(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1414) M. de Villegas fait l'appel nominal à une heure et quart.
M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les membres de l'administration communale de Peteghem (arrondissement de Gand) demandent la construction dis canal projeté de Deynze à Schipdonck. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce canal.
« Les administrations communales d'Herenthals, Thielen, Lichtaert, Oolen, Oeven, Norderwyck et Markhoven prient la chambre d'accorder à la compagnie Désossés la concession du chemin de fer qu'el'e a projeté dans le but de relier l'Escaut au Rhin à Düsseldorf. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Henot dépose différents rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports.
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M. le président. - La discussion continue sur l'ensemble du chapitre XII. Agriculture.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Osy ; je pense comme lui que nous devons porter le plus grand intérêt envers les consommateurs, particulièrement en ce qui concerne les denrées alimentaires. Si nous sommes d'accord sur le fond, je regrette de ne pas l'être sur les moyens.
Je ne voudrais pas lever la prohibition de la sortie des grains, avant de connaître si la récolte pendante tant en céréales qu'en pommes de terre sera abondante. Pour ce motif, je crois qu'on pourrait prolonger la loi de septembre dernier jusqu'au 1er août 1846, mais non, comme le demande l'honorable M. Osy, jusqu'au 1er janvier 1847.
Quant à l'entrée des grains étrangers, on pourrait rentrer, sans le moindre inconvénient, sous l'empire de la loi de 1834. Le prix du froment ne descendra pas au-dessous de 20 fr. l'hectolitre avant la récolte. Au surplus, les spéculateurs (je n'ose pas dire le commerce) connaissent les moyens de faire hausser et baisser le prix des grains à volonté.
lis nous en ont administré la preuve, il n'y a pas si longtemps pour que nous l'ayons oublié.
Je ne puis consentir, dans ce moment, comme le demande M. Osy, à frapper d'un'droit de 3 fr. le riz, aliment qui remplace la pomme de terre.
Si ce tubercule était abondant, je consentirais à cette mesure en faveur du commerce qui a de nombreux approvisionnements de cette céréale, et qui comptait gagner 30 à 40 p. c. sur cet aliment, tandis que, par suite de nouveau arrivages, le bénéfice présumé pourrait bien être réduit de 10 à 15 p. c.
En agissant ainsi, je donnerais la preuve de ma sympathie pour le commerce, sympathie que l'on conteste.
L'honorable M. Osy nous a dit que l'approvisionnement d'Anvers était d'environ 60 mille hectolitres de froment, et que 15 mille étaient consommés journalièrement en Belgique ; de manière que la provision ne serait que pour la consommation de 5 jours, et cet honorable membre nous a dit qu'il y avait peu d'approvisionnements dans les autres villes.
De manière que si les renseignements de l'honorable député d'Anvers étaient exacts, loin de demander la liberté d'exporter des céréales, soucieux comme il l'est des intérêts du consommateur, il devrait proposer des dispositions contraires à celles qu'il nous soumet.
Ce n'est donc pas dans l'intérêt du consommateur que cette disposition législative agirait, mais bien dans l'intérêt du commerce qui a l'espoir que, par le retrait de la loi sur les céréales en Angleterre, le prix du blé serait plus cher dans ce royaume qu'en Belgique et que nos approvisionnements pourraient y être placés à plus haut prix ; ce qui ne serait certes pas à l'avantage du contribuable mais bien dans l'intérêt du commerce qui possède l'approvisionnement du pays pour la plus grande partie en céréales et cela au détriment du consommateur.
Si quelque chose doit contrarier les défenseurs du commerce, c'est de voir donner un démenti formel a leurs prévisions.
Les lois protectrices des céréales sont de nature, selon eux, à occasionner le renchérissement des grains. Ces lois sont des lois de famine, nous ont-ils dit. Je demanderai à mes honorables adversaires si les lois protectrices françaises ont occasionné la famine en France.
C'est à ces lois protectrices qu'on doit l'avantage de manger le pain à raison de 15 centimes le kilogramme de moins qu'on ne le mange en Belgique.
Qu'on me dise comment il se fait qu'en Angleterre, où les lois protectrices sont d'une exagération ridicule, ou obtient le blé à meilleur marché qu'en Belgique.
Répondez, messieurs, les défenseurs du commerce, à ces faits !
Dans la crainte de n'obtenir aucune réponse, je vais vous donner mon opinion sur cette différence.
Les lois protectrices gênent la spéculation, et pour ce motif les spéculateurs ne peuvent jouer à la hausse et à la baisse sur les marchés de grains, comme les financiers jouent à la Bourse. Par des lois protectrices on donne une influence morale aux producteurs qui, ayant la garantie que l'étranger ne viendra pas concourir sur nos marchés avec eux, font les dépenses nécessaires pour produire davantage, et on le sait, l'abondance fait le bon marché.
C'est ainsi que la loi des céréales en France a stimulé le zèle de la production, et que ce royaume aujourd'hui produit, à peu de chose près, la quantité de céréales nécessaire à sa consommation.
A l'appui de mon opinion je vais vous citer un autre exemple.
Avant la loi protectrice de l'industrie houillère, le pays ne produisait pas en quantité suffisante la houille nécessaire à ses besoins ; l'Angleterre approvisionnait trois provinces belges, les Flandres et Anvers.
Depuis la loi qui frappe les houilles d'un droit qui doit être considéré comme une prohibition, la Belgique produit la houille en quantité suffisante et au-delà de ses besoins, et cependant on peut considérer que la consommation est doublée.
M. le président. - M. Eloy de Burdinne, il est impossible qu'on ne touche pas cette matière à l'occasion du chapitre de l'agriculture ; mais sous peu de jours la chambre sera saisie d'un projet de loi relatif à l'entrée des céréales, et alors la question sera traitée à fond je dois donc vous engager à restreindre maintenant autant que possible vos observations à cet égard.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne serais pas entré dans cette question si l'honorable M. Osy n'avait présenté hier des observations qu'il m'a été impossible de laisser passer sans réponse. Remarquez, messieurs, que les arguments que M. Osy a fait valoir hier sont de nature à faire craindre au pays de manquer de nourriture ; ils sont de nature aussi à faire croire à quelques cultivateurs qui sont encore détenteurs de grains, que les céréales vont atteindre un prix exorbitant, et conséquemment à les engager à conserver leurs approvisionnements.
Du reste, j'abrégerai mon discours autant que possible, car, ainsi que le dit M. le président, nous aurons bientôt l'occasion de revenir sur cette question.
L'honorable M. Osy, toujours (j'aime à le croire) dans l'intérêt du consommateur et sûrement en vue de procurer du pain à bon marché, propose de frapper d'un droit les farines à l'entrée, et cela en faveur du consommateur.
Je regrette vivement de ne pouvoir partager l'opinion de notre honorable collègue d'Anvers.
Messieurs, quand on a besoin des produits étrangers, on doit en favoriser l'arrivage bien loin de l'entraver ; il en est autrement lorsqu'on a encombrement.
M. Osy vous a signalé que le prix des céréales était en hausse.
C'est l'effet de la spéculation.
La grande partie des approvisionnements sont dans les mains du commerce qui dirige les prix.
C'est ce qui arrive tous les ans. Voyez la statistique en 1842 : le producteur a vendu à 16 et 17 fr. l'hectolitre. Le commerce a vendu de 20 à 25 francs.
Nous manquons d'approvisionnements, dit M. Osy. Dans l'intérêt du consommateur (sûrement), nous devons lever la prohibition à la sortie votée en septembre dernier.
Curieux de connaître jusqu'à quel point nous manquons d'approvisionnements, je me suis livre à quelques recherches, et je trouve les chiffres des entrées en céréales, depuis le 10 mai jusqu'au 16 même mois. (Voir « La Trompette ».)
M. Osy est sûrement rassuré et il reconnaîtra avec moi, que si Anvers n'est pas approvisionné, d'autres villes du royaume le sont sans préjudice à l'approvisionnement chez nos fermiers à qui on voudrait peut-être faire croire qu'ils sont intéressés à ne pas vendre leurs récoltes immédiatement. Voilà une espièglerie commerciale !
M. Osy. - Je me conformerai aux intentions de M. le président, en m'abstenant autant que possible de prolonger cette discussion. Je reconnais qu'elle ne se rattache pas directement au budget de l'intérieur, bien qu'il soit d'usage de traiter, à l'occasion d'un budget, toutes les questions qui concernent le département dont il s'agit. Quoi qu'il en soit, je me bornerai à répondre quelques mots aux observations présentées hier par M. le ministre des finances.
Dans la séance d'hier, M. le ministre des finances nous a dit que c'est seulement au mois d'août, lorsque le manque de la récolte des pommes de (page 1415) terre a été connu, que le gouvernement a refusé de sanctionner la loi relative aux céréales ; mais, messieurs, n'oublions pas que la loi a été votée au mois de mai ; c'est donc pendant trois mois que le gouvernement a laissé le pays dans l'indécision.
Le gouvernement a reçu à cette époque, de toutes les parties du pays, l'invitation de ne pas sanctionner la loi dont il s'agit ; il a reçu cette invitation par la presse et par les propositions des corps constitués. Eh bien, messieurs, je fais un grief à l'ancienne administration d'avoir laissé aussi longtemps le pays dans l'incertitude sur une pareille question et je rends grâce à M. le ministre de l'intérieur de 1845, à l'honorable M. Van de Weyer, d'avoir tranché, dès son entrée aux affaires, cette question à laquelle le pays attachait la plus grande importance.
Je ne reviendrai pas sur la nécessité de proroger la loi du mois de septembre dernier : M. le ministre de l'intérieur nous a dit hier qu'il espérait recevoir au premier jour des renseignements sur ce point et qu'il nous présenterait alors un projet de loi.
M. le ministre des finances a dit hier qu'au mois de septembre de l'année dernière j'avais exprimé l'opinion que si l'on n'accordait pas la libre sortie, on n'obtiendrait pas d'importations ; M. le ministre des finances est dans l’erreur : J'ai exprimé des craintes sur le défaut d'importations suffisantes, mais c'est lorsque j'ai proposé de permettre la libre entrée jusqu'au mois d'octobre ou, au moins, jusqu'au premier septembre.
J'ai dit alors que si le commerce n'était pas rassuré sur les vues de la législature, les arrivages pourraient se restreindre.
L'honorable M. Eloy de Burdinne a critiqué ce que j'ai dit hier, concernant la sortie des grains. Je ferai d'abord observer que le commerce n'est guère intéressé dans la question, puisque les grains en entrepôt peuvent toujours sortir. Pourquoi me suis-je opposé, au mois de septembre dernier, à la prohibition de la sortie ? (erratum inséré à la page 1140 : ) Nos cultivateurs des Flandres et du Hainaut et autres provinces pourraient exporter vers la France, l'Angleterre ou l'Allemagne et se remplacer avec avantage par les arrivages de la Baltique, des Etats-Unis et de la Mer Noire.
Mon observation était d'ailleurs tout à fait dans l'intérêt des consommateurs, car avec la libre entrée et la libre sortie vous pouvez être certains que le pays ne manquera jamais de céréales.
Pourquoi, messieurs, malgré la prohibition de la sortie, avons-nous reçu de grandes quantités de céréales ? Cela est dû à des circonstances extraordinaires ; ainsi des quantités considérables de céréales destinées à l'Angleterre sont arrivées chez nous à cause de la forte baisse que le bill de sir Robert Peel devait produire dans ce pays, parce que ce bill a causé en Angleterre une véritable révolution. Je suis bien certain que si ces circonstances exceptionnelles ne s'étaient pas présentées, le prix des grains en Belgique aurait été bien plus élevé encore qu'il ne l'est aujourd'hui.
J'ai demandé, messieurs, un droit sur le riz, non pas le droit actuel, qui est beaucoup trop élevé, mais un droit égal au tiers ou au quart du droit actuel. J'ai fait cette demande, parce que le riz est consommé par les classes moyennes, par les classes aisées, et qu'il se trouve aujourd'hui à un prix normal. Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir également examiner cette question.
L'honorable M. Eloy de Burdinne a critiqué ce que j'ai dit des farines mais, messieurs, les farines ont toujours été frappées d'un droit de 15 fr. par 100 kilog., c'est-à-dire, de 50 p. c. Ce droit est véritablement prohibitif. Je ne veux pas le maintien d'un semblable droit. Je ne demande pas non plus le maintien de la libre entrée, car nous avons la preuve que nos moulins à vapeur peuvent fournir toute la farine dont nous avons besoin, mais je voudrais qu'on fixât un droit tel qu'il ne dépassât pas ce qui est nécessaire pour donner une protection raisonnable à l'industrie indigène, par exemple 5 fr. au lieu de 15 fr., comme le droit actuel.
Je n'en dirai pas davantage, messieurs, sur ces questions, que nous aurons à examiner bientôt à l'occasion du projet de loi dont nous serons saisis. Je ferai seulement observer que l'année prochaine il sera nécessaire de réformer la loi de 1834. En présence de la nouvelle législation anglaise, il est impossible que nous puissions rester sous l'empire de la loi de 1834. Il faudra que nous adoptions le système d'un droit fixe. Je crois que c'est là véritablement ce qu'exige l'intérêt du pays et j'engage beaucoup M. le ministre de l'intérieur à nous présenter un projet dans ce sens au commencement de la session prochaine.
M. de La Coste. - L'honorable M. Osy a senti lui-même qu'il fallait abandonner la revue rétrospective qu'il avait entamée hier relativement à une décision prise par la chambre pour les céréales, dans des circonstances différentes de celles où nous nous trouvons ; je m'abstiendrai donc également de m'étendre sur ce sujet. Dans une localité qui, comme Anvers, se livre au commerce des grains, cette résolution de la chambre a été considérée comme une transaction acceptable et elle y a obtenu l'adhésion de la chambre de commerce, de l'administration municipale et de tous les organes de l'opinion publique. Mais je le répète, il est inutile, en ce moment, d'entrer plus avant dans cette question.
Je reviendrai sur l'une de celles que l'honorable M. Lejeune a traitées, c'est-à-dire sur la question du fonds d'agriculture, mais je me bornerai aussi à présenter à cet égard une seule observation. Je suis d'accord avec l'honorable M. Lejeune (et je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien fixer son attention sur ce point), je suis, dis-je, d'accord avec l'honorable M. Lejeune que le système actuel n'atteint pas son but.
Ce que le gouvernement accorde, savoir la valeur du tiers du bétail abattu, est une espèce de consolation pour celui qui est réduit à faire abattre une pièce de bétail. Mais quel est le but véritable de la loi ? C'est d'arrêter les maladies qui attaquent le bétail. Eh bien, ce but n'est pas atteint, et pour me servir d'une expression triviale, nous jetons notre argent. En effet, comment peut-on penser que le propriétaire d'un cheval atteint d'une maladie farcineuse, aussi longtemps qu'il peut encore en tirer parti, soit par lui-même, soit en le passant à quelque dupe ; ou le propriétaire d'une vache, d'un bœuf, atteint d'une maladie épizootique, aussi longtemps qu'il peut espérer de s'en défaire, ira réclamer une indemnité du tiers de la valeur ? Il ne le fait qu'en désespoir de cause, quand il a épuisé tous les moyens de tirer parti de l'animal atteint ; en attendant, celui-ci répand partout les germes de la maladie qui se propage de proche en proche ; c'est à cela qu'il faut porter remède. Il ne s'agit pas tant de donner une indemnité à celui qui perd une pièce de bétail, que d'arrêter la maladie. J'engagerai donc M. le ministre de l'intérieur à ne pas abandonner l'enquête qui a été commencée par l'honorable M. Nothomb et qui jusqu'ici n'a donné d'autres résultats que de révéler une grande divergence d'opinions.
Je pense avec d'honorables préopinants qu'il faudra prolonger la suspension de la loi des céréales. Quant au terme de cette nouvelle suspension, c'est un point qui devra être discuté, lorsque le gouvernement nous présentera un projet de loi. Mais je puisse déjà d'avance m'expliquer sur deux objets.
Je partage l'opinion de l'honorable M. Eloy de Burdinne, quant au riz. Il me paraîtrait extraordinaire de permettre, franche de droit, l'entrée du froment et du seigle qui fait concurrence à la production nationale, et de taxer un produit étranger qui n'a point de similaire indigène ; mais je ne suis pas d'accord avec l'honorable M. Eloy de Burdinne, quant aux farines ; car là un travail national est en cause ; comme les farines ne sont pas d'un plus grand volume, ni d'un transport plus difficile que les grains, si l'on laisse l'entrée des farines entièrement libre, on nous importera les céréales de préférence sous la forme de farine, et dès lors la partie du travail national qui s'applique à la mouture sera perdue pour nous. Puisque toute notre organisation douanière constitue un système protecteur, je ne vois pas pourquoi, sans une grave nécessité, nous retirerions aux meuniers la protection que la loi a voulu leur accorder. Quant au montant du droit, c'est un point, qui sera à examiner par le gouvernement, lorsqu'il préparera la loi, et par nous, lorsque la loi nous sera présentée.
Le point, concernant la prohibition à la sortie, me paraît sujet à beaucoup de controverse, quand on le considère sous le rapport de l'économie politique ; mais il est un autre point de vue qui est très important : c'est celui de l'ordre public. Lorsque les céréales sont fort rares, lorsque les alarmes se répandent, la prohibition présente un certain avantage sous ce rapport. On a vu en France la sortie des céréales donner lieu à des désordres ; chez nous, cela n'a pas lieu ; le peuple n'a mis aucun obstacle au mouvement des céréales, parce qu'il ne se persuadait point qu'on voulait les enlever à sa subsistance. Sous ce rapport, je pense que la prohibition peut quelquefois être utile.
Je ne dirai pas ce que nous devons faire de la loi des céréales dans la session prochaine ; c'est bien assez que nous nous occupions des objets qui doivent être terminés dans la présente session.
En général, la grande difficulté de la législation des céréales, c'est qu'on est toujours vis-à-vis de l'inconnu ; on se pose dans une situation, et à peine la loi a-t-elle paru que la situation est changée : c'est ce qui nous est arrivé l'année dernière, c'est ce qui arrive presque toujours aux législatures. Eh bien, nous sommes maintenant plus que jamais vis-à-vis de l'inconnu. La nouvelle législation anglaise sera un fait dont nous aurons à tenir grand compte. Il faut donc réserver noire opinion et examiner les faits qui se produiront. La tâche de l'homme d'Etat est surtout d'étudier les faits et de fonder là-dessus ses propositions. Cela est plus utile que de récriminer sur le passé ; le passé appartient trop souvent aux rancunes ; l'avenir appartient au pays.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, on a demandé l'opinion du gouvernement, relativement au fonds d'agriculture ; je suis dans l'intention d'achever l'instruction qui a été commencée par l'honorable M. Nothomb. Quelques conseils provinciaux se sont réservé de délibérer sur cette question à la session prochaine ; nous attendrons le résultat de ces délibérations, avant de soumettre des propositions à la chambre.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je sais gré à l'honorable M. Osy de m'avoir rappelé ce qui m'était échappé dans mon discours ; il vous a fait remarquer que le grain en entrepôt était toujours libre de sortir.
Eh bien, j'appellerai l’attention du gouvernement sur les grains en entrepôt ; et je le prierai, pour le cas où, comme certaines personnes le craignent, les pommes de terre viendraient à manquer, je le prierai, dis-je, de proposer immédiatement à la chambre une disposition, pour que les grains en entrepôt ne puissent pas en sortir. (Interruption.) Oui, messieurs, dans ce cas, le salut du peuple doit être la suprême loi. Si nous étions menacés d'une disette, je voudrais que le grain, qui est dans le pays, ne pût pas en sortir. (Nouvelle interruption.) C'est mon opinion ; chacun la sienne.
Je suis assez de l'avis de l'honorable M. Osy, que le riz est la nourriture de la classe moyenne en temps ordinaire. Mais, lorsque les pommes de terre manquent, le riz est la nourriture du pauvre, et, par ce motif, je m'opposerai à ce qu'on le frappe d'un impôt.
Quant aux farines, je persiste dans mon opinion. Mais, si les prévisions de l’honorable M. Osy sont exactes, si les approvisionnements du pays ne sont pas suffisants, je consentirai à la libre entrée, non seulement des grains, mais encore de tout ce qui peut devenir la matière de la nourriture de la nation et particulièrement des classes les moins aisées.
Mais, nous dit encore l'honorable M. Osy, n'entravez pas le commerce ; (page 1416) laissez-le libre de sortir avec du grain, et soyez sûrs qu'il vous en importera.
Le commerce exporte notre bon grain, et il nous introduit du grain a demi consommé, ou, si vous me le permettez, à demi-pourri. (Bruit.)
Messieurs, vous êtes étonnés de ce que je viens de dire ; ce fait, je le tiens de l'honorabe M. Osy ; cet honorable membre m'a appris, il y a quelques années, qu'on importait en Belgique une masse de grains qu'on vendait à 12 francs, tandis que nos bons grains valaient 20 francs...
M. Osy. - Je ne vous ai rien dit de tout cela.
M. Eloy de Burdinne. - Pardon, vous me l'avez dit ; vous vous en repentez peut-être aujourd'hui.
Je conviens avec l'honorable M. 0sy que le droit gradué doit sourire à la spéculation. Le spéculateur ne peut pas toujours agir sur le marché avec le droit gradué comme avec le droit fixe. Je crois, pour ma part, que le droit gradué doit être admis par toute nation qui entend bien ses intérêts ; en effet nous n'avons pas seulement à veiller aux intérêts du producteur, ; mais nous avons encore à soigner ceux du consommateur. C'est pourquoi nous devons avoir un droit gradué, tant à l'entrée qu'à la sortie.
M. Osy (pour un fait personnel). - L'honorable M. Eloy de Burdinne prétend que je lui aurais déclaré dans le temps que le grain importé en Belgique par le commerce était, pour ne pas répéter l'expression de l'honorable membre, très mauvais. Je n'ai rien dit de semblable. Il y a deux ans, lorsque nous étions en section centrale pour la loi des céréales, j'ai dit que les froments qui nous viennent de la mer Noire et de l'Egypte valent deux à trois francs de moins que les nôtres, parce qu'ils n'ont pas la même qualité et le même poids.
L'honorable M. Eloy de Burdinne a mis en avant l'idée de défendre, le cas échéant, la sortie des grains des entrepôts. Voilà une idée inconcevable. Je suis étonné que M. le minière des finances n'ait pas pris la parole immédiatement pour combattre une telle hérésie commerciale. La réalisation de cette idée serait un bon moyen de vous amener la famine. Quand on ne pourra plus exporter par entrepôt, on ne vous importera plus rien. Si le commerce n'a pas la liberté qui lui est nécessaire, il restera inactif, et comment dès lors pouvez-vous subsister ? Il n'y aurait plus d'importations et il est bien prouvé que nos récoltes ne suffisent pas à nos besoins. Je ne comprends réellement pas le système de l'honorable M. Eloy de Burdinne ; ce système qui proscrit les entrepôts, nous ferait rétrograder au moins de trois siècles et vous annuleriez toutes les facilités introduites pour faciliter les échanges entre toutes les nations.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je n'ai pas répondu à l'honorable M. Eloy de Burdinne par la même raison qui m'a empêché de répondre tout à l'heure à l'honorable M. Osy ; ces deux honorables membres agitent la question des céréales que vous avez traitée l'année dernière et que vous traiterez encore dans peu de jours. J'ai cru inutile d'entrer dans ce débat, qui est réellement étranger au budget. D'ailleurs, l'opinion de l'honorable M. Eloy de Burdinne relative aux entrepôts a été discutée au mois de septembre dernier ; j'y ai répondu alors.
M. Rogier. - Je pense que MM. les ministres sont bien pénétrés de l'urgence qu'il y a de présenter le projet de loi, ayant pour objet de proroger la loi votée au mois de septembre dernier. La loi expire dans quelques jours ; il importe, pour toute espèce de relations, qu'on sache si la législation ancienne, qui est momentanément suspendue, reprendra oui ou non force ou vigueur, après le premier juin.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j'ai annoncé hier que trois provinces sont en retard d'adresser leur rapport ; je me trompais ; le nombre de ces corps qui sont en retard est de quatre.
M. Rogier. - Ce n'est pas une raison.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je vous demande pardon, c'est une matière assez grave, pour qu'on examine dans quelles limites il y a lieu de proposer la prorogation de la loi de septembre dernier.
D’ailleurs, ainsi que je l'ai fait remarquer, l'importation des céréales est libre de tout droit et le sera encore longtemps d'après les prix auxquels elles se maintiennent. |
M. Rogier. - Et pour les autres denrées ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Pour les autre denrées il y a moins d'urgence que pour les céréales ; les riz sont à très bas prix ; c'est la principale substance alimentaire après les céréales ; il en est de même des haricots et des pois, il ne peut donc y avoir de sujet d'alarme. Le gouvernement ne négligera pas cet objet, mais il faut qu'on procède régulièrement, c'est le moyen d'avancer vite. Aussitôt que tous les renseignements demandés seront parvenus au gouvernement une proposition sera faite à la chambre.
M. Rogier. - Il ne fallait pas s'y prendre si tard ; il y aura de très grands inconvénients si, au premier juin, l'ancienne législation doit reprendre sa force, sauf à modifier encore la législation quelques jours après. Si le gouvernement s'était plus hâté, il aurait obtenu à temps les avis des chambres de commerce et des autorités provinciales ; au reste, dans une question semblable, le gouvernement doit avoir une opinion indépendamment des avis des chambres de commerce.
M. de Breyne. - Messieurs, dans le rapport de l'honorable M. Orban, nous voyons que M. le ministre de l'intérieur, répondant aux désirs témoignés par deux sections a communiqué à la section centrale le résumé des avis des conseils provinciaux sur l’établissement d'un fonds provincial d'agriculture destiné à payer un deuxième tiers aux propriétaires de chevaux et de bestiaux abattus pour cause de maladie contagieuse.
Dans la Flandre occidentale, où le nourrissage du bétail forme une des principales branches de l'industrie agricole, l'on a, depuis longtemps, senti le besoin de venir au secours de l'agriculteur menacé dans sa fortune par toute maladie contagieuse, et un fonds d'agriculture y rend depuis plusieurs année des services réels.
Messieurs, la pneumonie pulmonaire a longtemps sévi dans la Flandre occidentale, et il faut avoir été témoin des ravages que cause ce terrible fléau, pour pouvoir juger de ses moyens de destruction et de l'immensité de la perte qu'il fait subir à l'agriculture. Depuis plus de 12 ans cette maladie règne dans le pays, et pour comble de malheur, la science n'est pas parvenue à lui opposer un remède héroïque et efficace.
J'ai vu sévir la pneumonie pulmonaire sur l'unique vache qui faisait la seule ressource du petit cultivateur, et sur le troupeau nombreux qui faisait la gloire et l'espérance du grand fermier.
Je pourrais citer des cultivateurs qui, dans une seule saison, ont perdu des bestiaux pour plus de quatre mille francs. Vous jugerez par là combien une maladie aussi terrible doit être dangereuse pour toute contrée agricole.
Les circonstances qui ont contribué à l'établissement du fonds d'agriculture dans la Flandre occidentale peuvent se reproduire ailleurs ; et, pour ces motifs, je crois devoir insister auprès du gouvernement, afin qu'il engage les conseils provinciaux à prendre une mesure qui produit les résultats les plus favorables à l'agriculture dans une de nos provinces.
Messieurs, l'état de récapitulation des pertes de bestiaux de 1840 à 1844, produit par la gouvernement, ne doit être envisagé que comme une donnée approximative. Car, d'un côté, une foule de formalités gênantes, certaines défiances et le retard apporté dans le payement et, d'un autre côté, le secret que garde soigneusement tout fermier dont le troupeau est attaqué, ont été cause que bien des personnes n'ont pu profiter de l'indemnité offerte par l'Etat. Aujourd'hui, je dois le dire, les formalités sont simplifiées, le fermier reprend confiance et le fonds d'agriculture remplira bientôt complétement le but pour lequel il a été institué.
Il reste cependant une amélioration à faire quant à l'époque du payement de l'indemnité. Pour venir efficacement en aide à l'agriculteur, il faut que l'indemnité suive immédiatement la perte, c'est-à-dire que le cultivateur soit mis à même de rétablir sa perte dans le plus bref délai possible. Cela a-t-il lieu aujourd'hui ? Aucunement. Nous voyons tous les jours des pétitions présentées à la chambre, pour réclamer l'indemnité due par l'Etat pour des bestiaux abattus depuis plus d'un an.
Dans une autre enceinte, messieurs, j'ai eu l'occasion d'élever ma voix pour réclamer l'exécution de cette mesure, et le conseil provincial de la Flandre occidentale a fait droit à ma réclamation. Depuis cette époque, la province paye, sans le moindre retard, la part qui lui incombe dans l'indemnité des bestiaux abattus pour cause de maladie contagieuse. Je désire que le gouvernement suive la même voie.
La réclamation que j'ai l'honneur de faire intéresse surtout la petite culture. Un ouvrier ou petit fermier, n'a ordinairement qu'une, ou tout au plus, deux vaches ; il les perd par suite d'une maladie contagieuse et il réclame l'indemnité ; au bout de deux mois la province lui donne le tiers de la valeur estimative ; et, ce tiers ne suffisant pas pour remplacer le bétail perdu, il doit attendre la part de l'Etat.
Mais l'Etat, qui n'est pas aussi diligent que la province, ne paye qu'au bout de douze à treize mois ; et, en attendant, le malheureux, qui ne retire plus aucun produit des vaches qu'il a dû faire abattre, mange l'indemnité de la province, et enfin lorsque le mandat de l'Etat lui arrive il est destiné à payer des dettes que ce retard lui a fait contracter, et par suite le voilà dans un état de gêne qui doit le conduire infailliblement à sa ruine.
Je prie M. le ministre de prendre ces observations en sérieuse considération, et je désire qu'il veuille bien se convaincre, que l'indemnité pour perte de bestiaux abattus, doit être immédiate pour pouvoir produire un résultat favorable à l'agriculture.
Messieurs, représentant d'un district éminemment agricole, permettez-moi d'ajouter quelques mots en faveur de l'amélioration de la race bovine.
Je suis grand partisan de l'amélioration de la race indigène par le croisement avec la race perfectionnée de Durham. Les sacrifices faits par l'Etat, les provinces et les particuliers, me paraissent devoir produire les meilleurs résultats pour l'industrie agricole. C'est ainsi que les expériences faites depuis quatre ans dans l'arrondissement de Dixmude, ont complétement répondu à l'attente des agriculteurs. Tous les produits obtenus par le croisement, ont participé des qualités du père ; et récemment, dans une vente publique, où ces derniers ont été mis en parallèle avec nos meilleurs produits de la race indigène, il a été constaté publiquement combien le demi-sang Durham l’emporte sur les bestiaux du pays.
Si le gouvernement veut travailler efficacement à l'amélioration de la race bovine, il ne lui suffit pas d'acheter les meilleurs sujets reproducteurs dans les pays étrangers, mais il doit aussi encourager les cultivateurs qui font des sacrifices pour implanter dans le pays la race perfectionnée, en achetant les bons produits qu'ils ont élevés. Eu agissant de cette manière, le gouvernement gagnera sous le rapport de l'économie, tout en obtenant des sujets acclimatés et stimulant le zèle des éleveurs.
Il est possible que le gouvernement n'en soit pas instruit, mais je connais des éleveurs qui, après avoir fait des sacrifices réels, se plaignent amèrement de ce que le gouvernement les abandonne, et fait venir à grands frais de l'étranger ce qu'il pourrait obtenir à moitié prix dans le pays.
Quant à la race chevaline, messieurs, je suis étonné que les arrondissements d'Ypres, Dixmude, Furnes et Ostende n'aient aucune station où l'on trouve les étalons de l'Etat. C'est cependant dans cette partie de la Flandre que l'étranger vient chercher es beaux chevaux flamands, si propres à l'usage de l'agriculture et au gros charriage. Il est vrai que l'on (page 1417) y a tenté quelques essais, il y a plusieurs années, au moyen du cheval demi-sang, et que ces essais n'ont pas répondu à l’attente ; mais à quoi doit-on en attribuer la faute ? Je n'hésite pas à le dire, c'est à certaines personnes qui, sans avoir égard au climat, à la nature du sol et à la nourriture forte et abondante que le pays produit, sans connaître les services que l'espèce est appelée à rendre et les profits qu'on retire de l'agriculture, n'ont qu'un seul but, c'est de faire servir le haras uniquement à la production de chevaux de cavalerie ou de course.
Je suis loin de blâmer les essais faits pour soustraire la Belgique à une lourde charge qu'elle paye annuellement aux pays étrangers pour la remonte de sa cavalerie ; mais je demande que le haras, qui puise si largement dans la caisse de l'Etat, serve également aux besoins de l'agriculture, base première de la richesse nationale.
Je pense qu'il y a moyen de corriger certains défauts de la race chevaline des Flandres, au moyen du croisement avec la race normande ou percheronne ; ou même avec les meilleurs sujets de la race indigène. J'insiste d'autant plus sur cette matière, que le cheval flamand est de tous nos chevaux, celui qui donne le produit le plus considérable en proportion de son prix de revient : il se vend ordinairement de quatre à six cents francs, à l'âge de quinze à seize mois. Je crois que cette seule considération mérite de fixer l'attention du gouvernement.
M. de Renesse. - Messieurs, à la séance d'hier, plusieurs honorables membres de la chambre et moi, nous avons présenté quelques observations sur des mesures utiles à prendre dans l'intérêt de l'agriculture ; jusqu'ici, l'honorable ministre de l'intérieur n'ayant pas émis l'opinion du gouvernement sur ces différentes questions, je crois devoir demander à M. le ministre de vouloir déclarer à la chambre quelles sont les vues du gouvernement quant à tous les grands intérêts relatifs à l'industrie agricole ; ces questions sont assez importantes pour connaître, à cet égard, l'opinion de M. le ministre de l'intérieur ; l'agriculture a une trop grande importance sur les intérêts généraux du pays pour pouvoir demander que l'on s'occupe plus spécialement de ce grand intérêt national.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Dans la séance d'hier on s'est étendu longuement sur les intérêts agricoles. L'honorable M. de Renesse a demandé si le gouvernement belge avait pour l'agriculture la même sympathie que le gouvernement français, et il a cité les paroles prononcées par le ministre du commerce et de l'agriculture de France. L'opinion exprimée par ce ministre, nous la partageons complétement. Nous regardons l'agriculture comme la principale richesse de la Belgique ; indépendamment de la subsistance qu'elle assure au pays, elle lui donne la population la plus robuste et la plus saine.
Heureusement l'industrie agricole, depuis un demi-siècle, a fait de grands progrès ; ces progrès sont immenses, chacun le sait ; ce n'est pas à dire que cette situation ne soit pas encore susceptible d'être améliorée. La première mesure à prendre par la Belgique, après la révolution, était de modifier son tarif de douane en tenant compte de sa position. Ensuite, on s'est occupé des établissements spéciaux qui pouvaient exercer une heureuse influence sur l'agriculture ; on a institué un haras ; on a fait des efforts pour améliorer les races bovine, ovine et porcine ; on a cherché à répandre les graines étrangères, fourragères et autres dans le pays ; plusieurs résultats avantageux ont été obtenus de cette manière ; on a institué une école vétérinaire.
Il reste à prendre les mesures de perfectionnement et de complément ; on a parlé de l'établissement d'un dépôt de remonte ; c'est une institution de nature à entraîner de grands frais, mais elle doit être favorablement accueille, car l'établissement d'un dépôt de remonte serait d'une très grande utilité pour l'encouragement de l'amélioration de la race chevaline et concourrait au but qu'on s'est proposé en établissant des dépôts d'étalons. On a parlé aussi de l'enseignement agricole ; à cet égard je me suis suffisamment explique dans une séance précédente. Quant au défrichement des bruyères, la question est soumise au conseil supérieur d'agriculture et j'en ferai l'objet d'un examen particulier.
Je citerai un des principaux encouragements donnés à l'agriculture, l'extension des communications pavées, des chemins vicinaux et des voies navigables, car les voies de communication sont, à mon avis, le principal moyen d'encourager l'agricullure ; ce sont les voies de communication qui exerceront le plus d'influence sur le défrichement des bruyères ; c'est en rendant le terrain accessible, en facilitant l'exportation des produits qu'on a amené le renchérissement des terrains, la plus puissante considération pour déterminer les communes à en faire la vente : aussi se manifeste-t-il partout l'intention de mettre une grande quantité de ces terrains dans le commerce. Une grande quantité y a déjà été mise depuis vingt années, et chaque année de nouvelles propositions de ventes de bruyères surgissent de la part des conseils communaux.
On s'est aussi occupé de publications qu'il serait utile d'encourager pour éclairer les populations des campagnes ; parmi ces publications l'une a reçu l'approbation spéciale du consul d'agriculture dans sa première session.
Toutes les questions qui peuvent conduire à connaître le meilleur assolement, le meilleur mode de culture, la formation des engrais seront soumises à l'examen de personnes compétentes et on tâchera de donner à la solution le plus de publicité possible. Un fait qui doit avoir une grande influence sur l'amélioration de l'agriculture, c'est qu'un grand nombre de propriétaires s'occupent eux-mêmes de faire des essais agricoles. Cette considération est importante, car ce sont les propriétaires qui peuvent faire les frais nécessaires à ces essais, qui ne reculent pas devant une première dépense. Ce sont eux qui donnent l'exemple de l'amélioration des races d'animaux.
Je pense donc qu'en maintenant soigneusement ce qui est déjà fait, en tâchant de le perfectionner d'année en année, on aura fait pour l'agriculture tout ce qu'il est possible du faire. Je ne doute pas que notre richesse, notre force naturelle ne reçoive d'année en année de nouveaux développements.
M. Orban, rapporteur. - Je ne sais si M. le ministre de l'intérieur a fait attention au déficit que présentera l'article premier du chapitre relatif à l'agriculture.
La section centrale a été informée qu'il y aurait à disposer d'une somme de 10 mille francs sur cet article pour faire face aux dépenses nécessitées par le conseil supérieur d'agriculture. Depuis lors il a été donné suite à ce projet et le conseil supérieur est entré en fonctions. Il en résulte que l'on ne pourra solder la dépense à laquelle doit donner lieu cette institution sans réduire assez notablement le fonds d'agriculture qui paraît avoir été strictement calculé sur les besoins du service. Il pourra y avoir une gêne ou un déficit sur cette allocation, si une augmentation n'est pas demandée.
Je demanderai à M. le ministre de vouloir bien s'expliquer à cet égard.
On a engagé le gouvernement à accueillir favorablement le projet d'établissement d'un dépôt de remonte pour la cavalerie. La section centrale qui a fixé son attention sur ce projet, tout en exprimant l'opinion qu'il méritait d'être pris en sérieuse considération, a cependant exprimé le désir que rien ne fût préjugé à cet égard et que le gouvernement ne soumît de proposition à la chambre qu'après en avoir fait l'objet d'un mûr examen.
Si mes renseignements sont exacts, le département de la guerre reculerait maintenant devant les dépenses extraordinaires que cet établissement devrait entraîner. En effet, les frais de construction seuls s'élèveraient à plusieurs centaines de mille francs. Les acquisitions de terrains qui devraient être annexés à l'établissement, pour produire les fourrages et la nourriture nécessaires aux chevaux, devraient être calculées sur le pied d'un hectare et demi environ par tête, ce qui, pour 300 chevaux environ, donnerait lieu à une dépense de plus de deux millions pour frais de premier établissement seulement. Si à cette dépense excessive l'on ajoute les inconvénients signalés dans une précédente séance par un honorable membre, je pense que l'on ferait bien de ne pas trop se laisser séduire par les avantages qu'un semblable projet présente au premier abord.
Nous avions demandé à M. le ministre de l'intérieur de ne point donner suite au projet d'établir un système général d'irrigation, comme complément du canal de la Campine et comme moyen de favoriser le défrichement avant d'avoir appelé la législature à délibérer sur un projet, qui , à côté d'avantages incontestables, présentait l'inconvénient d'entraîner le pays dans des dépenses considérables. Il paraît qu'il n'a pas été tenu compte de cette observation, car j'ai vu figurer au Moniteur un arrêté qui décrète l'exécution de ces travaux.
Il paraît que les sommes nécessaires ont été prélevées sur les 2 millions votés pour parer à la disette des subsistances. Je ne sais si cela est parfaitement régulier, et s'il entrait dans l'intention des chambres que ce fonds fût consacré à une dépense de cette nature. La somme prélevée de ce chef sur les deux millions, a été dépensée dans deux communes seulement, et s'élève à plus de 40 mille francs.
Il y aurait dans tous les cas infraction aux règles d'une bonne justice distributive, car deux communes, quels que fussent leurs besoins, si tant est qu'elles fussent dans une position nécessiteuse, ne pouvaient obtenir une aussi large part sur les deux millions. Je crois, à la vérité, que le gouvernement n'est entré dans cette voie qu'à la condition que les propriétaires participeraient à la dépense, en raison de l'utilité qu'elle leur procurerait ; mais je n'ai pas vu figurer dans l'arrêté les conditions qui leur ont été imposées et je désirerais que M. le ministre voulût bien nous en donner connaissance.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je remercie M. le rapporteur d'avoir appelé mon attention sur le fait du conseil supérieur d'agriculture. J'avais cru que, d'après la communication faite à la section centrale et la mention qui en a été faite dans le rapport, il y avait autorisation suffisante de faire pour cet objet les imputations nécessaires sur le fonds d'agriculture. Et il est impossible de déterminer à l'avance la dépense exacte qu'il faudra imputer sur le fonds d'agriculture. C'est le motif pour lequel je n'ai pas cru devoir proposer une majoration de 10,000 fr. Les frais du conseil d'agriculture ne peuvent être très considérables. Ce sont des frais de déplacement et de séjour attribués aux membres, et peut-être quelques publications qui seront la suite des délibérations du conseil.
Vous savez que le fonds qu'on demande, principalement en ce qui concerne les épizooties, ne constitue jamais qu'une demande approximative. Ainsi l'année dernière, il y a eu déficit. Un projet de loi sera présenté par M. le ministre des finances au premier jour, pour combler ce déficit. Quelle sera l'indemnité à accorder pour 1846 ? C'est ce qu'il est impossible de prévoir. Si cependant, pour plus de régularité, on voulait porter le chiffre de 250 à 260 mille fr., je ne m'y opposerais en aucune manière. Si l'on veut au contraire attendre que la quotité des indemnités pour les épizooties soit connue, il me restera à demander un crédit supplémentaire.
En ce qui concerne les dépôts de remonte, je crois que l'utilité ne peut en être contestée. Ce n'est pas seulement à présent que je m'en suis occupé ; je m'en suis depuis longtemps entretenu avec M. l'inspecteur du haras, qui m'a démontré toute l'utilité de l'institution.
La seule question à examiner, c'est celle de la dépense qui peut être considérable, et dont il est impossible d'indiquer le chiffre. Si la dépense n'est pas trop considérable, cette institution sera d'une utilité manifeste ; c'est un des plus grands encouragements qu'on puisse accorder à l'élève des chevaux.
(page 1418) L'honorable rapporteur de la section centrale a parlé d'irrigations. Vous savez que cette question a déjà été discutée dans cette chambre lorsqu'on a discuté le crédit pour la seconde section du canal de la Campine. Alors on a communiqué à la chambre un rapport de M. l'ingénieur en chef Kummer. Cette question a été traitée par mon honorable prédécesseur M. Van de Weyer, qui avait pris des engagements envers le département des travaux publics pour l'allocation d'un subside, ou plutôt d'une avance ; car j'ai tout lieu de croire que la somme sera remboursée dans le courant de cette année. Voilà la nature du contrat. Il ne se borne pas à deux communes, mais s'étend à deux provinces et à plusieurs communes.
Quant à l'imputation qui a été faite sur ces deux millions, je pense qu'elle a pu être faite régulièrement ; car on a également fait des imputations sur ce crédit pour la construction de chemins vicinaux. Ces travaux sont de même nature. Les communes auxquelles ces avances ont été faites sont éloignées les unes des autres. Ainsi la dépense n'est pas faite sur un même point.
Remarquez que les travaux ne consistent que dans de grandes rigoles d'irrigation et d'évacuation, dans un premier nivellement du terrain. Ensuite les bruyères seront mises en vente.
La première condition de la vente sera de rembourser au gouvernement ses avances.
L'acquéreur aura à faire des travaux beaucoup plus considérables que ceux que le gouvernement a fait faire sous la direction de l'ingénieur en chef Kummer. Il en résultera pour ces communes et pour les communes environnantes des travaux très importants.
Voici les conditions du contrat :
Les communes ont cédé au gouvernement, d'après le prix moyen des terrains vendus dans les mêmes localités. Je pense que dans une commune le prix est de 150 fr. par hectare. On conçoit facilement que pour les terrains communaux susceptibles d'améliorations et à proximité du canal, le prix n'est pas trop élevé.
Du reste, on a pris pour base la moyenne des terrains vendus. La commune s'est engagée, aussitôt que les travaux à faire par le gouvernement seront exécutes, à mettre immédiatement les terrains en vente avec la condition que j'ai indiquée de rembourser au gouvernement le montant de ses avances, plus l'intérêt à 5 p. c. de ces sommes. De cette manière le trésor sera parfaitement indemne. Le trésor recevra en outre les droits de mutation.
Si ces premiers essais ont d'heureux résultats, je pense qu'on pourra dire que la plus grande utilité du canal de la Campine sera ainsi obtenue, la meilleure impulsion aura été donnée.
Si le gouvernement avait permis le morcellement de ces terrains, ces mesures n'auraient pu être prises ; elles auraient manqué d'ensemble. Dès lors on aurait manqué un des grands résultats qu'on peut espérer du canal de la Campine.
La nourriture du bétail est la première condition de la culture. Sans bétail, il n'y a pas de culture ; car ou ne peut s'imaginer que l'on puisse porter dans la Campine de l'engrais cherché ailleurs.
C'est un moyen dispendieux qui n'est pas à la portée du petit cultivateur. Ce qu'il faut, ce sont les moyens de nourrir le bétail. Il faut que le fumier se fasse dans la localité même. C'est alors qu'on peut espérer une impulsion très grande pour la culture des bruyères et leur conversion en terres arables. Sinon, la Campine serait condamnée à être convertie en d'immenses sapinières. Il n'y aurait guère à s'applaudir de cet état de choses. Le reste du pays ne s'en trouverait pas très bien non plus.
Il vaut mieux étendre la culture des terres, former des prés, élever du bétail. La richesse ainsi sera bien plus grande que celle qui pourrait résulter de la création de bois de sapins. Ce mode de culture ne doit être adopté que pour les terrains qui ne peuvent être convertis ni en prés, ni en terres arables. Il n'y en a que trop. Ce sont les terrains trop sablonneux ou trop élevés pour comporter une autre culture.
Je crois que la meilleure mesure que l'on pourrait prendre dans l'intérêt des défrichements, c'est celle qu'on a prise.
Si les résultats répondent à l'attente du gouvernement, des propositions seront soumises pour allouer de nouveaux fonds qui seront également remboursés à mesure que les travaux préparatoires faits par le gouvernement auront amené la vente avantageuse de ces terrains.
- La discussion est close.
Art. 1er. Fonds à l'agriculture, 250,000
- Adopté.
Art. 2. Encouragements à l'agriculture, 315,000
- Adopté.
« Article unique. Frais d'impression des listes alphabétiques : fr. 1,600. »
- Adopté.
« Article unique. Frais de voyage de l'inspecteur général de la garde civique, des aides de camp qui l'accompagnent, et frais de bureau de l'état-major ; achats, réparations et entretien des armes et équipements de la garde civique : fr. 20,000. »
M. Verhaegen. - Nous voyons figurer tous les ans au budget un article pour la garde civique ; je suis loin de combattre cette allocation et cependant nous ne savons pas s'il existe encore une garde civique en Belgique.
Dernièrement au sein du conseil communal do Bruxelles, on s'est beaucoup occupé de la garde civique. On a demandé à M. le bourgmestre comment il se faisait que, depuis onze ans, il n'y avait plus eu d'élections d'officiers, alors qu'aux termes de la loi de 1835, ces élections doivent avoir lieu tous les cinq ans. L'inexécution de la loi doit être exclusivement attribuée au fait du gouvernement qui détient au département de la guerre les contrôles et qui, sous divers prétextes, en a refusé la remise aux administrations communales.
Il existe une loi qui doit être exécutée, et l'une de ses principales dispositions est relative au choix des officiers par élections. Pourquoi le gouvernement recule-t-il constamment le terme de ces élections ? Aurait-il peur par hasard de la garde civique ? S'il en est ainsi, qu'il le dise franchement. Mais il faut bien que nous sachions à quoi nous en tenir.
En résumé, la loi existe et elle ne s'exécute pas : or. il n'appartient pas au gouvernement de suspendre l'exécution d'une loi. Si la loi actuelle ne vaut rien, qu'on en demande l'abrogation S'il y a quelques changements à introduire dans l'institution, qu'on fasse discuter un projet nouveau.
Plusieurs membres. - Il y a un projet de loi.
M. Verhaegen. - Je le sais ; mais on ne le discute pas ; dans tous les cas, quel que soit le projet qui ait été présenté, ce n'est pas une raison pour ne pas exécuter la loi existante.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur comment il se fait que sous l'empire d'une loi qui prescrit des élections quinquennales, il n'y ait pas eu d'élections depuis onze ans.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le grief allégué par l'honorable préopinant ne me regarde pas du tout ; car, il y a six ans que je n'ai pas fait partie du gouvernement. Je ne pense pas d'ailleurs qu'il faille un ordre du gouvernement pour procéder aux élections ; on peut y procéder d'après les dispositions de la loi.
Je tiens à répondre à une observation de l'honorable préopinant ; il a demandé si le gouvernement avait peur de la garde civique ; loin de là, il considère la garde civique comme un des principaux éléments du maintien de l'ordre. Depuis 1830, la garde civique a fait ses preuves. S'il était besoin de recourir à son zèle, le gouvernement y compte entièrement.
Il existe un projet qui a été présenté en mars de l'année dernière par l'honorable M. Nothomb. Je me proposais, arrivé à ce chapitre, de demander à la chambre d'examiner ce projet en sections. Je prie M. le président de vouloir bien le mettre à l'ordre du jour des sections. Il est très important que cette loi soit discutée, parce que la loi actuelle, à ce qu'il paraît, présente des défectuosités. Je présume que c'est dans l'espoir d'obtenir bientôt cette loi qui promet une organisation plus régulière, qu'on a suspendu les élections.
Du reste, ainsi que je l'ai dit, ce n'est pas une affaire de gouvernement ; il n'existe de la part au gouvernement aucune décision qui ail eu pour objet de retarder ces élections.
M. le président. - Le projet de loi sur la garde civique date de février 1845. Les sections de ce mois n'ayant pas commencé l'examen du projet, je proposerai de le renvoyer aux sections qui seront demain tirées au sort. (Adhésion.)
M. Verhaegen. - J'apprends avec plaisir que le gouvernement tient à l'institution de la garde civique, et puisqu'il en est ainsi, j'ose espérer qu'il stimulera le zèle des administrations communales pour les engager à exécuter la loi existante, en attendant l'adoption d'une loi nouvelle.
Il s'agit ici, messieurs, d'une affaire communale, et M. le ministre de l'intérieur, qui a la haute main sur les administrations communales, doit veiller à ce qu'elles exécutent la loi. Il doit y avoir tous les cinq ans des élections, non pas des élections partielles, mais des élections générales ; non pas seulement des élections aux grades de sous-lieutenants, de lieutenants et de capitaines, mais aussi des élections aux grades supérieurs. Je demande pourquoi cette prescription de la loi de 1835 n'est pas exécutée.
Le gouvernement accordant ses sympathies à cette institution qui dans plus d'une circonstance a rendu des services éminents au pays et qui peut être appelée à en rendre encore, j'ose espérer que M. le ministre de l'intérieur tiendra à l'exécution de la loi, car il ne peut dépendre de personne de suspendre l'exécution d'une loi.
Au reste, d'après les observations qui ont été faites au sein du conseil communal de Bruxelles, il a été décidé qu'il serait procédé immédiatement aux élections des officiers, quelque prochaine que puisse être la discussion du nouveau projet. Le gouvernement voudra bien, j'espère, donner les mains à cette mesure en mettant à la disposition de la garde civique les contrôles qui doivent se trouver au ministère de la guerre, et c'est là surtout l'objet de mon insistance. En présence de ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, le gouvernement ne voudra pas porter obstacle aux élections prochaines de la garde civique, et il y aurait obstacle à l'exécution de cette mesure, si le gouvernement ne remettait pas les contrôles existant au ministère de la guerre.
M. Savart-Martel. - Je demanderai quelques explications sur ce chiffre de 20,000 fr., qui figure depuis dix ans pour la garde civique, tandis qu'il est notoire que cette institution n'existe que sur le papier, sauf à Bruxelles. J'ai peine à concevoir les voyages qu'aurait à faire un inspecteur général accompagné de ses aides de camp, dans l'état actuel des choses. Je ne connais aucun membre de la garde civique, pas même de nom. Depuis le général jusqu'au plus simple soldat, tous me sont inconnus ; mon observation n'a donc rien de personnel. Si le crédit ne peut être rejeté entièrement, je (page 1419) propose donc de modifier ce chiffre à 10,000 fr., pour les armes et quelques frais de bureau.
Au moins faudrait-il modifier l'intitulé de l’article comme suit : « Achat, réparations et entretien des armes et équipements de la garde civique. »
Au surplus, j'engage la chambre à ne pas se presser pour nous grever de nouvelles dépenses à l'occasion de la garde civique, très impopulaire en province.
M. Mast de Vries. - D'après ce qui vient d'être dit par l'honorable député de Bruxelles, il paraît que dans cette dernière ville on trouve beaucoup de personnes disposées à être officiers de la garde civique. Je dirai qu'il est d'autres localités où il n'en est pas de même et où, si l'on voulait faire exécuter la loi, on ne trouverait pas un seul homme qui répondît à l'appel ; mais le lendemain on aurait la démission des officiers qui existent aujourd'hui.
Il y a quelques années, l'on portait des sommes considérables au budget des villes pour le service de la garde civique, mais insensiblement cette dépense a été réduite à rien par les députations provinciales.
En effet, dans la plupart des localités il n'existe plus de garde civique que de nom ; des élections d'officiers y seraient complétement impossibles. Je crois, messieurs, qu'il en sera ainsi jusqu'à ce que le projet qu'on vient de renvoyer aux sections, soit adopté. Alors nous aurons quelque chose de régulier et peut-être l'organisation d'une garde civique sera-t-elle possible. Mais dans le moment actuel, vouloir faire des élections, serait engager les personnes qui seraient élues à faire des dépenses inutiles, ou se risquer à ne trouver personne pour accepter les fonctions ; ce serait à mes yeux un véritable non-sens.
M. Dumortier. - Messieurs, par suite des fonctions auxquelles, depuis la révolution, j'ai été appelé par les suffrages de mes concitoyens, je connais quelque peu l'article en discussion.
Contrairement à ce que suppose l'honorable M. Savart, aucune dépense n'est imputée sur cet article pour les frais de voyage de l'inspecteur général de la garde civique ou pour les traitements des officiers. Chacun sait que les officiers de la garde civique exercent des fonctions purement honorifiques, que d'ailleurs, comme la garde civique est désorganisée dans la plupart des localités, l'honorable citoyen qui est chargé des inspections, n'a pas de fonctions à remplir.
Mais les fonds alloués trouvent leur emploi dans l'entretien du matériel, et cet entretien entraîne à des dépenses plus considérables qu'on ne le croit généralement. Je pense que l'honorable M. Manilius, qui fait un signe affirmatif, confirmera mes observations.
La garde civique est en possession d'un matériel considérable. Ainsi des fusils, des tambours, des trompettes, un matériel d'une grande valeur ont été répartis par le gouvernement entre les diverses villes en 1835, alors qu'il était question de réorganiser la garda civique. Par suite du défaut d'élections qui a eu lieu alors, défaut d'élections dû presque partout à la mauvaise volonté des régences, une grande partie de ce matériel est restée entre les mains des chefs de corps, et sous leur responsabilité. Il en résulte que tous les chefs de corps sont détenteurs de buffleteries, de fusils, d'armes qu'il faut entretenir, et je crois que si l'on ne faisait pas les fonds pour entretenir ce matériel, on porterait un préjudice notable au trésor.
Je pense donc que le chiffre pétitionné, loin d'être trop élevé, est peut-être insuffisant.
En outre, sur ce chiffre, le gouvernement accorde de temps en temps à l'occasion des fêtes de septembre, une arme d'honneur aux villes qui ont conservé un noyau de garde civique organisée. Des tirs à la cible ont lieu dans diverses localités, et le gouvernement accorde à celles-ci une carabine d'une valeur d'une centaine de francs. Cette mesure, messieurs, a pour résultat utile de maintenir quelque chose d'organisé dans la garde civique.
Dans l'état actuel des choses, messieurs, il est important de conserver les restes d'organisation qui existent encore. Nous ne sommes pas maîtres des événements ; nous ne les connaissons pas, et, quoique l'organisation actuelle soit extrêmement défectueuse, toujours est-il qu'il faut la maintenir jusqu’à ce qu'elle puisse être perfectionnée. Or, messieurs, je pense que des élections faites, dans ce moment, lorsque l'opinion publique n'est pas éveillée sur ce point, ne mèneraient à aucun résultat, qu'il pourrait même arriver que, par ces élections, les anciens capitaines, les lieutenants et les sous-lieutenants se crussent dégagés et que vous n'eussiez personne pour les remplacer ; et ce serait là, messieurs, un résultat extrêmement fâcheux.
Quant à moi, messieurs, je suis loin de repousser la pensée de réorganiser la garde civique ; mais jusqu'à ce qu'elle soit réorganisée, je crois qu'il faut maintenir l'état actuel des choses, et ne rien désorganiser de ce qui est organisé. Dans plusieurs villes, messieurs, et à Tournay entre autres, si l’infanterie n'a pas reçu son organisation, nous avons cependant dans l'organisation la plus complète le corps d'artillerie, le corps de cavalerie et le corps de pompiers. Or, il faut pour l'entretien des armes de ces corps un crédit quelconque. Il est donc indispensable de voter la somme qui vous est demandée.
M. Manilius. - Messieurs, après les explications si claires données par l'honorable préopinant, je n'entrerai pas dans beaucoup de détails. Mais je dirai aussi que le crédit demandé, loin d'être trop élevé, est certainement insuffisant pour l'entretien des armes de la garde civique.
Cependant, messieurs, il y a moyen de parer à cette insuffisance. Il y a beaucoup de villes où la garde civique a reçu un armement complet et où cependant elle n'est plus organisée. Les armes sont restées sous la surveillance des chefs de corps.
Beaucoup de ces armes, messieurs, exigeraient de grandes réparations. Il en est même qui ne méritent plus d'être réparées. Ce sont des armes d'ancien modèle, qui demanderaient des dépenses énormes pour être remises en bon état.
Si j'ai pris la parole, c'est pour engager le gouvernement à retirer ces armes aux gardes civiques et à les faire rentrer dans les arsenaux de l'Etat.
Si une loi sur la garde civique doit intervenir sous peu, j'espère qu'on donnera à la garde civique, comme à l'armée, des armes de nouveau modèle.
Mais je le répète, les 20,000 francs sont loin de suffire pour le seul entretien des armes, qui sont aujourd'hui dans un élat de délabrement complet.
J'espère que le gouvernement prendra ces observations en considération ; il est temps qu'on délivre les chefs de corps de cette charge qui n'a aucune utilité et qui est très onéreuse pour l'Etat.
M. Savart-Martel. - Je conçois, messieurs, qu'une certaine somme soit nécessaire pour l'achat, l'entretien et la réparation des armes ; mais il est question aussi, dans l'article, de dépenses relatives aux fêtes de septembre. Cependant il y a au budget un crédit spécial pour les fêtes de septembre. Quoi qu'il en soit, messieurs, je proposerai de modifier l'article de la manière suivante :
« Achat, réparation et entretien des armes et équipement de la garde civique : fr. 10,000 fr. »
Je propose deux modifications : Un changement du libellé et une réduction du chiffre.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je dois, messieurs, m'opposer à l'amendement de M. Savart. Au moment où on demande la réorganisation de la garde civique et la discussion de la loi proposée à cet égard, il ne faut pas, en changeant le libellé de l'article, porter une atteinte morale à l'institution. Ce libellé est en harmonie avec le système général de la loi sur la garde civique, et ce serait, à mon avis, une sorte d'inconvenance que d'adopter le changement proposé par l'honorable M. Savart. Il est certain que lorsque la garde civique sera réorganisée, les inspections auront lieu. En attendant il existe toujours des frais de bureau et d'entretien du matériel ; ces dépenses sont indispensables. Quant aux autres, elles restent en principe, mais les 20,000 fr. peuvent à peine suffire pour les dépenses du matériel et les frais de bureau. Il n'est donc pas possible d'admettre la réduction proposée, réduction qui porterait, je le répète, une atteinte morale au principe même de l'institution. Déjà, je dois le dire, l'organisation de la garde civique a rencontré dans la plupart des communes extrêmement peu de sympathie, et si maintenant la chambre, par son vote, témoignait le même sentiment, elle irait précisément au rebours de la motion qui a été faite au début de cette discussion.
M. Dumortier. - Je dois également combattre la réduction proposée par l'honorable M. Savart. Partout où la garde civique est organisée, elle demande des armes à percussion ; je suis convaincu que la garde civique de Bruxelles fait la même demande ; eh bien, c'est là une dépense qui devrait se faire sur le crédit en discussion. Quant aux frais de voyage des inspecteurs, je crois que rien n'a été dépense de ce chef depuis la révolution. Cependant il importe de ne rien changer, sous ce rapport, au libellé ; car il pourrait survenir un événement quelconque qui exigeât des déplacements, et il faut que le gouvernement soit à même de pourvoir à cette éventualité.
- L'amendement de M. Savart est mis aux voix par division ; il n'est pas adopté.
Le chiffre de 20,000 fr. est ensuite mis aux voix et adopté.
« Article unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage : fr. 7,000. »
M. Rogier. - La proposition que j'ai l'honneur de faire sera, je n'en doute pas, accueillie avec faveur par tous les bancs de cette chambre. Quelques mots suffiront pour la justifier.
L'allocation du chapitre XV est destinée à accorder des médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage. Je présume que cette allocation, très faible d'ailleurs en elle-même, est appliquée tout entière et bien appliquée. Je ne veux porter préjudice à aucun des titulaires entre lesquels elle se trouve chaque année répartie ; je le veux d'autant moins que les sommes accordées ne sont souvent que bien faibles, comparativement aux actes de dévouement et de courage qu'elles doivent récompenser.
Je propose d'augmenter l'allocation de ce chapitre d'une somme de 1,200 fr. qui fera l'objet d'un article 2 et formera une dotation spéciale et annuelle au profit d'un titulaire nouveau dont les services patriotiques, le dévouement courageux ne seront contestés par personne. Je veux parler de l'auteur de l'air national, la Brabançonne, cette inspiration si belle, qni a exercé une influence si puissante dans toutes les phases de notre émancipation politique, et qui toujours éveillera dans les cœurs belges un vif sentiment de patriotisme et de fierté nationale.
Le nom de Campenhout est, sans aucun doute, l'un des plus populaires de notre révolution, il se rattache à ses plus beaux souvenirs. L'artiste qui le porte l’a conservé pur et intact, et une circonstance qui parle bien haut pour lui, c'est que sa popularité même et ses services ne sont pas (page 1420) devenus pour lui une source d'avantages personnels. Des titres si puissants d'une part, et une si grande discrétion de l'autre, n'est-ce pas là, messieurs, un spectacle peu commun ? Et une telle conduite ne serait-elle pas surtout digne de toute estime et de toute sympathie alors que celui qui la tiendrait, vivrait depuis plusieurs années dans une position voisine de la gêne, et que le grand âge serait venu ajouter à ses besoins, tout en diminuant ses ressources ?
Je sais que M. Campenhout a reçu sur le budget de l'intérieur, à deux ou trois reprises, des subsides imputés sur le fonds des beaux-arts et qui se sont élevés à une moyenne de 600 fr. Outre que cette rémunération était insuffisante, elle avait le tort en quelque sorte de se produire d'une manière détournée et forcée. Il est temps de faire succéder à ce genre de libéralité une rémunération franche, directe et plus digne à la fois et de l'Etat et du titulaire.
J'avais eu l'occasion d'entretenir M. Van de Weyer de l'objet dont j'occupe la chambre. L'ancien ministre m'avait promis son concours bienveillant. J'attends le même concours de M. le ministre actuel, et la chambre, en s'associant à ma proposition, fournira au gouvernement l'occasion de poser un acte à la fois juste et populaire.
M. le président. donne lecture de l'amendement de M. Rogier, qui est ainsi conçu :
« Art. 2. Dotation annuelle en faveur de M. Campenhout : fr. 1,200. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je ne m'oppose pas, quant au fond, à la proposition de l'honorable membre, mais je crois que la forme en est insolite. Si l'honorable M. Rogier s'était borné à proposer une augmentation de 1,200 fr., la chambre et le gouvernement ayant compris le but de l'amendement, ce but serait atteint tout aussi bien qu'il pourrait l'être par l'adoption de l'article additionnel et l'on éviterait ainsi l'irrégularité qui consisterait à voter une pension par un amendement au budget. Je crois qu'il faut se borner à augmenter le crédit demandé ou bien que, si on veut accorder ces 1,200 fr. à titre de pension, une loi spéciale devient nécessaire.
M. Dumortier. - J'applaudis fortement aux paroles de l'honorable M. Rogier ; mais je partage aussi l'opinion de M. le ministre de l'intérieur, que la forme de l'amendement n'est pas tout à fait régulière. Au fond, j'adhère entièrement à la proposition. Il s'agit de récompenser un des plus beaux services qui aient été rendus à la révolution ; car personne n'ignore quelle influence la Brabançonne a exercée sur les événements de 1830. Seulement je pense qu'il serait plus régulier que l'honorable M. Rogier fît de sa proposition l'objet d'une loi spéciale. Ce serait en même temps plus convenable peut-être et plus digne de l'auteur de notre chant national.
M. Rogier. - La chambre comprendra que je ne tiens nullement à la forme que j'ai proposée ; si l'on en trouve une qui soit meilleure, je renoncerai sans peine à la mienne. Mon but est de détacher de l'article unique du chapitre XV, un genre de services qui n'y est pas directement compris. Le chiffre de cet article est destiné à récompenser ces actes de dévouement et de courage dont les journaux nous entretiennent souvent. Or, les services rendus par celui dont il s'agit dans ma proposition, ne rentrent pas du tout dans cette catégorie. C'est pour cela que j'ai proposé un article séparé.
Maintenant je vois que la chambre est unanimement disposée à accorder le fond même de ma proposition, qu'il n'y a de divergence que sur la forme. Eh bien, le gouvernement a-t-il l'intention de présenter une loi spéciale ? Il ne s'est pas expliqué à cet égard. Je pense, quant à moi, qu'il serait bon de voir figurer pendant quelques années encore, au budget, un article spécial qui témoignât de la reconnaissance du pays pour un service signalé.
Sous ce rapport, il serait bon de conserver l'article sous une forme spéciale. Je demande que cette forme soit adoptée au moins pour le budget de cette année ; si ensuite M. le ministre veut proposer une loi spéciale, nous nous y associerons. Il importe que le mot « annuel » se trouve dans le libellé, parce que sans cela l'allocation pourrait venir à cesser avec le budget prochain : si au contraire l'on met le mot « annuel », l'allocation sera acquise pour tous les autres budgets.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je proposerai de supprimer le libellé qui a été indiqué par l'honorable M. Rogier, et de majorer simplement le crédit d'une somme de 1,200 fr., en attendant qu'une loi spéciale soit votée. L'application de cette somme ne pourra rencontrer aucune difficulté : elle sera clairement indiquée par la motion de l'honorable membre, et par les paroles que j'ai moi-même prononcées.
De toutes parts. - Oui ! oui !
M. Rogier. - Ainsi il est bien entendu que dans le crédit de 8,200 fr., tel que M. le ministre de l'intérieur propose de le fixer, se trouve comprise une somme de 1,200 fr. pour M. Campenhout ? (Oui ! oui !)
- La discussion est close.
Le sous-amendement de M. le ministre de l'intérieur, qui tend à porter à 8,200 fr. le chiffre de 7,000 fr., proposé à l'article unique du chapitre XV est mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, et pension de 100 fr. par personne aux décorés de la Croix de fer, non pensionnés d'autre chef, qui sont dans le besoin : fr. 90,000. »
M. de Garcia. - Messieurs, j'ai annoncé dans la discussion générale que lorsque la chambre arriverait au chapitre de la dotation de la Légion d'honneur, je proposerais de majorer le subside pour y faire participer les légionnaires qui jusqu'à présent n'ont rien reçu à titre de leurs anciens services.
Le vote que la chambre a émis sur le chapitre précédent me donne lieu d'espérer que cette augmentation sera également votée par la chambre et qu'elle saura aussi donner un marque de gratitude à d'anciens serviteurs qui comme M. Campenhout, ont servi bravement leur patrie, non par des chants patriotiques, mais par de hauts faits et par des actes de bravoure et de dévouement.
D'après les renseignements qui me sont donnés, le subside de 90,000 fr. porté à l'article premier du chapitre XVI serait employé jusqu'à concurrence de 40.000 fr. en faveur de 160 légionnaires de l'Empire dans le besoin.
Pour faire justice parfaite envers tous les légionnaires, il faudrait ajouter à ce chiffre 100 membres et 8 officiers de la légion d'honneur, et il en résulterait une dépense en plus de 33,000 fr.
Messieurs, dans cette chambre, les légionnaires ont toujours excité une vive sollicitude ; jamais nous ne nous sommes occupés du budget de l'intérieur, sans que des voix se soient fait entendre pour réclamer cet acte de justice à leur égard.
Néanmoins on l'a constamment reculé, non pas en attaquant directement la question, mais en l'appréciant, selon moi, d'une manière inexacte, et en en rejetant la solution par des biais et par des considérations sans fondement.
S'agit-il de reconnaître que d'après les dispositions des lois existantes, d'après les traités, les légionnaires ont droit à la pension viagère qui leur était accordée sous l'Empire ? Là n'est pas la véritable question ; et lorsqu'on la présente à ces point de vue, c'est évidemment pour rejeter indéfiniment la solution de la question.
Il est incontestable, selon moi, que les légionnaires ne peuvent puiser un titre légal dans les dispositions de nos lois et dans les traités politiques. Pour peu qu'on veuille se rendre compte des événements de 1814, cela se concevra sans peine. Le grand Empire envahi et renversé par les armées coalisées ennemies, les braves qui s'en étaient montrés les intrépides défenseurs furent les victimes de vengeances injustes et peu généreuses. On leur ôta par la violence des droits acquis, des droits sacrés, des droits qui ont été respectés par toutes les catastrophes politiques dont nous avons été témoins depuis lors.
Nous devons donc reconnaître qu'en strict droit il n'est rien dû aux légionnaires ; mais veuillez ne pas perdre de vue la source de l'injustice dont ils sollicitent le redressement. Les armées et les puissances ennemies ont tiré une vengeance peu généreuse, mais qui se conçoit, sur des braves devant lesquels elles avaient tremblé pendant une période de plus de 20 années, Les Etats qui surgirent du démembrement de l'Empire partagèrent toutes ces antipathies.
Il n'est pas d'exemple depuis lors d'une iniquité semblable. Après notre révolution, tous les droits de cette nature, pensions, rentes viagères, récompenses viagères, ont été respectés. Ce que je réclame pour les légionnaires, ce ne sont pas des traitements pour des emplois perdus, ce ne sont pas des indemnités. Tout ce qu'ils ont perdu de ce chef, ils savent qu'ils pouvaient le perdre, et jamais il n'est entré dans leur pensée de faire aucune réclamation sous ce rapport.
Ce que je demande n'est pas un acte de strict droit, mais uniquement la réparation et le redressement d'une injustice qui a été commise par la violence.
Voici comment mon amendement serait conçu ; l'article premier du chapitre XVI serait divisé en deux littera, comme suit :
« Art. 1er. Litt. A. Dotation en faveur des légionnaires, décorés avant le 30 mars 1814, sous la condition de renoncer à toute prétention de ce chef pour le passé : fr. 73,000.
« Litt. B. Dotation en faveur des veuves des légionnaires sans fortune (le reste du libellé comme au budget) : fr. 50,000
« fr. 123,000. »
Cet amendement repousse évidemment l'objection qui a été faite l'an dernier, et qui consiste à dire qu'en portant cette dotation l'on expose le trésor à devoir payer des sommes énormes. Mon amendement contient une restriction qui écarte jusqu'à l'ombre de l'objection, puisque, pour prendre part au subside, il impose aux légionnaires la condition de renoncer à toute prétention de ce chef pour le passé.
On a dit, lors de la discussion de l'année dernière, que les légionnaires se repentiraient de n'avoir pas accepté ce qu'on leur avait offert en 1836 ; le fait est qu'on ne leur a fait aucune offre. Or, si vous adoptez mon amendement vous leur aurez fait une proposition sérieuse ; mais jusque-là rien n'a été offert aux légionnaires.
Je le déclare, si aujourd'hui on ne fait rien en faveur de cette classe de nos braves concitoyens, je regarde leur cause comme perdue, et je n'hésite pas à déclarer que le rejet de mon amendement aura pour résultat de perpétuer un acte d'injustice inqualifiable et injustifiable.
M. Savart-Martel. - Chaque année j'ai appuyé de tous mes moyens la demande faite dans l'intérêt des légionnaires de l'Empire, et je remercie l'honorable M. de Garcia de l'amendement qu'il vient de déposer. Oui, messieurs, l'équité commande que nous traitions favorablement ces légionnaires ; (page 1421) je regrette même qu'on le fasse si tard ; quand ils ont versé leur sang, c'était pour nous comme pour la France.
J'ajouterai qu'il est pénible de voir que depuis quelques années on paye certains légionnaires qui importunent le ministère, tandis que d'autres plus modestes et moins heureux, n'obtiennent rien ; il y a là de l'arbitraire.
Quant à ce qu'on a dit des tribunaux, tout le monde sait qu'un droit accordé transactionnellement seulement, ne peut fonder d'autre action que celle résultant de la transaction même ; l'allocation demandée par M. de Garcia ne présente donc aucun danger.
Renvoyer d'année en année les légionnaires à une loi dont on ne s'occupe pas, c'est une dérision. C'est cependant ce que nous faisons depuis plusieurs années. Mieux vaudrait-il déclarer qu'on ne veut rien allouer.
M. Dumortier. - Messieurs, l'article dont il est question concerne, d'une part, les légionnaires, d'autre part, les décorés de la croix de fer.
Qu'accorde-t-on aux Légionnaires ? Une pension de 250 fr. Et aux décorés de la croix de fer ? Une pension de 100 fr.
Or, je vous le demande, comparez pour notre pays l'importance des services des uns et des autres. Certes, je ne veux en aucune manière porter atteinte à la gloire de l'Empire, ni au mérite des hommes qui ont servi l'Empire et ont obtenu la décoration de la Légion d'honneur ; mais j'examine la question comme député belge, comme député de la nation sortie de la révolution de 1830 et je me demande si ces hommes nécessiteux décorés de la croix de la révolution ; si ces hommes sans lesquels nous n'aurions pas la liberté dont nous jouissons depuis quinze ans, ont moins de droit à notre sollicitude que les guerriers de l'Empire. Les guerriers de l'Empire ont combattu pour la gloire de la France ; les décorés de la croix de fer combattaient en 1830 pour créer une Belgique indépendante, pour nous donner une patrie ; et pour ceux-là ma sollicitude est plus grande que pour les braves qui ont gagné la croix de la Légion d'honneur sur les champs de bataille de la grande armée.
Cependant, il est à ma connaissance que d'une part il y a quasi-prodigalité en faveur des légionnaires et de leurs veuves, tandis qu'il y a injustice vis-à-vis des décorés de la croix de fer et de leurs veuves nécessiteuses. Ainsi en admettant même les droits des légionnaires à la pension de 250 fr., toujours est-il que jamais leurs veuves n'auraient droit à aucune pension. C'est donc à titre purement gratuit, de générosité qu'il leur a été alloué une pension sur le trésor public.
Ces pensions doivent disparaître, puisqu'en France même les veuves de légionnaires n'auraient droit à aucune pension. J'insiste sur ce point parce que le gouvernement devrait faire tourner au profil des décorés de la croix de fer et de leurs veuves, les fonds accordés aux veuves de légionnaires ; car ces veuves n'ont droit à rien du tout en vertu des lois qui ont institué l'ordre. Ici nous faisons acte de générosité, quand nous refusons le nécessaire aux hommes auxquels nous devons de siéger dans le parlement.
Je citerai un exemple saisissant pour tout le monde. Tous les hommes qui ont siégé dans cette enceinte depuis la révolution, se rappellent le brave major Boulanger, un des plus braves de notre armée qui comptait beaucoup de braves ; eh bien, la veuve du major Boulanger, qui est peu fortunée, n'a pu obtenir qu'une pension de 75 francs par an ; cela m'est certifié par notre honorable collègue, M. Rodenbach, qui m'a écrit pour me prier de rappeler ce fait à l'assemblée, une indisposition l'empêchant, à son grand regret, de le faire lui-même.
Vous vous rappelez combien de fois l'honorable M. Gendebien vous a entretenus de ce brave major Boulanger dont la veuve n'a pu obtenir que 75 fr. par an, tandis que les veuves des légionnaires de l'Empire reçoivent 250 fr. Est-ce cela que veut le peuple belge ? Nous nous découvrons volontiers devant un légionnaire ; mais les écus du pays doivent être d'abord pour les hommes qui ont fait la révolution. J'insiste pour qu'on applique d'abord le subside aux hommes de la révolution et à leurs veuves. Si une majoration était nécessaire de ce chef, je la voterais volontiers.
Tout à l'heure, je vous entretiendrai du fonds spécial sur lequel les décorés non blessés et les décorés' blessés qui n'onl pas reçu de pension faute d'avoir fait valoir leurs droits en temps, n'obtiennent que des subsides de 15 à 18 fr. par an. Je vous le demande, faut-il mettre les braves de septembre dans la position de demander l'aumône ? Cela n'est pas digne du gouvernement sorti des barricades, du gouvernement qui doit tout à la révolution. Il y a trop de patriotisme dans cette chambre pour ne pas vouloir qu'avant de prodiguer l'argent du trésor aux braves de l'Empire, on donne le nécessaire aux braves de la révolution.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je commencerai par déposer le tableau des 100 légionnaires qui touchent chacun 250 fr. et celui des veuves de légionnaires. Ce tableau avait été réclamé par le rapporteur de la section centrale, 51 veuves reçoivent un subside de 200 fr.
Je rappellerai d'abord à la chambre de quelle manière ce subside pour les veuves a été introduit. Il n'est accordé qu'à celles qui sont peu favorisées de la fortune. On a dit qu'ayant admis le principe d'accorder 250 fr. aux légionnaires peu favorisés de la fortune, il était convenable de faire participer à cette faveur les veuves de légionnaires qui se trouvaient dans la même position, attendu que pendant un grand nombre d'années, leurs maris n'avaient rien touché ; voilà le principe qui a déterminé cette allocation au budget.
Je ne pense pas qu'on puisse revenir sur une décision prise et mise à exécution depuis plusieurs années ; ce serait placer ces veuves dans une position fâcheuse. Le chiffre porté pour les légionnaires est de 40,000 fr., celui porté pour les veuves est de 10,200 fr. Cette question des veuves pourra être remise ultérieurement en discussion. Mais, pour le moment, on ne peut pas toucher à ce qui existe, ces veuves ont compté sur ce subside, je ne pense pas qu'il soit dans l'intention de la chambre de le leur retirer.
Comme l'a dit l'honorable M. de Garcia, pour subvenir nu payement de la pension des légionnaires et des officiers, il faudrait ajouter 33 mille francs à l'allocation portée au budget.
Je dois rappeler aussi l'état de cette question. La chambre est saisie d'un projet de loi qui reconnaît le droit, non seulement à la pension, mais aux arrérages ; un rapport a été fait ; depuis lors les légionnaires ont introduit un procès ; je crois qu'il est pendant devant la cour d'appel de Liège. Je pense donc que, dans l'étal actuel des choses, il n'y a pas lieu d'innover à ce qui existe.
Si l'honorable M. de Garcia persiste dans son amendement, je demanderai qu'il soit joint au rapport de M. Fallon sur la question principale, pour être discuté simultanément. Ce sera une question à examiner ultérieurement. Pour le moment, je persiste à demander que cette allocation ne soit pas portée au budget.
J'ignore si cet amendement produirait quelque résultat sur les prétentions des légionnaires qui ont intenté le procès ; je ne sais si les légionnaires seraient disposés à accepter la proposition formulée par l'honorable M. de Garcia. Dès lors, je pense aussi que les chambres ne doivent pas prendre l'initiative d'une proposition pour payer les pensions des légionnaires.
Quoi qu'on en dise, il est impossible de prévoir quelle influence cette proposition pourrait exercer sur l'esprit des tribunaux. Cette proposition étant incidente au budget et connexe avec une proposition examinée par les sections et une section centrale, je crois qu'il n'y a pas lieu de l'adopter en ce moment.
Je ne veux rien préjuger quant au futur, je me borne à expliquer ce que je crois qu'il y a à faire. Cette question pourra être ultérieurement examinée soit par le gouvernement soit par les chambres.
M. Brabant. - C'est sur le libellé de l'article en discussion que je prends la parole. Dans le projet de budget de 1845, l'article avait été libellé comme il l'est dans le projet de budget de 1846. C'est sur ma proposition qu'on l'a changé dans la loi. On est revenu à l'ancienne rédaction, probablement parce que le projet de budget de 1846 aura été dressé sur le projet de 1845 et non sur la loi de 1845. Voici comment était conçu le libellé que vous aviez adopté sur ma proposition :
« Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune et pension de 100 francs par personne aux décorés de la croix de fer non pensionnés d'autre chef, peu favorisés de la fortune. Subsides a leurs veuves et orphelins. »
Cela a passé sans aucune discussion dans la chambre. M. le ministre de l'intérieur avait consenti au changement ; ma proposition était fondée sur les difficultés qui s'étaient présentées tant au gouvernement qu'à la cour des comptes, sur ce que pour les légionnaires et leurs veuves on se contentait de la qualification « de peu favorisé de la fortune », tandis que pour les décorés de la croix de fer on exigeait qu'ils fussent dans le besoin. Le gouvernement et la chambre ont reconnu qu'il fallait mettre les uns et les autres sur la même ligne.
Je demande le rétablissement du libellé de 1845.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - C'est par erreur qu'on a rétabli l'ancien libelle de 1845, les observations de l'honorable M. Brabant sont parfaitement fondées, j'adhère à la rectification qu'il propose.
M. de Garcia. - Messieurs, si j'ai bien compris l'honorable M. Dumortier, il combat la proposition que j'ai l'honneur de faire pour les légionnaires, en défendant les droits des décorés de la révolution ; celle argumentation ne me paraît nullement rationnelle. S'il reste à faire quelque chose pour cette classe intéressante de nos concitoyens, qu'on fasse une proposition. Je ne m'oppose pas à ce qu'on fasse justice aux réclamations pareilles, qui peuvent être très justes ; mais ce que je trouve étrange, c'est qu'on puisse se faire de cela une arme pour combattre des droits aussi sacrés que ceux que je défends, que ceux des décorés de la Légion d'honneur.
L'honorable M. Dumortier, en parlant des légionnaires, a bien voulu convenir que ces braves avaient combattu avec gloire et pour la gloire dans les rangs de la grande armée. Je veux bien croire que c'est par oubli qu'il a omis d'ajouter qu'ils avaient combattu pour leur pays, pour leur patrie. Ce fait ne peut ère ignoré d'aucun de ceux qui ont vécu dans ce siècle de gloire. Ceux qui vivaient alors, et qui étaient à même d'apprécier les faits, n'ignorent pas davantage que c'est sous l'égide des braves, dont les légionnaires formaient l'élite, qu'on a pu s'occuper, dans le cours du grand empire, de la création de ces lois qui font l’admiration de tous ceux qui les jugent sans préjugés, et qui, selon moi, sont le plus beau et le plus riche héritage de cette grande époque.
Sous l'égide de ces braves, la civilisation a marché aussi dans le monde. Peut-on méconnaître des droits aussi sacrés et acquis par le dévouement le plus sublime ? S'il pouvait en être ainsi, il y aurait ingratitude, il y aurait immoralité politique. Remarquez qu'il n'y a pas de comparaison possible entre les traitements d'attente, les traitements des fonctionnaires qui ont perdu leurs droits à la révolution et les traitements des légionnaires. Ceux-ci avaient une rente viagère. Quant aux fonctionnaires destitués à la suite des événements politiques, s'ils n'ont pas, par la durée de leurs services, acquis des droits à la pension, vous ne leur devez rien, ni en équité, ni en droit. Il n'y a pas, je le répète, la moindre comparaison.
Le traitement de 250 fr. dont jouissaient les légionnaires constitue un droit acquis, une propriété dans toute la force du terme. Ils n'ont été dépouillés que par la violence, et réparation leur est due.
(page 1422) Qu'on ne dise pas qu'il s'agit de militaires qui n'ont servi que pour la gloire. Il est beau, il est grand de servir pour la gloire. Mais ces hommes servaient aussi leur pays et leur patrie.
J'ai une seule observation à faire sur ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur que les tribunaux sont saisis d'un procès. Cette objection ne peut mettre obstacle à !a mesure que je propose. De deux choses l'une : ils gagneront ou ils perdront leur procès. S'ils le gagnent, en votant leur traitement vous n'aurez fait qu'exécuter par avance la décision du juge. Mais s'ils le perdent, en équité, on devra toujours, à mes yeux, et d'après les principes rigoureux de l'équité, leur accorder ce qui fait l'objet de ma proposition ; dès lors cette considération est sans aucune espèce de valeur.
Dans cet état, je crois qu'on ne peut différer ni ajourner la proposition et la transaction que je propose et que je considère comme également honorable pour la chambre et pour les légionnaires.
Me plaçant à un autre point de vue, j'ajouterai que ce serait impolitique.
Vous avez une armée qui, j'en suis convaincu, servira toujours fidèlement le pays. Mais qu'il se présente des circonstances qui lui donnent des droits, des récompenses, ne pourra-t-elle pas se dire : Les droits que j'acquerrai, l'ingratitude du pays ne les reconnaîtra pas !
Ainsi la moralité politique vous fait une loi de respecter les droits acquis.
La question me paraît assez claire pour que je puisse me dispenser d'en dire davantage.
M. Fallon. - Déjà à deux reprises, après de longues discussions, la chambre a reconnu qu'il serait imprudent de trancher la question des légionnaires incidemment dans la discussion du budget : chaque fois des amendements plus raisonnables que celui présenté par l'honorable M. de Garcia ont été renvoyés à la discussion du projet de loi spécial.
Je dis que l'amendement de l'honorable M. de Garcia n'est pas raisonnable ; voici pourquoi.
L'honorable M. de Garcia ne parle que de gloire, de services militaires ; mais il ne fait pas attention que le tableau des anciens légionnaires ne comprend pas que des militaires. Nous avons d'anciens légionnaires qui n'ont jamais rempli que des fonctions civiles.
Vous savez que sous l'Empire on accordait la décoration par mesure générale aux présidents de cour d'appel, aux préfets, etc.
L'honorable M. de Garcia confond tout cela. Pour lui toutes les décorations sont le prix du sang.
Si vous vous occupez de la proposition de l'honorable M. de Garcia, il faut vous faire représenter le tableau des légionnaires.
Je ne m'oppose en aucune manière à ce que les anciens militaires de l'Empire aient des gratifications ; mais j'ai toujours pensé qu'il était imprudent de traiter la question de droit, aussi longtemps que les tribunaux n'avaient pas prononcé.
Je demande donc la remise du tableau des anciens légionnaires.
D'un autre côté, remarquez que la Belgique ne doit pas se montrer plus généreuse que la France envers les anciens légionnaires.
Voici comment on a fait en France :
On a établi une dotation en faveur des légionnaires qui avaient servi ; ils ont reçu pendant certain temps la moitié du traitement, ensuite on a renforcé la dotation pour payer la totalité aux simples légionnaires. Mais il a été convenu qu'au fur et à mesure des décès on payerait la pension des officiers. Ce n'est que l'an dernier que ceux-ci ont pu obtenir une complète satisfaction, et encore sur la protestation formelle de M. le ministre qui présenta le projet de loi qu'il n'était reconnu aucun droit.
Je crois que l'affaire n'est pas suffisamment instruite pour que l'on puisse s'occuper de l'amendement proposé par l'honorable M. de Garcia.
M. Dumortier. - L'honorable M. de Garcia s'est singulièrement mépris sur mes intentions. Si j'avais eu l'intention de proposer la suppression d'une partie de l'allocation portée au budget, les observations de notre honorable collègue seraient fondées : mais, loin de demander la suppression du crédit, je l'ai appuyé. Mon observation repose sur cette double considération, que nous accordons une pension de 200 fr. aux veuves de légionnaires, alors que les veuves de légionnaires n'ont en France aucune pension, et alors que nous accordons une pension de 75 fr. seulement aux veuves des décorés de la croix de Fer. Je me suis demande, d'après cela, si les veuves des décorés de la croix de Fer étaient moins dignes de notre sollicitude que celles des légionnaires.
Pour moi, j'admire la gloire de l'Empire ; mais je place avant tout les hommes de la révolution ; je suis enfant de la révolution ; ma reconnaissance et mon dévouement sont acquis aux hommes de la révolution. Lorsque je vois des faits tels que ceux qui m'ont été signalés par l'honorable M. Rodenbach, et dont je parlais tout à l'heure, je crois de mon devoir de me lever pour la défense des braves de la révolution et de leurs veuves.
Nous ne devons pas, nous tous issus de la révolution, laisser les veuves des braves de la révolution dans la détresse, alors que nous ferions pour les veuves des légionnaires des actes de générosité qu'en France même on ne fait pas.
Je prie l’honorable M. de Garcia d'être persuadé que je n'insiste que sur ces faits.
Il serait plus juste et plus patriotique d'accorder cette somme aux hommes de la révolution et aux veuves de ces hommes qui sont dans la détresse.
Tel est but de ma proposition.
M. de Garcia. - L'amendement que j'ai présenté a été qualifié de peu raisonnable. L'honorable membre qui m'a adressé ce compliment me permettra de le rétorquer contre son raisonnement que je trouve très peu raisonnable.
Il a trouvé mon amendement peu raisonnable, par le motif que je confonds les choses. Mais je ne conçois pas où il trouve cette confusion. J'ai parlé des légionnaires en général. J'ai dit et je maintiens qu'en général les légionnaires avaient gagné leur croix sur le champ de bataille.
Je n'ai pas voulu exclure les personnes décorées comme remplissant de hautes fonctions civiles. On sert aussi bien son pays dans de hautes fonctions civiles que sur les champs de bataille. La distinction que fait l'honorable membre est contraire à l'esprit de la Légion d'honneur ; car cette institution ne distingue pas entre les services militaires et les services civils. La décoration est la même pour les uns et pour les autres. Ainsi quand l'honorable membre prétend que j'ai fait confusion pour arriver à conclure que mon amendement n'est pas raisonnable, il fait un raisonnement qui n'est ni raisonné ni raisonnable.
L'honorable membre, pour combattre ma proposition, fait remarquer qu'en France, jusqu'à l'an dernier, on n'a rien fait ; il ajoute qu'en France pourtant l'on eût dû faire plus tôt qu'en Belgique. D'abord on a fait plus tôt en France qu'en Belgique puisqu'on a fait l'an dernier. Je suis encore obligé de faire remarquer que cette observation n'est pas raisonnable.
Si l'honorable membre voulait bien se rappeler l'histoire de l'époque, il saurait que le gouvernement de la restauration, établi sur les ruines de l'Empire, était le plus grand ennemi de la Légion d'honneur. Il saurait que le gouvernement de la restauration a prodigué la croix d'honneur pour l'avilir. Ainsi l'argument que l'on tire de ce que la France a peu fait pour les légionnaires n'a rien de raisonnable.
L'an dernier, l’honorable membre disait que le rapport fait dans cette assemblée sur les droits des légionnaires avait fait échouer en quelque sorte des négociations qui avaient pour objet la reprise d'une somme payée par la France au gouvernement des Pays-Bas, pour la Légion d'honneur.
J'en suis fâché, mais j'ai trouvé que c'était un triste argument de la diplomatie hollandaise ; car, si la France a payé une somme, ce n'était pas à titre personnel des légionnaires, mais à titre d'indemnité pour les pays séparés de l'Empire, qui avaient concouru à la dotation de la Légion d'honneur. C'est donc bien à tort qu'on a opposé à nos réclamations le rapport qui a été fait et où il est déclaré que les légionnaires n'ont aucun droit. Je ne saurais admettre, sous ce rapport, les principes de la diplomatie hollandaise.
Je persiste donc dans mon amendement, que je crois beaucoup plus raisonnable que tous les arguments qu'on a fait valoir pour le renverser. S'il est rejeté, j'ai la conviction que la cause sacrée des braves que je défends sera définitivement perdue, et mes regrets seront en raison de l’injustice qu'on aura maintenue à leur égard.
M. Fallon. - J'ai dit, en effet, que l'amendement de l'honorable M. de Garcia n'est pas raisonnable, au point de vue des principes d'équité. Il est évident que, si vous consultez ces principes, vous devez reconnaître que l'amendement n'est pas raisonnable.
Dans toutes les discussions précédentes, on a fait une distinction que ne fait pas l'honorable M. de Garcia. Ainsi, la proposition de l'honorable M. de Brouckere établissait positivement une distinction entre les légionnaires militaires et les légionnaires civils. Les amendements de MM. Donny et de Robiano étaient conçus dans le même sens. Toujours cette distinction a été faite, et elle doit l'être ; car ceux qui ont obtenu la décoration en exposant leur vie, doivent être traités plus favorablement en équité.
Dans les propositions que je viens de rappeler, il ne s'agissait que des décorations gagnées sur le champ de bataille. D'autres décorations ont été accordées sous l'Empire. Dans le tableau que je réclame vous verrez figurer d'anciens fonctionnaires qui touchent de très bonnes pensions et qui viendraient en outre recevoir le traitement de légionnaires.
Je connais des officiers supérieurs qui jouissent d'excellents traitements et qui, si la proposition de l'honorable M. de Garcia était adoptée, ne manqueraient pas de venir toucher des traitements que la Belgique ne doit pas.
Sous le rapport de l'équité, il est évident que la proposition ne doit pas être examinée en ce moment.
- L'amendement de M. de Garcia est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article premier est adopté avec le libellé du budget de 1845.
« Art. 2 Subside au fonds spécial des blesses de septembre : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Article unique. Frais d'exécution de la loi du 1er mai 1822, relative aux indemnités à accorder pour pertes causées par les événements de guerre, 45,000
M. Verhaegen. - Messieurs, tous les ans nous avons fait des observations sur ce chiffre. Nous avons demandé quand ces sinécures viendraient à cesser. Nous désirons savoir quand enfin les appointements des membres de la commission de liquidation viendront à cesser.
M. Mast de Vries, rapporteur. - Messieurs, vous savez le nombre d'affaires que la commission de liquidation a été chargée de résoudre. Ce nombre n'est pas moindre de 4,500. 2,500 affaires sont définitivement terminées. Il en est 2,000 sur lesquelles les premiers rapports sont faits. D'ici au 1er octobre toutes les affaires dont la commission est chargée, seront terminées ; du 1er octobre au 1er janvier elle fera le relevé au marc le franc, de sorte qu'au 1er janvier prochain sa mission sera arrivée à son terme.
(page 1423) « Dépenses diverses pour le soutien et le développement de l'industrie. »
« Art. 1er. Encouragement à l'industrie : fr. 60,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l'industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n°6, sur les fonds provenant des droits de brevets, publications de brevets, frais d'administration (personnel et matériel) : fr. 33,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Musée de l'industrie nationale : fr. 40,000. »
- Adopté.
M. Verhaegen. - Messieurs, l'année dernière, j'ai combattu avec force l'allocation sollicitée par le gouvernement pour l'instruction primaire et j'ai voté contre le budget de l'intérieur. Cette année, ma conduite sera encore la même, car, je dois le dire tout d'abord, je n'ai pas plus de confiance, sous le rapport de l'exécution des lois en matière d'instruction publique, dans l'honorable M. de Theux, que je n'en avais dans son prédécesseur M. Nothomb.
L'allocation sollicitée à charge du trésor public pour la seule instruction primaire s'élève à la somme exorbitante de 672,000 fr., indépendamment des deux millions quatre cent mille francs, perçus pour le même objet sur les provinces et les communes, et cependant la loi du 25 septembre 1842 n'a été qu'une parodie de l'enseignement primaire.
La Constitution veut que l'Etat ait un enseignement public à côté de l'enseignement particulier.
La loi de 1842 a dessaisi l'Etat de l'enseignement primaire public pour le donnera l'épiscopat qui déjà possédait l'enseignement libre.
Depuis plusieurs années le clergé visait au monopole. J'ai saisi toutes les circonstances qui m'étaient offertes pour faire apprécier ses tendances, mais mes efforts sont restés sans résultat. Lorsque l'absorption était un fait accompli, alors seulement le ministère a consenti à la discussion de la loi et la loi est venue sanctionner le fait accompli.
Un examen même superficiel de la loi démontre la vérité de ces assertions.
D'abord, messieurs, il faut bien le dire, c'est l'épiscopat qui forme exclusivement les instituteurs publics.
L'article 10 de la loi déclare que, pour être instituteur public, il faudra avoir fréquenté les écoles normales de l'Etat ou les écoles agréées par lui.
Or à l'époque de la loi, les évêques belges avaient sept écoles normales, entre autres celle de Rolduc que nous avons dotée en quatre années d'environ un demi-million pour nous faire concurrence, et mes avertissements encore une fois quant au but du clergé n'ont pas manqué au gouvernement ; tous les ans j'ai réclamé avec force contre l'allocation sollicitée ; mais la majorité, nonobstant mes efforts, l'a octroyée. Les évêques avaient donc leurs écoles normales, l'archevêque de Malines seul n'en avait pas.
Pour surmonter cette concurrence faite aux écoles laïques par l’épiscopat, la loi imposa au gouvernement d'établir immédiatement deux écoles normales primaires : l'une dans les provinces flamandes, l'autre dans les provinces wallonnes. Le gouvernement attendit assez longtemps avant de mettre la main à l'œuvre ; mais enfin voici comment la prescription de la législature reçut son exécution : les deux écoles normales furent placées dans le diocèse de Malines, et quatre professeurs de séminaires furent chargés par l'archevêque de la direction comme chefs et sous-chefs, c'est-à-dire que, pour surmonter la concurrence sacerdotale, on ajouta aux sept écoles des évêques deux écoles de l'archevêque.
Quant aux cours normaux qui devaient être adjoints aux écoles primaires supérieures du gouvernement, jusqu'à présent il n'en a pas été question. Voilà donc l'enseignement normal entièrement abandonné à l'épiscopat !
Messieurs, remarquons ensuite que les professeurs des écoles normales n'ont subi aucune épreuve de leur savoir, n'ont obtenu aucun diplôme littéraire ou scientifique, et que les élèves maîtres n'ont à passer par aucun jury d'examen pour arriver à une place d'instituteur.
Il suffit d'un certificat délivré, non pas par une commission, non pas par un jury, mais par un directeur ou un sous-directeur d'une école normale quelconque, et vous connaissez maintenant ces directeurs, ces sous-directeurs, pour que celui qui a obtenu ce certificat ait la faculté de se présenter comme instituteur dans une école communale ; de sorte que l'Etat ne connaît ni le degré de capacité ni les connaissances des candidats destinés à l'instruction publique.
En d'autres termes, fidèle à sa pensée de monopole, le clergé a imaginé un moyen dispendieux et compliqué pour la formation des instituteurs, afin de détruire des concurrences périlleuses. Pour cela la loi vole la liberté réelle de l'enseignement, la liberté des études, et puisqu'elle affranchit les candidats instituteurs de tout examen et de toute comparaison, il s'en suit que l'enseignement normal est un cadeau fait à MM. les évêques, avec la faculté de rendre la capacité des instituteurs aussi nulle que possible.
D'un autre côté, le plan d'inspection primaire, arrêté par la loi en a fait un instrument de monopole ; c'est, de plus, une institution tyrannique et oppressive à l'égard des tiers, à l'égard des administrés.
Je dis que l'inspection primaire est un instrument de monopole. En effet, l'article 7 de la loi concède aux évêques le droit de nommer des délégués pour gouverner et administrer les écoles officielles de concert avec l'autorité civile. L'inspection primaire est une institution mixte qui participe des pouvoirs publics et des chefs du clergé. Par lui-même ce principe aurait dû être banni d’une loi qui prétend donner appui aux écoles officielles laïques ; il devait l'être surtout parce que les institutions qui participent de deux autorités veulent un concert parfait de ces deux autorités, et qu'ici ces deux autorités ne s'entendront, ne pourront s'entendre jamais.
Qu'on ne fasse pas en Belgique d'écoles laïques ou que l'on se décide du moins à des mesures qui les rendent possibles. La loi accorde aux évêques le droit de s'occuper des écoles officielles, mais si l'on considère que la Constitution consacre la liberté de l’enseignement, c'est-à-dire que le clergé peut librement ouvrir et diriger des écoles, partout où il lui convient de les établir d'un bout de la Belgique à l'autre, on ne peut concevoir qu'il prête à ses rivaux, les instituteurs laïques un appui certain, efficace : ce que nous savons, c'est que le clergé, dans le double intérêt de son influence et de sa bourse, s'appliquera constamment à ne laisser échapper aucune occasion favorable pour attirer un nombreux auditoire dans les écoles ecclésiastiques au grand détriment des écoles laïques.
Il faut que le pays le sache : en 1830 le clergé a fait tomber l'enseignement dans le domaine de l'industrie, et s'est constitué le rival des instituteurs officiels laïques ; mais l'organisation provinciale et communale de 1836 semblant menacer les écoles ecclésiastiques d'une concurrence redoutable, nos prélats se sont fait donner en 1842 le pouvoir de surveiller, d'accuser et de juger leurs rivaux.
Qu'on nous le dise, ce monopole odieux n'est-il pas un spectacle qui révolte la conscience publique, et ne sent-on pas que, de cette manière, la concurrence ne peut être maintenue dans des conditions sincères et honorables ?
Il est une autre question que l'inspection du clergé soulève : je veux parler de la liberté des cultes, de cette liberté dont la conquête a coûté à notre pays le plus d'efforts, le plus de sang, et qui se trouve gravement compromise par la loi de 1842, et surtout par l'exécution que le gouvernement y a donnée.
Reste à établir que l'inspection primaire est une institution tyrannique et oppressive à l'égard des tiers, à l'égard des membres des écoles.
Messieurs, il y a d'abord neuf petits souverains qu'on appelle les inspecteurs primaires provinciaux ; puis viennent leurs ministres, les surveillants de chaque canton, et voilà tout le gouvernement de l'enseignement officiel. Mais où sont les juges ? les juges des inspecteurs d'abord, et ensuite les juges des maîtres ?
Car, remarquons-le bien, la loi ne crée pas de tribunaux : l'inspecteur cantonal décide seul en tête-à-tête avec l'inspecteur provincial de l’honneur et de l'existence des membres des écoles ! Je dis que c'est là un pouvoir monstrueux, inouï ; en France, en Hollande, en Prusse même, on discute, on examine, il y a des conseils d'instruction ; en Belgique seule on ne discute pas, tout est abandonné au caprice, à la faveur. Ainsi, malgré le luxe de haut personnel, les instituteurs officiels ne sont inspectés, contrôlés par personne si ce n'est par l'arbitraire. Encore si le ministre avait confié ce terrible pouvoir à des administrateurs se trouvant dans une position élevée, tels que les membres des députations permanentes, les commissaires d'arrondissement, les membres des tribunaux, enfin à tout ce que chaque arrondissement compte de distingué et d'honnête ; mais non, cette mission a été confiée à des inconnus, à des hommes qui ne pouvaient faire valoir ni titres de capacité, ni années de service ; à des personnages fort médiocres ou fort obscurs qui n'avaient pour droits que l'arrogance de tel ou lel prélat avec l'ignorance pour cortège.
Tandis que l'épiscopat ne confère les fonctions d'inspecteurs qu'à des hommes d'élite qui, par leur position et leurs connaissances, exercent une grande influence sur l'esprit des populations, le gouvernement a pris à tâche de confier l'inspection civile à des hommes n'ayant aucune notion da l'enseignement, à des hommes n'inspirant aucune confiance et étant d'une nullité complète ; de là doit nécessairement résulter que les inspecteurs civils sont complétement effacés par les inspecteurs ecclésiastiques et que ceux-ci organisent à leur guise ou plutôt désorganisent toutes les écoles du plat pays.
Messieurs, l'exécution que le ministère a donnée à la loi du 25. septembre 1842 a ouvert les yeux à ceux-là même qui avaient conservé encore quelques illusions. Aussi, partout on n'entend que des plaintes de la part des instituteurs, des plaintes de la part des administrations communales. Le croirait-on ? Dans certaines communes les inspecteurs ecclésiastiques se sont permis de faire des visites domiciliaires chez les instituteurs pour rechercher s'ils ne possédaient pas des livres mis à l'index, et ils ont poussé l'audace jusqu'à faire une enquête sur leurs convictions intimes ; et les inspecteurs civils sont restés spectateurs passifs de ces actes d'inquisition !
El puis au lieu d'organiser les écoles laïques, les inspecteurs ecclésiastiques les désorganisent, et nous avons la preuve de cette assertion dans une plainte toute récente adressée par l'administration communale de la ville d'Ath à la députation permanente du Hainaut. A Ath, d'après les ordres de l'inspecteur ecclésiastique, il y avait dans l'école primaire prière pendant une demi-heure ; catéchisme pendant une demi-heure, instruction proprement dite pendant dix minutes ou un quart d'heure ; seconde prière ; seconde leçon de catéchisme ; troisième prière ; troisième leçon de catéchisme ; quatrième prière ; quatrième leçon de catéchisme ; et pour l'instruction dans l'intervalle rien on à peu près rien.
Voilà, messieurs, l'état de l'instruction primaire en Belgique. Comme je le disais en commençant, ce n'est qu'une parodie d'instruction. La loi, surtout de la manière dont elle est exécutée, a mis aux mains du clergé l'instruction primaire tout entière et l'Etat n'intervient que pour payer sur les mandats des évêques.
(page 1424) Lors de la discussion de la loi du 25 septembre 1842, ceux qui en étaient les plus zélés partisans nous disaient : Quelles sont donc vos craintes ?Pourquoi voulez-vous soustraire l'enfance au contrôle si utile du clergé ? Pourquoi ne voulez-vous pas que l'instruction religieuse se donne dans les écoles ? Pourquoi ne voulez-vous pas qu'il y ait une inspection ecclésiastique qui est une garantie pour les parents ? Oh ! il en sera tout autrement, lorsqu'il s'agira de l'adolescence, dans la loi de l'instruction moyenne, nos principes seront bien différents. Alors nous serons d'accord avec vous.
Nous verrons dans quelques jours, messieurs, si ceux qui tenaient ce langage en 1842, resteront fidèles à leurs principes. Certains discours prononcés à cette époque nous seront très utiles dans la prochaine discussion. Quant à moi, je répéterai, lors de la discussion de la loi sur l'instruction moyenne, tout ce que j'ai dit et développé sur l'instruction primaire, et les concessions qu'on m'a faites naguère donneront une nouvelle force à mes arguments.
Certes, si le système de M. de Theux devait prévaloir pour l'instruction moyenne, cette instruction serait abandonnée tout entière aux mains du clergé comme l'instruction primaire tout entière lui a été abandonnée en 1842, et alors il ne resterait plus que l'instruction supérieure qui subirait bientôt le même sort, puisqu'elle serait immédiatement l'objet des mêmes convoitises.
Je n'ai pas oublié, messieurs, qu'un honorable membre qui siège sur les bancs de la gauche, me disait, il y a 4 ans, lorsque je lui faisais certaines observations sur la participation du clergé aux affaires temporelles, que le clergé ne. s'arrêterait que quand il serait maître de l'instruction tout entière, de l'instruction dans tous ses degrés. Ces paroles, assez significatives, je pense, se trouvent consignées au Moniteur.
Eh bien, messieurs, de ce système-là je n'en veux pas. La majorité a le droit de nous imposer sa volonté, je le sais. Mais heureusement les lois ne sont pas perpétuelles, et, pour mon compte, je le déclare avec toute la franchise qui me caractérise, je ne laisserai échapper aucune occasion favorable pour provoquer le retrait de lois que je considère comme attentatoires à nos libertés, parce qu'elles créent un monopole odieux au profit du clergé. Si la loi sur l'instruction moyenne vient encore, contre mes prévisions, sanctionner un fait accompli (l'absorption de toute l'instruction moyenne aux mains du clergé), cette loi devra subir un jour le même sort que subira nécessairement la loi sur l'instruction primaire.
- La séance est levée à 4 heures et demie.