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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 6 mai 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1215) M. de Man d’Attenrode fait l'appel nominal à midi un quart, et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus (Albéric) présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur André-Louis Ard'huin, employé du gouvernement, né à Douai (France) demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les sieurs Parsy et Gaules soumettent à la chambre des observations sur le règlement de la ville de Bruxelles, relatif à la prostitution, et demandent que, lors de la révision de l'article 350 du Code pénal, il soit pris des mesures contre les maisons clandestines de débauche. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exerfice 1846

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer, postes

Section I. Chemins de fer
Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur le chapitre III. (Chemin de fer. - Postes.)

M. David. - J'avais annoncé à M. le ministre des affaires étrangères que je lui adresserais une interpellation, mais comme je ne le vois pas dans cette enceinte, je me réserve de faire plus tard cette interpellation.

(page 1277) M. Lys. - Messieurs, chaque année à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, lorsque nous sommes arrivés au chapitre du chemin de fer, de nombreuses observations sont faites dans cette chambre quant aux adjudications des travaux de cette voie de communication. Des plaintes sont élevées chaque année parce qu'en général ces travaux ne sont pas rendus par voie d'enchère publique, mais le plus souvent par conventions de la main à la main.

Ce n'est pas dans la chambre seulement qu'on se plaint de cette manière d'agir du gouvernement. La cour des comptes vous fait aussi ses plaintes à cet égard. Il me suffira de vous lire ce qu'elle dit dans ses observations qu'elle adresse à la chambre :

« Les observations de la cour des comptes sur l'administration et sur les dépenses du chemin de fer, occupent toujours beaucoup de place dans ses cahiers ; cela se conçoit : la construction et l'exploitation des chemins de fer donnent lieu à un service immense, qui absorbe des allocations considérables.

« La cour serait heureuse de pouvoir déclarer que les irrégularités signalées par elle ont disparu ; mais il n'en est pas ainsi, et la plupart de ses remarques précédentes subsistent. Dans la seconde partie de ce cahier, elle limitera plus particulièrement les questions qui se rattachent aux faits de comptabilité qui ont pour objet la régularisation des dépenses.

« Maintenant elle passera en revue quelques faits nouveaux, qui ont donné lieu à ses remarques ou à sa critique, mais dont elle n'a pu prévenir ni empêcher la consommation, attendu qu'il s'agit là d'actes administratifs qui lient l'Etat sous la responsabilité du ministre.

« « Si l'on veut jeter un coup d'œil rétrospectif sur les observations que depuis nombre d'années la cour des comptes a consignées dans ses cahiers, au sujet des travaux publics, et nommément de ceux du chemin de fer, on acquerra la preuve qu'elle a continuellement insisté pour que tous les travaux, ouvrages, fournitures, fissent l'objet d'adjudications publiques, à moins qu'il ne fût clairement démontré que, dans certains cas, il y a plus d'avantage pour l'Etat à recourir à l'emploi d'un mode exceptionnel ; qu'elle a continuellement insisté pour que les cahiers des charges fussent rédigés avec méthode et précision, afin d'éviter autant que faire se peut le recours à des transactions, qu'il faut toujours tâcher de prévenir, et pour que l'on ne rende pas illusoires par des remises trop faciles, les pénalités encourues par les entrepreneurs.

« Si donc la cour doit partager la sensation pénible qu'a fait naître un fâcheux événement, dont l'opinion publique s'est émue et qui a fixé d'abord toute la sollicitude des chambres, ce n'est qu'au point de vue de l'événement en lui-même et des causes qui ont pu l'occasionner ; car elle n'a pas à se faire le reproche d'avoir, par un silence complaisant ou craintif, laissé accréditer l'opinion qu'en matière d'adjudication publique, de rédaction et d'interprétation des contrats et cahiers des charges, tout se passait conformément aux bonnes règles de la comptabilité et d'une sage économie. »

Vous savez, messieurs, que chaque année lors de la discussion du budget, M. le ministre des travaux publics vient nous dire : L'adjudication aux enchères publiques sera la règle, l'adjudication à main ferme sera l'exception. Mais le budget des travaux publics n'est pas plutôt voté, que le ministère fait des adjudications à main ferme et en fait pour des sommes considérables. Je me bornerai, messieurs, à vous rappeler aujourd'hui le contrat à main ferme qui a été fait non seulement pour la tranchée provisoire de Cumptich, mais aussi pour la tranchée définitive.

Pour la tranchée provisoire, on a usé d'une apparence de précaution. On a réuni quatre entrepreneurs et on les a invités à faire leurs soumissions. Probablement ces quatre entrepreneurs étaient d'accord entre eux. On obtint facilement l'adjudication de la tranchée provisoire. On a dit : Nous avons choisis les plus capables ; mais je me crois autorisé à dire qu'on a choisi les plus favorisés, et en voici la preuve. Pour la tranchée provisoire on pouvait croire que comme il y avait une très grande urgence, il y avait lieu de recourir à une adjudication entre un certain nombre d'entrepreneurs. Mais pour la tranchée définitive les circonstances n'étaient plus les mêmes.

On ne pouvait dire qu'il y avait là des travaux extraordinaires ; car il suffisait d'avoir des ouvriers et des waggons. Eh bien, pour la tranchée définitive, le gouvernement s'est borné à continuer ce qu'il avait fait pour la tranchée provisoire. Il n'a plus même usé de la précaution qu’il avait eue de réunir quatre entrepreneurs, il a accordé la tranchée définitive à celui qui avait obtenu la tranchée provisoire.

Je crois, messieurs, que ce n'est pas exécuter la promesse qu'on avait faite devant la chambre. Aussi la presse s'en est émue et elle nous a appris que s'il y avait eu adjudication aux enchères publiques, il y aurait eu pour le gouvernement économie de 60 à 80,000 fr.

Il est remarquable, messieurs, que pour ces travaux j'avais averti le gouvernement qu'il y avait lieu à adjudication aux enchères publiques. En effet vous voyez aux Annales parlementaires, page 895.

Voici ce que je disais :

« Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, s'il est dans l'intention de faire procéder aux nouveaux travaux par voie d'adjudication publique ou par voie d'économie. Il y a une très grande différence entre ces deux modes : nous en avons vu la preuve en maintes circonstances ; tel grand entrepreneur a fait lui-même travailler par sous-entreprise, sans faire presque jamais travailler par économie.

« Ainsi, il est extrêmement essentiel que nous ayons une expertise régulière ; car on aura beau venir nous dire : « Le chiffre que je vous demande est le chiffre maximum ; » nous avons pour nous l'expérience ; ce n'est pas la première fois qu'on demande des chiffres maxima, et qu'on est venu ensuite réclamer des subsides supplémentaires.

« Je rappellerai les sommes énormes que l'Etat a dépensées pour le chemin de fer dans la vallée de la Vesdre ; et pourquoi ces dépenses ? parce que les cahiers des charges n'avaient pas été régulièrement faits. C'est ce qui occasionne une augmentation considérable de dépenses. C'est donc parce que nous avons procédé trop vite, que tous ces frais ont été faits.

« Pourquoi le tunnel de Cumptich lui-même a-t-il été construit ? Parce qu'on a agi encore avec trop de précipitation. L'Etat a perdu plus d’un million par là.

« La décision à prendre en ce moment n'est pas aussi urgente qu'on le prétend, si l'on se résout à ne plus se servir du tunnel et à faire un nouveau chemin de fer. Quant aux marchandises, et M. le ministre des travaux publics en convient lui-même, elles pourront passer par le tunnel, quand il sera déblayé ; et quant aux voyageurs, ils passeront à pied un mois de plus.

« Rien n'empêche donc d'examiner l'affaire à fond ; il est indispensable de voir s'il n'y a pas lieu à ouvrir une adjudication publique ; il faut avoir des notions exactes sur les dépenses à faire. Nous avons pour nous la triste expérience du passé ; nous avons dépensé en pure perte un million et demi ; et lorsqu'il s'agit de voter 38,000 francs pour les légionnaires de l'Empire, vous dites que vous ne pouvez imposer cette charge aux contribuables ; et ici c'est une charge d'un million et demi que vous faites peser sur eux, et qui est totalement perdue pour l'Etat. »

Messieurs, je le répète, le gouvernement ne prête aucune attention aux observations que nous faisons dans la chambre. Lorsque le budget est voté, il agit comme il le trouve bon. Il n'est pas de circonstance où une adjudication aux enchères publiques fût plus facile que pour la tranchée définitive, puisqu'il n'y avait que des travaux fort ordinaires à exécuter, il est à remarquer que lorsqu'il s'est agi de faire un tunnel, il y a au moins eu un semblant d'adjudication aux enchères publiques. N'est-il pas étonnant que lorsque pour un ouvrage d'art qui n'était pas connu en Belgique on a eu recours à une adjudication publique, on ait abandonné ce mode pour une tranchée où il n'y avait à exécuter que des travaux très connus ?

Je ferai remarquer, messieurs, que lorsqu'il s'agit de travaux publics, très-souvent le ministère presse sur la chambre ; c'est à-dire qu'il vient vous dire tantôt que c'est un objet qui est extraordinairement urgent, tantôt que les concessionnaires ont stipulé un terme fatal. De cette manière nous sommes entraînés à voter précipitamment les propositions que l'on nous fait, et il en résulte des pertes immenses pour l'Etat.

Vous vous rappellerez, messieurs, ce qui s'est passé en 1836 et 1842. Lorsqu'il s'est agi du tunnel de Cumptich, l'administration des ponts et chaussées nous disait que le terrain n'offrait pas des conditions suffisantes de sécurité pour travailler à ciel ouvert. En 1845, les mêmes obstacles n'existent plus. Nous avons donc fait là une dépense inutile de plus de 1,500,000 fr. ; et cela parce qu'on veut toujours travailler trop vite, et parce que la chambre se rend trop facilement aux motifs d'urgence que l'on allègue.

Vous vous rappelez encore la perte considérable qui est résultée pour le pays de ce qu'on est venu soutenir que les billes de bois blanc étaient aussi solides que les billes en chêne. C'est encore là une triste expérience que nous avons faite aux dépens de l'Etat.

En 1840 on venait nous dire que pour le chemin de fer d'Entre-Sambre et-Meuse il était nécessaire que la chambre consentît à assurer aux entrepreneurs un minimum d'intérêt. Heureusement la chambre ne s'est pas rendue à ces observations, et en 1845 on est venu vous demander la concession de ce chemin de fer sans minimum d'intérêt.

Pour d'autres chemins de fer on est venu nous dire qu'il fallait approuver sur-le-champ les concessions, parce qu'un terme fatal était fixé, et que ce terme écoule, les demandeurs en concession se retireraient. Nous avons fort heureusement plus d'une fois dépassé ce terme, et nous avons obtenu des conditions plus favorables.

(page 1278) On a fait éprouver, messieurs, beaucoup de pertes au pays en venant ainsi presser les votes de la chambre par des raisons d'urgence. Vous vous rappellerez encore ce qui a eu lieu pour le chemin de fer de Louvain à la Sambre. L'année dernière nous avons accordé la concession de ce chemin de fer. cette année on est venu nous demander des changements qui sont du tout au tout.

L'année dernière nous avons accordé la concession d'un canal. Cette année on est venu mettre en question la possibilité de son exécution sous prétexte qu'il ne pourrait être suffisamment alimenté. M. le ministre des travaux publics nous disait avant-hier : Le gouvernement est résolu à exiger des entrepreneurs l'exécution de leurs engagements. Mais M. le ministre a cependant fait vérifier les études par trois ingénieurs.

Croit-on d'ailleurs que toutes ces vérifications, tous ces examens ne coûtent rien à l'Etat ? On a dit dans le temps que toutes les expertises, les cahiers des charges, les examens étaient à la charge des entrepreneurs ; eh bien, messieurs, consultez encore les observations de la cour des comptes et vous verrez, au contraire, que les frais des chemins de fer concédés coûtent beaucoup d’argent à l'Etat. Voici ce que dit la cour des comptes :

« Les sommes successivement liquidées par la cour pour les frais d'études de chemins de fer non décrétés sont fort considérables. Les frais d'études du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse ont coûté jusqu'à ce jour 20.652 fr. 10 c ; pour le chemin de fer de Louvain à la Sambre, ils se sont élevés à 27,479 fr. 88 c ; et 14,800 fr. ont déjà été dépensés pour celui d'Ypres à Menin. Le gouvernement s'est aussi chargé des frais d'études des chemins de fer de Jurbise à Tournay, d'Anvers à Breda, de Landen à Manage, et tout récemment encore d'un projet qui aurait pour but de relier directement Bruxelles à Namur.

« Ces frais, toutefois, sont encore loin de représenter les dépenses réelles que ces études entraînent ; car dans les sommes citées plus haut ne sont point compris, ni les traitements des ingénieurs, conducteurs et surveillants, sous les ordres des chefs chargés de diriger ces études, ni les traitements variables et indemnités allouées à ces employés, ni les frais de bureau très considérables que ces études nécessitent. D'un autre côté, cet état de choses exige une augmentation de personnel qui est aussi une charge pour l'Etat.

« Le département des travaux publics a même supporté jusqu'ici les frais d'impression des cahiers des charges, frais qui, de même que ceux d'études, devraient, aux termes de l’arrêté royal du 29 novembre 1836, être supportés par les concessionnaires.

« Cet arrêté donne même au ministre le droit de faire vérifier contradictoirement, tant par opérations sur le terrain que de toute autre manière, et aux frais du demandeur en concession, les données des projets.

« La cour des comptes a cru devoir attirer l'attention de la législature sur cet objet, à cause des nombreuses demandes de concessions de chemin de fer qui se font chaque jour, lesquelles deviendraient une charge énorme pour l'Etat, si le trésor devait supporter les frais d'études, d'impression des cahiers des charges, etc., etc., que tous ces projets doivent nécessairement entraîner. »

Vous voyez donc, messieurs, qu'on nous fait payer jusqu'aux cahiers de charges.

De là, messieurs, naissent de graves abus, dont quelques-uns vous ont été signalés encore dans la dernière séance ; car cette concession qu'on a faite a M. de Hompesch, je la considère, moi, non pas comme une concession ordinaire, mais comme une véritable indemnité qu'on a voulu accorder à M. de Hompesch. Ne connaît-on pas les plaintes formées par cet honorable comte ? Ne s'est-il pas plaint depuis longtemps qu'on lui eût fait faire de grandes dépenses pour Guatemala, qu'on lui eût fait des promesses qui n'ont pas été tenues ?

Je crois que, par cette concession, le ministère a voulu racheter les engagements qu'il avait pris envers M. de Hompesch. On a beau expliquer la lettre du ministre, il ne reste aucun doute qu'après l'arrêté du 21 mai, M. de Hompesch n'aurait pas pu réclamer une convention provisoire. Or, pour qu'il pût réclamer une convention provisoire, il fallait que le ministère prît auparavant un engagement ; c’est ce qu'il a fait. Le ministère, bien qu'il sût qu'il allait prendre l'arrêté du 21 mai, prit un engagement envers M. de Hompesch afin que celui-ci pût venir après le 21 mai réclamer une convention provisoire, sans devoir remplir les formalités que l'arrêté exigeait.

Tout autre particulier qui n'aurait produit que ce qui avait été fourni par M. de Hompesch, n'aurait pas eu le droit de venir, après le 21 mai, demander une convention provisoire ; il n'avait d'autre droit de priorité que ce qui concernait le dépôt des plans.

Il y a donc eu un véritable privilège accordé à M. de Hompesch ; il a pu ainsi fournir et compagnie et caution, après le 21 mai ; le principe d'égalité a été violé.

Je viens maintenant, messieurs, demander qu'il soit fait droit aux réclamations que la ville de Verviers a adressées depuis longtemps au gouvernement. Verviers est peut-être la seule ville en Belgique en possession du chemin de fer et dont les habitants ne puissent pas se rendre soit à Bruxelles, soit à Anvers, et rentrer le même jour chez eux. On maintient cet état de choses sans aucun profit pour le gouvernement ; au contraire, je sais qu'il en résulte une perte. Pendant la période d'été, le dernier convoi de Liège à Verviers part, si je ne me trompe, à 7 heures du soir, c'est-à-dire, une heure avant l'arrivée du convoi de Bruxelles à Liège, Or, ne serait-il pas bien plus naturel (et je crois que M. le ministre actuel des travaux publics partagera mon opinion), ne serait-il pas bien plus naturel de retarder le dernier départ du convoi de Liège à Verviers, d'une heure, afin qu'il puisse reprendre les personnes de Verviers qui se trouvent sur le convoi de Bruxelles, c'est une chose qui ne coûterait rien au gouvernement et qui serait très avantageuse pour le fabricant. Je dis même plus. Je dis que cela multiplierait les voyages des fabricants et augmenterait par conséquent les revenus du chemin de fer, sans aucune augmentation de dépense.

Mais, dira-t-on peut-être (et c'est ce qu'on a déjà dit dans le temps), le chemin de fer de Liège à Verviers est d'un trajet difficile et dangereux et il serait imprudent de faire le voyage pendant la nuit. Cette allégation ne peut pas se soutenir, car pendant tout l'hiver le convoi part de nuit, voyage de nuit, arrive de nuit, et il n'y a pas de doute que la saison d'hiver ne soit bien plus dangereuse que la saison d'été.

Je dis que le fabricant, homme essentiellement nécessaire chez lui pour la surveillance de ses ateliers, je dis que s'il pouvait rentrer le même jour chez lui, il multiplierait ses voyages, ce qui serait un avantage pour le chemin de fer.

Par un arrêté du 14 janvier, on a aussi remédié à un abus.

Il est remarquable que, pour le chemin de fer d'Ans à Verviers, on fait payer non le parcours réel du chemin de fer qui est. en ligne droite, mais le parcours qu'avait une ancienne route, tortueuse et plus longue.

On a remédié en partie à cet abus. C'était une application erronée d'un principe.

En effet, messieurs, on a accordé une indemnité en sens contraire aux habitants de Louvain, de Bruxelles et de Gand. Sur ces lignes, les routes anciennes allaient en ligne directe. Le chemin de fer n'a pas suivi cette ligne directe. On a accordé aux habitants une moyenne ; c'est-à-dire qu'on ne leur fait pas payer tout le parcours du chemin de fer. Cette moyenne est établie en faveur de ce parcours du chemin de fer, on a indemnisé parce que le railway n'avait pas suivi la ligne la plus droite.

Pour nous, on avait argumenté en sens contraire ; on avait dit : Vous aviez une route tortueuse ; vous payerez le parcours non pas du chemin de fer, mais de l'ancienne route. C'était là forcer le principe, on ne dirait pas comme à Louvain et à Gand : Nous voulons vous faire plus que le chemin de fer ne vous donne, mais on nous faisait payer au-delà du parcours réel.

C'était là une misérable chicane, un tel raisonnement n'était qu'un argument captieux ; car si l'on voulait prendre une route comme base du tarif, on pouvait en prendre une plus courte que celle de la vallée de la Vesdre, par exemple, la route de Verviers par Hervé et la Clef sur Liège qui présente moins de longueur.

Par un arrêté du 14 janvier, le gouvernement a fait droit à nos réclamations sur ce point, en ce qui concerne les marchandises, mais pas en ce qui concerne les personnes. Si l'on admet le principe d'un côté, on doit l'admettre de l'autre. Justice entière doit être rendue. J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la convenance d'étendre la mesure prise par cet arrêté.

Vous vous rappelez qu'un arrêté a fait remise des trois quarts des frais de transport pour les céréales sur Liège et Verviers. Chose singulière ! On a exclu de la remise toutes les localités intermédiaires ; il faut que le déchargement ait lieu à Liège ou à Verviers, pour que l'on jouisse de la réduction de droits. Mais on n'en jouit pas si le débarquement à lieu aux stations intermédiaires. Ainsi, pour les moulins de Pepinster, de Nessonvaux et d'Ensival qui sont entre Liège et Verviers, il faut faire arriver la marchandise, soit à Liège, soit à Verviers.

C'est une véritable chicane de la part de ceux qui exécutent l'arrêté ; car on ne me persuadera pas qu'il est entré dans la pensée du ministre de prendre une mesure utile et plus tard d'en diminuer le plus possible les effets.

Je ne mets pas en doute les bonnes intentions de M. d'Hoffschmidt, qui a pris cet arrêté. Je suis persuadé que son successeur s'empressera de donner les ordres nécessaires pour que cet arrêté soit convenablement exécuté.

Un autre objet important pour la ville de Verviers serait un bureau en ville, où l'on pût déposer les marchandises, dits de diligence. Ainsi que cela se pratique dans les autres villes, il pourrait être établi chez l'entrepreneur du camionnage. Ce serait dans l'intérêt du chemin de fer ; car les marchandises de diligence payent quatre fois plus que les grosses marchandises.

Faute d'un bureau en ville, on dépose les marchandises au bureau des messageries. Je m'explique, en citant l'exemple suivant :

Un négociant a un colis de 50 kilog. ; il consent à payer comme au tarif n°4, afin d'activer le transport ; ne trouvant point de bureau du chemin de fer en ville, il est réduit le plus souvent à avoir recours aux messageries (page 1279) qui le font prendre chez lui ; de là une perte réelle pour le railway et un désagrément pour ce négociant.

Je viens maintenant vous entretenir d'un objet que je considère comme fort important.

Il s'agit de nos intérêts dans le chemin de fer rhénan. En 1814, j'ai établi, dans cette chambre, les faits que M. le ministre des travaux publics de l'époque a trouvés très exacts. Mais M. le ministre des travaux publics ne m'a pas répondu alors, sous le prétexte, qu'en rompant le silence dans ce moment, il pourrait compromettre les intérêts de la Belgique ; il ajoutait que ses observations seraient intempestives. Il m'a donc renvoyé à l'année 1845. En 1845, le ministre gardait le même silence. Je renouvelai alors mes observations, parce que je savais qu'une transaction avait eu lieu, transaction par suite de laquelle nous ne devions recevoir que 47,000 fr. au lieu de 94,000 fr. ; cette transaction avait été conclue entre l'administration du chemin de fer rhénan et les banquiers de Cologne qui nous avaient cédé les 4 mille actions, mais il fallait la ratification du ministre des finances de Belgique. Le ministre des finances actuel m'a dit que la transaction n'avait pas été ratifiée ; je l'ai prévenu, il y a plusieurs semaines, que je réclamerais à l'occasion de cette transaction non ratifiée, et que les ministres devaient se préparer, pour répondre aux faits que j'articulerais.

Je renouvelai donc en 1845 mes observations, parce que, comme je viens de le dire, une transaction existait ; il y avait un terme fatal ; si elle n'était pas ratifiée, la perte était, non pas de 47,000 fr., mais de 94,000 fr.

Je réclamerai, messieurs, votre attention sur cet objet, d'abord parce que c'est un fait grave, et en second lieu, parce que c'est la dernière fois que j'en parle.

Je soutiens qu'il y a dans cette affaire faute grave de la part des ministres. Les ministres ont été avertis en temps utile à la tribune ; la somme n'est pas entrée, par leur faute, dans les caisses du trésor public ; elle est entrée, par leur libre volonté, dans la caisse de trois banquiers de Cologne.

Je dois, messieurs, rappeler les faits que vous avez probablement perdus de vue. A cet effet je ne vois rien de mieux à faire que de vous présenter l'analyse de mon discours de 1845.

Vous vous rappelez, messieurs, la situation pénible dans laquelle se trouvait l'administration du chemin de fer rhénan en 1839.

Vingt pour cent des actions qu'elle avait émises avaient été payés, il fallait faire verser les 80 p. c. restants.

Chaque actionnaire pouvait se retirer en abandonnant les 20 p. c. versés.

Dans cet état des choses, trois maisons de banque de Cologne déclarèrent à ladite administration, que si elle ne les libérait de 4,000 actions de 250 th. chacune, soit 937 fr. 50 c. elles renonceraient aux 20 p. c. versés et par conséquent ne verseraient pas le complément de 80 p. c. Pareille déclaration mettait la société dans l'impossibilité de continuer les travaux.

Cette administration ne trouvant pas d'appui dans le gouvernement prussien, après avoir fait appel à diverses caisses et aucune ne s'ouvrant, députa l'honorable M. Hansemann, pour venir à Bruxelles, engager l'Etat belge à venir au secours de l'entreprise du chemin de fer rhénan, en prenant au pair les quatre mille actions dont s'agit. Il faisait valoir auprès du cabinet et ensuite près de la section centrale de cette chambre, lorsque le projet de loi d'achat eut été présenté, qu'il était de l'intérêt de la Belgique de faire cette acquisition, pour assurer la jonction de l'Escaut au Rhin ; et pour mettre la Belgique à l'abri d'une perte d'intérêts, jusqu'à l'achèvement des travaux, on lui permettait de déduire du prix d'acquisition les intérêts jusqu'au 30 juin 1843. M. Hansemann faisait aussi valoir la prépondérance que cette opération donnerait à la Belgique, dans les conseils de l'administration du chemin de fer rhénan ; il disait enfin qu'à défaut de l’achat de ces quatre mille actions, ils devraient se borner à achever le railway de Cologne à Aix-la-Chapelle.

4,000 actions valaient au pair 5,730,000 fr. ;on ne paya, en prélevant les intérêts, que 3,349,000 fr.

Ce qui avait été prévu, est arrivé ; l'encaisse fin 1843, au lieu de présenter l'intérêt à 5 p. c, ne donnait pas de quoi payer un demi pour cent d'intérêt.

Les trois maisons cédantes ne devaient dès lors toucher qu'un quart pour cent d'intérêts, au lieu de 2 1/2 pour le premier semestre de 1843, et la Belgique pareil quart pour les intérêts du second semestre de 1843.

Tel était l'avis bien fondé de la direction. Un seul des onze directeurs était d'un avis contraire, mais il est à remarquer que ce directeur était l'un des chefs de l'une des trois maisons de banque susdites.

Ce dernier entendait qu'on prît sur le capital, ou, ce qui est la même chose, sur les bénéfices futurs, de quoi payer les intérêts pour 1843 à 5 p. c.

Il pouvait hardiment grever l'avenir à son profit, car à partir du premier semestre de 1845. il n'avait plus d'intérêt dans le chemin de fer rhénan, pour ce qui concerne les 4,000 actions dont s'agit.

Les dix autres directeurs reconnaissaient : La généreuse intervention de la Belgique, en 1839 ; qu'on ne pouvait grever l'avenir dans l'intérêt des dix banquiers cédants, au détriment de la Belgique ; que ce serait là fausser le contrat de 1839, en privant celle-ci d'une condition principale consentie, pour lui assurer et garantir l'intérêt à 5 p. c. jusqu'au premier juillet 1843.

Inutilement citait-on l'article 19 des statuts, qui annonçait qu'on payerait les intérêts des actions à 5 p. c, cela suppposait nécessairement que les produits du chemin de fer le permettraient. Nos quatre mille actions nous donnaient assez de voix dans l'assemblée des actionnaires, si nous avions voulu soutenir franchement l'opinion des dix directeurs qui nous étaient favorables. Mais le gouvernement belge donna un singulier mandat à MM. Masuy et Lejeune, qu'il chargea de le représenter.

Il faut remarquer que ces dix directeurs avaient donné leur démission, ne voulant plus siéger avec le onzième, l'un des trois banquiers qui préféraient les intérêts particuliers à ceux de la Belgique.

Par leur mandat nos deux députés devaient soutenir la réélection de ces dix directeurs, mais aussi ils devaient empêcher la révocation du onzième ; ce qui eut lieu, et par suite les dix directeurs maintinrent leur démission, ne voulant pas donner les mains à ce qu'ils regardaient comme une spoliation envers la Belgique.

Nécessairement l'opinion du onzième directeur dès lors prévalut. Les actionnaires n'avaient aucun intérêt à refuser de charger l'avenir, car ils recevaient aujourd'hui ce qu'ils ne recevraient point plus tard. La Belgique d'ailleurs ne s'y opposait point, cependant elle souffrait seule d'une pareille mesure. La question d'intérêts ne concernait point la masse des actionnaires ; elle ne s'élevait qu'entre les trois banquiers et la Belgique. Si les actionnaires recevaient plus en 1843, ils recevaient moins plus tard. Mais en ce qui concernait les trois maisons de banque, si elles recevaient plus en 1415, ce ne pouvait être qu'au détriment de la Belgique, car elles n'avaient rien à recevoir plus tard ; au 30 juin 1843 cessait leur participation aux bénéfices ; en ce qui concerne les 4,000 actions, à l'avenir, elles n'avaient plus rien à recevoir.

Nous avons donc perdu, en donnant un pareil mandat, une somme de 93,750 fr. sur le capital, pour payer le premier semestre de l’année 1843 ; mais nous perdions encore toute notre influence dans l'administration en faisant maintenir la démission de dix directeurs.

C'est dans cette position que l'un des dix directeurs qui nous étaient favorables, fit, pour diminuer la perte de la Belgique, une transaction au nom du chemin de fer rhénan, avec les trois banquiers de Cologne.

Je vais, messieurs, vous en donner lecture.

« Fait à Cologne le 20 novembre 1843.

« Entre la direction du chemin de fer rhénan représentée par son fondé de pouvoir M. d'Ammon, demeurant à Cologne, d'une part, et les trois maisons de banque :

« 1° J.-D. de Herstal.

« 2° Sal. Oppenheim, J. V. C.

« 3° P. H. Stein.

« établis en cette ville, d'autre part, il a été arrêté la convention suivante :

« Considérant que lesdites trois maisons de banque, sur un contrat passé entre elles et la direction du chemin de fer rhénan, en date du 28 octobre 1839, fondent des prétentions à des payements d'intérêts, lesquels ne sont pas reconnus de la direction ; les parties contractantes, afin d'obvier à tous les différends qui pourraient s'élever, soit entre elles, soit vis-à-vis du gouvernement belge, à propos des mêmes prétentions, se sont entendues ainsi qu'il suit :

« Les trois maisons de banque recevront d'avance un pour cent et un quart des intérêts qui seront payés dans la suite pour l’année 1843, et spécialement de la partie de ces intérêts qui tombera sur les 4,000 actions vendues au gouvernement belge ; elles recevront donc en d'autres termes la quatrième part du coupon, ainsi que les intérêts de cinq pour cent pour l'époque du 1er janvier jusqu'au 31 mars 1845.

« Les trois maisons de banque renoncent par contre, en faveur du gouvernement belge, à leurs prétentions relativement au restant des intérêts dus jusqu'au 30 juin 1843 de ces quatre mille actions.

« Cette convention ne sera valable qu'autant qu'elle sera ratifiée par S. Exc. M. le ministre des finances à Bruxelles. »

Voilà donc une transaction qui sauvait la moitié de nos intérêts, soit une somme de 47 mille fr. C'est la ratification de cette transaction que je demandais au gouvernement pendant la session de 1845. M. le ministre des finances actuel m'a annoncé qu'elle n'avait pas eu lieu.

Voyons, messieurs, ce qui s'est passé en 1845, ce que MM. les ministres m'ont répondu.

Voici ce que disait M. le ministre des finances :

« Je laisserai à M. le ministre les travaux publics le soin d'expliquer comment la question dont il s'agit n'est pas purement financière, et qu'il s'y rattache des considérations administratives d'une très haute importance. Quant à la question financière, elle se résume en un chiffre de quarante-sept mille francs, formant le quart de l'intérêt annuel des actions acquises par le gouvernement belge ; l'abandon de ce quart de la (page 1280) part des vendeurs fait l'objet du projet de convention dont a parlé l'honorable M. Lys ; je ferai observer à cet égard que, par un arrêté récent de la cour de Cologne, il a été décidé qu'aussi longtemps que des modifications ne seraient pas faites aux statuts primitifs des sociétés, l'intérêt établi par ces statuts doit être payé intégralement aux actionnaires, et au besoin prélevé sur le capital lui-même. Or, la décision de l'assemblée générale des actionnaires porte que les intérêts de 1843 seront complétés au moyen des bénéfices de 1844 ; prendre les intérêts sur le capital ou sur les bénéfices de l'avenir, c'est, en résultat, la même chose pour les actionnaires. »

Croirait-on qu'un ministre des finances tiendrait un pareil langage, dans une semblable situation ?

Prenez sur l'avenir ou sur le présent, c'est égal !

Mais c'est le contraire ; en effet, il s'agit là de trois banquiers qui, en ce qui concerne les quatre mille actions cédées à la Belgique, ne seront plus actionnaires dans l'avenir. c'est dans la caisse de l'Etat qu'on prend pour eux l'intérêt de ces quatre mille actions en les prenant sur l'avenir.

« Depuis lors, continue M. le ministre des finances, des modifications ont été apportées aux statuts, c’est-à-dire qu’au lieu d’intérêt on ne distribuera plus que des dividendes jusqu’à concurrence des bénéfices réalisés ; mais ces modifications n’ont été introduites qu’au commencement de 1844 ; elles n’ont pu avoir d’effet rétroactif ; quant à l’arrêt de la cour de Cologne, il est conforme aux prétentions de beaucoup d’actionnaires, qui soutiennent que les intérêts devaient être payés intégralement aussi longtemps qu’il n’en serait pas décidé autrement pour l’avenir par l’assemblée générale des actionnaires. Dans un intérêt de conciliation, le banquier intéressé dans la vente des quatre mille actions, qui était l’un des directeurs de la société, avait consenti à se dessaisir de la moitié des intérêts du premier semestre de 1843, et avait signé une convention conçue dans ce sens. Le gouvernement a voulu, avant de ratifier cette convention, attendre que le but que s’était proposé ce banquier fût atteint, c’est-à-dire que la conciliation fût opérée entre les différents directeurs. C’est ce qui n’a pas eu lieu. J’ajouterai que le gouvernement n’avait pas connaissance de l’arrêt de la cour de Cologne, à l’époque où cette convention lui a été offerte. Si la convention n’a pas été ratifiée jusqu’à ce jour, c’est qu’il reste à examiner encore si des considérations de délicatesse et de loyauté ne doivent pas le déterminer à y renoncer.

« L’honorable membre a demandé ce qui avait été touché pour 1843, et ce qui sera reçu en 1844. Ceci importe peu à la question, car, quelle que soit la somme à toucher pour 1843-1844, l’objet du débat ne peut consister que dans la somme de 47 mille francs. Nous n’avons rien touché, parce que le bénéfice de 1844 ne sera déterminé que dans l’assemblée des actionnaires qui aura lieu au mois de mai prochain, pour arrêter les comptes de 1844. Le trésor recevra alors ce qui lui revient dans le deuxième trimestre de 1843, et en même temps sa part de bénéfice de 1844.

« Telles sont les considérations que j’avais à faire sur la question financière ; quant aux détails de l’ordre administratif, ils sont mieux connus de mon collègue M. le ministre des travaux publics ; je lui laisserai le soin de les exposer à la chambre. »

Parce qu'il existait un arrêt de la cour de Cologne, qui jugeait en ce sens ! Mais que direz-vous, quand vous saurez que cet arrêt n'existe pas ? Pourtant, M. le ministre est venu faire cette déclaration dans cette enceinte. Eh bien ! je vous démontrerai que le ministre avait fait prendre copie de l'arrêt au greffe de la cour de Cologne, et cet arrêt était rendu dans un sens contraire à celui annoncé.

Le ministre des travaux publics disait :

« M. le ministre des finances vient de vous donner des explications sur la question financière, celle qui concerne l'intérêt des actions du chemin de fer rhénan. Pour le gouvernement, il faut le dire, la question financière n'était pas la principale dans le conflit qui s'est élevé dans l'administration rhénane. »

« Cette question est délicate, car il s'y mêle des noms propres et il est difficile de discuter de semblables questions à la tribune.

« Cependant, je crois pouvoir dire, on peut en avoir la preuve dans les mémoires qui ont été publiés à l'occasion du dissentiment entre les membres de l'ancienne direction, que la question de l'intérêt des actions n'était qu'accessoire, je n'oserais pas dire le prétexte ; c'était un conflit d'influence de localité. C'est ainsi que ce conflit est considéré dans les provinces rhénanes. On n'y considère ce conflit qui avait divisé l'administration rhénane, que comme une lutte d'influence entre Cologne et Aix-la-Chapelle. Que demandaient les dix directeurs au gouvernement belge ? De leur prêter son influence pour expulser le onzième directeur qui, il faut bien le reconnaître, avait rendu avec toute l'administration rhénane des grands services lors de la création du chemin de fer rhénan qui est le prolongement du chemin de fer belge.

« Le gouvernement avait intérêt à opérer la conciliation avant tout. Il n'avait qu'à se louer de l'ancienne direction ; il aurait voulu la reconstituer par son influence, mais cette reconstitution est devenue impossible, à moins que le gouvernement se prêtât à cette mesure extrême qui consistait à expulser un membre qui était censé représenter spécialement dans l’administration l'intérêt colonais. Que serait-il arrivé si le gouvernement belge avait consenti à donner les mains a une pareille lutte ? Que serait-il arrivé si l'intérêt colonais s'était trouvé froissé de l'expulsion du membre qui était censé le représenter ? Veuillez remarquer que ce membre avait l'appui du conseil supérieur de l'administration, cela a été prouvé lors des réunions du conseil qui ont précédé les dernières assemblées générales.

« Le gouvernement belge, qu'a-t-il fait en donnant le mandat que ses agents avaient à remplir ? C'était un mandat de conciliation. Son but était de reconstituer l'ancienne direction rhénane, parce que nous n'avions eu qu'à nous louer des rapports que nous avions eus avec cette direction. »

Voici ce que je leur répondais :

« M. le ministre des finances n’a pas contesté la transaction dont j’ai parlé mais il n’a pas dit s’il comptait la ratifier. Elle doit l’être avant le 5 juin. Si l’on attend plus longtemps, on ne pourra plus la ratifier. On ne nous dit pas ce qu’on fera à cet égard.

« On dit que c’est par des motifs de délicatesse, de loyauté que l’on n’a pas ratifié plus tôt. Mais quels peuvent être ces motifs ? Je ne vois pas quelle indélicatesse il peut y avoir à accepter une chose qu’on nous offre, pour laquelle on a stipulé en notre nom, qui a été volontairement consentie. En effet les trois maisons de Cologne ont déclaré qu’elles borneraient leurs prétentions à trois mois d’intérêt pour l’an 1843, abandonnant les neuf ans à la Belgique. Quel motif de délicatesse peut vous empêcher d’accepter, puisque vous sauveriez à la Belgique une somme de 47 mille fr. ? Je demande une réponse ; car il s’agit ici d’un intérêt réel pour le pays. Remarquez que la Belgique est dans une situation toute particulière. Les autres actionnaires ne perdront rien ; ils ont touché les intérêts de 1843, qui ont été prélevés sur les bénéfices éventuels de 1844 et 1845 ; mais la Belgique n’est pas dans cette position ; elle a voulu être sûre des intérêts jusqu’au 30 juin 1843 ; elle n’a pas entendu prendre sur les années 1844 et 1845 pour payer les intérêts de 1843. Il n’y a donc pas ni indélicatesse ni déloyauté à accepter ce que l’on a fait en votre nom.

« M. le ministre des travaux publics a dit qu’il y avait eu des difficultés dans l’administration du chemin de fer. Il s’agit des difficultés entre les députés de Cologne et les députés d’Aix-la-Chapelle. Mais je remarque au nombre des députés qui ont donné leur démission, plusieurs députés de Cologne, et je citerai M. Von Ammon qui a fait la transaction au nom de la Belgique et qui fait partie de la Cour royale de Cologne ; les députés démissionnaires soutenaient les intérêts de Cologne, comme ceux d’Aix-la-Chapelle, et je le répète, la division qui existait n’avait rapport qu’aux intérêts de la Belgique.

« Je ne puis trop le répéter, il n’existe dans cette affaire que l’intérêt de trois maisons de Cologne, qui font passer dans leurs caisses des fonds qui n’existaient pas dans l’actif de la société et qui nécessairement sont ainsi versées au détriment de la Belgique seule.

« On nous dit : Vous le voyez, cette personne qu’on voulait expulser a été maintenue ; mais pourquoi en a-t-il été ainsi ? parce que le ministère a jeté dans la balance en faveur de cette personne nos 1,000 voix sur 4,000. Quand nous donnons ces voix en faveur d’une personne qu’on veut expulser, il est évident que nous la maintenons au détriment des dix autres directeurs. Ainsi, c’est la Belgique qui a maintenu dans l’administration celui qui voulait s’assurer à nos dépens le payement du premier semestre 1843.

« Je crois avoir le droit de demander, parce que l’intérêt de la Belgique est ici en cause, si l’on ratifiera cette convention, assez à temps, et de manière que la Belgique ne paye pas plus qu’elle ne doit payer, la transaction réduisant de moitié ce payement. »

M. le ministre des finances m'a répliqué :

« Pour bien comprendre la question traitée par l’honorable membre, il faut se reporter à l’époque de la vente des actions. Les banquiers qui ont vendu les actions pouvaient-ils supposer alors que les intérêts ne seraient pas payés intégralement ? Qu’on se rappelle qu’en 1839 les sociétés anonymes acquittaient les intérêts, lors même qu’ils n’étaient pas réalisés en bénéfices ; plus tard, les statuts de la plupart d’entre elles ont été modifiés ; des assemblées générales d’actionnaires ont décidé que les intérêts ne seraient payés que jusqu’à concurrence des bénéfices réels. On peut admettre qu’il est au moins douteux qu’au moment de la vente, il soit entré dans les prévisions du gouvernement et des actionnaires de la société du chemin de fer rhénan que les intérêts pourraient ne pas être touchés intégralement jusqu’au 1er juillet 1843 par ceux qui opéraient la vente. Il y a donc, quoi qu’en ait dit l’honorable membre, une question fort délicate à apprécier par le gouvernement belge qui ne peut se laisser dominer par la seule considération étrangère.

« Je le répète, le but principal qui a motivé la transaction offerte était une réconciliation entre les différents directeurs de l’administration du chemin de fer. C’est ce résultat que nous désirons tous obtenir. Il dépend de nous d’approuver cette convention. Mais il est permis de douter (page 1281) qu’on ferait ainsi un acte de bonne administration. La question n’est pas définitivement résolue. Elle fera encore l’objet d’un sérieux examen. »

Comme je vous l'ai déjà dit, messieurs, l'administration du chemin de fer rhénan, en nous laissant escompter les intérêts jusqu'au 30 juin 1843, avait voulu nous assurer que les intérêts jusqu'à cette époque entreraient dans les caisses du trésor belge, parce qu'on sait (et cela arrive généralement) que lorsqu'on commence un chemin de fer, il n'est pas susceptible de recettes tant que les travaux ne sont pas achevés. L'expérience, messieurs, nous en a convaincus complétement.

Je vous ai démontré, messieurs, qu'en 1843, le chemin de fer rhénan, au lieu de produire 5 p. c. d'intérêt, n'a donné qu'un produit réel de 1/2 p. c. Dans cet état de choses, les banquiers de Cologne qui nous avaient cédé les 4,000 actions devaient jouir des intérêts jusqu'au 1er juillet 1843, et la Belgique jouissait des intérêts des six derniers mois de cette année. Ainsi, au lieu de recevoir 2 1/2 p. c. nous ne devions recevoir que 1/4 p. c. et si l'on accordait aux banquiers de Cologne 2 1/2 p. c, il fallait prendre 2 1/4 p. c. sur le capital de la Belgique, car, le 30 juin 1843 les trois banquiers de Cologne qui nous avaient cédé les 4,000 actions n'élaient plus actionnaires du chemin de fer ; c'était la Belgique qui avait pris ces 4,000 actions, qui commençait alors à jouir : or il tombe sous le bon sens que si dans ces circonstances vous empruntez sur l'avenir pour prélever 2 1/4 p. c, vous prélevez ces 2 1/4 p. c. sur le capital de la Belgique. Ainsi, d'après tous les principes, d'après la justice et l'équité, ces intérêts devaient entrer dans les caisses du trésor belge et tel était le vœu de toute la direction sauf un seul membre ; car, remarquez-le, messieurs, des onze directeurs du chemin de fer rhénan, dix déclaraient positivement qu'il devait en être ainsi, que sans cela il y aurait infraction à la convention faite avec la Belgique, que ce serait manquer à sa généreuse intervention de 1839.

Eh bien, messieurs, c'est par suite du mandat que le gouvernement a donné aux deux députés qu'il a envoyés à Cologne, qu'on a voulu conserver le onzième directeur, qui nous était opposé, et que les dix directeurs favorables à la Belgique ont maintenu leur démission.

Ainsi nous avons perdu de ce chef 90,750 fr. montant des intérêts du premier semestre de 1845. La preuve en est évidente quand on voit l'un des directeurs démissionnaires faire avec les trois maisons de Cologne une transaction par laquelle on partagerait la différence en donnant trois mois d'intérêt aux trois banquiers de Cologne et trois mois à la Belgique. C'est cette transaction que le gouvernement n'a pas voulu ratifier, et il a fait ainsi un véritable cadeau à ces trois banquiers, au détriment du trésor belge.

« Mais, disait M. le ministre des finances en 1845, si la convention n'a pas été ratifiée jusqu'à ce jour, c'est qu'il reste à examiner encore si des considérations de délicatesse et de loyauté ne doivent pas le déterminer à y renoncer, car le gouvernement n'avait pas connaissance de l'arrêt de la cour de Cologne, à l'époque où cette convention lui a été offerte. Cet arrêt décide qu'aussi longtemps que des modifications ne seront pas faites aux statuts primitifs des sociétés, l'intérêt établi par ces statuts doit être payé intégralement aux actionnaires, et au besoin prélevé sur le capital lui-même. »

Il ne me sera pas difficile, messieurs, de venir au secours de la délicatesse et de la loyauté dont M. le ministre des finances était animé. Les scrupules de M. le ministre seront bientôt levés. En effet, l'arrêt qu'il a cité n'existe pas ; il n'y a pas d'arrêt rendu en ce genre par la cour royale de Cologne. Cependant M. le ministre est venu m'opposer un arrêt de la cour de Cologne en 1845. Il soutenait qu'il y aurait eu déloyauté, manque de délicatesse à ratifier la transaction, parce que, disait-il, il avait, depuis la transaction, connaissance d'un arrêt qui allouait les intérêts semblables à ceux réclamés par les banquiers de Cologne, rendu par ladite cour. Eh bien, messieurs, il n'y avait pas d'arrêt de cette nature. Le ministère était mal renseigné et par suite des renseignements erronés qui lui étaient fournis il est venu tromper la chambre, mais la tromper, je le suppose, involontairement.

Je vais, messieurs, vous donner lecture d'un arrêt qui existe, mais qui n'a pas été rendu entre des actionnaires du chemin de fer rhénan et...

M. le ministre des finances (M. Malou). - Cela ne fait rien à la chose.

M. Lys. - Je suis étonné d'entendre M. le ministre des finances dire que cela ne fait rien à la chose, quand son prédécesseur est venu nous dire que le seul motif pour lequel le gouvernement n'a pas ratifié la convention, c'est qu'il existait un arrêt en sens contraire rendu par la cour de Cologne.

Voici, messieurs, d'abord la lettre que m'a adressée M. Van Ammon, relativement à cet arrêt.

« Monsieur,

« Je viens d'apprendre récemment que, le 11 mai 1844, deux personnes chargées de la part du gouvernement belge, qui étaient en cette ville à l'occasion de l'assemblée générale de la société du chemin de fer rhénan et notamment M. Kreglinger (le second a été selon toutes apparences M. Lejeune, ce qui pourra être ultérieurement constaté), assistées d'un avoué, ont été au greffe de la cour de Cologne, y ont lu l'arrêt du 1er avril dans le procès du sieur Ebeling contre la direction du chemin de fer de Dusseldorf à Elberfeld et en ont reçu copie. Ces messieurs auront sans aucun doute rendu compte de leur mission et présenté à MM. les ministres la copie du susdit jugement. Comment dans cette supposition a-t-il été possible que M. le minière des finances a pu controuver dans la chambre un sens tout à fait contraire à celui de ce jugement. - Quels pourront avoir été les motifs qui ont engagé MM. les ministres à défigurer la vérité et à tromper la chambre au détriment du gouvernement belge sur les relations des intérêts de 4,000 actions qui appartiennent à ce gouvernement ? »

Voici maintenant, messieurs, le texte de l'arrêt :

« Attendu que dans une société anonyme et conséquemment établie sur actions, comme celle d'un chemin de fer, les coupons d'intérêts, joints aux actions, doivent être considères comme des assignations sur le produit net à espérer, parce que le capital, revenant des payements des signataires des actions, destiné principalement aux acquisitions foncières, aux constructions et aux achats, sera ordinairement épuisé par les dépenses :

« Que si par exception, pendant le temps de la construction du chemin de fer et avant son exploitation, les détenteurs des actions auront reçu des intérêts, et que par cette mesure le capital aura été diminué, cette faveur singulière des actionnaires n'a lieu que pour éviter que personne ne soit découragée de sa participation, par la crainte de perdre les intérêts de son argent pendant le temps de la construction ;

« Que cependant une mesure exceptionnelle, si anormale, ne peut durer après l'achèvement et l'ouverture du chemin de fer, parce que l'entreprise entière devait cesser et se dissoudre, si au défaut de la recette les intérêts seraient payés du capital ;

« Attendu que si en conséquence les intérêts ultérieurs ne peuvent être payés que de la recette, celle-ci ne peut consister que dans le produit net, déduction faite des frais de l'exploitation et des obligations contractées avec des tiers, vu que ce n'est que ce produit net qui forme le gain, revenant aux actionnaires primitifs comme sociétaires ;

« Que conséquemment les intérêts assignés à proportion aux actions dans les coupons, ainsi que le dividende en cas d'un surplus ne forment toujours qu'une chose espérée (res sperata), dont la réalisation dépend du résultat, s'il existe un gain ou non ;

« Que si, au lieu d'un gain, l'exploitation du chemin de fer a été faite avec perte ou sans aucun gain, les détenteurs primitifs des actions ne sont à considérer comme créanciers de la société, mais comme associés, et chacun d'eux ne peut être à proportion son propre créancier et son propre débiteur ;

« Attendu que si les actionnaires avaient pourtant le droit d'exiger les intérêts de la société, le chemin de fer devrait être vendu à leur propre préjudice, ou pour en continuer l'exploitation, les actionnaires devraient suppléer une somme égale, vu que de nouvelles actions ne peuvent être créées pour en payer les intérêts et que le capital des actions ne peut être augmenté ni diminué sans l'autorisation du gouvernement ;

« Que si le payement des intérêts aux actionnaires suppose un gain proportionnel, l'aliénation des actions avec les coupons, ou des coupons sans les actions, faite à un tiers, ne peut donner à celui-ci, comme cessionnaire, plus de droit que le cédant ne l'avait ;

« Que d'après ces principes, qui dérivent de la nature des choses et des lois, et que le tiers acquéreur ne pouvait ignorer, la vente des coupons ne peut être considérée que comme une emptio rei speratae (achat d'une chose à espérer) ;

« Que la circonstance, que les actions et coupons sont écrits au porteur ne peut y rien altérer, parce que cela n'emporte pas la promesse de payer au détenteur ou cessionnaire les intérêts même dans le cas où il n'y aurait aucun gain, duquel ce payement pourrait seulement être effectué ;

« Que plutôt cette dernière supposition doit être considérée comme naturale negotii, si le contraire n'a pas été expressément promis ;

« Attendu en fait que l'appelant n'a pas contesté que suivant le compte rendu par l'intimé l'exploitation du chemin de fer d'Eberfeld n'a eu lieu qu'avec perte dans l'année 1842 et que le produit ultérieur était de même défavorable, qu'en conséquence l'appelant comme détenteur de coupons, qui devaient être payés du gain de l'année 1842, le 2 janvier 1843, n'était pas encore fondé à demander les intérêts et qu'il n'est pas chargé, si sa demande a été provisoirement rejetée, etc.

« Par ces motifs la cour confirme, etc. »

Eh bien, messieurs, le prédécesseur de M. le ministre des finances est venu nous dire qu'il y avait un arrêt qui consacrait le principe soutenu par le onzième directeur contre ses dix collègues. Or, vous voyez que c'est tout le contraire, que l'arrêt dont je viens de donner lecture refusait les intérêts, au lieu de les accorder.

(page 1282) Il fallait donc, messieurs, comme l'exigeait l'intérêt du trésor belge, ratifier la convention, qui ne nous accordait cependant que la moitié de ce qui nous était dû.

Ainsi, l'on n'était pas fondé à invoquer ici les principes de délicatesse et de loyauté qui ont prétendument empêché le ministère de ratifier la transaction ; une conduite en sens contraire était indiquée par l'arrêt dont je viens de donner lecture à la chambre.

Donc, plus de scrupules à cet égard. Mais le ministère avait-il même le droit d'avoir ces scrupules ? Comment ! en 1839, nous avions empêché les trois banquiers de Cologne de perdre une somme de 800,000 francs, et nous n'aurions pas eu le droit d'assurer la rentrée de nos intérêts, puisque nous n'avions consenti à acquérir les 4,000 actions qu'en en déduisant la valeur des intérêts pendant trois ans ! Ainsi, voilà une transaction qui accorde encore 3 mois d'intérêt qui n'étaient pas dus aux trois banquiers de Cologne ; et parce que le ministère veut faire cadeau de cette somme aux trois banquiers, il ne ratifie pas la transaction. N'y a t-il pas une faute grave, de la part du ministère, à n'avoir pas fait entrer dans les caisses du trésor belge les 47,000 fr. ?

Ces maisons de Cologne auraient perdu bien davantage, si la Belgique n'avait pas fait l'acquisition des 4,000 actions ; les banquiers étaient encore possesseurs d'autres actions ; lorsque nous avons acheté les 4,000 actions au pair, elles étaient à 60 p. c ; par cette acquisition, nous avons amélioré la position des trois banquiers de Cologne, nous leur avons fait gagner plus d'un million. Et néanmoins, par des scrupules de délicatesse, et attendu qu'il y a un arrêt (ce qui n'est pas exact), on ne ratifie pas la transaction et on empêche la somme de 47,000 fr. d'entrer dans les caisses de l'Etat. Voilà, je pense, tout doute bien levé, et ne reste-t-il pas évident que la perte de 47,000 fr. a eu lieu par le fait du ministère ?

C'est là ce que j'avais à dire pour la question financière.

« Mais, nous disait M. le ministre des travaux publics qui ne traitait pas la question financière, la question d'intérêt n'était qu’accessoire, il y avait une lutte d’influence entre Cologne et Aix-la-Chapelle. Que demandaient les dix directeurs au gouvernement belge ? De leur prêter son influence, pour expulser le onzième directeur, que le gouvernement belge considérait comme représentant spécialement dans l'administration l'intérêt colonais ; je le répète donc, disait le ministre des finances, le bur principal qui a motivé la transaction offerte, était une réconciliation entre les différents directeurs de l'administration du chemin de fer, c'est ce résultat que nous désirons nous obtenir.

« Il dépend de nous d'approuver cette convention, mais il est permis de douter qu'on ferait ainsi un acte de bonne administration. La question n'est pas définitivement résolue, elle sera encore l'objet d'un sérieux examen. »

Eh bien, ce sérieux examen a été qu'on n'a pas ratifié et que les 47,000 francs ne sont pas rentrés au trésor, mais qu'ils sont passés dans la caisse des trois banquiers de Cologne qui, non contents du gain que nous leur avions fait faire en 1839, sont venus prendre sur les intérêts 94,000 fr. qui nous étaient dus. C'est ainsi que nous avons perdu 47,000 fr., parce que nous n'avons pas ratifié la transaction.

Voilà comment l'intérêt de l'Etat a été sacrifié, ainsi qu'il l'a été dans d'autres circonstances.

Messieurs, pour répondre à ces allégués de M. le ministre des travaux publics, je me bornerai à vous lire une lettre qui m'a été adressée par les députés de Cologne. M. le ministre des travaux publics considérait le onzième directeur qui était opposé à nos intérêts, comme le principal représentant colonais ; je vais prouver qu'il n'était pas le seul ; il y en avait quatre autres, et ceux-ci se plaignent amèrement de la conduite du ministère belge à leur égard. En vous faisant lecture de la lettre, je ne viole aucun secret épistolaire, puisque les signataires m'ont autorisé à vous en donner communication. Voici donc la lettre que m'adresse M. Von Amont, ancien président de la direction du chemin de fer rhénan :

« Monsieur,

« Les anciens directeurs du chemin de fer rhénan, demeurant à Cologne, ont lu avec indignation les invectives que MM. les ministres des finances et des travaux publics ont proférées contre eux dans la chambre. La manière franche et loyale de laquelle vous avez parlé dans la chambre, les engage à vous envoyer la déclaration ci-jointe, qu'ils doivent à leur honneur.

« Il est vraiment indigne que MM. les ministres prennent le parti de M. Oppenheim, de manière à injurier les membres de l'ancienne direction qui ont sacrifie leurs places à la défense loyale des intérêts du gouvernement belge contre les intérêts privés de M. Oppenheim, tandis que celui-ci, dans l'assemblée générale du 16 janvier 1841, a même voulu contester aux commissaires du gouvernement belge le droit de vote, ce qui a provoqué M. Lejeune à une protestation énergique.

« Les anciens directeurs vous autorisent de faire l'usage qui vous conviendra de la déclaration ci-jointe.

« Les soussignés, ex-membres de la direction du chemin de fer rhénan, rendants à Cologne, ont vu avec le plus grand étonnement par les débats de la chambre des représentants belges, séance du 11 de ce mois, que MM. les ministres des finances et des travaux publics s'efforcent à éluder en face des députés de la nation les interpellations relativement aux rapports existants entre le gouvernement belge et la direction du chemin de fer rhénan, par des assertions qui sont entièrement dénuées de fondement. Les soussignés n'aiment pas à revenir sur une position dont ils sont bien aises d'être dégagés, mais ils doivent à leur honneur de dévoiler des mensonges dont on se sert pour leur faire des reproches indignes.

« D'abord, l'assertion de M. le ministre des finances est fausse, que la cour de Cologne avait décidé qu'on avait droit aux intérêts de 5 p. c. d'après les statuts du chemin de fer rhénan, quand même on devrait les, prendre sur le capital. La cour d'appel rhénane, d'accord avec le tribunal de première instance de Düsseldorf, a décidé tout à fait le contraire par le seul jugement porté sur cette question d'intérêts en date du 1er avril 1844, dans une question tout à fait pareille du chemin de fer de Düsseldorf à Elberfeld, en disant qu'on ne pouvait exiger les intérêts des coupons, qu'autant qu'il se trouverait un bénéfice après déduction des frais d'exploitation. Concernant le chemin de fer rhénan, cette question n'a jamais été soumise à la cour d'appel, la seule plainte portée contre cette société pour la forcer à payer les coupons qui est parvenue à notre connaissance a été rejetée par le tribunal de commerce de Cologne, le 12 juin 1844, comme prématurée et on a renoncé à l'appel. Les jugements se trouvent dans les Archives rhénanes, tome 37, section 1, p. 59 et suiv. Donc les tribunaux jugent cette affaire absolument d'accord avec les dix directeurs démissionnaires, et si ces directeurs poussés par les sentiments de leurs devoirs et de gratitude envers le gouvernement belge, qui a sauvé le chemin de fer rhénan de la position assez pénible dans laquelle il se trouvait par suite de ses rapports assez connus avec les trois banquiers ; si ces directeurs par principe de loyauté disputaient aux trois banquiers toute prétention aux intérêts des premiers six mois de 1843, et si pour concilier le différend, ils faisaient en faveur du gouvernement belge une convention qui borne les intérêts à 3 mois, ils n'ont par cela aucunement blessé des sentiments d'équité et de délicatesse, sentiments qui ne pouvaient aucunement induire le gouvernement belge à refuser sa ratification à cette convention, en s’appuyant sur un jugement qui n'existe pas.

« Puis, l'assertion de M. le ministre des finances est fausse, que le gouvernement belge n'avait pas ratifié la convention dans l'espoir d'amener une réconciliation complète entre les directeurs ; car cet espoir a dû cesser le 15 janvier 1844, lorsque les dix directeurs refusèrent énergiquement la proposition chaleureuse des commissaires belges au nom de leur gouvernement, de renoncer puérilement à la démission qu'ils avaient. donnée en hommes, après les plus mûres réflexions. Il a dû rester en face des élections du 16 janvier 1844, qui remplacèrent les directeurs démissionnaires.

« L'assertion de M. le ministre des travaux publics est encore fausse, lorsqu'il dit que l'instruction donnée aux commissaires belges avait été motivée par la demande de l'exclusion d'un des directeurs. Les dix directeurs démissionnaires n'ont point demandé une pareille exclusion ; eux-mêmes au contraire se sont retirés, en déclarant ne pouvoir rester à la direction avec ce onzième directeur, et quoique des propositions de ladite nature aient été faites dans la conférence du conseil d'administration du 14, et renouvelées dans l’assemblée générale du 15 janvier 1844, cela ne pouvait aucunement être à la connaissance de MM. les ministres, ni influer sur leurs instructions qui furent antérieures à cette époque.

« Encore l'assertion de M. le ministre des travaux publics est fausse, que la question principale ait été influencée par des intérêts de localité et que ce onzième directeur ait été le représentant des intérêts de Cologne. Quoiqu'on se soit donné bien de la peine pour faire courir ce bruit, il n'était aucunement question d'une influence locale dans la lutte contre le onzième directeur, duquel on n'avait pas du tout besoin pour veiller aux intérêts de Cologne ; les soussignés les auraient suffisamment protégés, (étant tous habitants de Cologne), s'ils les avaient vus froissés, excepté le cas d'une collision de ces intérêts avec ceux du chemin de fer qu'ils avaient avant tout le devoir de garantir.

« Enfin, M. le ministre des travaux publics, basant sa comparaison de la direction actuelle avec celle démissionnaire, peu favorable pour cette dernière, sur l'assertion que le premier acte de la nouvelle direction en faveur de la double voie n'aurait pu être obtenu des anciens directeurs, M. le ministre sait très bien que l'ancienne direction a reconnu depuis des années la nécessité absolue de la double voie et s'est donné toute la peine possible pour arriver à ce résultat. Le vice-président de cette direction a été longtemps à Berlin pour obtenir les fonds nécessaires pour cette seconde voie, et le président soussigné l'a suivi pour seconder ses efforts et pour convaincre notre gouvernement de la nécessité de cette mesure. Par conséquent, la direction actuelle n'a fait que suivre les pas de l'ancienne à cet égard et sans vouloir la blesser, nous pouvons dire, en général, qu'elle se trouve dans la position heureuse de cueillir les fruits d'un arbre, que ses prédécesseurs ont planté et nourri avec beaucoup de soin et de peines.

(page 1283) « Vraiment c'est pousser loin l'ingratitude la plus indigne, quand le gouvernement belge, en posant des faits inexacts, accuse les dix directeurs démissionnaires d'avoir manqué à la loyauté et à la délicatesse, de n'avoir pas montré assez d'intelligence et d'énergie, ceux qui ont sacrifié leur position dans le seul but de faire loyalement leur devoir envers ce gouvernement, auquel ils avaient des obligations, qui heurtaient les intérêts particuliers du onzième directeur, l'un des trois banquiers.

« Une partie de la nation belge a été témoin de l'accord, de la bonne harmonie et de l'entente cordiale, avec lesquels l'ancienne direction a reçu les Belges et M. Dechamps lui-même lors de l'ouverture des rapports internationaux, et cette même nation belge saura apprécier à leur juste valeur les indignes invectives de ses ministres.

« Cologne, le 31 mars 1845.

« Fr. Van Ammon ; G. Heuser ; M. Hollerhoff ; Heck. »

Voilà donc quatre députés qui étaient de Cologne. Ainsi, l'on n'est pas fondé à dire que l'intérêt colonais pouvait être négligé, puisque, outre le onzième directeur, il y avait encore quatre représentants de l'intérêt colonais.

Si la responsabilité ministérielle existait réellement en Belgique, je dirais que les ministres sont responsables de la perte de la somme de 47,000 francs ; mais depuis longtemps, cette responsabilité est un véritable leurre ; ces 47,000 fr. auront le même sort que les millions de la British-Queen et bien d'autres millions qu'on a sacrifiés ; je ne veux pas entrer maintenant dans ces détails ; mais au moins ces derniers millions avaient été sacrifiés en faveur de compagnies et de personnes qui étaient belges ; mais ici c'est uniquement dans l'intérêt d'étrangers que notre gouvernement a fait sciemment le sacrifice de 47,000 fr. ; je dis sciemment, parce que j'avais averti le ministère plus de 4 mois à l'avance que s'il ne ratifiait pas la transaction avant le 5 janvier 1845, il ne pourrait plus réclamer la somme de 47,000 fr.

Ainsi, comme je l'ai dit, on a sacrifié 47,000 fr. en faveur de trois banquiers colonais à qui on avait évité une perte de plus d'un million.

La Belgique a donc perdu 93,750 fr. parce que son gouvernement n'a pas soutenu une direction qui connaissait son devoir et savait le remplir. Le ministère a préféré l'intérêt particulier du seul membre de cette direction qui n'était pas d'accord avec ses collègues.

M. le ministre a pu sauver la moitié de cette somme, il n'avait pour cela qu'à donner sa ratification à la transaction intervenue ; c'est volontairement qu'il a laissé échapper l'occasion de récupérer ces 47 mille fr., car il avait été averti par la tribune nationale ; le terme n'était pas expiré ; il pouvait par sa signature sauver cette somme.

Aussi a-t-il répondu :

« Il dépend de nous d'approuver cette convention ; mais il est permis de douter qu'on ferait ainsi un acte de bonne administration ; la question n'est pas définitivement résolue, elle fera encore l'objet d'un sérieux examen. »

Enfin il n'a pas ratifié, il n'a pas voulu recevoir ces 47 mille fr. : il est dès lors établi que l'honorable M. Vau Ammon, ancien président de la direction du chemin de fer rhénan, avait mieux soigné les intérêts de la Belgique que ses propres ministres, qui ont préfère être généreux, non avec leurs propres deniers, mais avec ceux de l'Etat.

Je dénonce ces faits ; j'en ai administré la preuve, il y a violation de la Constitution.

Si la caisse de l'Etat reste privée de cette rentrée, il restera vrai de dire qu'on ne fait rien pour maintenir la responsabilité ministérielle.

(page 1219) M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je prie l'honorable préopinant de croire que la responsabilité ministérielle existe en Belgique ; s'il veut en avoir une preuve, il n'a qu'à suivre en cette affaire les formes, tracées par la Constitution, pour la mise en accusation des ministres.

La question que l’honorable M. Lys a traitée avec tant de développement est excessivement simple. Quoique cette affaire ait été entièrement terminée avant mon entrée au pouvoir, je n'hésite pas à déclarer, au début de ces observations, que si la question n'avait pas été décidée, je l'aurais fait comme mon prédécesseur. J'ajoute que dans les transactions de la vie privée il n'est (page 1220) personne qui, tenant à conserver une réputation de loyauté, n'eût décidé l'affaire comme le gouvernement belge l'a décidée.

Il y a dans cette discussion deux ordres d'idées, les questions personnelles et ce que j'appellerai la question financière.

Les questions personnelles, faut-il les agiter de nouveau devant vous ? Il y a eu dans le personnel de l'administration du chemin de fer rhénan des divisions assez profondes. S'il en fallait des preuves, la lettre parfaitement inconvenante des personnes évincées de l'administration, lettre dont on vous a donné lecture, vous en fournirait de suffisantes. Je dois croire que les auteurs de cette lettre ne connaissaient pas la valeur des expressions françaises dont ils se sont servis.

M. Lys. - Ce sont des Allemands.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je mentionne ce fait comme une circonstance atténuante.

Je disais donc que s'il fallait une preuve des divisions qui ont existé dans l'administration du chemin de fer rhénan, la lettre dont on vous a donné lecture en serait une complète.

Quel rôle le gouvernement belge a-t-il joué au milieu de ces divisions ? Le seul qui convient à la dignité et aux intérêts du gouvernement belge ; il n'a été le partisan exclusif ni de l'un ni de l'autre des deux intérêts en présence. Dans tous les faits, dans toutes les circonstances, il a cherché à faire prospérer l'entreprise à laquelle la Belgique s'était associée, et à mettre un terme à ces divisions. Pour juger ses actes, il faut en apprécier les résultats. Eh bien, à l'heure qu'il est, l'harmonie est rétablie dans l'administration du chemin de fer rhénan. A la dernière assemblée générale les nominations qui ont eu lieu ont été faites à l'unanimité. Je répète donc que dans la question de personnes, l'action du gouvernement belge a été digne, convenable et a produit le seul résultal qu'on ait eu en vue, de ramener l'union qui par des circonstances diverses avait disparu dans cette administration.

Je n'en dirai pas davantage sur la question de personnes, la chambre appréciera quels sont les motifs qui empêchent d'examiner ici quels pouvaient être les torts des uns ou des autres, car il arrive souvent que dans de semblables divisions les torts sont partagés.

Quant à la question d'argent, voici les faits dans toute leur simplicité. Le gouvernement belge achète en vertu de la loi quatre mille actions du chemin de fer rhénan, des banquiers de Cologne fournissent les fonds, le gouvernement belge prélève par escompte les intérêts jusqu'au 1er semestre de 1843 inclusivement. Les actions ont donc été payées sous escompte des intérêts à 5 p. c. jusqu'au 1er semestre de 1843 inclusivement. Qu'est-il arrivé ? Que pendant l’exploitation partielle du chemin de fer, pendant l'époque de la construction, il n'a pas produit comme il ne produit pas encore 5 p. c. d'intérêt. De là est née la question de savoir si, dans toute hypothèse, les 5 p. c. d'intérêt étaient dus à tous les actionnaires quels que fussent les produits de l'entreprise.

L'honorable M. Lys vous a lu l'article des statuts. Cet article garantissait 5 p. c. à tous les actionnaires. L'on a agité la question de savoir si, les produits n'étant pas suffisants, l'intérêt devait être prélevé sur le capital ou sur les bénéfices futurs. Cette question, qui ne paraît pas douteuse à l'honorable membre, avait paru douteuse en Allemagne. Je m'empare de l'arrêt de la cour de Cologne que l'honorable préopinant a lu ; cet arrêt fait une distinction que j'expose et n'apprécie pas. La cour de Cologne a pensé que, pendant la construction d'un ouvrage d'utilité publique, d'un chemin de fer, les intérêts stipulés à 5 p. c. sont dus.

M. Lys. - C'est le contraire !

M. le ministre des finances (M. Malou). - J'en appelle au texte de l'arrêt qui sera dans le Moniteur. Je dis qu'il fait cette distinction que les intérêts des capitaux engagés dans une entreprise de chemins de fer sont dus, quels que soient les résultats, pendant que la construction se fait ; la cour ajoute que la construction achevée, les actionnaires n'ont droit pour les intérêts : res sperata, qu'à une part proportionnelle, d'après les produits réels de l'entreprise. Je m'empare de cette distinction. On avait stipulé les intérêts à 5 p. c. au profit du gouvernement belge pendant la durée d'exécution seulement ; mais l'inauguration a eu lieu vers la fin de 1843, époque postérieure à celle que le contrat de 1840 indiquait.

L'exploitation n'a pas produit 5 p. c. en 1843 ; de là est née la question de savoir s'il fallait parfaire les 5 p. c. et comment il fallait les parfaire ; si on les parferait en prélevant sur le capital ou sur les bénéfices futurs ; quant aux actionnaires, on arrivait identiquement au même résultat ; c'était diminuer le capital ou le produit du capital.

M. Lys. - Les banquiers n'étaient plus actionnaires.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On se trouvait en 1843 dans cette position : Le chiffre n'avait pas produit les 5 p. c. du capital engagé ; on voulait les parfaire en prenant soit sur le capital, soit sur les bénéfices futurs. Quant aux intérêts des actionnaires, le résultat était matériellement le même. Le déficit pour parfaire les 5 p. c, quant aux 4 mille actions, était de 92,561 fr. Cette somme a été prélevée sur les produits de 1844 qui ont été réduits d'autant. On a formé la masse de manière à pouvoir donner 5 p. c. à tous les actionnaires pour 1843.

L'honorable M. Lys calcule toujours sur la moitié de cette somme que la Belgique aurait touchée au moyen de la ratification de la transaction dont il a parlé. Je lui ferai observer que c'est le quart et non la moitié de cette somme, car la différence entre les produits et les intérêts à 5 p. c. pour un semestre était de 46,280 fr., et la transaction portait, non sur un semestre, mais sur un trimestre. C'était le partage entre le gouvernement et ces maisons de banque, de cette somme de 46,280, soit 23 mille et quelques cents francs.

M. Lys. - C'est une erreur, car la somme totale pour l'année, est de 184 mille fr.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je suis reconnaissant de l'interruption de l'honorable membre, car elle prouve qu'il confond deux ordres d'idées : les 5 p. c. et les produits réalisés. Or, il ne s'agit pas ici des 5 p. c, mais du déficit pour arriver à ces 5 p. c. Comment ce déficit a-t-il été comblé ? D'après l'état que j'ai sous les yeux, le déficit était de 92,561 francs.

M. Lys. - Je vous prierai de déposer ces pièces.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je les déposerai. La transaction ne portait donc pas sur 46,000 fr., mais sur 25,000, attendu qu'elle emportait de la part de ces maisons la renonciation à un trimestre, la moitié du premier semestre de 1843. On n'a pas approuvé cette transaction. Pour moi, je pense que d'après les principes du droit, de la justice et de l'équité on a parfaitement bien fait.

Que serait-il arrivé, en effet, si on avait ratifié la transaction ? Quelle eût été la position du gouvernement belge, pour ses quatre mille actions, et celle des autres actionnaires ? Le gouvernement belge aurait accepté une position privilégiée que les autres n'auraient pas eue.

L'honorable membre me dit : Pas du tout. Je vais le démontrer.

Le gouvernement belge avait reçu 5 pour cent par escompte jusqu'au 1er juillet 1843. Si donc il avait voulu recevoir autre chose, sa position n'eut pas été la même que celle des autres actionnaires. Ceux-ci auraient contribué à accorder au gouvernement une position privilégiée. En ratifiant la transaction, au contraire, le gouvernement belge se trouve identiquement dans la même position que tous les autres actionnaires. Il a reçu, lui comme eux, 5 p. c. d'intérêt en 1843. Depuis lors aussi il a subi, comme eux, la réduction qui résulte sur le produit de 1844 du prélèvement qui a été fait pour compléter les 5 p. c. pour l'exercice 1843.

Le résultat du rejet de la transaction est donc d'identifier la position du gouvernement belge avec celle de tous les autres actionnaires, et l'acceptation de cette transaction eût eu pour résultat de donner au gouvernement belge une position privilégiée dont les autres actionnaires auraient été privés, de lui faire en quelque sorte recevoir deux fois. Il aurait eu 5 p. c. pour prélèvement comme les autres actionnaires, et il aurait eu une partie de ce qui était prélevé sur les bénéfices faits ultérieurement.

Je le demande, messieurs, en présence de ces faits si simples, de cette conduite que je viens d'expliquer, n'avais-je pas le droit de dire tout à l’heure que non seulement le gouvernement belge se devait à lui-même d'agir comme il l'a fait, mais qu'un particulier qui avait traité une affaire comme celle-là, se devait à lui-même, s'il tenait à conserver dans le monde commercial une position honorable, de décider la question comme le gouvernement belge l'a fait ?

M. de Renesse. - L'intérêt qu'une grande partie de la province de Limbourg attache à la construction d'un chemin de fer qui relierait, par une voie ferrée directe, la ville et la province de Liège à Hasselt et la Campine, en passant par la ville de Tongres et par son arrondissement, privés jusqu'ici des avantages d'un railway, m'engage à demander à M. le ministre des travaux publics quelques renseignements sur l'état de la demande en concession d'un chemin de fer, faite l'année dernière par MM. Tediége et Blyckaerls, qui partirait d'Ans près de Liége, se dirigerait par Tongres vers Hassell, Turnhout et Breda.

A la fin de l’année dernière, les plans et devis de cette voie ferrée ont été remis au département des travaux publics ; le conseil supérieur des ponts et chaussées doit avoir donné un avis très favorable à l'exécution de ce railway, et d'après les renseignements que j'ai reçus, une société française se présenterait pour son exécution.

La grande utilité de ce chemin de fer est incontestable notamment pour les provinces de Liège, de Limbourg, et une partie de la province d'Anvers, puisqu'il doit tendre à relier la ville de Turnhout et son arrondissement aux provinces de Limbourg et de Liège. L'honorable prédécesseur de M. le ministre des travaux publics nous avait promis de soumettre la demande en concession de MM. de Tiège et Blyckaerls à l'enquête administrative ; cette enquête sera certainement très favorable à l'exécution de cette voie ferrée, qui est vivement appuyée par la plus grande partie de la province de Limbourg ; non seulement les villes de Hasselt et de Tongres s'intéressent à son établissement, mais déjà, l'année dernière, les villes de Liège et de Verviers, ainsi que leurs chambres de commerce, se sont fortement prononcées en faveur d'un chemin de fer se dirigeant de Liège vers la Campine ; du reste, ce railway ne peut porter aucun préjudice au chemin de fer d'Anvers à Dusseldorf, dont la concession a été demandée par la compagnie Desfosses ; il serait, au contraire, un des affluents les plus productifs de cette voie ferrée.

J'aurai l'honneur de demander à M. le ministre des travaux publics de vouloir me dire à quoi en est l'instruction de la demande en concession de MM. de Tiège et Blyekaerts, et s'il compte bientôt soumettre cette concession à l'enquête, puisque toutes les formalités préliminaires ont été remplies, pour que la chambre puisse se prononcer, pendant le courant de cette session, sur l'exécution de cette voie ferrée ; je demanderai en même temps, à M. le ministre, s'il croit pouvoir saisir la chambre, dans un bref délai, du projet de loi autorisant la concession du chemin de fer de la Campine ?

Cependant, avant de prendre une décision sur le tracé définitif de cette voie ferrée, je prierai M. le ministre, de vouloir examiner avec attention la demande du conseil communal de la ville de Tongres qui réclame, dans un intérêt général, une rectification au tracé proposé par la commission d'enquête.

(page 1221) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, dans un discours prononcé, il y a deux jours, par un honorable membre de cette chambre, votre attention a été appelée sur les travaux de la tranchée de Cumptich. L'honorable membre a pensé qu'il y avait eu pour ces travaux un semblant d'adjudication. C'est là un point sur lequel j'aurai quelques explications à donner. Mais d'abord, messieurs, je pense qu'il est ulile de présenter quelques observations sur le principe même des contrats d'adjudication.

Je suis, messieurs, partisan des entreprises avec publicité et concurrence, et je le suis d'une manière aussi prononcée que peuvent l'être les honorables membres de cette chambre qui ont élevé la voix contre certains marchés directs. Mais, messieurs, je suis partisan des adjudications publiques, principalement par un motif autre peut-être que celui qui touche le plus vivement les honorables membres.

Il ne faut pas, messieurs, se faire illusion sur les adjudications publiques. Il ne faut pas croire qu'elles soient un bien à tous égards. Les adjudications publiques ont des tendances fâcheuses, tendances fâcheuses évidentes pour ceux qui ont eu l'occasion d'observer les faits. Les adjudications publiques tendent notamment à laisser les prix au-dessous de ce qui est nécessaire pour faire face aux exigences d'un bon travail. Elles tendent encore à mettre les travaux aux mains, moins des hommes capables que des hommes téméraires. Ce sont là, messieurs, de sérieux inconvénients.

Quoi qu'il en soit, ainsi que je l'ai dit en commençant, je suis partisan des adjudications publiques, et j'y tiens personnellement extrêmement fort ; mais voici quel en est le motif : c'est que le mode d'entreprise par adjudication publique est pour l'administration moins compromettant que tout autre ; c'est que j'ai acquis la conviction qu'il n'y a pas d'administration possible en présence d'attaques toujours renouvelées. Il n'y a plus à mes yeux aujourd'hui qu'une marche possible, c'est celle qui est en tous points conforme à la stricte légalité.

J'ai passé, messieurs, la moitié de ma vie dans l'administration. J'ai eu l'occasion de m'y livrer à beaucoup d'observations. J'ai vu mes honorables prédécesseurs à l'œuvre. J'ai pu apprécier ce qu'il y a eu dans leur conduite de dévouement à la chose publique ; mais je les ai vus quelquefois prêter le flanc par amour du bien public, je les ai vus pécher par excès de zèle. Je les ai vus quelquefois faire abnégation de leur tranquillité personnelle en vue d'un résultat d'intérêt général qu'ils poursuivaient ; et je dois le dire, on ne leur en a pas toujours tenu compte. Arrive le dernier, messieurs, je compte mettre à profit, pour moi-même, l'expérience durement acquise par d'autres. Je suis très décidé à faire de la légalité, et je dirai même à faire de la légalité à tout prix.

Je viens de dire, messieurs, que les adjudications n'étaient pas toujours favorables. C'est un point sur lequel je reviens un instant, parce que je crois qu'il importe que certains faits soient mis en lumière.

C'est aux adjudications publiques que nous avons dû de voir le prix des fers descendre à un taux qu'on peut appeler fabuleux. Ce sont les adjudications publiques qui nous ont donné des rails a 200 fr. le tonneau et au-dessous. Or, je n’hésite pas à déclarer que ces marches étaient au fond très onéreux au trésor public, et j'ai la conviction que l’on reconnaîtra avant peu d'années que les rails à 200 fr. et au-dessous étaient au fond des rails exorbitamment chers.

Messieurs, qu'est-il arrivé pour les rails ? Les prix ont été constamment abaisses d'adjudication en adjudication par les rabais offerts par les différents concurrents. Et bien, alors quel est le problème que s'est posé l'industrie privée ? C'était celui de faire des rails qui pussent satisfaire aux épreuves prescrites par les cahiers des charges, sans cependant excéder ce prix de 200 fr. Nous avons donc eu des rails qui ont subi les épreuves des cahiers des charges et qui en définitive ne se sont pas trouvés être de bons rails.

Du reste, messieurs, ainsi que je l'ai déclaré, et quelles qu'en puissent être les conséquences dans l'avenir, je suis très résolu à ne procéder que par adjudication publique et à faire de la stricte légalité, parce que, ainsi que je l'ai dit, c'est là, à mes yeux, le plus impérieux de tous les devoirs de l'administration.

M. de Garcia. - Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J'en reviens, messieurs, à la tranchée provisoire de Cumptich.

L'adjudication des travaux de cette tranchée n'était pas, je pense, un semblant d'adjudication, mais une adjudication d'après des conditions limitées. Au lieu d'ouvrir le concours à tous les entrepreneurs possibles, l’on avait limité aux quatre entrepreneurs que l’on regardait comme les plus capables de mener à bien un pareil travail dans un temps assez court.

Certes, messieurs, s'il fut jamais un travail urgent, c'était certainement celui de la tranchée de Cumptich. La ligne de l’est, la principale de nos lignes de chemins de fer, était interrompue, je dirai même interceptée. Le transport des voyageurs ne se faisait plus que par transbordement, et le transport des marchandises n'avait été rendu possible qu'au moyen d'une voie provisoire établie, en très grande partie, sur l'ancienne route pavée de Liège, voie provisoire qui, à cause de ses pentes, offrait non seulement de grandes difficultés, mais des dangers d'exploitation. Je crois donc pouvoir dire que, si jamais il y a eu un travail urgent, un travail sur la prompte réussite duquel il importait d'avoir des garanties, c'était celui de la tranchée de Cumptich.

Messieurs, ainsi que l'a dit l'honorable membre, lorsqu'il s'est agi de convertir cette tranchée provisoire en tranchée définitive, on a traité avec le même entrepreneur au prix de la première entreprise. Ces prix, messieurs, étaient basés sur une estimation faite par un ingénieur on chef, homme habile, homme d'expérience, et qui mérite toute la confiance du gouvernement. Ces prix pouvaient donc être considérés comme bien établis. Ils avaient subi un rabais de 13 p. c. Il s'en suivait que ces prix pouvaient être regardés comme convenables à tous égards Un traité avec le même entrepreneur pour la tranchée définitive, offrait ce très grand avantage de ne nécessiter aucune interruption dans le travail et de maintenir sur les lieux un matériel tout créé, un personnel existant, des ouvriers qui étaient à l'œuvre et qu'on se dispensait de la sorte de renvoyer temporairement.

Il est à remarquer, messieurs, que la tranchée définitive de Cumptich, quoique ne présentant pas le même degré d'urgence que la tranchée provisoire, demandait cependant d'être promptement exécutée. Nous n'avons encore aujourd’hui, messieurs, à l'aide de la tranchée provisoire, qu'un service fort défectueux, un service qui nous oblige à faire marcher les convois au moyen de deux locomotives dont une à la tête, l'autre à la queue des convois, système de traction vicieux et coûteux par les machines d’allèges qu’il exige.

Là encore donc, messieurs, il y avait un motif d'urgence. Quoi qu'il en soit, je n'hésite pas à déclarer que, si la chose était à faire, je ne ferais pas aujourd'hui ce qui a été fait pour la tranchée de Cumptich. Quelles que pussent être les conséquences d'un retard, je regarderais comme une nécessité de m'y soumettre. En cela, messieurs, je ne ferais peut-être pas la chose la plus utile aux véritables intérêts de l'administration, mais je ferais une chose légale. J'agirais dans des vues égoïstes peut-être, mais je me mettrais parfaitement à couvert. On s'est mis quelquefois à découvert, comme je l'ai dit tantôt ; je tiens à ce que l’expérience de mes prédécesseurs puisse m'être bonne à quelque chose.

L'honorable M. Lys vous a présenté encore quelques observations basées sur le cahier de remarques de la cour des comptes. Il a insisté sur le chiffre élevé des études autorisées par le gouvernement dans l'entre-Sambre-et-Meuse et, je pense, entre Louvain et la Sambre. Ces études, messieurs, ont pu imposer au trésor public une charge qui en définitive n'a pas été énorme, mais qui, je crois, a été très fructueuse en ce que ces études ont préparé la voie à des concessions de chemins de fer dont aujourd'hui on doit attendre de fort bons résultats pour le pays.

L'honorable membre vous a encore parlé de frais d'impression d'un cahier des charges qui auraient été indûment imputes sur les crédits ouverts pour les chemins de fer.

Messieurs, il s'agissait ici, si je tiens bien, d'une dépense fort minime, qui ne dépassait guère une centaine de francs. Cette dépense avait été appliquée à l'impression d'un premier cahier des charges pour le chemin de fer du Luxembourg. Présentée à la liquidation de la cour des comptes, elle a fait de la part de celle-ci le sujet d'observations qui ont été reconnues fondées, et à la suite desquelles cette somme minime a été prélevée sur les fonds déposé par les demandeurs en concession pour frais d'études. Cette dépense n'a donc pas été supportée par le trésor de l’Etat.

J'aurai maintenant, messieurs, à répondre à quelques observations présentées par l'honorable. M. Osy.

Cet honorable membre a demandé quelles étaient les intentions du gouvernement relativement au tunnel de Braine-le-Comte, si le gouvernement se mettait en mesure de remplacer ce tunnel par une tranchée à ciel ouvert. Je pense, messieurs, que l'honorable membre aura perdu de vue l'un des faits de la dernière discussion de la loi de crédits pour les chemins de fer. Il vous souviendra peut-être, messieurs, que dans cette discussion le chiffre pétitionné par le gouvernement pour le doublement du tunnel de Braine-le-Comte a été distrait de sa destination première et ajouté au fonds demandé pour l'extension du matériel. Le gouvernement se trouve donc aujourd'hui, messieurs, en présence de crédits dans lesquels rien n'est prévu ni pour le doublement dn tunnel de Braine-le-Comte ni pour la substitution d'une tranchée à ce tunnel. Dès lors, le gouvernement n'a pas eu jusqu'ici à résoudre cette question. Quoi qu'il en soit, messieurs on a présente sur ce point différents projets. Un jeune ingénieur a proposé de substituer au second tunnel une tranchée à ciel ouvert. Ce projet a été discuté. Des ingénieurs plus expérimentés penchent à croire que si on se décidait pour une tranchée à ciel ouvert, il serait préférable de faire cet cette tranchée pour deux voies et de supprimer totalement le tunnel. C'est là, messieurs, une question que la chambre aura à apprécier lorsque le gouvernement lui demandera des fonds pour doublement de la voie sur cette partie du tracé.

Le tunnel de Braine-le-Comte, messieurs, me ramène à la tranchée de Cumptich.

L'honorable M. Lys a regretté qu'on n'eût pas fait cette tranchée de prime abord, au lieu de faire d'abord un tunnel pour y substituer ensuite la tranchée. Je dois faire connaître à la chambre, à ce sujet, que la tranchée de Cumptich ne se trouve pas dans le même profil que l’était le tunnel. Aujourd'hui nous avons une tranchée dont la partie inférieure se trouvera très supérieure au niveau actuel des rails dans le tunnel ; c’est-à-dire dire que dans la tranchée de Cumptich le niveau des rails aura été relevé de 6 à 7 mètres. Si donc on a pu substituer une tranchée au tunnel primitif ce n'a été qu'en modifiant le profil longitudinal du chemin de fer. Je dois dire encore que si l’on était resté dans les idées qui ont présidé à l'exécution de la section de Louvain à Tirlemont, on eût dû conserver le tunnel.

L'honorable M. Osy a demandé si, lors de l'ouverture du chemin de fer de Paris à notre frontière, la double voie serait complétée de Bruxelles à Valenciennes. Je dois faire remarquer à l'honorable membre que, dans la dernière loi de crédit, on n'avait pas prévu une double voie continue sur (page 1222) notre ligne du midi. On n'avait prévu une double voie que de Bruxelles à Braine-le-Comte, de Braine-le-Comte à Jurbise et ensuite de Mons à Jemmapes. Donc, messieurs, en nous rapportant à la dernière loi de crédit, il nous reste, sur la ligne du midi, deux lacunes dans la double voie, l'une de Jurbise à Mons, l'autre de Jemmapes à Quiévrain. Le gouvernement n'ayant point de crédits pour combler ces lacunes, force lui sera de commencer l'exploitation entre Bruxelles et Paris avec une double voie incomplète sur certains points.

L'honorable M. Osy a désiré connaître l'emploi des fonds votés pour les doubles voies. Pour ce qui est de l'emploi du dernier crédit, messieurs, les fonds se trouvent engagés en totalité ; les crédits se trouvent même aujourd'hui quelque peu dépassés, à cause du renchérissement des fers et des billes. Les sommes dépensées ou engagées sont les suivantes :

Section de Bruxelles à Braine-le-Comte, fr. 1,273,800

Section de Braine-le-Comte à Jurbise, fr. 849,300

Sections de Braine-le-Comte à Godarville et de Gosselies à Charleroy, fr. 1,112,500

Section de Mons à Jemmapes, fr. 190,500

Section d'Ostende à Plasschendale, fr. 250,500

Section de Courtray à la frontière, fr. 637,000

Total, fr. 4,304,800.

Sommes allouées par la loi du 13 avril 1845, fr. 3,175,840.

Reste à couvrir, fr. 1,128,960

Les travaux de la double voie de la ligne du Midi, en tant qu'ils sont autorisés, se trouveront achevés à une épopue très prochaine et vraisemblablement pour celle à laquelle s'ouvrira en France la ligne de Paris à notre frontière.

L'honorable membre a demandé également quel était l'emploi du dernier crédit pour les stations. Je dois faire connaître à la chambre que ce crédit ne se trouve pas entamé à l'heure qu'il est. Les travaux des stations ont continué jusqu'ici au moyen des crédits votés antérieurement, et qui remontaient, je pense, à 1842. La position, pour les stations, se trouve donc être celle qui est indiquée dans les développements à l'appui du dernier crédit ; c'est le tableau n°XIV annexé à ce travail, qui indique la répartition du crédit de 2,898,963 fr. entre les différentes stations énumérées dans ce tableau.

L'honorable membre a désiré savoir si l'intention du gouvernement était de mettre en adjudication les buffets-restaurants des stations. Ici, messieurs, je puis faire connaître à la chambre que j'ai été au-devant de l'observation de l'honorable membre : par une décision du 11 de ce mois j'ai prescrit que les contrats actuels relatifs aux buffet-restaurants fussent résiliés d'ici à trois mois en vue de mettre les buffets-restaurants en adjudication. Je ne pense pas qu'il y ait là un très grand intérêt pour le trésor ; ce qui m'a touché c'est l'intérêt de la légalité et de la régularité.

L'honorable membre a demandé aussi qu'elle était la détermination prise quant à l'affichage dans les stations. Ici, messieurs, il existe un contrat fait depuis quelque temps et aux termes duquel la personne qui a traité avec l'administration paye une redevance de 4,000 fr. par an pour avoir le droit d'afficher dans les stations. Jusqu'ici, messieurs, une seule proposition avait été faite au gouvernement pour cet objet, et je ne pense pas que la chose ait une fort grande importance ; mais ici encore, dans un intérêt de régularité, je prends volontiers l'engagement de résilier le contrat à l'expiration de la première période de 5 ans et de mettre à l'avenir l'affichage dans les stations en adjudication. Je déposerai le contrat sur le bureau. Il est fait pour 9 ans avec la faculté de le résilier de trois en trois ans.

L'honorable M. de Renesse a présenté des observations relativement au projet d'un chemin de fer d'Ans vers Breda ; ce projet se lie à certains égards et surtout au point de vue des observations émises dans la pétition de la ville de Tongres, dont l’honorable membre a fait mention, au projet de chemin de fer d'Anvers vers Dusseldorf. Cette question, messieurs, est une question assez compliquée, qui, à mes yeux, exige un examen approfondi, et sur laquelle je désire ne pas me prononce quant à présent.

Motion d'ordre

Convention commerciale avec la France

M. David. - Messieurs, bien que M. le ministre des affaires étrangères ne se trouve pas à son banc, je désire faire une motion d'ordre qui le concerne et que j'aurais déjà voulu présenter dans la séance précédente. Vous jugerez d'ailleurs de son opportunité lorsque je vous en donnerai connaissance et j'éprouve la persuasion que M. le ministre des affaires étrangères la prendra en sérieuse considération en la lisant au Moniteur. Il pourra ainsi y répondre demain.

Messieurs, nous touchons au moment où va arriver la discussion de la convention entre la France et la Belgique.

Autant que moi, messieurs, vous désirez, comme représentants de la nation d’abord et comme représentants de vos localités ensuite, être éclairés sur la portée du vote que vous allez bientôt être appelés à émettre dans cette grave question.

Il est une idée extrêmement accréditée, extrêmement répandue en Belgique, c'est que l'industrie linière fait vivre plus de bras que l'industrie lainière.

Messieurs, au nom des deux industries lainière et linière je viens demander à M. le ministre de l'intérieur d'ordonner que dans tous les districts du royaume il soit procédé immédiatement à la formation d'une statistique sur l'importance de ces deux industries. Les bourgmestre, échevins et le commissaire d'arrondissement, signeraient le tableau présenté par chaque commune du royaume qui aurait intérêt à réclamer, soit en faveur de l'une, soit en faveur de l'autre industrie. Au dépouillement de ces déclarations qui porteraient probablement le cachet de la vérité, (car il n'est pas à supposer que les trois autorités que je viens de citer s'entendent pour donner dans l'extrême ou dans l'exagération), vous saurez quelle est la partie qui doit se résigner.

Messieurs, dès les premières craintes provoquées par la convention avec la France, la ville que j'ai l'honneur de représenter a fait lever cette statistique concernant son industrie. Cette statistique porte sur :

1° Le nombre des bras employés ;

2° La valeur des bâtiments ;

5° La valeur des machines ;

4° Les capitaux circulants ;

5° Celui de la main-d'œuvre pour les Flandres et même pour la généralité du pays.

Pourquoi n'établirait on pas une sixième colonne, dans laquelle on énumérerait quelles sont les familles qui d'une manière mixte vivent à la fois et de la ressource de l'une ou l'autre industrie et des travaux de l'agriculture ?

Messieurs, je vous en conjure, ne me considérez pas, en me voyant faire cette proposition qui est si loyale, comme l'ennemi des Flandres.

Dans la discussion de la convention (et je suis heureux de vous le dire à l'avance) je proposerai des remèdes plus efficaces et plus prompts que celui de l'adoption de ce désastreux traité. Je ne demande qu'une chose aujourd'hui, c'est qu'avant de déclarer une guerre à mort entre deux industries, vous appréciiez au moins la portée d'un pareil acte ; car, je vous le répète, il est des remèdes pour l'industrie linière et je les voterai de tout mon cœur, mais, après l'adoption du traité, il n'en est plus pour la jeune industrie lainière ! A chaque crise commerciale, l'industrie lainière de 4 millions de Belges sera débordée par les trop pleins de l'industrie de 40 millions de Français !

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demanderai à l'honorable membre quelle est sa proposition.

M. David. - Ma proposition tend à ce qu'il soit fait une enquête pour qu'on ne sacrifie pas en aveugle une industrie à une autre. M. le ministre des affaires étrangères, à qui j'avais parlé de cet objet, m'a dit que l'enquête était déjà même commencée par lui et qu'il se proposait de la continuer. Je suis convaincu qu'il ne déniera pas ces paroles, mais je maintiens ma proposition, car je trouve que c'est le seul moyen d'éclairer le pays et les chambres et de ne pas voter dans les ténèbres sur une question de la plus haute importance. Ma motion tend donc à demander sinon une enquête, proprement dite, au moins des renseignements et des renseignements donnés par les personnes qui ne peuvent nous induire en erreur, ni pousser à l'exagération.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je pense, messieurs, que la motion de l'honorable M. David, telle qu'il vient de l'expliquer, tend à inviter mon honorable collègue à s'entourer, avant la discussion, de tous les renseignements qu'il pourra se procurer.

Je crois pouvoir répondre, au nom de M. le ministre des affaires étrangères qu'il tâchera de s'entourer de tous les renseignements possibles sur l'importance des deux industries dont il s'agit, et je prends le même engagement en ce qui me concerne personnellement, mais je ne comprends pas la motion en ce sens qu'elle puisse avoir pour résultat une enquête qui fût de nature à retarder la discussion. En un mot je comprends la motion de cette manière que le gouvernement...

Un membre. - Et la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Que le gouvernement et la section centrale seraient invités à réunir tous les renseignements possibles, mais sans que la discussion puisse être retardée.

M. David. - C'est absolument éluder la question. Je le répète, M. le ministre des affaires étrangères était bien autrement disposé que M. le ministre des finances. Ce que semble vouloir M. le ministre des finances, c'est de nous laisser dans l'obscurité, de nous faire voter sur une question de la plus haute importance, sans que nous ayons les renseignements nécessaires pour la décider en connaissance de cause.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je regrette que mon honorable collègue ne soit pas ici en ce moment, mais l'honorable M. David a dit lui-même tout à l'heure que M. le ministre des affaires étrangères a déjà commencé l'enquête et qu'il la continue. L'honorable membre conclut de cela qu'il s'agit de faire voter dans les ténèbres et d’allumer je ne sais quelle guerre civile. Il ne s'agit pas de cela, mais je demande une chose : la motion de M. David a-t-elle pour but de retarder la discussion ?

M. David. - Elle a pour but de l'éclairer.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Si la motion n'a pas pour but de différer la discussion, je déclare, au nom de mon honorable collègue, qu'il sera fait droit à cette motion. Si, au contraire, elle a pour but d'ouvrir une enquête qui doive ajourner indéfiniment la discussion, alors le gouvernement doit la combattre.

M. David. - Je demande uniquement des renseignements qu'on peut obtenir dans une huitaine de jours, si on est de bonne volonté, par les commissaires d'arrondissement.

M. de Tornaco. - Je trouve que la motion de l'honorable M. David est extrêmement simple, et je m'étonne que M. le ministre des finances ne l'ait pas comprise tout d'abord. M. David est parti de ce point qu'il existe dans le pays une opinion erronée consistant à penser que l'industrie linière est beaucoup plus importante que l'industrie lainière ; c'est-à-dire que l'industrie linière fait vivre plus d'ouvriers que l'industrie lainière. M. David demande à cet égard des renseignements qui fassent connaître la vérité à la chambre. Il me semble que ces renseignements sont des plus simples et (page 1123) que le ministère ne peut pas faire la moindre difficulté de les accorder à la chambre. Nous devons savoir quelle est l'importance relative des deux industries.

M. Rodenbach. - Si la statistique demandée par l'honorable M. David peut être préparée en 8 ou 10 jours, comme il le prétend, je ne m'opposerai pas à ce qu'elle soit fournie, et demain M. le ministre des affaires étrangères s'engagera probablement à la communiquer à la chambre, s'il est vrai qu'elle puisse être prête endéans les 8 ou 10 jours. Mais, messieurs, si la demande de cette statistique doit entraver le travail de la section centrale, nous devons la combattre formellement.

Quoi qu'en dise l'honorable député de Verviers, c'est une erreur de croire que l'industrie des laines puisse être comparée à l'industrie linière pour la quantité d'ouvriers qui en vivent et pour les millions qui y sont employés. Je dis qu'il y a une différence de plus de moitié en faveur de l'industrie linière, et la statistique le démontrera. Je prouverai, si on le désire, qu'il y a au moins quarante ouvriers qui s'occupent de l'industrie linière contre une personne qui s'occupe de l'industrie des laines. Quant aux capitaux employés, l'industrie linière, y compris le lin, la filature, le lissage, emploie peut-être 80 à 90 millions, et je suis bien persuadé que l'industrie des laines n'emploie pas le tiers de cette somme. C'est ce que les chiffres de la statistique qu'on réclame prouveront d'une manière incontestable.

Je crois cependant, messieurs, qu'il ne faut pas ajouter trop de foi aux renseignements fournis par la statistique ; on sait, en effet, comment les statistiques sont dressées. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que les renseignements demandés par l'honorable M. David seront de nature à le faire changer complétement d'opinion.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point, messieurs, car je crois que nous devons nous occuper du budget des travaux publics, qui est à l'ordre du jour ; mais puisqu'on avait présenté des observations tendant à donner la prépondérance à l'industrie des laines sur l'industrie linière, j'ai voulu répondre quelques mots à ces observations au nom, peut-être, de 500,000 habitants du pays qui s'occupent de cette dernière industrie. J'ai cru que je ne pouvais laisser passer sans réponse des paroles de nature à produire une impression fâcheuse dans une contrée où la misère continue à être à son comble.

PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1846

Discussion des articles

Chapitre III. - Chemin de fer, postes

Première section. - Chemins de fer

M. David. - J'ai lu avec le plus grand plaisir, dans le rapport de la section centrale fait par M. Mast de Vries, le paragraphe par lequel il reconnaît aujourd'hui qu'avec des tarifs extrêmement modérés, les transports prennent une extension immense. Nous pouvons donc ainsi compter désormais sur un défenseur de plus du système des tarifs modérés pour le transport des marchandises. Il fait défection aux partisans du système des honorables comte de Mérode et Eloy de Burdinne.

Mais quand ces tarifs, tant désirés, verront-ils enfin le jour ? M. le ministre pense-t-il qu'ils pourront au moins être présentés dans la prochaine session ?

Le Moniteur a bien publié, les jours derniers, quelques changements aux tarifs, mais ce n'est pas toujours là le tarif général et durable.

Il y a, messieurs, une commission des tarifs instituée au département des travaux publics, que l’on appelle « conseil permanent ».

Mais qu'a fait dans ces derniers temps ce conseil permanent ? Il nous a donné un tarif et encore tarif provisoire pour les voyageurs seulement.

Quelque intérêt que je porte aux voyageurs, je dois déclarer dans cette enceinte que la chose la plus importante de toutes est selon moi celle du tarif des marchandises.

Personne, messieurs, vous le voyez, personne ne parle, personne ne réclame à propos du tarif des voyageurs.

Il en est tout autrement du tarif des marchandises qui doit définitivement être fixé par la législation. Il ne faut pas que nous soyons exposés à de nouvelles déceptions comme celles qu'a produites le tarif de M. Desmaisières, le tarif battu de toutes parts en brèche et définitivement tombé en débris et en quenouille et dont il ne reste plus aucun vestige.

Que M. le ministre des travaux publics soit circonspect, messieurs, je l'y engage. Avant de proposer son tarif à la législature, qu'il l’ait au moins fait apprécier à l'état de projet par toutes les régences et les chambres de commerce du royaume. Alors les choses mûries ainsi, nous arriverons à un bon travail.

Je remarque que le chiffre pétitionné pour les fonctionnaires, employés et gens de service pour le personnel du ministère des travaux publics, est encore le même que celui de l’année dernière. La différence des 5,520 fr. provient de ce que le traitement du premier trimestre de la division des chemins de fer a encore été payé l’année dernière sur les fonds du chemin de fer.

Cette année-ci cette division doit être payée entièrement sur les fonds alloués par le département.

Lors de la discussion du budget de 1845, je fis l'observation à M. Dechamps, qu'il ne portait rien à son budget pour la création d'un bureau de contrôle des recettes et de la statistique que par un arrêté récent il avait dû établir à son département. Rappelez-vous, messieurs, que l’idée de ce contrôle fut accueillie favorablement par la chambre. Je demanderai donc à l'honorable M. de Bavay, si ses prédécesseurs, en quittant le département des travaux public, ou lui-même, ont enfin régularisé cette importante branche du service. C'est un vrai ministère des finances, messieurs, que la recette et les dépenses du chemin de fer, recette de 12 à 15 millions, dépense de 6,558,000, ensemble environ 20 millions de francs par an !

A vrai dire, messieurs, je n'ai jamais considéré l'arrêté de M. Dechamps qui instituait un contrôle et une statistique du chemin de fer au département des travaux publics que comme un palliatif ou une échappatoirc en présence des difficultés du moment. Ce contrôle cependant, je dois le déclarer de nouveau, est d'une indispensable nécessité et je serai toujours disposé à voter les fonds nécessaires à sa réalisation, bien que définitivement je préférasse de beaucoup voir administrer les recettes du chemin de fer par les agents du ministère des finances, seuls compétents en cette matière et capables, disons-le, en cette matière.

L'honorable M. d'Hoffschmidt, pendant son passage aux travaux publics, a pris un arrêté qui devait enfin faire droit, s'il eût été mis à exécution, aux nombreuses et incessantes réclamations des habitants et des autorités de la province de Liège.

Cet arrêté portait rectification des tarifs pour le parcours des plans inclinés et de la section de Liège à Verviers.

Cet arrêté n'a été exécuté que pour les marchandises, tandis que cet arrêté devait s'étendre également au transport des voyageurs.

C'est du moins ainsi que me l’avait dit l'honorable M. d’Hoffschmidt. Je désirerais savoir quelles raisons ont pu porter l'administration à modifier ainsi cet arrêté ?

J'appellerai l'attenlion toute particulière du ministre des travaux publics sur la grande utilité et pour le chemin di fer lui-même et pour toutes les localités secondaires avoisinant le chemin de l'Etat, d'une tarification générale et uniforme pour toutes les stations, quelle que soit leur importance.

Il est un grand nombre de stations, telles que le Troz, Nessonvaux, Ensival, etc., qui n'attendent que cette mesure pour donner des produits importants au chemin de fer, que le système adopte par l'administration a seul repoussés jusqu'ici.

Non seulement les tarifs exceptionnels adoptés pour les stations secondaires, repoussent les marchandises, mais encore le manque de hangars et de tous moyens de chargement et de déchargement rend inutiles et tout à fait improductives, la plupart des stations secondaires, au grand détriment du trésor.

Il y a, à défaut de tarification de stations secondaires, des choses extrêmement curieuses : par exemple, croiriez-vous, messieurs, qu'à partir de la station du bourg d'Ensival, qui est à peu près à 2,000 mètres plus près de Liège que de Verviers, on sort condamné à payer 50 centimes de plus qu'à partir de Verviers, où on prend un billet directement pour Louvain, Bruxelles ou Anvers ? La cause de cette surtaxe provient de l’incapacité dans laquelle se trouve le chef de la station d'Ensival, de donner des billets pour au-delà de Liége.

A défaut de la tarification de toutes les stations, vous ignorez, messieurs, la valeur de la recette complète de vos chemins de fer. C'est surtout à propos de marchandises que pour bien des localités il y a lésion.

Il y a lésion surtout pour les stations d'Ensival et du Troz sur la Vesdre.

Vous ne vous figurez pas, messieurs, l'importance des transports de ces deux stations, de celles d Ensival ou du Troz. Celle du Troz, messieurs, qui se présente sous un aspect si modeste, le croiriez-vous, donnerait par an de 6, 7 à 8 millions de kilogrammes de transport au chemin de l'Etat et cela en charbons, minerais et produits des établissements du voisinage. Je le dis à cette chambre, je parle ici, en ma qualité d'actionnaire de la Vesdre, contre son intérêt, car nous avons au moins conservé ces transports par chevaux, grâce à la proscription dont est frappée cette localité relativement au chemin de fer. Le Troz est placé à 10 kil. de Pepinster et à 11 kilom. de Liège. Par conséquent jugez, messieurs, de l'impossibilité de se servir du chemin de fer, puisque cette station paye pour aller vers Liège le même prix que Pepinster. C'est une révoltante injustice.

Je prierai M. le ministre des travaux publics de me dire à quoi en est l'affaire de la reprise de la route de la Vesdre.

M. le ministre n'ignore pas combien l’établissement du chemin de fer a été désastreux pour les actions de cette société, à qui le pays doit cette importante et belle communication, qui peut-être, par les facilités qu'elle a procurées à la construction, a rendu possible l'établissement d'un chemin de fer dans une vallée où tout était obstacle.

Depuis dix ans cette affaire est en instance. A chaque succession de ministère des travaux publics, le nouveau ministre promet toujours de s’en occuper et tous ont successivement quitté le ministère sans avoir rien fait pour mettre fin à un litige dans lequel les défenseurs du gouvernement lui-même ont été forcés de reconnaître devant le tribunal qu'il y aurait équité à indemniser cette société des pertes qui résultent pour elle de la construction du chemin de fer.

Messieurs, un mot sur les salles de restaurant aux stations. Je reviendrai sur ce point qui a fait de ma part l'objet de plusieurs et instantes recommandations, pour que le ministère voulût enfin comprendre qu'il y aurait avantage pour le trésor à mettre les cafés restaurants en adjudication publique et faire disparaître ainsi les privilèges gratuits accordés ou ne sait pourquoi ni comment à certains individus.

Pour la moralité de l'administration, je dirai même pour la considération de ses agents, il est indispensable que tous ces actes de favoritisme viennent à disparaître immédiatement.

Enfin, M. le ministre des travaux publics vient de nous donner l'assurance que dans trois mois, il serait procédé à l'adjudication de ces salons-restaurants ; c'est toujours quelque chose qu'il y ait ou que l’on voie un terme à un abus, mais dans trois mois, messieurs, le moment pour l'adjudication ne sera pas aussi favorable que celui-ci, car on aura à la rentrée de l’hiver écrémé la meilleure période de l’année.

Je dirai un mot de l'adjudication en bloc des rails et coussinets.

Ce mode n'est adopté qu'en Belgique. En France ni en Allemagne il n'existe.

(page 1224) Ce mode exclut tous les établissements de fonderie. Ce sont les grandes sociétés qui absorbent tout, au détriment de tous les fondeurs et des deniers du l'Etat.

Vous le savez, messieurs, les faiseurs de rails ne font pas les coussinets. Ce sont, en résumé, toujours les fondeurs qui coulent les coussinets ; mais ils soumissionnent en sous-ordre auprès des heureux adjudicataires qui recèdent des marchés à 7, 8 et 10 p. c. au-dessus du prix de leur propre adjudication.

Une de mes connaissances a déjà fait plusieurs demandes, mais sans résultat, pour fournir de 7 à 10 p. c. au-dessous du prix auquel l'administration a adjugé aux grandes sociétés, et toujours elle a été repoussée.

L'administration prétend que ce mode présente plus de garantie ! C'est une pauvre raison. L’administration sait très bien que les coussinets ne sont fournis que par des sous-traitants. Elle est même, pour la réception des coussinets, en relation directe avec eux.

Le résultat de ce mode est la coalition et qu'on paye les rails plus cher.

Je qualifie donc de faveur ce procédé d'adjudication, et je demande la répression de ce ridicule abus.

Je dois encore signaler à M. le ministre des travaux publics un véritable déni de justice envers la ville et l'arrondissement de Verviers.

Dans l'organisation des convois, on s'est arrangé de manière à ce que les habitants de Verviers ne pussent jamais se rendre de cette ville à Bruxelles, Gand ou Anvers et être de retour à Verviers dans la même journée. Ce qui a pourtant lieu pour toutes les autres villes du royaume, au nombre desquelles il y en a qui sont à des distances plus considérables de Bruxelles que Verviers.

Pour faire droit aux réclamations du conseil communal de Verviers, de la députation provinciale de Liège, il suffisait que le dernier convoi de Liège à Verviers fût retardé jusqu'à l'arrivée du dernier convoi arrivant de Bruxelles.

Eh bien, au détriment du chemin de fer lui-même, on a préféré établir un convoi de voyageurs partant à 6 1/2 heures du soir de Liège et plus tard un deuxième convoi de marchandises dans lequel on refusait d'admettre les voyageurs.

Je ne puis croire aux contes qui circulent à cet égard, que cet acte de favoritisme ne serait accordé qu'aux sollicitations de quelques hôteliers de la ville de Liège, bien en cour près de certains agents de l'administration du chemin de fer.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics actuel, jusqu'à quand ce déni de justice envers Verviers doit se continuer.

Sans la retraite de son prédécesseur, la mesure serait prise aujourd'hui, au moins d'après la promesse qu'il m'en avait faite, et j'invoque à cet égard le témoignage de l'honorable M. d'Hoffschmidt lui-même.

J'ajouterai, en faveur de cette mesure, que la continuation du convoi de Bruxelles à Liège jusqu'à Verviers, permettra aux voyageurs qui le prendront d'arriver 6 heures plus tôt à Aix et à Cologne, ce qui est d'un grand avantage, car l'économie de temps est souvent plus précieuse que l'économie d'argent.

Je dois terminer par une observation qui me paraît être de la plus haute importance. Elle est relative, messieurs, à l'une des deux voies du chemin de fer de la route de la Vesdre de Liège à Verviers.

Ce chemin, messieurs, est, comme vous le savez, à deux voies. La plus ancienne des deux voies est en rails subondules, la seconde est en rails parallèles.

Je parcours fréquemment ce chemin et dans quelques-unes de ses parties, je l'ai parcouru à pied.

Je dois déclarer que je ne suis guère tranquille en examinant l'état des rails subondulés de l'une de ces deux voies ; ils sont éraillés, fendillés et présentent beaucoup de bavures. Je sais de science certaine que l'on y fait de fréquents renouvellement de rails.

Jamais, messieurs, je n'ai plaidé dans cette enceinte que la cause des économies au chemin de fer, mais je ne puis aujourd'hui garder le silence en présence d'un danger que je qualifierai de terrible, si sur le parcours de la Vesdre, un convoi, dans les courbes très brusques de cette direction, venait par un déraillement, à se précipiter dans les fonds de ces hauts remblais.

Ces rails subondulés sont, messieurs, des premiers employés en Belgique. Ils sont de bon fer, j'en conviens ; mais pour les immenses charges qui passent sur la Vesdre, comment ne pas trembler en voyant employer des rails qui pesaient 16 à 17 kil. le yard, tandis qu'aujourd'hui les rails parallèles pèsent plus du double ? Peut-on acheter trop cher la sécurité des convois d'hommes surtout ? Combien ne déplorerait-on pas un malheur aussi affreux, surtout quand il a été prévu ? Je dois encore à la vérité de déclarer que s'il n'est rien arrivé, jusqu'à présent, sur la route de la Vesdre que l'on considère à bon droit comme dangereuse dans les meilleures conditions possibles, puisque l'on doit y modérer les vitesses, je dois, dis-je, de déclarer que cette bonne fortune est due à l'excellent service qui s'y exerce et dont on doit savoir gré à l'administration.

Messieurs, je le répète, je veux, je désire et j'appelle les économies et je crains presque que l'administration en prenant acte de mes paroles ne fasse disparaître, sans nécessité, des rails subondulés d'autres parties de nos chemins où n'existent ni fortes courbes, ni les dangers que je viens de signaler.

Je me borne donc à recommander ici à l'attention et à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics, le parcours de la Vesdre, sur lequel je l'engage à envoyer ses ingénieurs avec injonction de faire un rapport sur l’état de la voie dont je viens de vous entretenir.

On jugera sainement alors de l'opportunité oui ou non de remplacer sans tarder les rails subondulés par des parallèles.

J'ai à faire une dernière question à M. le ministre des travaux publics ; elle est relative au chemin de fer de Liége à Namur. Vous savez, messieurs, que les populations de la rive gauche sont en émoi, par suite de la crainte qu'elles éprouvent que ce chemin de fer ne soit construit sur la rive droite qui de son côté le repousse. J'ignore si la solution de cette question est prochaine, et si je n'avais déjà abusé des moments de la chambre, je pourrais, d'après des renseignements que je possède ici, continuer à parler fort longtemps sur cet important tracé. Mais comme il me semble que les renseignements que pourra donner M. le ministre des travaux publics suffiront pour tirer de leur incertitude les populations des deux rives, je demanderai à M. le ministre des travaux publics qu'il ait la bonté de s'expliquer à cet égard, avant la fin de la discussion générale du chapitre III.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'honorable préopinant a posé différentes questions. Il a demandé d'abord si l'intention du gouvernement était de soumettre prochainement aux chambres des propositions pour les tarifs du chemin de fer. Il a fait observer que, suivant lui, il était plus urgent de régler le tarif des marchandises que de s'occuper de celui des voyageurs. Déjà, messieurs, une proposition a été soumise à la chambre, en ce qui concerne les voyageurs ; mais je suis porté à croire que ce travail doit être révisé dans quelques-unes de ses parties, et je pense avec l'honorable membre que le point important est d'avoir un tarif définitif pour les marchandises.

Je crois donc que le meilleur parti à prendre serait de réunir les deux questions et de statuer sur le tout par une même loi. La question des marchandises est plus compliquée que celle des voyageurs, elle exige un travail préparatoire dont on s'occupe, mais qui n'est pas terminé. Cependant si la session se prolongeait quelque temps, je ne désespérerais pas de présenter ce travail avant la clôture.

Ce que je puis faire, sans craindre de m'avancer trop, c'est de promettre de saisir la chambre d'un travail complet sui les tarifs à l'ouverture de la session prochaine. Je regarde la présentation d'un projet de loi non seulement sur les tarifs, mais sur le mode d'exploitation du chemin de fer, comme une des choses les plus utiles, les plus indispensables. Cette mesure est indispensable pour donner à l'exploitation du chemin de fer une certaine fixité, une certaine permanence, condition aussi importante pour le public que pour l'administration elle-même.

Nous devons désirer de voir l'exploitation sortir du provisoire le plus tôt possible. Aussi longtemps que le provisoire se prolongera, l'exploitation sera à l’état d'essai, d'expérience. Je me propose donc de présenter, soit à la fin de la session actuelle, soit au commencement de la session prochaine, un projet de loi général, non seulement sur le tarif des voyageurs et des marchandises, mais encore sur le mode de transport et les conditions générales d'exploitation. Ce travail devra poser tous les principes d'exploitation en laissant au gouvernement le soin de réglementer les points de détail.

L'honorable M. David a demandé si l'intention du ministre actuel était de donner suite à un arrêté pris par un de mes honorables prédécesseurs, arrêté aux termes duquel une division de contrôle des recettes et de statistique des transports du chemin de fer doit être établie au département des travaux publics.

Je suis complétement d'accord avec l'honorable membre sur l'utilité, la nécessité de cette mesure, et je compte la prévoir au budget de l'exercice prochain. Ainsi que cela a été expliqué à la section centrale, le crédit proposé au budget de cette année ne permettrait pas de faire cette dépense qui sera assez considérable, on ne peut pas se le dissimuler.

Néanmoins, je regarde cette dépense comme nécessaire, et je compte demander pour l'exercice prochain les fonds nécessaires pour y faire face.

Pour prendre cette mesure et le faire utilement, il reste un travail préparatoire à faire ; il reste à réviser la comptabilité des recettes du chemin de fer et à mettre celle comptabilité en rapport avec les bases à adopter pour la statistique du chemin de fer ; car il faut que la comptabilité et la statistique soient conçues au même point de vue, il faut que les données statistiques ressortent des livres mêmes de la comptabilité. Cela exige un travail assez long ; le crédit fût-il voté maintenant, la mesure prise par mon prédécesseur aurait beaucoup de peine à être mise en vigueur d'ici à quelques mois.

L'honorable membre a parlé encore des buffets-restaurants établis aux stations ; il voudrait que l'adjudication fût immédiate. Si j'ai dit qu'elle aurait lieu dans un délai de trois mois, c'est que des contrats lient l'administration et ne lui permettent de se dégager qu'au moyen d'une renonciation faite trois mois à l'avance.

Cette renonciation, je l'ai fait faire, pour me mettre, le plus tôt possible, dans une régularité complète. L'adjudication ne devra pas se faire nécessairement pour un temps fort long ; s'il existe des raisons de croire qu'une adjudication subséquente, faite en temps plus opportun, soit de nature à produire à des résultats plus favorables, rien n'empêche de recourir actuellement à cette mesure d'une adjudication à court terme.

L'honorable membre a signalé l'usure d'une des voies de la Vesdre. Il est à ma connaissance que beaucoup de rails doivent être renouvelés ; un travail général est commencé sur cet objet ; avant de me prononcer, la question est importante, je désire, au préalable, avoir pu me faire une opinion personnelle. Le budget, d'ailleurs, prévoit le renouvellement des biles et des rails, car une somme assez forte y est portée pour cet objet ; je crois qu'elle est de 300,000 francs. L'honorable membre a fait observer, avec raison, que, sur une route où les transports de matières pondéreuses abondent, des rails forts sont nécessaires. Je suis d'accord avec l'honorable (page 1225) membre, je me ferai rendre un compte spécial de l'état de cette roule et je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour remédier aux inconvénients signalés par l'honorable membre.

En terminant, le même orateur vous a entretenus de la reprise de la route empierrée de la Vesdre. Vous savez, messieurs, que les réclamations des concessionnaires de cette route ont fait l'objet d'une contestation qui a été portée devant les tribunaux ; aujourd’hui la société a fait des ouvertures au gouvernement pour la reprise de la route. Cette question doit être examinée. Je n'ai pas pu me prononcer à cet égard, par la raison que j'ai dû soumettre cet objet à mon collègue le ministre des finances, et attendre son avis avant de prendre un parti. Il s'agit d'une dépense à faire pour laquelle il faut voter des fonds. Avant de prendre position sur une pareille question, le gouvernement doit commencer par s'assurer les moyens de faire éventuellement face à la dépense. Quoi qu'il en soit, c'est une affaire dont je compte m'occuper prochainement. Je ferai en sorte de la conduire le plus tôt possible à une solution.

M. Sigart. - Dans la discussion générale du budget des travaux publics, j'ai demandé communication des motifs développés de l'arrêté du 29 octobre 1844. cet arrêté accorde une réduction sur le prix de transport des émigrants, indépendamment du transport gratuit de leurs bagages.

M. le ministre des travaux publics a déposé sur le bureau le rapport de M. l'administrateur de l'exploitation du chemin de fer. Je l'en remercie, ce n'était pas que j'ignorasse la véritable cause de l'arrêté, je savais que c'était une faveur qu'on voulait accorder à la société de colonisation aux dépens du trésor public ; mais comme je pensais bien qu'on n'avouerait pas le motif réel, je m'attendais à voir mettre en avant de grandes vues sur l'émigration dans ses rapports avec les lois de la population, et dans l'étude de ses effets sur le paupérisme ; j'ai fait sur ce sujet un travail étendu que je pensais avoir aujourd'hui l'occasion de soumettre à la chambre ; cette occasion me manque ; j'en attendrai une autre. Mais je n'y ai trouvé qu'un prétexte un peu terre à terre d'intérêt local, (ce qui, du reste se trouve dans l'arrêté).

Est-ce donc une si bonne chose que les émigrants s'embarquent dans nos ports. Mais on doit remarquer que les malheureux dont il s'agit doivent faire bien peu de dépenses. Il faut songer aussi que cette dépense n'est pas tout profil pour celui qui fournit, ou des objets de consommation ou le passage sur un navire, qu'il n'en gagne que la plus faible partie, de sorte que pour procurer à nos ports un faible avantage, on impose au chemin de fer une contribution notable. Je pense que le gouvernement n'hésitera pas à retirer l'arrêté, d'autant plus que la société de colonisation ne colonisant plus n'a plus besoin de colon, qu'elle est même embarrassée de ceux qui lui restent et dont la fièvre jaune est en train de la délivrer.

Dans une séance précédente, j'ai aussi signalé le danger des passages à niveau des chemins de fer industriels qui traversent notre voie ferrée. M. le ministre des travaux publics m'a répondu que la dépense nécessaire pour éviter ces dangers pourrait être considérable ; il a parlé d'une somme de 100 ou 150,000 fr. Je crois que s'il ne s'agissait que de cette dernière somme même, le gouvernement ne devrait pas hésiter une minute, car je dois le répéter : plus tôt ou plus tard une rencontre aura inévitablement lieu. Quiconque a vu le mouvement des houilles descendant du Flénu vers le canal sur ces chemins de fer industriels est bien convaincu de l'imminence du danger : déjà deux ou trois fois des accidents ont été sur le point d'arriver, ce n'est que par un hasard presque merveilleux qu'ils ont pu être évités.

J'avoue que je croyais que la dépense devait être plus considérable, puisque le chemin doit être élevé en quelque sorte d'un étage sur une longueur d'une grande lieue depuis Jemmapes jusqu'à St-Ghislain, qu'il faut établir des viaducs sur tous les chemins et des raccordements en pente douce avec le niveau du reste de la route. Il est vrai que l'ingénieur chargé du travail, M. Delahaye, est un homme aussi modeste que capable, et que l'on n'aurait pas à craindre avec lui des dépenses inutiles. Or, si nos travaux ont été si coûteux, on le doit, en grande partie, à la vanité de nos ingénieurs qui ont voulu faire voir qu'ils étaient capables de faire qui un tunnel, qui un pont bien inutiles.

On assure que le gouvernement a pris une résolution au sujet des passages de chemins de fer industriels ; je désire la connaître.

Je prie aussi M. le ministre de me dire s'il est possible, comme je le pense, d'éviter le passage à niveau du chemin de fer de Manage dont j'ai déjà parlé dans la discussion générale.

Tout à l'heure M. le ministre, répondant à une interpellation de M. Osy relativement à la double voie sur la ligne du Midi, disait que sur cette ligne la double voie ne serait pas complète. Je ferai observer que si elle n'est pas complète, elle est tout à fait inutile, car il arrivera souvent, sur le parcours si long de Paris à Bruxelles, des retards considérables ; les convois, si la double voie n'est pas complète, devront rester dans les stations pendant ces retards. Je prie M. le ministre, si les crédits sont épuisés, de s'adresser à la chambre qui, j'en ai presque l'assurance, ne lui refusera pas les moyens de parfaire notre chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je pense que les transports d'émigrants ont obtenu certaine facilité sur les chemins de fer, uniquement dans un but commercial On sait fort bien que les transports d'émigrants servent en très grande partie à alimenter notre commerce avec l'Amérique. Si ces transports venaient à manquer, le commerce en éprouverait des difficultés très grandes, en ce sens que les bâtiments manqueraient de chargement au départ ou de chargement de retour. Cette considération est la seule qui ait fait accorder une réduction aux émigrants empruntant le chemin de fer ; elle était surtout motivée sur la concurrence du Rhin.

Il s'agissait de faire ces transports à des prix réduits ou de ne pas les avoir ; d'assurer au port d'Anvers l'avantage commercial des émigrants ou d'abandonner cet avantage au profit des ports de la Hollande. Là, messieurs, était toute la question.

L'honorable membre qui vient de se rasseoir pense que les doubles voies en construction sur la ligne du Midi ne seront que d'un faible secours lors de l'ouverture du chemin de fer de Paris à notre frontière. Je pense, messieurs, que ces doubles voies seront déjà un très grand avantage. Evidemment, elles ne seront pas l'équivalent d'une voie double continue. Mais ici, messieurs, nous nous trouvons dans une position difficile, en ce sens que pour compléter les doubles voies il faudrait nécessairement imposer au trésor des charges considérables, que l'on ne pourrait couvrir que par un emprunt, lequel emprunt devra être discuté en conseil des ministres, et ne pourra, en tous cas, être présenté que dans un moment opportun.

L'honorable membre a signalé les dangers des passages à niveau. Je suis entièrement d'accord avec lui sur ce point. Je considère ces passages à niveau comme fâcheux et comme devant disparaître. La question est une question de moyens. Ici encore il s'agit d'une dépense assez forte pour laquelle les fonds ne sont pas faits.

M. A. Dubus. — Messieurs, j'ai demandé la parole après avoir entendu la courte réponse qu'a faite M. le ministre des travaux publics au discours de l'honorable comte de Renesse.

Il paraît, messieurs, que la Campine joue de malheur en fait de chemins de fer comme en fait de routes pavées. L'honorable comte de Renesse a demandé quand la chambre serait saisie d'un projet de loi relatif à l'exécution du chemin de fer d'Ans à Breda. M. le ministre des travaux publics a répondu qu'il y avait connexité entre ce projet et le projet de chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, qu'il ne pouvait les apprécier que simultanément, et qu'il ne pouvait se décider sur cette question pour le moment.

J’appellerai l'attention de M. le ministre sur un nouveau projet ; c'est celui de MM. Chantrell et Riche qui ont demandé la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Turnhout et qui demandent aussi celle d'une route pavée de Turnhout à la frontière hollandaise. Cette double entreprise, messieurs, mérite certainement d'être bien accueillie par le gouvernement. D'abord elle est d'une utilité réelle, d'une utilité incontestable ; ensuite la Campine, comme les autres contrées de la Belgique, a droit à obtenir des chemins de fer. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics ce que nous pouvons espérer au sujet de ce dernier projet.

Les frais d'établissement de la voie ferrée d'Anvers à Turnhout (41,458,95 mètres de parcours), y compris l'embranchement du canal et le pavage de la route, jusqu'à la frontière de Hollande (18,000 mètres de longueur) ne s'élèvent, d'après les devis déposes au département des travaux publics, qu'à la somme de 3,366,000 fr., somme très modique, si on la compare au prix qu'ont coûté les diverses lignes ferrées qui sillonnent le sol belge.

L'arrondissement de Turnhout, messieurs, m'a envoyé siéger dans cette enceinte. Cet arrondissement, comme tout le reste de la Campine, a été peu favorisé par la nature, oublié par les hommes et singulièrement abandonné par les divers gouvernements qui se sont succédé en Belgique. Aussi je crois qu'il est de mon devoir de saisir toutes les occasions, de profiter de toutes les circonstances, pour appeler l'attention du gouvernement sur cette contrée ; et je le déclare franchement, si d'ici à l'année prochaine, M. le ministre des travaux pub.ics ne s'occupe pas sérieusement de l'exécution d'un projet quelconque en Campine, je me verrai forcé de voter dans la suite contre son budget.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, j'ai fait connaître tantôt, sur l'interpellation de l’honorable M. de Renesse, non pas que le projet du chemin de fer d'Ans vers Breda par Turnhout devait être présente en même temps que le projet de chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf ; mais qu'il y avait entre ces deux projets une véritable connexité ; et que cette connexité soulevait une question très sérieuse, que je désirerais pouvoir examiner attentivement, avant de prendre dans cette chambre une attitude sur cette question. Ce que j'ai dit précédemment, messieurs, je dois le dire de nouveau.

Nous avons, messieurs, parcouru à la session dernière une carrière immense en fait de concessions de chemins de fer. Nous avons concède en une session environ 150 lieues de chemins de fer à exécuter dans l'espace de trois ans, alors que nous avions mis dix ans à construire les 110 lieues du chemin de fer de l'Etat.

Je pense, messieurs, que cette situation exige une attention toute particulière, et que, actuellement, le premier devoir du gouvernement et des chambres est de mettre une circonspection très grande dans toutes les questions de chemins de fer nouveaux.

M. de Garcia. - Messieurs, c'est avec satisfaction que j'ai entendu la déclaration qui nous a été faite dans cette séance par l'honorable ministre des travaux publics relativement aux adjudications publiques. Il vous a dit, messieurs, qu'il était résolu à faire, sous ce rapport, comme sous tous les autres, de la légalité à tout prix. Je me félicite d'autant plus de cette déclaration que je ne partage pas l'opinion de l'honorable ministre qui semble croire que ce mode n'est pas toujours le plus avantageux pour obtenir au meilleur compte possible la parfaite exécution des travaux et des fournitures confiés au département des travaux publics.

En effet, messieurs, s'il en était ainsi, on devrait reconnaître ou que le cahier des charges qui impose des conditions aux adjudicataires n'est pas complet, ou que les personnes qui doivent faire exécuter ces conditions ne remplissait pas leur devoir. L'inconvénient que redoute M. le ministre ne peut donc résulter que d'un vice dans l'administration centrale.

L'honorable ministre nous a dit qu'au moyen de ces adjudications, on (page 1226) avait obtenu des rabais énormes sur les fournitures de rails, mais qu'il doutait que les rails qui avaient été fournis correspondissent à ce qu'on devait en attendre. Cet aveu justifie la justesse de mes observations. Le prix de cas fournitures eût-il été au double de celui qu'on a signalé, fussent-elles été meilleures ? Evidemment non, puisqu'il ne fallait que remplir les conditions exigées.

Je le répète donc, je me félicite de la déclaration faite par M. le ministre. Je m'en félicite d'autant plus que je crois que le résultat des adjudications publiques sera avantageux à l’exploitation du chemin de fer et à nos finances. A ces points de vue une seule observation me reste à faire, c'est d'inviter M. le ministre à faire surveiller la formation du cahier des charges et leur parfait accomplissement.

L'honorable ministre des travaux publics répondant à quelques observations qui ont été faites relativement à la tarification sur les transports des choses et des personnes, a dit que prochainement il présenterait un projet de loi pour régler ce point, sauf à laisser les questions de détails, à régler par des arrêtés. Je me félicite encore de cette déclaration. Mais je désirerais que M. le ministre qui vient de nous déclarer vouloir toujours la légalité, mît aussi de la justice et de la légalité dans la tarification provisoire existante ; c'est-à-dire que je désirerais plus de justice et plus d'égalité dans le prix du transport des choses et des personnes sur les diverses lignes en exploitation. Il suffit de jeter les yeux sur les tarifs pour être convaincu que la ligne du Midi et celle vers Namur est maltraitée à ce point de vue.

Elle est encore maltraitée sous un autre rapport, elle est maltraitée aussi par l'absence complète de tarification, pour grand nombre de stations intermédiaires et importantes établies entre Bruxelles et Namur. Je prie donc M. le ministre de porter remède à un état de choses qui constitue une injustice manifeste.

A ce sujet je dois faire une demande à M. le ministre. La commune de Floreffe, commune importante en raison de ses produits en bois, en billes, en pierres et en chaux, a adressé une pétition au département des travaux publics. Cette pétition, signée par les membres de l'administration communale par les notabilités commerciales, et par les notabilités de propriété, demande qu'il soit fait une tarification pour les choses et les personnes prises en charge à la station établie dans leur commune. Je désire que M. le ministre des travaux publics nous donne une explication à cet égard, et qu'il nous dise quelle résolution il entend prendre sur cette pétition. Je le désire d'autant plus que si le gouvernement ne faisait pas justice, il en résulterait qu'on saisirait la chambre de la question et que nous serions obligés de nous occuper de cette matière qui est purement administrative aujourd'hui, puisque nous ne sommes pas saisis d'uu projet de loi pour une tarification définitive.

M. le ministre répondant à une observation qui avait pour objet le loyer des pièces et salons dans les stations, a dit qu'il avait pris la résolution de le mettre en adjudication.

Cette déclaration est une nouvelle preuve que M. le ministre veut la légalité ; mais pour entrer complétement dans la légalité, cette déclaration doit être accompagnée d'explications.

En effet, il ne suffit pas que ces locaux soient loués par adjudication publique, il faut encore que ces produits soient consignés au budget des voies et moyens. Je demanderai à M. le ministre quelle destination ont eue les produits des locations faites jusqu'à ce jour ; ces produits devaient évidemment figurer au budget des voies et moyens, où je ne me souviens pas les avoir jamais vus.

M. Osy. - On les donnait pour rien.

M. de Garcia. - On me fait observer qu'on les donnait pour rien. Je ne puis concevoir cela ; mais je crois que ces produits avaient une autre destination, une destination irrégulière. Vous le voyez, il ne me suffit pas qu'il y ait une adjudication publique de ces locaux, mais il faut qu'on sache et qu'on soit assuré que le produit de cette location retournera directement au trésor.

Messieurs, il est une autre observation qui se rattache à celle-ci.

Je conçois que la recette des revenus de l'exploitation du chemin de fer appartienne a l'administration des travaux publics. Mais il y a un autre revenu qui sous aucun rapport ne me paraît lui revenir. C'est celui des plantations qui existent le long du chemin de fer. Quiconque a parcouru nos chemins de fer a pu voir que chaque année on met en coupes réglées use partie de ces plantations. Je n'ai encore, dans nos voies et moyens, aperçu aucune trace de ce revenu. Cependant nécessairement il devrait y figurer.

On dira peut-être, et je crois qu'il en est ainsi, au moins si mes renseignements sont exacts, l'on dira, dis-je, que ce bois sert à alimenter les locomotives. Ce mode d'agir est tout a fait irrégulier et compromet les principes d'une bonne administration. En procédant ainsi, l'on emploie à l'exploitation du chemin de fer des valeurs que la législature n'a pas votées, et il arrive nécessairement que cette exploitation que vous croyez ne coûter que la somme portée au budget, doit être augmentée de la valeur de ces bois, qui vous est restée inconnue jusqu'à ce jour, et qui doit considérablement augmenter par la suite.

Je demanderai donc que la vente de tous les bois provenant des plantations du chemin de fer se fasse par adjudication publique, et je vous avoue que je voudrais que cette partie du revenu fût rattachée au département des finances. Que l'exploitation du chemin de fer appartienne au département des travaux publics, cela se conçoit. Mais que les revenus accidentels résultant de la coupe des bois reviennent à ce même département, c'est ce qui ne se conçoit plus. Le département des finances est en possession de la vente de tous les domaines de l'Etat ; or incontestablement les produits auxquels je fais allusion rentrent directement dans cette catégorie.

Je crois donc que pour régulariser cette matière, il faut rattacher cette partie du revenu public au département des finances. Une matière semblable ne peut, en aucune manière, porter la perturbation dans l'administration du chemin de fer, puisqu'elle y est complétement étrangère.

Passant à un autre ordre d'idées, je crois devoir revenir sur des considérations déjà présentées relativement à la seconde voie qui doit être établie sur la ligne du Midi. Les réponses données à cet égard par M. le ministre ne me satisfont pas.

Dans l'avant-dernière session, nous avons voté une loi de crédit pour parfaire les doubles voies où elles ont été signalées comme nécessaires et indispensables pour la sécurité des voyageurs, et la régularité du service. D'après la déclaration qui a été faite par M. le ministre des travaux publics, ce crédit est insuffisant. Quant à moi, cette déclaration ne m'étonne pas. Tous les crédits que nous avons votés pour travaux publics se sont toujours trouvés insuffisants, et d'avance on pourrait dire, quand on vote un crédit pour des travaux quelconques, qu'il sera insuffisant. Mais la nécessité de cette double voie a été reconnue, et je voudrais que dès à présent le gouvernement avisât aux moyens de l'établir. La nécessité de ces travaux reconnue, ils doivent s'exécuter. Il n'y a jamais de l'économie à ne pas faire ce qui est réclamé par les bien du service. Si vous n'établissez pas la double voie, vous nuirez considérablement à l'exploitation du chemin de fer. Vous y nuirez évidemment par les dangers que vous faites courir aux voyageurs ; vous y nuirez surtout parce que vous ne serez pas libres de choisir les heures de départ les plus avantageuses, celles qui donneront de transport plus considérable des voyageurs et des marchandises. Dans l'état de droit actuel et dans l'absence d'une double voie sur la ligne du Midi, et sur une partie de la ligne de Namur, l'on ne pourra jamais coordonner un service régulier dans la direction que je viens de signaler, et c'est là un grave inconvénient dans l'intérêt même du chemin de fer.

Le gouvernement s'est trompé, quand il a fait l'estimation de la dépense pour la double voie. Eh bien, je ne conçois pas que, dans cette session, il n'ait pas présenté une demande de crédits pour parfaire ce qui était dans le vœu de la chambre et dans l'intention du gouvernement. Car le gouvernement voulait parfaire les doubles voies lorsqu'il a demandé des subsides. S'il s'est trompé dans ses prévisions, ce n'est pas un motif pour différer m’exécution de ce travail.

Dans ses réponses, M. le ministre ne nous donne aucun apaisement à cet égard. Il faut, nous a-t-il dit, attendre des circonstances favorables, ce qui revient à dire qu'il faut attendre indéfiniment.

Je désire que M. le ministre nous donne quelque chose de plus explicite, et que, pour la session prochaine au plus tard, il présente à la législature la demande de crédit indispensable pour parfaire la double voie dont la nécessité est préjugée.

Un membre. - Pourquoi pas dans cette session ?

M. de Garcia. - Dans cette session, si c'était possible Je ne demanderais pas mieux ; mais je ne puis l'espérer en présence de ce qui nous a été déclaré.

Messieurs, ce que j'ai dit relativement à la location des pièces et des salons dans les stations, relativement à la coupe des bois raspes qui croissent le long des chemins de fer, et sur toutes les parties de terre qui ont été emprises en trop, s'applique également aux débris du matériel du chemin de fer. C’est peu de chose, je le sais ; mais il faut de la régularité en tout. Quand il s'agit d'administrer les affaires de l'Etat, il faut qu'elles soient garanties par des règles inflexibles. Rappelez-vous, messieurs, que lorsqu'il s'est agi du budget de la guerre, on est allé jusqu'à demander si on observait les règlements pour la vente du fumier des chevaux de la cavalerie. Si vous exigez l'observation rigoureuse des principes dans une administration, exigez-la aussi dans les autres. Dès lors, l'on doit vouloir que la vente des débris du matériel du chemin de fer figure quelque part dans le budget des voies et moyens et dans les revenus publics.

Je bornerai mes réflexions à ces simples observations qui, j'espère, seront prises en considération par le chef du département des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je regrette que l'honorable préopinant n'ait pas bien saisi ma pensée, lorsque j'ai fait connaître ce que je pensais des adjudications publiques. Je n'ai pas déclaré que les marchés par adjudication publique donnaient généralement de mauvais résultats. J'ai dit simplement que c'était une erreur de croire que ces marchés donnassent toujours et partout de bons résultats. Mon observation sous ce rapport a été restrictive.

Pour ce qui est des fournitures de rails, l'honorable membre s'est étonné de ce que les rails n’aient pas répondu à l'attente de l'administration, alors qu'ils étaient tout à fait conformes aux prescriptions d'un cahier des charges discuté et adopté à l'avance. Messieurs, je crois utile de faire ici une observation : c'est qu'un bon cahier des charges pour une fourniture du genre de celle des rails, ne s'improvise pas ; un pareil cahier des charges est le résultat de l'expérience, le résultat d'essais successifs faits pendant fort longtemps. On a cru pouvoir borner les essais des rails à certaines opérations et faire dépendre leur réception du résultat de ces essais. Eh bien, messieurs, les rails qui se sont trouvés en définitive être peu satisfaisants, étaient conformes à ce qu'exigeait le cahier des charges quant aux essais. Les fournisseurs s'étaient donc trouvés, au moment de la fourniture, dans les termes de leur cahier des charges.

Depuis lors, messieurs, instruits par l'expérience, qu'avons-nous fait ? Nous avons modifié le système d'essai et nous avons, de plus, imposé aux adjudicataires une garantie de deux ans, garantie qui les oblige à reprendre les rails et à les remplacer par d'autres dans le cas où des exfoliations se feraient voir dans cet espace de deux ans.

L'honorable membre a demandé de quelle manière s'adjugent les coupes (page 1127) d'herbages et de raspe le long du chemin de fer. Je pense que ces adjudications se font par l'administration du domaine et que le produit en est renseigné parmi les produits domaniaux.

Pour ce qui est du produit des buffets-restaurants, jusqu'à présent il a été versé dans la caisse des chefs de station et il figure comme recette des stations. A l'avenir les buffets-restaurants seront adjugés non par l'administration des travaux publics, mais par l'administration des domaines et le produit sera porté aussi parmi les recettes domaniales. C'est au moins dans ces termes que la chose a été discutée avec le. département des finances.

M. Osy. - J'ai également entendu avec plaisir M. le ministre des travaux publics déclarer qu'il s'attachera fortement à rester dans la légalité et qu'il fera autant que possible des adjudications publiques ; mais je dois relever l'observation faite par M. le ministre que lorsqu'on a adjugé des rails à 200 fr., on a fait un marché très onéreux pour l'Etat. C'est là un blâme que M. le ministre inflige à sa propre administration, car de deux choses l'une : ou les cahiers des charges étaient mal faits ou l'on a été beaucoup trop léger dans la réception. Je suis charmé d'apprendre que le gouvernement, éclairé par l'expérience, rend maintenant les fournisseurs responsables pendant plusieurs années ; de cette manière nous serons certain que lorsqu'on fera des marchés à bon compte, ces marchés ne deviendront pas onéreux par la mauvaise qualité des objets fournis.

Comme l'honorable M. Rogier l'a fort bien dit dans la séance de samedi, on a fait une chose très fâcheuse lorsqu'on a autorisé la formation de la société anonyme des chemins de fer de Jurbise et de Hasselt, au capital de 12,500,000 fr., alors que dans la discussion du projet de loi relatif a ces chemins de fer on nous avait présenté des devis qui portaient la dépense à une somme beaucoup moindre.

M. le ministre des travaux publics nous a dit que ces devis ne comprenaient pas l'intérêt des capitaux pendant le temps nécessaire pour exécuter les travaux. J'ai revu les devis, et ces intérêts y sont compris. La seule chose qui n'y fût pas prévue, c'est la pose des rails sur la seconde voie. Cette omission et l'augmentation du prix du fer ne pouvaient certes pas produire une somme de 2 millions et demi, et par conséquent rien ne justifie le gouvernement d'avoir permis à la société de porter son capital à 12,500,000 fr. C'est véritablement un cadeau fait aux entrepreneurs aux dépens des actionnaires.

Je n'ai pas été satisfait des réponses faites par M. le ministre aux questions que j'avais posées samedi dernier. Je crois que j'étais bien informé quand, j'ai dit qu'on s'occupait au ministère des travaux publics d'un travail destiné à nous prouver la nécessité de voter encore une somme de 10 à 12 millions pour l'achèvement des doubles voies et des stations. M. le ministre n'a pas répondu à ce point, mais il a cependant fait entendre qu'il reste encore de grandes dépenses à faire.

Il a parlé entre autres du chemin de fer du Midi, et il a dit que l'on a dépense, je pense, 1,128,000 fr. au-delà des sommes votées, et qu'il resterait encore à faire la double voie sur les lignes de Jurbise à Mons et de Jemmapes à Quiévrain. Si je suis bien informé, il faudra 2 millions et demi pour cette dépense. Eh bien, messieurs, il faut de la franchise dans la conduite du gouvernement ; il faut que le gouvernement nous dise combien de fonds lui sont encore nécessaires pour achever les doubles voies décrétées et les stations ; il ne convient pas qu'un gouvernement vienne avec des demi-aveux, comme on le fait aujourd'hui. Les doubles voies sur la ligne du Midi sont de la plus grande nécessité, personne ne le conteste ; la France n 'ouvre son chemin de fer qu'après avoir achevé sa double voie ; je pense que nous devons également achever la nôtre dans le plus bref délai possible. La ligne française doit nous amener beaucoup de voyageurs vers l'Allemagne, et il faut qu'ils puissent faire le trajet avec célérité et sans avoir des malheurs à craindre, comme il pourrait en résulter de l'interruption de la double voie. J'engage donc fortement M. le ministre des travaux publics à nous demander sans retard les sommes qui lui sont nécessaires pour achever la ligue du Midi.

L'honorable ministre des travaux publics, en répondant à MM. de Renesse et Dubus, a dit que l'année dernière on a concédé une étendue considérable de chemins de fer et il en a tiré une conclusion qui me fait craindre qu'on ne veuille faire maintenant tout à fait le contraire de ce qu'on a fait l'année dernière. L'année dernière on avait une telle hâte que, si j'ai bon souvenir, un chemin de fer, celui d'Erquelinnes, a été voté, pour ainsi dire, sans examen ; cette année il paraît que le gouvernement se refuse en quelque sorte à nous présenter des projets quelconques de concession. (Interruption.) Ce ne sont pas des dépenses que je demande, je ne veux pas qu'on fasse les chemins de fer aux frais de l'Etat lorsqu'il se présente des compagnies qui en demandent la concession, mais je pense qu'on doit accepter les propositions qui nous sont faites à cet égard lorsque ces propositions sont avantageuses.

Eh bien, messieurs, nous sommes saisis du projet de loi relatif au chemin de fer de Luxembourg et j'espère que nous le discuterons bientôt, de même que celui qui a été déposé dans une des dernières séances ; mais.il faut aussi songer à être justes envers toutes les provinces du royaume. L'année dernière on a accordé des chemins de fer à toutes les provinces à l'exception d'Anvers ; eh bien, maintenant deux projets sont soumis au gouvernement relativement à des voies ferrées a établir dans cette province ; ce sont les projets dont les honorables MM. de Renesse et Dubus ont entretenu la chambre. Je conçois que la ligne d'Ans à Breda n'ait pas les mêmes chances que celle de Düsseldorf, mais il me semble que cette dernière pourrait être concédée sans retard ; l'enquête a été faite et je crois que tout est mûr pour que le projet nous soit présenté. Je demanderai donc à M. le ministre s'il compte vous le soumettre dans la session actuelle.

L'honorable M. de Garcia a parlé de la comptabilité du chemin de fer. Aux termes de la loi que nous avons votée récemment, il faut que le gouvernement présente dans la session prochaine un projet de loi ayant pour objet de régulariser cette comptabilité ; je pense que la loi dont je viens de parler sera adoptée par le sénat, et dès lors le gouvernement sera légalement tenu de soumettre ce projet à la législature ; je ne m'appesantirai donc pas sur ce point, mais il doit être bien entendu qu'en attendant la présentation et le vote du projet dont il s'agit, toutes les recettes opérées dans les stations, soit pour l'affichage, soit pour tout autre objet, doivent entrer directement dans le trésor et non pas dans la caisse du chemin de fer ; alors ces recettes entreront au moins sous le contrôle du ministère des finances.

M. le ministre des travaux publics a déposé sur le bureau la convention faite l'année dernière pour l'affichage dans les stations, et qui malheureusement encore a été conclue sans adjudication publique. Cette convention, messieurs, me paraît très extraordinaire ; j'y vois bien que la personne qui a traité avec le gouvernement doit payer à l'Etat une somme de 4,000 fr. pour avoir le droit d'afficher dans les stations, et d'y vendre certains livres, tels que Guides du voyageur ; mais je n'y vois pas un tarif maximum des prix que l'entrepreneur peut exiger du public ; il en résulte que les personnes qui veulent faire apposer des affiches dans les stations sont obligées de payer tout ce que l'entrepreneur juge convenable d'exiger.

Dans des affaires de cette nature, le cahier des charges, fixe toujours un tarif maximum, afin que le public ne puisse pas être rançonné. J'engage beaucoup M. le ministre des travaux publics à renoncer à cette convention le plus tôt possible, et s'il croit nécessaire de retirer un revenu de l'affichage dans les stations, au moins que ce ne soit pas au détriment des personnes qui veulent profiter de ce moyen de publicité. Je crois que ce revenu n'est en définitive qu'une bagatelle et qu'il vaudrait mieux ne rien faire payer, sauf à ne rien afficher dans les stations que des choses réellement utiles aux voyageurs, telles que l'indication des heures de départ et d'arrivée dans l'Europe entière et peut-être des hôtels ; mais hors de là, je pense qu'on ne devrait rien afficher dans les stations.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - L'honorable membre qui vient de se rasseoir a insisté sur les observations présentées dans, une séance précédente par l'honorable M. Rogier au sujet du chemin de fer de Tournay à Jurbise. Il semble, d'après les observations de cet honorable membre, que le gouvernement aurait eu le tort grave d'attribuer, sans motif, aux concessionnaires des chemins de fer de Tournay à Jurbise et de Sl-Trond à Hasselt, un bénéfice de 2 millions et 1/2. .Messieurs, cette question est avant tout une question de chiffres, et ce sont les chiffres que je vais examiner.

Les honorables membres ont pris pour base de leurs observations le travail de M. l'ingénieur en chef Desart. Ce travail a été publié en avril 1844, mais il remontait à l'année 1843. La concession a été accordée au mois de mai 1845, et la société s'est formée en juillet de la mène année. Il s'est donc écoulé un intervalle de deux années environ entre la formation des avant-projets et des détails estimatifs et la constitution de la société. Ces détails estimatifs ont été faits par un homme de conscience et de mérite, à qui l'honorable M. Rogier a bien voulu accorder des éloges entièrement mérités. Mais, messieurs, tout travail de ce genre est nécessairement basé sur les prix du jour ; un détail estimatif n'est pas autre chose que l'évaluation de ce que doit coûter l'exécution d'un projet d’après les prix du moment.

Dans une précédente séance, j'avais dit, de mémoire, que le fer avait été évalué par M. Desart à 250 fr. le tonneau ; c'était une erreur de ma part : dans son travail de 1845, M. Desart n'évaluait les rails qu'à 220 fr. Par suite du renchérissement de la matière première, les évaluations de cet ingénieur se trouvent être inférieures aux prix d'aujourd'hui d'au moins cent francs par tonneau de rails. Les billes étaient estimées à 5 fr. 50 c, prix d'alors, tandis qu'aujourd'hui il est fort difficile de les obtenir à 6 fr., et il serait peut-être téméraire de dire à quel prix on les obtiendra l'année prochaine. Eh bien, messieurs, la meilleure manière de juger les observations faites par l'honorable M. Rogier, c'était évidemment de refaire les calculs. C'est ce que j'ai fait. J'ai fait venir M. l'ingénieur en chef Desart et je lui ai demandé de refaire ses calculs en prenant pour base les' prix de 1845 ; voici, messieurs, les calculs ainsi établis :

Tournay à Jurbise :

1° Terrains, fr. 1,414,070

2° Terrassements, fr. 638,111 74 c.

3° Ouvrages d'art, fr. 548,660

4° Revêtements de talus, fr. 18,500

5° Matériel de railway, fr. 3,178,200

6° Sable et travaux du railway, fr. 995,744

7° Dépendance de la route, fr. 157,644

8° Bâtiments et dépendances des stations, fr. 287,100

Ensemble, fr. 7,318,026 fr. 74 c.

9° Personnel et frais généraux, fr. 219,540 80 c.

Ensemble, fr. 7,537,567 54 c.

10° Intérêts des capitaux (voir plus bas), pour mémoire

11° Somme à valoir pour travaux imprévus soit 7 p. c. environ, fr. 527,433 46 c.

Totale pour la ligne de Tournay à Jurbise, fr. 8,065,000.

(page 1128) Saint-Trond à Hasselt

Les travaux, terrains, etc., ont été entrepris à forfait pour une somme, montant à fr. 1,800,000

Ensemble 9,805,000

Intérêts des capitaux d'émission, soit 6 p. c. d'une somme de fr. 12,500,000 c, fr. 750,000

Total, fr. 10,615,000.

Les intérêts sont calculés à raison de 4 p. c. et pour une année et demie pleine. La durée présumée des travaux est de 3 ans.

Voici donc, messieurs, que M. l'ingénieur Desart arrive aujourd'hui à un minimum de 10,615,000 fr., alors que l'honorable M. Rogier pensait qu'un chiffre de 10 millions serait un maximum.

Maintenant, messieurs, quelle est la position des concessionnaires ? Ils doivent exécuter tous les travaux quelconques à un prix déterminé et invariablement déterminé, quelle que puisse être l’augmentation des prix pendant l'exécution. Or, messieurs, des engagements pareils sont inséparables de chances de mécomptes, et pour le chemin de Tournay à Jurbise particulièrement. Nous avons à côté de ce chemin de fer, la ligne de la Dendre, le canal de Jemmapes à Alost, les chemins de fer de la Flandre occidentale, tout cela à peu près dans le même rayon ; eh bien, messieurs, a-t-on apprécié quelle influence le concours de différents travaux si considérables dans les mêmes localités, peut exercer sur le prix des travaux ? M. l'ingénieur Desart m'a déclaré lui-même qu'il a vu sur les lignes de Tournay à Courtray et de Courtray à la frontière la journée de travail monter subitement de 1 fr. 50 à 2 fr. 50, à cause des travaux du canal de l'Espierre et du chemin de fer du Nord.

Pour des concessionnaires qui prenaient l'engagement irrévocable de faire une somme de travaux déterminés dans un temps donné, quelles que pussent être les circonstances, pour des concessionnaires placés dans cette position, il fallait évidemment une certaine marge, non seulement pour arriver à un certain bénéfice, mais même pour échapper aux chances plus ou moins menaçantes de perte.

Eh bien, messieurs, à ce point de vue, savez-vous de quelle façon M. l'ingénieur en chef Desart majorait le chiffre de 10,615,000 fr.

Voici ses autres chiffres :

Personnel sur la ligne de Hasselt, fr. 70,000

Terrain pour la ligne de Jurbise augmentation de 20 p. c., fr. 707,000

Terrassement pour la ligne de Jurbise augmentation de 25 p. c., fr. 159,528

Ouvrages d'art, augmentation de 25 p. c. , fr. 137,165

Dépendances de la route, augmentation de 25 p. c. , fr. 39,411

Bâtiments, augmentation de 25 p. c. , fr. 71,775

Total, fr. 11,709,879 ou fr. 11,800,000.

Ces différentes augmentations portent donc le chiffre primitif à un total de 11,799,870 francs (somme ronde : 11,800,000 fr.).

Depuis 11 millions 800,000 fr. jusqu'à 12 millions et demi, nous avons une marge de 700,000 francs qui représentent environ 6 p. c. de l'estimation.

Maintenant ce bénéfice est-il illicite, monstrueux ? Je ne le pense pas ; d'abord, on devait être bien convaincu d'une chose, c'est que lorsqu'on faisait un appel aux concessionnaires, on faisait un appel à des personnes qui avaient l’intention de réaliser un bénéfice ; c'était là une prétention assurément fort légitime. Si l'on ne veut plus qu'un bénéfice quelconque soit réalisé sur une entreprise de ce genre, je serai le premier à déclarer qu'il ne faut plus s'occuper d'aucune concession, et qu'il faut considérer les concessions qui ont été accordées en 1845 comme les dernières.

M. de Renesse. - L'honorable ministre des travaux publics, en répondant à l'interpellation que je lui ai faite, à l'égard de la concession du chemin de fer d'Ans, par Tongres, Hasselt, vers Turnhout et Breda, a dit, que pour le moment, il ne désirait pas se prononcer sur l'exécution de cette voie ferrée, parce qu'elle se lie à la concession du railway de la Campine d'Anvers à Düsseldorf : cette réponse de M. le ministre très laconique ne peut réellement me satisfaire ; il me paraît qu'il n'y a pas grande connexité entre ces deux chemins de fer : l'un peut être concède sans nuire à l'exécution de l'autre, au contraire ; le railway d'Ans à Breda serait un affluent très productif pour le chemin de fer de la Campine ; je crois devoir en conséquence insister pour que l'enquête promise par l'honorable prédécesseur de M. le ministre ait lieu le plus tôt possible. Je crois savoir que c'est l'opposition d'un seul ingénieur en chef, contrairement à l'avis favorable du conseil des ponts et chaussées, qui est peut-être la cause qu'au département des travaux publics l'on ne donne aucune suite à la demande en concession de MM. de Tiège et Blyckaerts, et pour prouver à ce égard à la chambre que ce que j'avance est présumable, j'entrerai dans quelques explications sur l'opposition que (erratum inséré à la page 1262 :) l’on voudrait former contre la concession de la voie ferrée d'Ans vers Breda.

La loi qui a accordé à la société Mackensie la concession du chemin de fer de Saint-Trond à Hasselt, a formellement stipulé que cette compagnie ne pourrait former aucune opposition à la construction de tout autre chemin de fer à décréter dans la province de Limbourg.

Le gouvernement, lors de la discussion du projet de loi autorisant la concession de la société Mackensie, s'est rallié à l'amendement qui a été introduit par la section centrale, et qui tendait à faire admettre cette réserve en faveur d'autres voies ferrées à concéder ou à exécuter dans cette province ; c'est principalement pour que l'on ne puisse, plus tard, s'opposer à l'exécution du railway demandé par MM. de Tiège et Blyckaerts, que l'amendement de la section centrale a été admis, sans objection aucune, par le gouvernement et par les chambres : l'on ne peut donc, avec quelque fondement, prétendre qu'il ne faut pas accorder la concession d'un chemin de fer d'Ans par Tongres vers Hasselt et la Campine, parce qu'il porterait préjudice à la concession accordée à la société Mackensie ; cette société connaissait la demande en concession de MM. de Tiége et Blyckaerts, en acceptant la modification apportée au projet primitif de concession, elle a renoncé à former opposition à la construction du railway d'Ans vers Hasselt.

L'amendement introduit par la section centrale et appuyé par le gouvernement, est ainsi conçu :

« Ils ne pourront, (c'est-à-dire les concessionnaires], en aucun temps, mettre empêchement à la concession ou à la construction d'un chemin de fer parallèle ou autre, et ce, sans qu'il puisse y avoir ouverture de ce chef à une demande d'indemnité de leur part. »

Il me semble que cette réserve esl bien formelle, et que l'on ne peut maintenant détruire ou repousser avec quelque fondement une disposition expresse d'une loi ; il faut que le gouvernement, ainsi que la société Mackensie s'y soumettent, et s'il se présente une société, fournissant le cautionnement stipulé pour les demandes en concession, elle a droit d'obtenir la concession comme toute autre compagnie réelle, dont les demandes ont été accueillies jusqu'ici par le gouvernement.

Il serait déloyal de vouloir former une opposition tardive, lorsque le gouvernement a pris l’engagement de faire instruire la demande en concession de MM. de Tiège et Blyckaerts, et que l'honorable M. Dechamps, ministre des travaux publics, lors de la discussion du projet de loi autorisant la concession Mackensie, a déclaré formellement à la chambre qu'il n'avait pu donner suite à la demande de concession du chemin de fer d'Ans à Hasselt par Tongres, parce que les plans, les devis de cette voie ferrée n'avaient pas été remis au département des travaux publics en même temps que la demande en concession, qu'il ne repoussait pas ce chemin de fer mais qu'il fallait, pour pouvoir soumettre cette demande à la chambre, que l'instruction de cette affaire fût plus complète, que ce n'était qu'une question de temps.

Lorsque, maintenant, MM. de Tiège et Blyckaerts ont rempli les formalités voulues, qu'ils veulent fournir le cautionnement pour obtenir la concession, qu'ils demandent que l'enquête ait lieu, il paraît que l'on voudrait repousser ou ajourner l'exécution de ce chemin de fer, parce que, d'après l'avis d'un seul ingénieur en chef, il porterait préjudice à la concession de la société Mackenzie.

D'après l'assurance, que l'honorable M. d Hoffschmidt a bien voulu me donner, lorsqu'il était encore ministre des travaux publics, le rapport du conseil des ponts et chaussées est très favorable à la concession à accorder à MM. de Tiège et Blyckaerts ; je dois donc m'étonner que M. le ministre actuel de ce département, et l'un des ingénieurs en chef, croient devoir ajourner la construction de ce railway ; il me paraît que, avant de repousser ou d'ajourner une demande en concession, il faudrait avoir égard aux intérêts des localités qui, jusqu'ici, ont été privées des avantages des voies ferrées ; il faut être juste et équitable envers les besoins de toutes les parties du pays qui réclament l'exécution de chemins de fer, il ne faut pas que les intérêts d'une société viennent primer ceux de plusieurs provinces qui appuient vivement l'exécution de la voie ferrée d'Ans par Tongres vers Hasselt, la Campine et Bréda.

Lorsqu'au mois de janvier de cette année, j'appris que M. l'ingénieur en chef Groetaers avait été chargé de faire le rapport sur la demande en concession du chemin de fer d'Ans vers Hasselt et Breda, je me suis rendu auprès de ce haut fonctionnaire, avec l'un de nos honorables collègues, actuellement membre du ministère, pour engager M. l'ingénieur en chef à faire un prompt rapport ; M. Groetaers nous objecta de suite que l'exécution de cette voie ferrée porterait un préjudice à la concession de la société Mackenzie, que sous ce rapport, il ne pourrait être favorable à la concession demandée par MM. de Tiège et Blyckaerts ; je lui répondis que la société Mackenzie ne pouvait s'opposer à l'exécution d'un chemin de fer d'Ans à Hasselt, parce que la loi de concession avait formellement stipulé que les concessionnaires du railway de Saint-Trond à Hasselt ne pouvaient former aucune demande d'indemnité ni s'opposer à l'exécution de tout autre chemin de fer à décréter dans le Limbourg ; qu'il serait injuste et peu équitable de vouloir former une opposition à la concession demandée par MM. de Tiège et Blyckaerts, lorsque les chambres et le gouvernement avaient admis cette réserve, dans l'intérêt même de cette demande en concession ; que si l'on formait opposition à ce chemin de fer, je m'adresserais à la chambre et lui demanderais son intervention pour faire cesser cette injuste partialité.

M. l'ingénieur en chef Groetaers n'ayant pas une sérieuse objection à faire à ma réponse, m'engagea à demander à MM.de Tiège et Blyckaerls de vouloir, pour l'exécution de cette voie ferrée, s'associer à la société Mackensie, que, probablement alors, l'on ne s'opposerait plus à cette demande en concession.

C'est donc l'intérêt de la société Mackensie que M. l'ingénieur en chef Groetaers croyait devoir défendre avant tout ; les intérêts de la généralité du pays, de plusieurs provinces qui appuient la concession de MM. de Tiège et Blyckaerts ne lui paraissaient être que de minime importance, ils n'ont pu influer sut l'avis qu'il était chargé de donner relativement à l'exécution du railway d'Ans vers Hasselt et la Campine.

Je laisse à juger à la chambre si cette manière d'agir de M. l'ingénieur en chef Groetaers, ne doit pas être taxée de partialité, contre laquelle je crois devoir m'élever de toutes mes forces, car je ne puis admettre que l'on (page 1229) ait deux poids et deux mesures ; il me semble, lorsqu'un fonctionnaire public est consulté sur l'exécution d'un projet de concession, il doit mettre en première ligne les intérêts de la généralité du pays ; ils doivent toujours prévaloir sur les intérêts particuliers, et certes, il est incontestable que contre l'utilité d'un chemin de fer directe de Liège vers Tongres, Hasselt, Beeringen, Baden, Moll, Desscher, Rhety, Arendonck, Turnhout et Bréda, aucune objection sérieuse ne peut être faite ; c'est un véritable chemin de fer ; aussi les intérêts commerciaux de plusieurs provinces appuient vivement une pareille voie ferrée ; j'espère que la chambre saura les apprécier, et lorsque la demande en concession lui sera soumise, j'ai tout lieu de croire qu'elle l'accueillera avec faveur.

En me résumant, je crois devoir insister auprès de M. le ministre des travaux publics, pour qu'il examine sérieusement, et le plutôt possible, la demande en concession de MM. Detiège et Blyckaerts, de vouloir bien en ordonner l'enquête, pour qu'elle puisse ensuite être transmise à la chambre, si les demandeurs en concession déposent le cautionnement ; ce qu'ils sont prêts à faire, d'après l'assurance qu'ils m'ont donnés, ainsi qu'à plusieurs de nos honorables collègues.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je commencerai par dire que dans cette affaire du chemin de fer d'Ans à Breda par Tongres, Hasselt et Turnhout, il n'est question ni de l'intérêt de la société Mackenzie, ni de l'opposition d'un membre du corps des ponts et chaussées. La société Makenzie n'a aucun droit à s'opposer à l'exécution d'un chemin de fer dans cette direction ; le texte du contrat est clair ; la chose a été expliquée en ce sens dans cette enceinte, et là n'est pas, du reste, la question.

Je ne pensais pas non plus que la difficulté dût tenir à l'opposition d'un membre du corps des ponts et chaussées ; ce que l'honorable M. de Renesse viert de vous faire connaître, m'était complétement inconnu. Ce que je dirai, c'est que la difficulté tient plutôt à un scrupule qui m'est personnel.

Cette question, messieurs, me paraît moins simple qu'à l'honorable préopinant ; elle me semble réclamer un examen approfondi, et je tiens très fort à ne me prononcer sur cette affaire qu'après avoir pu me livrer à cet examen avec tout le soin que l'objet exige.

Qu'avons-nous entendu dans cette enceinte depuis quelques jours ? Les reproches les plus graves, et les plus affligeants, pourrais-je dire, ont été adressés à l'un de mes prédécesseurs pour tout ce qui s'était fait en matière de concessions ; on lui a reproché de la légèreté, pour ne pas dire davantage. Eh bien, s'il y a chez moi une pensée arrêt »e, c'est qu'on ne puisse, en aucun cas, me faire un pareil reproche ; j'entends voir les choses de près, et ne me prononcer qu'après m'être formé une conviction parfaite.

Si les honorables membres jugeaient convenable de faire une proposition à la chambre, en ce qui concerne le chemin de fer qu'ils ont pris sous leur patronage, et qui, je le conçois, intéresse beaucoup les localités qu'ils représentent dans cette enceinte ; si une pareille proposition était faite, la chambre apprécierait les choses, et je saurais moi-même quelles observations j'aurais à présenter. Mais, je le répète, cette question est grave, et grave surtout au point de vue de l'intérêt du chemin de fer de l'Etat. Je prie la chambre de croire que ce n'est pas à la légère que je fais ici une objection ; cette affaire, je compte l'examiner avec tout le soin qu'elle demande, sans aucune espèce de prévention ; je tiens à le promettre, mais je tiens aussi à ne prendre position dans une pareille question, qu'après m'être formé une conviction pleine et entière.

Une voix. - Et le chemin de fer de Düsseldorf ?

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Pour ce chemin de fer, la position n'est pas la même. Si cette affaire n'est pas encore présentée à la chambre, c'est parce que les demandeurs en concession ne sont pas encore dans les conditions prévues par le contrat, pour que l'affaire soit portée à la tribune. J'ai dit tout à l'heure que j'étais disposé à rester strictement dans les limites de la régularité et de la légalité ; partout où il y aura un contrat, je compte m'y tenir sans la moindre déviation.

M. de Mérode. - On vient solliciter des dépenses nouvelles et promptes pour l'achèvement complet de certains chemins de fer, particulièrement celui du Midi ; et cela sans s'embarrasser de l'état de nos finances, sans s'embarrasser de l'énorme accroissement du prix des billes.

Messieurs, il y a peu d'années nous n'avions que des routes pavées, on allait à Paris en diligence sur ces routes, et je me rappelle qu'elles étaient, comme beaucoup d'autres, si peu larges, que l'hiver les voitures versaient souvent. Eh bien, on subissait cet inconvénient et on n'élargissait pas la route par économie.

Mais à présent, dès qu'il s'agit de chemins de fer, l'économie n'est plus considérée comme rien, on tranche en plein drap financier, sans prudence, sans ménagement.

Comparez les allures précédentes avec la marche actuelle, ne trouverez-vous pas même avec une seule voie ferrée une immense amélioration dans le transport des personnes et des choses ! Que l'on sache donc prendre quelque patience.

Considérez cependant l'état de la viabilité vicinale, vous vous convaincrez qu'une foule de communes rurales sout encore inabordables pendant la plus grande partie de l’année.

Ainsi, maintenant l'on ne peut aller à Lennick, chef-lieu de canton près de Bruxelles, tant les passages sont mauvais.

On a eu mille peines à transporter les pommes de terre acquises à l'étranger dans les villages du canton de D’huy et voisins dans la province de Namur tant les chemins de terre y sont impraticables.

Et néanmoins, messieurs, on ne vient pas vous demander d'accumuler emprunts sur emprunts pour remédier à ce grand préjudice que supportent tant d'habitants du pays.

Quant aux chemins de fer, je suis toujours persuadé qu'il faut modérément augmenter les prix pour les services qu'ils rendent et qui ne sont pas vraiment rétribués selon leur valeur réelle, ce qui tend à accroître outre mesure l'inégalité qui existe entre les localités si bien desservies et celles qui sont perdues dans les boues.

Quant à la multiplication trop rapide, trop prompte des voies ferrées, bien loin de pousser le ministre, il faut lui savoir gré de sa prudence.

En Angleterre, on sent aujourd'hui l'inconvénient d'une surexcitation créatrice en ce genre, et l'on est obligé de revenir sur des concessions accordées outre mesure.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer les observations qui ont été présentées par MM. de Garcia et Osy, relativement à la nécessité du doublement de la voie sur toute la ligne du chemin de fer entre Bruxelles et la frontière de France. Les crédits qui ont été votés dans le courant de la session dernière, sont insuffisants, comme l'a déclaré M. le ministre des travaux publics. D'ailleurs, ces crédits ne pouvaient amener que l'exécution de la partie de la ligne comprise entre Bruxelles et Tubise, Tubise et Jurbise, Mons et Jemmapes. Ainsi, sur la ligne qui s'étend de Bruxelles à la frontière de France, il restait toujours sans double voie une lacune très considérable, la partie entre Jurbise et Mons, et la partie entre Jemmapes et la frontière de France.

Eh bien, je dis que, lorsque la grande ligne du Nord qui va être bientôt terminée, sera mise en exploitation, il est extrêmement important que nous ayons une double voie sur toute la ligne entre Bruxelles et la frontière de France. Il est évident qu'aussitôt que le chemin de fer du Nord sera exploité il y aura sur cette partie de notre chemin de fer une circulation des plus actives, surtout en voyageurs. Il y aura plusieurs convois de voyageurs qui devront marcher à grande vitesse ; et si vous n'avez pas une double voie sur toute la partie entre Bruxelles et Quiévrain, il en résultera une exploitation défectueuse ; il y aura des retards dans la marche des convois. L'exploitation belge sera dans une position désavantageuse, comparativement à l'exploitation française. On en tirera des arguments, pour combattre le système de l'exploitation par l'Etat, et pour prôner celui de l'exploitation par les compagnies.

Y aura-t-il économie à différer longtemps la présentation du projet de loi, destiné à combler cette lacune de notre chemin de fer ? Non ; l'exploitation, réduite aux ressources d'une simple voie, donnera des recettes moins considérables ; au lieu donc de réaliser une économie, par la présentation tardive du projet de loi destiné à l'exécution de la double voie, je dis que vous occasionnerez plutôt un déficit pour le trésor.

Il est indispensable que la ligne entre Bruxelles et la France soit à double voie ; c'est ce que personne ne contestera, car cette ligne est la plus importante du chemin de fer belge. Nous avons une double voie entre Anvers et la frontière prussienne ; or, elle est bien plus nécessaire entre Bruxelles et la frontière de France. Notre chemin de fer présente toutes les facilités désirables à une bonne exploitation. Vous avez encore cet argument qu'on a fait valoir, que pour une circulation aussi active, il pourra résulter des accidents de l'absence d'une seconde voie. Il y aura des voyages de nuit entre Bruxelles et Paris ; jusqu'à présent nous n'avons pas eu sur le chemin de fer de convois voyageant la nuit. D'après une convention qui a été conclue entre l'administration française et l'administration belge, il y aura des convois de nuit pour le transport des voyageurs entre Bruxelles et Paris. C'est un motif de plus pour avoir la double voie.

J'appuie aussi sur cette condition importante : il ne faut pas que l'exploitation belge soit dans une infériorité relative vis-à-vis de l'exploitation du chemin de fer du Nord, faire par une compagnie. Il se ferait à chaque instant une comparaison entre l'exploitation française et l'exploitation beige, comparaison dont la presse française s'emparerait et dont elle s'est déjà même emparée. Il ne faut pas que notre exploitation soit placée dans un rang tout à fait inférieur. Il est extrêmement important qu'elle se maintienne tout au moins à la hauteur de celle qui sera établie sur la ligne française et qui, n'en doutez pas, laissera peu de chose à désirer.

J'insiste donc auprès du gouvernement pour qu'il ne retarde pas la présentation du projet de loi tendant à assurer l'exécution de la seconde voie sur la ligne du Midi ; on ne gagnera rien à différer cette présentation ; il faudra toujours qu'elle ait lieu dans le cours de la session prochaine ; d'un autre côté, pendant l'intervalle qui existera entre les deux sessions, nous n'aurons pas la double voie, et l'exploitation en souffrira nécessairement.

Cet objet, par sa haute importance, me paraît mériter toute l'attention du gouvernement.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) (pour une motion d’ordre). - J'ai l'honneur de proposer à la chambre de mettre à l'ordre du jour le budget de l'intérieur, après la loi relative aux fromages du Limbourg. La discussion de cette loi ayant déjà été entamée, je ne demande pas qu'on l'interrompe plus longtemps ; mais je désire que le budget de l'intérieur vienne à l'ordre du jour immédiatement après.

M. le président. - La chambre avait décidé que la discussion du budget de l'intérieur serait précédée immédiatement de celle de la loi relative à la comptabilité des commissions médicales provinciales.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je m'en tiens à cette décision. Ainsi, après le budget des travaux publics, viendront successivement la loi relative aux fromages, la loi concernant les commissions médicales et le budget de l'intérieur.

(page 1230) M. de Garcia. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre un rapport sur une loi, composée d'un seul article, etqui concerne l'avancement des lieutenants au grade de capitaine dans les armes du génie et de l'artillerie. M. le ministre de la guerre a fait observer que le service de l'armée était en souffrance, parce qu'en l'absence de la mesure proposée, il n'était pas pourvu à quelques-uns de ces emplois. Au début de la séance, M. le ministre de la guerre m'a demandé de provoquer cette mise à l'ordre du jour.

Au surplus, je ne crois pas que ce projet de loi puisse tenir longtemps, son utilité ayant été reconnue à l'unanimité par la section centrale.

Je propose de le mettre à l'ordre du jour entre les deux votes du budget des travaux publics. (Oui ! oui !)

M. Rodenbach. - Il y a déjà eu discussion sur le projet de loi relatif aux fromages de Hervé dits de Limbourg, Ce projet n'est que de très peu d'articles, il ne nous occupera guère qu'un quart d'heure ; il me semble qu'avant de discuter le budget de l'intérieur, on pourrait s'en occuper. Si on remettait cet objet à une époque plus éloignée, on aurait perdu de vue la discussion qui a déjà eu lieu, il faudrait la recommencer et on perdrait du temps.

M. Lys. - Je viens appuyer la proposition de M. Rodenbach. Comme il vous l'a dit, la discussion sur le projet relatif aux fromages du Limbourg a été commencée, elle a été suspendue pour s'occuper d'un autre objet, je demande qu'on lui maintienne son rang à l'ordre du jour.

M. le président. - Cet objet viendra immédiatement après le budget des travaux publics.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1846

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer, postes

Section I. Chemin de fer
Discussion générale

M. David. - J'ai demandé la parole pour faire observer que sur une question fort importante que je lui avais adressée, M. le ministre des travaux publics ne m'a pas fait la moindre réponse. Je lui avais demandé si le chemin de fer de Liège à Namur passerait sur la rive droite ou la rive gauche de la Meuse ; je ne sais si cela a échappé à son attention, mais je désirerais qu'il me répondît.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J'attends, sur cette question fort importante de savoir si le tracé prendra la rive droite ou la rive gauche de la Meuse, le rapport du conseil des ponts et chaussées qui ne m'est pas parvenu. Je désire connaître ce rapport et même faire une inspection locale avant de me prononcer. Car ce n'est qu'alors que je pourrai le faire en connaissance de cause.

Projet de loi prorogeant l'article premier de la loi du 12 avril 1835 concernant les péages du chemin de fer

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je demanderai à faire une communication du gouvernement.

J'ai l'honneur de déposer un projet de loi destiné à proroger d'une année la loi relative aux péages du chemin de fer.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient d'indiquer.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1846

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer, postes

Section I. Chemin de fer
Discussion générale

M. Rodenbach. - Je demande qu'on prononce la clôture de la discussion générale sur le chapitre relatif au chemin de fer. Voilà déjà plusieurs jours que nous nous en occupons, on pourrait la fermer, les observations qu'on peut encore avoir à faire trouveraient leur place aux articles.

M. Lys. - J'ai demandé la parole pour répondre au ministre.

Plusieurs membres. - Il n'y aurait pas de temps gagné.

M. Brabant. - M. le président vient de proposer le renvoi aux sections du projet que M. le ministre des travaux publies a présenté. C'est un mode d'examen trop long pour les circonstances actuelles. Ce projet peut être le dixième renouvellement de la même disposition ; en deuxième lieu il y a urgence ; depuis cinq jours le gouvernement est sans pouvoir pour exploiter le chemin de fer. Nous nous trouvons en 1846 dans les mêmes circonstances qu'en 1845. L'année dernière, le ministre des travaux publics est venu nous présenter un projet de loi qui aurait dû être mis à exécution le 1er mars. Cette année, M. le ministre nous présente, le 6 mai, un projet de loi qui aurait dû être mis à exécution le 1er mai.

Je proposerai le renvoi à une commission.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - L'observation de l'honorable préopinant est fondée. Je crois qu'il y a un motif d'urgence pour la renvoyer à une commission plutôt qu'aux sections. Ce projet de loi n'est d'ailleurs qu'une affaire de forme pour la chambre, car la chambre n'est pas en position de discuter d'une manière définitive la question des péages du chemin de fer qui se présentera d'ici à la session prochaine. La question qui lui est soumise en ce moment est fort simple, elle pourrait être examinée par une commission.

Je reconnais qu'il y a quelque chose de fondé dans la critique que cet honorable membre a faite de la présentation tardive de ce projet. Je regrette cette circonstance, je regrette qu'on ne m'ait pas signalé que la loi était sur le point d'arriver à son terme et qu'on se trouve pour la perception des péages dans une certaine illégalité ; je ferai en sorte que cela ne se renouvelle plus.

Plusieurs membres. - Il faut renvoyer ce projet à la section centrale du budget des travaux publics. Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures 1/4.