduit de nouvelles branches d’industrie dans leurs communes ; mais la liste serait trop longue. Je dois cependant vous en faire connaître un qui a introduit dans sa commune la fabrication de la soie et des étoffes, dite printanière, et l’application de la dentelle à l’aiguille, qui procurent du travail et du pain à tous les pauvres de l’endroit.
D’autres ont introduit dans leurs communes la ganterie et l’industrie dentellière, la passementerie et beaucoup d’autres branches nouvelles.
Dans la campagne que j’habite, on a établi un comité pour donner pain aux indigents. Ce comité a touché, il est vrai, un subside, mais qui ne suffisait pas. On avait besoin d’un fonds de roulement ; le curé avait un capital de 3,000 fr. ; il l’a donné au comité, sans aucun intérêt.
Il y a une quinzaine de jours, j’assistais avec M. Desmaisières, gouverneur de la province, à une distribution de prix aux enfants pauvres. M. le curé-doyen d’Alost a donné de ses propres fonds des habillements à 2,500 enfants pauvres ; c’est ainsi que ce respectable ecclésiastique rend un service immense aux familles indigentes de cette ville.
Il est à désirer que l’allocation pour venir en aide à l’industrie linière soit aussi forte que l’an dernier ; car on a fait emploi d’une somme de 1,800,000 fr., et cependant je crois que l’hiver où nous entrons sera aussi mauvais que le dernier.
Je pense en avoir dit assez, et je voterai l’adresse avec toutes les déclarations que nous faisons au gouvernement.
Cependant nos commettants ont de grands motifs de se plaindre ; mais dans l’espoir que le gouvernement redressera le grief et la partialité existent à leur égard, je voterai l’adresse.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L’honorable M. Desmet s’est grandement trompé en croyant que mon intention avait été de lui adresser le moindre reproche. Sa très vive sollicitude pour les intérêts dont il est le représentant dans cette chambre n’a rien que de louable, et je n’ai fait que rectifier ce que j’ai considéré comme une erreur.
Messieurs, hier j’ai cru devoir, lorsque l’honorable membre a manifesté l’opinion que le tarif nouveau adopté par le Zollverein allait frapper d’un coup mortel l’industrie des fils retors dans le district qu’il représente, j’avais cru devoir, dis-je, rassurer ces populations. J’avais cru qu’il y avait dans les craintes exprimées par l’honorable membre une exagération que je comprends, mais que j’ai dû combattre.
Ainsi les paroles que j’ai prononcées n’ont pas eu le moindre caractère de reproche, et je serais désolé que l’honorable membre eût pu se méprendre sur mes intentions. Mais j’ai dit qu’il y avait exagération dans les craintes qu’il a exprimées, et je rétablis les faits.
Dans le Zollverein les fileteries sont assez peu nombreuses, et la plupart se servent, comme matière première, des fils simples étrangers mécaniques.
M. Desmet. - Cela est inexact.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J’ai recueilli ces renseignements à de bonnes sources ; en général les fabricants de fils retors emploient comme matière première les fils simples venant surtout de l’Angleterre. Je sais bien qu’exceptionnellement on emploie aussi des fils de Silésie et de Westphalie, mais ce n’est là qu’une exception.
Or, j’ai établi que le tarif nouveau frappant ces fils simples étrangers d’un droit proportionnellement beaucoup plus considérable qu’il ne frappe les fils retors, la protection en faveur des fileteries du Zollverein serait désormais moins grande qu’elle ne l’était sous le tarif ancien.
Messieurs, je ne donnerai pas à la chambre les éléments des calculs ; mais la protection, sous le tarif ancien. pour les fils à coudre, était d’un thaler 13 silbergros ; et d’après le tarif nouveau, la protection pour fabricants de fils recors avec des fils étrangers ne sera plus que de 12 silbergros.
M. Desmet. - Elle est de 8 thalers ; c’est un fait positif.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - C’est une erreur. Mais je ne me dissimule pas, et je l’ai déclaré hier, qu’on peut malgré cela n’être pas tout à fait rassuré pour l’avenir de cette industrie, dans ses relations avec l’Allemagne. Ainsi on pourrait craindre qu’à la faveur du tarif nouveau des filatures mécaniques se créassent et s’étendissent dans le Zollverein, et alors je comprends que les fileteries trouvant tous leurs fils en Allemagne même, la concurrence pour les fils belges deviendrait plus grande. Mais j’ai ajouté encore que c’était là une question d’avenir, et, selon moi, d’un avenir assez éloigné.
En effet, messieurs, est-il sérieusement à craindre que le droit nouveau établi récemment dans le Zollverein soit assez élevé, soit assez protecteur pour favoriser, en Allemagne, l’établissement de nouvelles filatures mécaniques ? Messieurs, on peut concevoir des doutes à cet En effet, le tarif pour les fils simples écrus, et, en général, ce sont les fils écrus que nous exportons dans le Zollverein, ce tarif est de 15 fr. par 100 kil.
Veuillez ne pas oublier que les droits français pour les fils simples varient de 41 fr. 80 c. à 173 fr. 60 c. par 100 kil.
Le droit de 15 francs est donc très modéré, et comme il n’est pas (page 99) établi d’après une échelle progressive en rapport avec le numérotage des fils, la protection est plus modérée encore.
La valeur du fil simple, écru, que nous exportons, est de 3 fr. 50 c. environ en moyenne par kilog. ; le droit de 15 fr. équivaut donc à une protection de 4 p. c. Or, messieurs, peut-on croire qu’à la faveur d’une protection aussi minime, des filatures nouvelles s’établissent en grand nombre en Allemagne ? Je dis qu’on peut au moins concevoir certains doutes à cet égard. Eh bien, si cette prévision se réalise, je dis que l’industrie des fils retors en Belgique ne recevra pas un coup mortel, même à l’avenir.
Je ne fais pas ces observations pour conclure que le gouvernement ne doit pas faire tous ses efforts pour amener une réduction du tarif adopté en Allemagne. J’ai déjà dit à la chambre que des négociations sont entamées pour obtenir une exception en faveur des fils belges, et que le gouvernement n’a négligé aucun effort dans ce but. Mon observation n’a en en vue que de rectifier certains faits, et de ne pas jeter de trop vives inquiétudes parmi les populations dont l’honorable M. Desmet a défendu si chaudement les légitimes intérêts.
M. de Naeyer. - Messieurs, je prends acte des dernières paroles de M. le ministre du commerce ; j’espère que, conformément à l’engagement qu’il vient de prendre, il fera de cette question l’objet de sa plus vive sollicitude ; elle en est bien digne.
Bien qu’en vertu de mon mandat je sois chargé spécialement de défendre les intérêts qui sont si gravement compromis par les mesures du Zollverein dont il est ici question, je me serais cependant abstenu de prendre la parole dans cette discussion, parce que j’ai compris par l’expérience qu’en général les observations que nous faisons ici sur les négociations diplomatiques relatives aux tarifs de douanes, ne produisent pas de grands résultats ; mais j’ai dû élever la voix, parce que j’ai remarqué que M. le ministre verse ici dans une très grave erreur en ce qui concerne l’importance de la mesure prise par le Zollverein, et qui, si elle est mise à exécution, aura pour résultat de porter un coup de mort à une industrie qui constitue le seul élément de prospérité, notamment de la ville de Ninove, puisque c’est la seule qui y a procuré jusqu’à ce jour du travail à la classe ouvrière. Je dis, moi, que cette industrie est gravement compromise par la mesure dont il s’agit.
M. le ministre prétend qu’il y de l’exagération dans les craintes de nos industriels. Je pense, moi, qu’il y a beaucoup d’exagération dans l’opinion émise par M. le ministre, sur le peu d’importance de la mesure. En effet, messieurs, Comment peut-on supposer que lorsque le droit d’entrée est doublé sur un de nos produits, l’industrie qui fabrique ce produit n’en sera pas gravement atteinte ? Le bon sens, les plus simples notions d’économie politique suffisent pour repousser une pareille idée, alors surtout que les droits existants gênaient déjà considérablement l’écoulement de nos produits.
M. le ministre pense que l’augmentation du tarif du Zollverein n’est pas d’une grande importance, parce qu’en frappant le fil retors, elle frappe dans la même proportion le fil simple, qui n’était pas imposé auparavant. L’honorable M. Desmet a fort bien répondu que cette observation ne serait pas encore entièrement exacte, alors même que les fabricants de fils retors en Allemagne feraient exclusivement usage de fil simple étranger. Mais malheureusement je suis informé de la manière la plus positive, par les fabricants de Ninove qui ont des relations suivies avec l’Allemagne, que les fabricants de fil retors, allemands, emploient beaucoup de fil simple produit par l’industrie indigène, et non seulement du fil à la main, mais aussi du fil à la mécanique ; et qu’il existe déjà dans ce pays des établissements importants de filature à la mécanique.
Quel est ici, messieurs, le but du Zollverein, en établissant des droits nouveaux non seulement sur le fil retors, mais encore sur le fil simple ? C’est évidemment de développer les deux industries à la fois, celle qui fabrique la matière première aussi bien que l’autre. Mais, dit M. le ministre, la protection accordée aux fabricants de fil simple est peu importante, elle ne s’élève qu’à 4 p. c. Sur ce point encore, messieurs, mes renseignements sont tout différents, et mes renseignements émanent d’hommes compétents en cette matière, d’hommes que leurs opérations journalières mettent à même d’apprécier l’importance de cette protection, mieux que ne peut le faire M. le ministre lui-même. Eh bien, messieurs, ces hommes disent que la protection est plus élevée. D’ailleurs, messieurs, le point important, c’est de savoir si la protection est suffisante pour assurer la prépondérance de l’industrie du Zollverein et exclure les produits étrangers, et cet égard le Zollverein lui-même est le meilleur juge. Les Etats qui ont demandé cette protection savaient bien ce qui leur était nécessaire.
Je crois, messieurs, que cette seule observation suffit pour nous faire voir que cette mesure a une portée bien plus grande que M. le ministre ne le pense, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de créer en Allemagne une industrie nouvelle, mais de développer une industrie existante ; or, nous savons par expérience qu’à l’aide d’une nouvelle protection douanière ces développements sont souvent très rapides. Je crois donc que M. le ministre a tort de ne voir que dans un avenir éloigné l’atteinte que recevra notre industrie : Si la mesure n’est pas retirée, notre industrie sera frappée cruellement dans un avenir très prochain. Cette surexcitation factice de l’industrie en Allemagne ne sera probablement pas un bienfait durable pour le pays, mais ce sera certainement un mal considérable pour l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter, et sur lequel tant de malheurs sont déjà venus fondre depuis la révolution. Il est vraiment à regretter que cette nouvelle calamité émane du Zollverein, envers lequel nous nous sommes montrés si généreux et si accommodants, dans le traité conclu il y a peu de temps et à qui nous avons accordé tant d’avantages et des avantages si importants. Je crois donc devoir appeler toute l’attention et toute la sollicitude du gouvernement sur l’objet dont il s’agit.
- Le paragraphe premier est mis aux voix et adopté.
« En ouvrant une session qui, nous en avons l’espoir, ne sera pas moins utilement remplie que la session précédente c’est pour nous une satisfaction dc voir l’accroissement progressif de diverses sources du revenu public et l’équilibre établi entre les recettes et les dépenses de l’Etat, de manière à préserver le contribuable de charges nouvelles. »
M. Delfosse. - La chambre ne peut pas dire qu’elle a la satisfaction de voir que l’accroissement progressif de diverses sources du revenu public et l’équilibre établi entre les recettes et les dépenses de l’Etat préservera le contribuable de charges nouvelles.
Elle doit dire qu’elle a la satisfaction de recevoir l’assurance, etc. ; ce n’est qu’après la discussion et le vote des budgets que la chambre saura si, comme le dit le gouvernement. l’accroissement progressif de diverses sources du revenu public et l’équilibre établi entre les recettes et les dépenses préservera le contribuable de charges nouvelles.
Je propose de modifier la rédaction du paragraphe dans le sens de l’observation que je viens de présenter.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je n’y vois pas d’inconvénient ; C’est la même chose.
- L’amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopté.
« La prospérité des principales branches commerciales et industrielles est de nature à rassurer le pays sur son avenir ; mais aussi nous comprenons tout ce qu’a de grave la triste situation des populations qui s’occupent, de l’industrie linière. En partageant toutes les sympathies de Votre Majesté pour ces populations naguère encore si florissantes, nous nous empresserons de concourir aux mesures propres à apporter à de si grands maux un remède prompt et efficace. Nous accorderons notre attention immédiate au prix élevé des subsistances, ainsi qu’à tous les projets de loi tendant à soulager le sort de la classe ouvrière. »
M. Delehaye. - Messieurs, le gouvernement nous a fait connaître les mesures à l’aide desquelles il espère soulager la misère de la classe ouvrière, et celles non moins importantes destinées à rendre à l’ancienne industrie linière cette supériorité à laquelle nous permettent de prétendre et la possession de la matière et la modicité de la main-d’œuvre.
Quant à ces dernières, je ne m’en occuperai point aujourd’hui. Elles feront bientôt l’objet de nos discussions ; il sera temps alors de vous soumettre des considérations à l’appui de quelques projets présentés par le gouvernement, que je regarde comme utiles, comme indispensables, et de vous indiquer une mesure plus indispensable encore sur laquelle le gouvernement ne s’est pas prononcé, comme s’il suffisait d’avoir organisé une société d’exportation, établissement très utile, sans doute, mais qui produira peu d’effet si nous ne nous efforçons à rendre nos produits exportables. C’est assez vous dire, messieurs, qu’avant tout nous devons songer organiser le travail, à lui donner une nouvelle direction et à entrer de bonne foi dans la voie des améliorations, ouverte à l’industrie.
Je me bornerai donc aujourd’hui à examiner les mesures que le gouvernement envisage comme devant apporter un remède efficace et immédiat aux misères qui désolent principalement les deux plus belles provinces de notre pays.
Parmi ces mesures, le gouvernement comprend d’abord les travaux publics ; cette idée est sage, elle est d’une opportunité incontestable, alors que le travail manque partout, que le cultivateur peu approvisionné de céréales, de denrées alimentaires en général, cherche l’économie partout, épargne la main-d’œuvre, ne remet à l’ouvrier étranger que ce qu’il ne peut indispensablement pas éviter. Il était nécessaire de combler ce vide, en occupant nos bras oisifs aux travaux publics entrepris par le gouvernement. Il y a là même un devoir que nous ne pouvons négliger sans de grands dangers.
Le travail, en effet, relève l’homme, lui inspire de nobles sentiments. L’aumône le ravale, détruit chez lui toute idée de son importance, elle l’avilit aux yeux de ses semblables ; aussi, messieurs, nos populations si malheureuses aujourd’hui, ne demandent-elles qu’une chose, c’est du travail, ce sont des moyens de gagner honorablement de quoi s’entretenir, de quoi ne relever que de soi.
La chambre l’a bien compris lorsqu’elle s’est empressée de donne son assentiment aux projets présentés par le ministre des travaux publics, dans notre dernière session.
Elle ne cherchait point seulement à nous préserver des inondations qui viennent si souvent désoler nos campagnes, elle voulait encore en décrétant le creusement du canal de Schipdonck, la rectification du cours de l’Escaut, la construction des bâtiments de la station de Gand, l’achèvement de la deuxième section du canal de Zelzaete, donner, tout en augmentant la richesse publique, un aliment au travail, à l’activité de nos populations ; elle avait donc un double but, celui de prévenir ces grandes calamités, suite inévitable des inondations, et celui, plus opportun encore, d’occuper à des travaux publics des malheureux qui, faute de travail, devaient recourir à la charité publique.
Comment se fait-il, qu’après avoir exprimé dans le discours du Trône une sollicitude si vive sur le sort de l’ouvrier, M. le ministre des travaux publics n’ait point encore songé à commencer l’un ou l’autre de ces travaux ? Les travaux à faire à l’Escaut, ceux au canal dc Schipdonck, situés (page 100) au centre de populations misérables, permettaient de les employer en grand nombre ; il y avait là de quoi mettre en action la sollicitude ministérielle ; il y avait de plus économie certaine de mettre la main à l’œuvre, au moment où, en considération du grand nombre de bras oisifs, la main-d’œuvre eût été moins coûteuse. Il y avait encore cette utilité incontestable qui résulte de travaux ne venant point faire concurrence à l’une ou l’autre industrie qui, abandonnée à elle-même, se voit entravée dans son développement par une rivale subsidiée par le trésor, ce qui malheureusement a dû avoir lieu au profit de ceux qui, adonnés à l’industrie linière, participaient à des subsides à l’aide desquels ils ruinaient le travail libre. Je rentre dans mon sujet, me réservant de m’expliquer un autre jour sur le mode de travail adopté dans certaines communes.
Je demanderai encore à M. le ministre des travaux publics comment il se fait que jusqu’ici il n’ait point songé à poser la double voie sur le chemin de fer de Gand à Ostende ; des retards presque journaliers étaient, à défaut de considération d’humanité, des motifs suffisants pour ne pas négliger l’occasion.
De tous ces retards, que résulte-t-il ? La nécessité d’augmenter les sommes consacrées en aumônes et destinées à assouvir la faim des ouvriers. Car, messieurs, ne le perdez pas de vue, si l’on en excepte la double voie dont je viens de parler, il ne sera mis la main à l’œuvre pour aucun travail avant le retour de la bonne saison ; et, en attendant, comment pourra-t-on parer aux maux qui nous menacent ? Sera-ce à l’aide du subside de 1,200,000 fr. que le ministre de l’intérieur espère répondre à des besoins incalculables ? Et ne voit-on pas que ce subside ainsi restreint prouve que le ministère apprécie mal la situation de nos malheureuses provinces.
En effet, messieurs, l’année dernière, 1,880,000 fr. ont été distribués aux communes, à titre de subsides ou de prêts, et, cette année, on vous propose une réduction de plus de 600,000 fr. Et, cependant, les besoins ne sont-ils pas infiniment plus considérables ?
Les communes ont épuisé leur ressources, les contributions locales ou communales sont triplées ; il n’est pas d’habitant des campagnes qui ne paye au moins deux fois autant à la commune qu’il ne paye à titre de contributions personnelles ; il n’est pas rare de voir des particuliers, des fermiers, verser plusieurs centaines de francs dans les caisses de la commune, tout cela pour faire face à des dettes contractées, à des besoins impérieux, à des dépenses non susceptibles d’être remises ; joignez-y la cherté des denrées alimentaires, et vous comprendrez, messieurs, que, si la charité publique est immense en Belgique, il est des besoins cependant qui doivent y mettre un terme.
Les sacrifices de l’année dernière, une récolte peu abondante sont propres à la limiter. Quand il faut retrancher du nécessaire, l’aumône, la bienfaisance se circonscrivent dans des limites rétrécies. On souffre de ne pouvoir donner pleine carrière à des sentiments de bienfaisance ; mais encore faut-il prévoir l’avenir qui peut créer des besoins plus grands encore.
L’ouvrier qui, jusqu’ici, trouvait dans l’industrie linière les moyens d’élever sa famille doit y renoncer. La fileuse vend son fil à un prix inférieur à la valeur du lin. Il n’est pas rare de voir le tisserand revenir du marché n’ayant pas réalisé le coût de la matière première. Sur dix ouvriers qui, l’année dernière, n’avaient pas besoin d’avoir recours à d’autres, neuf au moins sont réduits à la dernière misère. Le nombre des contribuables dans les charges de la commune se trouve également réduit ; un grand nombre ne savent rien donner, et d’autres ont besoin eux-mêmes de recourir à la charité publique. Aussi, messieurs, nous en sommes arrivés à ce point que, sur trois habitants, il y en a deux qui tombent à la charge d’autrui.
Je sais bien, messieurs, que les besoins de ces malheureux sont faciles à satisfaire. Mais si, l’année dernière, il a fallu 1,800,000 fr. n’y a-t-il pas inhumanité à ne pas consacrer à un si noble emploi une somme plus forte cette année ?
De quoi s’entretiennent nos ouvriers des campagnes ? La plupart cherchent pour nourriture quelques herbes, qu’ils mangent avec un peu de pain noir et parfois quelques navets ; d’autres n’ont pas même cette ressource. Un journal catholique que vous ne récuserez point, nous a annoncé, il y a quelques jours, que ces malheureux s’étaient arraché des lambeaux de chair d’un cheval qu’il avait fallu abattre. On a vu dans certaines communes des enfants, succombant à leur état de faiblesse, mourir d’inanition. Il est des endroits où les ressources sont tellement réduites que les populations sont obligées de se diriger sur les villes ; à Bruges il a fallu leur interdire l’accès de la ville. Partout, en un mot, nous voyons des ménages entiers demander comme une faveur d’être admis dans quelque dépôt de mendicité.
Sans doute, messieurs, ceux d’entre vous qui ont vu la misère, savent bien que la réalité dépasse tout ce que je pourrais en dire ; vous retracer un tableau fidèle de tant de souffrance, serait traité d’exagération ; je m’en dispenserai, messieurs, pour me borner à vous exposer des faits que personne ne saurait récuser.
Dans toutes les communes rurales des deux Flandres, la population toujours croissante va en diminuant, signe évident d’une misère affreuse ; les prisons s’encombrent ; notre population, jusque-là si morale, si soumise à ses devoirs, poussée par la faim, s’adonne au crime ; des vols nombreux se commettent ; il n’est pas un fermier, je ne parlerai point seulement de ceux qui demeurent à l’écart, mais de ceux-là même qui demeurent au centre des villages, qui ne doive faire une garde vigilante nuit et jour, pour se préserver de quelque attaque. Les gens aussi quittent les campagnes où l’on ne rencontre plus de sécurité ni pour les biens, ni même pour les personnes ; déjà nous avons vu plusieurs assassinats commis en plein jour au centre de la commune.
Tous ces faits sont patents, ils vous démontrent combien est légitime la crainte que l’on manifeste. Nous ne voyons que découragement chez les uns, désespoir chez les autres, chez tous la conviction intime que la situation actuelle est intolérable.
Ce que je viens de dire prouve que si, comme l’ont dit mes honorables amis politiques, il y a irritation, absence de confiance dans l’avenir sous le rapport des intérêts moraux, il n’y a pas non plus de motifs, sous le rapport des intérêts matériels, à déclarer que la situation est calme. Je vous proposerai donc, messieurs, d’imiter la réserve du sénat et de ne pas déclarer que la situation du pays est calme, alors que le pays se chargerait peut-être lui-même de nous donner un éclatant démenti.
M. le président. - J’engage les orateurs à restreindre leur développement sur la situation des Flandres qui est palpitante d’intérêt pour concentrer tous nos efforts sur les moyens d’y porter remède. Chaque jour perdu prolonge la misère que nous voulons soulager.
Un membre. - L’amendement de M. Delehaye se rapporte au paragraphe 5.
M. Delehaye. - J’avais la parole sur le paragraphe 3, j’ai développé en même temps l’amendement que j’ai proposé au paragraphe 5.
M. Rodenbach. - A propos du paragraphe 3, je crois aussi devoir énoncer mon opinion, d’autant plus que le district de Roulers, que je représente, est un des plus malheureux.
Je n’accuse pas plus les ministres passés que les ministres présents, de la calamité qui désole nos provinces. Je sais que c’est la mécanique qui est cause de la misère des Flandres et de la décadence de notre industrie linière, qui est aujourd’hui tout à fait périclitante. Depuis que la mécanique s’est développée en Angleterre, en France et ailleurs, elle s’est emparée de nos débouchés. Autrefois, presque seuls nous fournissions la toile qu’on consommait en Europe et en Amérique. Aujourd’hui, nous avons de nombreux concurrents en Angleterre, en France et en Allemagne ; et notre population qui vivait de cette industrie est aux abois. Cette population exubérante est très-concentrée dans les Flandres, car une lieue carrée compte 4 mille habitants, tandis qu’il y en a infiniment moins dans les autres provinces. En France, on ne compte que 1,500 habitants par lieue carrée, et en Angleterre, ce pays si peuplé, on ne compte que 1,800 habitants par lieue carrée, tandis que, je le répète, il y en a 4 mille dans les Flandres, ce qui ne fait que 52 ares de terre par habitant, alors qu’en Angleterre il y a 71 ares, et en France environ un hectare par habitant.
C’est cette grande agglomération qui est cause de la misère sous le poids de laquelle nous gémissons. L’industrie linière, qui procurait jadis l’existence à des populations, s’amoindrissant de jour en jour, il faudra rechercher d’autres moyens, il faudra que le gouvernement vienne à leur secours pour les aider à se transporter dans d’autres provinces où les bras font défaut ; car pour se transporter avec leurs familles il leur faut des ressources qui leur manquent ; d’un autre côté la différence de langue serait encore un obstacle à cette transplantation.
Les familles bienfaisantes ont fait de grands sacrifices l’hiver passé. La somme de 1,200 mille francs qu’on demande cette année par le projet de loi qui nous est soumis, sera insuffisante. Dans ma section j’ai demandé que cette somme fût doublée et qu’on défrichât aussi les bruyères du Vry-Geweyd dans la Flandre occidentale.
Je ferai remarquer d’ailleurs que ce subside ne doit pas seulement être consacré à des dépenses pour les subsistances, mais encore à la construction des chemins vicinaux. Mais pour faire des chemins vicinaux et d’autres travaux, il faut que les communes concourent à la dépense pour un tiers et les provinces pour un autre tiers.
Or, nos communes ne peuvent concourir à la dépense, tant elles sont obérées.
Nos communes des Flandres et nos bureaux de bienfaisance sont ruinés par les emprunts et les charges des dépôts de mendicité. C’est un chiffre officiel que je vais citer. Dans les deux Flandres, il y a 500,000 pauvres inscrits sur les registres de bienfaisance. Il y a, indépendamment de cela, des pauvres honteux qui, quoiqu’ils ne se fassent pas inscrire, reçoivent néanmoins des secours. Ces pauvres ont reçu cinq millions de francs. Dans cette somme ne sont pas compris les dons volontaires, qui s’élèvent aussi à des millions. Je ne parle que des sommes données aux bureaux de bienfaisance pour pourvoir à cette misère.
Dans les districts de Roulers et de Thielt, où il y a une population de 130,000 habitants, 10,000 familles inscrites sur les registres payent l’abonnement ; elles doivent nourrir 9,000 familles pauvres. Ce sont, par conséquent, environ 45,000 individus qui reçoivent des secours de la bienfaisance.
L’honorable préopinant a parlé de la mortalité. Dans nos districts aussi où il y avait naguère 4 naissances contre 3 décès, c’est maintenant l’inverse, il y a 4 décès contre 3 naissances. Ainsi, l’on y meurt lentement d’inanition. C’est une misère qu’on peut, pour ainsi dire, comparer à celle de l’Irlande. Mais il y a dans ce pays un million d’ouvriers qui sont occupés à des travaux publics. Ce ne sera pas avec 12 à 1,300,000 fr., ce ne sera pas avec d’aussi faibles ressources qu’on pourra soulager efficacement la misère de nos provinces de Flandre. C’est désespérant !
Déjà, comme on l’a dit, les gens aisés abandonnent les campagnes : le petit fermier et la classe bourgeoise ne peuvent plus donner ; le prix de la main-d’œuvre baisse ; les vivres augmentent de 50 pour cent, tandis (page 101) que les produits liniers sont diminués de valeur dans la même proportion.
L’ouvrier gagne à peine 7 sous par jour ; mais plus de la moitié des ouvriers, n’ayant pas d’ouvrage, manquent de pain.
Avec ses 7 sous par jour, l’ouvrier doit nourrir souvent 4 à 5 individus, payer son loyer, se vêtir.
Je vous demande après cela si c’est avec 1,200,000 francs que ces deux provinces peuvent exister, si l’on ne prend pas d’autres mesures.
En présence de cette immense misère, il y a de l’urgence à s’occuper du projet de loi qui tend à la soulager.
Je m’arrête.
C’est le cœur navré que je déclare en terminant que la misère est extrême. J’en appelle au témoignage des députés flamands et à celui des autres honorables représentants qui se sont rendus dans les Flandres. On nous accusait d’exagération. Eux savent que nous n’avons pas exagéré et que ces deux provinces sont dignes de pitié. En cette occurrence le devoir et la plus belle gloire dit gouvernement, c’est de prodiguer ses bienfaits.
M. le président. - Je remarque que les sections n’ont nommé que trois des rapporteurs chargés d’examiner le projet de loi de crédit de deux millions. J’engage MM. les présidents des sections à les réunir pour compléter la section centrale qui sera immédiatement convoquée.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je conçois l’empressement des honorables représentants des districts en proie à des souffrances à exprimer leurs doléances. Mais, ainsi que M. le président l’a fait remarquer, ce n’est pas le moment de faire ressortir la suffisance ou l’insuffisance des moyens proposés pour y porter remède.
Vous recevrez lundi le rapport sur l’emploi des deux millions votés en 1845.
Le gouvernement vous a soumis un projet de crédit, non pas de 1,200,000 fr., mais également de 2 millions, comme l’an dernier. La seule différence, c’est que, dans le nouveau projet, on indique deux emplois spéciaux. L’un est relatif à l’industrie linière, l’autre aux irrigations et aux défrichements. Ils ont également pour objet des subsides, puisque leur effet direct sera de procurer du travail à la classe ouvrière.
J’ajouterai qu’indépendamment des deux millions, le gouvernement aura à demander pour la société relative à l’industrie linière, une somme également très forte. Une mise de fonds dans la société est une garantie d’intérêt. C’est là une augmentation considérable de dépenses que le gouvernement propose, toujours en vue de soulager la classe nécessiteuse.
Indépendamment de ces demandes d’argent, le gouvernement vous a saisis d’un projet qui est de nature à procurer beaucoup de travail. le veux parler du projet de crédit de 300,000 fr., destiné aux irrigations et aux défrichements.
Ce n’est là qu’un premier pas dans le travail, qui donnera lieu à un travail plus considérable de la part des acquéreurs des terrains destinés aux irrigations et à la culture.
D’autre part les travaux publics recevront une impulsion d’autant plus grande que les travaux préparatoires sont faits par les sociétés, qui sont à même de mettre leurs concessions en œuvre.
Le gouvernement a de plus porté au budget des travaux publics 400,000 francs d’augmentation ou fonds pour construction de routes ; il vous a annoncé, dans le discours du Trône, l’intention de donner de nouveaux développements aux travaux ayant pour objet l’écoulement des eaux et l’amélioration des voies navigables.
Vous voyez que sa sollicitude s’applique à divers objets qui forment un ensemble de mesures.
J’ajouterai que le gouvernement s’occupe d’une mesure qui doit augmenter les défrichements et par conséquent le travail. Je veux parler d’une modération d’impôt relative aux terrains à défricher.
Il a arrêté aussi en projet une mesure relative au passage des eaux pour étendre les irrigations autant que possible ; cette mesure est réclamée par le conseil provincial du Luxembourg.
Ces deux projets sont encore à l’examen. Mais prochainement la chambre pourra être saisie de propositions à cet égard.
Dans tous les cas, veuillez remarquer que nous sommes à l’ouverture de la session, que la chambre reste assemblée pendant tout l’hiver, que si les 1,200,000 fr. sont insuffisants, la chambre sera présente pour augmenter ce fonds dans la proportion des besoins.
J’appelle, messieurs, votre attention sur un point capital : si de prime- abord on porte à leur taux maximum les allocations destinées à être distribuées en secours, n’est-il pas à craindre que les demandes se multiplient dans toutes les parties du pays en proportion de la somme portée dans la loi même ? C’est un point que je soumets à vos méditations.
N’est-il pas préférable de voir quelle sera la situation pendant l’hiver quel sera le temps, si les travaux pourront se continuer, et de nous déterminer à voter des crédits supplémentaires, si la nécessité en était démontrée ?
M. de Villegas. - Messieurs, je n’ai demandé la parole que pour avoir quelques explications du gouvernement ; j’espère qu’elles seront de nature à calmer dès à présent les inquiétudes des populations flamandes.
Mon intention, messieurs, n’est pas de renouveler ici le tableau affligeant de la détresse des Flandres, tableau qui vous a été présenté avec tant d’énergie et de vérité par mon honorable collègue et ami, M. Delehaye. Qu’il me suffise de vous dire que l’imagination ne peut pas aller jusqu’à la réalité des souffrances qu’endurent ces malheureuses populations. J’espère que, parmi vous, il existe peu d’incrédules. S’il en est encore, je les invite à venir visiter nos campagnes, où ils seront témoins des progrès effrayants du paupérisme, et à descendre avec nous dans les chaumières, ou ils verront l’homme dans le dénuement le plus absolu.
Si, comme on le dit dans le projet d’adresse, la prospérité des principales branches commerciales et industrielles est de nature à rassurer le pays sur son avenir, je puis dès à présent déclarer à la chambre que l’avenir, pour les Flandres, n’est pas aussi rassurant que semble le croire M. le ministre de l’intérieur dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif aux crédits pour les subsistances. En effet, le paupérisme sévit aujourd’hui dans les rangs de la classe ouvrière et des petits cultivateurs. La récolte des pommes de terre n’est pas satisfaisante partout quoi qu’en dise le discours du Trône ; veuillez remarquer, en outre, que ce tubercule n’a pas été planté eu aussi grande abondance que les autres années.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C’est le contraire.
M. de Villegas. - Je parle de localités que je connais, M. le ministre, et où les plantations de cette année diffèrent d’un bon tiers de celles des années précédentes.
Le manque de seigle, qui est la nourriture du pauvre et de la classe ouvrière, éteindra, soyez-en persuadé, la charité du fermier, qui est déjà accablé de charges extrêmement lourdes. De plus, comme on l’a déjà remarqué, les ressources communales sont totalement épuisées. Vous voyez, M. le ministre, que notre avenir n’est pas rassurant.
Quels sont, messieurs, les remèdes que le Gouvernement propose d’appliquer a tant de maux ?
« Encourager, dit-il, et perfectionner le travail en vue d’une augmentation de salaire, organiser l’industrie pour mettre les produits mieux en harmonie avec les besoins du commerce, étendre les exportations. »
Mon intention, messieurs, n’est pas de discuter la suffisance ou l’insuffisance de ces remèdes ; cette discussion sciait inopportune, elle trouvera mieux sa place lors de l’examen du projet de loi qui concerne les mesures relatives aux subsistances, ainsi que du projet annoncé il y a quelques jours par M. le ministre des affaires étrangères, concernant la formation d’une société d’exportation. Je m’associerai, messieurs, à tous les efforts qui tendront à perfectionner le travail dans l’intérêt de la classe ouvrière, et à ouvrir de nouveaux débouchés pour les produits liniers,. Ses efforts sont louables, puissent-ils être couronnés de succès !
Mais voici l’objet de mon interpellation.
Je demande au gouvernement comment il se fait que ni dans le discours du Trône, ni dans le projet d’adresse, ni dans l’exposé des motifs du projet relatif aux subsistances, il ne soit pas dit un seul mot en faveur de la filature à la main, et de cette classe si nombreuse et si intéressante de nos travailleurs flamands ?
Le nouveau crédit de 1,200,000 fr. qui nous est demandé, sera principalement employé, dit-on, à procurer du travail dans les communes rurales, et le gouvernement s’attachera surtout à obtenir, au moyen de ces travaux, des résultats utiles et permanents.
M. le ministre des affaires étrangères vous a donné, dans le discours qu’il a prononcé il y a trois jours, des explications sur les mesures qu’il s’agit de prendre et qu’il a divisées en mesures immédiates et en mesures permanentes.
On chercherait en vain dans ce discours quelques mots de consolation pour ces malheureux fileurs et fileuses. Le crédit de 300,000 francs qui fait partie des deux millions est destiné à perfectionner le tissage, comme l’indique le détail de la note insérée dans l’exposé des motifs, à la suite du rapport de M. l’inspecteur Kindt.
Je demanderai donc à M. le ministre de l’intérieur s’il entend condamner les comités industriels, et s’il est dans son intention de ne plus seconder les efforts des communes qui voudraient instituer ou réorganiser de semblables comités.
Je connais toutes les objections que l’on peut faire contre l’organisation des comités industriels ; mais je dois déclarer que, grâce à la sollicitude éclairée du gouvernement provincial, ces comités industriels ont procuré un bien immense à nos populations ; et si des secours de cette nature étaient refusés ou retirés à nos communes, je ne sais en vérité où la détresse s’arrêterait.
Je demande donc à cet égard une explication catégorique.
J’ai aussi une interpellation à adresser à M. le ministre de la justice.
En 1845, un contrat a été passé avec un entrepreneur de Gand pour livraison de fils à la maison de force. Si je ne me trompe, cet entrepreneur devait livrer 80,000 kilog. de fil. Je demande à M. le ministre de la justice si ce contrat est expiré, et dans ce cas, s’il est dans son intention de le renouveler.
Cette question est extrêmement importante ; parce que depuis que le fil a été livré à la maison de force de Gand par suite de ce contrat avec un entrepreneur, le tissage dans la maison de force de Gand, et dans les autres prisons de l’Etat, a pris une très grande extension ; vous en aurez la preuve, messieurs, lorsque je vous dirai que le département de la guerre, qui avait mis en adjudication, en 1846, 113,000 mètres de toiles destinées à l’armée, n’en a plus adjugé, en 1847, que 29,400 mètres. Le surplus a été livré par l’administration des prisons. L’on comprend que cette concurrence est extrêmement préjudiciable au commerce du dehors.
Je pense que M. le ministre de la justice fera bien de ne plus donner une extension aussi grande au tissage des toiles dans les maison de force.
Le commerce régulier lui saura beaucoup de gré de la détermination qu’il prendra à cet égard.
(page 106) M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). – Ms, l’hon préopinant a critiqué ce que dit le discours du Trône de la récolte des pommes de terre. Il a soutenu que l’on avait planté beaucoup moins de pommes de terre que les années précédentes.
Messieurs, nous avons parlé d’une manière générale. Si, dans quelques localités, on a planté moins de pommes de terre, dans d’autres localités on en a planté beaucoup plus que de coutume.
L’honorable membre semble croire que le gouvernement regarde la situation des districts liniers comme florissante. Loin de là , messieurs ; c’est précisément pour venir en aide aux souffrance de ces districts que nous avons annoncé un ensemble de mesures, mesures très importantes en elles-mêmes.
Il demande si le gouvernement condamne la filature à la main. En aucune manière, messieurs. Dans les développements relatifs au crédit de 30,000 fr. pour encouragement à l’industrie linière, on fait voir clairement qu’une partie de cette somme doit être employée à donner une meilleure direction à cet industrie, et, entre autres, à amener le numérotage des fils ainsi que d’autres mesures relatives au filage. On comprend qu’il faut que les fils soient bien numérotés, pour que le tisserand puisse utilement les employer.
L’honorable membre nous demande si le gouvernement a l’intention de supprimer les comités liniers. Loin de là, ms, le gouvernement cherche à améliorer leur condition, et il fera tout son possible pour leur donner l’organisation la plus utile.
(page 102) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L’honorable M. de Villegas a exprimé le désir que les prisons cessassent de faire une concurrence fatale à l’industrie privée en ce qui concerne notamment l’industrie linière. L’honorable membre semble croire que le tissage des toiles dans les prisons prend de l’extension et que l’industrie particulière peut en souffrir.
Messieurs, il n’en est rien ; c’est justement le contraire qui arrive ; je citerai quelques faits : jadis les prisons fournissaient à l’armée toutes les toiles dont elle avait besoin ; cette année, cette fourniture a été réduite de moitié, et si, l’année prochaine, les fournitures remontent aux deux tiers cette augmentation sera avantageuse aux fileuses, qui trouveront ainsi un placement pour leurs produits ; toutefois le tissage restera toujours diminué d’un tiers sur les années antérieures, et cette diminution a pu s’opérer sans laisser les prisonniers oisifs.
Nous avons remplacé une partie de la fabrication des toiles par d’autres industries qui ne peuvent point avoir les mêmes résultats fâcheux. Ainsi, à Alost, l’industrie des toiles a été remplacée par la fabrication des soieries. A Gand on a substitué au tissage des toiles, des industries qui ne s’exerçaient pas auparavant dans le pays, et dans le contrat qui est intervenu à cet égard, on a tellement sauvegardé les intérêts de l’industrie privée, qu’en vue de l’introduction possible, dans le pays, d’industries similaires, il a été stipulé que tout ce qu’on fabriquerait dans la prison devrait être exporté.
Voilà, messieurs, la vérité. Voilà comment, au lieu de nuire à l’industrie linière, nous lui sommes venus en aide ; comment, loin de lui faire une concurrence, nous avons restreint la fabrication des toiles tians les prisons, pour permettre au travail libre de prendre la plus grande extension.
Une autre question m’a été faite par l’honorable M. de Villegas. L’honorable membre a demandé si un contrat fait avec un entrepreneur pour la fourniture du fil à la prison de Gand, serait renouvelé ; je ne pense pas qu’un semblable contrat existe ; toutefois, ne m’attendant pas à cette question, je ne puis pas y répondre d’une manière positive ; mais ce que je puis dire, c’est que les comités liniers ont fourni l’année dernière une très grande quantité de fil aux prisons. C’est ainsi que les comités des deux Flandres ont livré aux prisons, l’année dernière, 126,545 kilog. de fil, ayant une valeur de 293,202 fr., et je dois dire que j’ai reçu des remerciements nombreux des personnes qui s’intéressent à l’industrie linière, au sujet des rapports que j’ai établis entre les prisons et les comités liniers.
Cette année, messieurs, bien qu’il y ait encore des provisions de fil dans les prisons, par suite des livraisons de l’année dernière, j’ai cependant autorisé encore des livraisons nouvelles pour fournir de l’ouvrage aux fileuses.
Dans la vue de favoriser le numérotage (chose fort importante), j’ai accordé une prime de 5 p. c. pour le fil numéroté ; et cette mesure a été hautement approuvée par toutes les personnes qui s’intéressent à l’industrie linière. Je pense avoir rendu, par ces différentes mesures, un véritable service à cette industrie.
M. Desmet. - Je n’ai demandé la parole, messieurs, que pour déclarer à la chambre que, cette année, l’administration des prisons a rendu de grands services aux comités des pauvres, Ils pouvaient livrer et recevoir le prix de leurs marchandises tous les quinze jours, de sorte qu’ils n’avaient pas besoin d’un fonds roulant très considérable. Je demanderai à M. le ministre si les comités pourront encore continuer à livrer du fil aux prisons ; car aussitôt qu’ils auront une certitude à cet égard, ils pourront faire travailler.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je l’ai déclaré.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je désire faire une courte réponse à l’honorable M. Delehaye. L’honorable membre s’est étonné de ce que les travaux du canal de Schipdonck ne sont pas encore entamés. J’ai, messieurs, pressé, autant qu’il a dépendu de moi, les opérations préalables à la mise en adjudication des travaux. Je suis aujourd’hui en possession du projet définitif et des plans parcellaires pour l’acquisition des terrains ; le tout a été soumis au conseil des ponts et chaussées et l’on pourra mettre la main à l’œuvre d’ici à fort peu de temps.
Je conviens qu’il y aura certaine difficulté à travailler pendant une partie de l’hiver, mais le temps pourra être mis à profit pour l’acquisition des terrains et certainement l’on pourra travailler dans les premiers mois de l’année prochaine, à l’époque où les classes pauvres auront le plus besoin de travail.
L’honorable M. Delehaye a également demandé des explications au sujet des travaux de la station de Gand. Ces travaux ont été mis en adjudication ; l’adjudication a été approuvée, et je pense que l’entrepreneur doit être en mesure de travailler. Je dois toutefois faire observer qu’il s’agit ici principalement de travaux de maçonnerie qui devront être statés pendant l’hiver ; mais on pourra utiliser la saison d’hiver pour les approvisionnements de matériaux.
Enfin, l’honorable M. Delehaye a parlé des travaux à faire dans la vallée de l’Escaut. Le projet de ces travaux s’étudie ; mais comme il s’agit ici d’opérations délicates, on ne peut songer à mettre la main à l’œuvre qu’après les études les plus approfondies et après avoir consulté les différentes localités intéressées, ainsi qu’on l’a demandé dans la discussion qui a précédé le vote des crédits destinés à ces travaux.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
« La prompte mise à exécution des routes décrétées et des chemins de fer concédés, de même que l’amélioration des chemins vicinaux, peuvent aussi offrir des ressources momentanées. Les travaux publics dont la nécessité sera reconnue et qui nous seront proposés à mesure que la situation du trésor le permettra, recevront un accueil d’autant plus favorable que l’extension successive des transports du chemin de fer et l’augmentation toujours croissante de ses revenus, sont propres à nous rassurer sur l’avenir financier de cette grande entreprise dont l’exploitation va enfin recevoir une organisation légale. Nous appelons de nos vœux le jour où les comptes des sommes votées pour cette création pourront nous être présentés. »
M. le président. - MM. Delfosse, Fleussu., de Tornaco et Lesoinne ont proposé l’amendement suivant :
« Ajouter après les mots : travaux publics, ceux-ci : surtout ceux qui auront pour but, en améliorant le régime des eaux et les voies navigables, de mettre les diverses parties du pays à l’abri des inondations. »
M. de Tornaco. - Messieurs, vous avez remarqué sans doute que le paragraphe 4 du projet d’adresse comprend pêle-mêle un grand nombre d’objets ; mais votre commission d’adresse, parmi les travaux dont elle s’occupe au paragraphe 4, n’a pas fait une mention expresse des travaux concernant le régime des eaux et les voies navigables ; sous ce rapport, elle ne répond pas au discours du Trône. Le paragraphe 15 du discours de la Couronne, auquel le paragraphe 4 de l’adresse correspond en partie est ainsi conçu :
« Les travaux publics les plus importants qui restent à exécuter concernent le régime des eaux et les voies navigables. L’étude de divers projets se poursuit, des moyens d’exécution pourront vous être successivement demandés à mesure que la situation du trésor le permettra. »
Comme vous le voyez, messieurs, le discours de la Couronne est beaucoup plus explicite, beaucoup plus précis que ne l’est le projet d’adresse. Le discours du Trône fait une mention spéciale des travaux qui concernent le régime des eaux et les voies navigables, tandis que le projet d’adresse les confond avec d’autres travaux d’une importance secondaire. L’amendement que nous avons l’honneur de vous proposer, a pour but de combler la lacune par trop sensible que je viens d’indiquer.
On comprend avec peine que votre commission d’adresse ait négligé de faire une mention expresse de travaux publics aussi urgents que ceux que réclament le régime des eaux et les voies navigables ; qu’elle les ait confondus avec d’autres travaux dans les expressions vagues du paragraphe 4.
Pour moi, je ne suis pas parvenu à m’expliquer un oubli comme celui-là. A coup sûr, je ne suis pas porté à croire que, dans le cas présent, la forme ait emporté le fond ; car il faut le reconnaître (et je le dirai, parce que j’en ai l’occasion) la forme de l’adresse, en thèse générale, est fort négligée. Il est à regretter que des pièces de l’importance de celle dont il s’agit, soient rédigées avec aussi peu de soin ; ces pièces reçoivent une grande publicité dans notre pays et même à l’étranger ; et vous devrez avouer que si l’étranger lit attentivement une pièce comme celle qui vous est soumise, il doit se livrer à de singulières conjectures sur les connaissances littéraires du parlement belge.
Quoi qu’il en soit, la lacune que vous avez remarquée, messieurs, dans le projet d’adresse, à l’endroit des travaux publics, est trop sensible, surtout en présence des événements déplorables qui ont désolé un pays voisin.
Lorsque nous nous sommes réunis, les journaux étaient encore tout pleins du récit des événements qui ont affligé les bords de la Loire. Ce fait aurait dû empêcher, je le répète, la commission d’adresse de négliger un sujet qui mérite à un si haut point de fixer votre attention.
Messieurs, l’amendement que nous avons l’honneur de vous proposer n’implique pas, de la part de la chambre, le vœu que les travaux publics qui concernent le régime des eaux et les voies navigables soient exécutés immédiatement, que les dépenses soient faites simultanément et sans délai.
Nous n’aurions pas cru pouvoir attendre de la chambre une adhésion à un amendement qui aurait été conçu en ces termes. Mais mon opinion à moi, c’est que le gouvernement ne devrait pas hésiter un instant à proposer à la législature un projet de loi d’ensemble qui comprendrait tous les travaux les plus nécessaires qui sont à exécuter, en ce qui concerne le régime des eaux et les voies navigables.
On dira, et c’est une réponse que m’a déjà faite, dans la session dernière, M. le ministre des travaux publics ; on dira que le moment n’est pas favorable pour contracter un emprunt, et qu’il est impossible sans emprunt, d’entreprendre des travaux aussi importants.
Je comprends parfaitement que les circonstances où nous nous trouvons ne sont pas très favorables à un emprunt ; mais je pense que, quelles que soient ces circonstances, le pays ferait une opération avantageuse en contractant un emprunt, afin de pourvoir aux nécessités du régime des eaux.
Les pertes qu’éprouverait le pays sur l’emprunt à contracter, seraient largement compensées par la cessation des pertes que le mauvais régime des eaux et de la navigation nous fait éprouver tous les ans. La chambre retentit annuellement de plaintes nombreuses à ce sujet ; l’année dernière, l’honorable rapporteur de la commission d’adresse a parlé même d’une perte de 15 ou 20 millions qu’une seule rivière qui traverse notre territoire nous fait essuyer chaque année par les inondations qu’elle cause. Vous comprenez, messieurs, que des dommages aussi considérables s’effacent complétement devant les pertes qui pourraient résulter d’un emprunt.
Il est en outre à remarquer que si l’on présentait un projet de loi d’ensemble, on aurait d’abord pour but de satisfaire toutes les populations qui sont menacées, de leur donner une marque de sollicitude et d’intérêt. Rassurer les populations sur leur avenir serait le premier (page 103) objet que remplirait untel projet de loi. On ne serait pas obligé, pour cela, d’entamer immédiatement tous les travaux. Je ne suppose pas, d’ailleurs, que les études soient toutes achevées ; l’emprunt ne serait émis que par parties, successivement, à mesure que les besoins se feraient sentir, à mesure que des projets seraient suffisamment élaborés, pour être mis à exécution.
Mon opinion est donc que le gouvernement ne devrait pas tarder à présenter un projet de loi d’ensemble, en ce qui concerne les travaux publies les plus nécessaires dans les diverses parties du royaume. Cette opinion m’est inspirée par la crainte que j’ai des inondations. Nous les voyons, en effet, se succéder les unes aux autres tous les ans dans notre pays, et (comme le fait remarquer un de mes voisins) recommencer deux ou trois fois aux mêmes lieux, durant la même année. C’est ce qui est arrivé à Liége l’an dernier.
Autrefois, on avait une débâcle après l’hiver, mais il n’y avait plus ensuite d’inondation ; aujourd’hui, le mal se reproduit plusieurs fois dans le cours d’une année. Les événements qui ont eu lieu sur les bords du Rhône et de la Loire doivent d’ailleurs nous servir d’avertissements. Je crois que d’année en année notre pays sera exposé à des inondations plus fréquentes et plus dangereuses.
Qu’il me soit permis d’entrer dans quelques détails sur ce point, pour motiver mon opinion ; je le ferai le plus brièvement possible ; je profiterai de l’avis qu’a donné, tout à l’heure M. le président.
Messieurs, je pense que les inondations seront plus nombreuses, parce que je partage l’opinion de ceux qui ont attribué les inondations au défrichement des bois et forêts ; on les a aussi attribuées à d’autres causes, à des atterrissements, à des travaux publics, exécutés sans prévoyance, à des empiétements de toute nature qui ont été faits sur les lits des rivières. Mais, aujourd’hui l’opinion la plus accréditée en France est, que les inondations proviennent du défrichement des bois et forêts ; ma conviction intime est, que le déboisement est la cause principale, dominante, des inondations.
Un écrivain français l’a dit, il y a quelque temps, les bois sont de véritables réservoirs d’eau. L’eau pluviale, avant de toucher la terre, est arrêtée dans sa chute par les bois lorsqu’elle est arrivée à terre, les bois en absorbent une grande partie, et la partie qui s’écoule, descend avec lenteur, parce qu’elle est entravée par une foule d’obstacles qui s’opposent à son passage. Voilà quelle est l’action des bois à l’égard des eaux. Supposez, à la place d’une vaste forêt, une grande plaine de terres labourables ; l’eau n’est plus arrêtée dans sa chute, elle ne rencontre plus d’obstacles qui retardent sa descente dans la plaine, dans les vallées, et si elle traverse des plans inclinés, des forêts nouvellement défrichées, elle en emporte une partie, elle emporte une grande quantité de débris dont elle crée un obstacle à son propre passage.
Ainsi, messieurs, les défrichements produisent à eux seuls tous les effets que l’on attribuait naguère à d’autres causes, c’est-à-dire l’accumulation prompte des eaux et la formation d’obstacles qui s’opposent à leur écoulement.
Messieurs, je vous demande pardon du m’arrêter sur ces détails. Mais comme je crois avoir un bon avis à donner, je pense qu’il est de mon devoir de ne pas le différer. Tels sont messieurs, les effets des défrichements ; ils se font sentir si promptement, que si le propriétaire d’un fonds de terre exposé à recevoir les eaux du voisinage défriche, non pas une grande étendue de bois, mais seulement un certain nombre d’hectares, et n’a pas la précaution de faire élargir ses fossés, au premier orage qui survient, il sera étonné de voir ses fossés devenus insuffisants, trop étroits, de voir ses terres ravagées et ses prés couverts de gravier. Je rapporte en ce moment ce qui est arrivé à plus d’un propriétaire de ma connaissance.
J’en ai vu qui attribuaient les dommages qu’ils éprouvaient à des causes générales, à je ne sais quelle fatalité, tandis que c’était leur imprévoyance qu’ils auraient dû accuser. Ces effets si rapides des défrichements sur une propriété particulière ne sont pas aussi compréhensibles quoique plus puissants, lorsqu’ils se produisent sur une contrée tout entière, parce qu’ils proviennent de causes plus éloignées et prennent naissance sur des points distants les uns des autres ; aussi a-t-il fallu assez longtemps pour que les esprits s’arrêtassent sur la véritable cause et la cause principale des inondations.
Si cette cause est, comme on le croit aujourd’hui, le défrichement des bois et des forêts, nous devons concevoir des inquiétudes sérieuses concernant plusieurs parties du pays et notamment Liége et ses environs. C’est là, sans doute, pour moi une raison de plus pour insister sur l’objet dont je m’occupe.
Les défrichements continuent non seulement dans la province de Liège, mais aussi dans la province de Namur, en un mot, surtout le cours de la Meuse jusqu’à sa source qui est, je crois, au milieu des bois.
Il ne peut pas en être autrement, il faudrait, pour qu’il en fût autrement, que les propriétaires ne connussent pas leurs intérêts. Les défrichements doivent prendre un grand développement par suite du prix élevé des denrées alimentaires, des céréales surtout.
Dans beaucoup de localités les propriétés boisées ne rapportent presque rien, et dans quelques-unes elles ne rapportent rien du tout. Ou peut dire en thèse générale que la propriété boisée ne rapporte pas la moitié de ce que rapportent les autres propriétés rurales.
En outre la propriété boisée n’est pas non plus aussi perfectible, aussi susceptible de perfectionnement et d’amélioration que les autres propriétés. J’ajouterai que la propriété boisée qui, malgré son infériorité, paye une contribution proportionnellement aussi forte que les autres propriétés, et difficile à conserver, sous la législation surannée défectueuse qui régit la conservation des forêts.
Je veux encore appeler votre attention sur une cause certaine et active de déboisement. De grands travaux publics vont être exécutés dans les provinces de Liége, de Namur et du Luxembourg. Nul doute que l’exécution de ces travaux publics ne présente aux propriétaires l’occasion de se débarrasser de leurs bois ; ils ont trop longtemps désiré cette occasion pour ne pas la saisir avec empressement.
Une fois débarrassés de leurs bois, ces propriétaires ne manqueront pas d’étendre ses défrichements au-delà des proportions qu’ils ont eues jusqu’à ce jour.
A mesure que l’on entre dans l’examen des causes, soit directes, soit indirectes, des inondations, on se fortifie dans cette pénible pensée : que Liège et ses environs auront, si l’on n’y porte remède, d’année en année des inondations plus fréquentes et plus dangereuses à essuyer. Liège doit craindre plus que jamais, non seulement les eaux de la Meuse mais aussi celles de l’Ourthe, rivière rapide qui descend du Luxembourg, parcourt des contrées en grande partie boisées, dont le déboisement est commencé et continuera, rivière dont les affluents sont aussi presque tous d’une rapidité extrême.
M. le ministre des travaux publics fera bien, je pense, d’arrêter son attention sur la canalisation de l’Ourthe. Il est à craindre que la Compagnie du Luxembourg n’éprouve quelque mécompte si elle n’y prend garde, par suite des défrichements aux environs de l’Ourthe et de ses affluents.
Je ne sais, messieurs, si d’autres parties du pays sont aussi menacés que le sont Liège et ses environs ; il me paraît pourtant que les mêmes causes d’inondations doivent se faire sentir partout, puisqu’elles agissent partout. Le danger doit menacer plus ou moins, suivant que la cause est plus ou moins active, toutes les parties du pays qui sont sujettes aux inondations. La chambre ne saurait être indifférente à l’égard d’une situation semblable, la chambre doit avoir l’œil ouvert sur tous les intérêts et sur tous les dangers qui les menacent.
Notre amendement a pour but d’introduire dans l’adresse l’expression de cette pensée ; nous espérons donc que la chambre lui fera un accueil favorable, nous espérons aussi que le gouvernement partagera nos convictions et nos craintes et qu’il ne tardera pas à rassurer les populations qui doivent éprouver de sérieuses inquiétudes.
M. Dumortier. - Je remercie l’honorable M. de Tornaco de la censure qu’il a faite de notre projet d’adresse ; mais je ferai observer cependant que, quand on se charge de critiquer la rédaction d’une adresse, on devrait le faire en style correct ; on ne devrait pas dire notamment que la forme est d’une négligence inconcevable. Je ne comprends pas ce que peut signifier la négligence de la forme d’une adresse.
M. de Tornaco. - Ce n’est pas écrit !
M. Dumortier. - C’est du moins récité !
Quand on parle de formes négligées d’adresse, on ne devrait pas se charger de censurer des rédactions.
Je pourrais relever plus d’une négligence encore dans ce que vient de dire l’honorable préopinant, mais je crois que celle-là suffit pour faire juger sa critique.
J’arrive à l’amendement en lui-même.
L’amendement présenté par l’honorable membre est relatif aux rivières et aux canaux.
Il censure la commission d’adresse parce qu’elle n’a pas mentionné dans son projet les divers projets de loi relatifs aux travaux publics projetés par le gouvernement et dont il est question dans le discours du Trône.
Je ne pense pas que la commission mérite pour cela le moindre reproche. Je crois pouvoir faire connaître le motif de cette prétérition. Nous avons calculé que le discours du Trône mentionnait de 20 à 24 projets de loi. Que le gouvernement annonce les travaux qu’il a l’intention de proposer, nous le comprenons ; mais nous avons cru préférable de dire dans une phrase générale que « nous porterons notre plus sérieuse attention sur les lois que le gouvernement nous annonce. » Cette phrase comprend tout. Quand les projets nous seront présentés ils seront discutés à la chambre avec toute l’attention qu’ils méritent.
Quant au paragraphe qui a donné naissance aux amendements des honorables députés de Liège, la commission d’adresse n’a pas voulu préjuger ces questions. Veuillez remarquer qu’elle a fait ce sujet une réserve expresse dans le projet d’adresse qu’elle vous soumet.
A la suite des grands travaux que le corps des ponts et chaussées a entrepris dans le pays, si, vis-à-vis de ce corps, qui a un grand besoin d’activité, nous nous engageons à décréter tous les travaux publics qui nous seront proposés, nous serons dans un grand embarras si plus tard ces travaux ne nous conviennent pas. Le système du discours du Trône me paraît infiniment sage. Ce discours s’exprime en ces termes :
« Les travaux publics les plus importants qui restent à exécuter concernent le régime des eaux et les voies navigables. L’étude de divers projets se poursuit, des moyens d’exécution pourront vous être successivement demandés à mesure que la situation du trésor le permettra. »
Voilà une marche nouvelle dans laquelle le gouvernement paraît vouloir entrer ; je l’en félicite hautement au nom du pays, Je désire que l’on n’obtienne plus de nouveaux travaux publics par de nouveaux emprunts. J’ai réclamé ce système pendant trop longtemps, pour ne pas féliciter le gouvernement de l’avoir adopté.
(page 104) Qu’avec les excédants que donne chaque année le produit du chemin de fer, qu’avec l’excédant des budgets on fasse des travaux publics, rien de mieux ; mais faire des emprunts pour exécuter des travaux publics, c’est grever l’avenir, c’est vouloir faire en un jour ce qui doit être fait en plusieurs années. Je ne puis donner mon assentiment à un pareil système, quand même il serait profitable à la localité que je représente.
Votre commission d’adresse a été plus loin ; elle s’exprime ainsi :
« Les travaux publics dont la nécessité sera reconnue et qui nous seront proposés à mesure que la situation du trésor le permettra, recevront un accueil d’autant plus favorable que l’extension successive de transports du chemin de fer et l’augmentation toujours croissante de ses revenus, sont propres à nous rassurer sur l’avenir financier de cet grande entreprise, dont l’exploitation va enfin recevoir une organisation légale. »
Ainsi il faut d’abord que la nécessité des travaux publics soit reconnue par les représentants légitimes du pays, c’est-à-dire par les deux chambres.
Je pense donc que la réserve de la commission d’adresse aura votre approbation. Elle tend à nous tirer de la voie des emprunts, à régulariser la situation. Comment ! nous avons une dette flottante considérable ; nous n’avons pas la moindre réserve pour le cas de guerre, et nous ferions de nouveaux emprunts ! Veuillez y réfléchir et vous reconnaîtrez que le meilleur ministre des finances est celui qui mettra un temps d’arrêt à ce système.
Je suis autant que personne partisan de l’amélioration des fleuves et rivières, non seulement pour l’Escaut qui intéresse la localité que je représente, mais encore pour la Meuse qui intéresse la localité à laquelle appartiennent les honorables auteurs de l’amendement, Ils se souviennent qu’à plusieurs reprises, j’ai demandé qu’on améliorât cette grande artère si importante pour le pays. Mes honorables collègues peuvent être certains que nous ne perdrons pas de vue les intérêts de leurs localités ; mais j’ai un grande répugnance à voir introduire dans l’adresse une phrase qui puisse grever l’avenir. Ce serait manquer à notre devoir comme député de la nation.
M. Lejeune. - J’appuie bien volontiers l’amendement des honorables députés de Liége. Je remercie ces honorables membres d’avoir donné leur amendement une forme générale qui puisse être adoptée par la chambre tout entière. Nous, nous comprenons bien qu’ils ont en vue les travaux à faire dans la vallée de la Meuse, surtout dans le district de Liége, et les travaux nécessaires pour mettre la ville de Liège à l’abri des inondations. Si je me félicite de ce que l’on n’a pas exprimé spécialement cette idée, ce n’est pas que je veuille exclure les travaux à faire à la Meuse. Au contraire, en toute occasion j’ai rappelé que les travaux à faire dans la vallée de la Meuse sont aussi nécessaires, aussi indispensables, aussi urgentes que ceux à faire sur tout autre point du pays. Je n’exclus ni les travaux de la Meuse, ni ceux d’aucune autre partie du pays. Je n’exclus pas non plus les travaux nécessaires dans la vallée de la Senne.
Si j’ai quelque inquiétude pour les travaux à faire dans la vallée de la Meuse, c’est qu’ils ne sont pas assez étendus, assez grandioses pour remédier au mal, pour faire une bonne fois tout ce qu’il est possible de faire. Jusqu’ici je n’ai pas vu de projet qui réponde à tout ce qu’on peut attendre.
Une fois que la proposition des députés de Liége sera faite à la chambre, je ne sais pas comment on pourrait la repousser.
Plusieurs fois dans le discours du Trône et dans les adresses, il a été parlé du régime des eaux et des voies navigables ; toujours la chambre a accueilli ces expressions avec bienveillance. L’honorable rapporteur de la commission d’adresse craint beaucoup qu’on n’engage par là le gouvernement dans des dépenses qui plus tard ou dans un avenir prochain nécessiteront des emprunts. Cet argument ne m’effraye pas. Pour moi, je l’ai déclaré en d’autres circonstances, l’économie, pour l’Etat, ce n’est pas toujours de ne pas dépenser.
Il y a quelquefois économie à dépenser utilement. Les dépenses qui sont faites avec intelligence, pour améliorer le sol, ne sont pas des fonds perdu, ce sont des capitaux placés à gros intérêts ; dépenser ainsi, c’est créer pour le pays des revenus et des jouissances dont aucune éventualité politique ne pourrait le priver. Voilà, messieurs, en peu de mots quelle est, selon moi, sous certains rapports, l’économie pour l’Etat.
Je saisirai cette occasion pour prier M. le ministre des travaux publics de mettre en adjudication, le plus tôt possible, la seconde section du canal de Zelzaete, décrétée depuis 1842.
Voici les motifs qui m’engagent à demander cette adjudication immédiate : les études sont faites, l’on est d’accord sur le tracé, le projet est décrété depuis quatre ans, et les travaux peuvent s’exécuter en grande partie pendant l’hiver. Il serait donc possible de procurer là de l’ouvrage à beaucoup d’ouvriers inoccupés, et de soulager ainsi une localité qui est dans la détresse.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la discussion qui vient de s’engager, si elle se poursuivait, est digne d’occuper la chambre pendant plusieurs jours. La place la plus naturelle de cette discussion est, ce me semble, le budget des travaux publics. Ordinairement dans la discussion de l’adresse, dans toutes les assemblées délibérantes, on s’attache de part et d’autre, quelles que soient les opinions, à ne pas préjuger les questions, à ne pas les approfondir, à ne pas appuyer des systèmes.
Le discours de l’honorable député de Liège me paraît se diviser nécessairement en deux points : les développements de l’amendement, les développements d’une opinion individuelle que l’honorable membre a exposés.
D’après la première de ce discours, l’amendement vous serait présenté, non pas pour préjuger des questions d’exécution de travaux publics, de priorité, d’urgence ou d’opportunité ; mais pour répondre d’une manière complète au discours du Trône, et sans repousser le système qui paraît indiqué dans ce discours. C’est ainsi que j’ai compris la première partie des développements de l’honorable député de Liége.
Si tel est le sens de l’amendement, je ne crois pas qu’il puisse y a la moindre difficulté à l’adopter, alors surtout que les expressions essentielles adoptées par la commission d’adresse sont maintenues, car les honorables membres admettent encore (je l’ai du moins compris de cette manière) que ces travaux seront proposés à mesure que la situation trésor le permettra.
Quant aux opinions individuelles, il y a deux systèmes peut-être trop absolus l’un et l’autre, qui peut-être, dans leur expression absolue, présentent des dangers ou des inconvénients.
Ainsi, l’honorable député de Liége suppose qu’il faudrait en ce moment faire une espèce de relevé général, comprendre dans une même loi tous les travaux relatifs aux voies navigables et au régime des eaux.
L’honorable M. Dumortier paraît admettre, au contraire, qu’il faudra en quelque sorte décréter implicitement que tous les travaux publics ultérieurs dont la nécessité serait reconnue, devraient être prélevés sur nos ressources ordinaires.
Je crois que ce n’est pas le moment de vous prononcer si ces deux systèmes, et que nous devons prendre garde, quelle que soit notre opinion, d’adopter implicitement aujourd’hui l’un ou l’autre.
J’ajouterai, messieurs, que ce serait une illusion d’espérer que des travaux publics d’une certaine étendue pourront être exécutés au moyen de nos ressources ordinaires. Mais lorsque nous aurons à demander de ressources spéciales, nous discuterons et l’opportunité et les moyens que nous devons employer pour créer ces ressources.
Ainsi, messieurs, l’amendement étant défini comme je viens de le faire, et j’espère avoir fidèlement rendu la pensée de l’honorable M. de de Tornaco, me semble pouvoir être adopté sans inconvénient, s’il est bien entendu qu’il ne préjuge aucune question de système.
M. de Tornaco (pour un fait personnel). - Messieurs, tout à l’heure, en exprimant mon opinion sur la rédaction du projet d’adresse, je n’ai pas du tout eu l’intention d’occasionner de la peine à un honorable collègue. Vous savez que d’ordinaire je ne suis pas du tout personnel dans mes attaques ; je ne deviendrais personnel qu’autant qu’on me forcerait à l’être.
J’ai voulu faire une observation dans l’intérêt général, et je vous avoue que je ne croyais pas qu’elle serait aussi sensible à l’honorable membre. J’avais oublié, en lisant son projet d’adresse, qu’il fût académicien.
- La clôture est demandée.
M. David. - Messieurs, si l’on veut clore, je demanderai qu’il me soit permis d’insérer au Moniteur quelques observations d’actualité que je voulais vous présenter. (Adhésion.)
M. Osy (contre la clôture). - Messieurs, j’avais demandé la parole pour réclamer des renseignements relativement à des travaux dont n’a pas encore été question dans cette discussion et qui ne coûteraient rien au trésor. On a beaucoup parlé de travaux publics qui entraîneront le trésor dans des dépenses ; la chambre me permettra de demander des renseignements sur des travaux qui ne coûteront rien au trésor.
M. Delfosse (contre la clôture). - Je désirerais présenter quelques observations pour bien fixer le sens de notre amendement ; bien que d’accord avec à M. le ministre des finances sur quelques points, je ne puis cependant adhérer à tout ce qu’il vient de dire.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
L’amendement présenté par MM. Delfosse, Fleussu, de Tornaco et Lesoinne est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le paragraphe.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il est entendu que les mots : « A mesure que la situation du trésor le permettra », sont maintenus.
M. Delfosse. - Je ne m’oppose pas au maintien de cette phrase mais il est bien entendu qu’elle ne doit pas être comprise dans le sens indiqué par l’honorable M. Dumortier.
Cet honorable membre, parlant en quelque sorte au nom du gouvernement, a prétendu que cette phrase était exclusive d’un emprunt. Je puis croire que telle soit la pensée du gouvernement.
M. Dumortier. - J’ai parlé au nom de la commission d’adresse, non pas au nom du gouvernement.
M. Delfosse. - Votre phrase est textuellement extraite du cours de la Couronne, et vous avez dit qu’on l’avait insérée dans ce cours pour exclure l’idée d’un emprunt ; je le répète, telle ne peut être la pensée du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Rien n’est préjugé.
M. Dubus (aîné). - Il me semble que la phrase peut rester qu’elle est, du moment qu’on transpose un peu celle qui vient d’y ajoutée. Ainsi on dirait : « Les travaux publics dont la nécessité sera reconnue, et qui nos, sont proposés à mesure que la situation du trésor le permettra, surtout ceux qui ont pour but, en améliorant le régime des eaux et des navigables, de mettre les diverses parties du pays à l’abri des inondations, recevront un accueil, etc. » (Assentiment.)
(page 105) - Le paragraphe, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Nous porterons notre plus sérieux examen sur les lois que Votre Majesté nous annonce. La loi sur l’augmentation de la représentation nationale répondra à des vœux que la situation calme du pays permet de satisfaire. »
M. Delehaye a proposé de dire :
« La loi sur l’augmentation de la représentation nationale répondra aux vœux du pays et de la Constitution. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’ai des observations à présenter sur l’amendement de l’honorable M. Delehaye. Le gouvernement a annoncé de la manière la plus positive l’intention de présenter un projet de loi pour l’augmentation de la représentation nationale, et la commission d’adresse a accueilli cette déclaration.
L’honorable M. Delehaye va plus loin ; il dit que cette loi est conforme aux vœux du pays et de la Constitution. Je crois, messieurs, que pour parler plus exactement, l’honorable membre aurait dû dire qu’elle sera conforme aux vœux des localités intéressées, car, sans doute, on ne peut pas exiger que les districts dont la représentation ne doit pas être augmentée, voient avec une grande satisfaction d’autres districts obtenir une pareille augmentation, circonstance qui doit nécessairement diminuer l’importance de leur propre représentation, puisque tout est relatif en pareille matière.
Je conçois que ces districts acceptent la loi comme une nécessité, mais je ne puis pas y voir pour eux une occasion de se féliciter. Je pense donc que cette expression « conforme aux vœux du pays », c’est-à-dire de l’ensemble de tous les districts, n’est pas heureuse ; je pense que, sur ce point, il vaut mieux s’en tenir au projet d’adresse tel qu’il est rédigé par la commission.
L’honorable membre ajoute : « et conforme au vœu de la Constitution. » Je sais, messieurs, que plusieurs membres prétendent que la Constitution exige impérieusement l’augmentation de la représentation nationale ; mais d’autres membres contestent cette opinion. Quant à moi, messieurs, je pense que nous n’avons point, en cette circonstance, à décider ce que porte la Constitution ; nous avons à faire une loi, et dans le vote de cette loi, les uns se détermineront, parce qu’ils croient que la Constitution l’exige, les autres, parce qu’ils croient qu’il est convenable de faire droit aux vœux exprimés par plusieurs districts ou provinces intéressés. Voilà, messieurs, ce que nous avons à faire ; mais il serait tout à fait contraire aux usages parlementaires de chercher, dans une adresse, à déterminer quel est le sens d’un article de la Constitution. Je rappellerai à la chambre des circonstances bien importantes où des propositions de cette nature ont été repoussées. Dans la discussion de la question de la nomination des échevins par le Roi, on voulut faire voter sur une question de principe ainsi conçue : « La Constitution permet-elle de déférer au Roi la nomination des échevins ? »
Eh bien, messieurs, la chambre refusa nettement de voter sur cette question. La majorité pensa que la chambre n’avait pas à répondre à des questions, mais que la chambre avait à voter des articles de loi. La même opinion a prévalu dans d’autres circonstances, et je crois qu’elle doit prévaloir encore aujourd’hui. Il me semble qu’il n’y a pas lieu d’admettre la proposition de l’honorable M. Delehaye.
L’honorable membre, dans les développements qu’il a donnés aujourd’hui, après avoir longuement parlé de la misère des Flandres, a dit qu’après cet exposé il n’est pas possible d’admettre que la situation du pays soit calme. Messieurs, nous pensons que, malgré la misère qui frappe si cruellement certaines parties de la population des Flandres, le calme existe réellement dans ces provinces.
Tout ce que nous avons voulu exprimer en disant que la situation du pays est calme, c’est que cette situation est suffisamment calme pour autoriser le gouvernement à nous proposer une réforme partielle de la loi électorale. Si l’on retranchait cette phrase, ce serait en quelque sorte déclarer que l’on met en doute la situation calme du pays et par là on pourrait mettre en doute également s’il y a réellement opportunité à présenter une loi réformant en partie la loi électorale. La phrase n’a point d’autre portée que celle que nous avons indiquée, et je crois qu’il n’y a pas lieu de la modifier.
M. Delehaye. - Je ferai remarquer d’abord, messieurs, qu’il est extrêmement étonnant de voir le gouvernement lui-même mettre en doute le patriotisme de quelques localités qui auraient aujourd’hui une représentation plus forte que celle à laquelle le chiffre de leur population leur donne droit. Si j’appartenais à une localité qui fût dans ce cas, je serais le premier à proposer à la chambre de réduire le nombre des représentants nommés par cette localité. Pourquoi ? Parce qu’il importe que toutes les parties du pays soient convenablement représentées et qu’elles le soient toutes dans la même proportion. Cela importe aux intérêts généraux du pays. Or, nous sommes les représentants du pays et non pas les représentants de telle ou telle localité. J’aurais donc voulu, messieurs, que le gouvernement, au lieu d’encourager l’opposition des députés appartenant à des districts trop fortement représentés aujourd’hui, au contraire engagé tout le monde à se soumettre à la loi qu’il nous annonce.
On a trouvé que ma proposition pouvait blesser la Constitution, parce que, dit-on, il n’est pas certain que la Constitution exige impérieusement la présentation de la loi dont il s’agit. Eh bien, je donnerai volontiers satisfaction à M. le ministre de l’intérieur sur ce point, en modifiant ma proposition dans ce sens :
« La loi sur l’augmentation de la représentation nationale répondra les vœux qu’il est juste de satisfaire. »
Par là, toutes les appréhensions manifestées par M. te ministre de l’intérieur sont écartées ; la question constitutionnelle n’est plus en cause ; vous ne parlez plus de la situation calme du pays. Vous remarquerez que cette dernière phrase ne se trouve pas dans l’adresse du sénat ; et puisque la majorité n’a pas voulu de l’amendement de l’honorable M. Rogier, parce qu’elle voulait se mettre d’accord avec le sénat, c’est un motif de plus pour qu’elle adopte ma proposition. Vous resterez encore une fois d’accord avec le sénat.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant a fait droit aux principales objections que j’avais faites ; il a retiré l’expression « aux vœux de tout le pays ». Cette expression ne pouvait être conservée, car je maintiens, malgré ce qu’a dit l’honorable membre, que les districts qui vont voir s’établir à leur égard une infériorité qui n’existe pas aujourd’hui, ne peuvent pas s’applaudir de cette circonstance ; mais en faisant cette observation, je n’ai pas encouragé les députés de ces districts à s’opposer au projet ; moi-même, j’appartiens à une province qui ne doit recevoir aucune augmentation de représentation, et cependant je n’ai pas hésité à proposer la mention de ce projet dans le discours du Trône. Mais entre admettre une chose qui est réclamée par d’autres localités, et s’en féliciter, lorsque sa localité a un intérêt contraire, se trouve une distance immense.
Maintenant, l’honorable membre retranche aussi ce qui concerne la Constitution ; par là, je suis satisfait. Il est vrai que le sénat n’a pas parlé de la situation calme du pays ; quant à nous personnellement, nous ne tenons pas à ce qu’il soit fait mention de cela dans l’adresse de la chambre, pas plus que dans celle du sénat ; tout ce que nous avons voulu, c’est qu’il ne résultât pas de la discussion, que la chambre avait une opinion contraire à celle du gouvernement.
- L’amendement de M. Delehaye, tel que cet honorable membre vient de le modifier, est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 5, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. de Garcia, adopté dans la séance d’hier, formera le paragraphe 6.
« Nous nous félicitons d’apprendre que dans le cours de la session actuelle les budgets des recettes et des dépenses de 1848 nous seront soumis. »
- Adopté.
« L’armée, par sa bonne discipline, son dévouement et son patriotisme continue à se rendre digue de la confiance de Votre Majesté et du pays. Les lois qui peuvent assurer son bien-être et développer de plus en plus les sentiments de noble émulation et de devoir dans lesquels réside sa force, seront toujours accueillies avec cet intérêt que nous n’avons cessé de porter à ce qui la concerne. »
- Adopté.
« Sire, depuis seize années, la Belgique a conquis son indépendance, et tout ce que notre nationalité nous a permis d’entreprendre nous donne la mesure de ce que pourra, dans l’avenir, une nation jeune, active, intelligente et qui ne veut rester étrangère à aucun progrès. Cette indépendance, si vivement désirée de nos ancêtres, il était réservé à notre époque de la voir enfin s’accomplir. Le pays n’oubliera jamais, Sire, le noble dévouement avec lequel Votre Majesté, répondant à l’appel du tout un peuple, est venue consolider cette nationalité naissante, en se mettant à notre tête à une époque où la situation politique inspirait de justes inquiétudes. Aujourd’hui que la paix de l’Europe a raffermi nos institutions et qu’une dynastie nationale s’élève et grandit au milieu de nous, nous pouvons contempler l’avenir avec confiance. S’appuyant sur cette dynastie, dont les racines sont désormais profondes, la Belgique aura jouir, avec dignité, des institutions libres qu’elle s’est données, tandis que nous, heureux d’assurer le développement de son bien-être, nous serons toujours prêts à concourir, avec Votre Majesté, à tout ce qui peut contribuer au bonheur et à la prospérité de la patrie. «
M. Delfosse. - Dans la discussion générale, je me suis prononcé contre ce paragraphe. Les raisons que M. le rapporteur de la commission d’adresse a données depuis pour la justifier, ne m’ont pas fait changer d’avis.
L’honorable rapporteur nous a parlé de je ne sais quel prétendant dont il voudrait détruire les espérances.
Je ne crains pas plus les prétendants que les revenants, et je suis surpris l’on soit venu dans cette enceinte donner tant d’importance à je ne sais quel prétendant.
- On procède au vote, par appel nominal, sur l’ensemble de l’adresse.
78 membres répondent à l’appel.
73 répondent oui.
5 répondent non.
En conséquence, la chambre adopte.
Ont répondu oui : MM. Anspach, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, Coppieters, d’Anethan, David, de Ballet, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de la Coste, de Lannoy, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumortier, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Lejeune, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Liedts.
Ont répondu non : MM. Castiau, Delfosse, de Tornaco, Lesoinne et Verhaegen.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - J’ai l’honneur de déposer les amendements au projet de loi sur le service sanitaire.
M. Sigart. - Je demande le renvoi de cet amendement à la commission qui a été chargée d’examiner le projet.
- Cette proposition est adoptée
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L’honorable M. Savart qui a été nommé rapporteur du budget de la justice étant retenu chez lui par une indisposition, je prie la section centrale de vouloir bien désigner un autre rapporteur afin que nous puissions aborder la discussion de ce budget.
M. Vilain XIIII. - J’ai l’honneur de présider la section centrale chargée d’examiner le budget de la justice. J’ai écrit à M. Savart pour le prier de nous renvoyer les procès-verbaux, ainsi que les pièces remises à la section centrale, que cet honorable membre avait emportées à Tournay pour rédiger son rapport. Dès que ces pièces nous seront revenues, si la santé de M. Savart ne lui permet pas de faire le rapport nous nommerons un autre rapporteur.
M. le président. procède au tirage au sort des membres de la députation chargée de porter au Roi l’adresse votée par la chambre.
Les membres désignés par le sort, sont : MM. de Lannoy, Rogier, Verhaegen, Cans, Wallaert, Orban, Huveners, Osy, Kervyn, Anspach et B. Dubus.
M. le président. - Je ferai prendre les ordres du Roi et je ferai avertir à domicile les membres de la députation, de l’heure à laquelle aura lieu la réception de Sa M. Majesté.
- La séance est levée à 2 heures et demie.