(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Dumont.)
(page 1028) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il est procédé par la voie du sort à la composition des sections.
La séance est ouverte à 2 heures et demie.
M. Huveners donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces suivantes, adressées à la chambre.
« Le sieur Charles Heisterhagen, musicien-gagiste au 8ème régiment de ligne, né à Deckbergen (Lippe Schauwburg) demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Plusieurs propriétaires des omnibus et vigilantes, à Ostende, demandent que le gouvernement interdise aux porteurs de bagages attachés à la station du chemin de fer de transporter à domicile les effets des voyageurs. »
M. Donny. - Les pétitionnaires se plaignent de ce que les voyageurs sont rançonnés par des individus que l'administration du chemin de fer admet dans l'intérieur des stations. Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.
M. Rodenbach. - J'appuie la demande de l'honorable préopinant. Je demande en outre le dépôt de la pétition sur le bureau, pendant la discussion du budget du département des travaux publics.
- Cette double proposition est adoptée.
Par message en date du 19, le sénat informe la chambre qu'il a adopté : 1° le projet de loi tendanl à autoriser le gouvernement à modifier la concession du chemin de fer de Louvain à la Sambre ; 2° le projet de loi de crédit provisoire de 3 millions de fr., concernant le département de la guerre.
- Pris pour notification.
M. Rodenbach. - Je demanderai seulement si M. le ministre des finances se rallie à la proposition que fait la section centrale à l'article 2. Je désirerais connaître ses intentions au sujet de ce projet de loi dont je n'admets pas le principe, et que je me réserve de combattre ultérieurement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Comme il s'agit d'une mesure exceptionnelle et de faveur, et comme d'un autre côté, depuis la présentation du projet de loi, cette industrie, très intéressante sans doute, a trouvé une amélioration dans l'article 21 du traité conclu avec le Zollverein, je me rallie a la proposition de la section centrale tendant à réduire la quotité des droits restitués de 2 fr. 34 c. à 1 fr. 75.
M. Zoude, rapporteur. - Si vous accordez l'exemption de l'accise qui vous est demandée en faveur de l'industrie de la fabrication des fromages, vous devez l'accorder également aux autres industries qui font usage du sel, et l'accorder en proportion des produits qu'elles exportent. Ainsi pourquoi ne restituerait-on pas le droit d'accise perçu sur le sel employé à la salaison des viandes, des jambons par exemple, qui sont frappés de droits énormes en France et en Angleterre ?
Ensuite il faudrait savoir quelle quantité de sel entre dans la fabrication des fromages. La section centrale a demandé à M. le ministre comment il s'est assuré de la quantité de sel qui entre dans la fabrication de 100 kilogrammes de fromage.
M. le ministre a répondu que cela résulte des déclarations des fabricants, confirmées par les autorités communales de Battice, Thimister, Hervé et Charneux.
Mais ces affirmations n'ont pas plus de valeur que des légalisations de signatures. Il n'y avait qu'un moyen de constater les quantités de sel employés ; c'était l'analyse chimique. Ainsi vous auriez pu juger en connaissance de cause.
Cette question a été résolue chaque fois que vous avez discuté une loi relative à l'impôt sur le sel. Toujours on a demandé l'exemption pour l'industrie dont il s'agit aujourd'hui ; toujours la chambre l'a refusée.
Par le traité avec le Zollverein le droit sur les fromages a été réduit de 27 fr. 50 c. à 13 fr. 50 c. Supposons que l'accise représente un droit de 2 fr. 34, reste encore pour cette industrie un avantage de plus de 11 fr.
Or, le tiers des fromages du Limbourg exportés l'est dans le Zollverein. Donc l'avantage de cette diminution de droits couvre, et au-delà, le droit perçu sur la totalité des fromages exportés.
Si vous exemptez du droit la fabrication des fromages, vous devez en exempter également la fabrication du tabac, la blanchisserie, la papeterie, les engrais de terre, la tannerie, la savonnerie, la faïencerie, la verrerie, la corroierie. Enfin vous ouvrez la porte à tous les abus extirpés par la dernière loi.
J'espère que la chambre refusera toute restitution des droits, quelle qu'elle soit.
M. Rodenbach. renonce pour le moment à la parole, se réservant de parler après M. Lys, inscrit pour le projet.
M. Lys. - L'autorisation en exemption de droit d'accise sur le sel avait été dans le temps accordée pour l'agriculture. Mais vous savez tous qu'en 1843 cette autorisation a été retirée par la loi qui a été faite alors. Aujourd'hui l'agriculture n'est plus protégée. Cependant le gouvernement a fait la déclaration que si l'on trouvait le moyen de rendre le sel impropre à la consommation, ou si les frais d'extraction n'étaient pas aussi élevés que le droit qui était payé, alors le gouvernement s'empresserait de venir au secours de l'agriculture, de la protéger comme il désirerait le faire.
Le gouvernement l'a déclaré plusieurs fois. Il n'a rien plus à cœur que l'intérêt de l'agriculture.
En 1843, devant cette chambre, j'ai déjà réclamé cette faveur pour l'agriculture au profit de quelques communes de l'ancien duché de Limbourg. Cette faveur avait rapport aux fromages. Je ne sollicitais pas une exemption complète de l'accise sur le sel ; car j'exceptais positivement de l'exemption les fromages consommés dans le pays. Je savais que la chambre ne pouvait pas accorder une exemption absolue, à cause de la fraude qui en serait la suite. Mais je demandais un drawback pour les fromages exportés à l'étranger.
Au sénat la même demande fut faite par plusieurs cultivateurs de ces communes ; elle fut appuyée par plusieurs honorables sénateurs, M. Biolley et quelques autres.
Là, M. le ministre des finances ne fit pas la moindre difficulté de reconnaître qu'il y avait lieu d'examiner la question, et qu'en ce moment, il croyait qu'il y avait lieu d'accorder le drawback demandé. En effet, cette exception ne pouvait donner lieu à une fraude quelconque.
Pourquoi a-t-on refusé l'exemption de droit d'accise à l'agriculture ? C'est parce que, jusqu'à présent, on n'a pas trouvé le moyen de rendre le sel impropre à d'autres usages.
En nous bornant à demander un simple drawback nous sollicitons une faveur bien minime pour cette industrie agricole.
Aussi, M. le ministre des finances s'exprimait-il en ces termes au sénat :
« Jusqu'ici la question de l'exemption du droit sur le sel servant à la fabrication du fromage n'avait point été présentée sous le seul point de vue indiqué par M. le vicomte Biolley ; je pense qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à établir une espèce de drawback pour le sel que renferme le fromage livré à l'étranger ; le gouvernement examinera cette question ; dès à présent je crois pouvoir promettre qu un projet de loi sera présenté aux chambres pour accorder cette restitution des droits à l'exportation des fromages. »
C'est à la suite de cet engagement que M. le ministre des finances a présenté le projet que nous discutons en ce moment.
Un grand nombre de communes de l'ancien duché de Limbourg, dont le sol ne se compose que de pâturages, se livrent exclusivement à la fabrication des fromages du Limbourg ; mais elles se plaignent avec raison de ce que l'accise sur le sel aggrave la contribution foncière à laquelle elles sont assujetties. Ainsi ces communes disaient :
« Le sel est un élément nécessaire, indispensable à la fabrication du fromage. Sans le sel, pas de produit possible, et, par suite, pas de base à la contribution foncière. Si l'on assujettit le sel, qui sert à la salaison du fromage, à l'impôt dont on frappe cette accise, c'est le sol que l'on frappe, et ce nouvel impôt vient se confondre avec la contribution foncière. Dès ce moment disparaît l'égalité proportionnelle qui doit exister entre les diverses espèces de culture. Le propriétaire de terres arables, après avoir payé son tribut à l'Etat, par la contribution foncière, peut librement tirer parti de ses produits, tandis que pour le propriétaire de pâturages, il n'est pas de produits possibles, s'il ne consent à voir augmenter cette contribution de plus d'un tiers.
« Pour vous permettre d'apprécier avec exactitude l'étendue de la charge qui pèse sur nos pâturages, nous vous ferons remarquer qu'une exploitation de dix bonniers peut produire 3,500 fromages du poids de 2,500 kil. et que, pour la salaison de 100 kil.de fromages, 13 kilogrammes de sel sont nécessaires, qui, d'après le projet qui vous est soumis, payeraient deux francs trente-quatre centimes, soit, pour l'exploitation, 58 francs 78 centimes. Il se ferait par là que le bonnier de nos prairies, qui, en apparence, ne serait imposé qu'à quinze francs, en supporterait, en réalité, plus de vingt. Cette charge accablante, nous l'avons supportée jusqu’à ce jour, dans l'espoir d'un meilleur avenir : mais faut-il, après cela, s'étonner si notre agriculture ne peut sortir de son état de gêne, et développer les germes de prospérité que notre sol renferme ? »
Votre section centrale n'évalue pas le drawback à 2 fr. 34 c ; elle le réduit à 1 fr. 75 c. et M. le ministre des finances se rallie à cette proposition.
Quoique je trouve qu'il y a là réellement de la parcimonie, quoique je trouve étrange que l'on diminue le drawback, après avoir reconnu qu'il est juste de l'accorder, cependant je ne veux pas contester et contre la section (page 1020) centrale et contre le ministère des finances réunis, M. le ministre s'étant rallié à l'amendement de la section centrale, et je ne prétends pas soutenir la réduction de 2 fr. 34. Je me bornerai à appuyer celle de 1 fr. 75 que propose la section centrale.
Cependant, messieurs, je dois dire que la section centrale n'a développé aucun motif solide à l'appui de la réduction qu'elle propose et je me charge de vous le démontrer.
Serait-ce d'abord parce que la restitution demandée pourrait donner lieu à la fraude ? Cela a été dit dans une section. Le contraire, messieurs, est démontré de la manière la plus claire. On confond ici l'exemption du droit d'accise sur tout le fromage qui se fabrique, avec le simple drawback sur le fromage qui part pour l'extérieur.
Pourquoi, messieurs, ne voudriez-vous pas accorder cette restitution aux cultivateurs ? Ne sont-ils pas dans un cas identique à celui où se trouvent les débitants de poisson ? Le gouvernement, d'après la loi de 1843, autorise la restitution du droit d'accise sur le sel, non seulement pour le poisson qui part pour l'extérieur, mais aussi pour tout le poisson qui se consomme à l'intérieur. Ainsi, vous le voyez, c'est un principe que la loi établit, principe de justice auquel tout le monde doit participer.
Nous aurions donc le droit de demander que l'agriculture fût complétement satisfaite sur ce point et qu'on lui accordât non seulement un drawback sur le fromage destiné à l'extérieur, mais la restitution du droit d'accise sur le sel qui est employé à la fabrication entière du fromage. Cependant nous ne demandons pas cette restitution, parce qu'alors il serait vrai de dire qu'il peut en résulter de la fraude. Si vous donniez aux cultivateurs une certaine quantité de sel, ils pourraient l'employer à tout autre usage qu'à la salaison du fromage ; mais si vous accordez un simple drawback sur le fromage expédié au dehors, vous ne pouvez plus craindre la fraude.
Soutiendra-t-on que lorsque le fromage sera sorti du pays, on pourra l'y faire rentrer ? Mais il me suffira de répondre que les frais de transport sont beaucoup plus considérables que la valeur du drawback qui est réclamée. J'ajouterai que ce fromage porte avec lui certain parfum que les douaniers pourraient reconnaître facilement.
On a tout à l'heure voulu élever un doute sur le point de savoir si c'était bien une quantité de 13 kilog. de sel qui était nécessaire pour la salaison de 100 kilog. de fromage. Messieurs, il ne peut plus y avoir de doute sur ce point Non seulement on a consulté à cet égard les autorités locales, mais on a consulté les agents des finances ; tous les receveurs, les contrôleurs, les inspecteurs ont été interrogés dans cette circonstance, et on s'est persuadé que 15 kilog. de sel suffisent à peine pour la salaison de 100 kilog. de fromage.
Mais, nous dit-on, les autres industries qui emploient le sel, demanderont la même restitution, et c'est le tabac qu'on vient citer en première ligne, en comparaison d'un produit tout à fait agricole, d'un produit qu'on pourrait dire grevé de la contribution foncière.
Remarquez-le, messieurs, il n'entre dans la fabrication du fromage rien d'étranger ; il ne souffre aucun mélange autre que le sel. Vous citez le tabac ; mais vous recevez annuellement pour 15,000,000 de tabac de l'étranger. Ce serait donc un produit étranger que vous favoriseriez ; et comme vous l'a très bien dit l'honorable M. Zoude, lorsqu'il s'est agi de l'impôt sur le sel, on n'emploie pas le sel pour le tabac commun, mais on l'emploie pour le tabac fin, pour le tabac carotté.
Messieurs, je vous disais que le fromage est un produit quasi direct du sol ; l'accise sur le sel qu'on emploie à sa fabrication est donc un véritable impôt foncier. Nos prairies n'ont d'autre produit que l'herbe qui nourrit les bestiaux, et ceux-ci ne donnent autre chose que le lait avec lequel le fromage est fabriqué.
Une section dit encore que la restitution du droit n'est pas d'une telle importance qu'elle puisse activer l'exportation. Je répondrai, messieurs, que cette exportation de fromages dits du Limbourg, ainsi que vous pourrez le voir dans le tableau annuel du commerce de la Belgique, est plus considérable qu'on ne se l'imagine et entre pour quelque chose dans la balance commerciale. Elle s'élève, année commune, à 600,000 kil., valeur de 350 à 400,000 Ir.
A bon droit donc, le titre d'industriels exportateurs doit-il être accordé à nos cultivateurs. Leurs prétentions, messieurs, se réduisent à bien peu de chose. Ce n'est pas, comme je vous l'ai dit, tout à l'heure, une exemption totale sur tout le fromage fabrique qu'ils réclament, c'est une simple restitution, un drawback sur le fromage exporté.
Remarquez-le, messieurs, cette faveur qu'on vient nous contester, réduira de bien peu les produits du trésor, puisque cette réduction ne sera que de 12 à 13,000 fr., et je le déclare, elle sera considérée, par nos cultivateurs, comme un véritable bienfait.
Mais, nous dit encore la section centrale, le sel sert à augmenter le poids du fromage. Messieurs, une pareille allégation ne peut être faite que par des personnes qui ne connaissent nullement la manière de le fabriquer. Il suffira de répondre que le poids n'en peut être augmente que bien légèrement par la salaison. En effet, le sel se réduit en une puante saumure qui en découle et qui ne peut servir à rien ; et le fromage ne peut être transporté que lorsque cette saumure en est sortie, que lorsqu'il est ce qu'on appelle entièrement fait, ce qui n'a lieu que plusieurs mois après sa fabrication.
Mais, nous dit-on encore (c'est une section qui avance ce fait), le fromage est une spécialité qui n'a pas de concurrence à craindre sur le marché étranger. Mais je demanderai à mon tour quel est le commerce qui n'a pas aujourd'hui de concurrence à l'étranger ? Il y a plus ; c'est qu'on vient faire concurrence à nos fabricants dans le pays même. En Allemagne, messieurs, n'avons-nous pas pour concurrence le fromage de Hollande, le fromage de Suisse, le fromage même de l'Allemagne, car nos voisins d'entre Meuse et Rhin fabriquant aussi du fromage ? Si nos fromages dits du Limbourg conservent une supériorité quelconque, ne restent-ils pas encore grevés d'un droit d'entrée dans le Zollverein ? Et comptez-vous pour rien les frais de transport qui sont considérables ?
Messieurs, on est venu vous parler de viande salée. Eh bien, savez-vous combien il sort annuellement de viande salée du pays ? Il en sort 13,153 kil. Vous conviendrez qu'il ne vaut pas la peine de faire mention d'une pareille exportation.
Ce que nous vous demandons aujourd'hui, messieurs, la section centrale du congrès national en a proclamé la justice et l'a recommandé à la sollicitude de sa commission des pétitions.
Le principe dont nous réclamons l'application n'est pas nouveau. La loi qui nous régit laisse au gouvernement le pouvoir d'autoriser l'exemption du droit d'accise sur le sel servant à la salaison du poisson. C'est en effet ce que disent les pétitionnaires :
« Le principe, dont nous réclamons l'application, n'est pas nouveau. La loi qui nous régit consacre une exemption juste en faveur du sel servant à la salaison du poisson. Cette exemption est la conséquence du principe, qu'en imposant le sel, qui lui est nécessaire, on imposerait indirectement la pêche. Mais cette exemption devait entraîner la même faveur pour le sel servant à la salaison du fromage ; le principe est le même, la conséquence doit être commune ; car, comme le disait M. le ministre des finances, en 1836, a en adoptant un principe, il faut nécessairement adopter toutes les conséquences qu en résultent : agir d'une autre manière n'aboutirait qu'à établir un mode irrationnel et incohérent. » Voulût-on même enlever aux poissonniers cette exemption, le principe n'en resterait pas moins debout et l'injustice, pour être plus étendue, n'en conserverait pas moins son caractère primitif. »
Ainsi, messieurs, je ne puis trop le répéter, puisque ce principe est admis en faveur du poisson, vous ne pouvez refuser de l'admettre aussi en faveur de l'agriculture. Il n'en résultera pas de fraude ; j'ai démontré qu'elle ne pouvait avoir lieu, puisqu'il ne s'agit que d'un drawback.
C'est pour la première fois, messieurs, que vous avez l'occasion d'accorder un léger avantage à l'agriculture, et cependant il paraît que la proposition qui vous est faite doit rencontrer de l'opposition dans cette enceinte. Je ne sais si cette opposition est bien en harmonie avec les protestations que nous avons entendues se renouveler si souvent en faveur de l'agriculture.
Messieurs, je crois inutile d'en dire davantage sur une question qui présente si peu d'importance en ce qui concerne les intérêts financiers du pays. Car, comme je vous l'ai dit, il s'agit d'une réduction de recettes de 12 à 13.000 fr. Je crois que nos cultivateurs sont bien modestes en trouvant qu'ils recevraient par là un bienfait si considérable.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Par suite de la décision que la chambre a prise hier, j'ai l'honneur, messieurs, de vous présenter le projet de loi suivant :
« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur, pour l'exercice courant, un crédit de 300,000 francs, sous le titre : « encouragements divers pour la voirie vicinale. »
Si la chambre jugeait utile de se prononcer sur ce projet par voie d'urgence, le sénat, qui est actuellement assemblé, pourrait aussi en être saisi et le vote aurait lieu immédiatement. Si, au contraire, il y avait des retards, il se pourrait que le sénat s'ajournât sans avoir statué sur ce projet.
M. Orban. - Malgré tout l'intérêt qui s'attache au projet de loi que M. le ministre vient de présenter, je crois qu'il n'y a pas lieu de suivre la marche insolite proposée par lui. Il me semble qu'il faut tout au moins renvoyer le projet à la section centrale, en l'invitant, si on veut, à s'en occuper promptement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - C'est ce que je propose.
M. Orban. - Je ne pense pas, messieurs, que l'adoption même immédiate du projet puisse avoir aucun résultat. Vous avez accordé au département de l'intérieur un crédit provisoire de 1,500,000 fr. et ce crédit permettra à M. le ministre de faire tout ce qu'il pourrait faire au moyen des 300,000 fr. dont ii s'agit maintenant.
En effet, messieurs, ces l,500,000 fr. sont calculés d'après le chiffre total du budget pour suffire à tous les besoins pendant deux mois ; il pourra donc être satisfait à toutes les demandes de subsides pour les chemins vicinaux qu'il aura été possible d'instruire pendant ces deux mois.
Je crois donc, messieurs, que vous pouvez suivre la marche ordinaire, sauf à décréter l'urgence lorsque la section centrale vous aura présenté son rapport. J'insiste d'autant plus sur ce point que la section centrale aura à faire des observations ayant un certain caractère de gravité.
M. de Tornaco. - Je ferai remarquer à la chambre que l'honorable préopinant ne tient aucun compte de ce qui a été dit par M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur, sur l'interpellation qui lui avait été adressée par M. de Renesse, a déclaré positivement, qu'il ne pourrait pas, sur le crédit de 1,500,000 fr., faire emploi d'une somme quelque peu considérable pour les chemins vicinaux. C'est cette déclaration de M. le ministre qui m'avait porté à faire la motion que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre dans la séance d'hier.
Je n'engagerai pas la chambre à s'écarter de son règlement, et j'adopterai volontiers la proposition faite par l'honorable préopinant de renvoyer le projet à la section centrale ; mais je demanderai que la section centrale se réunisse immédiatement et je la prierai de la manière la plus instante de vouloir bien faire son rapport séance tenante. Tout à l'heure le sénat a (page 1030) envoyé un de ses membres vers l'assemblée pour demander ce qui se passait relativement à ces 300,000 fr. ; le sénat attend avec impatience le vote de ce crédit, qui est réclamé par les besoins les plus pressants des ouvriers des campagnes. On m'a dit d'un autre côté que le sénat doit s'ajourner demain. Il est donc indispensable que le projet soit voté aujourd'hui même.
M. Orban. - Lorsque je me suis récrié contre la marche insolite qu'on voulait suivre, j'avais en vue la marche qui consisterait en ce que la section centrale se réunît immédiatement, qu'elle fît son rapport séance tenante, que le projet fût voté aussitôt le rapport présenté, et qu'il fût ensuite renvoyé au sénat et adopté par lui également aujourd'hui.
Lorsque M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il ne pourrait, au moyen des 1,500,000 fr. qui lui ont été accordés, satisfaire à toutes les demandas de subsides pour les chemins vicinaux, il a entendu qu'il ne pourrait pas prélever les 300,000 fr. sur ce crédit ; je crois pouvoir dire qu'il lui sera possible de prendre sur ces 1,500,000 fr. les sommes nécessaires pour satisfaire à toutes les demandes faites. Je dirai même plus : les faits qui sont à ma connaissance me permettent d'assurer que d'ici à deux mois il ne pourra pas être statué sur des demandes de cette nature.
M. Veydt. - M. le ministre de l'intérieur ne pourra disposer que d'une somme de 25,000 fr., c'est-à-dire de 25,000 fr. pour chacun des deux mois pour lesquels le crédit de 300,000 fr. est accordé. Or, cette somme est évidemment insuffisante. Nous sommes à l'époque de l'année où il peut être fait le meilleur emploi du crédit pour les chemins vicinaux, et dès lors, je pense, messieurs, qu'il faut se hâter de voter ce crédit. A quoi bon renvoyer le projet à la section centrale ? Toutes les sections et la section centrale ont adopté à l’unanimité le crédit de 300,000 fr. pour les chemins vicinaux, et le projet qui nous est soumis est conçu littéralement dans les mêmes termes dans lesquels le crédit a été si favorablement et si unanimement accueilli.
C'est tout simplement un article du budget qu'on nous propose de voter séparément, et je crois que le budget renferme bien peu de crédits auxquels l'approbation de la chambre soit acquise avec tant de certitude.
Je demande donc que la chambre veuille bien, vu l'urgence, statuer séance tenante sur le projet de loi.
M. le président. - Si j'ai bien compris M. Veydt, sa proposition tend à faire considérer, en quelque sorte, comme rapport spécial la partie du rapport sur le budget de l'intérieur qui concerne le crédit dont il s'agit.
M. Veydt. - Oui, M. le président.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Lorsque j'ai déclaré à la chambre qu'il ne m'était pas possible de disposer d'une somme quelconque sur le crédit provisoire de 1,500,000 francs, je me basais sur un principe. Il est en effet impossible de disposer d'une partie de la somme destinée à la voirie vicinale, sans avoir la totalité à sa disposition, parce que sans cela il est impossible de procéder à la répartition. Voilà, messieurs, pourquoi je ne me crois pas autorisé à disposer en faveur des chemins vicinaux d'une partie quelconque du crédit de 1,500,000 francs.
M. de Muelenaere. - Il me paraît que l'on est assez d'accord pour procéder immédiatement au vote ; je n'ai donc pas à insister sur ce point. Je ferai seulement observer que le crédit de 1,500,000 fr. ne concerne que les dépenses qui se renouvellent mensuellement. Dès lors aucune partie de ce crédit ne me semble pouvoir être affectée régulièrement aux travaux de la voirie vicinale. La somme relative à ces travaux forme un article spécial du budget et la répartition de cette somme doit se faire d'une manière égale, non seulement entre les provinces, mais encore entre les communes. Or, il est évident que M. le ministre de l'intérieur ne peut pas procéder à cette répartition sans savoir quelle est la somme totale dont il peut disposer. Il est donc impossible qu'il accorde un subside quelconque avant que la somme intégrale n'ait été votée.
Je pense donc, messieurs, qu'il faut procéder le plus tôt possible à la discussion de ce projet. La chose est d'autant plus urgente que des travaux de cette nature ne peuvent se faire utilement qu'au commencement du printemps.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable M. de Muelenaere vient de faire à peu près toutes les observations que je voulais présenter. Je répondrai seulement un mot à l'honorable M. Orban qui a dit qu'alors même qu'on voterait le crédit aujourd'hui, il faudrait encore deux mois pour instruire les demandes. Que l'honorable M. Orban soit tranquille ; il y a assez longtemps que M. le ministre est saisi des demandes et il pourra faire la répartition aussitôt que le crédit aura été mis à sa disposition. Dans le courant de l'hiver un grand nombre de communes, comptant sur les subsides de l'Etat, ont fait des dépenses considérables pour la voirie vicinale. Je partage donc l'opinion de l'honorable M. de Muelenaere, qu'il y a réellement urgence.
Quant aux formes à suivre, je ne m'oppose pas à ce que le projet soit renvoyé à la section centrale. Cependant, je ferai remarquer qu'il s'agit tout simplement d'un article du budget, que nous avons tous examiné et qui a obtenu l'approbation de toutes les sections. Je ne vois pas le moindre inconvénient à ce que cet article du budget soit mis aux voix immédiatement. De cette manière on ne fera pas attendre les populations qui ont besoin de travail et de pain.
Ces populations ne peuvent pas attendre deux ou trois mois, car elles seraient mortes de faim.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - C'est pour obtempérer au vœu de la chambre que j'ai présenté un projet de loi, mais cette présentation n'était pas nécessaire ; j'aurais pu me borner à demander que la chambre votât séparément l'article du budget qui concerne les chemins vicinaux. J'ai voulu régulariser la chose en présentant un projet de loi.
L'objection de M. Orban, qu'il faudra deux mois pour l'instruction des demandes, cette objection tombera devant les faits. Dès le mois de janvier dernier, j'ai adressé aux gouverneurs une circulaire dont je me permettrai de donner lecture à la chambre :
« Circulaire à MM. les gouverneurs des provinces.
« Bruxelles, le 20 janvier 1846.
« M. le gouverneur,
« Il est à présumer que la législature n'hésitera pas à maintenir au budget de mon département, pour cette année, le crédit ordinaire qui a pour but l'amélioration de la voirie vicinale : les bons effets de cette allocation sont trop universellement reconnus pour qu'un doute puisse s'élever, au sein des chambres législatives, sur son utilité.
« Mais, comme diverses causes reculeront, sans doute, l'adoption du budget du département de l'intérieur et que, d'un autre côté, les circonstances doivent faire vivement désirer que l'on puisse, cette année, entreprendre de bonne heure les travaux à effectuer à la voirie vicinale, ce qui fournirait une nouvelle occupation à quelques bras inactifs, je crois devoir vous prier, M. le gouverneur, de vouloir bien engager la députation permanente à réunir, dès à présent, les éléments des propositions qu'elle aura à m'adresser pour la répartition des subsides de 1846 et à activer l'instruction des demandes des communes, de telle sorte que je sois mis à même de répartir, dès l'adoption du budget, si non la totalité, du moins la plus grande partie du crédit.
« Je considère cet objet comme très important et je suis persuadé, M. le gouverneur, que la députation permanente s'associera à cette sollicitude à l'effet de faire jouir les communes, le plus tôt possible, des bienfaits de celle utile allocation. »
Tous les gouverneurs ont répondu à cet appel, et en conséquence le gouvernement se trouve à même de donner suite à la répartition.
Je demanderai à la chambre la permission de lire aussi l'exposé des motifs qui accompagne le projet. Il est ainsi conçu :
« Messieurs, les crédits que la législature a alloués successivement pendant une suite de cinq années pour la voirie vicinale, ont éveillé chez la plupart des communes une louable émulation pour l'amélioration de leurs chemins agricoles.
« Les encouragements que le gouvernement s'est vu à même de distribuer dans toutes les parties du rovaume, ont produit les résultats les plus remarquables et excité, chez un grand nombre de localités, un développement extraordinaire de sacrifices et d'efforts.
« Par suite de l'heureuse impulsion qui a été imprimée à ce service, un grand nombre d'administrations communales ont déjà pris des dispositions pour entamer, pendant cette saison, de grands travaux d'amélioration, et elles n'attendent, pour y mettre la main, que la certitude d'être secourues par l'Etat.
« Le retard apporté cette année à la discussion et au vote du budget du département de l'intérieur, a fait naître chez un grand nombre de membres des chambres, la crainte que ces communes ne perdissent, dans l’attente de ces encouragements, une partie et peut-être même la totalité de la saison favorable aux travaux ; et le désir de mettre le gouvernement à même de leur assurer, immédiatement, les subsides auxquels elles peuvent avoir droit, a été manifesté de toutes parts.
« C'est pour répondre à ce vœu et pour satisfaire à l'engagement qu'il a pris à cet égard, que le gouvernement croit devoir demander, immédiatement, et sans attendre la discussion du budget de l'intérieur, un crédit de 300,000 francs pour l'amélioration de la voirie vicinale.
« Déjà le vœu des chambres avait été présenté, et une circulaire ministérielle, dont une copie est annexée au présent exposé, avait recommandé, dès le 20 janvier dernier, à MM. les gouverneurs des provinces, d'activer la présentation des propositions pour la répartition du crédit éventuel à accorder par la législature. Cette circulaire faisait remarquer que la prompte répartition du crédit offrirait un nouveau moyen d'occuper, sur quelques points, les bras désœuvrés et de diminuer pour la classe nécessiteuse les maux résultant du renchérissement des denrées alimentaires. »
M. Dumortier. - Messieurs, quelques membres demandent la discussion immédiate du projet de loi. Je conçois les motifs qui ont engagé le gouvernement à nous présenter ce projet ; j'approuve le projet au fond, mais je ne pense pas que nous devions sortir pour cela des formes que le règlement nous prescrit. Il faut que la chambre se soumette aux prescriptions du règlement ; sinon, elle poserait un précédent excessivement fâcheux et vicieux. Le règlement porte que lorsqu'un projet de loi est présente, il sera imprimé et distribué, et renvoyé ensuite, soit aux sections, soit à une commission. Nous devons nécessairement nous conformer à cette disposition du règlement, pour le projet de loi dont il est question.
Je ne puis pas, d'un autre côté, m'associer à ce qu'on a dit, relativement à l'excessive urgence de ce projet ; mais l'extrême urgence dont on parle n'existe pas en réalité.
Quels sont, en effet, les seuls travaux qu'on puisse faire, en fait de chemins vicinaux ? Ce sont les empierrements et les pavés ? Tout subside qui serait accordé pour des terrassements purs et simples serait appliqué à des travaux qui n'auraient qu'une durée d'un an, de six mois peut-être. Les fonds que nous accordons pour l'amélioration des chemins vicinaux doivent être employés à des travaux solides, à des travaux de durée. Lorsqu'on viendra à la discussion de l'article, je demanderai au gouvernement si c'est bien dans ce sens qu'il entend répartir la somme allouée pour les chemins (page 1031) vicinaux (interruption) ; si c'est dans ce sens qu'on l'entend, je vous le demande, est-ce qu'on peut faire des pavés, des empierrements au mois de mars ? Cela n'est pas exécutable.
Les motifs d'urgence extrême qu'on a invoqués n'existent donc pas. Il n'y a donc non plus aucune nécessité, pour sortir des formes prescrites par notre règlement. Je demande en conséquence le renvoi du projet de loi à la section centrale.
M. de Theux. - La section centrale pourrait se réunir immédiatement. Je ne pense pas non plus que la chambre puisse voter un projet de loi à l'instant même de la présentation, sans qu'aucune commission en ait pris connaissance
Il est arrivé souvent qu'un projet de loi a été présenté et voté séance tenante.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je l'entendais comme cela.
M. de Theux. - Mon observation m'a été suggérée par cette circonstance qu’il s'agit ici d'un extrait du budget de l'intérieur, et que dans le projet de loi proposé, on ne rattache pas à ce budget le crédit demandé. Il serait bon de dire que ce crédit formera tel chapitre du budget de l'intérieur.
Du reste, la section centrale examinera si la forme est convenable. Quant au fond, j'appuie entièrement la proposition de M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, quand j'ai demandé à la chambre qu'elle voulût procéder immédiatement à l'examen du projet de loi, il entrait bien dans ma pensée que le projet serait préalablement soumis à la section centrale et que toutes les règles seraient observées.
Messieurs, je suis convaincu de l'urgence du projet de loi, et je pense qu'en le volant immédiatement et sans nouveau rapport, il n'y aurait ni précèdent fâcheux, ni précédent vicieux.
En effet, que nous propose-t-on en réalité ? On nous propose le vote du chapitre VI du budget de l'intérieur. Cette question a été examinée par les sections et par la section centrale, et celle-ci nous a fait son rapport ; ainsi, toutes les formalités sont réellement accomplies.
On a beau dire que c'est un nouveau projet qu'on nous présente. Ce projet n'est que le remplacement du chapitre VI. Au reste, comme l'a déjà fait observer M. le ministre de l'intérieur, ce nouveau projet était parfaitement inutile. Si hier, au lieu de provoquer la présentation d'un nouveau projet, l'on avait simplement demandé de détacher du budget le chapitre VI, et si l'on avait proposé la discussion immédiate, il n'y avait aucune objection à faire, quant à la forme ; la chambre étant saisie du rapport de la section centrale, nous pouvions immédiatement passer au vote. Ainsi, je ne pense pas qu'on doive ici s'arrêter devant cette légère nuance, qu'au lieu d'avoir détache le chapitre VI du budget, on a présenté un projet qui au fond est la même chose.
Je crois donc qu'il y a urgence et qu'on peut passer immédiatement à la discussion, sans même demander un nouveau rapport.
- La discussion est close.
La chambre décide qu'il sera procédé immédiatement à la discussion du projet de loi concernant la voirie vicinale, et que la suite de la discussion sur le projet de loi concernant l'accise du sel sera postposée.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« II est ouvert au département de l'intérieur, pour l'exercice courant, un crédit de 300,000 fr., sous le titre : encouragements divers pour la voirie vicinale. »
La discussion générale est ouverte, elle se confond avec celle de l'article unique du projet.
La parole est à M. de la Coste.
M. de La Coste. - Messieurs, quels que soient les motifs d'urgence qu'on a allégués et dont la chambre a reconnu le fondement, il faut convenir qu'il y a un grand désavantage dans la marche que nous suivons, par suite de faits qui sont étrangers a la chambre. En effet, si cette discussion avait trouvé place dans celle du budget de l'intérieur, nous aurions fait ce que nous faisons tous les ans, c'est-à-dire qu'à l'occasion de l'examen de ce chapitre, nous aurions présenté les besoins de nos arrondissements, et nous aurions, en outre, examiné scrupuleusement la manière dont le crédit a été employé les années précédentes. Maintenant, sans qu'il y ait de l'intention de la part de personne, c'est presque une surprise, et l'on n'a pas même les pièces en main.
Si j'avais sous les yeux le tableau qui est joint au rapport de la section centrale du budget de l'intérieur, je démontrerais, entre autres, que le Brabant a été traité avec une extrême inégalité dans le partage de cette somme ; que, pendant que cette province contribue dans une proportion énorme aux charges de l'Etat, elle obtient une part insignifiante de ce subside.
Je me permettrai encore une observation. Lorsque le gouvernement s'était décidé à donner de l'ouvrage à la classe laborieuse dans les différentes parties du royaume, il avait assigné, autre autres, à l'arrondissement de Louvain une part qui consistait dans la roule de Zammel et dans celle d'Aerschot. Qu'est-il arrivé ? En conséquence d'un vote de la chambre, une de ces routes ne s'exécute pas, l'autre ne s'exécute qu'imparfaitement. C'est, je pense, une considération qui doit avoir son poids dans l'esprit de M. le ministre de l'intérieur, pour chercher à réparer, par quelque compensation, l'inégalité qui résulte de ce vote de la chambre, vote qui, d'ailleurs, n'avait rien de contraire à ces travaux, mais qui a été dicté par d'autres considérations.
Je recommanderai à M. le ministre de l’intérieur l'exécution d'une autre route dans la même localité, celle de Léau vers Diest. C'est une route d'une grande importance pour l'agriculture ; ce sera une faible indemnité des travaux qui nous étaient promis et qui ne s'exécutent pas. C'est une route qui avait été d'abord proposée comme route de l'Etat, mais qu'on n'a plus guère espoir de voir s'exécuter comme route vicinale de grande communication.
M. David. - Messieurs, il me paraît que la chambre a déjà statué sur la question dont on s'occupe en ce moment. Si l'honorable M. de La Coste vient réclamer pour ses localités, il me semble qu'on va embraser la chambre, et que tout le monde ici sera obligé d'en faire autant.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, certains principes généraux ont été posés pqr plusieurs de mes prédécesseurs, pour la répartition des sommes destinées à la voirie vicinale.
La sagesse et l'utilité de ces principes ont été constatés par l'expérience. Je puis déclarer à la chambre que la plus sévère impartialité présidera à la nouvelle répartition et que les règles de la seule justice distribulive seront scrupuleusement observées. Je crois que cette déclaration suffit pour mettre un terme aux autres recommandations que chaque membre de la chambre, à l'occasion de la présentation de ce projet de loi, croirait devoir faire en faveur de tel arrondissement ou de telle province.
M. Orban. - L'honorable M. de La Coste vient de faire une observation très juste. C'est qu'en détachant, comme on vient de le faire, le crédit relatif aux chemins vicinaux du budget de l'intérieur, et en le discutant comme on le fait à l'improviste, on supprime en réalité l'examen de l'une des parties les plus importantes du budget. Ordinairement cette allocation donnait lieu à une foule d'observations importantes qui ne pourront être produites cette année, parce que personne n'est préparé. Je n'insisterai pas sur ce point, puisque la chambre a prononcé, mais je tiens à faire connaître à la chambre les motifs pour lesquels je désirerais que l'on procédât avec plus de lenteur et de régularité !
A Dieu ne plaise que je vienne contredire ce qui a été avancé sur la situation de la classe ouvrière et affaiblir l'impression qu'a produite sur vous la motion de l'honorable M. de Tornaco !
Dans la province de Luxembourg et dans la partie ardennaise surtout, la misère est vraiment extrême et dépasse tout ce que l'on pourrait dire. Il est une foule de localités dans lesquelles toutes espèces de provisions sont épuisées et où l'on en est réduit aux céréales et autres denrées alimentaires que l'on doit faire venir d'Anvers à grands frais. Nous n'avons pas même, comme dans les Flandres, la ressource de ces plantes légumineuses que l'on cultive pour la nourriture du bétail, et dont l'homme doit se nourrir à défaut d'autre aliment. Nous n'avons dans les Ardennes d'autres ressources que les céréales et les pommes de terre ; et les unes ont manqué tandis que les autres sont épuisées. J'ajouterai même que cette misère ira en augmentant jusqu'à la nouvelle récolte, mais c'est parce que la rareté et le prix des denrées alimentaires ne feront que s'accroître, car maintenant que nous sortons de la morte saison, que les travaux de la campagne vont reprendre leur activité, l'on ne doit plus craindre au même point que le travail manque à la classe ouvrière.
En m'opposant à l'adoption immédiate, j'ai voulu empêcher que la distribution du subside de 300,000 francs, faite par le gouvernement sous l'influence de ces idées et de cette préoccupation, ne fût contraire aux règles de la justice distributive et que, guidé par le désir de venir en aide à des localités et des provinces qui se présenteraient comme plus nécessiteuses que d'autres, on ne s'écartât des principes que le gouvernement s'est imposés pour la distribution des encouragements à la voirie vicinale. J'ai craint en un mot que la somme de 300 mille francs ne fût distribuée comme l'a été la partie du fonds de 2 millions mis à la disposition du gouvernement qui a été appliquée à l'amélioration de la voirie vicinale pour procurer de l'ouvrage a la classe ouvrière.
On sait comment cette distribution a été faite. Comme il y avait urgence, l'instruction ordinaire en ces sortes d'affaires n'a pu être suivie, l'on a dû accorder à qui demandait au nom du besoin et les premières demandes faites ont dû être accueillies. Je n'en fais pas un reproche à M. le ministre. Cette manière de procéder était une conséquence nécessaire de sa position, car le temps manquait pour suivre la marche ordinaire, et toute temporisation était impossible.
Mais il me semble que le temps est venu de rentrer dans la règle ordinaire et je pense que la distribution des 300 mille fr. doit être faite aux provinces et aux communes d'après les principes posés par M. le ministre de l'intérieur dans sa dépêche du 29 mars 1835, et selon les règles d'une bonne justice distributive. Il doit être convenu que l'emploi de cette allocation doit avoir pour objet l'amélioration de la voirie vicinale d'abord, et accessoirement ou par voie de conséquence seulement, de procurer du travail à la classe ouvrière. C'est parce que j'ai craint qu'il n'en fût pas ainsi et que l'on ne distribuât les 300 mille fr., comme a dù l'être la partie des deux millions qui a dû être employée à l'amélioration des chemins vicinaux que j'ai cru qu'une discussion était nécessaire, et que j'ai voulu empêcher la précipitation extrême que l'on a mise à voter ce projet de loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Si l'honorable membre avait eu la bonté de prêter un peu d'attention aux paroles que j'ai eu l'honneur de prononcer tout à l'heure, les craintes qu'il a exprimées ne seraient pas nées dans son esprit. J'ai dit que les règles posées par mon prédécesseur pour la distribution des fonds alloués pour l'amélioration de la voirie vicinale seraient observées, qu'on ne s'écarterait en rien des règles de la plus stricte justice distributive. C'est ce que l'honorable membre demande, et (page 1032) demande avec pleine et entière justice ; dès lors ces déclarations sont de nature à calmer entièrement les craintes qu'il a exprimées.
À cette occasion l'honorable membre, s'écartant de l'objet en discussion, a dit un mot de la répartition de la partie des deux millions appliquée aux chemins vicinaux.
Tout le monde sait, a-t-il dit, que cette répartition s'est faite sans instruction préalable. Je prie l'honorable membre de croire qu'il a été complétement induit en erreur ; car des instructions aussi complètes que possibles ont constamment précédé la distribution des sommes. J'ai déjà pris, sous ce rapport, une mesure qui mettra la chambre à même de juger si la répartition des deux millions s'est faite constamment suivant les règles de la justice distributive. Soit que j'aie l'honneur de rester dans les conseils de la couronne, soit que ma démission soit acceptée par Sa Majesté, j'ai mis la dernière main à un rapport au Roi qui sera soumis aux chambres, dans lequel j'expose les règles qui ont servi de base à l'emploi et à la distribution des deux millions.
Je ne veux pas que la responsabilité de ces mesures tombe sur d'autres que sur moi, et j'assume la responsabilité des distributions que j'aurai faites pendant que je serai resté au pouvoir.
M. de Muelenaere, ministre d’Etat. - Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur ; je renonce à la parole.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable préopinant a regretté que cette discussion ne fût pas détachée du budget, parce qu'il aurait désiré que chacun pût faire valoir les intérêts et les besoins de sa localité. Je crois pouvoir le rassurer à cet égard, car quand nous en viendrons à la discussion du budget, il sera facile de démontrer que ces trois cent mille francs ne suffiront pas et que la chambre doit voter une augmentation de subsides. Par conséquent chacun de nous qui le trouvera bon fera valoir les intérêts de sa localité.
On a fait observer que le Brabant avait obtenu une faible part dans les 300,000 fr. votés l'an dernier. J'aime à croire que l'honorable membre est bien informé.
Il est probable alors que dans le Brabant les chemins sont en meilleur état que dans d'autres localités, ou que les communes n'ont pas voulu faire les sacrifices nécessaires pour obtenir des subsides. En thèse générale, les localités qui ont obtenu les subsides les plus élevés ont été appelées à faire des dépenses plus grandes que les communes qui n'en ont pas obtenu. Les communes qui ont demandé des secours se sont exécutées et ont fait d'immenses dépenses pour améliorer les chemins vicinaux. C'est un point très important pour le pays en général et pour l'agriculture en particulier, que l'amélioration de la voirie vicinale.
Je ne suivrai pas l'honorable M. Orban sur le terrain sur lequel il a voulu nous placer. Il a voulu mettre en question s'il y avait urgence de procurer des moyens de travail aux populations des campagnes ; il a dit que les travaux de la campagne allaient recommencer et que les ouvriers n'avaient plus besoin qu'on leur créât des moyens de travail en votant des fonds pour l'amélioration des routes. Il est possible qu'il en soit ainsi dans les localités que connaît l'honorable membre ; mais dans le Hainaut, le Brabant, la province de Liège et celle de Namur, pour la campagne, la saison morte dure jusqu'au 24 juin. C'est donc maintenant qu'il faut cherchera donner du travail à ces populations qui en manquent. (La clôture !)
M. Orban. - Je désire ajouter quelques mots pour rectifier le sens que M. le ministre de l'intérieur a donné à mes paroles. Il a pensé que je blâmais la manière dont il a été fait emploi de la somme de 2 millions. Il n'en est rien. J'ai dit seulement que la part des deux millions qui a été affectée à la réparation des chemins vicinaux avait dû être distribuée sans qu'on se conformât à l'instruction et aux règles habituellement suivies. Mais loin de blâmer ce qui a été fait, j'ai dit au contraire que cette promptitude était une conséquence nécessaire de sa position et j'ai approuvé ce qu'il avait fait.
J'ai aussi deux mots à répondre à l'honorable M. Eloy de Burdinne, qui s'est mépris sur le sens de mes paroles.
M. le président. - Ce n'est plus le fait personnel.
M. Orban. - Je croyais qu'il m'importait de ne point laisser de doute sur la portée de mes paroles, dans une matière aussi essentielle, mais puisque mon droit de m'expliquer à cet égard est douteux, je n'insisterai pas.
M. de Mérode. - Il y a évidemment fait personnel. On fait dire à l'honorable M. Orban précisément le contraire de ce qu'il a dit.
M. Orban. - Sans doute. On me fait dire que le Luxembourg n'a besoin de rien. Je crois que s'il est des paroles contre lesquelles on doive protester, ce sont bien celles-là. Je ne crois donc pas abuser, en cette occasion, du droit de réclamer la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Lorsqu'on interprète mal un discours, cela ne constitue pas un fait personnel. Sans quoi, je devrais accorder constamment la parole pour des faits personnels.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Je ne puis accorder la parole à l’honorable membre ; car il n'y a pas la de fait personnel. La parole est à M. Dumortier sur la clôture.
M. Dumortier. - Je voulais faire valoir les droits de la province du Hainaut.
Mais puisque la chambre paraît empressée de clore cette discussion, je n'insiste pas pour la prolonger.
M. de La Coste. - Ce qui m'a porté à demander la parole, ce qui me fait désirer que la discussion continue, c'est que M. le ministre de l'intérieur, si je l'ai bien compris, a déclaré qu'on suivrait la même marche que les années précédentes ; or dans la section centrale, si ma mémoire ne me trompe, on s'est prononcé d'une voix unanime contre la marche qui a été suivie. Je voudrais donc pouvoir provoquer de nouvelles explications, car si je devais prendre cette déclaration à la lettre, si je ne devais pas espérer que M. le ministre fera une répartition plus égale que par le passé, je devrais à regret refuser mon suffrage à la loi.
M. le président. - Je rappellerai à l'honorable membre qu'il ne s'agit que de la demande de clôture.
- La chambre consultée prononce la clôture.
M. Osy. - L'honorable M. de Theux a fait une observation fort juste ; il devrait être fait mention dans la loi que ce crédit forme un article du budget de l'intérieur.
M. le président. - La discussion est close. Aucune proposition n'est plus recevable. Mais il a été déclaré que l'article serait ainsi entendu.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 47 membres qui prennent part au vote, un membre (M. Loos) s'étant abstenu parce qu'il n'a pas assisté à la discussion.
Ont pris part au vote : MM. Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Orban, Osy, Rodenbach, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Veydt, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Clep, David, de Baillet, de Bonne, Dechamps, de Chimay, de Haerne, de La Coste, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange.
- La séance est levée à 4 heures et demie.