(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 1815) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure et un quart ; la séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
« Les membres de l'administration communale d'Essche-St-Liévin demandent l'exécution du chemin de fer projeté de Bruxelles à Wetteren par Denderleeuw, Alost et Lede. »
« Même demande des membres des administrations communales de Grootenberge, de St-Antelinckx, Bambrugge, Smetlede, Borsbeke, Ressegem et Vlierzele. »
- Renvoi au ministre des travaux publics.
« Plusieurs propriétaires, cultivateurs, industriels et commerçants de la ville de Diest et environs demandent la construction du canal de Vilvorde à Diest. »
M. de Man d’Attenrode. - Les signataires de cette pétition que j'ai déposée sont au nombre de 370 ; ils demandent l'exécution d'une promesse faite depuis longtemps par le gouvernement. Je propose le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport. J'espère qu'elle voudra bien en hâter assez la présentation pour que la chambre puisse renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics, avant la fin de la session.
- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
M. Veydt, au nom de la commission qui a examiné le projet de loi de crédit supplémentaire de 218,781 fr. 66 c. concernant le département de l'intérieur, exercice 1845, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport ; sur la proposition de M. Dedecker, elle met le projet de loi à la suite de l'ordre du jour.
Sur la proposition de M. Osy, la chambre met également à la suite de l'ordre du jour la discussion d'un projet de loi de crédit, concernant le département des affaires étrangères.
M. Maertens., au nom de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi tendant à interpréter l'article 442 du Code de commerce, dépose le rapport sur ce projet de loi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - N'y aurait-il pas moyen, vu l'urgence, de discuter immédiatement ce projet de loi ? Je ne pense pas qu'il puisse rencontrer la moindre opposition. Il a été adopté à l'unanimité par la commission ; il n'est que la reproduction de celui que la chambre a adopté l'année dernière. L'amendement du sénat ne change rien à l'interprétation admise par la chambre, il se borne à réserver en termes exprès une question qui était déjà virtuellement réservée.
La faillite dont il s'agit est ouverte depuis 1822 ; et il est réellement urgent d'en finir.
Je suis persuadé que l'honorable rapporteur déclarera comme moi qu'il ne peut y avoir aucune difficulté au sujet du projet de loi.
M. Delfosse. - Je consens à la discussion après le vote de la convention avec la France. Mais on ne peut demander la discussion immédiate.
M. Maertens. - Le projet de loi ne peut présenter aucune difficulté. Il suffira pour vous en convaincre de vous présenter un aperçu sommaire de la question et de vous donner lecture de la dernière partie de mon rapport.
La chambre doit se rappeler que l'article 442 du Code de commerce a donné lieu à un dissentiment entre les cours d'appel et la cour de cassation d'une part, et d'autre part entre la chambre des représentants et le sénat.
La chambre déjà a été appelée deux fois à se prononcer sur cet objet, et toujours elle a persisté dans son opinion, qu'aux termes de l'article 442 du code de commerce, le failli était dessaisi de plein droit, à partir du jour de l'ouverture de la faillite.
Le sénat, qui d'abord s'était prononcé dans un sens contraire, a fini par adopter cette interprétation. Voici les dispositions que, dans la séance du 24 février, il a sanctionnées en projet de loi :
« L'article 442 du code de commerce est interprété de la manière suivante :
« Le failli, à compter du jour de l'ouverture de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de ses biens. »
Cela est parfaitement conforme à toutes les décisions qui ont été prises jusqu'à ce jour par la chambre.
Le sénat ajoute :
« Néanmoins les questions relatives aux effets de ce dessaisissement seront décidées suivant les principes généraux du droit et de l'équité. »
Cela est également conforme aux principes que la chambre avait admis et dans la première discussion et dans le rapport très volumineux que j'ai eu l'honneur de présenter le 6 juin 1844.
Voici, messieurs, comment la commission à l'unanimité vous propose d'adopter cet amendement du sénat :
(L'honorable membre donne lecture de ce passage.)
Je crois, messieurs, qu'en présence de ces explications, la chambre qui déjà deux fois a voté dans ce sens, ne se départira pas aujourd'hui du système qu'elle a constamment admis, système qui lui est présenté par le projet amendé du sénat. En adoptant ce projet, messieurs, vous mettrez un terme à la souffrance dans laquelle se trouvent d'importants intérêts depuis plus de 25 ans, car l'ouverture de la faillite, dans laquelle s'est présentée la question qu'il s'agit de trancher aujourd'hui, remonte à l'année 1820.
M. de Garcia. - Messieurs, j'appuie la motion faite par M. le ministre de la justice et par l'honorable rapporteur.
Cette question, messieurs, a déjà été discutée dans cette assemblée ; elle a été discutée au sénat ; elle est pendante depuis cinq ou six ans ; il est urgent d'en finir.
Ici, messieurs, nous faisons en quelque sorte l'office de juge. Si un corps de justice mettait autant de temps à se prononcer, il serait évidemment accusé de négligence et même de déni de justice.
Je crois donc qu'un devoir impérieux nous incombe, c'est de décider la question d'application de droit que présente l'article 442 du Code de commerce. Par ce motif, j'appuie de toutes mes forces la discussion immédiate du projet de loi.
M. Delfosse. - Je reconnais qu'il est très urgent de décider cette question qui est pendante depuis 1822. Mais c'est parce que je reconnais qu'il y a urgence que j'ai demandé la mise à l'ordre du jour du projet de loi après la discussion de la convention avec la France.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, la proposition de l'honorable M. Delfosse ne serait pas combattue par le gouvernement, si je n'avais la crainte qu'après le vote de la convention avec la France, la chambre ne se trouvât plus en nombre. Mais d'après les intentions que j'ai entendu manifester sur plusieurs bancs, j'ai cru devoir présenter ma motion.
M. Delehaye. - Et la convention avec la Hollande ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre n'en est pas encore saisie.
Je ne demande, du reste, pas mieux que d'attendre quelques jours, si je puis compter que le projet sera voté pendant cette session.
Si ma proposition pouvait souffrir la moindre difficulté, je la retirerais, et je me réunirais à celle de l'honorable M. Delfosse. Cependant, je pense qu'après les explications si claires de M. le rapporteur, il n'y a aucun inconvénient à s'occuper immédiatement de ce projet.
M. Maertens. - Si la chambre défère à la proposition de l'honorable M. Delfosse, tout ce qui a été dit jusqu'à présent deviendra inutile et nous aurons perdu notre temps.
J'ai expliqué, me semble-t-il, la question avec une lucidité telle qu'elle doit avoir parfaitement été comprise par la chambre, qui déjà en a été saisie deux fois, et qui est appelée aujourd'hui à prendre la même décision qu'elle a prise deux fois à la presque unanimité des membres présents.
Je pense donc que si nous voulons faire quelque chose et ne pas perdre du temps par des propositions d'ajournement ou de recul, nous devons adopter immédiatement les conclusions que j'ai l'honneur de présenter à la chambre.
M. Delfosse. - M. le ministre de la justice semble croire que la chambre va se séparer après le vote de la convention ; moi je pense que la chambre comprendra assez ses devoirs pour ne pas se séparer avant d'avoir terminé les autres objets urgents qui sont à l'ordre du jour ; il y a, entre autres, des crédits supplémentaires qui doivent être votés.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, il a été très loin de ma pensée de dire rien d'injurieux pour la chambre ; mes paroles n'étaient que la reproduction de bruits généralement répandus ; le gouvernement ne demande pas que la chambre se sépare, il désire au contraire qu'elle s'occupe encore de projets qui lui sont présentés ; je le répète, je n'ai demandé la discussion immédiate du projet de loi qu'à cause des bruits auxquels j'ai fait allusion.
- La chambre consultée décide qu'elle discutera immédiatement le projet de loi dont il s'agit.
(page 1816) M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. L'article 442 du Code de commerce est interprété de la manière suivante :
« Le failli, à compter du jour de l'ouverture de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de ses biens.
« Néanmoins les questions relatives aux effets de ce dessaisissement seront décidées suivant les principes généraux du droit et de l'équité. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal sur l'article unique du projet de loi.
Voici le résultat de cette opération :
59 membres sont présents.
4 membres s'abstiennent.
55 membres répondent oui.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera soumis à la sanction royale.
Ont répondu oui : MM. Brabant, Cans, Clep, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delehaye, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, de Smet, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Eloy de Burdinne, Fleussu, Huveners, Lejeune, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Osy, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt, Wallaert, Zoude et Vilain XIIII.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à« faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de La Coste. - Je ne savais pas qu'on s'occuperait de ce projet aujourd'hui, et je n'avais pas examiné la question.
M. Delfosse. - On ne m'a pas donné le temps de prendre connaissance du rapport.
M. Lys. - Je me suis abstenu pour le même motif que M. Delfosse.
M. Pirmez. - J'aurais voulu prendre connaissance du rapport.
M. le ministre des finances (M. Malou). présente un projet de loi tendant à accorder au département de la guerre un crédit de fr. 536, 909 78, applicable en partie à des créances ajournées par la commission des finances comme n'étant pas suffisamment justifiées, et en partie aux indemnités dues par l'Etat du chef d'inondations tendues en 1815 et 1816 autour de quelques places fortes.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet, et le renvoie à l'examen delà commission des finances.
M. Delehaye. - La chambre a été saisie par le gouvernement d'un projet de loi tendant à augmenter le personnel des tribunaux de Louvain et de Mons. Dans l'exposé des motifs de ce projet je remarque que la cour d'appel de Bruxelles a été consultée, conformément à l'article 23 de la loi du 25 mars 1841, et qu’elle a émis l'avis qu'il n'y avait pas lieu d'augmenter le nombre d'audiences. Evidemment si la cour d'appel de Bruxelles n'a pas donné d'autre renseignement, elle a répondu d'une manière incomplète à la demande du gouvernement, et je pense qu'elle doit avoir donné des explications beaucoup plus étendues, car je ne comprendrais pas qu'elle se fût bornée à dire qu'il ne faut pas augmenter le nombre d’audiences : en effet, de ce qu'il ne faut pas augmenter le nombre d'audiences il ne résulte pas nécessairement qu'il faille augmenter le personnel et il serait très possible que la cour d'appel de Bruxelles ait répondu qu'il ne faut augmenter ni le nombre d'audiences ni le personnel. Je voudrais que les membres de la chambre fussent mis à même d'examiner l'avis de la cour d'appel de Bruxelles et je demanderai que M. le ministre de la justice veuille bien le faire imprimer et distribuer.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne m'oppose aucunement à la demande faite par l'honorable M. Delehaye. Mon intention était de communiquer cette pièce à la section centrale ; mais, si la chambre le désire, je la communiquerai dès à présent pour que la chambre puisse la faire imprimer ; je me prêterai bien volontiers à ce désir.
M. Delehaye. - Je ferai remarquer à la chambre, messieurs, que les sections ne se sont pas encore occupées du projet, et lorsqu'il s'agit d'augmenter le personnel d'un tribunal, il convient que chaque membre de la chambre puisse examiner l'avis de la cour d'appel. Je pense qu'il serait convenable que cet avis fût imprimé et distribué aux membres de a chambre. Il n'en résultera d'ailleurs qu'une très faible dépense.
M. de Garcia. - Je crois, messieurs, que l'observation de l'honorable membre n'est pas réellement une motion d'ordre, mais je la considère comme propre à éclairer la chambre. A ce point de vue, je crois devoir faire une autre observation. Nous sommes saisis d'un projet de loi pour la réorganisation des cours d'assises. En présence de ce projet de loi, il ne faut pas trop précipiter l'examen du projet de loi sur l'augmentation du personnel de certains tribunaux. L'adoption des principes établis dans la loi sur la réorganisation des cours d'assises conduira indubitablement à une réduction dans le personnel de deux ou trois tribunaux de chef-lieu de province.
Je voudrais que, pour ne pas occasionner des dépenses frustratoires, les magistrats, jugés inutiles dans certains sièges, trouvassent leur replacement dans les tribunaux où une augmentation de personnel serait reconnue nécessaire.
Plusieurs membres. - C'est le fond.
M. de Garcia. - Ce n'est pas plus le fond que l’observation de l'honorable M. Delehaye. Cet honorable membre a présenté des considérations dans un sens, j'en ai présenté dans un autre, mais les unes et les autres doivent avoir pour résultat utile d'apprécier le projet de loi sur l'augmentation du personnel de certains sièges de justice.
M. de La Coste. - Les observations de l'honorable M. de Garcia ne sont pas, ce me semble, en rapport (qu'il me permette de le dire) avec la proposition de l'honorable M. Delehaye ; elles concernent un projet de loi déjà ancien. Si la chambre en avait reconnu l'urgence, elle s'en serait occupée. Si elle n'en a pas reconnu l'urgence, ce n'est pas une raison pour laisser un arrondissement avec une justice incomplète ; car le but de la loi dont il s'agit maintenant est de rendre la justice complète dans l'arrondissement de Louvain.
M. de Garcia. - Je me réserve, et il me sera facile de répondre à l'honorable M. de La Coste quand le projet de loi sera en discussion.
M. David. - Hier la chambre, désirant lever la séance, m'a forcé à interrompre mon discours.
Après avoir discuté l'intérêt de l'industrie des tissus de fils de laine, j'étais arrivé à vous prouver, par des citations que j'aurai l'honneur de vous faire, que, sous beaucoup de rapports, nous avons fait à la France des concessions, pour lesquelles nous n'avons obtenu aucune compensation.
Je commencerai par une comparaison de la balance commerciale entre la Belgique et la France.
Messieurs, si, pour justifier les énormes concessions qu'exige la France de la Belgique, un coup d'œil jeté sur la balance commerciale entre les deux pays pouvait nous démontrer que nous devons quelque chose à la France ; oh ! alors je cesserais mon opposition, je n'infligerais pas de blâme à nos négociations.
La France importe en Belgique pour environ 50 millions ; La Belgique importe en France pour environ 100 millions. Différence en faveur de la Belgique, 50 millions.
Mais voici ce qu'il ne faut pas perdre de vue : c'est que du chef de quelques articles seulement, qui n'ont fait que transiter chez nous pour arriver en France, tels que graines oléagineuses, laines en masse, les chevaux, les bois communs, les bestiaux (en grande partie), les matériaux, des cendres, les grandes peaux brutes, etc., etc., (on pourrait en indiquer encore d'autres), mais du chef de ces articles seuls, dis-je, il y a à défalquer du chiffre des exportations de la Belgique un chiffre de 40 millions de francs au moins.
En prenant en considération ce qui précède relativement au mouvement commercial, on arrive à des appréciations réelles, et l'on peut reconnaître qu'en définitive les deux chiffres d'importation et d'exportation se balancent. Ces deux chiffres se balancent, oui, pour la somme, mais non pour la nature des choses. La France importe dans le chiffre pour 60 p. c. de produits manufacturés, tandis que, d'après les calculs les plus sévèrement établis, la Belgique, sauf 15 à 18 p. c. de produits manufacturés, ne livre à la France que toutes matières premières dont elle ne pourrait se passer et dont elle ferait en vain la menace de prohiber l'entrée. Je prétends même, à cette occasion, que le plus grand acte d'hostilité que nous puissions faire envers la France, ce serait d'emprisonner chez nous nos houilles et nos fers, et autres métaux, etc.
Enfin, toujours à propos de l'importation française, une dernière considération, c'est qu'il faut encore tenir compte que le tarif belge sur la plupart des articles manufacturés de France, étant établi ad valorem, et les droits de cette espèce pouvant être en grande partie éludés dans l'application, on doit par conséquent majorer de plusieurs millions le chiffre des importations de France en Belgique. Je pourrais à cette occasion, messieurs, vous soumettre un tableau qui prouve jusqu'à l'évidence la force de mon argument. En voilà assez pour ce qui concerne notre balance, notre mouvement commercial avec la France.
J'arrive aux houilles et aux fers, et c'est ici que l'honorable ministre de l'intérieur trouvera la réponse à l'interruption qu'il m'a adressée dans la séance d'hier.
Tout à l'heure, messieurs, j'avais l'honneur de vous parler des houilles et des fers, relativement à nos exportations vers la France.
Si je ne craignais d'être trop long, je pourrais, messieurs, pour répondre victorieusement aux prétentions que fait valoir M. Guizot auprès de la chambre française, vous soumettre encore ici un tableau des modifications qui se sont successivement présentées depuis la loi de 1816 sur la matière. Je ne ferai que les analyser.
Le système des zones date de 1816. Le tarif différentiel, établi à cette époque, était non en faveur de la Belgique, mais en faveur des frontières de terre de la France, et le droit, qui de fait est applicable aux houilles belges, n'a été réduit que de 15 centimes, tandis que, sur les charbons a nglais, les droits de 1 fr. 50 et de 1 fr. ont été réduits à 50 et à 30 c. les 100 kilog., c'est-à-dire d'un franc sur 1 50, et de 70 c. sur 1 fr.
Il vaut en vérité bien la peine de vanter ainsi les caresses que la France fait à la Belgique !
Dans les derniers temps, la Belgique a construit le canal de l'Espierre, qui profitait, d'après sa situation et sa direction, du bénéfice de la zone (page 1817) d’Halluin pour l'entrée en France, au prix réduit à 18 c. les 100 kilog. Aussitôt la France public la loi du 6 mai 1841 qui impose à 80 c. l'entrée des houilles belges par le canal de l’Espierre qui, par l'abrégement, par sa navigation plus facile, était destiné à augmenter notre exportation. Aujourd'hui qu'on se le figure, pour échapper à cet acte peu bienveillant de la France, les houilles du Couchant de Mons sont obligées, pour ne point être soumises à la surtaxe au canal de l'Espierre, d'acquitter les droits à Condé !
Pour les fers, messieurs, mais il est évident que la France fait payer à la Belgique les concessions qu'elle se fait à elle-même. J'espère bien que la France ne nous fait pas l'injure de nous croire assez niais pour penser qu'elle a pris la mesure en faveur de la Belgique ? Non, messieurs, c'est en faveur des départements français limitrophes, dont les usines ne peuvent se passer des fontes belges, qu’elle a agi. Ensuite, messieurs, s'il y avait eu faveur de la part de la France, ce n'est pas spécialement à la Belgique qu'elle eût été accordée. Les fontes allemandes obtenaient les mêmes privilèges, et à l’Allemagne, on n'a rien demandé en réciprocité. On savait que c'était peine perdue.
Je pourrais ainsi, messieurs, passer successivement en revue toutes ces faveurs gratuites et passées inaperçues que nous accordons à la France sans réciprocité aucune de sa part.
C'est ainsi que, de l'aveu même de la section centrale, la concession sur les machines et mécaniques est une chose très regrettable. Les membres qui l’ont composée ont fait, à l'occasion de cette concession, preuve de beaucoup plus de sensibilité pour les machines que pour les malheureux ouvriers attachés à l'industrie lainière, qui bientôt en seront réduits à la plus affreuse misère. Dans tous les cas, la France abaisserait de 50 p. c. ses droits sur nos machines, que mon expérience et mon désillusionnement me diraient encore que ce ne serait que pour la forme. Elle ne fait, messieurs, qu'un vain simulacre dont nous ne sommes pas dupes. Le chiffre des droits est pour peu dans cette affaire. Le criterium de la chose est dans les mesures réglementaires et d'exécution, que la France est si ingénieuse à nous opposer. C'est là que gît le principal obstacle. Les mesures réglementaires pour l'admission de nos machines, ont un caractère plus prohibitif que celui de la nouvelle législation française elle-même.
Et cette nouvelle loi française, à qui la devons-nous encore ? C’est à l'Angleterre, messieurs. La France a voulu frapper l'importation des machines anglaises chez elle... Et nous, nous avons été nécessairement enveloppés dans la réprobation.
O France ! grande et admirable voisine, nous ne pouvons faire un pas dans la question qui nous occupe sans y trouver le cachet de ta bienveillance, de cette prédilection que tu nous fais payer si cher, que tu nous fais payer deux fois, tandis que tu ne penses pas même à réclamer, pour les mêmes choses, auprès d'aucun autre Etat !
La loi française du 9 juin 1845 a consacré des dispositions destructives de notre commerce de transit et même de notre commerce d'exportation en graines oléagineuses du cru de la Belgique. Sous l'empire de la loi de 1836, les droits variaient de 1 fr. à 2 fr. 50 par 100 kilog. pour les graines de lin, de colza, etc., venant par terre de la Belgique. Par la loi de 1841, ces droits ont été portés à 1 fr. 50, 2, 5 et 5 fr. 50. Désormais, et depuis la loi du 9 juin 1845, ils varient de 6 fr. 50 à 14 fr., tandis que pour d'autres provenances, ils sont infiniment moins élevés ! Il est clair que cette dernière loi a porté un coup de mort à l'important commerce de transit, ainsi qu'aux exportations de nos propres graines que nous faisions vers la France. Chère préférence, chère prédilection de la France ! Pour d'autres provenances de la même chose, les droits français sont infiniment moins élevés ! Cette loi si tendre, si amie, qui s'harmonise si bien avec les toasts français qui ont retenti hier sous les voûtes de la station de Bruxelles, confisque encore notre commerce d'ardoises avec la France. La loi du 9 juin 1845 nous exclut par l'élévation de son nouveau tarif. La Belgique reste impassible et le croirait-on ? L'importation des ardoises de France en Belgique équivaut aux 2/3 de la consommation de la Belgique tout entière ! tandis que notre exportation ne comporte ou n'est que du 7ème on du 8ème au plus de l'importation française.
La même loi, toujours la loi de 1845, vient fermer le transit aux laines et aux cuirs bruts pour la Belgique. Autrefois les peaux et cuirs bruts payaient pour transiter vers la France 1 fr. 50 cent. ; aujourd'hui ils payent 4 fr. 50 cent. Définitivement de semblables mesures ne détruisent pas seulement le transit par la Belgique, mais jugez, messieurs, combien elles sont préjudiciables à son commerce maritime. Elles le sont également aux recettes du trésor belge, car la grande masse de ces transports s’effectue par le chemin de fer de l'Etat.
Enfin, messieurs, de quelque côté que je me retourne, je ne vois que malveillance, que flagellation de la part de la France. Il est vrai que nous avons la mansuétude, l'humilité chrétienne de baiser la main qui nous frappe. Je pardonnerais ces rigueurs au knout, mais je ne les pardonne pas à la France.
Je reviens encore une fois, avant de terminer, messieurs, et cette fois, d'une manière toute spéciale, à l'industrie de la laine en Belgique.
Vous avez entendu, vous avez bien écouté avant-hier, messieurs, les communications de M. le ministre des affaires étrangères, relatives à cette fatale négociation. Que vous est-il resté dans le cœur de toutes ces pauvres révélations ? Le sentiment d'une si honteuse infériorité, que je ne comprends pas comment la Belgique, abreuvée de fiel comme elle l'a été par les ministres français, ait pu s'acharner à ce point à poursuivre une œuvre de ruine, à poursuivre un traité dans lequel tout est sacrifié, jusqu'aux Flandres elles-mêmes, en faveur desquelles on voulait le conclure. Sous l’empire de quelle fascination nous sommes-nous donc trouvés, messieurs, pour faire acte d'une pareille abnégation !
Nos négociateurs ont sacrifié la laine. Après, qu'ont-ils fait ? Ils ont imaginé des calculs, fourni des notes erronées au gouvernement. La chambre de commerce de Verviers les a relevés victorieusement. Elle les a relevés avec la sincérité, la modération qu'on lui connaît. Le gouvernement jusqu'alors avait protesté de son respect pour ce corps honorable et bien renseigné. Il n'a cette fois eu nul égard à ses chiffres. De là nouvelle contestation, nouveaux mémoires ; on ne veut rien entendre, rien comprendre ; M. le ministre des affaires étrangères ne veut absolument prêter l'oreille qu'aux chiffres de M. Kindt, qui paraît avoir voué une implacable haine à l'industrie de salut pour la Belgique. Ni les députations, ni les explications, ni les mémoires ne peuvent seulement influencer l'esprit de M. le ministre des affaires étrangères. M. le ministre persiste à annoncer 20 p. c. de protection après le traité même ! 20 p. c imaginaires ; et sur quelle catégorie de tissus ? Les tissus pour robes, qui n'entrent jusqu'à présent que dans une proportion si insignifiante dans la question lainière ? Pour la grande, pour la large industrie, le second mémoire émané toujours de cette intelligente chambre de commerce de Verviers, prouve jusqu'à la plus claire évidence, que non seulement il ne reste, d'après le traité, plus un brin de protection, mais que les fabricants français peuvent venir vendre à 5, 6, jusqu'à 8 p. c. sur notre propre marché, à plus bas prix que sur le leur ! Monstruosité, messieurs, incroyable monstruosité !
Sans s'en douter, M. le ministre des affaires étrangères est, et je le proclame, le maître de sir Robert Peel, le plus grand réformateur commercial du siècle ! L'honorable ministre des affaires étrangères ne se contente pas, lui, de lever la barrière aux produits français ; l'entreprise n'est pas assez hardie pour lui : il met la Belgique aux prises avec une nation de 40 millions d'hommes qui nous prohibent, et il leur dit : « Je sais à l'avance, et dans le fond de mon âme, qu'à la première crise industrielle, qu'à la première mévente, le déversement de l'excédant d'une production aussi immense que la vôtre va inonder la Belgique pour des années. Je sais que vous avez en votre faveur notre engouement pour ce qui est étranger, je sais qu'en partie on copie vos dessins en Belgique, parce que vous êtes réputés avoir le privilège de la mode ; je sais que quand vous aurez prélevé le bénéfice de vos nouveautés dans votre capitale, vous serez à même de céder vos soldes, non seulement à très bas prix, mais encore avec 5, 6 à 8 p. c. d'avance ou de rabais, que vous procure votre drawback, qui n'est qu'une véritable prime. »
Laissons parler sur ce point si controversé du drawback-prime l'élite des intelligences commerciales de la draperie, interrogez le mémoire de cette même chambre de commerce de Verviers, que je vous ai déjà citée à plusieurs remises, à cause de sa vraie, de sa seule compétence :
« ... 2° De ce qu'on aurait annoncé que les draps fins français sont généralement ou même exclusivement fabriqués avec des laines étrangères, il n'en ressort pas rigoureusement que la prime de sortie ne soit rien qu'un drawback.
« Il est certain que la France ne produit pas toutes les laines qui lui sont nécessaires pour ses draps fins ; mais aussi la France possède des troupeaux qui fournissent des laines d'une très grande finesse.
« Quelle qu'en soit la quantité, que nous ne pouvons d'ailleurs fixer il n'en est pas moins vrai que celle que la France produit jouit de la prime, sans avoir acquitté les droits. (Voir note 2.)
« Mais, sans nous arrêter à cette considération, qui pour nous a fort peu de portée, parce qu'elle ne se rapporte qu'aux laines produites en France, nous répéterons que nous avons prouvé, et que personne n'a pu nous contredire, que le droit de 22 p. c, auquel sont soumises les laines, en France, ne s'élève réellement qu'à 13 p. c. ;
« Que la laine, entrant pour moitié dans la fabrication du drap, le droit ne porte donc que 6 1/2 p. c. sur la marchandise fabriquée ;
« Que l'administration française remboursant 9 p. c. sur la valeur du drap à la sortie, il y a évidemment une prime de sortie de 2 1/2 p. c.. ; mais que par l'évaluation forcée de la marchandise, la prime de 9 p. c. est portée à 14 p. c, comme nous le démontrons par des pièces authentiques. (Voyez notes 4 et 5.)
« Il en résulte que le fabricant français, payant net 13 p. c. sur la laine, subit un impôt de 6 1/2 p. c. sur le drap : que 14 p. c. lui étant remboursés, il lui reste un boni de 7 1/2 p. c. Or, 7 1/2 p. c. sur du drap de 25 francs le mètre, pesant 500 grammes, égale 375 francs par 100 k., et le droit n'est que de 250 francs.
« Ce calcul porte sur une laine étrangère qui a payé le droit ; qu'est-ce donc quand le drap est fabriqué avec la laine française ? Alors la prime de sortie est de 14 p. c, soit de 700 francs les 100 kilog., et le droit d'entrée en Belgique n'est que de 250 fr. par 100 kilog.
(page 1818) « Et qu'on ne prétende pas que le droit de 22 p. c. protège d'autant les laines indigènes de France. La France achètera toujours à l'étranger les qualités de laines qui lui manquent, et elle en aura toujours à vendre à l'étranger.
«Tous les ans, la Belgique retire des quantités assez considérables de laines de France ; aujourd'hui même ce commerce a quelque activité. »
Messieurs, aujourd'hui déjà le sort de Verviers et de l'industrie lainière en général en Belgique, avant le vote de la loi, est dessiné.
Savez-vous, messieurs, et ceci est de la dernière exactitude, que déjà depuis deux à trois jours, plusieurs chefs de maisons notables de Bruxelles sont partis pour Elbeuf (on m'en a cité trois) pour aller y faire leurs approvisionnements en draperie pour les étoffes et la mode d'hiver ? Verviers va, je vous le jure, se trouver dans une étrange position !
En vérité, M. le ministre, vous n'avez pas compris le mal que vous nous faites. Comme homme privé, je vous ai voué mes sympathies et mon affection, parce que je sais que vous avez le cœur honnête ; mais comme ministre, M. Dechamps, souffrez que je vous le dise, vous avez été bien léger, vous avez été bien faible dans la question qui nous occupe. Votre malheureuse convention avec la France va accumuler sur nos têtes des récriminations, des embarras et des représailles sans terme. Ce n'est pas la laine que vous aurez sacrifiée, ce sera le pays tout entier. Le désastre s'étendra aux houilles, aux fers, etc., et vous savez pourquoi. Je vous ai communiqué mes craintes en comité général.
Je ne puis finir, messieurs, sans rapporter ici ce qu'avant-hier, dans une entrevue particulière et en présence d'un de nos premiers industriels de Verviers, et de mon collègue M. Lesoinne, l'honorable M. Dechamps a bien voulu nous faire entrevoir comme un rayon d'espérance. Il est disposé, nous a-t-il dit, pour le cas où notre industrie ne puisse supporter le poids du traité, à augmenter les droits contre la France jusqu'à un niveau voulu, réclamé par la nécessité, par la force des choses.
Plusieurs voix. - Il n'a pas dit cela.
M. David. - Je maintiens qu'il s'est exprimé à peu près dans ces termes. Je demanderai la confirmation de ce que j'avance aux personnes qui l'ont entendu.
M. le ministre promettait de ne pas reculer devant cette mesure. Il promettait même, sur mon interpellation, qu'il reproduirait, qu'il exprimerait de nouveau cette intention devant les chambres. Ah ! messieurs, que j'aperçois d'embarras, d'impossibilité dans la réalisation des vues de M. Dechamps ! Et il aurait donc fallu négocier des années pour arriver à ce résultat, qui ne se présenterait en résumé à la France que sous l'apparence d'un insolent jeu de mots ou plutôt jeu de chiffres ? Il n'y a pas à y songer ; c'est une mystification de plus.
Je termine, messieurs, en demandant l'ajournement.
Je sais que le traité est une nécessité à subir et à laquelle la majorité de la chambre ne pourra peut-être pas échapper.
Il y aurait, messieurs, une chance éventuelle d'épargner au moins à l'industrie lainière la ruine dont elle est menacée.
Quelle est la marche à suivre à cette fin ?
Je le vois : la seule proposition que la chambre pourrait écouter, sinon admettre, ce serait celle d'un ajournement, impliquant pour le gouvernement belge l'invitation de négocier de nouveau, afin d'obtenir, au moyen d'autres concessions peu nuisibles à de grands intérêts industriels, le retrait des concessions faites sur les fils et tissus de laine.
Il faut faire attention et remarquer qu'à cet égard et en fait, la législature française n'a pas eu à sanctionner la convention du 13 décembre 1845. Elle a été appelée à adopter une loi de douane, qui, en considération de la convention, mais sans la citer, consacre, sur les frontières franco-belges, des exceptions de tarif en faveur des fils et tissus de lin, des ardoises et des machines originaires de Belgique, etc.
D'un autre côté, il est à noter que la nouvelle loi des douanes françaises n'a pas purement et simplement maintenu pour les fils de lin, les bénéfices du tarif de 1842. Cette loi, remarquez-le bien, messieurs, s'est écartée de celle de 1842, en ce qu'elle a établi pour les fils de 36,000 mètres et plus au kil. un droit spécial plus élevé que l'ancien.
D'après ces circonstances, il me semble qu'il est extrêmement facile de renouer ou rouvrir des négociations, afin de pouvoir substituer dans la convention d'autres équivalents aux concessions faites à la France, en ce qui concerne les fils et tissus de laine.
Sous l'empire de ces deux considérations, j'ose espérer que la chambre ne repoussera pas ma motion d'ajournement, que je viens soumettre à son vote.
M. Lesoinne. - Je demande la parole pour un fait personnel. L'honorable M. David vient de dire que j'avais interpellé M. le ministre des affaires étrangères sur le point de savoir s'il se croyait le droit d'élever les droits d'entrée sur les draps contre la France ? Je ferai observer que j'ai parlé des droits sur les draps d'une manière générale, mais que je n'ai pas entendu parler de les élever contre la France.
M. David. — J'en demande pardon à la chambre, si j'ai commis cette erreur elle n'était pas dans mon intention ; j'ai entendu que les droits s'élèveraient d'une manière uniforme, je ne crois pas avoir dit uniquement contre la France.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Mon intention n'est pas de répondre en ce moment au discours de l'honorable M. David ; l'occasion de le faire se rencontrera dans le cours des débats ; je veux seulement rectifier ce qu'il a dit d'une conversation que j'ai eue avec lui et un honorable industriel de Verviers, en présence de l'honorable M. Lesoinne. La pensée que j'ai exprimée dans cette conversation, je l'ai reproduite en comité général, et je n'éprouve aucune difficulté à le faire de nouveau à cette tribune. La France, dans la question des draps, n'a soutenu qu'une seule prétention dans le cours de la négociation. Aussi bien en 1844 qu'en 1845, elle a prétendu qu'en 1838 les chambres belges avaient commis une erreur, qu'elles avaient considéré comme une prime accordée à la sortie des draps et tissus similaires, ce que le gouvernement français soutient n'être qu'une restitution du droit perçu à l'entrée des laines.
La France disait donc que lorsqu'elle admettait la Belgique sur le marché français avec des privilèges, elle ne pouvait pas vouloir qu'on la frappât d'un régime de surtaxe. C'est la réparation de ce qu'elle a appelé un grief que la France demandait. Elle n'a pas demandé de réduction de tarif, de faveur spéciale, mais la suppression d'une surtaxe qu'elle considérait comme une injustice et comme le résultat d'une erreur. Mais je soutiens que le gouvernement reste entièrement libre après le traité, comme il l'était avant le traité, d'accorder à l'industrie drapière, comme aux autres industries, une plus grande protection, si la nécessité, si l'utilité en était démontrée.
Ainsi je disais que si l'expérience prouvait que, par la suppression de la surtaxe sur les draps, cette grande industrie du pays était sérieusement menacée, était réellement blessée, ce que je ne crois pas, le gouvernement pourrait alors user de la faculté d'augmenter le droit général sur les draps. C'est là une chose tellement évidente qu'il n'est même pas besoin que je l'énonce.
M. de Roo. - Je conviens avec l'honorable préopinant que nous ne sommes pas très heureux en politique commerciale ; que le traité froisse plus ou moins une industrie notable du pays ; mais je ne partage pas son avis, qu'il l'annihilera ou l'anéantira de manière à ne pas pouvoir accepter le traité, ou à devoir l'ajourner ; car je le crois d'une importance incontestable dans l'occurrence. J'ai plein espoir dans l'avenir.
Je dis, messieurs, que nous ne sommes pas très heureux en politique commerciale, car nous ne pouvons parvenir à faire des traités de commerce sans consentir à de nouveaux sacrifices, sans passer sous les fourches caudines de l'étranger, sans compromettre plus ou moins l'une ou l'autre de nos industries.
Et quelle en est la cause ? C'est que, d'après nos habitudes en économie politique, les concessions possibles sont toujours faites d'avance ; et au moment où il faudrait en faire en revanche des concessions qu'on nous accorde, nous en sommes épuisés.
Certes, messieurs, dans toute autre circonstance, le traité ne mériterait pas notre acceptation ; mais nous avons derrière nous 3 à 400,000 individus qui demandent du travail pour avoir du pain, et il serait par trop inhumain et impolitique de leur en refuser.
Ce n'est pas, messieurs, que le traité leur donnera de l'aisance en travaillant. Non, messieurs, ils végéteront comme ils végètent actuellement ; mais ils seront occupés, et ils s'en contenteront dans l'espoir d'un avenir meilleur. Cet avenir est encore possible, messieurs, malgré l'oraison funèbre prononcée par l'honorable préopinant.
Ne pas l'accepter serait donner le coup mortel à notre industrie linière et lui ôter tout espoir de la voir se relever un jour.
Ce serait de plus favoriser le fainéantisme et le vagabondage, et par suite les délits et les crimes qui en sont les conséquences.
Messieurs, nos vues sont encore toujours dirigées vers la France, et il faudrait une rupture bien forte pour les pousser ailleurs. L'hostilité commerciale de la France envers la Belgique n'est point naturelle ; c'est un état tout à fait anormal ; trop de liens nous attachent les uns aux autres, nous avons vécu en commun, nous avons contracté les mêmes habitudes, nous avons combattu, triomphé et trop longtemps commercé ensemble, pour qu'elle nous refuse une alliance commerciale plus large, et surtout pour qu'elle veuille la ruine d'une partie de la Belgique. Je méconnaîtrais le caractère français si j'en jugeais autrement.
Je ne parlerai point de la question politique, la France l'a trop bien traitée, pour méconnaître que la Belgique, quoique Etat neutre, peut, dans une conflagration générale, être d'un poids immense dans la balance ; et certes les intérêts commerciaux influents grandiraient sur les intérêts politiques.
Mais qu'est-ce qui s'oppose à une alliance commerciale plus intime ? Ce ne peut être l'arrêté du 28 août, comme le pense l'honorable M. d'Elhoungne, arrêté qui étend à l'Allemagne les mêmes avantages que ceux accordés à la France, puisque M. Guizot a dit que la Belgique était dans son droit, et que ceci était d'une si minime importance qu'il ne valait pas la peine de s'y arrêter. » Mais les véritables obstacles, ce sont les intérêts mesquins d'un certain nombre de monopoleurs, dont les instances ne cessent d'importuner les ministres, et qui tâchent de gagner de l'influence dans les chambres françaises, mais dont le nombre plus grand de consommateurs et de producteurs mêmes, également intéressés à l’abaissement des objets qui entrent dans leur propre consommation, finira par faire rendre justice et par écarter une opposition si mal fondée et si éminemment contraire à l'intérêt général du pays.
La force des choses nous amènera donc à la solution de cette grande (page 1819) question qui, quoique fort désirée, n'est pas encore mûre et est encore loin de l'être, d'après les explications ministérielles en comité secret.
Ces explications, avec celles faites par M. le ministre des affaires étrangères, à la séance d'hier, ont pleinement justifié le rapport que j'ai eu l'honneur de faire à la chambre au nom de la commission, sur les pétitions qu' nous sont adressées des Flandres. J'espère que cela fera taire bien des gens et bien de mauvaises critiques.
Il faut donc attendre des temps plus favorables et une époque où nos voisins sentiront mieux le besoin d'une union intime.
Le rapporteur à la chambre des pairs a fort bien dit, que ce n'est point la France qui a à se plaindre du traité, puisque les importations de la Belgique en France se font pour les 2/3 en matières premières, tandis que les importations faites en Belgique par la France sont pour les 3/4 en objets manufacturés. La France a donc besoin de la Belgique dans l'intérêt de sa fabrication, et la Belgique a besoin de la France parce qu'elle lui procure un débouché rapproché et étendu.
La France a besoin de nos toiles, notamment des toiles faites à la main, qui sont une spécialité, et que les consommateurs qui s'y connaissent savent apprécier, et quoiqu'elle fasse, jamais elle ne pourra s'en procurer suffisamment pour sa consommation et à des prix auxquels peut lui en fournir la Belgique où cette industrie est pour ainsi dire attachée au sol ; c'est comme la fabrication de la soie en France, il faudrait un temps infini pour l'introduire sur le même pied en Belgique, si toutefois on y parvenait.
Les deux pays ont donc un mutuel besoin et il est dans leur intérêt réciproque de s'entendre en relations commerciales. Tenons compte d'un pareil voisinage, dit sagement le rapporteur français, et faisons que les deux côtés en profitent.
Quant à la fabrication à la mécanique, la France ne doit pas craindre la concurrence de la Belgique, puisque, sous le traité actuel, elle n'a fait que prospérer ; et en effet elle possède les mêmes éléments de concurrence, et ce serait la juger bien peu avancée en industrie que de former ces craintes. Aussi ne sont-ce pas là ses prétentions ; les paroles de M. Guizot viennent à l'appui de ce que j'avance. « Nos industries, dit-il, sont beaucoup plus en état de soutenir la concurrence avec la Belgique, qu'avec les industries allemandes et anglaises. Et par conséquent il y a des avantages que nous pouvons faire à la Belgique si cela était nécessaire et qu'on ne pouvait pas faire ailleurs. »
Et c'est ce qu'on a compris en France, mais les monopoleurs égoïstes, non contents d'avoir mis des bornes à la concurrence anglaise, crient maintenant à tue-tête contre la Belgique, sans raison et sans égard pour d'autres branches qui pourraient en souffrir, et contre lesquelles on prendrait indubitablement des représailles, telles que la production vinicole, les fabriques de Paris et de Lyon, etc. Non, tout leur est égal : ils ne voient qu'eux-mêmes. Mais ces cris, on finira par les étouffer, puisqu'ils n'ont qu'un vil intérêt personnel pour base.
Et finalement, si la concurrence produit une baisse sur leur gain, je suppose de 50 p. c, cette baisse tourne au profit des consommateurs et ainsi au profit de l'intérêt général.
Ces vérités, messieurs, commencent à être généralement comprises et à se faire jour à travers les criailleries du monopole.
On se plaint déjà en France du monopole des maîtres de forges pour les livraisons des rails du chemin de fer, et il en sera ainsi pour beaucoup d'autres choses.
Enfin la France, toujours en progrès, marchera sur les traces de l'Angleterre, et peut-être la devancera-t-elle.
Le traité, messieurs, peut être pris pour un acheminement à un ordre de choses meilleur, et il est vrai de dire qu'il apporte des améliorations dans la législation actuelle. Car, qu'est-ce qu'on a le plus critiqué ? C'est l'amendement Delespaul, comme une infraction manifeste portée au traité de 1842, et surtout la manière dont on l'appliquait. Eh bien, messieurs, si cet amendement ne se trouve pas détruit en totalité, du moins l'application en est devenue beaucoup plus difficile et presque impossible. D'ailleurs, et en tout cas, comme le dit l'honorable M. de Haerne, on pourrait y obvier par un changement des peignes.
Le second reproche que l'on articulait avec justice, était celui dirigé contre la circulaire du 22 mars 1845 sur les types, ce qui effectivement causait un tort considérable à nos toiles, et les excluait en grande partie de la France, par une classification qui ne leur était point propre et qui était même arbitraire.
Les types, messieurs, sont maintenant établis de commun accord, et dans l'intérêt des importations belges, puisque, si on ne veut pas s'y rapporter, on a en outre le droit de recourir à une expertise pour déterminer finalement la classe dans laquelle il convient de faire passer les toiles.
Il y a donc amélioration encore sous ce rapport, et nous espérons toutefois qu'il y aura bonne entente dans l'exécution, comme il y en a eu dans la conclusion de la convention, et qu'aucune interprétation nouvelle ne viendra aggraver les dispositions prises et arrêtées.
Il faut en convenir, messieurs, le traité fait une exception des droits de douane en faveur de la Belgique, relativement au tarif général des autres nations ; mais aussi cette exception est chèrement compensée par des concessions qui peuvent être prises, à juste titre, pour l'équivalent.
Et, messieurs, nous l'avons déjà dit, si nous ne nous trouvions pas dans des circonstances si critiques et si menaçantes, et que d'un autre côté, ce traité nous procurant des relations plus intimes, ne nous donnât de l'espoir dans l'avenir, en l'envisageant avec M. Guizot, comme un pas vers la réunion douanière, » nous serions forcé de le rejeter.
Mais nous espérons que l'industrie linière comme l'industrie drapière y trouveront dans la suite un avantage réel par un débouché certain, puisque la concurrence est devenue nécessaire dans l'intérêt des nations mêmes et celui qui produira le mieux et à meilleur compte l'emportera sur l'autre.
La fabrication de draps, en France, est toute différente de celle de la Belgique ; c'est une toute autre qualité qu'on y fabrique, et ceux qui veulent des draps de France ne regardent pas à la minime différence de droits que l'on payera à l'introduction, de sorte que la diminution opérera peu de changements dans l'introduction en Belgique et n'aura pour effet que d'empêcher la fraude.
Je conviens qu'il n'est pas juste de prohiber nos draps en France, tandis que nous laissons entrer les draps français en Belgique ; mais la chose existait ainsi avant le traité : il n'y a donc pas de changement à cet égard. Et s'il y a une légère diminution dans les droits, c'est pour engager la France à élever la prohibition, qui, dans l'état de nos relations internationales, n'offre plus aucune chance de durée ; et les droits, d'ailleurs, sont encore assez élevés et la fabrication assez en progrès pour craindre la concurrence étrangère.
Quant aux nouvelles fabriques de laines ou de mélanges instituées dans le pays ou à instituer, il faut convenir, messieurs, que jusqu'ici il n'y en a pas trop pour le marché intérieur, pour lequel même elles ne suffisent pas ; et à moins de croire qu'il n'y a pas de nationalité en Belgique, ces fabriques possédant une protection de 20 à 30 p. c. sur l'étranger, sont assurées qu'elles ne chômeront pas.
J'en prends, messieurs, un exemple dans ce tarif : les coatings, calmoucks, etc., y sont cotés à 160 fr. les 100 kil., et d'après la convention à 120 fr. ou 1 fr. 20 c. par kilog.
Je suppose qu'une aune de coating peut peser 1 kilog. 1 [2 et payera ainsi un droit de 1 fr. 80 c.
Cette étoffe vaut en général 6 fr. l’aune.
Il y a donc faveur pour ces tissus de 50 p. c. comme je le dis.
Il est possible, messieurs, que pour les tissus légers il y ait une légère différence ; mais aussi le tarif est proportionné à leur égard, et en tous cas on pourrait leur appliquer le système des primes.
Quant aux primes, messieurs, dans les circonstances du traité, nous n'en demandons pas, car l'introduction étant limitée, il est certain qu'elles seraient absorbées par les plus riches, c'est-à-dire par les associations mécaniques, et le pauvre tisserand en serait exclu, à moins que l'on n'en accordât exclusivement à la fabrication à la main, d'après la valeur du fil y employé et le prix de la matière première ; car si l'on veut y faire participer la fabrication à la mécanique, il faut alors établir une juste proportion, afin qu'il n'y ait point d'avantage de l'une fabrication sur l'autre.
Quant aux autres débouchés où il n'y a pas de limitation, ce serait différent ; car elles feraient là d'une utilité incontestable, comme elles le seraient pour les draps et tout autre objet manufacturé.
Certes, messieurs, le traité, comme je l'ai dit, n'amènera pas l'aisance dans le pays, mais il procurera néanmoins, d'après les tableaux statistiques joints au rapport de la section centrale, un avantage de 1,300,000 francs sur les toiles, et, déduction faite des sacrifices présumables, un bénéfice réel de plus de 600,000 fr.
J'aime à croire que ces tableaux sont exacts. Nous croyons donc devoir accepter le traité, vu l'impossibilité d'avoir mieux et surtout l'impossibilité d'une réunion douanière dans le moment actuel, que viennent de prouver les explications du comité secret, confirmées par M. le ministre dans la séance d'hier, et nous espérons qu'entre-temps un changement dans la politique commerciale de la France s'opérera, à quel effet une ligue centrale vient déjà de se former à Paris, où les intérêts réciproques finiront par être mieux appréciés et à laquelle l'exemple de l'Angleterre, l'influence du temps, de la civilisation et les communications rapides et fréquentes du chemin de fer international donneront la plus grande impulsion.
Le gouvernement ne restera pas non plus, nous l'espérons, inactif ; il tâchera, par le canal de ses agents diplomatiques, d'amener à une prompte exécution la convention conclue avec l'Espagne et de mener à bonne fin celle à conclure avec la Hollande, et cela dans un but utile, il favorisera l'établissement des sociétés de commerce pour l'exportation de nos toiles et objets manufacturés ; il établira des agences commerciales dans les principaux centres et points commerciaux du globe.
Ce sont là des mesures possibles et propres à soulager promptement les maux qui affligent nos malheureuses populations.
Ceci, joint à une bonne loi sur le défrichement des bruyères et à la prompte exécution des travaux publics, décrétés et à décréter dans les provinces, donnera de l'ouvrage à ceux qui veulent travailler. Tout en réglant et stimulant les commissions de travail instituées dans les communes, en leur accordant les objets, ustensiles et subsides nécessaires et en temps utile pour pouvoir opérer avec fruit, une sage administration pourvoira ainsi au travail et au bon ordre, et le traité actuel y contribuera puissamment. C'est pourquoi je le voterai comme une nécessité dans les circonstances actuelles, et dans l’espoir d'un avenir meilleur.
Messieurs, je finirai en déplorant l'insulte faite à la misère par l'honorable préopinant, en traitant de lèpre et de chancre l'industrie linière, et cela sans vouloir venir à son secours ; et d'un autre côté, je relèverai le pompeux éloge qu'a fait M. le ministre des affaires étrangères du mouvement commercial de la Belgique, passant en revue l'état prospère de la (page 1820) métallurgie, des houillères, des mécaniques, des cotons, de la draperie, des fabriques de zinc, de la coutellerie, des armes. Deux industries en furent seulement exceptées : Les raffineries de sucres auxquelles on a porté remède par la loi récente que nous venons de voter ; reste donc uniquement l'industrie linière, laquelle vous ne traiterez pas comme l'honorable préopinant et pour laquelle, je l'espère, vous adopterez également le remède qu'on vous propose. J'ai dit.
M. Delehaye. - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il arrive parfois qu'à la fin de la séance la chambre, n'étant plus en nombre, ne peut prendre une résolution relativement à l'heure de la séance du lendemain.
Je demande donc que la chambre décide dès à présent qu'elle se réunira demain à onze heures.
M. Rodenbach. - Il paraît, d'après cette proposition, que la chambre a l'intention de terminer demain ses travaux.
Si, après quatre ou cinq heures de séance, la discussion n'était pas terminée, je demanderai qu'il y ait une séance du soir.
Je ne m'oppose pas, au reste, à ce que la séance soit fixée à onze heures.
M. Delfosse. - La proposition qui est faite, les observations qui sont présentées me portent à croire que l'on a l'intention de s'en aller demain, après le vote de la convention avec la France. Je dois faire remarquer à la chambre que le traité destiné à mettre un terme à nos différends avec la Hollande peut arriver d'un moment à l'autre. Il est important que nous restions ici pour le voter aussitôt qu'il arrivera. Nous manquerions à notre devoir si nous partions demain pour ne plus revenir ; je demande formellement qu'il y ait séance lundi et les jours suivants, s'il le faut. Ne perdons pas de vue que la guerre de tarifs qui existe depuis quelque temps entre la Hollande et nous, cause le plus grand mal aux deux pays, et qu'il est urgent de la faire cesser.
J'espère que ma proposition sera appréciée par le gouvernement ; c'est M. le ministre des affaires étrangères lui-même qui vient de m’apprendre que les négociations sont assez avancées pour que l'on puisse espérer une très prompte conclusion.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'appuie les observations de l'honorable préopinant. Je crois que la chambre manquerait à son devoir en pressant la discussion de manière à ne pas se réunir demain. Nous avons à l'ordre du jour des projets importants que la chambre doit nécessairement voter avant de se séparer.
D'un autre côté le gouvernement espère que les négociations avec la Hollande pourront avoir un prompt résultat. Il serait fâcheux que la chambre se séparât pour être rappelée dans quelques semaines.
Mieux vaut que nous restions réunis lundi et mardi, afin de vider notre ordre du jour.
Peut-être d'ici là le gouvernement aura-t-il à soumettre d'autres propositions à la chambre.
M. Delehaye. - On se trompe sur la portée de ma proposition, lorsqu'on en conclut que la chambre doit se séparer demain.
J'apprécie autant que mon honorable collègue et ami M. Delfosse l'importance du traité à conclure avec la Hollande. Je ne m'absenterai pas avant qu'il soit voté.
En quoi donc la fixation delà séance à onze heures serait-elle obstative à ce que la chambre se réunit lundi et mardi pour vider son ordre du jour ? Pourquoi faudrait-il après cela déclarer formellement dès à présent que la chambre se réunira lundi ? Jamais on ne prend de telles décisions.
L'ordre du jour n'est pas épuisé, et ceux qui s'absenteront avant qu'il ne soit épuisé, manqueront à leur devoir. Mais est-il nécessaire de décider qu'il y aura séance lundi ? Evidemment non ; aussi longtemps, je le répète, que l'ordre du jour n'est pas épuisé, nous devons nous réunir. D'ailleurs, messieurs, lors même que vous aurez décidé qu'il y aura séance lundi, ceux qui voudront s'absenter, le feront malgré votre décision. Il est même souvent arrivé qu'on a décidé qu'il y aurait séance tel jour, et que ceux qui avaient voté pour qu'il y eût séance, n'étaient pas présents.
Je suppose que mon honorable ami M. Delfosse a fait sa proposition parce qu'il a supposé que j'avais demandé que la séance de demain s'ouvrît à 11 heures pour pouvoir se séparer. Mais il n'en est rien, je n'ai pas demandé que la chambre terminât demain ses travaux. Je désire qu'elle statue en pleine connaissance de cause sur la convention dont nous nous occupons. Moi-même je suis inscrit, comme beaucoup de mes honorables collègues, et je désire m'exprimer sur ce traité que je trouve conforme à nos intérêts.
Mais le sénat est convoqué pour mardi, et il est à désirer que La convention lui soit soumise le plus tôt possible. C'est pour cela que je demande que la séance soit ouverte demain à 11 heures. Je le répète, je ne demande nullement que la chambre se sépare, et je serai à mon poste tant que nos travaux ne seront pas terminés.
M. Rodenbach. - Il me semble qu'il est inutile de décider, dès maintenant, que nous aurons séance lundi. Nous aurons demain séance ail heures ; peut-être aurons-nous séance du soir. Peut-être qu'alors nos travaux seront très avancés. Je me bornerai donc à voter pour que la séance soit ouverte demain à 11 heures, mais je ne voterai rien de plus.
M. Delfosse. - Vous conviendrez, messieurs, que j'étais autorisé à croire que beaucoup de membres de la chambre avaient l'intention de partir demain-pour ne plus revenir. M. le ministre de la justice n'est-il pas venu, au commencement de la séance, demander la discussion immédiate d'un projet de loi qui n'était pas à l'ordre du jour, en se fondant sur ce que le bruit courait que la chambre ne serait plus en nombre après le vote de la convention avec la France ? Je ne demande pas mieux que de m'être trompé ; s'il est bien entendu que nous ne nous séparerons pas demain, qu'il y aura séance la semaine prochaine, je n’ai plus rien à dire.
Mon devoir était de signaler à la chambre ce que le pays attend d'elle, je l'ai rempli.
M. le président. - Personne ne s'y opposant, la séance de demain sera ouverte à 11 heures. La parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne sais, dans le débat qui nous occupe qui il faut plaindre le plus, de ceux qui doivent subir les conséquences du traité ou de ceux qui doivent subir l’obligation de le voter*. Car il me paraît, messieurs, que chacun reconnaît que le traité est très mauvais. On paraît tous d'accord que le traité est très mauvais, et qu'on ne le vote qu'avec regret, en quelque sorte sous l'impression de la force majeure.
En effet, messieurs, si l'on interroge les faits si l'on compare le traité que nous avons maintenant sous les yeux, avec celui que nous avons admis il y a quatre ans,, si l'on considère que d'une part les avantages dont nous jouissions par le traité de 1842, sont réduits, que d'autre part les sacrifices que nous faisons sont augmentés, et considérablement, démesurément augmentés, je conçois, messieurs, que le traité n'ait dû satisfaire personne.
Aussi, lorsqu'il a paru, vous vous rappelez avec quel concert de réclamations il a été accueilli dans le pays, et spécialement dans les Flandres, en faveur desquelles il semblait être. Dans l'origine, lorsque ce traité a paru, des pétitions, des articles de journaux, toutes les manifestations possibles sont venues pendant les premiers mois, nous faire voir le singulier désappointement qu'on éprouvait dans tout le pays, en présence de cet acte qui venait frapper plusieurs de nos industries sans porter remède aux douleurs et aux justes plaintes des Flandres.
Messieurs, appelé à prendre la parole dans cette discussion, je dois regretter que ce soit pour la troisième fois depuis à peine deux mois, que je doive prendre ici la défense des intérêts du district qui m’a envoyé. Je dois regretter que ce soit la troisième fois que je voie sacrifier ainsi les intérêts de la localité qui m'a fait l'honneur de me charger de la représenter dans cette enceinte ; alors que dans toutes les circonstances, toutes les fois que notre vote a été appelé à procurer des avantages à l'industrie linière, mes honorables collègues et moi, nous nous sommes toujours montrés disposés à faire tout ce qu'il était possible en faveur de l'industrie souffrante de la Flandre, en faveur de ses manufactures, en faveur de son travail auquel nous prenons un si vif intérêt.
Et pourtant, messieurs, depuis à peine deux mois, voilà la troisième fois que le gouvernement nous frappe d'une manière violente. Dans la question si importante des eaux de l'Escaut, il nous a frappés en nous refusant ce que nous étions en droit légitime de demander, alors qu'il s'agissait de remédier à un mal qui n'était pas notre fait, mais le sien. Dans la question des sucres, on a frappé notre district pour avantager les raffineurs de Gand et d'Anvers. Aujourd'hui, messieurs, le district que je représente est encore un de ceux qui sont le plus vivement frappés, puisque c'est l'industrie de la laine qu'on sacrifie, qu'on sacrifie odieusement pour sauver, dit-on, l'industrie linière.
Messieurs, je dois déplorer la position singulière que le gouvernement a faite à ce district, qui certes, par sa population, par son industrie, par ses capitaux, par son activité, par son intelligence, mériterait bien de ne pas être traité de la sorte ; et j'en rends ici les ministres responsables devant le district que je représente.
J'aborderai maintenant la question.
Dans les paroles que j'aurai à prononcer, je devrai, messieurs, mettre en regard la conduite de la Belgique et la conduite d'un gouvernement voisin et ami, depuis 1830. Loin de moi la pensée de vouloir faire des récriminations ; loin de moi surtout la pensée de vouloir blesser la puissance amie qui a prêté un appui réel à notre indépendance, la puissance avec laquelle nous sommes unis par tant de liens. Si, dans mes paroles, quelque chose ressemblait à des récriminations, je déclare que ce serait contraire à mes intentions et que je le rétracterais dès maintenant.
Mais après le discours d'un honorable député de Gand, je pense, messieurs, qu'il est indispensable que la situation des deux pays soit bien connue ; qu'il est indispensable que l’on sache particulièrement en Belgique et même en France, ce que nous avons fait depuis la révolution, ce que le gouvernement du pays voisin a fait de son côté.
L'exposé des faits montrera dans tout son jour la loyauté dont la Belgique a fait preuve dans ces transactions. Cet exposé montrera aussi dans tout son jour les plaintes que nous avons à adresser à notre alliée, plaintes qui, encore une fois, ne sont pas des récriminations, mais que nous avons à lui adresser pour la marche qui a été suivie envers nous, alors que, de notre côté, nous montrions toute la loyauté, toute la franchise, toutes les convenances possibles dans nos rapports commerciaux avec elle.
Lorsque la révolution a éclaté, la Belgique, vous le savez, messieurs, se trouvait régie par la législation douanière du gouvernement des Pays-Bas. Cette législation douanière avait un véritable caractère de réserve envers la France ; elle avait un caractère d'exception en ce sens, qu'une partie considérable des produits de la France étaient frappés à l'entrée en Belgique de droits différentiels.
(page 1821) Cependant, je dois le dire, la mesure prise par le gouvernement des Pays-Bas pouvait facilement se justifier. Elle pouvait surtout se justifier, parce qu'elle était la conséquence des mesures que la politique française avait fait prendre à la direction commerciale depuis 1816 jusqu'en 1822.
Vous le savez, messieurs, c'est principalement en 1822 que des mesures restrictives furent prises en France contre les importations de la Belgique. Avant cette époque, nous avions un commerce très étendu avec les nations qui nous avoisinent ; mais nos rapports avec la France furent tout à coup brisés par l'introduction d'un système qui a pris le nom de son auteur, M. de St-Cricq. La France établit alors sur tous les produits belges des droits qui n'étaient autre chose qu'une véritable prohibition ; nos draps, nos fers, nos manufactures, tous nos produits furent frappés, et le royaume des Pays-Bas, pour prendre la défense du travail national, dut en venir à des mesures de réciprocité, mesures rigoureuses mais qui étaient pleinement justifiées par l'attitude prise par la nation voisine dans ses modifications douanières.
Par l'arrêté de 1823, le gouvernement des Pays-Bas, usant de représailles, porta de 10 à 30 florins le droit sur les porcelaines, de 6 à 20 florins celui sur les faïences ; les poteries qui ne payaient que 6 p. c. furent frappées d'un droit de 15 p. c ; la bonneterie fut imposée à 20 p. c. tandis qu'elle ne payait auparavant que 10 p. c. ; le droit sur les ardoises fut porté de 1 fl. par 1000 à 3 fl. ; les vins, vinaigres et boissons distillées furent prohibés à l'importation par terre, ce qui occasionnait un préjudice considérable aux départements orientaux voisins de la Belgique, puisqu'il en résultait que l'importation des vins légers de la Bourgogne et de la Champagne devenait sinon impossible, an moins très difficile, ces vins ne pouvant guère supporter un transport par mer, Outre cela, le royaume des Pays-Bas frappa d'une prohibition absolue les draps et casimirs, les verres et verreries, l'acide nitrique, sulfurique et muriatique.
Voilà, messieurs, la législation en présence de laquelle nous fîmes la révolution. La Belgique avait un tarif très modéré, trop modéré vis-à-vis de toutes les autres puissances, mais en ce qui concerne la France, indépendamment des mesures que je viens d'énumérer, il existait encore sur beaucoup de produits de l'industrie française, des droits très élevés. Ainsi la batiste, les soieries et divers autres articles provenant des manufactures de France, étaient frappés de droits considérables. Le batelage, de son côté, qui est si important pour les départements du nord de la France, le batelage français était soumis à un droit de patente exceptionnel, de manière que les bateliers français ne pouvaient pas ou pouvaient à peine venir naviguer sur nos rivières et canaux.
Eh bien, messieurs, en présence de cet état de choses, quelle fut la conduite de la Belgique ? Le premier acte relatif à la question douanière entre la Belgique et la France, fut un décret du congrès national, qui réduisit le droit d'entrée sur les houilles françaises. C'était là, messieurs, pour les houilles françaises, un avantage considérable, car vous savez fort bien que les houillères de Vieux-Condé, qui appartiennent à la compagnie la plus puissante de la France, que ces houillères étaient sans exploitation, parce que leurs produits se trouvaient sans emploi.
En effet, messieurs, ces houillères ne produisent que du charbon maigre qui ne peut supporter les frais d'un transport à grande distance, et les propriétaires de ces houillères appelaient à grands cris l'ouverture du marché belge qui devait leur permettre d'exploiter sur une échelle très considérable.
Nous ne nous arrêtâmes pas là, messieurs ; la Belgique décrétera ensuite la suppression du droit de sortie sur les houilles belges. Le droit de sortie était assez considérable, et le gouvernement des Pays-Bas l'avait établi dans un double but ; d'abord pour faire entrer des fonds dans le trésor public en établissant un impôt indirect sur l'étranger, ainsi que sir Robert Peel l’a fait décréter récemment en Angleterre, et si ce droit existait encore, il rapporterait aujourd'hui 2 ou 3 millions ; l'autre but du gouvernement des Pays-Bas, c'était de ne pas laisser le combustible à un prix aussi avantageux aux manufactures étrangères qu'aux manufactures nationales.
Eh bien, messieurs, ce double but fut mis de côté, et, pour satisfaire aux demandes de la France, pour donner un témoignage de notre désir d'amener un rapprochement en matière de douanes, c'est ainsi que la Belgique, après avoir supprimé le droit d'entrée sur les houilles françaises, supprima encore le droit de sortie sur les houilles belges. C'était là faire une chose avantageuse à la France et désavantageuse au trésor public belge : car, je le répète, si ce droit de sortie existait encore, il rapporterait deux à trois millions.
Voilà, messieurs, le premier pas fait par la Belgique. Mais bientôt après, la chambre des représentants, dans sa première session, supprima la prohibition des vins français par la frontière de terre. (Dénégation d'un membre.) C'est en 1831, au mois de décembre, dans le budget de 1832.
Je faisais partie de la section centrale et j'en étais rapporteur ; c'est moi qui, en cette qualité, ai fait la proposition. Cette prohibition était, encore une fois, excessivement onéreuse à la France puisque, comme je l'ai déjà dit, les vins légers de la Bourgogne, de la Champagne, de la France orientale ne peuvent que très difficilement supporter le transport par mer, et il se consomme en Belgique une grande quantité de ces Vins.
Malheureusement, messieurs, nous avons fait ces concessions sans demander aucun équivalent, dans l'espoir que la France agirait avec réciprocité et aujourd'hui elles paraissent ne compter absolument pour rien dans nos relations douanières.
A la même époque, messieurs, la Belgique supprima encore le droit de patente exceptionnel imposé aux bateliers français. C'était encore là un acte de bon voisinage, une marque d'attachement et de sympathie que nous donnions à nos voisins ; cet acte est aujourd'hui perdu de vue comme tous les autres.
Cependant, messieurs, toutes les autres dispositions du tarif hollandais étaient encore en vigueur ; la France se trouvait en dehors du droit commun. Cette position était désavantageuse pour elle ; elle était surtout blessante ; le gouvernement français, la France entière, réclamait contre cet état des choses, demandait que la Belgique la fît entrer dans le droit commun.
La Belgique, de son côté, était fondée à dire à son alliée : Nous sommes disposés à vous faire rentrer dans le droit commun, mais placez-nous aussi dans des conditions analogues à celles où nous étions précédemment.
Des négociations s'ouvrirent sur ce point, et il fut convenu, de part et d'autre, d'apporter des modifications au tarif de douanes. Cela se fit, non par un traité, mais par une convention d'échange de notes, convention qui avait pour conséquence de faire rentrer la France dans la position de droit commun dont elle était exceptée, par les dispositions du tarif hollandais qui nous régissait encore à cette époque ; la France, de son côté, devait introduire dans son tarif des modifications favorables à la Belgique.
Les articles sur lesquels la France devait accorder des avantages à la Belgique étaient ceux-ci : les tissus de lin, les fontes et les fers, les charbons de terre, les pierres dites d'Ecaussines et les vins. De notre côté, nous devions lever toute surtaxe de droits différentiels imposée par le roi Guillaume ; nous devions supprimer tous les droits exceptionnels, effacer toutes les prohibitions, réduire les droits sur les soieries, les batistes, les vins, la réglisse, le transit des ardoises, et quelques articles de moindre importance demandés par la France.
La Belgique remplit ses engagements : elle fit rentrer la France dans le droit commun ; une loi fut présentée et votée ; c'est la loi du 27 avril 1838. Les droits établis par cette loi furent excessivement modérés, puisque tous les articles qui autrefois étaient prohibés à l'entrée ou qui étaient frappés de droits considérables, furent réduits à un taux 5 à 10 et à 15 p. c. au maximum ; voilà les réductions qui furent introduites dans le tarif belge, et cela en présence de droits, souvent prohibitifs, dont le tarif français frappait les articles belges similaires.
J'ai dit, messieurs, que la France, de son côté, avait promis de prendre des mesures en faveur des industries que j'ai énumérées. Cet engagement fut rempli. Pour ce qui est des toiles de lin, il avait été stipulé dans les conventions qu'un reclassement total aurait eu lieu. On disait à la France, et la France avait admis ce principe ; on lui disait : « Dans le tarif que vous avez fait en 1844, vous avez eu pour but d'établir un droit de 20 p. c. sur l'entrée des toiles belges, depuis lors la valeur des toiles a baissé, faites un reclassement avec le même droit de 20 p. c, et nous nous tenons pour satisfaits. »
En suite des négociations qui avaient eu lieu en 1834, diverses ordonnances françaises vinrent réaliser les promesses qui nous avaient été faites, et des lois votées par les chambres françaises vinrent régulariser ces ordonnances.
La première ordonnance, celle du 28 juillet 1834, apportait une réduction aux droits d'entrée sur le zinc-et sur la graine de lin ; elle donnait à la fonte certaines facilités, en abaissant jusqu'à raison de 25 kil. le minimum du poids pour les fontes admissibles en France.
La seconde ordonnance est celle du 10 octobre 1835. Le droit sur le zinc brut fut réduit à 10 centimes par 100 kil. La fonte obtint une extension de zone sur nos frontières, extension très avantageuse, puisqu'elle mettait toutes nos usines métallurgiques dans la possibilité d'exporter en France au droit de 4 fr. par 100 kil.
Les graines oléagineuses, autres que le lin, obtinrent une réduction de droit à l'entrée par terre, disposition très importante pour le port d'Anvers, puisqu'une énorme quantité de graines oléagineuses venait débarquer à Anvers, remontait l'Escaut ou la Lys et arrivait à Lille ou dans les villes du département du Nord pour être convertie en huile. Les pierres d'Ecaussines brutes obtinrent une réduction à 10 centimes par 100 kilogrammes.
Dans la question des houilles, une mesure très favorable à la Belgique était décrétée par la même ordonnance, puisque la zone privilégiée en faveur de la Belgique était établie depuis les sables d'Olonne jusqu'à Dunkerque. Cette disposition amenait ce grand avantage, que les houilles belges pouvaient être amenées jusqu'à Rouen et dans les autres villes manufacturières de la Normandie.
Quant aux fers, des modifications favorables furent encore admises, en ce sens que le droit sur les fers en barres et en rails avaient été réduits d'un cinquième. Cependant cette dernière réduction constituait toujours un impôt considérable, puisqu'elle formait encore un droit de cent dix pour cent.
La troisième ordonnance est celle du 28 décembre 1835. Par cette mesure, la faveur qui avait été accordée à nos houilles dans la zone maritime fut restreinte ; tandis que la zone primitve prenait dans le principe sa naissance aux sables d'Olonne jusqu'à Dunkerque, elle fut limitée depuis Saint-Malo jusqu'à Dunkerque. Toutefois, d'un autre côté, on nous donna, pour l'entrée par terre, une extension de zone jusqu'à Halluin ; de manière qu'il y avait là une espèce de compensation, et nous n'avions pas le droit de nous plaindre.
(page 1822) Les fontes obtinrent également une extension de droits d'entrée jusqu'à Longwy.
Telles sont, messieurs, les concessions qui nous avaient été accordées jusqu'alors en exécution de la convention. Toutes ces concessions étaient relatives à des matières premières ; le zinc, les fontes, les pierres d'Ecaussines, la houille, les fers, les graines oléagineuses ; mais il n'y avait rien pour l'industrie manufacturière.
En 1836, deux lois furent votées par la chambre des députés de France. La première confirmait les ordonnances que je viens d'énumérer. La seconde ordonnait l'abaissement sur les toiles ; il y avait déclassement ; on avait créé 4 classes nouvelles, et, en réalité, il y avait là un avantage de tarification pour la Belgique ; c'était l'avantage auquel nous attachions le plus d'importance, puisqu'il devait profiter à l'industrie linière qui fait vivre tant de bras dans les Flandres ; et qu'il pouvait apporter un soulagement à cette classe malheureuse.
D'autres modifications furent apportées par cette même loi au régime des tapis et de la céruse ; le droit sur ces deux articles fut réduit, quoiqu'il continuât cependant d'être prohibitif. Le droit sur les chevaux fut également réduit de moitié, mais cette mesure n'était établie que pour éviter la fraude, car vous savez, messieurs, qu'il n'y a rien de plus facile que de frauder un cheval en laisse.
Ce n'était donc pas pour nous qu'on prenait cette mesure, c'était une mesure douanière qui ne nous amenait aucun avantage en réalité. Voilà donc comment les choses s'étaient passées ; de part et d'autre, la convention était exécutée sincèrement, de manière à satisfaire aux désirs de l'une et de l'autre partie. La France était rentrée dans le droit commun, et nous avons pu voir le prix qu'elle y attachait par les sacrifices qu'elle a faits en 1840, envers la Hollande pour obtenir le retrait des mêmes mesures qui grèvent toujours le tarif des Pays-Bas.
Les droits sur ses produits étaient réduits à un taux très bas qui variait de 5 à 10 p. c, rarement 15 p. c ; elle nous avait accordé des avantages proportionnés pour nos fontes, nos toiles et nos houilles ; nous étions dans des relations commerciales extrêmement agréables et heureuses de part et d'autre.
Comment se fait-il que ces relations se soient modifiées au point que toutes ces concessions que nous avions obtenues à titre onéreux au moyen de concessions sur notre tarif, comment se fait-il que ces concessions nous aient été retirées presque toutes, une à une, et qu'aujourd'hui nous venions payer pour la troisième fois ces concessions que nous avions obtenues au moyen du retrait des mesures douanières, décrétées en 1822 par le roi des Pays-Bas ?
Je crois qu'on n'a pas assez fait comprendre au gouvernement français la véritable situation des choses ; si on l'avait fait, nous aurions pris une autre attitude.
Messieurs, ce n'est pas avec de la mollesse, mais avec une juste fermeté qu'on se sauve dans les questions douanières comme dans les questions nationales. Jamais un peuple n'a gagné une victoire avec de la mollesse, jamais on n'a gagné la victoire dans les luttes de tarif en cédant à toutes les exigences de son adversaire. Je crois que nous avons mis beaucoup trop de mollesse dans nos négociations avec la France.
Je ne crains pas une guerre de tarif avec cette puissance ; nous avons assez de jeunesse, assez de force, assez de puissance commerciale, pour soutenir, s'il le fallait, une pareille guerre ; nous avons assez de ressources pour chercher à l'étranger, au moyen de primes, les débouchés que nous pourrions perdre du côté de la France. Mais si nous continuons à agir avec cette mollesse, je ne sais ce qui adviendra un jour. Un honorable député de Liège a parlé tout à l'heure du traité avec la Hollande, je désire qu'il soit signé, parce que s'il ne l'était pas, et que le traité avec la France fut adopté, je craindrais que cette décision ne réagît sur les stipulations de ce traité. Quand on passe sur tout, on arrive de concessions en concessions à des traités désastreux.
Le traité de 1842 avec la France a amené le traité avec le Zollverein où 36 articles de votre tarif sont sacrifiés pour des concessions sur quatre articles, y compris le fromage de Herve. Le traité avec le Zollverein a amené les concessions que demande aujourd'hui la France ; le traité qu'on vous propose, s'il est adopté, amènera d'autres sacrifices. J'espère que non ; mais si la chambre a le malheur de mollir dans cette circonstance, je ne sais où nous arriverons en fait de concessions.
Je viens de vous exposer, messieurs, l'état des choses jusqu'en 1836. Alors nous nous trouvions dans les relations du meilleur voisinage, alors il n'y avait aucune guerre de tarif entre les deux pays. La première mesure qui est venue changer cet état de choses a été l'ordonnance française du 25 novembre 1837. Cette ordonnance ouvrait le littoral aux houilles anglaises sur toute la ligne maritime jusqu'à Dunkerque ; par là le privilège que nous avions obtenu au prix de concessions sur le marché français nous était en grande partie enlevé par le fait de la tarification.
Si les exportations de houille ont pris de l'extension, on ne peut l'attribuer qu'à l'extension de la consommation intérieure, à l'emploi de la houille au lieu de bois pour le foyer domestique, au développement de-machines à vapeur, aux progrès de l'industrie française, aux locomotives des chemins de fer, en un mot à la révolution sociale, non à la tarification, car la tarification vous a retiré les avantages qu'elle vous avait accordés.
Le 24 septembre 1840 nouvelle ordonnance qui frappe d'une augmentation de droit les linges de table, qui fait considérer comme blanches les toiles blondines et étend la zone pour les fontes à toute la frontière de terre, de sorte que l'avantage que nous avions obtenu, quant aux fontes, cesse d'être un privilège pour la Belgique. Encore une concession retirée. Tout cela était peu de chose auprès de ce qui nous menaçait : surgit ensuite la loi du 6 mai 1841. Alors fut introduit l'amendement Delespaul qui élève à une classe supérieure toute toile dont un fil apparaît dans le compte-fil de 5 millimètres. C'était surtaxer d'une classe toutes les toiles, car il est impossible que le compteur n'emprunte pas une partie quelconque d'un fil. C'est ce qui est arrivé et qui a donné lieu à une foule de réclamations.
Sur les graines grasses le droit fut augmenté ; sur les pierres d'Ecaussines, l'importation par la Sambre fut interdite, et les importations qui étaient de quatre mille kilogrammes furent immédiatement réduites à deux. Une augmentation considérable fut apportée au droit sur les fils de lin en même temps que l'approbation des mesures quant aux blondines. Cette loi détruisait presque tous les avantages que nous nous étions promis par des concessions mutuelles faites réciproquement dans la convention de 1834. Depuis, vint encore la fameuse ordonnance de 1842, qui élevait les droits sur les toiles et sur les fils et rendait ces droits en quelque sorte prohibitifs.
Voilà, messieurs, la situation des choses au moment de la convention de 1842 ; nous avions obtenu, en vertu de la convention première une réduction sur les toiles de lin, cette réduction était retirée ; nous devions avoir et nous avions obtenu en 1835 un avantage sur les houilles, il nous était retiré ; nous avions obtenu un avantage sur les pierres, il nous était retiré en partie, et quant aux fontes, on avait étendu le droit différentiel dont jouissait la Belgique. On ne nous admettait encore que parce qu'on créait des chemins de fer et qu'on ne pouvait pas se passer des fontes de la Belgique. Telle fut la situation en 1842.
Je tiens à faire remarquer que ce n'est pas la Belgique qui a pris l'initiative de ces mesures, que les mesures destructives de la convention de 1834 sont le fait d'une des parties, mais non de la Belgique. Il est déplorable qu'en présence de pareils faits, avant l'ordonnance de 1842, à la suite de la loi du 6 mai 1841, qui portait les premières infractions sensibles à la convention de 1834, le gouvernement n'ait pas pris des mesures promptes et efficaces pour arrêter un aussi grand mal.
Et réfléchissez-y, messieurs ; quand le roi Guillaume, en 1822, est venu frapper d'un droit différentiel les produits français, alors toutes les mesures prises contre la Belgique ont immédiatement été arrêtées. Dès qu'on a vu qu'on avait à faire à un voisin qui n'était pas disposé à se laisser sacrifier, on a arrêté les mesures projetées contre nous, et en définitive aucune nouvelle mesure n'a été prise aussi longtemps que les droits différentiels frappaient les produits de la nation voisine à notre frontière.
Il fallait donc, après la loi de 1841, ne pas attendre l'ordonnance de 1842 et prendre des mesures de réciprocité. Il fallait, non pas dire : Nous avons des droits à faire valoir, mais faire valoir ces droits, et puisque la France retirait une par une toutes les concessions qu'elle nous avait accordées, il fallait rétablir les choses sur l'ancien pied. On eût ainsi arrêté à sa source ces mesures qui devaient augmenter nos désastres et nous occasionner tant de mal.
La convention de 1842 fut faite pour conserver à la Belgique, quant aux toiles, la position qui résultait de la convention de 1834, ou, en d'autres termes, pour empêcher, quant à la Belgique, les effets de l'ordonnance du 26 juin 1842 relative aux toiles et aux fils de lin.
Voilà dans quelle situation a été conclue la convention de 1842.
Après l'ordonnance française quasi prohibitive de nos toiles et de nos fils de lin, c'était, en quelque sorte, une nécessité pour le pays. Vous savez que vous l'avez achetée au prix de bien grands sacrifices. Vous avez dû réduire de moitié les droits d'entrée et d'un quart l'accise sur les vins, et empêcher les villes d'augmenter les droits d'octroi sur les vins qui sont la matière la plus imposable.
Les sacrifices que vous avez faits de ce chef ont été évalués avec raison à plus d'un million, au préjudice du trésor public.
Voilà le premier sacrifice que vous avez fait, et vous l'avez fait sans aucune compensation.
Vous avez de plus admis une réduction de droits sur les soieries, la réciprocité du batelage, le transit des ardoises françaises et cette disposition nouvelle au moyen de laquelle on a accordé à la fabrication du sel français un déchet de 7 p. c. au-dessus de celui accordé à tous les autres sels.
Je tenais, messieurs, à vous faire ces observations, parce que l'honorable M. d'Elhoungne a paru avant-hier vouloir justifier pleinement la politique douanière française. Le discours de l'honorable membre est tel qu'armé de ce discours le ministre français pourrait venir demander au gouvernement de notre pays des concessions nouvelles. C'est à cela que j'ai cru devoir répondre par un exposé franc, loyal, sincère des faits, et ces faits donnent un démenti solennel aux torts que l'on peut imputer à notre gouvernement.
Le discours de l'honorable membre à la main, M. Guizot peut venir dire à la Belgique ce qu'il disait dans la séance du 25 mars 1845 : « De ce que je viens de dire, il résulte que nous avons le droit de demander à la Belgique des avantages supérieurs à ceux qu'elle nous a faits jusqu'à présent. » Ce discours à la main, M. Guizot pourrait encore justifier sa demande ; or j'ai prouvé à l'évidence que les avantages que nous avons faits à la France sont restés debout, que pas un seul n'a été retiré, et que des avantages que nous avons obtenus comme une compensation de modifications douanières auxquelles elle attachait le plus grand prix, aucun n'existait plus.
Depuis le traité de 1842, la Belgique a pris quelques arrêtés ; c'est de ces arrêtés qu'on se prévaut pour venir mettre la Belgique dans une (page 1823) position différente et justifier les mesures réactionnaires dont nous avons été l'objet.
Le premier est l'arrêté relatif aux vins et aux soieries. D'après l'honorable M. d'Elhoungne, ce serait cet arrêté qui serait la cause de tout le mal ; parce qu'il l'a combattu, il voudrait qu'il fût la cause de tout ce qui s'est passé. Or il est évident que l'arrêté relatif aux vins et aux soieries n'était nullement hostile à l'industrie vinicole de France ; car chacun sait que les vins du Rhin ne peuvent pas remplacer les vins de France. Chacun sait que le but de cet arrêté était de ne pas mécontenter la Confédération germanique, quand nous faisions de si grandes concessions à la France ; c'était simplement une mesure de bon voisinage.
D'ailleurs dans la convention de 1842, la Belgique s'était expressément réservé la faculté d'appliquer cette mesure aux nations voisines, si elle le jugeait convenable. Or un seul pays voisin produit du vin ; c'est l'Allemagne.
Dès lors la France savait en signant la convention que l'arrêté devait intervenir. Il ne faut donc pas mettre sur le compte du gouvernement des torts qu'il n'a pas ; il a bien assez de ses torts réels sans qu'on lui en prête d'autres.
L'arrêté de 1843 sur les laines n'est qu'une mesure bien légitime. Il n'établit que des droits bien modérés, en présence des dispositions qui régissent la matière dans les pays voisins.
Vous savez, messieurs, que les fils de laine sont formellement prohibés par le tarif français. Parce que la Belgique établit sur ces produits un droit de 8 à 10 p. c. tout au plus, sur les qualités communes, je vous le demande, a-t-on le droit de se plaindre ? Non, certainement. Aussi aucune plainte ne s'est élevée contre cet arrêté quand il a été pris. La France n'a élevé aucune réclamation, tant il est vrai qu'elle n'avait pas à se plaindre.
Veuillez, au reste, remarquer, messieurs, que quand M. Guizot demandait que l'on sacrifiât l'industrie lainière, il le demandait d'une manière tellement timide, qu'il ne le demandait qu'avec une limitation. Or, il est évident que quand M. Guizot demandait la limitation, c'est parce qu'il avait fort peu d'espoir de réussir à obtenir des concessions sur cet important article.
Quant à l'arrêté relatif aux cotons, on sait que la France en a été exemptée pour un an, et que cette exemption a été prolongée.
Voilà la véritable situation des faits. Le gouvernement, ni la Belgique, ni la chambre n'ont, à cet égard, rien à se reprocher.
Messieurs, j'ai dû rappeler ce qui s'était passé, alors qu'un honorable député de Gand avait prononcé un discours tel que tous les torts paraissaient être de notre côté. Maintenant la convention de 1842 tend à sa fin ; une convention nouvelle doit être faite.
Au lieu de maintenir les choses dans l'état actuel, cette convention nouvelle atteint ce double résultat qu'elle diminue, qu'elle réduit considérablement les avantages dont nous jouissions par la convention précédente et qu'elle aggrave énormément les charges qui doivent peser sur la Belgique. Au lieu que nous conservions l'entrée illimitée en France des toiles et des fils de lin, l'entrée est soumise à une limitation que j'appellerai odieuse pour notre pays.
On ne se contente plus des concessions que nous avions faites et sur les vins, et sur les tissus de soie, et sur le transit des ardoises, et sur la réciprocité du batelage, et sur le sel français. Pour le sel on double presque le dégrèvement de fabrication et on ajoute encore à cela des concessions qui sont excessivement lourdes pour le pays, les plus lourdes que le pays puisse jamais supporter, les concessions sur la grande industrie de la laine.
Pour mon compte, messieurs, je ne puis concevoir comment un gouvernement a jamais pu consentir à mettre en jeu une industrie comparable à celle de la laine, qui est, quoi qu'on en puisse dire, la première de toutes les industries de tous les pays manufacturés.
L'industrie de la laine, messieurs, vous ne l'ignorez pas, c'est celle qui est la source de la richesse de toutes les nations. Ouvrez les pages de l'histoire de la Belgique. Vous verrez qu'à toutes les époques de notre histoire ancienne, la richesse du pays peut se mesurer sur la prospérité des manufactures de laine, dont elle est en quelque sorte le thermomètre.
Pourquoi, messieurs, en Angleterre, le chancelier siège-t-il sur le sac de laine ? C'est pour faire voir à la nation que sa richesse est dans la laine et que ses représentants ne doivent jamais perdre de vue son importance.
M. Rodenbach. - Jadis, mais plus à présent.
M. Dumortier. - J'entends un membre qui dit : Jadis, mais plus à présent. Messieurs, je suis content de cette interruption.
Jadis, mais plus à présent ! Oui, messieurs, l'industrie de la laine a eu aussi son moment de crise ; mais ce moment de crise est passé.
Elle a eu son moment de crise. Et pourquoi ? Parce que la première invention de filatures mécaniques qui a été faite est l'invention des filatures de coton. Alors on a pu porter le filage du coton à un degré de perfectionnement que cette industrie n'avait pas auparavant. Il en est résulté, ce qui devait tout naturellement avoir lieu, que les cotons produits plus fins et plus légers que tous les autres tissus, sont devenus un article de mode. Nous avons vu pendant longtemps, et il y a à peine quelques années encore, que l'on ne voulait que du coton, que l'on ne portait que du coton, parce que le coton seul se travaillait en étoffes fines.
Mais depuis, les perfectionnements qui avaient été introduits dans la filature du coton, ont été introduits presque simultanément et dans la filature de la laine et dans la filature du coton. Un demi-siècle s'était écoulé entre ces améliorations, il a fallu que pendant un demi-siècle le coton remplît sa tâche. Il l'a remplie, et aujourd'hui le tour de la laine est revenu, et c'est pour elle qu'est tout l'avenir. Pourquoi, messieurs ? Parce que la laine est la matière la mieux appropriée à la température de nos climats, aux exigences des pays septentrionaux ; parce qu'aujourd'hui, parvenue par les progrès de la filature à la plus grande finesse, elle peut revêtir toutes les formes, qu'elle peut servir et pour les vêtements, et pour les meubles, en un mot pour tous les objets de consommation.
Ainsi, la laine reprend dorénavant dans l'industrie la place qu'elle occupait primitivement ; elle a repris la grande place, la place qui doit lui assurer la priorité, la suprématie sur toutes les industries manufacturières ; déjà le présent est à elle, l'avenir lui appartient tout entier.
Je sais qu'en Belgique l'industrie de la laine ne fait que de naître, non pas toutefois en ce qui concerne la draperie, tout le monde à cet égard lui rendra hommage, mais en ce qui concerne les tissus légers. Toutefois, messieurs, depuis combien d'années les tissus légers existent-ils ? Vous le savez, ce n'est que depuis quatre ou cinq ans qu'on en fabrique.
M. Rodenbach. - C'est la filature à la mécanique qui est cause du changement.
M. Dumortier. - C'est ce que j'ai dit, la filature du coton a été antérieure d'un demi-siècle à la filature de la laine. Dès lors le coton a eu son grand jour ; mais ce jour est passé, il ne reviendra plus. Le coton continuera à exister, il a un grand rôle à remplir ; mais tout l'avenir, toute la grande destinée est pour la laine. Ainsi nous sommes rentrés dans la position ancienne, et l'exemple que je vous citais du sac de laine du chancelier d'Angleterre reprend toute sa force. Je dis qu'aujourd'hui, et dans l'avenir comme par le passé, toute la richesse de la Belgique devra se mesurer sur la prospérité de la laine. Voyez, messieurs, ce qui se passe. Est-ce que l'industrie de la laine ne tend pas tous les jours à prendre la place du coton ? Est-ce que le mélange si heureux qu'on est parvenu à faire de la laine avec le coton et le fil, n'a pas introduit dans la consommation une quantité d’étoffes |nouvelles qu'on ne saurait détrôner et qui ont un débit considérable et dans la Belgique et dans les pays lointains ? Les jours brillants de l'industrie de la laine renaissent, et c'est alors qu'on vient la frapper, qu'on veut l'empêcher de progresser, alors cependant qu'elle seule est de nature à sauver les Flandres de la crise qui existe aujourd'hui, qu'elle seule est de nature à procurer la richesse et l'aisance au pays entier !
Mais revenons à l'objet qui nous occupe.
Quels sont, messieurs, les résultats de la convention ? Je vais avoir l'honneur de vous les faire connaître.
Pour les fils de laine, on veut ramener les choses à l'état antérieur à l'arrêté du 14 juillet. Pour les tissus de laine, on réduit de 25 p. c. les droits à l'entrée. Or, voici quels sont les résultats de ces dispositions.
Les étoffes de laine épaisse payaient un droit de 125 fr. par 100 kil. L'arrêté du 14 juillet avait porté ce droit à 160 fr. On réduit ce droit de 100 fr. de 25 p. c. ; les étoffes de laine épaisse ne payeront donc plus qu'un droit de 120 fr. ; c'est cinq francs de moins que par le tarif antérieur à l'arrêté du 14 juillet.
Les tissus mélangés de soie et autres étoffes payaient un droit de 190 fr. Le droit réduit sera moindre de 3 fr. 50 c. de ce qu'il était précédemment.
Ainsi pour ces deux articles, non seulement on supprime l'arrêté du 14 juillet, mais on va au-delà ; on réduit l'ancien tarif qui cependant était extrêmement modéré.
On me dira qu'il n'en résultera pas de grands inconvénients pour ces deux articles. Je l'admets. Mais je dis que le gouvernement ne devait pas donner à l'étranger l'exemple d'une semblable concession, qui met en jeu la première industrie du pays.
Sur quoi, messieurs, portent les concessions les plus fortes ? Elles portent sur les fils de laine.
Par arrêté du 14 juillet, les droits sur les fils de laine écrus et non tors, étaient fixés à 100 fr. par 100 kilog. Ils se trouvent réduits à 45 fr. ; par conséquent la réduction est de 55 fr. Sur les fils tors et blanchis, les droits étaient de 120 fr., on les fixe par la convention à 60 fr. ; ce qui fait 60 fr. de réduction.
Les fils teints étaient tarifés par l'arrêté du 14 juillet, à 140 francs. Ils se trouvent également réduits à 60 francs. Ce qui fait 80 francs de moins que dans l'état actuel des choses.
Voilà, messieurs, les réductions que l'on vous propose. 55 francs de moins sur les fils écrus, 60 francs de moins sur les fils tors et blanchis, 80 francs de moins par 100 kil. sur les fils teints. Je vous le demande, n'est-ce pas sacrifier l'industrie de la filature de la laine que d'admettre une disposition semblable ? Il est évident pour tout homme qui possède quelques connaissances, que l'industrie ramenée à ce point, doit se trouver en présence d'un affreux cataclysme.
Et en effet, messieurs, interrogez le passé, interrogez ce qui a eu lieu en Belgique et avant l'arrêté du 14 juillet et depuis cet arrêté, et voyez quelle différence il y a dans les progrès de l'industrie lainière. Avant l'arrêté du 14 juillet, seule bonne mesure que le gouvernement ait jamais prise en matière de douanes ; avant l'arrêté du 14 juillet, les filatures ne s'établissaient point en Belgique ; si la filature existait ce n'était que chez les fabricants ; la filature était une partie de la fabrication des draps, par (page 1824) exemple, mais la filature pour la vente n'existait pas ou existait excessivement peu.,
L'honorable M. d'Elhoungne a dit ; « Mais la laine cardée existait bien auparavant ; elle continuera à exister.» Je répondrai, à l'honorable membre que la laine cardée existait comme moyen de fabrication ; le fabricant cardait la laine comme il la filait, comme il la teignait, comme il la tissait, et ii avait un compte de profits et pertes dans lequel ces différents éléments de la fabrication venaient balancer leurs résultats divers ; la perte des uns était compensée par le bénéfice des autres.. Ce qui existe aujourd'hui est tout autre chose ; les filatures dé laine s'établissent pour la vente ; c'est la division du travail, et cette division du travail il faut la maintenir, car sans elle il n'est pas de progrès industriel possible.
Je dors rencontrer ici, messieurs, une autre objection de l'orateur auquel je réponds.. « Comment, dit-il, vous-même, en 1838, vous étiez opposé à la surtaxe sur les fils de laine. » J'ai déjà répondu deux mots à cette observation lorsque j'ai protesté contre la suppression d'une phrase de mon discours. Oui, messieurs, en 1838, je me suis opposé à l'élévation du droit sur la laine filée, et si nous nous trouvions dans des conditions semblables, je m’y opposerais encore aujourd'hui ; pourquoi ? Parce qu'en 1838, il s'agissait de la laine filée pour les tapis de Tournay, de la laine peignée pour les tapis de Tournay, et qu'il n'existait pas alors une seule mature à Tournay. Voici comment les choses se sont passées : sous le gouvernement français les riches manufactures de tapis dé Tournay faisaient filer la laine, en France, principalement dans l'Artois. Lors de la séparation de la France et de la Belgique, les manufactures de tapis de Tournay se trouvèrent dépourvues des moyens de faire filer leur laine, et en 1816, il intervint un arrangement entre le gouvernement français et les Pays-Bas, arrangement d'après lequel les fabriques de Tournay envoyaient leur laine en France pour être filée et la recevaient sans droits lorsqu'elle rentrait dans le pays après avoir subie cette main-d'œuvre. Les fabricants avaient un compte ouvert au ministère des finances, toutes les fois qu'ils expédiaient de la laine en France il leur en était tenu compte, et lorsque cette laine rentrait on les déchargeait du droit jusqu'à concurrence du montant de leurs envois, en calculant toutefois le déchet. De cette manière, ils ne payaient pas le droit d’entrée et la France avait l’avantage du filage. Plus tard, grâce à la protection que la France accorda à l'industrie de la filature de la laine, des filatures de laine furent établies à Roubaix, et c'est là que les manufactures de tapis de Tournay firent alors filer leur laine, parce que, en l'absence d'une semblable protection, des filatures ne pouvaient pas s'établir en Belgique.
Eh bien, messieurs, c'est parce qu'en 1838 l'industrie était dans ce cas ; c'est parce qu'alors il n'existait pas de filatures de laine peignée dans le pays, que je me suis opposé alors à l'augmentation du droit sur les fils de laine. Les fils de laine étaient alors une matière première que la Belgique ne produisait point et dont l'industrie de Tournay ne pouvait se passer.
Voilà le motif pour lequel j'ai prononcé les paroles citées par l'honorable M. d'Elhoungne, paroles tellement claires qu'il a fallu en retrancher une partie pour leur donner une couleur différente.
L'honorable membre, dans le plaidoyer qu’il a prononcé l'autre jour, m'a semblé perdre de vue une chose qui paraît absurde au premier abord, mars qui est incontestable, c'est que l'emploi du fil doit toujours précéder l'établissement des filatures. En effet, messieurs, établissez tant que vous voulez des filatures à la vapeur, si vous n'avez pas l'emploi du fil, vous n'arriverez à aucun résultat. C'est la position dans laquelle nous nous trouvions en 1838 ; mais l'arrêté de 1842 a créé une situation nouvelle en accordant une faveur à l'industrie du filage précisément au moment où elle faisait des efforts pour s'établir. C'est ainsi que cette industrie a pu pendre un développement extraordinaire.
J'entends l'honorable M. Dechamps qui dit, messieurs, qu'il y avait en tout 3,000 broches à Tournay ; eh bien, c'est là une grave erreur ; il y a maintenant en activité à Tournay 8,300 broches pour les laines peignées, et il s'en établit en ce moment 2,000 autres, de manière que d'ici à peu de temps il y en aura 10,300, sans compter de nombreux assortiments pour les lames cardées.
La filature de la laine à Tournay n'est pas, messieurs, un objet secondaire ; c’est une industrie qui emploie pour 12 millions de francs de laine par an. Ajoutez à cela le fil de coton et de lin qui s'emploie dans les étoffes mélangées, et dites si cette industrie est un objet secondaire ! Mais, messieurs, pour 12 millions de francs de laine, c'est un million de kilog., c'est le quart de toute la laine introduite en Belgique.
Et l'on viendrait dire que c'est là une industrie peu importante lorsque la seule localité de Tournay emploie tous les ans pour 12 millions de fr. de matière première ! N'est-ce donc rien qu'un capital roulant de 12 millions ? Et votre industrie des toiles...
M. Rodenbach. - 80 millions.
M. Dumortier. - Quelle exagération ! quoi ! Quand vous n'exportez que pour 12 millions vous ne pouvez pas employer 80 millions.
Voilà, messieurs, la situation de cette industrie ; et remarquez bien qu'elle n'est encore qu'à sa naissance ; il y a 4 années seulement qu'elle jouit d'une protection et encore d'une protection singulièrement équivoque puisqu'elle n'existe qu'en vertu d'un arrêté.
Quelques industriels se sont dit : Le gouvernement qui a pris cette mesure aura la loyauté de ne point la retirer ; d'autres plus sages, ont voulu attendre que l'arrêté fût converti en loi, et je n'hésite pas à dire que si la protection dont jouit cette industrie lui avait été assurée par un acte du pouvoir législatif, ce n'est pas 12 millions de francs qu'on emploierait à Tournay, mais 20 et 30 millions.
Mais, messieurs, pour l'industrie des laines, Tournay, n'est qu'un point dans l'espace. A Verviers cette industrie emploie des capitaux bien plus considérables, et la laine établit ses manufactures sur tous les points de la Belgique ; il n'est guère de province où l'industrie de la laine ne s'introduise, et les hommes les plus avancés, les plus éclairés des Flandres ont dit et écrit que c'est dans l'industrie de la laine que la Flandre doit trouver le moyen de sortir de sa malheureuse position actuelle. (Interruption.) J’ai en mains la pétition de Courtray qui le dit en termes formels ; voici comment elle s'exprime :
« Nous bornons ici nos observations. Elles démontrent suffisamment que la convention serait désastreuse pour notre industrie linière. Mais avant de finir nous aurons l'honneur de faire observer qu'en tout état de choses nous aurions déploré l'atteinte mortelle portée aux, intérêts de l'industrie lainière par la suppression presque totale de l'arrête du 14 juillet 1843 qui était venu encourager avec tant d'à-propos cette industrie alors languissante et maintenant si pleine d'avenir ; nous aurions alors stigmatisé tout système qui tendrait à sacrifier une industrie quelconque au profit d'une autre ; nous aurions rappelé que la Constitution couvre de son égide tutélaire tous les droits acquis ; et que toutes les industries, mais, particulièrement celles importantes et prospères, ont des droits à une juste et équitable protection ; nous aurions hautement déclaré que le sacrifice de l'industrie lainière serait d'autant plus déplorable que nous espérions trouver dans ses développements une compensation des pertes que nous subissons dans l'industrie linière. »
Voilà de belles et nobles paroles ; voilà comment les Flandres s'expriment par l'organe de leurs représentants légitimes en matière d'industrie ; elles ont compris que c'est dans l'industrie de la laine qu'elles peuvent retrouver leur ancienne prospérité.
Messieurs, je dois singulièrement regretter le moment que M. le ministre des affaires étrangères a choisi pour conclure avec la France la convention qui nous occupe ; je crois qu'il n'était pas possible de choisir plus mal son temps et son terrain qu'on ne l’a fait dans cette circonstance.
En effet, la convention devait durer jusqu'au mois d'août ; rien donc ne nous pressait de faire une convention de ce genre. Or, quel moment a-t-on choisi ? Précisément celui qui précédait l'ouverture des chambres françaises. Mais vous le savez, messieurs, dans la dernière session, l’honorable M. Guizot n'a obtenu qu'une majorité singulièrement équivoque ; cette majorité, dans certains votes, a été réduite à 5 voix ; c'était là un fait dont il fallait nécessairement tenir compte.
De deux choses l'une : ou M. Guizot devait, à l'ouverture de la session, lors de la discussion de l'adresse, obtenir la majorité, ou bien, il devait subir la loi de la minorité et se retirer ; si M. Guizot se retirait, le ministère nouveau, fortifié par l'appoint ministériel, devait avoir une majorité beaucoup plus grande, et par conséquent, nous devions espérer de traiter à des conditions bien plus favorables ; si le ministère Guizot restait debout, alors sa majorité pouvait toujours aller en croissant, précisément à cause qu'on était à la veille des élections, et alors on avait également plus de chance de traiter à des conditions favorables. En outre, on n'ignorait pas que l'Angleterre préparait sa grande mesure de liberté en matière de douanes ; et qui peut douter un moment de l'influence que cette mesure aurait pu exercer sur les négociations pendantes entre la France et la Belgique ? Voilà toutes choses dont il fallait tenir compte, et lorsque les conditions, offertes par la France, devaient être par trop onéreuses, il fallait savoir temporiser et attendre un moment meilleur.
Loin de là, on s'est hâté, on s'est en quelque sorte précipité ; lorsque M. Guizot n'avait que 5 voix de majorité, la veille du jour où son successeur, si tant est qu'il dût en avoir un, devait avoir une majorité beaucoup plus grande, on a traité avec un ministère qui était pour ainsi dire réduit à l'extrémité et qui par conséquent devait faire à la Belgique les conditions les plus onéreuses possibles, pour s'en faire un titre auprès de sa majorité numériquement si faible. C'est là une faute capitale qui a été commise par le cabinet belge, et c'est à cette faute principalement que nous devons attribuer l'issue fâcheuse et funeste du-traité qui est en discussion.
Mais, messieurs, comment le ministère français s'est-il conduit envers la France ? Vous l'avez entendu dans le comité secret. Quand M. Guizot a demandé à la Belgique des concessions sur la laine, il avait tellement peu l'espoir de les obtenir, qu'il ne les avait réclamées qu'avec une limitation analogue à celle qu'il présentait pour l'industrie des fils. Or, quand un homme comme M. Guizot est venu demander une limitation pour un objet qu'il veut introduire dans le tarif, il a fait voir par là qu'il avait bien peu d'espoir de réussir dans sa réclamation ; d'ailleurs dans son discours, souvent cité, du 25 mars 1845, il avait bien parlé de réduction sur les tissus de laine, mais nullement sur les fils de laine. Si le gouvernement belge avait eu le courage de dire dès l'origine des négociations : « Nous ne sacrifions pas une industrie qui s'élève à une industrie qui tombe, » je suis convaincu que le gouvernement français n'aurait pas insisté.
« L'industrie de la laine, nous dit l'honorable M. d'Elhoungne, où est son titre ? Son titre, répond-il, c'est l'arrêté du 14 juillet 1843 ; je ne reconnais pas au gouvernement le droit de créer des industries nouvelles qui plus tard deviennent un embarras. Les chambres se trouveraient liées à l'avance et ne pourraient plus, en présence des intérêts individuels, nés à l'abri d'un arrêté royal, se prononcer conformément aux intérêts du pays. »
Comment ! messieurs, l'industrie de la laine est devenue un intérêt (page 1825) individuel ! Les intérêts du pays exigent que le gouvernement ne fasse pas ce qu’il peut pour seconder cette industrie ! Messieurs, je dois repousser de semblables doctrines de tous mes moyens. Comment ! les grandes industries qui donnent le plus de travail aux ouvriers, qui amènent le plus de richesses dans le pays ; ces industries seraient considérées comme des intérêts individuels ! Que devient alors l'industrie des cotons, par exemple, et celle des toiles, si ce n'est un intérêt individuel ?
Messieurs, respectons davantage le travail national. Tout travail national a droit à une protection, et cette protection est due surtout aux industries qui donnent du pain à un plus grand nombre d'ouvriers. Or, de toutes les industries, celle qui peut donner du pain à un nombre plus considérable d'ouvriers, c'est l’industrie de la laine, quand elle aura repris la place qu'elle a momentanément perdue. Depuis le berger des Ardennes jusqu'au dernier apprêteur, tout doit se mouvoir, tout doit vivre par elle ; ne venez donc pas dire que cette industrie est un intérêt individuel.
L’industrie de la laine s'est établie sous l'empire de l'arrêté du 14 juillet 1843… Cela est vrai, mais l'expérience a prouvé combien la disposition était nécessaire au développement de cette industrie. Avant l'arrêté du 14 juillet, l'industrie des tissus fins n'existait pas en Belgique ; c'est depuis l'arrêté qu'elle s'est créée, qu'eue s'est développée ; et par les développements qu’elle a pris en si peu de temps, vous pouvez juger de ceux qui l'attendent dans l'avenir. Loin donc de blâmer le gouvernement de la mesure qu'il avait prise en 1843, il faut le blâmer de n'avoir pas eu le courage de persévérer dans une voie si féconde en brillants résultats.
Messieurs, je prévois les objections que pourra me faire M. le ministre des affaires étrangères ; et comme, en vertu de je ne sais quelle manière d'interpréter le règlement, on ne permet à un orateur de répondre à un ministre que quand son tour d'inscription arrive (et alors il est presque toujours trop tard), je veux présenter les objections que fera M. le ministre des affaires étrangères et j'y répondrai.
Il vous dira : « Le fil est une matière première ; le tissage prendra de l'extension, et après quelques années, en remettant les droits on rendra un plus grand service à la filature. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - C'est cela !
M. Dumortier. - Je suis charmé d'avoir rencontré l'objection de M. Dechamps. Je reprends donc : « Le tissage prendra de l'extension, et lorsqu'il aura pris de l'extension pendant la durée du traité, on rétablira les dispositions de l'arrêté du 14 juillet 1843, et alors les filatures de laine prendront un plus grand développement. »
Le tissage pourra prendre de l'extension !... Mais, M. le ministre, si vous considérez le fil comme une matière première, si c'est en faveur du tissage que vous prenez la mesure, ce n'est pas une partie seulement du droit que vous devez supprimer, vous devez alors avoir le courage de supprimer le droit tout entier, et alors nos manufactures jouiront dans l'intégrité de la prime de sortie accordée en France.
Mais comment vont faire nos tisserands de laine ?
Ils devront payer la laine avec le droit majoré en Belgique ; ils auront pour compensation la prime que la France accorde à la sortie, et qui dépasse souvent le droit d'entrée en Belgique ; mais il y aura une série de vicissitudes, qui empêcheront nos manufacturiers de profiter de cet avantage. Et puis, à la fin de la convention, croyez-vous que la Belgique pourra rétablir le droit sur les tissus de laine ? Vous qui n’avez pas eu assez d'énergie pour maintenir ce droit quand il existait, comment pourriez-vous le rétablir après l'avoir sacrifié ? Il est évident que la France ne consentirait à faire aucune convention nouvelle, qu'à la condition du maintien de cette concession que vous lui avez faite. Aujourd'hui les filateurs de laine peuvent exister, parce que l'industrie du tissage est créée, et prend chaque jour un plus grand développement, parce que la marche des deux autres industries et leur développement sont parallèles. Il est indispensable de faire le jour de la filature de la laine ; or, cette industrie ne peut pas exister en présence de votre tarif, parce que les primes de la France dépassent le plus souvent les droits établis pour la protéger.
Dans les moments de crise, et dans l'industrie on peut en compter une tous les quatre ans, les fabriques de France déverseront leur trop plein sur notre marché ; ce sera dans ce moment où nos filatures auront le plus grand besoin de votre secours, que votre tarif les tuera. Si cette industrie n'a pas cette protection constante de tous les jours qui veille sur elle comme la Providence, et sans laquelle elle ne peut pas exister, elle se trouvera renversée et sans appui au moment où la protection lui serait indispensable. Remarquez que, dans le traité, le tissage aussi paye sa part des frais. On réduit de 25 p. c. les droits sur le tissage. Si, avec le droit actuel, le tissage a de la peine à s'établir, que sera-ce quand il sera réduit de 25 p. c. ? Déjà il est tel qu'il est impossible de faire des étoffes fines, le droit étant réduit, lui sera-t-il suffisant pour qu'on engage des capitaux dans le tissage ? Et le tissage vous échappera comme la filature.
L'autre objection qu'on nous fera est celle-ci : les filatures de laine ont bien marché avant l'arrêté, elles le pourront encore après son retrait. Cela pourrait être vrai pour les filatures de laine cardée, mais non pour celles de laine peignée. Ce sont celles-ci qui servent à faire les étoffes légères que vous portez tous, la fabrication de ces étoffes est donc laissée au bon caprice de l'étranger ; les fabricants qui, sur la foi de l'arrêté royal, ont aventuré des capitaux dans cette industrie seront ruinés. Est-ce là de la loyauté ? Qui croira encore au gouvernement ? Qui vous dit que demain on ne retirera pas la mesure en ce qui concerne l'Allemagne, que le traité avec la France n'aura pas des corollaires ? Rien n'est assuré, rien n'est sacré dans un pays, quand un gouvernement détruit le lendemain ce que la veille il avait élevé de ses propres mains.
Messieurs, le traité n'amènera même aucun avantage, à l'industrie linière. En France cette industrie progresse ; consultez nos introductions. Vous verrez que la diminution est successive.
En 1834, nous avons introduit en France pour 25 1/2 millions de toiles ; en 1835, pour 27 millions ;en 1836, pour 27 millions, et déjà en 1839, l'importation était tombée à 18 1/2 millions. Si aujourd'hui notre industrie a un peu plus de développement, c'est par suite de la prohibition des toiles anglaises ; mais la marche des faits est là pour vous le dire, cette industrie prend un grand développement en France. Dans le département du Nord, un seul industriel, comme nous l'a dit l'honorable M. Osy, forme une manufacture avec 100 mille broches de fil de lin ; aux produits de ces 100 mille broches, il faudra un emploi ; on établira le tissage à la vapeur. Vous aurez sacrifié une industrie qui avait un grand avenir, sans rien faire pour les toiles.
Mais remarquez-le, messieurs, si la Providence nous ferme les portes de la France, elle nous en ouvre d'autres et non moins avantageuses. La mesure prise en Angleterre par laquelle les toiles communes peuvent entrer libres de droits nous offre un débouché qui peut remplacer celui qui nous est fermé, si nous pouvons nous procurer des fils de lin aussi avantageusement filés qu'en Angleterre. Chose étrange : dans le traité nouveau on a sacrifié l'industrie de la laine non pas à la toile mais aux fils de lin, dont les établissements ne suffisent pas au pays, et les fils de lin vont nous manquer ; nous ne pourrons pas nous en procurer, car les fils de lin anglais se trouvent frappés d'un droit prohibitif. Le traité sera donc aussi funeste au lin qu'à la laine.
Il y avait un moyen de sortir d'embarras, c'était d'accorder des avantages pour ouvrir un débouché en Angleterre, dont la Providence nous prépare les voies. Mais vous vous portez toujours vers la France, et ce marché de jour en jour s'amoindrira pour vous, parce que de jour en jour la fabrication de la toile à la mécanique s'y développera et qu'avant la fin du traité vous serez dans l'impossibilité d'y rien envoyer.
Que l'industrie flamande veuille enfin marcher dans la voie du progrès au lieu de s'obstiner à rester dans un système stationnaire. La navette volante, qui est la grosse lettre du tissage, aura eu la plus grande peine à s'introduire dans les Flandres.
Dans les marchés les plus nombreux, vous ne sauriez pas trouver dix pièces delà même qualité. Ce qui manque aux Flandres, c'est de faire de l'industrie cumulative ; il faut en finir avec l'industrie individuelle ; il faut que des industriels fassent fabriquer en grand et donner aux toiles les proportions uniformes et catégorisées qui leur manquent. Alors vous pourrez donner de l'ouvrage à vos ouvriers ; il faut que vous numérotiez vos toiles au lieu de rester dans votre vieille routine ; vous serez dans des conditions qui pourront permettre les exportations.
M. de Haerne. - On fait tout cela !
M. Dumortier. - Aussi voyez l'avenir terrible que vous réservez à l'industrie linière. Je vous lirai un passage du rapport adressé par M. Desmaisières, le 11 mars dernier, à M. le ministre de l'intérieur sur l’emploi des fonds votés comme subside à l'industrie linière. Voici ce que dit-cet honorable membre qui est l’un des hommes qui ont déployé le plus de zèle, qui ont fait le plus d'efforts pour favoriser le développement de l'industrie linière :
« L'organisation plus régulière des comités leur permettra de consacrer au perfectionnement des métiers et des rouets le subside que, jusqu'à ce jour, ils se sont vus forcés de distribuer en secours indirects ara travailleurs. »
Ainsi des fonds que nous allouons pour perfectionner des mécaniques, on fait un subside pour les travailleurs, on fait une taxe des pauvres au profit de quelques provinces, et l'on appelle cela une industrie progressive. Sortez de la routine, alors vous pourrez lutter avec l'étranger.
Un membre. - C'est inexact.
M. Dumortier. - C'est au gouvernement que ce rapport est adressé, c'est l'expression de la vérité. Vous la cachez, tandis que vous rendriez service en la faisant connaître. La vérité, vous la connaissez comme moi, mais elle expire sur vos lèvres, vous n'osez pas la dire.
M. de Haerne. - C'était pour centraliser l'industrie, comme vous l'avez conseillé.
M. Dumortier. - Ce n'est pas centraliser l'industrie que de vendre le lin à meilleur marché que le prix d'achat et d'établir une taxe des pauvres. (Dénégation de la part de M. de Haerne.) Il n’y a qu'à lire le rapport dont je viens de citer un passage.
Ce n'est pas en voulant maintenir une industrie qui ne progresse pas que vous rendrez service au pays. Abordez franchement la difficulté, renoncer à votre taxe des pauvres ; tâchez de transformer l'industrie linière en industrie lainière qui a de l'avenir, qui peut exporter à l'étranger et qui a un débouché à l'intérieur ; c'est ainsi que vous rendrez un véritable service au pays, comme la chambre de commerce de Courtray le comprend si bien.
Messieurs, je vous ai montré que le traité est restrictif pour les toiles, ruineux pour l'industrie linière, désastreux pour le pays. Avant de terminer, je veux répondre à une objection, celle de la rupture de nos relations avec la France. On a prétendu que le rejet du traité aurait ce résultat et compromettrait, par conséquent, d'immenses intérêts, et notamment ceux relatifs aux toiles, aux fontes, à la houille. Pour moi, je vous le déclare, je ne puis rien voir de semblable dans le rejet du traité. Une rupture avec la France ! Croyez-vous donc que la France irait de gaieté de cœur faire une guerre de tarif à la Belgique, où elle exporte annuellement pour 45 millions de francs de produits manufacturés ? Comment pensez-vous qu'elle irait perdre de gaieté de cœur un pareil marché, un marché à ses portes, à dix lieues de sa capitale ?Comment pouvez-vous supposer que M. Guizot, à la veille des élections, consentît à faire à la Belgique une (page 1826) guerre de tarif ? Il sait combien un pareil acte serait impopulaire en France. Les élections lui seraient fatales ; il aurait la minorité dans la chambre. Tous les districts vinicoles, irrités de se voir frappés par la Belgique, enverraient à la chambre des députés hostiles au gouvernement.
Mais M. Guizot ne commettra pas une pareille faute, personne n'en doute, ce n'est là qu'un moyen, qu'une terreur salutaire pour nous faire voter un traité néfaste et qui n'a d'analogue que le traité conclu en 1786 entre la France et l'Angleterre, traité qui a ruiné l'industrie lainière en France au profit de l'Angleterre.
Que la crainte de la rupture de nos relations avec la France ne vous détermine donc pas à donner votre assentiment à un mauvais traité. Ayez le courage de votre opinion. Tous, vous savez, que le traité est mauvais, tous, vous savez quelle est l'importance de l'industrie lainière, ne la sacrifiez pas, ne tuez pas la poule aux œufs d'or, sans quoi le pays tout entier dirait que vous avez posé un acte fatal à l'industrie nationale. C'est dans ce but que je proposerai à la chambre un vote qui est de nature à sauver tous les intérêts.
M. Van Cutsem. - Messieurs, ce que notre honorable ancien collègue, feu M. Angillis, proclamait dans cette enceinte en 1842, lors de la discussion du traité du 26 juillet de la même année, je le dirai en 1846 à l'occasion du traité conclu le 13 décembre 1845 avec la France ; je vous déclarerai que j'ai vu ce traité avec peine, mais sans étonnement, parce qu'en général les grandes puissances, lorsqu'il s'agit de traiter avec elles, accordent aux petits Etats qui les environnent de légers avantages pour obtenir de grandes concessions ; ces traités sont ordinairement des traités de dupes pour la partie la plus faible ; c'est toujours leur intérêt bien ou mal entendu qui fait la loi suprême des grands Etats.
Est-ce à dire à présent, messieurs, que parce que la France nous donne peu, et qu'elle nous arrache d'immenses concessions pour son commerce, son industrie et son agriculture, et parce que son ministre des affaires étrangères, M. Guizot, a dit à la tribune française : que dans le traité de 1846 on nous donne moins qu'en 1842 et qu'on obtient davantage, que je vais refuser mon vote au traité que notre gouvernement a conclu avec la France ? Ce vote, je le refuserais si, en prenant une pareille détermination, je pouvais contraindre la France à traiter mon pays avec plus de bienveillance et d'équité qu'elle ne l'a fait depuis plusieurs années ; mais pouvons-nous espérer que le gouvernement français se laissera faire la loi par la Belgique ? Pouvons-nous croire qu'en face d'une mesure extrême, telle que le refus de la ratification d'un traité conclu avec lui, il nous fera des avantages qu'il ne nous aurait pas concédés avant cet acte ? Ne devons-nous pas plutôt avoir la conviction que, loin de céder, il pourrait recourir à de nouveaux moyens encore pour frapper d'autres de nos industries, telles que les fers et les houilles, qui trouvent actuellement d'abondants débouchés en France ? Ne devons-nous pas le redouter d'autant plus que le ministre des affaires étrangères en France a dit à la chambre que les négociateurs belges avaient adopté le traité parce qu'ils avaient senti que, dans l'état actuel des relations de la France et de la Belgique, ce n'était pas seulement l'industrie linière belge qui était en question, mais encore ses houilles et ses fers.
Si le refus de ratifier le traité conclu avec la France peut avoir ces conséquences pour la Belgique, nous est-il bien permis à nous, de mettre le pays dans une pareille position, en admettant même que nous pourrions rendre à la France mal pour mal, en doublant, en triplant les droits sur les vins et les soieries, cotons et autres de ses produits ? Pouvons-nous provoquer de pareils résultats, alors qu'il nous incombe avant tout, en notre qualité de législateurs, ainsi que le disait encore dernièrement au parlement britannique le grand ministre anglais Robert Peel, de soigner pour la subsistance du peuple ?
Nous nous préoccupons chaque jour et avec raison de la situation de nos classes ouvrières, dont l'existence précaire et misérable devient permanente et de jour en jour plus dangereuse pour la société.et ce serait dans une position aussi difficile que l'on pourrait songer à courir les risques d'une guerre de représailles douanières, comme le veulent les adversaires de la ratification du traité ! Cela n'est pas possible. Soyons plus prudents, messieurs, acceptons le traité conclu avec la France, comme une nécessité du moment, considérons-le comme un acte qui nous accorde le bénéfice du temps, avec lequel nous pourrons remplacer notre débouché avec la France par d'autres débouchés, ou qui nous permettra, par la force des choses, de conclure plus tard avec cette même France, après ce traité restreint, un traité à larges bases et peut-être même une union douanière, quelque difficile qu'elle paraisse être dans le moment actuel d'après les négociations dont on nous a communiqué le résultat en comité général.
Le temps pourra nous être favorable, parce que nous ne sommes plus vis-à-vis de la France dans la position dans laquelle nous étions ci-devant ; il y a quelques mois, le marché français semblait échapper à notre industrie linière, mais nous n'avions pas alors les railways entre les deux pays, ils sont terminés aujourd'hui, et nous devons espérer, comme le disait, il y a peu de jours, un organe semi-officiel de la presse française, que l'union douanière franco-belge est bien près de s'accomplir par cet événement, et si nous avons cet espoir, pourquoi nous brouillerions-nous avec la France dans un moment pareil ?
Il est fâcheux, il est déplorable, que nous ne puissions attendre un meilleur avenir pour notre industrie linière et pour plusieurs autres branches de notre richesse nationale, que nous ne puissions conserver les avantages que la France fait à nos fers et à nos houilles qu'en faisant des réductions de droits en faveur de produits français qui viendront faire concurrence à nos fabricats sur nos propres marchés. Toutefois ne nous exagérons pas cette concurrence que le traité rend possible ; elle sera moins dangereuse qu'on ne le dit, puisqu'il y aura encore une protection pour nos produits huniers, minime il est vrai, à en juger par certains documents qui nous ont été remis, mais qui au fond sera suffisante, puisque la France n'ose laisser entrer chez elle les mêmes produits belges à un droit quelconque et qu'elle les prohibes, tellement elle redoute de trouver nos produits à côté des siens sur ses propres marchés.
La faveur que nous faisons aux produits lainiers français en renonçant aux taxes extraordinaires qu'ils avaient à payer depuis 1843, ne nous fera pas autant de tort qu'on semble le craindre, et on en sera convaincu, quand on portera un instant les yeux sur ce qui s'est passé depuis 1843 ; en effet, les étoffes de laine françaises, malgré l'ordonnance qui impose une partie de ces tissus, ont vu également s'accroître leur importation chez nous, uniquement parce que l'ordonnance dont il s'agit a atteint avec plus de sûreté les tissus anglais que les français : la France a importé en Belgique en 1842, pour 4,500,285 fr., en 1843 et en 1844 environ 7 millions de tissus de laine chaque année.
Je déplore encore qu'en accordant à la France pour ses produits lainiers des avantages qu'elle n'avait pas dans le traité de 1842, qu'en augmentant de 5 p. c. le déchet sur le sel, notre industrie linière soit moins bien traitée dans le pacte de 1846 que dans celui de 1842.
Dans le traité de 1842, la France ne pouvait réduire les droits sur les toiles et fils de lin importés chez elle par d'autres nations qu'en accordant une réduction supplémentaire aux toiles belges ; par le traité de 1846, elle peut accorder aux autres nations les avantages qu'elle fait à la Belgique sans compensation aucune pour celle-ci. Cette liberté d'action qu'à la France peut devenir fâcheuse pour la Belgique ; en effet, si la France voulait profiter des tendances de l'Angleterre et de l'Allemagne vers la liberté commerciale, elle aurait la faculté de les admettre à l'exploitation de son marché aux mêmes conditions que la Belgique pour se créer par là de nouveaux débouchés pour ses vins et ses soieries. Si les négociateurs du traité avaient pensé aux conséquences de cette nouvelle position qui nous est faite par le traité, ils auraient dû au moins stipuler que la Belgique aurait le droit de dénoncer la convention, si la France jugeait convenable d'en étendre le bienfait à d'autres nations.
Nous devons encore, en engageant le gouvernement à ne plus la laisser stipuler dans aucun traité futur, critiquer cette clause de la convention qui a pour but de limiter les quantités de fils et de toiles à introduire en France, parce que cette condition est digne de la barbarie industrielle et commerciale du moyen âge, et qu'on ne peut rien imaginer de plus anti-commercial. En effet, il y aura une époque de l'année où l'entrée des toiles et des fils belges sera permise et légale, et une époque indéterminée, et qui arrivera toujours inopinément pour une partie du commerce, où cette entrée sera de contrebande et punissable par la loi, parce qu'il n'est pas possible d'admettre que le commerce se résoudra à payer des droits différents sur la même marchandise. Si le commerce suit sa marche ordinaire, et s'il demande ses approvisionnements au fur et à mesure de ses besoins, le négociant dont les besoins auront été tardifs fera ses demandes en Belgique, lorsque déjà peut-être l'entrée des toiles ne sera plus permise qu'au droit le plus élevé ; si, au contraire, le commerce, dans la crainte que lui inspire cette limite, expédie ses ordres en masse dès le début de l'année, et s'ils surpassent le chiffre des importations permises, il pourra alors arriver à l'importateur qui se présentera à la douane, une heure, une minute après que le chiffre fatal sera atteint, d'être privé pendant une année entière d'une marchandise dont ses concurrents seront approvisionnés à plus bas prix qu'il ne pourra les obtenir.
Ces clauses onéreuses du traité ne sont pas compensées par des avantages bien remarquables ; cependant je dois convenir que si les types n'ont été arrêtés que dans l'intérêt des importations en France des toiles belges, ainsi que les notes qui doivent être considérées comme faisant partie de la convention le déclarent de la manière la plus formelle, et que si on exécute franchement et loyalement la mesure proposée pour la vérification des tissus admissibles au droit réduit, notre commerce de toiles pourra voir augmenter le chiffre de ses importations en France.
Me résumant, messieurs, je déclare que j'accepte le traité conclu avec la France, quoiqu'il renferme plusieurs clauses que je désapprouve, parce qu'il en contient d'autres qui nous donnent certains avantages, parce que je n'oserais, en face des besoins de la classe ouvrière des Flandres, priver ces malheureux d'un débouché de leurs produits qui s'élève encore à douze millions de francs par an, sans l'avoir remplacé par des débouchés nouveaux ; parce que je ne veux pas enlever aux ouvriers occupés au fer et à l'extraction des charbons leurs moyens d'existence ; parce que, si nous devons perdre le débouché que nous trouvons en France pour notre industrie linière, je préfère que cette perte se fasse insensiblement, et enfin parce que la nouvelle position que donnent à la France et à la Belgique les voies ferrées qui sont complètes à présent, me fait espérer dans l'avenir, sinon une union douanière immédiate entre les deux pays, au moins un traité de commerce à conclure sur de larges bases.
M. le président. - La proposition suivante vient d'être déposée par M. Dumortier :
« Je propose d'admettre comme modification de tarifs toutes les dispositions de la convention, excepté celles relatives à la laine, et de négocier de nouveau avec le gouvernement français de manière à ne pas comprendre l'industrie lainière dans le traité. »
M. Dumortier. - Je ferai remarquer à la chambre que déjà M. David a signalé ce fait qu'en France les chambres n'ont pas donné (page 1827) leur assentiment au traité. On s'est borné à adopter une loi modificative du tarif des douanes. Je proposée la chambre de faire de même ; de modifier notre tarif des douanes pour montrer notre bon vouloir, et de négocier pour le surplus afin de ne pas sacrifier cette grande industrie de la laine dont j'ai pris la défense.
- La séance est levée à 4 heures et demie.